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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/109/2012

ATA/784/2013 du 26.11.2013 sur JTAPI/596/2013 ( LCI ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ; ZONE INDUSTRIELLE ET ARTISANALE ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; AUTORISATION DÉROGATOIRE(PERMIS DE CONSTRUIRE) ; CONFORMITÉ À LA ZONE ; CHANGEMENT D'AFFECTATION ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU
Normes : Cst.29.al2 ; LAT.22 ; LaLAT.19 ; LaLAT.26
Parties : MEIGERHORN NATION SARL, SIDLEY AUSTIN LLP / VILLE DE GENEVE, DEPARTEMENT DE L'URBANISME, SIDLEY AUSTIN LLP, MEIGERHORN NATION SARL, VILLE DE GENEVE, DEPARTEMENT DE L'URBANISME
Résumé : Confirmation d'un jugement du TAPI annulant une autorisation d'aménager provisoirement en bureaux destinés à l'usage d'une étude d'avocats des locaux sis en zone industrielle et artisanale. Le département a octroyé ladite autorisation sous la forme d'une simple tolérance, omettant de solliciter le préavis de la commission de l'urbanisme et sans analyser les conditions d'une éventuelle dérogation, ni instruire tous les éléments permettant de fonder sa décision. Le dossier lui est par conséquent retourné pour nouvelle décision.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/109/2012-LCI ATA/784/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 novembre 2013

2ème section

 

dans la cause

 

MEIGERHORN NATION S.à r.l.

représentée par Me Jean-Marc Siegrist, avocat

et

SIDLEY AUSTIN LLP
représentée par Me Alain Maunoir, avocat

 

contre

 

VILLE DE GENÈVE
et
DÉPARTEMENT DE L'URBANISME

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 mai 2013 (JTAPI/596/2013)


EN FAIT

1) Meigerhorn Nation S.à r.l. est propriétaire de la parcelle no 203, feuille 17 de la commune de Genève-Petit-Saconnex, située en zone industrielle et artisanale, sur laquelle se trouve un immeuble sis aux 15 et 15bis chemin des Mines, lieu-dit « Sécheron ».

2) Alors que cet immeuble avait été placé sous gestion légale de l'office des poursuites, avant son acquisition par Meigerhorn Nation S.à r.l., le département des constructions et des technologies de l'information (ci-après : DCTI), devenu depuis lors le département de l'urbanisme (ci-après : DU) a indiqué par courrier du 29 mai 2006 qu'une autorisation de construire avait été délivrée le 25 juillet 2000 pour l'entreprise Serono, sans référence à une quelconque dérogation ou tolérance provisoire. La direction de l'aménagement du territoire s'était par ailleurs déterminée favorablement sur le projet, malgré la situation de l'immeuble en zone industrielle. Rien ne s'opposait dès lors à ce que l'affectation admise pour Serono le soit pour d'autres utilisateurs, sous réserve des questions liées à d'éventuels travaux d'aménagement soumis à la législation en la matière.

3) Le 30 juin 2009, le conseiller d'Etat en charge du département a précisé à l'attention du Conseil administratif de la Ville de Genève (ci-après : la ville), dans le cadre d'un autre projet dans le même immeuble, que l'affectation administrative provisoire de diverses surfaces avait été tolérée depuis plusieurs années par son département. Ainsi, rien ne s'opposait à ce que l'affectation administrative en cause puisse être à nouveau tolérée, à titre provisoire, ad personam et sans que cela n'entraîne de changement d'affectation définitif de l'immeuble.

4) Sidley Austin LLP est une étude d'avocats dont le siège est à Chicago (Etats-Unis d'Amérique), employant environ 1'700 collaborateurs dans le monde et disposant de plusieurs bureaux et succursales aux Etats-Unis, en Asie et en Europe, notamment à Bruxelles et Genève. Le bureau de Genève est spécialisé dans le commerce international, notamment auprès des institutions de l'Organisation des Nations Unies (ci-après : ONU).

5) Au début de l'année 2011, Sidley Austin LLP a manifesté auprès de Meigerhorn Nation S.à r.l. son intérêt à louer un plateau d'environ 950 m2 pour y installer des bureaux au 2ème étage de l'immeuble précité. Dans ce cadre, il a été demandé par courrier du 28 février 2011 au DCTI s'il voyait une objection à une telle occupation de l'immeuble, étant précisé qu'il s'agirait d'une tolérance provisoire n'entraînant pas de changement d'affectation définitif de l'immeuble.

6) Le 7 mars 2011, le DCTI a déclaré être prêt à tolérer, à titre provisoire et sans que cela n'entraîne un changement d'affectation définitif des locaux, une affectation administrative de ces derniers en vue d'un éventuel contrat de bail avec Sidley Austin LLP. Toute autre modification apportée à l'état existant allait devoir faire l'objet d'une demande en autorisation de construire.

7) Le 18 mars 2011, Meigerhorn Nation S.à r.l. et Sidley Austin LLP ont conclu un contrat de bail à loyer pour locaux commerciaux, valable du 1er avril 2011 au 31 mars 2021.

8) Au début du contrat de bail, Sidley Austin LLP a fait procéder dans les locaux à des travaux de rénovation et de rafraîchissement relativement importants, selon ses propres termes.

9) Le 23 mai 2011, elle a parallèlement déposé une requête en autorisation de construire no APA 34849 – 4 portant sur l'aménagement provisoire de bureaux au 2ème étage de l'immeuble.

10) Le 12 juillet 2011, la Fondation pour les terrains industriels (ci-après : FTI) a rendu un préavis défavorable à cette demande, en raison de l'incompatibilité du projet d'aménagement de bureaux pour une étude d'avocats avec les normes de la zone industrielle et artisanale.

11) Le 21 juillet 2011, la ville a préavisé défavorablement le projet prévoyant la création de surfaces d'affectation tertiaire en zone industrielle et artisanale, alors qu'une telle zone n'avait pas pour vocation d'accueillir des bâtiments administratifs destinés à des activités étrangères à l'industrie.

12) Le 7 septembre 2011, la FTI est revenue sur son préavis du 12 juillet précédent, rejoignant la position de l'office de l'urbanisme selon son courrier du 7 mars 2011 précité et se déclarant favorable au projet.

13) Les autres autorités consultées dans le cadre de la procédure d'autorisation ont toutes émis des préavis favorables, ou formulés sans observations.

14) Par décision du 25 novembre 2011, le DCTI a refusé l'autorisation de construire au motif que l'aménagement projeté n'était pas conforme à l'affectation de la zone, dès lors qu'il n'était pas destiné à une activité industrielle, artisanale ou ferroviaire.

15) Le 13 janvier 2012, Sidley Austin LLP a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation et à ce que l'autorisation de construire lui soit délivrée. Elle concluait préalablement d'une part à ce qu'il soit ordonné au DCTI de produire une liste de l'ensemble des autorisations de construire délivrées pour la parcelle depuis la construction de l'immeuble concerné, ainsi qu'une copie complète des dossiers d'autorisation de construire et, d'autre part, à ce que le département soit invité à soumettre le dossier litigieux à la commission de l'urbanisme, en vue d'une dérogation aux dispositions applicables.

Pour exercer son activité à Genève, elle devait pouvoir disposer de locaux situés à proximité des organisations internationales. L'immeuble sis 15 et 15bis chemin des Mines était justement situé non loin de l'Organisation mondiale du commerce (ci-après : OMC) et de l'Organisation météorologique mondiale (ci-après : OMM). La parcelle se trouvait en zone industrielle et artisanale, mais était contiguë à la zone 3, sur le côté nord-est, ainsi qu'aux zones 2 et de développement 3 à l'ouest. Le périmètre de la zone industrielle et artisanale en question était de petite taille et isolé de toute autre zone identique. Par ailleurs, la plupart des bâtiments voisins étaient utilisés pour des activités administratives ou commerciales et un projet de construction de logements pour étudiants était mené.

La décision litigieuse était contraire aux principes de la bonne foi et de l'égalité de traitement. Une dérogation à l'affectation de la zone aurait dû être accordée, conformément aux normes applicables.

16) La cause a été enregistrée sous le numéro de procédure A/109/2012.

17) Le 22 février 2011, la ville est intervenue dans la procédure, concluant au rejet du recours.

Depuis 1961, le secteur concerné avait subi quatre modifications des limites de zone. En 1991, une partie de la zone ferroviaire avait été versée en zone de développement 3 destinée à des logements ainsi qu'à des activités administratives pour les organisations internationales et des dépôts et bâtiments industriels. En 1992, l'extrémité nord de la zone industrielle avait été colloquée en zone de développement 3 destinée à des organisations internationales. La même année, une partie de la zone ferroviaire située à l'ouest de la zone industrielle avait été déclassée pour être incorporée à cette dernière. Le plan localisé de quartier adopté en vue de concrétiser ce dernier changement en construisant des bâtiments R+2 et R+5 à vocation industrielle était cependant resté sans effet. Enfin, en 2009, la partie ouest de la zone avait été versée pour partie en zone 2 ordinaire et pour partie en zone 2 affectée à des activités mixtes, ce qui avait permis d'installer le siège d'une société multinationale avec mixité d'activités, un P+R et des logements d'étudiants. Malgré ce récent déclassement, aucune demande formelle n'avait été déposée en vue de modifier les limites de zones pour la parcelle n° 203 ou dans l'ensemble de la zone industrielle du secteur Sécheron. Pourtant, ce secteur subissait une grande mutation puisqu'un projet de loi déposé par le Conseil d'Etat prévoyait la création de zones d'affectation 3 de développement et 4A destinées prioritairement aux organisations internationales, tout en assurant la pérennité de certains espaces verts. S'agissant plus spécifiquement des activités ayant cours dans la zone industrielle considérée, elles correspondaient pour la plupart à l'affectation, sous réserve de quelques exceptions.

La décision de refus de délivrer l'autorisation de construire sollicitée rendue le 25 novembre 2011 par le département était fondée et respectait les principes de la bonne foi et de l'égalité de traitement. C'était à juste titre qu'aucune dérogation n'avait été accordée.

18) Le 23 février 2012, Meigerhorn Nation S.à r.l. a également recouru contre la décision du 25 novembre 2011 auprès du TAPI. Elle a conclu principalement à son annulation et à la délivrance de l'autorisation de construire et, subsidiairement, au renvoi du dossier au département afin qu'il accorde une dérogation et délivre l'autorisation sollicitée.

Le DCTI tolérait de longue date l'affectation de la zone concernée à des activités administratives. Preuve en étaient les diverses sociétés, entreprises, missions permanentes et organisations internationales, dont les activités n'étaient ni industrielles, ni artisanales, qui occupaient des locaux dans cette zone, bien qu'elle fût industrielle et artisanale. L'extrait du registre foncier mentionnait d'ailleurs que l'immeuble sis 15 et 15bis chemin des Mines était destiné à des bureaux. Selon les extraits du système d'information du territoire genevois (ci-après : SITG), des autorisations de construire avaient été délivrées par le département entre 1996 et 2010 dans la zone industrielle et artisanale concernée, portant notamment sur un « changement d'affectation d'une halle en salle de réunions », un « réaménagement partiel de bureaux au 2ème étage », une « transformation de bureaux », des « transformations intérieures de locaux artisanaux avec bureaux au 1er étage », un « aménagement de bureaux au 6ème étage », des « transformations intérieures – création de trois locaux administratifs », ainsi qu'un « aménagement de salles de cours au 4ème étage ».

Elle considérait, à l'instar de Sidley Austin LLP, que la décision litigieuse était contraire aux principes de la bonne foi et de l'égalité de traitement et qu'une dérogation à l'affectation de la zone aurait dû être accordée, conformément aux dispositions applicables.

19) Par décision du 19 juin 2012, après diverses discussions, le département a finalement accordé l'autorisation de construire sollicitée. Cette nouvelle décision annulait et remplaçait le refus notifié le 25 novembre 2011. L'autorisation était délivrée à titre provisoire jusqu'au 31 mai 2017 (point no 8). Elle a été publiée dans la Feuille d'avis officielle du 26 juin 2012.

20) Le 15 août 2012, la ville a recouru contre cette décision auprès du TAPI, concluant principalement à son annulation. Subsidiairement, l'autorisation litigieuse devait être modifiée en son point no 8 afin de préciser que dite autorisation n'était pas renouvelable. Préalablement, le bail actuel et le précédent devaient être produits, de même que le descriptif et la facture des travaux déjà réalisés par Sidley Austin LLP avant la requête et le descriptif des travaux envisagés.

Dans la mesure où l'activité d'une étude d'avocats n'était ni industrielle, ni artisanale, l'autorisation délivrée ne respectait pas l'exigence légale de conformité à l'affectation de la zone. Le caractère provisoire des transformations projetées était en outre douteux.

21) La cause a été enregistrée sous le numéro de procédure A/2635/2012.

22) Les 1er et 29 octobre 2012, Sidley Austin LLP et Meigerhorn Nation S.à r.l. ont répondu, concluant au rejet du recours et à la confirmation de l'autorisation de construire délivrée le 19 juin 2012, reprenant leur argumentation précédente.

23) Le 2 novembre 2012, le TAPI a tenu une audience lors de laquelle il a prononcé la jonction des procédures A/109/2012 et A/2635/2012.

Meigerhorn Nation S.à r.l. a déclaré que plusieurs étages de l'immeuble concerné étaient occupés par la Fondation immobilière de droit public pour les organisations internationales (ci-après : FIPOI). L'Etat de Genève en était évidemment lui-même au courant.

Sidley Austin LLP a déclaré que le préjudice essentiel qui découlerait du refus d'autorisation consistait dans les travaux déjà été effectués, ainsi que dans la nécessité de trouver d'autres locaux dans un périmètre proche et de déménager.

24) Le 21 janvier 2013, le TAPI a invité le département à fournir des explications sur sa pratique développée en matière d'affectations administratives dans la zone industrielle et artisanale visée par la procédure. Le refus d'autorisation ayant été notifié dans un premier temps semblait indiquer que les dérogations dans le secteur n'étaient pas systématiquement octroyées. Ainsi, le DU était invité :

- à indiquer le nombre d'autorisations pour des affectations administratives octroyées depuis 2000 dans le secteur considéré, respectivement le nombre des refus ;

- à illustrer par deux exemples d'autorisation, respectivement de refus, les considérations qui dictaient la pratique du département ;

- à préciser, eu égard au point précédent, les considérations qui avaient amené dans un premier temps le département à refuser l'autorisation, puis à l'octroyer ;

- à indiquer, au cas où l'octroi de dérogations serait une pratique constante et systématique, si le département avait l'intention de la poursuivre à l'avenir.

25) Le 1er mars 2013, le DU a répondu que son système informatique ne permettait pas de répertorier de manière distincte les autorisations délivrées pour des affectations administratives. Il ne lui était par conséquent pas possible d'indiquer le nombre des autorisations délivrées, ni celui d'autorisations refusées à ce titre. Il n'existait pas de pratique en la matière, chaque cas faisant l'objet d'une analyse individuelle compte tenu des circonstances entourant concrètement le projet.

L'autorisation litigieuse avait été octroyée suite aux explications fournies par les requérants, notamment le fait qu'ils occupaient d'ores et déjà une partie des locaux en question et que leurs activités étaient intimement liées aux organisations internationales situées dans le secteur. Le caractère provisoire de l'autorisation avait également été un facteur déterminant dans la décision d'octroi de la dérogation. Il en découlait que l'octroi de dérogations n'était pas une pratique constante et systématique de l'administration.

26) Par jugement du 23 mai 2013, le TAPI a admis le recours et annulé la décision d'autorisation de construire délivrée le 19 juin 2012.

La décision querellée était contraire au droit, dès lors que le projet d'aménagement de bureaux pour une étude d'avocats n'était pas conforme à l'affectation de la zone industrielle et artisanale. Même si la question d'une dérogation se posait, l'autorisation de construire ne pouvait subsister telle quelle, car le fait de la délivrer pour une durée déterminée, sous forme de simple tolérance, ne correspondait pas au régime légal fondé soit sur l'octroi d'autorisations ordinaires, soit sur l'octroi de dérogations.

Les conditions permettant l'octroi d'une dérogation n'étaient pas réalisées. Le point no 8 de l'autorisation de construire litigieuse ne revêtait pas de caractère contraignant dès lors que le département était dans l'incapacité d'extraire de ses registres les autorisations ayant déjà impliqué un changement d'affectation et de justifier d'une pratique clairement définie en la matière. Par ailleurs, aucun autre motif de dérogation n'était établi en l'état. Le fait que Sidley Austin LLP occupait déjà les locaux au moment de la délivrance de l'autorisation n'était pas pertinent. Concernant la nécessité pour l'étude d'avocats de disposer de bureaux à proximité des organisations internationales, cette dernière n'avait pas démontré l'ampleur de ses recherches de locaux hors de la zone industrielle. Ainsi, le département n'avait pas instruit les éléments de fait permettant de fonder sa décision, celle-ci reposant par conséquent sur une appréciation insuffisante de la situation. Il n'appartenait pas au TAPI de se substituer au département et de rechercher lui-même les motifs d'une dérogation. Enfin, la commission de l'urbanisme ne s'était pas prononcée sur le projet, contrairement aux exigences légales.

L'autorisation de construire du 19 juin 2012 ne pouvait pas être confirmée en application des principes de la bonne foi ou de l'égalité de traitement, en particulier de l'égalité dans l'illégalité. Aucun préjudice n'était rendu vraisemblable, Sidley Austin LLP ayant procédé à des travaux pour un montant non communiqué et avant d'être au bénéfice d'une autorisation. Il n'existait pas au sein du département une pratique généralisée en matière de délivrance d'autorisations pour des activités administratives en zone industrielle et artisanale.

27) Par acte du 24 juin 2013, Meigerhorn Nation S.à r.l. a recouru contre le jugement précité auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative), concluant à son annulation, ainsi qu'à la confirmation de l'autorisation de construire délivrée le 19 juin 2012.

Référence faite aux faits tels que retenus par le TAPI, il convenait de préciser que les autorisations de construire délivrées depuis 1996 dans la zone industrielle et artisanale concernée étaient plus nombreuses que les exemples mentionnés. A teneur d'un extrait du « SAD Consultation » disponible sur le site internet de l'Etat de Genève, le département avait octroyé dix-sept autorisations impliquant un changement d'affectation au cours des dernières années, ayant notamment pour objet « surélévation d'un immeuble administratif », « transformations intérieures », « aménagements de bureaux au 1er étage », « aménagements de bureaux au 6ème étage », « transformation de bureaux », « aménagement d'une arcade en salle de sport », « aménagement d'un bar à café », « transformations intérieures de locaux artisanaux avec bureaux au 1er étage », « aménagement d'une salle de jeux », « aménagements de bureaux intérieurs au 6ème étage », « transformations intérieures d'une arcade et création d'un tea- room », « aménagement de bureaux », « aménagement d'une salle de réunion », « changement d'affectation d'une halle en salle de réunions ».

Le département était légitimé à délivrer l'autorisation de construire litigieuse et accorder pour ce faire une dérogation. Le besoin de Sidley Austin LLP de disposer de locaux proches des organisations internationales constituait une circonstance particulière et n'était pas remis en cause par les parties, ni par le TAPI. Il ne pouvait être exigé de l'étude d'avocats de démontrer qu'elle n'avait pas trouvé de locaux équivalents dans le même périmètre. Elle avait d'ailleurs cessé ses recherches lorsque le département avait indiqué que l'affectation administrative du bâtiment allait continuer à être tolérée. Une telle affectation n'entraînait aucun inconvénient grave pour le voisinage.

La décision litigieuse devait être rétablie en vertu du principe de la bonne foi. Le préjudice subi ne se limitait pas aux frais résultant des travaux auxquels avait déjà fait procéder Sidley Austin LLP. Meigerhorn Nation S.à r.l. avait conclu le contrat de bail pour dix ans se fondant sur les indications du département. Une résiliation dudit contrat lui causerait un important manque à gagner.

Le principe de l'égalité dans l'illégalité était lui aussi applicable. Les pièces produites au cours de la procédure conduisaient à retenir l'existence d'une pratique constante du département qui tolérait l'affectation administrative de locaux sis en zone industrielle et artisanale.

28) Par acte du 26 juin 2013, Sidley Austin LLP a également interjeté recours par-devant la chambre administrative contre le jugement du TAPI du 23 mai 2013, concluant à son annulation, ainsi qu'à l'octroi de l'autorisation de construire sollicitée. Préalablement, elle concluait à ce qu'il soit ordonné au DU de produire la liste de l'ensemble des autorisations de construire délivrées pour la parcelle concernée depuis la construction de l'immeuble sis 15 et 15bis chemin des Mines, ainsi qu'une copie complète des dossiers d'autorisation de construire portant sur le même immeuble et à ce que le département soit invité à soumettre le dossier à la commission de l'urbanisme en vue d'une dérogation.

Elle devait être protégée dans sa bonne foi, dès lors qu'elle s'était fondée sur les indications fournies par le département en mars 2011 pour conclure avec Meigerhorn Nation S.à r.l. un contrat de bail pour dix ans et faire procéder à des travaux de rénovation relativement importants. Ceux-ci n'avaient pas besoin de faire l'objet d'une autorisation de construire, dans la mesure où ils portaient uniquement sur des aménagements intérieurs de bureaux et n'avaient aucune incidence sur l'apparence extérieure du bâtiment, ni sur la surface utile disponible. La recourante avait ainsi pris des dispositions d'une certaine importance et était disposée à fournir tous renseignements utiles quant à l'ampleur et au coût des travaux effectués.

Le principe de l'égalité de traitement n'était pas respecté. L'immeuble concerné avait déjà fait l'objet de plusieurs autorisations de construire du département, admettant une utilisation des lieux pour des activités qui n'étaient ni industrielles, ni artisanales. Le secteur était en réalité affecté depuis de nombreuses années à des activités administratives, médicales ou de service, ce que le département ne pouvait ignorer.

En effet, à teneur des pièces produites, le DCTI avait délivré en 2008 et 2009 deux autorisations à la FIPOI, portant sur des travaux de transformation intérieure de locaux. En 2009, une autorisation avait été accordée à l'Ecole internationale de Genève, pour la transformation de bureaux provisoires. L'utilisation effective du bâtiment sis 15 et 15bis chemin des Mines n'apparaissait pas de nature industrielle et artisanale, dès lors que s'y trouvaient diverses institutions ou entreprises telles que l'Organisation internationale de la francophonie, l'Organisation mondiale du commerce et Kemet Electronics S.A. En outre, le périmètre de zone industrielle et artisanale au sein duquel se trouvait l'immeuble en cause accueillait dans les autres bâtiments sis avenue Blanc et avenue de France des enseignes exerçant des activités administratives telles qu'AXA – Winterthur, un cabinet médical, le Centre pour le contrôle démocratique des forces armées, la mission permanente de la République d'Egypte, la mission d'Espagne, la mission permanente d'Islande et la Gulf Research Center Foundation.

L'autorisation de construire litigieuse pouvait se fonder sur une dérogation, dans la mesure où le bâtiment concerné présentait plusieurs particularités. Il se trouvait en bordure de la zone artisanale et industrielle de Sécheron, à moins de 100 m à vol d'oiseau de l'OMM et 150 m de l'OMC, en plein centre-ville et non loin des rives du lac Léman et du parc du Jardin botanique. Les quartiers et les immeubles alentours étaient presque tous voués à des bureaux et des logements. Aucune activité de type réellement industriel ou artisanal n'était déployée dans ce secteur, à l'exception autrefois de certaines activités de l'entreprise Merck Serono au 9 chemin des Mines.

Par ailleurs, l'immeuble concerné était directement contigu à des parcelles sises dans les zones 2, 3 et de développement 3. Une dérogation pouvait être accordée de ce chef, moyennant consultation de la commission de l'urbanisme.

Enfin, Sidley Austin LLP avait requis du TAPI qu'il procède à plusieurs actes d'instruction, ce à quoi il n'avait pas été donné de suite, sans aucune explication. C'est pourquoi elle réitérait sa demande auprès de la chambre de céans.

29) Le 24 juillet 2013, la ville a répondu, concluant au rejet des recours précités, à la confirmation du jugement du TAPI du 23 mai 2013, ainsi qu'à l'annulation de la décision d'autorisation de construire du 19 juin 2012.

Meigerhorn Nation S.à r.l. n'était pas en mesure de démontrer que les objets cités dans son recours constituaient des changements d'affectation en bureaux non conformes à la zone industrielle et artisanale. Rien n'était spécifié et aucun dossier ou référence n'était produit à l'appui de ses allégués.

Le secteur concerné avait volontairement été maintenu en zone industrielle et artisanale afin d'assurer la mixité des activités, malgré les modifications de zone intervenues à proximité. Quatre plans d'affectation avaient été adoptés depuis 1961. Aucune demande formelle n'avait été déposée en vue de modifier les limites de zone pour le secteur visé ou dans l'ensemble de la zone industrielle du secteur de Sécheron. Aucune pièce ne permettait de prouver que le secteur n'était plus voué à des activités conformes à son affectation, ni que les activités mentionnées par Sidley Austin LLP faisaient l'objet de dérogations, voire d'autorisations.

Le département n'était pas fondé à octroyer une dérogation pour délivrer l'autorisation de construire litigieuse, dans la mesure où les conditions d'une telle dérogation n'étaient pas réalisées et où les éléments à l'appui de la demande étaient insuffisants. La ville contestait le besoin de Sidley Austin LLP de disposer de bureaux dans la zone industrielle et artisanale pour être à proximité des organisations internationales. Celle-ci n'avait pas apporté la preuve de recherches d'autres locaux répondant à ses critères dans les zones ordinaires ou de développement. Meigerhorn Nation S.à r.l. n'avait, quant à elle, pas démontré qu'elle n'était pas en mesure de trouver un autre locataire dont les activités seraient conformes à la zone industrielle et artisanale. Aucune des recourantes ne justifiait d'un besoin impératif permettant d'obtenir une dérogation. Par ailleurs, l'activité industrielle et artisanale du secteur continuait à se déployer et tendait à se maintenir. Si Merck Serono avait cessé ses activités, le bâtiment qu'elle occupait était toujours affecté à des activités industrielles. L'immeuble sis 11-13 chemin des Mines était entièrement exploité et affecté à des activités conformes à la zone. Bien qu'entourée de parcelles sises en zones 2 et 3, la zone industrielle et artisanale de Sécheron ne pouvait bénéficier de dérogation, sauf à violer la volonté du législateur qui n'avait pas intégré ce secteur dans les dernières modifications de zones. Le département n'avait d'ailleurs pas consulté la commission de l'urbanisme, condition nécessaire à l'obtention d'une dérogation.

Les recourantes ne pouvaient prétendre à la délivrance de l'autorisation de construire sollicitée se fondant sur le principe de la bonne foi, dès lors que Sidley Austin LLP avait entrepris des travaux avant d'être au bénéfice d'une autorisation.

La délivrance de l'autorisation de construire ne trouvait pas non plus son fondement dans le principe de l'égalité de traitement. Le département n'avait pas pour pratique constante de délivrer des autorisations de construire et d'accepter des changements d'affectation pour des activités non conformes à la zone industrielle et artisanale de Sécheron. Aucune situation identique à celle de Sidley Austin LLP n'existait dans le secteur. En particulier, les missions diplomatiques, organisations internationales et organisations non gouvernementales mentionnées par les recourantes bénéficiaient d'un accord de siège de la Confédération permettant l'octroi d'autorisations de construire pour l'aménagement de bureaux dans des zones non conformes à cette activité. L'intérêt public au maintien des activités industrielles et artisanales dans le secteur de Sécheron primait l'intérêt privé des recourantes à obtenir l'autorisation.

Le droit d'être entendu de Sidley Austin LLP avait été respecté. L'instruction de la cause menée par TAPI avait été correcte, sans atteinte au droit des parties, et ne pouvait remplacer celle que devait conduire le département lorsqu'il recevait une requête en autorisation de construire.

30) Le 25 juillet 2013, Meigerhorn Nation S.à r.l. a produit ses observations quant au recours de Sidley Austin LLP, reprenant son argumentation précédente et persistant dans ses conclusions.

Au surplus, les travaux déjà effectués par Sidley Austin LLP n'étaient pas soumis à autorisation de construire, raison pour laquelle elle devait être protégée dans sa bonne foi. La chambre administrative devait donner suite aux demandes d’instruction de l’étude d’avocats, dès lors qu'elles portaient sur des faits pertinents et contestés.

31) Le 26 juillet 2013, le DU a formulé ses observations au sujet des recours de Meigerhorn Nation S.à r.l. et Sidley Austin LLP, concluant à l'annulation du jugement du TAPI du 23 mai 2013, ainsi qu'à la confirmation de la décision d'autorisation de construire du 19 juin 2012.

Il était fondé à délivrer l'autorisation de construire litigieuse. Le fait que Sidley Austin LLP ait un besoin impératif de disposer de locaux à proximité des organisations internationales devait être considéré comme une circonstance justifiant l'octroi d'une dérogation. Il n'en résultait aucun inconvénient grave pour le voisinage.

S'agissant du principe de la bonne foi, le département admettait s'être montré favorable au projet en cause à l'occasion des divers échanges de courriers intervenus entre les parties. Quant au principe de l'égalité de traitement, chaque dossier instruit en vue de la délivrance d'une autorisation faisait l'objet d'une analyse objective de la situation. Il avait délivré l'autorisation querellée conformément aux circonstances et à la législation applicable. Il n'avait ainsi pas abusé de son pouvoir d'appréciation en accordant l'autorisation, dont le caractère provisoire démontrait la position mesurée du département.

32) Le 16 août 2013, Sidley Austin LLP s'est déterminée sur le recours de Meigerhorn Nation S.à r.l., soutenant les conclusions de cette dernière et persistant dans les termes de son propre recours.

Le 5 juin 2013, presque simultanément à la notification du jugement du TAPI du 23 mai 2013, était intervenue l'annonce officielle du Conseil d'Etat quant à la reconversion de l'ancien site de Merck Serono, contigu à la parcelle sise 15 et 15bis chemin des Mines, en un centre de recherches universitaires en biotechnologies, dénommé « Campus Biotech ». A teneur des communiqués officiels, l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (ci-après : EPFL) et l'Université de Genève disposeraient à cet endroit de 17'000 m2 de bureaux et laboratoires de recherches, à partager notamment avec l'institut Wyss, également centre de recherche lié à l'enseignement supérieur.

Il convenait dès lors d'inviter le DU à fournir toutes explications utiles sur le détail du projet précité, en particulier en termes d'affectation des surfaces existantes (bureaux, salles de cours, locaux destinés aux étudiants et professeurs, laboratoires de recherche, etc.), ainsi que sur les motifs juridiques pour lesquels ces surfaces et leur future affectation avaient été considérées comme compatibles avec les règles applicables à la zone industrielle et artisanale.

33) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1) Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Sidley Austin LLP, soutenue par Meigerhorn Nation S.à r.l., sollicite de la chambre de céans qu'elle ordonne au département de produire la liste de l'ensemble des autorisations de construire délivrées pour la parcelle en cause depuis la construction de l'immeuble sis 15 et 15bis chemin des Mines, de même qu'une copie complète des dossiers d'autorisation de construire portant sur ledit immeuble. Elle demande également que le département soit invité à soumettre le dossier à la commission de l'urbanisme en vue de l'octroi d'une dérogation.

3) Pour sa part, Meigerhorn Nation S.à r.l. requiert de la chambre administrative qu'elle invite le DU à fournir toutes explications utiles sur le détail du projet de reconversion de l'ancien site de Merck Serono en « Campus Biotech ».

4) a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (Arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 p. 282 ; 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_552/2011 du 15 mars 2012 consid. 3.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; ATA/432/2008 du 27 août 2008 consid. 2b). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge examine ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2 ; 2C_514/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.1).

b. En l'espèce, il sera renoncé à procéder aux actes d'instruction sollicités, dans la mesure où ils ne sont pas de nature à influer sur l'issue du présent litige. La chambre de céans dispose en l'état de tous les éléments nécessaires lui permettant de statuer en connaissance de cause.

5) L'autorisation de construire délivrée le 19 juin 2012, annulant et remplaçant le refus notifié le 25 novembre 2012, porte sur l'aménagement provisoire de bureaux destinés à accueillir une étude d'avocats au 2ème étage de l'immeuble sis 15 et 15bis chemin des Mines, dans le secteur de Sécheron, en zone industrielle et artisanale. A teneur du point n° 8 de la décision litigieuse, l'autorisation a été délivrée à titre provisoire jusqu'au 31 mai 2017.

6) a. Selon l’art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente. L’autorisation est délivrée si la construction ou l’installation est conforme à l’affectation de la zone et si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 LAT ; B. WALDMANN/P. HÄNNI, Raumplanungsgesetz. Bundesgesetz vom 22. Juni 1979 über die Raumplanung [RPG], 2006, p. 520 ; P. ZEN-RUFFINEN/ C. GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, pp. 207 et 211). La conformité à l’affectation de la zone implique que la fonction de la construction ou installation concorde avec celle de la zone ; il ne suffit pas qu’elle ne soit pas contraire à la destination de la zone (DFJP/OFAT, Etude relative à la loi fédérale sur l’aménagement du territoire, 1981, p. 274 n. 29). L’utilisation de la construction ou de l'installation est pertinente pour juger de la conformité à l’affectation de la zone, en particulier si elle est connue au moment de l’octroi de l’autorisation (ATA/70/2013 du 6 février 2013, consid. 3 ; ATA/518/2010 du 3 août 2010, consid. 3).

b. A teneur de l'art. 19 al. 4 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), les zones industrielles et artisanales sont destinées aux constructions industrielles, artisanales et ferroviaires.

7) En l'espèce, les recourantes admettent que l'activité d'une étude d'avocats n'est pas conforme à l'affectation de la zone industrielle et artisanale. Elles estiment cependant que l'autorisation de construire délivrée le 19 juin 2012 par le département doit être confirmée dès lors que les conditions de l'octroi d'une dérogation seraient réalisées.

8) a. Selon l'art. 26 al. 1 LaLAT, lorsque les circonstances le justifient et s’il n’en résulte pas d’inconvénients graves pour le voisinage, le département peut déroger aux dispositions des art. 18 et 19 quant à la nature des constructions. D'autre part, selon l'art. 26 al. 2 LaLAT, lorsque l’implantation d’une construction est prévue à proximité immédiate ou lorsqu’elle chevauche une limite de zones sur un terrain situé dans une zone à bâtir, limitrophe d’une zone à bâtir 3 ou 4, le département peut, après consultation de la commission d’urbanisme, faire bénéficier la construction prévue des normes applicables à cette dernière zone.

b. La notion de circonstances particulières au sens de l'art. 26 al. 1 LaLAT est un concept juridique indéterminé laissant une certaine latitude à l'autorité administrative. Une dérogation ne peut être ni accordée, ni refusée de manière arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l'équité et qu'elle se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs (ATA/117/2011 du 15 février 2011 ; ATA/554/2006 du 17 octobre 2006 et les références citées).

c. Les autorités de recours doivent examiner avec retenue les décisions par lesquelles l'administration accorde ou refuse une dérogation. L'intervention des autorités de recours n'est admissible que dans les cas où le département s'est laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle (ATA A. et consorts du 31 août 1988 et la jurisprudence citée). Les autorités de recours sont toutefois tenues de contrôler si une situation exceptionnelle, de nature à entraîner une dérogation, est réalisée ou non (ATA/117/2011 précité ; ATA/51/2006 du 31 janvier 2006 ; ATA/377/2002 du 25 juin 2002).

d. Ainsi, cette disposition accorde au département un large pouvoir d’appréciation que le juge ne peut revoir qu’en cas d’excès ou d’abus, ou de constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 et 2 LPA). Le principe de proportionnalité prend une place majeure et impose une pesée des intérêts militant pour et contre la mesure en cause (ATA/117/2011 précité ; ATA/51/2006 précité ; T. TANQUEREL, La pesée des intérêts vue par le juge administratif in : La pesée globale des intérêts, Droit de l'environnement et de l'aménagement du territoire, 1996, p. 189 et ss, notamment 192-193).

e. Dans l'appréciation des circonstances justifiant une dérogation, l'autorité doit prendre en considération le caractère ou l'évolution d'un quartier, le genre et la destination du projet qui, sans être immédiatement compatibles avec les normes de la zone, se révèlent admissibles, compte tenu des circonstances (ATA/117/2011 précité ; ATA/595/2007 du 20 novembre 2007).

9) En l'espèce, il convient de relever qu'au cours de la procédure d'autorisation, tant le département que la FTI ont revu à plusieurs reprises leur position, sans pour autant en indiquer clairement les motifs. L'autorisation de construire querellée a finalement été délivrée, sous la forme d'une simple tolérance, compte tenu du courrier du 7 mars 2011 du département se déclarant prêt à tolérer, à titre provisoire et sans que cela n'entraîne un changement d'affectation définitif des locaux, l'affectation administrative de ces derniers en vue de la conclusion d'un contrat de bail entre les deux recourantes.

Le département déclare ne se fonder sur aucune pratique constante en matière de délivrance d'autorisations de construire pour des activités administratives dans la zone industrielle et artisanale de Sécheron. Il n'a d'ailleurs pas été en mesure de faire état des autorisations qu'il avait accordées, cas échéant refusées, dans ce secteur au cours des dernières années. Or, à teneur de ses courriers, respectivement de son chef, des 29 mai 2006 et 30 juin 2009, une tolérance de l'affectation administrative non conforme à la zone prévaut, à tout le moins depuis le début des années 2000. Il est ainsi permis de douter du caractère provisoire des autorisations de construire délivrées sous forme de tolérance aujourd'hui encore, soit près de treize ans plus tard, ce d'autant qu'aucune démarche n'a été entreprise en vue de colloquer l'ensemble du secteur de Sécheron en une autre zone de construction, ni de modifier la zone de la parcelle concernée.

L'autorisation de construire litigieuse telle qu'elle a été délivrée le 19 juin 2012 ne peut être maintenue dans ces conditions. Elle devait en effet être fondée soit sur le régime ordinaire de l'art. 19 al. 4 LaLAT, soit sur le régime dérogatoire de l'art. 26 LaLAT.

Dans le cadre de l'éventuel octroi d'une autorisation dérogatoire, le département n'a pas suffisamment instruit le dossier quant à l'existence d'autres circonstances particulières, notamment la nécessité pour Sidley Austin LLP de disposer de bureaux à proximité des organisations internationales. Aucune pièce du dossier ne permet d'établir dans quelle mesure des locaux conformes aux critères de l'étude d'avocats pourraient exister dans le même périmètre, hors de la zone industrielle et artisanale, ni l'étendue des recherches de Sidley Austin LLP.

Enfin, l'autorisation de construire litigieuse ne saurait être maintenue sur la base de l'art. 26 al. 2 LaLAT, dans la mesure où, contrairement à l'exigence de cette disposition, le département n'a pas transmis le dossier en cause à la commission de l'urbanisme pour consultation.

Dans ce contexte, le département ne pouvait se contenter de délivrer l'autorisation de construire sous la forme d'une tolérance provisoire, sans procéder à une analyse juridique complète des conditions d'une éventuelle dérogation, ni instruire tous les éléments pertinents permettant de fonder sa décision. Il devait ainsi soit refuser la délivrance de l'autorisation de construire se fondant sur le régime ordinaire de l'art. 19 LaLAT, soit accorder dite autorisation sur la base dérogatoire de l'art. 26 LaLAT. Vu le devoir de retenue dont doit faire preuve la chambre de céans, la présente procédure judiciaire ne permet pas d'instruire en lieu et place du département, de pallier les différentes lacunes du dossier, ni de procéder aux corrections permettant de conduire à la validité de l'autorisation de construire.

Par conséquent, force est de constater que le département n'a pas instruit tous les éléments de faits pertinents lui permettant de fonder sa décision d'autorisation de construire, ni sollicité le préavis de la commission de l'urbanisme. Le dossier lui sera donc retourné pour nouvelle décision au sens des présents considérants.

10) Les recourantes soutiennent que l'autorisation de construire litigieuse devrait être confirmée sous l'angle des principes de la bonne foi, ainsi que de l'égalité de traitement.

Cette question peut cependant, à ce stade, souffrir de rester ouverte, dès lors que l'autorisation de construire litigieuse ne peut en aucun cas subsister en tant que telle et que le département doit réexaminer et instruire le dossier de manière complète, cas échéant le soumettre à la commission de l'urbanisme, avant de rendre une nouvelle décision.

11) Au vu de ce qui précède, les recours seront partiellement admis. Le jugement du TAPI du 23 mai 2013 sera confirmé en tant qu'il annule l'autorisation de construire du 19 juin 2012, par substitution de motifs.

Compte tenu de l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de Meigerhorn Nation S.à r.l. et une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de la Ville de Genève, lui sera allouée. Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de Sidley Austin LLP et une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de la Ville de Genève, lui sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés les 24 et 26 juin 2013 par Meigerhorn Nation S.à r.l. et Sidley Austin LLP contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 mai 2013 ;

au fond :

les admet partiellement ;

confirme le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 mai 2013 en tant qu'il annule la décision d'autorisation de construire du 19 juin 2012 ;

renvoie au surplus le dossier au département de l'urbanisme pour instruction et nouvelle décision au sens des considérants ;

met à la charge de Meigerhorn Nation S.à r.l. un émolument de CHF 500.- ;

met à la charge de Sidley Austin LLP un émolument de CHF 500.- ;

alloue à Meigerhorn Nation S.à r.l. une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de la Ville de Genève ;

alloue à Sidley Austin LLP une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de la Ville de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Marc Siegrist et Me Alain Maunoir, avocats des recourantes, à la Ville de Genève, au département de l'urbanisme, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Junod, présidente, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :