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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/24/2021

ATA/77/2023 du 24.01.2023 sur JTAPI/1275/2021 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 06.03.2023, rendu le 15.12.2023, REJETE, 1C_112/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/24/2021-LCI ATA/77/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 janvier 2023

3ème section

 

dans la cause

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

et

Monsieur A______
B______

représentés par Me François Bellanger, avocat

contre

Monsieur A______
B______

représentés par Me François Bellanger, avocat

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 

________

 

 

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 décembre 2021 (JTAPI/1275/2021)



EN FAIT

1) Le litige porte sur la conformité au droit des ordres de remise en état du département du territoire (ci-après : le département ou le DT) à la société B______ (ci-après: la SA) et à Monsieur A______ du 18 novembre 2020 concernant le parking et le chemin situé au sud de la parcelle n° 1’288, et les serres-tunnel, la cour et le parking situé à l’ouest de la parcelle n° 1'287 (N° I-1______ et I-2______), ainsi que ceux exigeant la suppression du paddock, du marcheur et du hangar sur les parcelles nos 1'103 et 1'104 (INF 3______).

2) La SA, dont Monsieur A______ est administrateur, a pour but l'exploitation de manège, achat, vente, importation, commerce et courtage de chevaux, prise en pension de chevaux et location de box, organisation de manifestations équestres ainsi que tous services, conseils et activités dans le domaine des sports équestres.

3) a. La SA est propriétaire des parcelles nos 1'103 et 1'104 de la commune de D______, sises en zone agricole et très partiellement constituées de surfaces d’assolement (ci-après : SDA) depuis l’inventaire modifié le 24 juillet 2015, sur une bande de 5 m de l’extrémité nord de la parcelle pour la première, et majoritairement constituée de SDA pour la seconde.

Sur la parcelle no 1'103, de forme rectangulaire, d’une surface de 8'540 m2, sont construits, selon l’extrait du registre foncier, un grand bâtiment ayant la fonction de manège ainsi qu’une écurie perpendiculaire au manège au nord (no 4______) d’une surface totale de 1'417 m2. Une maison d’habitation d’une surface de 182 m2 est construite perpendiculairement au manège au sud. Autour des bâtiments, le sol est recouvert de bitume, sur une surface de 2'421 m2.

Au nord de ces bâtiments (nos 4______ et 5______) se trouve un paddock d’une surface de 3'097 m2. La parcelle contient encore un couvert d’environ 200 m2 situé à l’angle nord-est du manège à quelque 11 m de celui-ci.

b. Aucun bâtiment n’est construit sur la parcelle no 1'104, d’une surface de 8'359 m2, qui contient un marcheur circulaire de 241 m2.

c. Les parcelles nos 1'103 et 1'104 forment un rectangle d’une hauteur approximative de 270 m et d’une largeur d’environ 70 m. La parcelle n° 1'104 est au nord de la 1'103. Le rectangle est bordé, à l’est, pour le tiers du haut par les Grands Bois, zone forestière, pour le tiers du milieu par la parcelle n° 1'288, propriété de Madame C______ et pour le tiers du bas par la n° 1'287, propriété de M. A______.

d. Depuis la création du manège, dans les années 1960, les parcelles nos 1'103 et 1'104 ne sont plus affectées à l’agriculture.

Après avoir brûlé en 1970, le manège a été reconstruit. Son activité a évolué, passant des cours d’équitation dispensés jusqu’aux années 1981 à un centre d’entrainement pour la compétition équestre. Il comprend encore une activité de pension pour chevaux.

4) Le 16 décembre 2013, la SA a obtenu du département une autorisation de construire DD 6______-2 pour la transformation d'une écurie, sellerie, vestiaire, création d'un club house et d'un espace de stockage sur la parcelle no 1'103.

5) Le 16 mai 2014, la SA a déposé auprès du département une nouvelle demande d'autorisation en vue de la construction d'un hangar avec sept box et une sellerie sur la parcelle no 1'103, d’une surface de 148,8 m2. Ce projet a été enregistré sous le no DD 7______.

Selon les plans produits à l’appui de la demande, la construction d’un plan rectangulaire serait située à l’écart de l’angle nord du bâtiment no 4______ à environ 11 m, sur la surface d’un bâtiment déjà existant, mais ne figurant pas au registre foncier.

6) a. Par préavis du 28 juillet 2014, la direction de la planification directrice cantonale et régionale, soit pour elle le service des procédures/préavis et de l'information (ci-après : SPI), s'est déclarée favorable au projet à la condition de l'adoption d'une zone sportive incluant le hangar en question, zone qui faisait l'objet d'une procédure DR no 8______, mais qui n’a pas été adoptée depuis.

b. Le 23 mai 2014, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) s'est déclarée favorable au projet, sous réserve du préavis de la direction générale de l'agriculture (ci-après : DGA) concernant la conformité du projet à la zone agricole.

c. Le 16 juillet 2014, la DGA a préavisé favorablement le projet en relevant que l'activité de manège était présente bien avant 1972 et bénéficiait de la situation acquise en zone agricole. Il était demandé à l'autorité compétente d'apprécier la conformité du bâtiment projeté au regard des conditions et du respect des seuils fixés à l'art. 43 de l'ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1).

7) a. Le 12 août 2014, la DAC a demandé à M. A______ d'apporter la preuve, au regard de l'art 43 OAT, du caractère indispensable de la construction projetée pour le maintien de l'entreprise.

b. Le 15 octobre 2014, M. A______ a exposé que la construction projetée avait pour objet d'assurer la mise en conformité des boxes existants avec les normes en matière de protection des animaux. À la suite d’une demande de complément de la part du département, il a remis les comptes 2013 de l'exploitation comparant les résultats d'exploitation en année pleine disposant de vingt-cinq boxes (situation d'origine) et avec trente-deux boxes (situation actuelle).

8) Par décision DD 7______ du 2 avril 2015, le département a refusé l'autorisation sollicitée.

La loi prévoyait que les bâtiments d'habitation et d'exploitation devaient en principe être groupés. En l'espèce, aucune justification n'avait été donnée pour prouver l'absence de lien matériel entre la construction légalement autorisée et le projet. Le nouveau bâtiment prévu semblait pouvoir fonctionner de manière autonome ou quasi autonome. La dispersion des constructions sur la parcelle accentuait clairement l'impact négatif sur les SDA. Selon l’analyse des comptes produits, le hangar n'apparaissait pas nécessaire à la pérennité de l'entreprise et les conditions de l'art. 43 OAT n’étaient pas remplies.

9) Par acte du 12 mai 2015, M. A______ et la SA ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre la décision de refus en concluant principalement à son annulation. La procédure a été enregistrée sous le numéro de cause A/1570/2015.

10) Après un double échange d’écritures, le 3 novembre 2015, le TAPI s'est adressé à la SA et à M. A______ en attirant leur attention sur une question que les parties n'avaient pas débattue jusque-là, à savoir la limite aux agrandissements posée par l'art. 43 al. 2 OAT. À l'examen de la photographie aérienne de 1986 produite par le département dans le cadre de sa réplique, il semblait que le bâtiment abritant le manège n'occupait à l'époque qu'une très faible partie de la surface actuelle. Il semblait possible d'y distinguer ce qui devait être l'ancienne carrière et des bâtiments adjacents, dont l'un correspondait éventuellement à l'actuel bâtiment cadastré sous no 5______. Si cette interprétation était correcte, il se pourrait que la limite posée par l'art. 43 al. 2 OAT soit dépassée. Les orthophotos de 1983 et 1972 disponibles sur le système d'information du territoire à Genève (ci-après : SITG) faisaient état d'une situation comparable, bien que peu claire. Tout document au sujet des constructions existantes entre 1972 et 1980 devait être produit.

11) La procédure A/1570/2015 a été suspendue d’entente entre les parties depuis le 6 avril 2016, par cinq décisions successives du TAPI.

12) a. En date des 11 et 25 juin 2018, M. A______ et la SA ont déposé auprès du département une demande préalable, enregistrée sous DP 9______ et une demande de démolition enregistrée sous M 10______, visant la démolition/reconstruction du manège et le remplacement des bâtiments existants par :

- la construction d'un seul bâtiment de forme rectangulaire et d'une surface de 1'994 m2, avec un sous-sol de 992 m2 permettant le stationnement de seize voitures et offrant en outre des espaces de rangement ainsi que de stationnement pour les véhicules de l'exploitation ;

- le remplacement du paddock existant, au même emplacement, par un nouveau paddock constitué d'un sol en sable ;

- un nouveau marcheur de 269 m2, le marcheur existant étant également supprimé.

- l'essentiel des surfaces bitumées seraient remplacées par des surfaces perméables carrossables et par du gazon.

Un projet modifié a été déposé le 31 janvier 2020 suite à de nombreux échanges avec le département.

b. Le 12 février 2020, la DAC a préavisé défavorablement le projet, non conforme à la zone agricole.

c. Le 16 mars 2020, l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (OCAN) a préavisé négativement le projet au motif que les aménagements prévus outrepassaient manifestement les possibilités d'agrandissement permises par la loi, notamment s'agissant du paddock et du marcheur qui ne bénéficiaient apparemment pas d'autorisation de construire et ne pouvaient donc pas prétendre à une garantie de la situation acquise. Il serait toutefois possible d'entrer en matière pour certains agrandissements mesurés et limités du manège existant, lequel bénéficiait d'une garantie de la situation acquise, dans la mesure où ce dernier était au bénéfice d'une autorisation de construire antérieure à 1980.

d. Le 9 avril 2020, le SPI a préavisé défavorablement le projet. La démolition/reconstruction du manège entraînerait une modification de l'emprise au sol passant de 1'691 m2 à 1'994 m2, soit une augmentation de 18 %. Une telle modification pouvait être justifiée par l'évolution des normes liées aux questions vétérinaires et des pratiques du sport équestre, auxquelles les bâtiments existants ne répondaient plus et qui ne pouvaient être satisfaits au moyen d'un simple agrandissement de ces derniers. En revanche, ni le paddock, créé entre 1986 et 1991 avec une emprise d'environ 2'300 m2, puis agrandi à environ 3'200 m2 entre 2001 et 2005, ni le carrousel n'avaient jamais fait l'objet d'autorisation de construire. Non compatibles avec les exigences fédérales relatives aux SDA, ces aménagements et leurs pourtours, d'environ 4'500 m2 au total, avaient dû être sortis de l'inventaire des SDA lors de sa mise à jour en 2014. S'agissant d'installations illicites, leur remise en état dans les plus brefs délais était exigée afin qu'elles puissent retourner à l'inventaire SDA.

En examinant la demande préalable, le SPI avait constaté l'apparition de nombreux autres aménagements extérieurs qui n'étaient pas au bénéfice d'autorisations, à savoir de petits tunnels sous bâche verte apparus environ en 2013-2014 sur la parcelle voisine n° 1'287 (propriété de M. A______), d'un parking à vans apparu aux environs de 2012 sur les parcelles n° 1'287 et 1'288 (propriété de Madame C______), ainsi que différents accès et chemins. De ces affectations illicites résultait une perte additionnelle d'environ 560 m2 de SDA, de sorte que la démolition de ces aménagements et la remise en état des sols devraient être ordonnées.

13) Par courrier du 11 juin 2020, la requérante a demandé que l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC) écarte ces préavis et accorde l'autorisation requise. À ce courrier était joint copie d'une lettre adressée par le maire et ses deux adjoints de la commune de D______, apportant son soutien au projet, compte tenu, notamment, de la présence du manège depuis soixante ans, de son rôle social et environnemental, ainsi que de sa fonction économique pour la commune.

14) a. Le 11 juin 2020, le département a ouvert une procédure d’infraction I-11______ relative à la parcelle n° 1'288 et a interpellé la propriétaire. Il avait été constaté l’aménagement d’un parking et d’un chemin sans autorisation au sud de sa parcelle.

La propriétaire, par pli du 24 juin 2020, a précisé avoir loué ladite parcelle à l’exploitant de la SA comme terrain vierge où les chevaux du manège pouvaient paître et se détendre. Elle renvoyait le département auprès de celui-ci.

b. Le même jour, le département a ouvert une procédure d’infraction I- 12______ relative à la parcelle n° 1'287. Il avait constaté l’installation, sans autorisation, de serres – tunnels, d’une cour et d’un parking,

c. La SA a confirmé avoir installé certains tunnels à caractère agricole, en limite de propriété des parcelles nos 1'103 et 1’288 pour stocker des copeaux de bois et de la paille, nécessaires pour l’exploitation de son manège. Cet aménagement avait un caractère temporaire et n’impliquait aucune modification du sol car il ne comprenait qu’une toile fixée sur les poteaux amovibles. La cour et le parking étaient également provisoires, permettant, de temps en temps, le stationnement temporaire de certains véhicules liés à l’exploitation du manège. Si la demande préalable aboutissait, ces installations étaient appelées à disparaître.

15) Par courrier du 29 juillet 2020 au service de l'inspection de la construction et des chantiers, la requérante a souhaité un échange coordonné avec ce service et l'OAC, afin de faire le point sur les nombreuses procédures engagées et les options possibles.

16) a. Le 18 novembre 2020, le département a refusé la DP 9______. Il relevait que les différentes alternatives proposées, comme le fait de conserver la halle intérieure ou le paddock, mais pas les deux, n'avaient pas été retenues par la requérante.

b. Par une deuxième décision du 18 novembre 2020, le département a ordonné à la SA de procéder dans les 60 jours à la suppression du parking et du chemin situés au sud de la parcelle n° 1'288, en limite de propriété des parcelles n° 1'103 et 1'287, y compris la suppression et l'évacuation des revêtements de sol, à la suppression et l'évacuation des serres-tunnel situées à l'ouest de la parcelle n° 1'287, y compris les revêtements de sol, et enfin à la suppression et à l'évacuation du revêtement de sol formant une cour et un parking situés à l'ouest de la parcelle n° 1'287. En outre, il était ordonné la remise en état du terrain naturel, après suppression des points précités.

c. Par une troisième décision du 18 novembre 2020, le département a ordonné à la SA de procéder dans les 60 jours à la suppression du paddock et du marcheur aménagés sur les parcelles n° 1'103 et 1'104, dont la présence avait été constatée durant l'instruction de la requête DP 9______. Au vu de l'atteinte importante que ces aménagements portaient aux terres pouvant être comptabilisées en surface d'assolement, dont la préservation était clairement prépondérante par rapport aux intérêts privés de la SA, le département a estimé être non seulement droit, mais surtout dans l'obligation d'en exiger la démolition. Il était rappelé à cet égard que selon le monitoring prospectif des réserves des surfaces d'assolement mis en place en 2014, qui enregistrait les pertes et gains aux horizons 2030 et 2040, les réserves de surface d'assolement seraient entièrement épuisées d'ici 2030 et tous projets avec emprise sur ces surfaces serait impérativement soumis à compensation mètre pour mètre. Par conséquent, dans le cadre du plan d'action visant à récupérer des surfaces d'assolement, l'une des mesures visait à ordonner la remise en état d'affectations illicites sur la zone agricole.

En outre, il était également ordonné de démolir le hangar qui avait fait l'objet de la demande n° DD 7______, laquelle avait abouti à un refus. La surface de ce hangar devrait être remise à l'état naturel. Enfin, au vu des multiples clôtures existantes, le département sollicitait dans tous les cas le dépôt, dans les soixante jours, d'une requête portant sur l'ensemble des clôtures mises en place, respectivement utilisées par la SA.

17) a. Par trois actes séparés du 4 janvier 2021, la SA et M. A______ ont recouru auprès du TAPI :

- contre la décision de refus de la DP 9______ ; cause A/17/2021,

- contre l’ordre de remise en état concernant diverses installations sur les parcelles nos 1'287 et 1'288 de la commune de D______ ; cause A/24/2021,

- et contre l’ordre de remise en état concernant le paddock et le marcheur sur les parcelles nos 1'103 et 1'104 ; cause A/25/2021.

Préalablement, ils sollicitaient la suspension des procédures dirigées contre les ordres de remise en état, le sort de celles-ci dépendant directement de l’issue du recours interjeté contre la DP n° 9______.

b. S'agissant de la procédure relative au refus de délivrer la DP, ils soulignaient notamment que le plan directeur de la commune de D______ n° 13______, adopté par le Conseil municipal de la commune le 7 mars 2011 et approuvé par le Conseil d'État le 15 juin 2011, identifiait le manège comme une infrastructure existante de sports et de loisirs, le mettant en évidence comme un périmètre non affecté à l'agriculture.

18) Par jugement du 2 décembre 2021, le TAPI a rejeté le recours dans la cause A/17/2021. Le refus de la DP était confirmé.

19) Par jugement du même jour, il a rejeté le recours contre la décision du DT du 2 avril 2015 refusant la DD 7______ portant sur la construction d’un hangar (A/1570/2015).

M. A______ et la SA ont interjeté recours à l’encontre du jugement.

20) Par jugement du 16 décembre 2021, le TAPI a rejeté le recours contre les deux décisions ordonnant la suppression de nombreuses constructions et la remise en état (décision du DT des 18 novembre 2020), à l’exception du paddock et du marcheur dont l’ordre de remise en état était annulé.

Le paddock, le marcheur circulaire, le parking et le chemin (situé au sud de la parcelle n° 1'288, en limite de propriété des parcelles n°s 1'103 et 1'287), les serres-tunnel ainsi que la cour et le parking (situés à l’ouest de la parcelle) étaient des constructions ou aménagements soumis à une autorisation de construire. Les recourants s’étaient mis dans une situation compliquée, poursuivant le développement de leur entreprise en ignorant délibérément les normes applicables en zone agricole. Ils étaient coutumiers de la politique du fait accompli et il était nécessaire d'y mettre un terme, sauf à les encourager à poursuivre à l'avenir la construction et l'aménagement d'éléments contraires à la zone agricole. Par conséquent, l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit l’emportait sur leur intérêt à pouvoir maintenir les installations précitées. Les conséquences fâcheuses que cela entraînait pour eux n’étaient que la conséquence d'un comportement particulièrement irrespectueux des règles de l'aménagement du territoire et du droit de la construction.

S’agissant toutefois du paddock et du marcheur, il paraissait difficilement concevable que l’autorité intimée ait ignoré depuis environ trente ans l'existence d'aménagements aussi imposants. Dans le cadre de la DD 6______, la direction générale de l'agriculture avait émis un préavis favorable en examinant en détail les conséquences du projet sur l'exploitation future du manège et en attirant l'attention de la recourante sur les contraintes légales qui en résulteraient. Dans le cadre de la procédure n° DD 7______, la DAC et la direction générale de l'agriculture avaient tout d'abord préavisé favorablement le projet. La formulation du préavis de cette dernière instance laissait entendre que B______ était une infrastructure dont l'étendue était connue de longue date. Le refus d'autorisation auquel avait finalement abouti la demande DD 7______ n'avait aucun lien avec le caractère illégal du paddock et du marcheur, soulevé ultérieurement par le TAPI. L'examen auquel l'autorité intimée s'était livrée à ces deux occasions n’avait impliqué aucune remarque de sa part au sujet de la présence du paddock et du marcheur. Dès lors, en remettant en cause des aménagements dont elle avait jusque-là pris acte et dont la présence ne l'avait pas empêchée, par décision DD 6______ du 16 décembre 2013, d'autoriser la construction d'infrastructures permettant au manège de poursuivre et d'améliorer les conditions de son exploitation, l'autorité intimée se comportait de manière contraire aux règles de la bonne foi. L'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit, quand bien même il concernait la problématique importante des SDA, devait céder le pas face à l'intérêt privé des recourants à pouvoir conserver le paddock et le marcheur, installations dont il pouvait être aisément admis qu'elles jouaient un rôle extrêmement important dans l'exploitation du manège.

21) Tant M. A______ et la SA que le DT ont interjeté recours, en temps voulu, devant la chambre administrative à l’encontre du jugement du 16 décembre 2021.

a. Le DT a conclu au rétablissement de sa décision du 18 novembre 2020.

Il a détaillé l’historique de la problématique des SDA dans le canton. Lors de la mise à jour de l’inventaire, en 2015, quatre-vingt-sept aménagements sur sol naturel (dont le paddock du B______) relevant très vraisemblablement d’infractions à la LCI et qui avaient eu un impact négatif sur les SDA avaient été recensés. Le département n’avait jamais statué sur la légalité du paddock et du marcheur, ni donné aucune garantie ou promesse aux propriétaires. Les plans de l’autorisation délivrée en 2013 (DD 14______) ne faisaient mention que d’un « autre revêtement dur ». Le silence du département ne pouvait pas être interprété comme une assurance reçue par le justiciable. Il avait au contraire ouvert une procédure d’infraction quelques mois plus tard, en 2014, et avait refusé la DD 7______. Depuis lors, le droit fédéral avait évolué en 2014 et le monitoring des SDA ainsi que le service des infractions avaient été renforcés. Le département s’était montré actif en essayant, dans un premier temps, de voir si une modification de zone pouvait être effectuée, puis de déterminer si la nouvelle activité déployée par les recourants et les besoins accrus en infrastructures équestres pouvaient être autorisés selon une dérogation à la zone agricole. Il avait demandé, sans succès, malgré plusieurs relances et prolongations de délais, aux propriétaires des documents précis, en vain. La jurisprudence récente avait retenu que la durée de sept ans avant que l’autorité entreprenne les démarches en vue de l’exécution d’un ordre de démolition d’une écurie implantée trop proche de la lisière forestière était insuffisante pour conclure de bonne foi qu’elle aurait toléré la situation et renoncer à exiger son exécution. Par ailleurs, le TAPI avait effectué une pesée des intérêts erronée. La préservation des SDA était, depuis le 1er mai 2014, un principe cardinal de l’aménagement du territoire, qu’il avait sous-estimé. De surcroît, ce n’était pas l’exploitation du manège qui nécessitait le maintien de marcheur et d’un paddock en sable, mais sa nouvelle fonction de centre d’entraînement pour la compétition équestre développée par la SA sans autorisation. La surface dévolue à l’équitation dans le volume construit était amplement suffisante. Le marcheur et le paddock n’étaient pas indispensables à l’exploitation du manège tel qu’autorisé. Les 4'000 m² concernés devaient être restitués aux SDA.

b. M. A______ et la SA ont conclu à l’annulation du jugement en tant qu’il confirmait la remise en état des deux parkings, du chemin, des serres-tunnel, de la cour et du hangar.

Le plan directeur de la commune de D______ n° 13______ (ci-après : le PDCom) identifiait le manège comme une infrastructure existante de sport et de loisirs. Le département avait refusé leur proposition du 29 juillet 2020 d’un entretien afin de faire le point sur les différentes procédures en cours et examen d’une solution globale. Les éléments objets de la demande de remise en état étaient provisoires. En permettant le maintien du paddock et du marcheur, le TAPI avait reconnu l’importance du manège. Il avait toutefois tenu un raisonnement contradictoire dans le résultat et de surcroît non motivé en autorisant le maintien de ces deux éléments tout en niant l’utilité des autres éléments. Il était nécessaire d’avoir des lieux où stocker le matériel, parquer les voitures même provisoirement, parquer les véhicules d’exploitation, bénéficier d’un chemin, de la cour et des serres tunnel. Par ailleurs, le TAPI avait manifesté, dans sa motivation, une certaine volonté de punir les recourants en raison du fait que les installations n’étaient pas toutes au bénéfice d’une autorisation de construire. Or, la remise en état n’avait pas un but punitif. Les art. 129 let. e et 130 LCI avaient été violés. Les ordres de remise étaient de surcroît disproportionnés.

c. Dans sa réplique, le département a contesté le caractère provisoire des constructions et aménagements litigieux. En l’absence de projet alternatif à la DP 9______ qui soit autorisable, la situation était vouée à perdurer encore de nombreuses années et les photos prouvaient qu’elle existait depuis un certain temps. Le caractère indispensable des installations était dû au changement d’affectation non autorisé. S’il pouvait être considéré que la détention de chevaux en pension était l’activité disposant de droits acquis, le centre d’entraînement pour la compétition équestre ne pouvait pas justifier les constructions et aménagements querellés. La pesée des intérêts devait tenir compte du fait que cette dernière activité n’était pas autorisable au sens de la LAT, de l’importance majeure accordée à la protection des terres cultivables et à la garantie des surfaces d’assolement reconnue par la jurisprudence ainsi que du principe de la séparation de l’espace bâti et non bâti, de rang constitutionnel.

d. Dans leur duplique, M. A______ et la SA ont rappelé que, vu l’importance des aménagements litigieux, soit 2'300 m² entre 1986 et 1991 puis 3'200 m² en 2001 et 2005, il était peu concevable que le département ait pu ignorer leur existence. Il les avait en conséquence « tolérés activement », ce que confirmait la procédure de délivrance de l’autorisation DD 6______ qui faisait mention d’un « autre revêtement dur » à l’emplacement du marcheur. La fédération suisse des sports équestres avait confirmé la nécessité de disposer tant d’une halle couverte appelée manège que d’un paddock. Le TAPI n’avait pas sous-estimé la problématique des SDA. Tolérer le paddock et le marcheur n’était pas problématique, la surface pouvant être disponible dans un délai de douze mois pour la culture. Ils contestaient avoir changé l’affectation du manège. L’activité de pension pour chevaux était toujours exercée, fonction absolument nécessaire pour la viabilité de l’exploitation. L’évolution du manège n’était pas un changement d’affectation.

22) M. A______ et la SA ont aussi interjeté recours contre le jugement du 2 décembre 2021 dans la cause A/17/2021 refusant la DP.

23) Par arrêt du 30 août 2022, la chambre administrative a partiellement admis le recours dans la cause A/1570/2015.

Le manège en construction figurant sur des plans en 1987, mentionné à nouveau dans les mêmes dimensions dans une convention de promesse de vente en 1989 et l’absence d’autorisation délivrée entre ces dates, rendaient vraisemblable que les bâtiments existants correspondaient, quant à leur surface, à ceux autorisés avant le 1er janvier 1980. La première condition d’un agrandissement d’un maximum de 30 % étant remplie, le dossier était renvoyé au TAPI pour instruction complémentaire sur la condition de la nécessité de la construction pour la pérennité de l’entreprise qu’il n’avait pas tranché et nouveau jugement.

24) a. Interpellés sur l’éventuelle incidence de l’arrêt du 30 août 2022 sur la présente cause, les recourants ont relevé que la chambre de céans avait notamment retenu que la surface perméable et construite, s’agissant des bâtiments, était inférieure aux surfaces qui avaient été retenues par le département. La destruction du paddock et du marcheur seraient d’autant plus injustifiée.

b. Le DT a relevé que l’un des ordres de remise en état, du 18 novembre 2020, portait notamment sur le bâtiment objet de la DD 7______. Dans la mesure où la décision mentionnait que la démolition devrait être effectuée dans un délai de soixante jours dès entrée en force de la décision de refus DD 7______, le sort de la présente procédure était indépendant de la DD 7______.

25) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

26) Par arrêt de ce jour, dans la cause A/17/2021, la chambre de céans a rejeté le recours de la SA et de M. A______ contre le refus de délivrance de la DP.

27) Le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 149 LCI).

2) Le litige porte sur la conformité au droit des ordres de remise en état du département du 18 novembre 2020 concernant le parking et le chemin situé au sud de la parcelle n° 1’288, de même que les serres-tunnel, la cour et le parking situé à l’ouest de la parcelle n° 1'287 (N° I-1______ et I-2______), ainsi que ceux exigeant la suppression du paddock, du marcheur et du hangar sur les parcelles nos 1'103 et 1'104 (INF 3______).

3) a. En vertu de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l'espèce.

b. Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

4) La SA et M. A______ n’indiquent pas clairement quel grief ils émettent à l’encontre du jugement, détaillé, du TAPI. Ils semblent uniquement contester que la condition relative à la primauté de l’intérêt public sur leurs intérêts privés soit réalisée. Ils relèvent que le TAPI a voulu les sanctionner alors que la remise en état est une mesure administrative et non une sanction.

a. Lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la loi, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application des dispositions légales ou réglementaires, le département peut en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 et 130 LCI).

Depuis l’arrêt du Tribunal fédéral précisant que la prescription trentenaire ne s'applique pas hors de la zone à bâtir (ATF 147 II 309), quatre conditions cumulatives sont nécessaires pour un ordre de remise en état à savoir :

- 1° l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur ;

- 2° les installations en cause ne doivent pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation ;

- 3° l'autorité ne doit pas avoir créé chez l'administré concerné, que ce soit par des promesses, par des infractions, des assurances ou encore un comportement des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi ;

- 4° l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/1030/2018 du 2 octobre 2018 consid. 6c et les références citées). 

b. Lorsque des constructions ou des installations illicites sont réalisées en dehors de la zone à bâtir, le droit fédéral exige en principe que soit rétabli un état conforme au droit. Le principe de la séparation de l'espace bâti et non bâti, qui préserve différents intérêts publics, est de rang constitutionnel ; il fait partie intégrante de la notion d'utilisation mesurée du sol de l'art. 75 al. 1 Cst. Cette séparation doit par conséquent, en dehors des exceptions prévues par la loi, demeurer d'application stricte. Si des constructions illégales, contraires au droit de l'aménagement du territoire, sont indéfiniment tolérées en dehors de la zone constructible, le principe de la séparation du bâti et du non-bâti est remis en question et un comportement contraire au droit s'en trouve récompensé. S'ajoute à cela que la remise en état poursuit encore d'autres intérêts publics, à savoir la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole ainsi que le respect du principe de l'égalité devant la loi (arrêt 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.1 et les nombreuses références citées).

L'intérêt privé de pouvoir continuer à profiter de constructions et d'utilisations illégales en dehors de la zone à bâtir ne pèse pas lourd (ATF 147 II 309 consid. 5.6).

c. Par mesures administratives sont visées les actions que les autorités administratives ordonnent, par des décisions, voire exécutent (ou font exécuter par des tiers), aux fins de rétablir le respect de la légalité. Le but de ces mesures est donc correcteur et non répressif. Leur prononcé, du même coup, ne dépend pas de conditions tenant à la personne du constructeur, telles que sa faute (Nicolas WISARD, Samuel BRÜCKNER, Milena PIREK, constructions illicites, in DC 2019, p. 213).

d. En l’espèce, traitant de la condition de l’intérêt public, le TAPI a notamment relevé que c’était en toute connaissance de cause que les recourants s’étaient mis dans une situation compliquée, poursuivant le développement de leur entreprise en ignorant délibérément les normes applicables en zone agricole ; ils avaient recouvert de bitume d'importantes surfaces autour du manège, sans se soucier de requérir une autorisation ; ils étaient coutumiers de la politique du fait accompli et il était nécessaire d'y mettre un terme, sauf à les encourager à poursuivre à l'avenir la construction et l'aménagement d'éléments contraires à la zone agricole ; les conséquences fâcheuses que cela entraînait pour eux n’étaient que la conséquence d'un comportement particulièrement irrespectueux des règles de l'aménagement du territoire et du droit de la construction.

Au vu de la motivation du jugement, l’argument des recourants n’est pas dépourvu de pertinence. Toutefois, même à procéder à une pesée des intérêts telle qu’exigée par la condition n° 4 précitée, le résultat n’est pas différent. Les intérêts publics du respect du principe de la séparation du bâti et du non-bâti, de la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole ainsi que le respect du principe de l'égalité devant la loi priment largement l’intérêt privé des recourants à conserver leurs aménagements. Si, certes, leur intérêt à pouvoir conserver leurs installations, et notamment le paddock et le marcheur, peut être important pour le fonctionnement du centre équestre de compétition, il ne peut primer ceux qui précèdent, d’autant moins qu’une partie des surfaces concernées sont recensées parmi les SDA.

5) Les recourants reprochent au TAPI d’avoir mélangé, dans le même considérant, l’analyse de la bonne foi et celle de la proportionnalité de l’ordre de remise en état s’agissant du paddock et du marcheur. Si l’examen avait été distinct, leur intérêt hautement prépondérant à conserver les autres aménagements, soit les serres-tunnel, le chemin et le parking ainsi que la cour, aurait aussi dû être relevé.

L’argument est difficilement compréhensible. Conformément aux considérants qui suivent la bonne foi s’examine dans le cadre de l’analyse de la proportionnalité au sens restreint. C’est le critère de l’ancienneté des installations, en l’occurrence du paddock et du marcheur, qui a justifié la différence de traitement entre ces deux aménagements et les autres.

6) La SA et M. A______ relèvent qu’en permettant le maintien du paddock et du marcheur, le TAPI a reconnu l’importance du manège comme centre d’entraînement pour la compétition équestre ainsi que comme centre de pension pour chevaux. Dès lors, son raisonnement, considérant que pour certains aménagements, l’intérêt public à leur remise en état est prépondérant, alors que tel ne serait pas le cas pour d’autres, apparaît contradictoire.

Ce raisonnement ne résiste pas à l’examen, pour les mêmes motifs que ceux du considérant qui précède, les autres installations ayant été construites plus récemment que le marcheur et le paddock, soit entre 2012 et 2015 selon les orthophotos du SITG.

7) La SA et M. A______ allèguent que les aménagements litigieux sont nécessaires à l’activité du manège et que l’ordre de leur remise en état est disproportionné. Le TAPI ayant partiellement admis le recours en tant qu’il était dirigé contre la décision de remise en état du paddock et du marcheur, l’analyse porte en l’état sur les autres installations soit le parking et le chemin situé au sud de la parcelle n° 1’288, les serres-tunnel, la cour et le parking situé à l’ouest de la parcelle n° 1'287 (N° I-1______ et I-2______), ainsi que le hangar sis sur la parcelle n° 1'103.

Le recours du DT portant sur le paddock et le marcheur est traité au considérant suivant.

a. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Les critères de l'aptitude et de la subsidiarité sont particulièrement concernés lorsqu'un ordre de démolition pur et simple est envisagé. Ils impliquent en effet de déterminer si une – ou plusieurs – autre mesure administrative pourraient être préférées, le cas échéant en combinaison.

La proportionnalité au sens étroit implique une pesée des intérêts. C'est à ce titre que l'autorité renonce à ordonner la remise en conformité si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle.

b. Dans la règle, l’intérêt public majeur à la préservation des zones agricoles et la distinction fondamentale entre espace bâti et non-bâti l’emporte (arrêt du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.4.2 confirmant l'ATA/1304/2020 du 15 décembre 2020; arrêt du Tribunal fédéral 1C_233/2014 du 23 février 2015 consid. 4).

c. Le postulat selon lequel le respect du principe de la proportionnalité s'impose même envers un administré de mauvaise foi est relativisé, voire annihilé, par l'idée que le constructeur qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que cette dernière se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, Les constructions « illicites », in Jean-Baptiste ZUFFEREY [éd.], op. cit., p. 218).

d. L'autorité peut renoncer à un ordre de démolition, conformément au principe de la proportionnalité, si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit (ATF 132 II 21 consid. 6 ; 123 II 248 consid. 3a/bb). Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a; 111 Ib 213 consid. 6b et la jurisprudence citée).

e. L’inaction de l’autorité face à une construction illicite ne lie cette dernière que si elle peut être assimilée à une tolérance « active ». Pour cela, l’autorité a dû rester passive pendant une période prolongée – de l’ordre d’une dizaine d’années au moins – alors qu’elle avait connaissance de la construction illicite, ou aurait dû en avoir connaissance si elle avait agi avec diligence (Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, Les constructions « illicites », in Jean-Baptiste ZUFFEREY [éd.], op. cit., p. 223).

Le Tribunal fédéral a déjà considéré que des délais de plus de quatre ans et même de plus de treize ans ne suffisaient pas pour retenir que l'autorité administrative aurait toléré des constructions et installations durant de longues années et que son intervention violerait le principe de la bonne foi (arrêts du Tribunal fédéral 1C_114/2011 du 8 juin 2011 consid. 4.2 ; 1C_181/2009 du 24 juin 2009 consid. 3.3). Des délais de vingt-quatre voire vingt ans peuvent suffire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_176/2009 du 28 janvier 2010 consid. 2.2.2 et les références citées).

f. En l’espèce, les ordres de remise en état sont aptes à atteindre les buts d’intérêt public précités, soit le respect du principe de la séparation du bâti et du non-bâti, de la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole, le respect du principe de l'égalité devant la loi ainsi que la préservation des SDA.

Le critère de la subsidiarité est respecté, aucune mesure moins incisive que la remise en état n’étant à même de les assurer.

S’agissant de la proportionnalité au sens étroit, les dérogations à la règle ne sont pas mineures. Elles sont nombreuses et concernent plusieurs installations réparties en plusieurs endroits de plusieurs parcelles. Les intérêts publics concernés sont de nature à justifier la démolition des équipements concernés. Pour la plupart, les propriétaires ont d’ailleurs mis en avant leur caractère temporaire et facilement démontable, à l’instar notamment des serres-tunnel, du chemin et des places de parking.

En aucun cas, les propriétaires ne pouvaient de bonne foi se croire autorisés à construire. Ils n’ignoraient pas les particularités de la zone agricole ni la qualité partiellement de SDA des parcelles concernées. La procédure visant à une modification de zones en faveur d’une zone de loisirs est symptomatique du fait qu’ils étaient au courant que la solution ne leur était en l’état pas favorable. Enfin, il ne peut être retenu qu’il y aurait des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle. Les recourants font état de la prescription trentenaire. Outre qu’elle n’est pas applicable aux constructions concernées érigées vers 2010 voire plus tard, la récente jurisprudence du Tribunal fédéral a précisé qu’elle ne trouvait pas application en zone agricole (ATF 147 II 309 consid. 5.5).

Dès lors, les ordres de remise en état concernant le parking et le chemin situé au sud de la parcelle n° 1'288, et les serres-tunnel, la cour et le parking situé à l’ouest de la parcelle n° 1'287 (N° I-11______ et I-12______), ainsi que ceux exigeant la suppression du hangar faisant l’objet de la procédure A/1570/2015, relative à la DD 7______ (INF 3______) respectent le principe de la proportionnalité.

En tous points infondés, le recours de la SA et M. A______ sera rejeté.

8) a. Le département a aussi interjeté recours contre ledit jugement. C’était à tort que le TAPI avait retenu que l’autorisation délivrée en 2013 aurait engagé la bonne foi du département et que, par conséquent, paddock et le marcheur auraient été tolérés.

b. Il ressort des orthophotos du SITG que le paddock a été construit, en sable, à l’emplacement actuel, entre 1986 et 1991 alors que le marcheur a été ajouté entre juin 2001 et juin 2005. La première installation a en conséquence trente ans et la seconde dix-sept ans au minimum. Le département ne conteste pas ces dates, le préavis du SPI du 9 avril 2020 précisant que l’emprise du paddock était de 2'300 m2 avant de passer, dans les années 2001-2005 à 3'200 m2.

Le paddock est une installation d’une taille certaine, au su et au vu de toutes les personnes passant à proximité.

Le fait que le paddock ne soit principalement utilisé que d’avril à octobre n’est pas déterminant, des installations extérieures étant exigées pour une détention convenable des chevaux. Le tableau 7 de l’annexe 1 de l’ordonnance sur la protection des animaux du 23 avril 2008 (OPAn – RS 455.1) prévoit un nombre de mètres carrés obligatoire par équidé d’aires de sortie « utilisables par tous les temps ». Une attestation de la fédération suisse des sports équestres du 4 février 2019 confirme qu’elle recommande une piste extérieure, appelée paddock de 3'500 m2 minimum.

Si certes, le département indique être intervenu à l’encontre du paddock et du marcheur, ses démarches sont postérieures à 2014, ce qui correspond à la mise à jour de l’inventaire des SDA en 2015. La tolérance du paddock était alors déjà de vingt-trois années.

Contrairement à d’autres travaux, la nécessité d’obtenir une autorisation de construire pour un paddock en sable n’était par ailleurs pas évidente. La chambre de céans y a d’ailleurs consacré un récent arrêt (ATA/161/2021 du 9 février 2021 consid. 3 à 7).

C’est ainsi à bon droit que le TAPI a relevé que le département avait été amené au moins à deux reprises (DD 6______ et 7______), postérieurement à la réalisation de ces aménagements, à se pencher sur des projets relativement conséquents visant à moderniser ou agrandir les infrastructures du manège. L'examen auquel l'autorité intimée s'était livrée à ces occasions, par le biais de ses instances de préavis, notamment du SPI le 9 avril 2020, n'avait soulevé aucune remarque de sa part au sujet de la présence du paddock et du marcheur. Dès lors, en remettant en cause des aménagements dont elle avait jusque-là pris acte et dont la présence ne l'a pas empêchée, par décision n° DD 6______ du 16 décembre 2013, d'autoriser la construction d'infrastructures permettant au manège de poursuivre et d'améliorer les conditions de son exploitation, l'autorité intimée s’est comportée de manière contraire aux règles de la bonne foi.

À cela s’ajoute que le plan directeur de la commune de D______ n° 13______, adopté par le Conseil municipal de la commune le 7 mars 2011 et approuvé par le Conseil d'État le 15 juin 2011, identifiait le manège comme une infrastructure existante de sports et de loisirs, le mettant en évidence comme un périmètre non affecté à l'agriculture.

En conséquence, les recourants peuvent se prévaloir de leur bonne foi en relation avec l'écoulement du temps et la « tolérance active », voire la passivité des autorités depuis 1991, lesquelles ne sont pas intervenues jusqu’en 2014, n’ont pas pris de mesures à son encontre, ni émis de décision, pendant plus de vingt ans, intégrant même lesdites installations dans leurs préavis. Le sous-principe de la proportionnalité de l’ordre de remise en état n’étant pas réalisé pour le paddock et le marcheur, le recours du département sera rejeté.

9) Vu l’issue de recours, il sera mis un émolument de CHF 1'000.- à charge de la SA et de M. A______, pris conjointement (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas mis d’émolument à la charge du département qui défendait sa propre décision (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du recours du département, il sera alloué à la SA et
M. A______, solidairement, une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la charge de l’État de Genève.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 31 janvier 2022 par le département du territoire et par B______ et Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 décembre 2021 ;

au fond :

les rejette ;

condamne B______ et Monsieur A______, pris solidairement, à un émolument de CHF 1'000.- ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à B______ et Monsieur A______, pris solidairement, à la charge de l’État de Genève, département du territoire ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Bellanger, avocat des recourants, au département du territoire - OAC ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

 


 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :