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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3240/2016

ATA/1639/2017 du 19.12.2017 sur JTAPI/489/2017 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 12.02.2018, rendu le 19.04.2018, REJETE, 1C_72/2018
Descripteurs : DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS ; PLAN D'AFFECTATION ; OBJET DU LITIGE ; PERMIS DE CONSTRUIRE ; PROCÉDURE D'AUTORISATION ; BUT D'INTÉRÊT GÉNÉRAL ; POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : LCI.3.al3; RPUS.9.al1; Cst.29.al2
Parties : PHARMACIE POPULAIRE, SOCIETE COOPERATIVE / DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC, PP PHARMACIE PRINCIPALE SA, CREDIT SUISSE SA
Résumé : Le principe de l'affectation de locaux à une pharmacie ne peut pas être contesté dans la procédure d'autorisation de construire liée à l'aménagement du rez-de-chaussée destinée à ladite pharmacie. Aménagement au surplus conforme au but d'intérêt général poursuivi par l'art. 9 al.1 RPUS, soit l'interdiction d'affecter à des bureaux fermés au public les surfaces au rez-de-chaussée donnant sur des lieux de passage ouverts au public. En cas de procédure d'autorisation accélérée, le DALE peut renoncer à demander à la commune un préavis, qui n'a au demeurant qu'un caractère consultatif.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3240/2016-LCI ATA/1639/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 décembre 2017

3ème section

 

dans la cause

 

PHARMACIE POPULAIRE SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE
représentée par Mes Yves Bruderlein et Sidonie Morvan, avocats

contre

PP PHARMACIE PRINCIPALE SA

représentée par Me Karin Grobet Thorens, avocate

CRÉDIT SUISSE SA

représentée par Me Jacques Berta, avocat

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC

_________

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 mai 2017 (JTAPI/489/2017)


EN FAIT

1) Crédit Suisse SA (ci-après : Crédit suisse) est propriétaire de la parcelle n° 5'945, feuillet 29 de la commune de Genève-Cité, située en zone 1, à l'adresse place de Bel-Air 4/ rue de la Monnaie 1 et 3/ passage de la Monnaie 4 et 6, sur laquelle est édifié un immeuble administratif et commercial.

2) Cet immeuble a fait l'objet de plusieurs autorisations de construire, DD 106'769/1 et /2 notamment, publiées dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) respectivement le 12 août 2014 et le 29 mars 2016, autorisant le principe de la « rénovation de l'enveloppe d'un bâtiment administratif et transformation des espaces intérieurs de bureaux et de commerces ».

Ces autorisations de construire sont définitives.

3) Par requête du 20 juillet 2016, PP Pharmacie Principale SA
(ci-après : Pharmacie principale) a déposé auprès du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : DALE) une demande d'autorisation de construire en procédure accélérée portant sur un projet d'aménagement d'une pharmacie au rez-de-chaussée et au premier étage de cet immeuble situé à l'angle du passage de la Monnaie et de la rue de la Confédération. La demande a été enregistrée sous la référence APA 45'659.

4) Par décision du 19 août 2016, publiée dans la FAO le 26 août suivant, le DALE a délivré l'autorisation de construire APA 45'659 (ci-après : l'APA) requise par Pharmacie principale.

Selon le chiffre 4 de l'APA, les conditions figurant dans les préavis du service du pharmacien cantonal, de la police du feu, de la direction générale de l'eau et du service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants devaient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de l'autorisation. En page 2 de l'APA figurait en outre la mention suivante, à l'attention de Pharmacie principale : « Veuillez trouver ci-joint pour information le préavis de la Commune du 10 août 2016 ».

Selon ce préavis du 10 août 2016, la Ville de Genève (ci-après : la ville) s'était déclarée favorable au projet, « à condition que les vitrines soient traitées afin d'en garantir la transparence de manière à animer la rue très passante à cet endroit [et que] l'entier de la surface au rez-de-chaussée [soit] accessible à tous les publics, conformément au règlement relatif à son plan d'utilisation du sol (RPUS - LC 21 211) ».

5) Par acte du 23 septembre 2016, Pharmacie Populaire société coopérative
(ci-après : Pharmacie populaire) a formé recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI), concluant à son annulation.

L'une des officines de Pharmacie populaire était située depuis 1948 au 3, rue de la Confédération, soit à moins de dix mètres de l'arcade que Pharmacie principale prévoyait d'aménager. Crédit suisse était son bailleur depuis plus de quarante ans pour ces locaux.

Le DALE avait choisi à tort d'instruire la demande selon la procédure accélérée, en violation de l'art. 3 al. 7 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Par ailleurs, le projet autorisé était contraire au RPUS car l'autorisation permettait que deux officines concurrentes se retrouvent placées à très peu de distance l'une de l'autre alors que l'objectif du RPUS visait une diversification et un équilibre entre les affectations commerciales. Le respect de la répartition logements-activités requise par l'art. 7 RPUS n'était pas non plus garanti, cette disposition devant également s'appliquer aux travaux concernés par l'APA. Enfin, l'aménagement du
rez-de-chaussée, qui prévoyait des vitrages du même type que ceux des étages, soit des verres d'une teinte fortement fumée, n'était pas conforme au préavis de la ville qui avait exigé qu'ils soient modifiés de façon à favoriser l'animation du quartier. Ce préavis aurait d'ailleurs dû être repris dans les conditions de l'APA, ce que le DALE n'avait pas fait.

6) Le 27 octobre 2016, Pharmacie principale a conclu, préalablement, à l'appel en cause de Crédit suisse, et, principalement, au rejet du recours et à ce que le jugement que rendrait le TAPI soit déclaré exécutoire nonobstant recours.

Pharmacie principale exerçait son activité au sein de la galerie commerciale Confédération Centre depuis 1990. À la suite du congé qui lui avait été notifié le 10 octobre 2012 par son ancienne bailleresse, Credit Suisse Anlagestiftung Real Estate Switzerland (ci-après : CSA), et à la procédure qu'elle avait interjetée devant la juridiction des baux et loyers, elle avait conclu un contrat de bail à loyer avec Crédit suisse le 15 juillet 2016, portant sur des locaux commerciaux situés dans l'immeuble en question. Conformément à l'accord conclu avec CSA le 24 août 2016, et ratifié par le Tribunal des baux et loyers (ci-après : TBL), elle devait restituer les locaux, et ainsi cesser l'activité déployée à Confédération Centre, au 31 mars 2017.

Les travaux litigieux entraient à l'évidence dans le cadre des travaux soumis à la procédure accélérée. Quant aux plans d'utilisation du sol, ils n'avaient pas pour objectif de régler les aspects de concurrence entre commerçants. La question de la répartition logements-activités était exorbitante et aurait dû être abordée dans le cadre de la DD 106'769. L'affectation commerciale des surfaces ne pouvait en outre être remise en cause au travers d'une autorisation visant à aménager des surfaces commerciales, dont l'affectation avait été préalablement admise dans le cadre d'autorisations définitives et en force. S'agissant des vitrines, elles seraient conformes au préavis de la commune. Enfin, les aspects de concurrence relevaient du droit privé. La démarche était au surplus empreinte de mauvaise foi puisqu'elle visait l'élimination d'un concurrent.

7) Le 28 novembre 2016, le DALE a conclu au rejet du recours.

C'était à bon droit qu'il avait instruit la demande selon la procédure accélérée. En outre, l'APA 45'659 n'était pas juridiquement liée à la DD 106'769, toutes deux pouvant exister l'une sans l'autre, même s'il était vrai que la mise en oeuvre de la première dépendait de la réalisation de la seconde. Par ailleurs, le RPUS n'avait pas vocation à intervenir dans les relations entre privés. S'agissant de la répartition logements-activités, il ne ressortait pas du dossier que de nouvelles surfaces brutes de plancher auraient été créées, Pharmacie principale se contentant d'aménager les locaux. Enfin, l'art. 9 RPUS différenciait les activités ouvertes au public des locaux destinés à accueillir une clientèle dans des conditions de confidentialité, mais il ne précisait à aucun moment que c'était à la commune ou au canton de décider le type d'activité autorisable dans ces locaux et autres arcades.

8) Par décision du 1er décembre 2016, le TAPI a ordonné l'appel en cause de Crédit suisse et rejeté la demande de retrait de l'effet suspensif.

Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours.

9) Le 23 janvier 2017, Crédit suisse a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision querellée.

Il n'était plus propriétaire des immeubles sis 3-5, rue de la Confédération (parcelle nos 5'947 et 7'015), dans lesquels se trouvaient les locaux loués par Pharmacie populaire, ceux-ci ayant été rachetés par Swiss Life SA avec effet au 30 novembre 2016. Il était cependant resté propriétaire de l'immeuble contigu (parcelle n° 5'945) concerné par l'APA 45'659.

Sur le fond, il s'en rapportait globalement aux observations formulées par le DALE le 28 novembre 2016. Les vitrages installés au rez-de-chaussée seraient du même type que ceux mis en place dans l'ensemble des étages, mais ils étaient totalement transparents lorsque les lumières étaient allumées à l'intérieur. Enfin, Crédit suisse et CSA étaient deux entités totalement distinctes juridiquement, et ne s'étaient jamais entendues pour régler le litige concernant la résiliation du bail de Pharmacie principale dans Confédération Centre. À l'appui de ses écritures, Crédit suisse a notamment produit une photographie de la façade actuelle de l'immeuble concerné par l'APA dont était recours.

10) Dans sa réplique du 14 février 2017, Pharmacie populaire a notamment fait valoir que même si CSA et Crédit suisse étaient deux entités distinctes au registre du commerce, elles faisaient parties du même groupe. En choisissant d'installer Pharmacie principale dans l'immeuble litigieux, Crédit suisse avait donc sciemment violé les promesses faites à sa plus ancienne locataire sur l'activité de pharmacie dans le groupe d'immeubles pris à bail, lui créant un dommage important.

11) Dans sa duplique du 28 février 2017, Crédit suisse a réaffirmé être une entité totalement différente de CSA et souligné qu'aucun de ses collaborateurs n'avait jamais fait de promesse à Pharmacie populaire quant à l'activité de pharmacie dans les immeubles pris à bail.

12) Le 10 mars 2017, Pharmacie populaire a sollicité une inspection des locaux dans lesquels Pharmacie principale entendait exploiter sa pharmacie, ainsi que l'audition du fonctionnaire de la ville en charge du préavis et d'un représentant autorisé de CSA.

13) Dans sa duplique du 13 mars 2017, Pharmacie principale a indiqué que la reprise du bail des locaux précédemment exploités par la confiserie Teuscher n'avait été possible que parce qu'elle en avait racheté le fonds de commerce, si bien qu'il ne s'agissait aucunement d'un arrangement entre les deux bailleresses. Étaient annexés à son écriture l'intégralité de la convention d'accord du 24 août 2016 qu'elle avait passée avec CSA, et le contrat de cession de commerce conclu avec la confiserie Teuscher du 23 mai 2016.

14) Le même jour, le DALE a exposé que le litige qui opposait les deux officines était de pur droit privé et donc totalement exorbitant au litige, de sorte qu'il n'entendait pas se prononcer sur ces aspects.

15) Par courrier du 29 mars 2017, Pharmacie populaire a réitéré sa demande d'inspection des locaux.

16) Le 2 mai 2017, Crédit suisse a versé à la procédure une copie de l'ordonnance rendue le 27 avril 2017 par le TBL dans le cadre d'une requête de mesures provisionnelles déposée par Pharmacie populaire contre elle et Swiss Life SA, visant à ce qu'interdiction soit faite à Pharmacie principale d'exploiter comme pharmacie les locaux en cause. Le TBL avait débouté Pharmacie populaire de sa requête.

17) Par jugement du 11 mai 2017, le TAPI a rejeté le recours de Pharmacie populaire.

Le droit d'être entendu de Pharmacie populaire n'avait pas été violé, dans la mesure où le dossier contenait les éléments suffisants et nécessaires à l'examen des griefs, Pharmacie populaire n'expliquant au demeurant pas en quoi l'inspection des locaux et l'audition des témoins seraient pertinents pour l'issue du litige.

Il n'appartenait pas à l'administration de s'immiscer dans des conflits de droit privé pouvant surgir entre le requérant d'une autorisation de construire et un opposant, si bien que le TAPI n'entrerait pas en matière sur les questions relatives aux relations bailleur-locataire et autres rapports commerciaux entre les parties, ni sur la problématique d'une éventuelle concurrence.

Les griefs formulés par Pharmacie populaire en lien avec la mise en oeuvre de la procédure accélérée étaient infondés, celle-ci ayant été choisie à bon droit.

La décision du DALE n'était pas non plus contraire au RPUS. Le grief en lien avec l'art. 7 RPUS aurait dû être soulevé dans le cadre de l'autorisation de construire en force DD 106'769 et devait être rejeté, puisqu'il ne ressortait pas des plans visés ne varietur que de nouvelles surfaces de plancher allaient être créées, l'autorisation querellée ne visant que l'aménagement de surfaces commerciales existantes. L'autorisation ne violait pas non plus l'art. 9 al. 1 RPUS, lequel n'empêchait pas le remplacement d'une activité commerciale par une autre lorsqu'elle demeurait ouverte au public, et ne prohibait pas l'implantation d'enseignes concurrentes dans un périmètre donné.

Enfin, Pharmacie populaire ne démontrait pas en quoi les vitrages n'auraient pas été conformes au préavis de la ville, la photographie produite par Crédit suisse montrant au contraire une certaine transparence. Le préavis de la ville ne liait de toute façon pas les autorités et n'avait qu'un caractère consultatif, étant rappelé que le DALE pouvait renoncer à solliciter un tel préavis lorsque la demande était instruite en procédure accélérée.

18) Par acte posté le 12 juin 2017, Pharmacie populaire a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant tant à son annulation qu'à celle de l'APA, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Le refus de procéder aux actes d'instruction requis était constitutif d'une violation de son droit d'être entendu. L'inspection des locaux aurait permis de constater la redondance des activités déployées dans ce périmètre aussi restreint et de vérifier les propriétés des vitres. L'audition du fonctionnaire de la ville aurait quant à elle été nécessaire pour comprendre pourquoi un préavis favorable avait été rendu sur une autorisation contraire aux plans d'utilisation des sols de la ville, et l'audition de Crédit suisse aurait permis de connaître le contexte de la signature de sa convention avec Pharmacie principale pour échanger les locaux à l'insu de Pharmacie populaire.

L'APA et le jugement attaqués violaient l'objectif du RPUS et son article 9, qui visait à répartir les différents commerces de mêmes catégories et à permettre que tout un chacun puisse trouver une variété de commerces en un même point, tandis que l'APA permettait que les deux pharmacies soient pratiquement attenantes et séparées par un seul commerce, dont la vitrine était en outre particulièrement étroite.

Enfin, le projet autorisé n'était pas conforme au préavis de la ville car le DALE, sans intérêt public prépondérant, n'avait pas rendu contraignantes les deux conditions qui y avaient été posées. Pharmacie principale n'avait pas non plus apporté la preuve qu'elle respecterait ces conditions, la photographie produite ne permettant pas de s'assurer des propriétés des verres qui seraient utilisés.

Subsidiairement, le DALE avait mésusé de son pouvoir d'appréciation. Il aurait dû tenir compte du fait que le RPUS défendait l'intérêt de chacun à avoir accès à des commerces variés dans une zone géographique limitée. Pharmacie principale n'avait pas encore investi les locaux, n'y avait pas entrepris de travaux et n'avait pas cessé de déployer son activité au sein de Confédération Centre, si bien qu'elle était en mesure de trouver un arrangement avec son bailleur. Les produits et services proposés par les deux pharmacies étant identiques, l'APA devait être annulée, ou Pharmacie principale devait être invitée à redéposer une autorisation de construire en limitant son affectation à la vente de produits cosmétiques ou de tout autre service qui la distinguerait des activités de Pharmacie populaire, soit la vente de produits et services relevant de la santé.

19) Le 14 juin 2017, le TAPI a indiqué ne pas avoir d'observations à formuler.

20) Le 28 juin 2017, Pharmacie populaire a déposé à la chambre administrative une requête de mesures « superprovisionnelles » et provisionnelles, concluant à ce que soit ordonné, sous la menace de la peine de l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'arrêt immédiat des travaux en cours sur la parcelle n° 5'945 et à ce que Pharmacie principale soit condamnée à une amende d'ordre de CHF 1'000.- par jour d'inexécution, « sous suite de frais et dépens ».

21) Le 3 juillet 2017, Pharmacie principale a conclu au rejet de cette requête, tandis que le DALE et Crédit suisse s'en sont rapportés à justice.

22) Le 4 juillet 2017, le juge délégué a procédé à un transport sur place, en présence des parties.

Les locaux visés par l'autorisation querellée étaient fermés et les vitrines remplacées par des fermetures provisoires en plastique. À l'extérieur du bâtiment, le long de ces vitrines, des parties de trottoir avaient été retirées et des vaubans posés pour éviter les accidents. À l'intérieur des locaux, un chantier avait débuté mais n'était pas actif. Les parties étaient d'accord qu'une décision sur mesures provisionnelles soit rendue, donnant acte qu'il n'y avait pas de travaux prévus et autorisés à l'intérieur des arcades, mais que les travaux extérieurs, sur le domaine public, pouvaient être terminés.

23) Par arrêt ATA/1069/2017 du 6 juillet 2017, la chambre administrative a admis la requête de Pharmacie populaire et, sous menace de l'art. 292 CP, donné « acte à la PP Pharmacie principale SA et au Crédit Suisse SA de ce qu'ils n'entendent pas effectuer de travaux à l'intérieur des locaux visés par l'autorisation de construire litigieuse tant que cette dernière ne serait pas définitive et exécutoire », et dit que les travaux nécessaires à la remise en état du domaine public pouvaient être terminés.

24) Par courrier du 12 juillet 2017, Pharmacie principale a requis du juge délégué qu'il procède à la rectification du dispositif de l'arrêt précité, en y ajoutant, s'agissant de l'engagement à ne pas effectuer les travaux à l'intérieur des locaux, la mention « sous réserve du sort qui pourrait être donné par le Tribunal fédéral quant à l'effet suspensif ».

25) Le lendemain, le juge délégué a imparti à Pharmacie populaire, Crédit suisse et au DALE un délai au 15 août 2017 pour se déterminer sur le courrier de Pharmacie principale précité.

26) Par pli posté le 12 juillet 2017, Crédit suisse a conclu au rejet du recours de Pharmacie populaire et à la confirmation du jugement du TAPI et de la décision du DALE, « sous suite de frais et dépens ».

Le droit d'être entendu de Pharmacie principale n'avait pas été violé, les actes d'instruction qu'elle avait sollicités n'étant pas pertinents. L'inspection des locaux avait pour but de vérifier la redondance des activités commerciales, alors que le TAPI n'était pas compétent pour connaître des problèmes de concurrence entre deux commerçants. L'audition d'un fonctionnaire de la ville n'était pas davantage utile. Quant à l'audition d'un employé de Crédit suisse en tant que signataire de la convention d'accord du 24 août 2016 avec Pharmacie principale, elle n'avait pas la moindre pertinence puisque ce n'était pas Crédit suisse mais CSA qui en était signataire.

L'autorisation entreprise ne violait pas non plus le RPUS. Le but de l'art. 9 al. 1 RPUS était de lutter contre « les vitrines mortes » et non d'autoriser les autorités à interdire les implantations d'entreprises concurrentes dans un même périmètre. En tout état, l'examen d'une offre diversifiée en matière de commerces devait être effectué à l'échelle d'un quartier ou d'un secteur, et non d'une rue.

Les conditions figurant dans le préavis de la ville n'avaient pas été violées. Pharmacie populaire n'avait pas démontré que les vitrages n'y seraient pas conformes, Crédit suisse ayant d'ailleurs produit une photographie qui montrait le contraire. Les avis et préavis des communes ne liaient de toute façon pas les autorités.

Les arguments de Pharmacie populaire sur une prétendue violation du pouvoir d'appréciation et la pesée des intérêts à effectuer étaient totalement dénués de pertinence et visaient uniquement à faire primer ses intérêts privés non seulement sur ceux de Pharmacie principale, mais également sur l'intérêt public. Enfin, la proposition visant à ce que Pharmacie principale redépose une demande d'autorisation de construire en limitant son affectation à la vente de produits cosmétiques contreviendrait à la liberté économique garantie par l'art. 27 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

27) Le 14 juillet 2017, le DALE a répondu au recours de Pharmacie populaire, concluant à son rejet et à la confirmation du jugement du TAPI et de sa décision du 19 août 2016.

Le droit d'être entendu de Pharmacie populaire n'avait pas été violé, les actes d'instruction sollicités refusés par le TAPI n'étant ni pertinents ni utiles. En outre, le juge délégué avait procédé à un transport sur place dans le cadre des mesures « superprovisionnelles » et provisionnelles requises par Pharmacie populaire.

L'interprétation du RPUS à laquelle se livrait Pharmacie populaire était erronée. Seul l'art. 9 al. 3 RPUS imposait une certaine obligation en matière de maintien d'activité, mais cette disposition n'était pas applicable en l'espèce. En outre, il n'était pas rare en vieille ville de voir deux enseignes se faisant directement concurrence être situées à proximité l'une de l'autre. C'était bien l'intérêt public au maintien de l'animation et de la population que l'art. 9 RPUS visait à protéger et non l'intérêt privé de certains commerçants à être mis au bénéfice d'une protection déguisée contre la concurrence.

Dans la mesure où le DALE aurait même pu renoncer à demander un préavis puisque c'était la procédure accélérée qui régissait l'APA, il disposait d'un large pouvoir d'appréciation pour décider s'il voulait ou non reprendre à son actif la position émise par l'instance de préavis. Le préavis ne faisait en outre que reprendre les conditions déjà imposées par l'art. 9 al. 2 RPUS s'agissant de la possibilité du public d'accéder aux locaux situés au rez-de-chaussée. Le DALE n'avait aucune obligation d'imposer la transparence des vitrages voulue par la ville, cette condition, totalement étrangère à la mise en oeuvre de l'art. 9 al. 2 RPUS, ne trouvait son fondement que dans l'interprétation subjective de ladite instance de préavis. Les locaux situés au rez-de-chaussée de cet immeuble étaient tout à fait accessibles au public, contribuaient à l'animation du quartier concerné et respectaient les conditions de l'art. 9 al. 2 RPUS, de sorte qu'il n'y avait pas eu de raison d'imposer en plus la transparence des vitrages dans l'autorisation à délivrer. Pharmacie populaire défendait ses seuls intérêts privés, comme le démontraient les procédures civiles et administratives intentées.

28) Le 14 juillet 2017, Pharmacie principale a également répondu au recours, concluant à son rejet, à la confirmation du jugement du TAPI et à la condamnation de Pharmacie populaire à une amende de CHF 5'000.- pour emploi abusif des procédures prévues par la loi, le tout « sous suite de frais et dépens ».

Le droit d'être entendu de Pharmacie populaire n'avait pas été violé, les actes d'instruction sollicités et refusés étant superflus ou dénués de pertinence.

L'autorisation entreprise ne violait pas le RPUS, qui visait à interdire que les surfaces situées au rez-de-chaussée et donnant sur des lieux de passage ne soient affectées à des activités fermées au public. L'interprétation qu'en faisait Pharmacie populaire était d'autant plus erronée qu'elle revenait à dire que toutes les entreprises actives dans le commerce de détail pourraient s'opposer à ce qu'une enseigne de même type soit exploitée dans son voisinage immédiat, ce qui rendrait le commerce et la concurrence parfaitement impossibles dans l'hyper centre-ville. Les locaux loués par Pharmacie principale depuis plus de trente ans se situaient d'ailleurs déjà dans l'environnement immédiat de Pharmacie populaire sans que celle-ci n'y trouvât rien à redire. Cette dernière ne cherchait en réalité qu'à détourner la procédure administrative pour se débarrasser d'un concurrent gênant, ne disposant pas d'un moyen civil pour ce faire, aucune clause de
non-concurrence n'ayant été conclue avec sa bailleresse. L'autorisation querellée n'avait été demandée que pour pouvoir déplacer la porte de l'arcade de Pharmacie principale, ce sur quoi Pharmacie populaire n'avait pas émis de protestation.

Le préavis de la ville était facultatif et ne liait pas le DALE, qui n'avait fait que délivrer une autorisation préavisée favorablement. Les deux conditions avaient en outre été respectées, puisque l'exploitation de la pharmacie demeurait une activité accessible au public et qu'il n'avait jamais été question que les vitrines ne soient pas transparentes.

Ni le DALE ni le TAPI n'avaient violé leur pouvoir d'appréciation. Pharmacie principale n'avait pas trouvé d'accord pour rester dans les locaux après le 31 mars 2017 avec sa bailleresse de Confédération Centre, qui n'était au demeurant pas celle des locaux du Passage de la Monnaie. Une requête en révision de l'accord valant jugement d'évacuation du 24 août 2016, dont copie était annexée à son écriture, avait dû être déposée, et une procédure en évacuation était en cours, comme le démontrait la requête y relative également jointe. Par ailleurs, contrairement à ce qu'affirmait Pharmacie populaire, des travaux avaient commencé dans l'arcade avant le dépôt du recours, et ils avaient été interrompus à la suite de ce dernier, ce que la chambre de céans avait pu constater lors du transport sur place.

Le but de Pharmacie populaire n'était manifestement pas de s'opposer à l'autorisation querellée en tant que telle, mais d'empêcher un concurrent actuel de poursuivre son activité déjà existante. Il s'agissait donc d'une attitude intolérable qui méritait d'être sanctionnée par le prononcé d'une amende pour emploi abusif des procédures au sens de l'art. 88 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), du montant maximal de CHF 5'000.-.

29) Le 19 juillet 2017, le DALE a transmis à la chambre de céans le dossier relatif à l'APA 45'659.

30) Par courrier du 24 juillet 2017, Crédit suisse a appuyé la demande de Pharmacie principale en rectification du dispositif de l'arrêt de la chambre de céans ATA/1069/2017 du 6 juillet 2017.

31) Par courrier du 27 juillet 2017, le DALE s'en est rapporté à justice s'agissant de ladite demande en rectification.

32) Par courrier du 15 août 2017, Pharmacie populaire s'est opposée à la rectification du dispositif de l'arrêt précité.

Le but de la rectification était de corriger les fautes de rédaction et les erreurs de calcul, tandis que Pharmacie principale demandait une modification de la substance du dispositif de l'arrêt rendu. Elle ne pouvait pas obtenir par ce biais ce qu'elle n'avait pas songé à demander le 4 juillet 2017.

33) Le 30 août 2017, Pharmacie populaire a fait usage de son droit à la réplique.

La suspension de la procédure devait être ordonnée jusqu'à droit jugé dans la procédure de révision formée le 31 mars 2017 par Pharmacie principale par-devant le TBL. La solution de la présente procédure dépendait de la procédure de révision, puisque si Pharmacie principale obtenait gain de cause et restait dans les locaux qu'elle occupait actuellement à Confédération Centre, elle n'irait plus occuper les locaux visés par l'autorisation attaquée. Pour le surplus, elle reprenait les arguments développés dans ses précédentes écritures.

34) Le 31 août 2017, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

35) Par courrier du 5 septembre 2017, Pharmacie principale s'est opposée à la demande de suspension de la procédure. C'était la procédure en révision qui était fonction de la procédure administrative et non l'inverse. En tout état de cause, rien ne s'opposait à ce que Pharmacie principale disposât de deux baux portant sur des surfaces distinctes, ce qui était d'ores et déjà le cas puisqu'elle bénéficiait de nombreux baux dans le canton de Genève.

36) Le 11 septembre 2017, Pharmacie populaire a écrit au juge délégué pour qu'il rende une décision sur sa demande en suspension de la procédure avant que la cause ne soit gardée à juger.

37) Le 11 septembre 2017, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger tant sur la demande de suspension de la procédure qu'au fond.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Dans un premier grief d'ordre formel, la recourante soutient que son droit d'être entendue aurait été violé par le refus du TAPI de procéder aux actes d'instruction qu'elle sollicitait, soit un transport sur place, et l'audition d'un fonctionnaire de la ville et d'un représentant autorisé de Crédit Suisse.

Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 142 III 48 consid. 4.1.1. ; 141 V 557 consid. 3.1) et de participer à l'administration des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 1C_279/2016 du 27 février 2017 consid. 6.1). Toutefois, le droit d'être entendu ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige (ATF 135 I 279 consid. 2.3 ; 132 V 368 consid. 3.1). L'autorité de décision peut donc se livrer à une appréciation anticipée de la pertinence du fait à prouver et de l'utilité du moyen de preuve offert et, sur cette base, refuser de l'administrer. Ce refus ne viole le droit d'être entendu que si l'appréciation à laquelle elle a ainsi procédé est entachée d'arbitraire (art. 9 Cst. ; ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 136 I 229 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3). La garantie constitutionnelle précitée n'empêche pas non plus l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; ATA/1200/2017 du 22 août 2017).

3) a. En l'espèce, la recourante considère qu'une inspection des locaux aurait changé la perspective du TAPI, car celui-ci aurait alors pu constater la « redondance des activités déployées » dans un périmètre très restreint du
centre-ville, et vérifier les propriétés des vitres des locaux.

Dans la mesure où la chambre administrative dispose du même pouvoir d'examen que le TAPI (ATA/246/2017 du 28 février 2017) et qu'elle a procédé à un transport sur place en présence des parties, accédant ainsi à la requête de la recourante, le grief de violation du droit d'être entendu sera écarté sur ce point, la question de la pertinence du motif invoqué pouvant souffrir de ne pas être abordée à ce stade.

b. La recourante soutient ensuite que l'audition respectivement du fonctionnaire de la ville en charge du préavis favorable et d'un représentant autorisé de Crédit suisse auraient permis, pour la première, de comprendre pourquoi le préavis avait été favorable alors qu'il contrevenait au RPUS, et, pour la seconde, de connaître le contexte de la signature de la convention du 24 août 2016 avec Pharmacie principale.

Comme il en sera question ci-après, l'objet du présent litige est la compatibilité au droit de l'APA, qui, comme le rappelle à raison le TAPI, ne porte que sur l'aménagement intérieur d'une pharmacie au rez-de-chaussée et au premier étage d'un immeuble.

Aussi, le contexte de la signature d'une convention entre une locataire et sa bailleresse, portant de surcroît sur des locaux qui ne sont pas ceux que vise l'APA querellée, ne revêt pas de pertinence dans le cadre de la présente procédure administrative. C'est ainsi à bon droit que le TAPI n'a pas procédé à l'audition d'un représentant de CSA ou de Crédit suisse.

Quant à l'audition d'un fonctionnaire de la ville dans le but de l'interroger sur les raisons pour lesquelles le préavis a été favorable, elle n'est pas davantage utile. Tant le TAPI que la chambre de céans disposent d'un dossier qui comprend notamment les plans des locaux et les différents préavis sur lesquels s'est fondé le DALE pour octroyer à Pharmacie principale les autorisations de construire DD 106'769 et l'APA, de sorte que le dossier est suffisamment étayé pour se prononcer.

c. Par conséquent, c'est à raison et sans que son refus ne soit entaché d'arbitraire que le TAPI n'a pas procédé aux actes d'instruction sollicités par la recourante.

Le grief sera par conséquent écarté.

4) Sur le fond, la recourante fait valoir que l'autorisation de construire délivrée à l'intimée serait contraire au plan d'utilisation du sol de la ville et à son règlement d'exécution, en particulier à l'art. 9 RPUS, qui préconiserait une implantation diversifiée et équilibrée des différents commerces.

5) a. Le RPUS a pour but, en vue de favoriser la qualité de vie en ville, de maintenir et rétablir l'habitat, tout en favorisant une implantation harmonieuse des activités qui garantisse le mieux possible l'espace habitable et limite les charges sur l'environnement qui pourraient résulter d'une répartition déséquilibrée des affectations (art. 1 al. 1 RPUS). À cette fin, il répartit notamment en logements et en activités les surfaces brutes de plancher supplémentaires obtenues par des transformations de bâtiments (surélévation, aménagement de combles) ou par des constructions nouvelles (art. 1 al. 2 let. a RPUS) et définit l'affectation et la destination des constructions existantes dans les cas où les dispositions du règlement leur sont directement applicables (art. 1 al. 2 let. b RPUS).

Le RPUS s'applique aux quatre premières zones à bâtir au sens de l'art. 19 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) et dans leurs zones de développement au sens de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35). Elles s'appliquent aussi bien aux constructions existantes qu'aux constructions nouvelles (art. 2 al. 1 RPUS).

Selon le plan d'utilisation du sol annexé au RPUS, la ville est découpée en trois secteurs : le premier comprend la vieille ville (secteur 1), le deuxième (secteur 2) est composé de trois sous-secteurs couvrant tous les quartiers de la ville, à l'exception des zones faisant l'objet de plans localisés de quartier (PLQ), ces dernières étant attribuées au troisième secteur.

b. L'art. 9 RPUS est intitulé « Règles applicables aux activités contribuant à l'animation des quartiers ». Selon son premier alinéa, qui traite des activités accessibles au public, « afin de développer l'animation et l'attractivité des quartiers dans les secteurs 1 à 3, en maintenant et en favorisant l'implantation des activités de manière harmonieuse, diversifiée et équilibrée, les surfaces au
rez-de-chaussée des bâtiments, doivent, pour la nette majorité de chaque surface, être destinées ou rester destinées à des activités accessibles au public, lorsqu'elles donnent sur des lieux de passage ouverts au public. ». L'alinéa 2 de cette même disposition précise : « Par activités accessibles au public, il faut entendre les locaux ouverts au public, les arcades ou les bâtiments accessibles depuis le
rez-de-chaussée, quels que soient les étages ouverts au public, notamment destinés au commerce, à l'artisanat, aux loisirs, aux activités sociales ou culturelles, à l'exclusion des locaux fermés au public (ch. 2.1). Par locaux fermés au public, on entend des locaux inoccupés par des personnes ou des locaux occupés essentiellement par des personnes de l'entreprise ou qui sont destinés à une clientèle accueillie dans des conditions de confidentialité, notamment des bureaux, cabinets médicaux, études d'avocats, de notaires, fiduciaires, experts-comptables, agents immobiliers, etc. » (ch. 2.2).

S'il est démontré que l'exploitation des activités, citées à l'alinéa 3, exercées dans un ou des locaux, ne peut pas être poursuivie, pour d'autres motifs qu'une majoration de loyer excessive ou un prix d'acquisition disproportionné du bien immobilier ou du fonds de commerce, une dérogation au sens de l'art. 14 RPUS peut être octroyée (art. 9 al. 5 RPUS). Les changements de destination de surfaces de plancher, au sens du présent article, seront soumis à autorisation du DALE, même en l'absence des travaux, en application de l'art. 1 al. 1 let. b LCI (art. 9 al. 6 RPUS).

c. Le but de l'art. 9 RPUS est l'interdiction d'affecter à des bureaux fermés au public les surfaces au rez-de-chaussée donnant sur des lieux de passage ouverts au public, afin de lutter contre les « vitrines mortes » dans les zones fréquentées et animées (arrêt 1C_317/2009 du 15 janvier 2010 consid. 8.2 ; ATA/830/2004 du 26 octobre 2004). Cette interdiction constitue manifestement un but d'intérêt public, en particulier dans les zones fréquentées et animées (ATA/830/2004 précité ; ATA/553/2002 du 17 septembre 2002 et les références citées). En d'autres termes, cette disposition vise à préserver l'animation de la ville par le maintien d'une affectation ouverte au public des rez-de-chaussée (ATA/249/2009 du 19 mai 2009).

Cela étant, la réaffectation de locaux commerciaux sis au rez-de-chaussée d'un bâtiment à une activité administrative dans des bureaux fermés au public a été admise lorsque ceux-ci se trouvaient dans un périmètre où il n'y avait pratiquement pas d'activité ni d'animation piétonne. Ainsi, dans un cas concernant la transformation d'arcades, originairement destinées à une affectation commerciale accessible au public, en des salons privés à un usage personnel et familial, le propriétaire a été autorisé à les garder fermées au public. Cette approche était justifiée au regard du principe de l'égalité de traitement, compte tenu de la présence de deux banques en rez-de-chaussée dans le même périmètre, et de l'inaction des autorités pour faire respecter le PUS et le RPUS (ATA/282/2006 du 23 mai 2006 et les références citées).

d. L'autorité administrative jouit d'un large pouvoir d'appréciation dans l'octroi de dérogations. Cependant, celles-ci ne peuvent être accordées ni refusées d'une manière arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l'équité et se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs (ATA/634/2014 du 19 août 2014 ; ATA/451/2014 du 17 juin 2014 ; ATA/537/2013 du 27 août 2013). Quant aux autorités de recours, elles doivent examiner avec retenue les décisions par lesquelles l'administration accorde ou refuse une dérogation. Leur intervention n'est admissible que dans les cas où le département s'est laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle. Les autorités de recours sont toutefois tenues de contrôler si une situation exceptionnelle justifie l'octroi de ladite dérogation, notamment si celle-ci répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu'elle est commandée par l'intérêt public ou d'autres intérêts privés prépondérants ou encore lorsqu'elle est exigée par le principe de l'égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATA/634/2014 précité ; ATA/451/2014 précité; ATA/537/2013 précité).

6) La législation cantonale en matière de police des constructions a pour seul but d'assurer la conformité des projets présentés aux prescriptions en matière de constructions et d'aménagements, intérieurs et extérieurs, des bâtiments et des installations. Elle réserve expressément le droit des tiers. Selon les principes généraux du droit, il n'appartient donc pas à l'administration de s'immiscer dans les conflits de droit privé pouvant s'élever entre le requérant d'une autorisation de construire et un opposant, celle-ci n'ayant pas pour objet de veiller au respect des droits réels et notamment des servitudes (art. 3 al. 6 LCI ; ATA/442/2015 du 12 mai 2015 ; ATA/752/2014 du 23 septembre 2014).

7) En l'espèce, l'APA attaquée par la recourante a pour objet « l'aménagement d'une pharmacie au rez-de-chaussée et au premier étage », et la description du projet figurant sur la demande d'autorisation de construire mentionne l'« aménagement d'une arcade commerciale pour une pharmacie (Pharmacie Principale) ».

La question du principe de l'affectation des locaux à une pharmacie ou à un autre type de commerce sort donc manifestement de l'objet de l'APA, seul l'aménagement de l'intérieur de ces locaux étant pertinent en l'espèce.

Or, la recourante soutient que l'art. 9 al. 1 RPUS, dont les principes constitueraient un but d'intérêt public, préconiserait une implantation diversifiée et équilibrée des activités, laquelle serait entravée par l'APA querellée en raison de la grande proximité entre les deux pharmacies concurrentes.

Il ressort toutefois de la jurisprudence précitée que le but d'intérêt public poursuivi par l'art. 9 al. 1 RPUS réside dans l'interdiction d'affecter à des bureaux fermés au public les surfaces au rez-de-chaussée donnant sur des lieux de passage ouverts au public, afin de lutter contre les « vitrines mortes », en particulier dans les zones fréquentées et animées.

En l'occurrence, la pharmacie est une activité ouverte et accessible au public, et il ne ressort pas du dossier que l'activité qu'entend y déployer Pharmacie principale modifie l'affectation des locaux, lesquels étaient dévolus à des activités administratives et commerciales, de sorte que l'usage qu'entend en faire Pharmacie principale est conforme à l'art. 9 RPUS.

C'est ainsi dans le cadre des autorisations de construire DD 106'769/1 et /2 que la question de l'affectation des locaux aurait dû être soulevée, puisque c'étaient celles-ci qui autorisaient le principe de la « rénovation de l'enveloppe d'un bâtiment administratif et transformation des espaces intérieurs de bureaux et de commerces ».

En conséquence, c'est également en vain que la recourante soutient que l'autorité intimée aurait violé son pouvoir d'appréciation en n'ayant pas tenu compte de l'intérêt public de tout citoyen de ne pas trouver côte à côte deux commerces exerçant la même activité, cette question ne relevant pas de l'objet de la présente procédure. Il en va ainsi de même de sa demande visant à inviter Pharmacie principale à déposer une nouvelle autorisation de construire en modifiant l'affectation qu'elle entend déployer dans ses locaux à la vente de cosmétiques.

Le grief sera écarté et le jugement entrepris confirmé sur ce point.

8) Pharmacie populaire soutient que l'APA querellée violerait les conditions émises dans le préavis de la ville, que le DALE aurait dû considérer comme contraignantes car elles faisaient notamment référence aux principes d'intérêt public prévus dans le RPUS.

a. Les demandes d'autorisation sont soumises, à titre consultatif, au préavis des communes, des départements et des organismes intéressés. L'autorité de décision n'est pas liée par ces préavis. Les communes et toutes les instances consultées formulent leur préavis dans un délai de trente jours à compter de la date d'enregistrement de la demande (art. 3 al. 3 1ère phr. LCI).

Les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi (art. 3 al. 3 LCI).

Lorsque le DALE traite une demande en procédure accélérée, la demande n'est pas publiée dans la FAO et le DALE peut renoncer à solliciter le préavis communal. L'autorisation est, par contre, publiée dans la FAO et son bénéficiaire est tenu, avant l'ouverture du chantier, d'informer, par écrit, les locataires et, le cas échéant, les copropriétaires de l'immeuble concerné des travaux qu'il va entreprendre. Une copie de l'autorisation est envoyée à la commune intéressée (art. 3 al. 7 LCI).

b. Selon une jurisprudence bien établie, la chambre administrative observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de
celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le DALE ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/281/2016du 5 avril 2016 ; ATA/1366/2015 du 21 décembre 2015; ATA/636/2015 du 16 juin 2015; ATA/1019/2014 du 16 décembre 2014). Lorsque l'autorité s'écarte desdits préavis, la chambre administrative peut revoir librement l'interprétation des notions juridiques indéterminées, mais contrôle sous le seul angle de l'excès et de l'abus de pouvoir, l'exercice de la liberté d'appréciation de l'administration, en mettant l'accent sur le principe de la proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable et sur le respect de l'intérêt public en cas d'octroi de l'autorisation malgré un préavis défavorable (ATA/1366/2015 du 21 décembre 2015; ATA/636/2015 du 16 juin 2015). De même, s'agissant des jugements rendus par le TAPI, la chambre administrative exerce son pouvoir d'examen avec retenue car celui-ci se compose pour partie de personnes possédant des compétences techniques spécifiques (ATA/86/2015 précité; ATA/1019/2014 du 16 décembre 2014; ATA/719/2013 du 29 octobre 2013).

c. En l'espèce, la demande d'autorisation de construire ayant abouti à l'APA querellée a été traitée en procédure accélérée, étant rappelé que la recourante n'a plus remis en question le choix de la procédure devant la chambre de céans.

Dans cette mesure, à rigueur des dispositions précitées, le DALE n'avait non seulement pas la moindre obligation d'imposer à Pharmacie principale les conditions énoncées par la ville, laquelle agissait en tant qu'instance de préavis, mais il aurait en outre eu tout loisir de ne pas même la consulter.

En tout état, ainsi que le relèvent les intimés, d'une part, rien ne laisse penser que les vitrines du rez-de-chaussée ne seraient pas transparentes et, d'autre part, ainsi que traité plus haut, l'accès au rez-de-chaussée des locaux est conforme au RPUS et ainsi accessible au public, si bien qu'il appert que les deux conditions sont respectées.

Le grief sera donc écarté.

9) Enfin, Pharmacie populaire a sollicité la suspension de la présente procédure jusqu'à droit connu dans la procédure pendante devant le TBL initiée par Pharmacie principale à l'encontre de CSA et tendant à la révision de leur accord valant jugement d'évacuation.

Il apparaît que ces deux procédures sont manifestement distinctes, la présente procédure ne traitant que du bien-fondé de l'APA querellée tandis que la procédure pendante devant le TBL relève d'un litige de droit privé, portant de surcroît sur des locaux qui ne sont pas visés par l'APA querellée.

Les conditions légales de la suspension de la présente procédure (art. 14 et 78 LPA) ne sont ainsi nullement remplies, de sorte que la demande de la recourante en ce sens doit être rejetée.

10) Par ailleurs, Pharmacie principale a requis qu'il soit procédé à une rectification du dispositif de l'arrêt ATA/1069/2017 rendu le 6 juillet 2017 sur mesures « superprovisionnelles » et provisionnelles, pour qu'il y soit ajouté, s'agissant de la partie relative aux travaux à l'intérieur des locaux auxquels Pharmacie principale et Crédit suisse s'engageaient à ne pas procéder, la mention « sous réserves du sort qui pourrait être donné par le Tribunal fédéral quant à l'effet suspensif ».

Aux termes de l'art. 85 LPA, la juridiction qui a statué peut rectifier, en tout temps, les fautes de rédaction et les erreurs de calcul.

En l'espèce, la mention dont Pharmacie principale demande l'ajout ne constitue ni une faute de rédaction à corriger, ni la correction d'une erreur de calcul, mais revient au contraire à modifier la substance du dispositif de l'arrêt.

Par ailleurs, le présent arrêt rend sans objet la requête en rectification formulée par Pharmacie principale, étant au demeurant précisé qu'une mention de cette teneur qui figurerait au dispositif d'un arrêt sur mesures provisionnelles rendu par une juridiction cantonale ne lierait pas le Tribunal fédéral, conformément à l'art. 103 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110).

La demande de rectification de Pharmacie principale est donc rejetée.

11) Enfin, Pharmacie principale a conclu à ce que la recourante soit condamnée à une amende pour emploi abusif de procédure (art. 88 LPA).

Conformément à la jurisprudence de la chambre de céans, les conclusions des parties à cet égard sont irrecevables (ATA/302/2016 du 12 avril 2016 ; ATA/214/2016 du 8 mars 2016).

Il n'y a de surcroît pas de motifs justifiant le prononcé d'une telle amende en l'espèce.

12) Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

13) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure au DALE qui intervient par l'intermédiaire de son service juridique, mais une indemnité de procédure de CHF 2'000.-, à la charge de la recourante, sera allouée à Pharmacie principale et à Crédit suisse, à hauteur de CHF 1'000.- chacun (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 juin 2017 par Pharmacie Populaire société coopérative contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 mai 2017 ;

préalablement :

rejette la demande de PP Pharmacie principale SA tendant à la rectification du dispositif de l'arrêt ATA/1069/2017 du 6 juillet 2017 ;

rejette la demande de suspension de la procédure formulée par Pharmacie Populaire, société coopérative ;

au fond :

rejette le recours interjeté par Pharmacie Populaire société coopérative ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Pharmacie Populaire société coopérative ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à PP Pharmacie principale SA, à la charge de Pharmacie Populaire société coopérative ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Crédit Suisse SA, à la charge de Pharmacie Populaire société coopérative ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Yves Bruderlein et Sidonie Morvan, avocats de la recourante, à Me Jacques Berta, avocat de Crédit Suisse SA, à Me Karin Grobet Thorens, avocate de PP Pharmacie principale SA, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie - oac, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Verniory, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :