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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2887/2016

ATA/166/2018 du 20.02.2018 sur JTAPI/315/2017 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION; DROIT D'ÊTRE ENTENDU; PLAN D'AFFECTATION; ZONE DE DÉVELOPPEMENT; PERMIS DE CONSTRUIRE
Normes : Cst.29.al2; LCI.3.al3; LCI.15; RPUS.9.ch1
Parties : LEMBO Antonio, LEMBO Vittorio, MANDEL ET MOREAU Anne et Hervé, MOREAU Hervé, SULLO Marcello et UNIROYAL SHOES SA, UNIROYAL SHOES SA / DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC, CREDIT SUISSE ANLAGESTIFTUNG REAL ESTATE SWITZERLAND, MIKALYS SA, SULLO Marcello, UNIROYAL SHOES SA, LEMBO Antonio, LEMBO Vittorio
Résumé : La législation cantonale en matière de police des constructions a pour seul but d'assurer la conformité des projets présentés aux prescriptions en matière de constructions et d'aménagements, intérieurs et extérieurs, des bâtiments et des installations. Elle réserve expressément le droit des tiers. Selon les principes généraux du droit, il n'appartient pas à l'administration de s'immiscer dans les conflits de droit privé pouvant s'élever entre le requérant d'une autorisation de construire et un opposant, celle-ci n'ayant pas pour objet de veiller au respect des droits réels et notamment des servitudes. Par ailleurs, l'autorité de recours s'impose une retenue particulière lorsqu'elle estime que l'autorité inférieure est manifestement mieux en mesure qu'elle d'attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger. Il en va ainsi lorsque l'interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière d'utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l'esthétique des construction.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2887/2016-LCI ATA/166/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 février 2018

3ème section

 

dans la cause

Madame Anne MANDEL et Monsieur Hervé MOREAU
représentés par Me Jean-Franklin Woodtli, avocat

et
Monsieur Antonio LEMBO
représenté par Me Julien Blanc, avocat
et
Monsieur Vittorio LEMBO
représenté par Me François Membrez, avocat
et
MIKALYS SA
représentée par Me Christian Buonomo, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC

et

CRÉDIT SUISSE ANLAGESTIFTUNG
représentée par Me Christian Tamisier, avocat


_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 mars 2017 (JTAPI/315/2017)


EN FAIT

1) a. La parcelle n° 6'971 d’une superficie de 979 m2, feuille 28 de la commune de Genève-Cité, située en zone 1, sise 6, rue de la Confédération, est la propriété notamment de Madame Anne MANDEL, Messieurs Hervé MOREAU, Marcello SULLO, Antonio et Vittorio LEMBO, Crédit Suisse Anlagestiftung (ci-après : CSA) et la société Mikalys SA. Les copropriétaires forment une propriété par étages (ci-après : PPE Patac).

b. CSA est également propriétaire de la parcelle n° 6'993 d’une surface de 2'936 m2, située en zone 1, sise 8 et 10, rue de la Confédération, et s’étendant au 2, Place des Trois-Perdrix, au cadastre de la commune précitée.

c. CSA est aussi copropriétaire de la parcelle n° 7'000 d’une surface de 486 m2, située en zone 1, sise 4, rue de Bémont, au cadastre de la commune précitée. Les copropriétaires forment la PPE Bémont.

2) a. Le 15 avril 1975, le Conseil municipal de la Ville de Genève (ci-après : la ville) a adopté un règlement de quartier (ci-après : le règlement) n° 26956-246 portant sur le périmètre situé entre la rue de la Confédération, la place des Trois-Perdrix, la rue de Bémont et les bâtiments de la rue de la Cité, et concernant la réalisation d’un projet dit Confédération Centre (ci-après : Confédération Centre) sur les parcelles précitées.

Le règlement prévoyait des servitudes de passage permettant de maintenir les flux piétonniers entre la rue de la Cité, la rue du Marché et la rue de la Confédération. Il faisait en outre état de la mise en place d’une marquise continue sur la façade à ériger le long de la rue de la Confédération.

b. Les parcelles n° 6'971 et n° 6'993 ont été grevées d’une servitude de passage à pied en faveur de celles nos 6'971, 6'993 et 7'000 et d’une servitude de passage public à pied en faveur de la ville, inscrites au registre foncier respectivement les 27 juillet et 17 novembre 1987.

3) Le rez-de-chaussée de Confédération Centre abrite plusieurs arcades commerciales donnant sur la rue de la Confédération. MM. Antonio et Vittorio LEMBO sont copropriétaires de deux arcades louées respectivement à Pouly SA et Naville ; Mme MANDEL et M. MOREAU d'une arcade commerciale de 56 m2 abritant l'enseigne Tentation Bijoux SA ; M. SULLO et Uniroyal Shoes SA de deux arcades dont une louée à Sandro Suisse SA (contrat résilié) et une autre vide.

4) a. En avril 2011, CSA a décidé de rénover la partie «Commerces et gastronomie» de Confédération Centre, soit le rez-de-chaussée et les deux premiers étages du bâtiment ainsi que les étages en sous-sol.

Les bureaux et les appartements des étages supérieurs n’étaient pas concernés par le projet. La rénovation était rendue nécessaire par la vétusté des installations techniques et le caractère démodé de la galerie commerciale. Les travaux devaient permettre aussi de diminuer la consommation énergétique.

b. L’ordre du jour des assemblées générales de la PPE Patac des exercices 2012, 2013 et 2014 prévoyait une information et, le cas échant, une prise de décision au sujet de la rénovation de la partie commerciale de Confédération Centre.

Lors de l’assemblée générale du 27 juin 2013, les copropriétaires avaient donné leur accord de principe sur le projet de revitalisation de Confédération Centre et une commission constituée. Celle-ci comprenait comme membres notamment MM. SULLO et Antonio LEMBO. Elle était chargée de réfléchir sur un projet à soumettre à l’approbation de l’assemblée générale, préalablement au dépôt d’une demande d’autorisation de construire.

c. Le 3 juin 2014, une séance d’information de la PPE Patac sur la revitalisation de Confédération Centre a exposé les enjeux architecturaux et économiques liés au projet.

À l’aide de plusieurs maquettes et plans, le concept architectural intérieur et extérieur avait été présenté.

d. Lors de l’assemblée générale du 18 juin 2014, un groupe de travail, comprenant notamment les deux copropriétaires précités, a été constitué pour préparer une assemblée générale extraordinaire devant prendre une décision sur le plan architectural et sur la question des servitudes. Le groupe de travail devait évaluer avec l’appui des architectes l’impact financier du projet de revitalisation pour chaque lot de PPE.

e. Le 17 juin 2015, les commissions techniques des PPE Patac et Bémont ont tenu une séance commune.

Elles avaient examiné le projet sous les aspects techniques et financiers et devaient faire une proposition aux assemblées générales pour la prise des décisions. M. SULLO avait, en son nom et en celui de M. Antonio LEMBO, donné son accord sur la proposition faite lors de cette séance.

f. Le 7 mars 2016, une assemblée générale extraordinaire de la PPE Patac ayant pour objet de donner un accord sur le principe de l’indemnité au titre des servitudes et de se prononcer sur le mandat à donner à l’administrateur relatif à la signature de la demande d’autorisation de construire a été convoquée. Étaient annexées à la convocation une synthèse des travaux de revitalisation pris en considération et une fiche individuelle relative au lot de PPE de chaque copropriétaire.

g. L’assemblée générale extraordinaire s’est tenue le 22 mars 2016.

Par une double majorité de 54/66 parts représentant 843,28/920èmes, les copropriétaires ont donné leur accord de principe sur le versement d’une indemnité de CHF 1'496'169.- par CSA à PPE Patac, au titre de la modification des servitudes de passage et du rachat de surfaces communes, et mandat à l’administrateur pour la signature de la demande d’autorisation de construire.

5) Par requête du 12 mai 2016, la société Itten+Brechtbühl SA a déposé, pour le compte des propriétaires CSA, PPE Bémont et PPE Patac, auprès du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : DALE), une demande d'autorisation de construire portant sur la revitalisation de la galerie commerciale de Confédération Centre, enregistrée sous le dossier DD 109'052-3.

6) Plusieurs préavis ont été émis dont ceux de la Commission d'architecture (ci-après : CA) du 8 août 2014, favorable, et de la ville du 30 juin 2016, favorable sous conditions notamment de l’accord du Conseil municipal sur la modification de la servitude de passage à pied grevant les parcelles nos 6'971 et 6'993, moyennant une compensation financière de CHF 1'038'956.-, de la préservation des cinémas existants et de la réintégration des locataires le souhaitant dans les futurs locaux aux mêmes conditions de relogement et d’une proposition de solutions aux commerçants pour continuer à exercer leur activité pendant la durée des travaux.

7) Le 26 juillet 2016, le DALE a informé la ville de son intention de délivrer l’autorisation de construire sollicitée.

Tous les préavis étaient favorables et la législation était respectée. Les conditions de son préavis ne pouvaient pas être reprises dans la décision à délivrer dans la mesure où elles relevaient du droit privé. Elles seraient examinées dans le cadre des demandes d’autorisation à déposer lors de l’aménagement ultérieur des locaux.

8) Par décision du 26 juillet 2016, le DALE a délivré l'autorisation de construire DD 109'052-3 en y annexant le préavis de la ville. Celle-ci a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 2 août 2016.

Les conditions figurant dans les préavis joints devaient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de la décision.

9) a. Par acte expédié le 31 août 2016, Mme MANDEL et M. MOREAU ont formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée, concluant à son annulation. Cette procédure a été enregistrée sous la cause A/2887/2016 et a fait l’objet d’une publication dans la FAO du 9 septembre 2016.

b. Par actes séparés postés le 14 septembre 2016, MM. Antonio et Vittorio LEMBO, SULLO et Uniroyal Shoes SA ont également formé recours contre l'autorisation précitée auprès du TAPI, concluant à son annulation. Ces procédures ont été enregistrées respectivement sous les causes A/3072/2016 et A/3073/2016.

c. Les 22 septembre et 10 octobre 2016, Mikalys SA a requis son intervention dans la procédure A/2887/2016.

d. Le 15 novembre 2016, CSA a requis du TAPI le retrait de l'effet suspensif aux recours.

10) Par décision du 13 décembre 2016, le TAPI a ordonné la jonction des procédures A/2887/2016, A/3072/2016 et A/3073/2016 sous la cause A/2887/2016, admis la demande d'intervention de Mikalys SA et rejeté la demande de retrait de l’effet suspensif aux recours. Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours.

11) Par jugement du 24 mars 2017, le TAPI a rejeté les recours et les conclusions de Mikalys SA.

Il disposait de tous les éléments lui permettant de trancher le litige en connaissance de cause. Les propriétaires avaient été valablement représentés dans le cadre du dépôt de l'autorisation de construire. La législation sur la police des constructions avait pour but d’assurer la conformité des projets présentés aux prescriptions régissant ce domaine. Aucune des dispositions applicables n’était violée par la modification des surfaces ou des servitudes prévue par le projet autorisé. Les griefs relatifs à la modification des servitudes et à l’impact du remplacement des façades sur les arcades commerciales relevaient du droit privé. La solution adoptée pour la marquise était conforme aux principes architecturaux. Dans cette mesure, le DALE, qui avait fait sienne l'appréciation de la CA et tenu compte des autres préavis favorables, n'avait pas mésusé de son pouvoir d'appréciation. Le projet contesté ne modifiait pas les caractéristiques du quartier ou de la zone. Il avait pour but de rendre optimal l’accès du public à Confédération Centre. La ville avait veillé au respect de son règlement en exigeant notamment la préservation des cinémas et la réintégration de tous les locataires dans les futurs locaux.

12) Par acte déposé le 9 mai 2017, Mme MANDEL et M. MOREAU ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant à son annulation et à celle de l’autorisation de construire.

Le but de la marquise, prévue sur presque toute la façade du côté de la rue de la Confédération, était d’unifier celle-ci. Néanmoins, son implantation défiait la logique architecturale. L’avant-toit à installer contrastait avec les marquises existantes fixes en verre ressemblant à des ouvertures de véranda sur les arcades, sauf au-dessus des entrées, qui demeuraient libres et non couvertes. Il n’unifiait pas le bâtiment et était asymétrique de chaque côté de celui-ci. Il touchait l’assiette de l’entrée principale du centre, mais s’arrêtait abruptement avant leur arcade commerciale.

13) Par acte expédié le 12 mai 2017, MM. Antonio et Vittorio LEMBO ont également recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement précité en concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif, à l’audition des représentants de la ville et, si nécessaire, à un transport sur place. Ils ont aussi conclu, principalement, à l’annulation de la décision contestée, et subsidiairement, au renvoi de la cause pour une nouvelle décision.

Leur droit d’être entendus avait été violé. L’audition des représentants de la ville visait à déterminer si ces derniers avaient compris l’impact de la suppression des boutiques de Confédération Centre et s’ils n’étaient pas dans une situation de conflit d’intérêts.

Le projet autorisé supprimait les vitrines existantes participant à l’animation de la rue de la Confédération et modifiait sa dynamique. Il transférait les arcades à l’intérieur du bâtiment et les remplaçait par un mur. Une arcade située dans l’enclave d’un centre commercial était différente d’une boutique qui avait pignon sur rue. La clientèle de ces établissements n’était pas la même. Aucune approbation des propriétaires de la PPE Patac n’avait été donnée pour le projet autorisé. Les votes intervenus avaient porté uniquement sur l’indemnité à verser au titre de la modification des servitudes de passage et sur le mandat à donner à l’administrateur de la PPE pour signer la demande d’autorisation de construire. Les règles sur la copropriété étaient applicables au domaine de la police des constructions. Les dispositions de droit privé prévoyaient l’approbation unanime des propriétaires pour tout changement d’affectation et la possibilité pour chacun d’entre eux de s’opposer à un tel changement. L’enfermement des locaux dans l’enclave du bâtiment modifierait la clientèle des commerces. Ce changement d’affectation nécessitait l’approbation à l’unanimité des copropriétaires. Les travaux envisagés n’augmentaient pas la valeur du bâtiment et n’amélioraient pas son rendement. Celui-ci n’était ni vétuste ni inutilisable. Il accueillait toujours des commerces et était ouvert au public. Aucune infraction ou non-conformité aux dispositions de la police des constructions n’avait été jusqu’alors constatée.

14) Par acte expédié le 11 mai 2017, M. SULLO et Uniroyal Shoes SA ont également recouru contre le jugement précité en concluant préalablement à un transport sur place et, principalement, à son annulation. Ils ont retiré leur recours le 7 juin 2017.

15) Le 12 mai 2017, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d’observations.

16) Le 19 juin 2017, le DALE a conclu au rejet des recours.

Le droit d’être entendu des intéressés n’avait pas été violé, le TAPI disposant d’un dossier complet lui permettant de juger en connaissance de cause.

Les propriétaires avaient été informés et associés au projet de revitalisation du bâtiment depuis 2012, dans des assemblées générales. L’assemblée générale extraordinaire de la PPE Patac du 22 mars 2016 avait donné son accord à la double majorité sur le versement d’une indemnité et le mandat donné à l’administrateur de signer la demande d’autorisation de construire. Les intéressés étaient présents et avaient eu accès aux plans du projet. La décision prise n’avait pas été contestée. Le projet ne constituait pas un changement de destination du bâtiment. La revitalisation maintenait les activités commerciales et le mode de répartition des locataires. Le public continuait de disposer des mêmes services. L’objectif du projet était de rendre les arcades plus attractives. Le projet respectait l’esthétique. Il était conforme aux dispositions sur les constructions. La marquise prévue était unificatrice. Sa forme et son emplacement permettaient de marquer de façon symétrique et compréhensible pour les passants les deux entrées du centre commercial. La solution adoptée était conforme aux principes architecturaux.

17) Le 20 juin 2017, Mme MANDEL et M. MOREAU ont persisté dans les conclusions de leur recours et s’en sont remis à justice au sujet des conclusions des autres recours formés contre le jugement du TAPI.

18) Le 20 juin 2017, Mikalys SA a conclu à l’annulation du jugement du TAPI en faisant siens les allégués et les griefs de Mme MANDAL et M. MOREAU et ceux de MM. Antonio et Vittorio LEMBO.

Les dispositions de droit privé devaient être prises en considération dans le cadre de la bonne application des prescriptions de police des constructions. L’accord unanime des copropriétaires était nécessaire pour autoriser le projet.

19) Le 22 juin 2017, CSA a conclu au rejet des recours.

Le droit d’être entendus des intéressés n’avait pas été violé, la ville ayant exprimé son avis et fait valoir ses exigences sur la base d’un dossier complet.

Le but de la revitalisation du centre commercial était d’augmenter sa fréquentation. Les activités commerciales étaient maintenues, le mode de répartition des locataires également. L’animation du quartier était aussi maintenue. Durant les travaux, le public bénéficierait des mêmes services, ceux offerts étant déjà disponibles dans un rayon de cinquante à cent mètres. Les intéressés avaient été associés au processus de revitalisation du bâtiment lors d’assemblées générales des copropriétaires, depuis 2012. L’assemblée générale extraordinaire du 22 mars 2016 avait débattu sur le dépôt de la demande d’autorisation de construire. Un vote formel avait eu lieu. Au moment du vote, les copropriétaires étaient en possession des plans du projet et avaient connaissance des travaux de revitalisation et de leur incidence sur les immeubles concernés. Ils avaient accepté à la double majorité de donner mandat à l’administrateur de signer la demande d’autorisation de construire. La décision n’avait pas été contestée.

20) Les 22 juin et 11 septembre 2017, MM. Antonio et Vittorio LEMBO ont persisté dans leurs conclusions, en reprenant leurs arguments antérieurs.

21) Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours et les conclusions de Mikalys sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Dans un premier grief de nature formelle, les recourants reprochent au TAPI d’avoir violé leur droit d’être entendus en refusant d’ordonner un transport sur place et d’auditionner les représentants de la ville. Ils renouvellent les mêmes réquisitions auprès de la chambre de céans.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu (ATF 142 II 218 consid. 2.3) n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, le droit d'être entendu ne comprend en principe pas le droit d'obtenir l'audition de témoins (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 p. 76).

b. Afin de constater un fait par elle-même, l’autorité peut ordonner notamment un transport sur place (art. 37 let. c LPA).

c. En l’occurrence, le dossier de la cause contient de nombreuses photographies du bâtiment à rénover et de son environnement ainsi qu’un concept architectural complet comprenant des maquettes et des plans du projet autorisé qui permettent de trancher le litige en connaissance de cause. Par ailleurs, la nature potestative de l’art. 37 let. c LPA laisse au juge une large liberté d’appréciation pour ordonner un transport sur place. En outre, les recourants ont requis ce moyen de preuve dans la mesure où celui-ci était nécessaire. Au vu du dossier complet, le TAPI n’a pas violé le droit d’être entendus des recourants en renonçant à un transport sur place n’était pas à même de fournir de nouveaux éléments pertinents pour trancher le litige.

d. Les recourants soutiennent que l’audition des représentants de la ville ne peut pas être remplacée par les pièces figurant au dossier.

L’audition des représentants de la ville pour déterminer si ces derniers ont compris les conséquences de la suppression des boutiques de Confédération Centre et s’ils sont dans une situation de conflits d’intérêts n’est pas pertinente dans le cadre de la présente procédure. D’une part, contrairement aux allégations des recourants, le projet autorisé ne prévoit pas la suppression des boutiques du centre commercial et, d’autre part, la question d’éventuels conflits d’intérêts est exorbitante au présent litige. De plus, le dossier comprend, comme déjà relevé, des photographies et des plans des locaux concernés ainsi que des préavis favorables de plusieurs autorités consultées sur lesquels s’est fondé le DALE pour octroyer l’autorisation sollicitée. Les recourants ont en outre eu l’occasion de répondre aux observations circonstanciées du DALE et de l’intimé par-devant le TAPI et la chambre de administrative.

Dans ces circonstances, le TAPI n’a pas violé le droit d’être entendus des recourants sur cet aspect également. Le grief sera par conséquent écarté.

Pour les mêmes motifs, la chambre de céans ne donnera pas suite aux réquisitions des recourants.

3) Sur le fond, les recourants font valoir d’abord que le TAPI a confirmé une autorisation de construire contraire à l’art. 9 du règlement relatif aux plans d’utilisation du sol de la ville (RPUS - LC 21 211).

4) a. L’art. 9 RPUS est intitulé « Règles applicables aux activités contribuant à l’animation des quartiers ». Selon son chiffre premier, qui traite des activités accessibles au public, « afin de développer l’animation et l’attractivité des quartiers dans les secteurs 1 à 3, en maintenant et en favorisant l’implantation des activités de manière harmonieuse, diversifiée et équilibrée, les surfaces au rez-de-chaussée des bâtiments, doivent, pour la nette majorité de chaque surface, être destinées ou rester destinées à des activités accessibles au public, lorsqu’elles donnent sur des lieux de passage ouverts au public ». À teneur de son chiffre 2, « Par activités accessibles au public, il faut entendre les locaux ouverts au public, les arcades ou les bâtiments accessibles depuis le rez-de-chaussée, quels que soient les étages ouverts au public, notamment destinés au commerce, à l’artisanat, aux loisirs, aux activités sociales ou culturelles, à l’exclusion des locaux fermés au public » (ch. 2.1). « Par locaux fermés au public, on entend des locaux inoccupés par des personnes ou des locaux occupés essentiellement par des personnes de l’entreprise ou qui sont destinés à une clientèle accueillie dans des conditions de confidentialité, notamment des bureaux, cabinets médicaux, études d’avocats, de notaires, fiduciaires, experts-comptables, agents immobiliers, etc. » (ch. 2.2).

b. Le but de l’art. 9 RPUS est l’interdiction d’affecter à des bureaux fermés au public les surfaces au rez-de-chaussée donnant sur des lieux de passage ouverts au public, afin de lutter contre les « vitrines mortes » dans les zones fréquentées et animées (arrêt du Tribunal fédéral 1C_317/2009 du 15 janvier 2010 consid. 8.2 ; ATA/1639/2017 du 19 décembre 2017 ; ATA/830/2004 du 26 octobre 2004). Cette interdiction constitue manifestement un but d'intérêt public, en particulier dans les zones fréquentées et animées (ATA/1639/2017 précité ; ATA/830/2004 précité). En d’autres termes, cette disposition vise à préserver l'animation de la ville par le maintien d'une affectation ouverte au public des rez-de-chaussée (ATA/249/2009 du 19 mai 2009).

5) La législation cantonale en matière de police des constructions a pour seul but d’assurer la conformité des projets présentés aux prescriptions en matière de constructions et d’aménagements, intérieurs et extérieurs, des bâtiments et des installations. Elle réserve expressément le droit des tiers. Selon les principes généraux du droit, il n’appartient donc pas à l’administration de s’immiscer dans les conflits de droit privé pouvant s’élever entre le requérant d’une autorisation de construire et un opposant, celle-ci n’ayant pas pour objet de veiller au respect des droits réels et notamment des servitudes (art. 3 al. 6 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05 ; ATA/1639/2017 précité ; ATA/442/2015 du 12 mai 2015 ; ATA/752/2014 du 23 septembre 2014).

6) En l’occurrence, les griefs relatifs à l’approbation du projet de revitalisation de Confédération Centre et au mandat octroyé à l’administrateur de signer la demande d’autorisation de construire relèvent du droit privé, de sorte que, conformément à la jurisprudence précitée, il ne revient pas à une autorité voire une juridiction administrative de veiller à leur respect. En revanche, les griefs relatifs à la modification d’affectation et à la suppression des vitrines participant à l’animation d’une rue concernent la police des constructions.

Il ne ressort pas du dossier que les activités prévues par le projet autorisé modifient l’affectation des locaux, lesquels sont dévolus à des activités commerciales. En effet, même si le projet prévoit deux entrées situées sur les deux côtés de Confédération Centre pour remplacer celles existantes qui donnent directement sur la rue de la Confédération, ce concept architectural ne modifie pas l’affectation du bâtiment dans la mesure où les nouvelles arcades réaménagées seront destinées aux activités commerciales et resteront ouvertes au public au sens de l’art. 9 RPUS précité. Les personnes de passage dans la rue de la Confédération ou les autres rues adjacentes auront accès à ces commerces par les deux entrées prévues de chaque côté de Confédération Centre.

Au demeurant, les vitrines existantes ne sont pas supprimées par le projet autorisé. Elles ne seront pas non plus fermées voire non transparentes. En revanche, selon les maquettes versées au dossier, elles apparaissent comme une enfilade de vitrines lumineuses et embellies. Elles répondent ainsi à la notion d’intérêt public poursuivi par l’art. 9 ch. 1 RPUS qui interdit d'affecter à des bureaux fermés au public les surfaces au rez-de-chaussée donnant sur des lieux de passage ouverts au public, afin de lutter contre les « vitrines mortes », en particulier dans les zones fréquentées et animées.

Dans ces circonstances, le jugement du TAPI qui confirme l’autorisation délivrée est conforme au droit. Le grief des recourants sera ainsi écarté.

7) Les recourants soutiennent également que l’autorisation contestée viole les conditions émises dans le préavis de la ville.

a. Les demandes d’autorisation sont soumises, à titre consultatif, au préavis des communes, des départements et des organismes intéressés. L’autorité de décision n’est pas liée par ces préavis. Les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi (art. 3 al. 3 LCI ; ATA/1639/2017 précité).

b. Selon une jurisprudence bien établie, la chambre administrative observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le DALE ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/1639/2017 précité ; ATA/281/2016du 5 avril 2016 ; ATA/1366/2015 du 21 décembre 2015). Lorsque l'autorité s'écarte desdits préavis, la chambre administrative peut revoir librement l'interprétation des notions juridiques indéterminées, mais contrôle sous le seul angle de l'excès et de l'abus de pouvoir, l'exercice de la liberté d'appréciation de l'administration, en mettant l'accent sur le principe de la proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable et sur le respect de l'intérêt public en cas d'octroi de l'autorisation malgré un préavis défavorable (ATA/1366/2015 du 21 décembre 2015; ATA/636/2015 du 16 juin 2015). De même, s'agissant des jugements rendus par le TAPI, la chambre administrative exerce son pouvoir d'examen avec retenue car celui-ci se compose pour partie de personnes possédant des compétences techniques spécifiques (ATA/1019/2014 du 16 décembre 2014 ; ATA/719/2013 du 29 octobre 2013).

c. En l’occurrence, le projet autorisé prévoit le maintien des activités commerciales et une répartition des locataires conforme à celle qui existe actuellement. De plus, le DALE a, dans son courrier du 26 juillet 2016 à la ville, indiqué que les conditions prévues par celle-ci relevaient du droit privé. Il n’avait pas ainsi, dans le cadre de l’autorisation octroyée, l’obligation d’imposer ces conditions-ci. Néanmoins, il a annexé à l’autorisation délivrée le préavis précité, celui-ci faisant ainsi partie intégrante de celle-là. En outre, il a confirmé que les conditions de la ville seraient prises en considération lors de l’examen des demandes d’autorisation de construire destinées à l’aménagement des locaux.

Dans ces circonstances, le jugement du TAPI qui confirme la décision du DALE est conforme au droit. Le grief des recourants sera dès lors écarté.

8) Les recourants font aussi grief au TAPI d’avoir confirmé une décision qui viole l'art. 15 LCI. Ils soutiennent que la marquise prévue est asymétrique de chaque côté du bâtiment. Selon eux, celle-ci émarge sur l’entrée principale et s’arrête abruptement sur une arcade commerciale de l’autre côté du bâtiment.

a. Aux termes de l’art. 15 LCI, le département peut interdire ou n’autoriser que sous réserve de modification toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur nuirait au caractère ou à l’intérêt d’un quartier, d’une rue ou d’un chemin, d’un site naturel ou de points de vue accessibles au public (al. 1). Sa décision se fonde notamment sur le préavis de la CA ou, pour les objets qui sont de son ressort, sur celui de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS). Elle tient compte également, le cas échéant, de ceux émis par la commune ou les services compétents du département (al. 2).

b. La clause d’esthétique de l’art. 15 LCI fait appel à des notions juridiques imprécises ou indéterminées. Leur contenu variant selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d’espèce, ces notions laissent à l’autorité un large pouvoir d'appréciation, celle-ci n’étant limitée que par l’excès ou l’abus de celui-ci (ATA/1444/2017 du 31 octobre 2017 ; ATA/414/2017 du 11 avril 2017). L’autorité de recours s’impose une retenue particulière lorsqu’elle estime que l’autorité inférieure est manifestement mieux en mesure qu’elle d’attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger. Il en va ainsi lorsque l’interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, en matière de technique, en matière économique, en matière de subventions et en matière d’utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l’esthétique des constructions (ATA/659/2017 du 13 juin 2017 ; ATA/414/2017 précité ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, p. 1576 s. ; Blaise KNAPP, Précis de droit administratif, 1991, n. 160-169 p. 34-36 ; André GRISEL, Traité de droit administratif, 1984, p. 332 s.).

c. En l’occurrence, la CA a, dans son préavis du 8 août 2014 que le DALE a fait sien, estimé qu’au niveau de la façade la marquise était unificatrice. Ainsi, selon cette commission composée de spécialistes, la marquise n’est pas asymétrique et ne nuit pas par sa situation ou son aspect extérieur au caractère ou à l’intérêt du quartier considéré. Au demeurant, le règlement adopté par le Conseil municipal le 15 avril 1975 prévoyait la mise en place d’une marquise continue le long de la rue de la Confédération. Le projet autorisé est dans cette mesure conforme à ce règlement de quartier.

Dans ces circonstances, et compte tenu de la retenue que s’impose la chambre de céans, le jugement du TAPI qui confirme le projet autorisé ne viole pas la clause d’esthétique de l’art. 15 LCI et est ainsi conforme au droit. Le grief des recourants sera dès lors écarté.

9) Dans la mesure où la chambre de céans a statué sur le fond du litige, la requête d’effet suspensif devient sans objet.

10) Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants et de l’intervenante, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 2'000.-, à la charge des recourants et de l’intervenante, pris conjointement et solidairement, sera allouée à CSA (art. 87 al. 2 LPA). Aucune autre indemnité de procédure ne sera allouée.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 9 mai 2017 par Madame Anne MANDEL et Monsieur Hervé MOREAU, le 12 mai 2017 par Messieurs Antonio et Vittorio LEMBO et les conclusions formulées le 20 juin 2017 par Mikalys SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 mars 2017 ;

au fond :

les rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame Anne MANDEL, Monsieur Hervé MOREAU, Messieurs Antonio et Vittorio LEMBO et Mikalys SA, pris conjointement et solidairement ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à Crédit Suisse Anlagestiftung, à la charge de Madame Anne MANDEL, Monsieur Hervé MOREAU, Messieurs Antonio et Vittorio LEMBO et Mikalys SA, pris conjointement et solidairement ;

dit qu’aucune autre indemnité de procédure ne sera allouée ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Franklin Woodtli, avocat de Madame Anne MANDEL et Monsieur Hervé MOREAU, à Me Julien Blanc, avocat de Monsieur Antonio LEMBO, à Me François Membrez, avocat de Monsieur Vittorio LEMBO, à Me Christian Buonomo, avocat de Mikalys SA, à Me Christian Tamisier, avocat de Crédit suisse Anlagestiftung, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie - oac, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :