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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1332/2008

ATA/249/2009 du 19.05.2009 ( CE ) , REJETE

Descripteurs : ; AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ; PLAN D'AFFECTATION ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; GARANTIE DE LA PROPRIÉTÉ ; LIBERTÉ ÉCONOMIQUE
Normes : LExt.15A ; LExt.15F ; LAT.33 ; Cst.27.al1 ; Cst.36.al1
Parties : TRIPOD Jean-Pierre / CONSEIL D'ETAT, VILLE DE GENEVE
Résumé : Rejet d'un recours contre le règlement relatif aux plans d'utilisation du sol de la Ville de Genève. Examen du droit d'être entendu en lien avec la procédure d'enquête publique et le droit de recours devant le Tribunal administratif, ce dernier ayant un plein pouvoir d'examen en la matière. Pas d'obligation de procéder à une nouvelle enquête publique uniquement en raison de l'écoulement du temps et pas de modification sensible des circonstances nécessitant une adaptation du plan en l'espèce. Examen de l'atteinte à la garantie de la propriété et à la liberté économique par les dispositions du règlement prévoyant des taux de surfaces brutes de plancher affectées au logement et fixant des taux d'espace verts à certaines conditions.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1332/2008-CE ATA/249/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 19 mai 2009

 

dans la cause

 

Monsieur Jean-Pierre TRIPOD
représenté par Me François Bellanger, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT

 

et

 

CONSEIL MUNICIPAL DE LA VILLE DE GENèVE
appelé en cause


EN FAIT

1. Monsieur Jean-Pierre Tripod est propriétaire des parcelles nos 7, 3291, 3292, section Plainpalais de la commune de Genève. La parcelle n° 7, d’une surface de 686 m2 est sise à l’adresse 27-29, rue de la Coulouvrenière. Elle est occupée pour l’essentiel par un bâtiment administratif de cinq étages sur rez. Les parcelles nos 3291 et 3292, d’une surface respective de 195 et 160 m2 donnent sur le Quai des Forces-Motrices. Elles sont libres de constructions et utilisées à fin de parking.

Il est également copropriétaire à raison de trois quart de la parcelle n° 6, d’une surface de 78 m2, occupée par des places de stationnement.

2. Par délibération du 20 février 2007, le conseil municipal de la Ville de Genève (ci-après : le conseil municipal) a adopté le règlement relatif aux plans d'utilisation du sol de la Ville de Genève (ci-après : RPUS). Le plan annexé prévoit un découpage de la Ville de Genève (ci-après : la Ville) en trois secteurs : la première zone comprend la Vieille-Ville, la deuxième est composée de trois sous-secteurs couvrant tous les quartiers de la Ville hormis les zones faisant l'objet de plans localisés de quartier, ces dernières étant attribuées à la troisième zone. A chaque secteur et sous-secteur est prescrit un taux minimal de logements et d'espaces verts applicable à toute nouvelle surface brute de plancher (ci-après : SBP) supplémentaire obtenue par des transformations de bâtiments ou des constructions nouvelles. Sont prévus, un taux de 50% de logements dans le secteur 1, un taux de 80% dans les secteurs 2.1, 2.2 et 2.3 accompagné d'un taux de 35% et 40% d'espaces verts dans les secteurs 2.2 et 2.3. Pour le secteur 3, le plan renvoie aux plans localisés de quartiers. Le règlement prévoit également le maintien de l'affectation des constructions existantes.

3. Le RPUS est l'aboutissement d'un long processus qui trouve son origine dans une initiative populaire pour la protection de l'habitat et contre les démolitions abusives. Suite à cette initiative, le Grand Conseil a adopté le 21 avril 1983, les art. 15A à 15F de la loi sur l’extension des voies de communication et l’aménagement des quartiers ou localités du 9 mars 1929 (LExt - L 1 40) en reprenant les principes contenus dans l'initiative. Ces dispositions légales ont été approuvées en votation populaire le 26 juin 1983.

Le conseil administratif de la Ville a ensuite élaboré un projet de règlement transitoire relatif aux plans d'utilisations du sol de cette commune (RTPUS) qui a été soumis à enquête publique du 9 novembre au 9 décembre 1987. A l'appui de ce projet, le conseil administratif invoquait « l'absence de moyens légaux permettant de maîtriser l'évolution des quartiers situés dans les trois premières zones et d'éviter leur transformation progressive en quartiers de bureaux » (MCM-VGE du 4 novembre 1987, p. 1358).

Le RTPUS a été adopté le 21 juin 1988 par le conseil municipal et approuvé par arrêté du Conseil d'Etat le 24 août 1988. Par trois arrêts des 24 mai, 22 novembre 1989 et 28 mars 1990, le Tribunal administratif a rejeté trois recours déposés contre le RTPUS (ATA du 24 mai 1989 en la cause SI Tranchées soleil; du 22 novembre 1989 en la cause Association Le Faubourg St-Gervais et 28 mars 1990 en la cause La Placette). Sur recours de droit public, le Tribunal fédéral a confirmé l'arrêt du Tribunal administratif du 24 mai 1989 (Arrêt du Tribunal fédéral S.I. Tranchées Soleil et consorts du 11 janvier 1990 1P.376/1989 - RDAF 1990 p. 127).

4. Parallèlement à l'adoption du règlement transitoire, la Ville a élaboré un projet de RPUS. Le 29 novembre 1989, le conseil administratif a déposé auprès du conseil municipal un avant-projet de RPUS destiné à compléter et remplacer le RTPUS en y incluant des chapitres fixant des indices d'utilisation du sol (IUS) ainsi que des taux d'espaces verts par secteur.

Ce projet a été soumis à enquête publique du 17 novembre au 18 décembre 1989. Il a suscité trente-six lettres d'observations, dont celle de M. Tripod qui faisait valoir que ses parcelles étaient de fait inconstructibles en application du projet et en raison de leur situation particulière.

5. Suite à l'enquête publique, le conseil administratif a apporté des amendements au projet, notamment celui consistant à porter de 70 à 80% les taux de SBP supplémentaires dévolus au logement.

Une nouvelle enquête publique portant sur le projet modifié a eu lieu du 4 octobre au 3 novembre 1991. Elle a suscité vingt lettres d'observations dont celle de M. Tripod reprenant les observations déjà faites en 1989.

Les travaux des commissions municipales se sont poursuivis pour aboutir à un nouveau projet de RPUS qui a été soumis à enquête publique du 18 novembre au 18 décembre 1998, suscitant treize lettres d'observations, dont celle de M. Tripod réitérant son opposition.

Dans le cadre d'une modification de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) instaurant les plans directeurs communaux, le Grand Conseil a décidé de modifier l'art. 15C LExt en supprimant la possibilité pour les communes de fixer des IUS dans le cadre des PUS. Cette modification est entrée en vigueur le 25 mars 2003.

6. Le RPUS a été modifié pour tenir compte de cette nouvelle disposition notamment et a finalement été adopté par le conseil municipal le 20 février 2007.

7. Le 28 novembre 2007, le conseiller administratif en charge des constructions et de l'aménagement adressait au conseiller d'Etat chargé du département du territoire un rapport fondé sur l'art. 47 de l'ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1.) portant sur la conformité du RPUS au droit fédéral et cantonal et répondant aux observations des opposants reçues après l'adoption du règlement par le conseil municipal.

8. Le 27 février 2008, le Conseil d'Etat a approuvé le RPUS par arrêté, publié dans la Feuille d'Avis officielle (FAO) du 17 mars 2008.

9. Le 16 avril 2008, M. Tripod a recouru par devant le Tribunal administratif contre le RPUS en concluant à l’annulation de l’arrêté du Conseil d’Etat du 27 février 2008, à la constatation de la non-conformité du RPUS ainsi qu’à l’octroi de dépens incluant une indemnité de procédure.

Une première étude d’aménagement des parcelles, incluant également des parcelles nos 2 et 5 voisines de l’îlot, avait été élaborée et soumise aux autorités. Il s’agissait alors de réaliser un immeuble commercial de deux étages sur rez sur les parcelles le long du Quai des Forces-Motrices, ce qui supposait la démolition d’un bâtiment sis sur la parcelle n° 2. Une autorisation préalable de construire (DP 16'491) avait été délivrée le 11 novembre 1994. Celle-ci contenait une dérogation à l’exigence du taux de logements exigé en application du RTPUS, compte tenu de la situation particulière de la construction qui n’était pas adaptée à une affectation au logement.

Parallèlement, un second projet avait fait l’objet d’une procédure en autorisation de construire (DP 16'787). A la différence du premier, ce projet n’entraînait pas la démolition du bâtiment sis sur la parcelle n° 2. Un bâtiment commercial de deux étages sur rez était joint aux bâtiments existants, sis sur les parcelles nos 5 et 7.Ce projet supposait également une dérogation aux exigences du RTPUS.

Pour diverses raisons, ces projets n’avaient pas été concrétisés. Il avait maintenant le projet de réaliser sur ses parcelles un bâtiment commercial de deux étages sur rez aligné sur le bâtiment existant sur la parcelle n° 2 et d’une emprise au sol de l’ordre de 275 m2.

Lors de l’enquête publique concernant le RTUPS, il avait fait valoir que l’exigence de 70% de logements ne devait pas trouver application à ses parcelles compte tenu de leur affectation traditionnellement artisanale comme de leur emplacement plein Nord, de surcroît le long d’un cours d’eau. Il avait ensuite recouru contre l’adoption du RTPUS mais retiré son recours suite à l’octroi des autorisations de construire.

Le RPUS empêchait la réalisation de toute construction de logements, notamment en raison des dispositions relatives aux droits de jour, vues droites et distance en plus des raisons déjà évoquées concernant la situation de ses parcelles.

Ces dernières, affectées au secteur 2.2., à teneur du RPUS, étaient touchées à un triple titre : surfaces brutes de plancher nouvellement créées affectées au logement, affectation des rez-de-chaussée et espaces verts.

Le processus d’adoption du RPUS était entaché d’un vice formel n’ayant pas été soumis à l’enquête publique malgré les trois versions différentes ayant existé depuis l’enquête publique de 1998 : Suppression des règles relatives aux IUS, nouvelle délimitation des secteurs, leur nombre passant de 5 à 3, nouvelle rédaction de l’art. 9 relative aux activités admissibles en rez-de-chaussée et introduction de la notion de locaux inaccessibles au public ; adjonction d’un nouvel alinéa à l’art. 10 relatif au régime applicable aux reconstructions de bâtiments artisanaux ou industriels ; durcissement de la terminologie utilisée pour l’emploi de la voie dérogatoire. Les modifications ne pouvaient être qualifiées de mineures et nécessitaient une nouvelle enquête publique.

Le RPUS portait atteinte à son droit de propriété car il rendait ses parcelles presque inconstructibles. Le projet de construction envisagé voyait sa réalisation compliquée à outrance en raison notamment des exigences en matière d’espaces verts. Dans le secteur 2.2., 35% d’espaces verts étaient exigibles selon le RPUS. Une telle exigence revenait, s’agissant du projet envisagé à le priver de toute construction. La surface totale des parcelles concernée par le projet était supérieure à 1000 m2, si l’on tenait compte de l’entier de la parcelle n° 7 et non seulement de la partie utilisée aux fins du projet, ce qui entraînait l’application des dispositions litigieuses. Compte tenu du taux applicable, c’étaient 365 m2 qui devaient être dépourvus de construction, inutilisables à la circulation et accessibles au public car affectés aux espaces verts.

Si la base légale et l’intérêt public des dispositions litigieuses ne posaient pas de problèmes, la restriction du droit de bâtir violait le principe de la proportionnalité. La voie dérogatoire prévue à l’art. 14 RPUS était rédigée de façon à ne pas pouvoir être appliquée et constituait un alibi destiné à donner l’impression que la réglementation offrait un minimum de flexibilité. La mesure était en fait excessive. De plus, dans le cadre de la pesée des intérêts en présence, le respect de ses droits constitutionnels mais également l’objectif poursuivi par les autorités de densifier les zones bâties existantes, s’opposaient à la création d’espaces verts ou de détente. Bien que le plan directeur cantonal prévoie une densification différenciée des zones à bâtir existantes, lequel emportait un frein au développement du centre-ville, la détermination d’un indice fort d’IUS affecté aux espaces verts et de détente était de nature à concrètement, bloquer toute possibilité de densification dans les secteurs concernés. Un tel impact s’opposait d’ailleurs à la logique du RPUS lui-même.

L’aménagement des espaces verts, affectés à l’usage collectif, s’opposait à la propriété privée d’un bien et entraînait des coûts d’aménagement et d’entretien importants, à la charge des propriétaires concernés. Cette exigence était également disproportionnée.

Au vu de la densification déjà existante dans le secteur 2.2. du PUS, la fixation d’un taux de 35% d’espaces verts avait pour effet de rendre une majorité des espaces encore libres purement et simplement inconstructibles, ce qui était contraire aux art. 24 et 25 LaLAT.

S’agissant des dispositions transitoires, l’art. 2 al. 1 RPUS prévoyait de s’appliquer aussi bien aux constructions nouvelles qu’aux constructions existantes. En cela, le RPUS remettait en question des situations existantes et était contraire au droit supérieur.

10. Par décision du 22 avril 2008, le Tribunal administratif a appelé en cause le Conseil Municipal de la Ville de Genève.

11. Le 27 juin 2008, le Conseil d'Etat a répondu au recours en concluant à son rejet.

a. Le projet de construction du recourant ne pouvait être examiné dans le cadre du recours ni les incidences supposées du RPUS sur ledit projet. Cela d’autant plus qu’aucune demande d’autorisation n’avait été déposée par le recourant.

b. Le RPUS était le fruit d'une pesée des intérêts minutieuse et mûrement réfléchie. C'était l'aboutissement d'un long processus, ponctué de trois enquêtes publiques et de trois contrôles de conformité au droit effectués par l'autorité cantonale. Le recourant avait pu s'exprimer largement et à de multiples reprises. En raison de l'ampleur du périmètre du plan, la notion de « circonstances » à l'origine du plan de l'art. 21 al. 2 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700), ou la durée nécessaire à son adoption qui n'avait rien d'excessif, devaient être appréhendés à une échelle plus vaste que celle usuellement employée pour des plans de moindre envergure.

c. La pénurie de logement qui sévissait à Genève déjà bien avant les années 1980 et notamment au moment de l'adoption du RTPUS persistait. Le seuil de 2% de logements vacants n'avait jamais été franchi. Les circonstances à l'origine tant des art. 15A et suivants LExt que du RTPUS n'avaient pas changé et étaient pérennes comme le Tribunal fédéral l'avait d'ailleurs constaté s'agissant du RTPUS.

En outre, comme le préconisait le plan directeur cantonal (PDC) de 2001 et sa mise à jour de 2007, le RPUS accordait une nette priorité au logement par rapport aux activités, en matière de SBP.

Par rapport au RTPUS, le nouveau règlement faisait passer le taux de SBP dévolues au logement dans la Vieille-Ville de 30 à 50%, celui applicable au centre-ville restait à 50% et le taux des autres secteurs passaient de 70 à 80%. Cette augmentation devait être mise en relation avec les chiffres de logements vacants depuis 1998 qui avaient connu une baisse constante.

Le Tribunal fédéral avait déjà admis dans l'arrêt SI Tranchées Soleil et consorts, la constitutionnalité de l'art. 4 RTPUS imposant des taux de SBP dévolus au logement pouvant aller jusqu'à 70%. Les considérations d'aménagement du territoire devaient primer la question de leur impact économique. L'impact des effets économiques du RTPUS pouvait être jugé sur les vingt années d'application qui ne semblait pas avoir réduit à néant les activités commerciales du centre-ville.

En 2005, selon les statistiques de l'office cantonal compétent, la ville comptait 185'028 emplois pour 145'821 habitants, soit 0,71 logement pour un emploi. Ce rapport était de 0,77 en 1965, de 0,6 en 1985 et de 0,72 en 1995. Le RTPUS avait ainsi concouru à enrayer le processus de désertification de la Ville par ses habitants mais n'étant pas parvenu à rééquilibrer de manière satisfaisante le rapport logement-activité, l'idéal était un habitant pour un emploi. Dans le RPUS, aux objectifs du RTPUS qui étaient maintenus, s'ajoutait celui de la lutte contre une crise du logement qui allait en s'accroissant. L'augmentation du taux de 70 à 80% dans certains secteurs était limitée aux seules nouvelles SBP et n'était pas disproportionnée.

d. Les taux d’espaces verts prévus par le RPUS étaient conformes au plan directeur cantonal qui prévoyait un développement cohérent de l’agglomération urbaine en préservant et en améliorant la qualité de l’espace urbain, notamment par la reconnaissance et le développement d’espaces libres, ainsi que le maintien de la flore et de la faune au cœur de la Ville et le développement dans le tissu urbain d'un maillage des espaces verts et publics. Le seuil de 1000 m2 à compter desquels des espaces verts étaient exigibles était fixé sur une étude d'aménagement particulièrement approfondie, effectuée par le bureau d'architecte ASS en 1990 qui était toujours d'actualité. La Ville avait la densité la plus forte en Suisse et était en deuxième position des villes européennes. Dans les quartiers traditionnels, le taux de densité était de 3 ou 4. Dans certains quartiers, tels que les Eaux-Vives, Plainpalais, la Jonction, les Pâquis et le bas de la Servette, il n'y avait quasiment pas d'espaces verts.

La rédaction des art. 12 et 13 concernant le taux d'espaces verts n'était peut-être pas assez claire en raison de la suppression du chapitre sur les IUS qui précisait l'application "aux constructions nouvelles projetées". Malgré cette lacune, résultant des travaux de rédaction, le taux d'espaces verts ne s'appliquait qu'à des constructions nouvelles sur des terrains dont la surface excède 1'000 m2". De cette façon, en respectant le taux d'espaces verts, le solde du terrain était disponible pour la réalisation des SBP permettant d'atteindre l'IUS correspondant au régime d'affectation du terrain tel que déterminé par le Grand Conseil.

Si dans un cas d'espèce, cette règle devait poser problème, l'art. 14 RPUS permettait d'y déroger.

e. Tant le Tribunal fédéral que le Tribunal administratif avaient eu l'occasion de préciser que l'obligation de réserver une partie d'un bâtiment à une affectation déterminée n'était pas une atteinte grave au droit de propriété. Les dispositions du RPUS n'avaient pas pour but, sous le couvert d'une mesure d'aménagement du milieu bâti, de diriger l'activité économique.

f. S'agissant du droit transitoire, le RPUS n'avait pas d'effet rétroactif. Il ne permettait pas de contraindre un exploitant d'une surface "fermée au public", à en changer l'affectation pour la rendre disponible à des activités accessibles au public, ni d'empêcher un repreneur de cette même activité de la continuer. Le RPUS permettait à des surfaces jusqu'alors réputées fermées au public de devenir accessibles, si une demande de changement d'affectation d'une surface sise au rez-de-chaussée donnant sur un lieu de passage ouvert au public était déposée.

12. Le 27 juin 2008, le Conseil municipal a répondu au recours en concluant à son rejet et au versement d'une indemnité de procédure.

a. Le RPUS reprenait nombre de dispositions déjà existantes dans le RTPUS qui avaient été confirmées par le Tribunal administratif et par le Tribunal fédéral. Les nouvelles dispositions consistaient à :

ramener les 5 secteurs à 3, ce qui n'avait aucune conséquence sur le plan matériel ;

augmenter modestement les taux de SBP du centre-ville et des quartiers de logements, ceci de façon à répondre à un intérêt public prépondérant ;

fixer le taux de répartition des espaces verts et de détente en application de l'art. 15C LExt ;

modifier modestement les dispositions relatives aux activités contribuant à l'animation des quartiers ;

modifier modestement les règles applicables aux hôtels ;

introduire des règles applicables aux bâtiments artisanaux ou industriels.

En outre, le rapport de conformité du conseil administratif du 28 novembre 2007 avait permis de démontrer que ces adaptations étaient conformes aux droits constitutionnels fédéral et cantonal.

b. Le temps écoulé n'était nullement une condition qui déterminait la nécessité d'une nouvelle enquête publique. Le conseil municipal avait pris connaissance des observations émanant de la troisième enquête publique au début de l'année 1999. Huit ans après, le RPUS avait pu être adopté. La durée des débats résultait précisément des observations formulées, dont celles du recourant, ainsi que des exigences de l'Etat. Sur le fond, entre 1998 et 2007, le RPUS n'avait subi aucune modification fondamentale. Ainsi, notamment, le nombre de secteurs avait été diminué, leur nombre ne se justifiant plus. D'autres modifications avaient été apportées afin de rendre le RPUS plus compréhensible. Le recourant se bornait d'ailleurs à évoquer des modifications sans démontrer en quoi sa situation s'était aggravée depuis le projet mis à l'enquête publique en 1998.

c. La restriction à la garantie de la propriété était fondée sur des bases légales claires. L'intérêt public à la création de logement et celui à accroître le bien être de la population permettait de fonder une quote-part d'utilisation des surfaces de plancher à des fins d'habitation. La mesure était en outre proportionnelle et susceptible de dérogations.

d. L'obligation de création d'espaces verts n'empêchait pas toute construction. La marge de manœuvre laissée par le RPUS demeurait dans un rapport raisonnable entre la garantie de la propriété et les restrictions liées à la politique d'aménagement souhaitée. Le fait que le canton se soit doté de grands espaces verts, soit des zones de verdure au sens des art. 24 et 25 LAT, n'empêchait pas la réalisation de ces espaces de détente collectifs servant à offrir un cadre de vie viable et agréable au centre-ville. Ces aménagements étaient complémentaires. Là aussi des dérogations étaient possibles lorsqu'une utilisation plus judicieuse du sol ou des bâtiments l'exigeait.

e. Concernant le droit transitoire, l'application du RPUS était identique à celle de tout plan d'affectation. Il n'y avait pas de rétroactivité dans la mesure où celui-ci s'appliquait pour toutes les situations à venir, étant précisé que les administrés bénéficiaient de la situation acquise pour autant qu'aucune modification de celle-ci ne soit demandée.

13. Le 15 septembre 2008, M. Tripod a répliqué.

Il avait pris bonne note des explications des intimés sur la portée du RPUS qui, si elles étaient confirmées par le Tribunal administratif, relativiseraient la portée de ses arguments.

14. Le 22 janvier 2009, le Conseil d'Etat a dupliqué.

Les art. 12 et 13 RPUS concernant le taux d'espaces verts n'étaient pas applicables aux constructions existantes, sauf s'il s'agissait d'un projet de démolition et reconstruction libérant une parcelle de 1000 m2.

Le recourant confondait la notion "d'usage public" avec celle "d'usage collectif" ou "d'usage commun". L'usage collectif, tel qu'envisagé par le RPUS pouvait rester privé, à l'exemple de parcs ou de places de jeux réservés aux seuls habitants d'un immeuble. En revanche, les jardins privatifs au rez-de-chaussée des immeubles n'entraient pas dans cette définition, ce qui n'excluait pas la possibilité d'en réaliser, pour autant que les taux fixés d'espaces verts soient respectés dans les cas où les conditions du RPUS étaient remplies. Les propriétaires avaient la faculté de construire sur les 60% de surface au sol non dévolues aux espaces verts. Le principe de proportionnalité était respecté, cela d'autant plus que l'art. 14 RPUS permettait l'octroi de dérogations. La voie choisie par le RPUS était moins coercitive que celle de l'expropriation pour cause d'utilité publique pour atteindre l'objectif de procurer, dans la mesure du possible, des espaces verts aux habitants.

Dans le cadre d'une étude menée par l'Union européenne sur 250 villes se trouvant dans 30 pays d'Europe (Urban Audit), Genève s'avérait être la lanterne rouge en matière d'espaces verts, avec seulement 4% d'espaces verts accessibles au public (m2/habitants), loin de la moyenne de 33,1% affichée par les trois autres villes suisses comprises dans cet audit, soit Berne, Zurich et Lausanne. Les dispositions prévues par le RPUS pour augmenter les espaces verts lorsque cela était possible étaient donc d'autant plus pertinentes.

15. Le 23 janvier 2009, le Conseil municipal a dupliqué. Il demandait le versement d'une indemnité de procédure car il n'avait pas de service juridique propre et avait dû mobiliser une collaboratrice de l'unité juridique du département des constructions et des technologies de l'information (DCTI).

Le taux minimum de logements ne violait pas la liberté économique car, notamment, il n'avait aucune finalité de "politique économique". La Ville n'interférait pas dans le type d'activités installées dans les nouvelles SBP. L'objectif était de rétablir un équilibre entre l'habitat et l'activité, les mesures du RTPUS étant insuffisantes, le ratio d'un logement un emploi, n'ayant pas été atteint.

16. Les dupliques ont été transmises aux parties le 27 janvier 2009.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le recourant invoque en premier lieu une violation de son droit d'être entendu du fait qu'il n'a pas pu se prononcer sur les modifications apportées au RPUS entre la dernière enquête publique et son adoption.

a. En matière de plan d'affectation, un propriétaire a le droit d'être entendu avant l'attribution définitive de son bien-fonds à une zone prévue par un plan d'affectation. Sous l'angle de l'art. 33 LAT, le Tribunal fédéral a jugé qu'il suffisait que le plan modifié soit publié et puisse être attaqué par la voie soit de l'opposition, soit du recours, auprès d'une autorité cantonale ou communale disposant d'un plein pouvoir d'examen (ATF 114 Ia 238-239, 119 consid. 4a ; 107 Ia 273 ; RDAF 1990 p. 127).

b. Le Tribunal fédéral a jugé que lorsque le projet était modifié après avoir été soumis à l'enquête publique, une nouvelle enquête n'était nécessaire que si la modification s'avérait essentielle. Il a précisé qu'une modification était essentielle si elle pouvait donner lieu à des objections qui n'avaient pas encore été soulevées contre l'ancienne version (ATF 98 Ia 475 et 478 ; B. WALDMANN, P. HÄNNI, Raumplanungsgesetz, Bern 2006, ad. Art. 33, p. 765 et les références citées).

c. Il convient de déterminer les modifications apportées au RPUS pendant ce délai. A cet égard, le recourant, se réfère au tableau synoptique élaboré par le conseil municipal, ce qui suffirait à démontrer que des modifications importantes ont été apportées au RPUS.

A la vue des deux textes et des plans, les modifications principales sont les suivantes :

la suppression du chapitre consacré aux IUS, faisant suite à l'adoption par le Grand Conseil d'une modification de l'art. 15C LExt ;

la réduction de cinq à trois du nombre des secteurs, en conséquence de la suppression des IUS. Les limites territoriales de ces secteurs n'ont pas été modifiées et le pourcentage minimum de logements de même que le taux d'espaces verts sont demeurés inchangés pour chaque parcelle concernée, hormis la suppression pour les parcelles situées dans un ancien sous-secteur de l'obligation de prévoir 25% d'espace vert ;

l'art. 9 RPUS, qui concerne l'affectation des rez-de-chaussée, a subi des modifications rédactionnelles portant sur la notion de « locaux fermés au public » et de celle d'affectation à des « activités accessibles au public ». Le but de l'article n'a pas été modifié, puisqu'il vise toujours à préserver l'animation de la ville par le maintien d'une affectation ouverte au public des rez-de-chaussée ;

l'art. 10 s'est vu adjoindre un nouvel alinéa portant sur le régime applicable aux démolitions/reconstructions ou au changement d'affectation d'immeubles n'ayant pas une destination administrative, industrielle, commerciale ou culturelle pour lesquels le nouveau bâtiment doit être affecté au logement selon les taux fixés par l'art. 7 ;

la rédaction de l'art. 14 relatif aux dérogations a été modifiée.

Il faut relever que l'art. 11 RPUS, concernant les hôtels, n'a pas été modifié du tout.

Au vu de ce qui précède, force est de constater que les modifications apportées au RPUS depuis la dernière enquête publique ne peuvent être qualifiées d'essentielles ou d'importantes et ne lui confèrent pas le statut d'un nouveau projet qui aurait nécessité une enquête publique.

d. Cela étant, en matière de PUS, le droit genevois ne prévoyant pas de procédure d'opposition, le recours au Tribunal administratif disposant d'un plein pouvoir d'examen est ouvert (T. TANQUEREL, Le contentieux de l'aménagement du territoire, in 3ème journée du droit de la propriété, 2000, p.10).

A cet égard, l'autorité de recours doit contrôler tant la constatation des faits et l'application du droit que l'opportunité, tout en préservant la liberté d'appréciation dont les communes ont besoin dans l'accomplissement de leurs tâches (art. 2 al. 3 LAT). Cette liberté d'appréciation implique qu'une mesure d'aménagement appropriée doit être confirmée, l'autorité de recours n'étant pas habilitée à lui substituer une autre solution qui serait également appropriée. Elle implique aussi que le contrôle de l'opportunité s'exerce avec retenue sur des points concernant principalement des intérêts locaux, tandis que, au contraire, la prise en considération adéquate d'intérêts d'ordre supérieur, dont la sauvegarde incombe au canton, devra être imposée par un contrôle strict (ATF 127 II 238 consid. 3b/aa p. 242 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_17/2008 consid. 2.4.1).

En l'espèce, outre le fait que le recourant se soit exprimé à plusieurs reprises au sujet du RPUS en cours de son élaboration, il a utilisé la voie du recours en reprenant les mêmes griefs déjà exposés auparavant.

En conséquence, le grief du recourant tiré de la violation du droit d'être entendu doit être écarté.

. Sur le plan formel, le recourant se plaint également d'une violation de l'art. 15D let. a LExt. Outre les modifications apportées au projet soumis à la dernière enquête publique, l'écoulement du temps imposait à lui seul une nouvelle enquête.

Le PUS est un plan d'affectation (ATF 112 Ia 268 ; Arrêt du Tribunal fédéral du 11 janvier 1989 1P.376/1989 - RDAF 1990 p. 127 ; ATA/282/2006 du 23 mai 2006 ; ATA/553/2002 du 17 septembre 2002). Lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées, les plans d'affectations font l'objet des adaptations nécessaires (art. 21 al. 1 LAT). Les textes allemand et italien de cette disposition indiquent plus clairement la démarche en deux étapes qu'elle prévoit : si les circonstances se sont sensiblement modifiées, les plans seront réexaminés et si alors le besoin s'en fait réellement sentir, ils seront adaptés (T. TANQUEREL, Commentaire de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, Zürich 1999, ad. art. 21, p. 12). Le droit genevois prévoit également que si les circonstances se sont sensiblement modifiées, les plans d'affectation sont réexaminés et, si nécessaire, adaptés (art. 13A LaLAT).

Ces principes sont repris dans la LExt puisque tout projet de plan d'utilisation du sol et son règlement d'application doivent obligatoirement être soumis  à une enquête publique aussi large que possible, menée conformément à l'art. 5 al. 1 et 2 LExt (art. 15D let. a LExt). Lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées, les plans font l'objet des adaptations nécessaires (art. 15E LExt).

Au vu de ce qui précède, force est de constater que l'écoulement du temps à lui seul n'est pas prévu par le droit fédéral ou cantonal comme fondant une obligation de soumettre à nouveau à une enquête publique un plan d'affectation. Seule une modification sensible des circonstances, qui imposerait un réexamen et une éventuelle adaptation des plans, créerait cette obligation.

En l'espèce, le délai de neuf ans et deux mois séparant la fin de la dernière enquête publique (18 décembre 1998) de l'approbation par le Conseil d'Etat du RPUS (27 février 2008) ou celui de huit ans correspondant aux travaux du conseil municipal suite à la dernière enquête publique, bien qu'étant longs, ne sont pourtant pas exceptionnels à Genève, notamment s'agissant de l'adoption de plans de zones ou de PLQ. De plus, le RPUS s'applique à une surface dépassant de loin la plupart de celles couvertes par d'autres plans usuellement adoptés et implique également de nombreux intérêts publics et privés, dont la pesée a donné lieu à des débats nourris au sein du conseil municipal et de nombreuses lettres d'observations. En outre, la procédure d'adoption des PUS ne prévoyant pas d'opposition formelle, les discussions préalables sont susceptibles d'être allongées pour tenir compte de tous les points de vue. A cela s'ajoute que des oppositions, hors procédure, ont été faites au Conseil d'Etat qui a obtenu un rapport fondé sur l'art. 47 OAT avant de donner son approbation au RPUS.

En conséquence, le grief tiré de la durée des travaux du conseil municipal doit être rejeté.

3. Il convient d'examiner maintenant si une modification sensible des circonstances à l'origine de la réglementation et du plan est réalisée en l'espèce.

Les plans d'affectation font l'objet des adaptations nécessaires lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées (art. 21 al. 2 LAT). Selon le Tribunal fédéral, cette disposition tend à assurer à la planification une certaine stabilité, sans laquelle les plans d'aménagement ne peuvent remplir leurs fonctions (ATF 128 I 190 ; 127 I 103 consid. 6b p. 105; 124 II 391 consid. 4b p. 396 ; 123 I 175 consid. 3a p. 182 et les arrêts cités). La stabilité des plans est un aspect du principe, plus général, de la sécurité du droit, qui doit permettre aux propriétaires fonciers, comme aux autorités chargées de mettre en œuvre la planification, de compter sur la pérennité des plans d'affectation (ATF 120 Ia 227 consid. 2b p. 232). Ceux-ci doivent être révisés lorsque les circonstances déterminantes se sont modifiées depuis leur adoption. Toutefois, plus le plan est d'adoption récente et les modifications à apporter importantes, plus les motifs qui justifient ces modifications doivent être impérieux. Les circonstances à prendre en considération peuvent être de fait ou de droit (ATF 127 I 103 consid. 6b p. 105).

Ainsi, les circonstances à prendre en compte, au sens de l'art. 21 al. 1 LAT et 15E LExt, sont celles en lien avec les buts de la réglementation et celles ayant fondé les choix faits dans le plan qui la concrétise. Les PUS visent à maintenir et rétablir l'habitat dans les quatre premières zones de construction au sens de l'art. 19 LaLAT et dans les zones de développement, d'y favoriser une implantation des activités qui soit harmonieuse et équilibrée, tout en garantissant le mieux possible l'espace habitable et en limitant les nuisances qui pourraient résulter de l'activité économique (art. 15A al. 1 LExt). Pour atteindre ces buts, les PUS donnent une ligne directrice quant à l'affectation du territoire communal en le répartissant notamment en terrains à bâtir et espaces verts. Les premiers sont répartis dans des secteurs aux prépondérances d'intérêt public, d'habitation ou de logements et de travail ou d'emplois (art. 15B al. 1 et 2 LExt). Les règlements d'application définissent les taux de répartition dans les différents secteurs afin d'assurer notamment un équilibre entre l'habitat et l'artisanat, le commerce, l'administration, tant publique que privée, et les secteurs de détente (art. 15C LExt).

En l'espèce, le recourant n'allègue aucun changement de circonstances concret et se réfère uniquement à l'écoulement du temps. Par ailleurs, rien ne permet de retenir qu'un changement significatif, lié à l'aménagement du territoire en Ville, aurait eu lieu dans le délai d'adoption du RPUS. Ainsi, notamment, ne constitue pas un tel changement l'adoption d'un nouveau plan directeur cantonal le 21 septembre 2001, mis à jour en 2007, qui retient dans ses objectifs décrits au chapitre 2.12 du concept de l'aménagement cantonal pour les trois premières zones ordinaires :

mettre un frein à la densification des quartiers anciens ;

requalifier et développer les espaces publics, favoriser l'installation d'équipements publics ;

maintenir l'habitat et le rétablir au centre-ville.

Le chapitre 2.14 de ce concept retient, s'agissant du « tissu urbain », l'objectif de compléter l'ensemble différencié des espaces verts, parcs de quartier, de ville, régionaux, en fonction de l'urbanisation, notamment par le biais de compensations écologiques.

Ces objectifs ne sont à l'évidence pas opposés à ceux du RPUS et ne peuvent être qualifiés de nouvelles circonstances au sens développé ci-dessus. Il convient d'ajouter, sur le plan des modifications législatives, que toute modification des art. 15A à 15G LExt qui fondent les PUS est soumise obligatoirement à l'approbation du conseil général, depuis l'entrée en vigueur des art. 53A et 160F de la Constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 (Cst Ge - A 2 00), le 20 janvier 2007. L'adoption de ces dispositions constitutionnelles démontre également l'actualité des circonstances ayant fondé l'adoption des articles de la LExt concernant les PUS.

S'agissant des circonstances de fait, la pénurie de logements vacants à Genève n'a pas subi de changement significatif, le taux de vacance étant de moins de 2% depuis 1985. S'agissant du dépeuplement urbain que le RTPUS et le RPUS visent à contrer, un retournement de tendance est amorcé à Genève puisque la Ville comptait en 2007, 29'000 habitants de plus qu'en 1980. Ce phénomène est unique en Suisse (Evolution de la population résidante des villes suisses de + 30’000 habitants de 1950 à 2002, OCSTAT 2004) et résulterait des effets conjugués du RTPUS et de la LDTR, aux dires des intimés.

Au vu de ce qui précède, une obligation de réexamen du RPUS fondé sur un changement de circonstances ne peut être retenue et le grief du recourant sera écarté.

4. Avant de procéder à l'examen des griefs matériels du recourant, il convient de préciser que le recours porte sur le RPUS et non pas sur une autorisation de construire. De ce fait, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant les implications de l'interprétation qu'il donne aux dispositions du RPUS qui, selon lui, l'empêcheraient de réaliser son projet concret de construction. De même, il n'entre pas dans la compétence du tribunal de céans, saisi d'un recours contre une règlementation communale, d'anticiper l'application concrète qui sera faite par les autorités compétentes des dispositions dérogatoires du RPUS, que le recourant souhaite voir appliquer à son projet.

5. Le recourant se plaint, tout d'abord, d'une atteinte disproportionnée et dénuée d'intérêt public, à la garantie de la propriété et à la liberté économique, en raison de l'obligation de prévoir un taux important de SBP affectées au logement.

Aux termes de l’art. 36 al. 1 Cst. toute restriction d’un droit fondamental doit être fondée sur une base légale; les restrictions graves doivent être prévues par une loi; les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés. Toute restriction d’un droit fondamental doit être justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (art. 36 al. 2 Cst.) et proportionnée au but visé (art. 36 al. 3 Cst.). L’essence des droits fondamentaux est inviolable (art. 36 al. 4 Cst.).

Le principe de la proportionnalité exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 126 I 219 consid. 2c et les arrêts cités).

S'agissant d'une disposition légale, le principe de proportionnalité est violé si le but d'intérêt public visé peut être atteint par des moyens moins rigoureux, ou s'il n'existe pas de rapport raisonnable entre la restriction de propriété et le résultat recherché (ATF 111 Ia 23 et les références citées).

b. Selon l’art. 27 al. 1 Cst., la liberté économique est garantie. Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d’un gain ou d’un revenu (ATF 128 I 19 consid. 4c.aa p. 29 ; Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale, in FF 1997 I 1 ss p. 176). Elle peut être invoquée aussi bien par les personnes physiques que par les personnes morales (Arrêts du Tribunal fédéral 2P.162/2002 du 11 novembre 2002, consid. 3.1 ; 2P.38/2001 du 30 août 2002, consid. 3.2 ; FF 1997 I 1 ss p. 179).

Les restrictions à la liberté économique peuvent prendre la forme de prescriptions cantonales instaurant des mesures de police proprement dites, mais également d’autres mesures d’intérêt général tendant à procurer du bien-être à l’ensemble ou à une grande partie des citoyens ou à accroître ce bien-être, telles que les mesures sociales ou de politique sociale. Ces restrictions cantonales doivent reposer sur une base légale, être justifiées par un intérêt public prépondérant et, selon le principe de la proportionnalité, se limiter à ce qui est nécessaire à la réalisation des buts d’intérêt public poursuivis. Les restrictions cantonales à la liberté économique ne peuvent toutefois se fonder sur des motifs de politique économique et intervenir dans la libre concurrence pour favoriser certaines formes d’exploitation en dirigeant l’économie selon un certain plan, à moins que cela ne soit prévu par une disposition constitutionnelle spéciale (ATF 128 I 3, consid. 3a et b p. 9; 125 I 209 consid. 10a p. 221 et la jurisprudence citée ; Arrêts du Tribunal fédéral précités).

c. Outre la défense des droits individuels et celle de la valeur des biens mobiliers ou immobiliers, la garantie de la propriété énoncée par l’art. 26 Cst. comprend la faculté d’accéder librement à l’état de propriétaire, dans une perspective aussi bien privée que commerciale. Couplée à la liberté économique protégée par l’art. 27 Cst., elle s’étend aux mesures qui visent à la conclusion d’un acte de vente aux fins de transférer la propriété d’un bien-fonds, comme indiqué ci-dessus. L’exercice d’un droit de préemption par une collectivité publique constitue par conséquent une restriction dans l’exercice de ces deux garanties constitutionnelles. Pour être admissible, une telle restriction doit répondre aux exigences de l’art. 36 Cst., à savoir reposer sur une base légale, répondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (J.-F. AUBERT/P. MAHON, Petit Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, Zurich 2003, p. 225 et 241).

d. Le Tribunal fédéral a jugé que les restrictions de droit public imposées par un plan d'affectation spéciale prévoyant une proportion minimale de logements dans les zones du centre, telles les zones d'habitation de la Ville, étaient compatibles avec la garantie de la propriété pour autant qu'elles reposent sur une base légale et soient édictées dans l'intérêt public (ATF 111 Ia 93 - JdT 1987 I 506).

6. a. En l'espèce, une base légale formelle existe aux art. 15A et suivants LExt (Arrêt du Tribunal fédéral dans la cause S.I. Tranchées Soleil et consorts du 11 janvier 1990).

b. S'agissant du RTPUS, le Tribunal fédéral a jugé qu'un plan fixant une quote-part d'utilisation à des fins d'habitation répondait à un intérêt public qui l'emportait sur l'intérêt privé à disposer du droit de propriété ; il était important, tant du point de vue de l'aménagement du territoire que de la politique sociale, que le centre des villes ne soit pas vidé de ses habitants et d'y garantir un équilibre entre les activités économiques et l'habitat, afin de maintenir autant que possible des logements à des prix avantageux et de réduire le flux du trafic pendulaire. Le RTPUS avait précisément pour but de maintenir et de rétablir l'habitat tout en favorisant une implantation équilibrée des activités sur le territoire de la Ville de Genève. Cet intérêt était jugé prépondérant (Arrêt du Tribunal fédéral du 11 janvier 1990 déjà cité).

c. Le RPUS, quant à lui, prescrit des taux de 50% de logements en Vieille-Ville et de 80% dans les autres secteurs pour toute nouvelle surface brute de plancher supplémentaire obtenue par des extensions de bâtiments ou des constructions nouvelles (art. 3 al. 3 et 7 al. 1 RPUS).

Comme vu précédemment, cette règlementation vise à lutter contre le dépeuplement urbain et à favoriser la construction de logements en général. Elle est fondée sur une base légale et répond à un intérêt public. En outre, bien que l'enrayement de la diminution de la population urbaine semble amorcée, l'objectif d'établir un équilibre entre activités et logement n'est pas atteint. Tant la règle de l'aptitude du principe de proportionnalité que celle de la nécessité sont donc respectées in casu.

Par ailleurs, la règlementation ne prévoit nulle part une proportion de 100% de logements et respecte également la situation actuelle, même dans les cas où elle ne satisfait pas aux exigences du plan. Il existe de plus une clause dérogatoire.

Dans ces circonstances, il faut considérer que le RPUS, qui s'inscrit dans la continuité du RTPUS, reste dans un rapport raisonnable entre l'objectif visé et les intérêts lésés. Les griefs soulevés doivent ainsi être écartés.

7. Le recourant estime que la règlementation relative aux espaces verts est contraire à la garantie de la propriété et à la liberté économique en rendant inconstructible une partie des terrains. Il craint également l'application qui sera faite de ces dispositions en cas de travaux de rénovation.

a. Le RPUS fixe des taux d'espaces verts différenciés selon les sous-secteurs, de 35% (sous-secteur 2.2) et 40% (sous-secteur 2.3 ; art. 13 al. 1 RPUS). L'art. 12 al. 1 RPUS prévoit que "le taux d'espaces verts ou de détente, fixé pour les sous-secteurs mentionnés à l'art. 13, est appliqué :

a) aux parcelles ou groupes de parcelles dont la surface excède 1000 m2 ou

b) aux parcelles comprises dans le périmètre d'un plan localisé de quartier dont la surface des parcelles excède 1000 m2."

Par espace vert ou de détente, il faut entendre toute surface privée ou publique à usage collectif, conçue pour le délassement, les jeux ou la promenade, libre de construction et inaccessible aux véhicules autres que d'intervention technique et d'urgence (art. 3 al. 6 RPUS).

b. Le recourant ne critique pas seulement la règlementation en tant que telle mais en fait une lecture différente de celle faite par le conseil municipal et le Conseil d'Etat. Aussi, il convient en premier lieu de déterminer la portée de l'art. 12 RPUS et de vérifier s'il s'applique aux constructions existantes comme le craint le recourant.

c. Selon les intimés, la rédaction du RPUS sur ce point est peu claire en raison de la suppression du chapitre consacré aux IUS, mais les travaux législatifs indiquent clairement que la création d'espaces verts n'est prévue que pour des constructions nouvelles, soit tout bâtiment édifié sur un terrain libre ou libéré suite à une démolition.

Au vu de ces explications, il apparaît que rien ne figure dans les travaux législatifs ni dans le RPUS, si ce n'est l'art. 2 al. 1 in fine qui précise que les dispositions du RPUS s'appliquent aussi bien aux constructions existantes qu'aux constructions nouvelles, qui pourrait laisser supposer que la démolition de bâtiments existants puisse être imposée afin de réaliser des surfaces d'espaces verts dans les taux fixés, comme le craint le recourant. Cette interprétation ne saurait être suivie, le RPUS s'appliquant uniquement aux constructions nouvelles, cas échéant réalisées après démolition et non aux rénovations de bâtiments. Les craintes du recourant sont infondées et le grief doit être écarté.

d. Pour le surplus, s'agissant de la fixation d'un taux d'espaces verts dans le RPUS, la LAT préconise de ménager si possible dans le milieu bâti de nombreux espaces plantés d'arbres et aires de verdure (art. 3 al. 3 let. e LAT) et l'art. 15B al. 1 LExt prévoit expressément que les PUS ont pour but de donner une ligne directrice quant à l'affectation du territoire communal en le répartissant notamment en espaces verts, privés ou publics, y compris les secteurs de détente en nombre et surface suffisants.

La règlementation incriminée est conforme à ces dispositions et le grief du recourant doit être écarté.

8. Finalement, s'agissant de l'effet rétroactif dans l'application du RPUS que redoute le recourant, il suffit de constater que le règlement ne prévoit pas de dispositions transitoires et qu'ainsi ce sont les règles générales en la matière qui trouveront application.

Quant à l'art. 2 al. 1 RPUS qui indique que ce dernier s'applique également aux constructions existantes, il définit le champ d'application du règlement et ne saurait être interprété comme permettant d'exiger la modification des constructions existantes sans aucun élément déclencheur. Le grief du recourant sera écarté.

9. En tous points infondés, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant qui succombe. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée au conseil municipal de la Ville, bien qu'il y ait conclu. Selon une jurisprudence constante, le tribunal de céans considère que cette dernière est une collectivité publique suffisamment importante pour disposer de son propre service juridique. Ce principe a été développé dans des causes impliquant le conseil administratif (ATA/145/2008 du 1er avril 2008 ; ATA/233/2006 du 2 mai 2006) mais est également valable pour le conseil municipal, qui doit pouvoir disposer des services juridiques de l'exécutif.

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 avril 2008 par Monsieur Jean-Pierre Tripod contre la décision du Conseil d'Etat du 27 février 2008 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge du recourant ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi 

communique le présent arrêt à Me François Bellanger, avocat du recourant, au Conseil d'Etat, au conseil municipal de la Ville de Genève, appelé en cause, ainsi qu'à l'office fédéral du développement territorial.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mme Junod, M. Dumartheray, juges, M. Torello, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :