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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3811/2020

ATA/84/2022 du 01.02.2022 sur JTAPI/937/2021 ( AMENAG ) , REJETE

Recours TF déposé le 05.03.2022, rendu le 25.05.2022, REJETE, 1C_148/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3811/2020-AMENAG ATA/84/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er février 2022

 

dans la cause

 

Messieurs A______


contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OCAN

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 septembre 2021 (JTAPI/937/2021)


EN FAIT

1) Messieurs A______ sont propriétaires des parcelles n° 1______ et n° 2______ de la commune de B______, à l'adresse Chemin C______.

2) Le 20 mai 2020, par l'intermédiaire de l'entreprise D______, arboriste, ils ont déposé auprès de l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) rattaché au département du territoire (ci-après : le département), une requête visant l'abattage d'un épicéa, d'un sapin bleu et d'un prunus situés sur leur parcelle n° 1______. Sous la rubrique « motif de la requête », il était précisé « arbres en concurrence avec l'environnement ».

3) Par décision du 3 juin 2020, n° 3______, l'OCAN a délivré l'autorisation requise, selon le plan d'abattage annexé à la requête, sous réserve de l'accord du propriétaire et moyennant une exécution des travaux dans un délai de trente jours. Cette autorisation a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du même jour.

4) Selon une note de service du 14 janvier 2021, une réunion s'était tenue sur place le 24 juin 2020 entre Monsieur E______, architecte, et Monsieur F______, agent technique assermenté rattaché au secteur des arbres de l'OCAN, en vue d'un projet de construction et afin d'établir les arbres à conserver dans cette éventualité. Cette note précisait que la demande d'abattage avait pour motifs la mise en valeur de la végétation adjacente ainsi qu'une question sanitaire concernant le prunus. Vu la densité de la végétation présente, M. E______ pourrait procéder à l’abattage des cyprès bordant l'accès à la maison existante, sans pour autant que cela soit lié au projet de construction. En revanche, l'OCAN a demandé le maintien d'un pin noir, pour sa valeur paysagère et écosystémique, ainsi que son état sanitaire satisfaisant ; il le considérait comme l'arbre majeur du site, une nouvelle construction devrait s'adapter à sa préservation.

5) Le 8 septembre 2020, MM. A______, par l'intermédiaire de l'entreprise G______ (ci-après : G______), ont déposé auprès de l'OCAN une requête visant l'abattage de sept cyprès d'Arizona, d'un pin parasol et d'un pin noir pour des motifs d'entretien de la végétation. À l’appui de cette requête, ils ont déposé un plan d’abattage indiquant l’emplacement des différents arbres susmentionnés. Une mention manuscrite « construction » pointe une flèche en direction du pin noir.

6) Par décision du 2 novembre 2020, n° 4______, l'OCAN a refusé de délivrer l'autorisation relative à l’abattage du pin noir au motif qu’il devait être conservé en tant qu'arbre majeur et seul élément marquant du paysage restant, au vu des nombreux abattages autorisés.

7) Par décision du 4 novembre 2020, n° 5______, l'OCAN a délivré l'autorisation requise, selon le plan annexé à la requête, s'agissant de l'abattage d'un pin parasol et de sept cyprès, moyennant la condition que quatre arbres soient replantés sur la parcelle. Cette autorisation a été publiée dans la FAO du même jour.

8) Par acte du 15 novembre 2020, MM. A______ ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision n° 4______, concluant principalement à son annulation et à la délivrance de l'autorisation d'abattage du pin noir.

Le département avait abusé de son pouvoir d'appréciation en refusant l'autorisation précitée. En particulier, il avait omis de prendre en compte le mauvais état de l'arbre, dont une partie du tronc s'était couchée sur le sol. L'arbre n'était pas visible depuis l'extérieur de la parcelle, en raison d'une végétation très dense. Le département n'avait de même à tort pas retenu que la chute de branches dudit pin noir avait engendré des dégâts sur la toiture de leur habitation sise sur leur parcelle voisine n° 2______. Ses racines avaient endommagé le chemin d'accès à la propriété, de même que le système d'arrosage automatique.

9) Le 22 janvier 2021, le département a conclu au rejet du recours.

Dans le cadre de l'instruction de la demande du 8 septembre 2020 précitée, l'inspecteur s'étant rendu sur place avait demandé le maintien du pin noir en tant qu'arbre majeur du site, au vu de son importance paysagère, de sa valeur écosystémique et de son état sanitaire satisfaisant. Cet examen n'avait donc pas mis en évidence de problème sanitaire ni la possibilité que ce pin noir constitue un danger. L'arbre disposait d'une bonne espérance de vie et ne présentait pas de signe visible de dépérissement ni de risque de chute. Il était visible de l'extérieur des parcelles de MM. A______, visibilité accentuée par la disparition des sept cyprès, du pin parasol, du prunus, du sapin et de l'épicéa autorisés à l'abattage en juin et en novembre 2020, ce qui renforçait ainsi l'intérêt de l'arbre sur la perception du site.

Il incombait aux propriétaires d'assumer les contraintes inhérentes aux espèces qu'ils plantaient sur leur parcelle, notamment s'agissant de l'ombre provoquée par le gabarit de l'arbre, de la chute des feuilles ou aiguilles, ainsi que des dégâts provoqués par les racines. Les dégâts causés par le pin noir sur les dalles de MM. A______ étaient mineurs.

10) Dans leur réplique du 10 février 2021, MM. A______ ont invité le TAPI à constater sur place que le pin noir ne serait pas visible si une construction devait être érigée sur la parcelle n° 1______ et que les dégâts causés par ses racines n'étaient pas mineurs. De nombreuses autorisations d'abattage de pins noirs avaient été délivrées à Genève, eu égard à la valeur écosystémique de l'arbre, relevant ainsi que le refus d'autoriser l'abattage de cet arbre en particulier relevait de l'arbitraire. Son état sanitaire n'était pas satisfaisant puisque l'entreprise G______ y avait constaté la présence de nids de chenilles processionnaires, ce qui pouvait, selon un article du journal « La Tribune de Genève », constituer une alerte sanitaire.

11) Dans une duplique du 4 mars 2021, le département a relevé que MM. A______ confondaient le champ d'application du règlement sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999 (RCVA - L 4 05.04) et l'appréciation d'une requête d'abattage visant un arbre en particulier. Pour le surplus, la directive concernant la conservation des arbres – critère de maintien et motifs d'abattage d'août 2008 (https://www.ge.ch/document/nature-directive-concernant-conservation-arbres ; ci-après : la directive d'août 2008) permettait d'établir les critères de maintien et motifs d'abattage, comprenant essentiellement la beauté et l'intérêt de l'arbre, son état sanitaire et son espérance de vie, et de préciser les règles décisionnelles en matière de conservation du patrimoine arboré. La décision de maintenir un arbre était prise lorsque cet intérêt primait sur les motifs d'abattage. Les critères pris en compte étaient toujours évalués en relation directe avec l'espèce concernée et analysés pour chaque cas particulier. Le département retenait comme motif d'abattage les dangers et incidences de l'arbre sur les biens et les personnes, l'existence d'un projet de construction ou d'aménagement, la mise en valeur d'autres arbres ou l'entretien d'un ensemble végétal, la prévention phytosanitaire et, dans une certaine mesure, le respect des servitudes et des conventions. Partant, il ne pouvait lui être reproché une décision arbitraire, puisqu'il s'était conformé à la directive précitée.

S'agissant de la présence de chenilles processionnaires dans le pin noir, la jurisprudence retenait que le périmètre à risque était circonscrit aux lieux destinés à l'accueil du public, tels les crèches, écoles, places et parcs publics, places de jeux et piscines. En ces lieux, les propriétaires de tels arbres devaient intervenir dès l'apparition des nids de chenilles, sans toutefois recourir à l'abattage de l'arbre. A contrario, en dehors de ce périmètre, soit dans les jardins privés, la lutte contre ces insectes n'était pas obligatoire. Ces chenilles ne constituaient pas un parasite du pin. Partant, leur présence ne pouvait justifier l'abattage de l'arbre. En effet, des moyens de lutte contre les chenilles processionnaires pouvaient être mis en oeuvre, notamment la mise en place d'une gouttière autour de l'arbre, admise comme efficace selon la jurisprudence. MM. A______ ne démontraient pas avoir pris de telles mesures.

12) Le 15 mars 2021, le département, en réponse à la demande du TAPI, a exposé, plan de vue à l'appui, que l'abattage du pin noir litigieux aurait pu être autorisé s'il n'avait pas été considéré comme arbre majeur du site au vu de son importance paysagère. Il était visible depuis plusieurs parcelles alentour dont deux parcelles appartenant au domaine public.

13) Lors d'un transport sur place le 22 avril 2021, le TAPI a constaté que le pin litigieux se trouvait à moins de 6 m de la limite parcellaire.

M. A______ a indiqué que l'arrosage automatique était contrôlé par un robinet au pied de la façade de la maison et n'était plus utilisable, car les racines du pin avaient probablement abîmé les tuyaux enterrés dans le sol. L'abattage du pin ne changerait rien à la nécessité de devoir faire des fouilles pour trouver les fuites ou les points abîmés. Lors de tempêtes, l'arbre penchait de façon très visible du côté de la maison. Le projet de construction qui dépendait de l'abattage du pin portait sur une villa individuelle.

Le TAPI a effectué des photos à partir des différents endroits depuis lesquels, selon le plan fourni par le département le 15 mars 2021, le pin pouvait être considéré comme un élément marquant du paysage. Selon le TAPI, sa visibilité était plus ou moins grande et son empreinte relative dans le paysage, selon les endroits, en comparaison des autres éléments arborés présents aux alentours (arbres isolés, groupes d’arbres, cordon boisé).

M. F______ a notamment relevé que le pin apparaissait comme une masse végétale clairement visible par rapport à la masse minérale constituée par les immeubles situés dans la zone industrielle. Il devait être visible pour les habitants des 3ème et 4ème étages de l'immeuble situé côté pair du chemin C______, à hauteur des n° ______. Il apparaissait davantage comme un élément isolé mais structurant du paysage arboré.

14) La procédure a été suspendue par le TAPI après le transport sur place pour permettre aux parties de trouver une solution amiable.

15) Dans un courrier du 21 mai 2021, MM. A______ ont proposé au département de replanter un pin noir sur leur terrain.

16) Le 31 mai 2021, le département a refusé cette proposition. L'arbre litigieux ne penchait pas lors de vents violents mais son fût pliait sous l'effet des bourrasques, ce qui était la particularité d'un bois qui avait parfaitement assimilé ce paramètre et le rendait moins cassant. Le pin était dans un bon état sanitaire. Au-delà de son intérêt paysager, la valeur écosystémique de cet arbre était importante au vu de son volume foliaire.

De plus, le lien entre un projet de construction d'une villa et leur requête ne faisait aucun sens vu qu'aucune demande en autorisation de construire n'avait encore été déposée.

Le principe « un arbre abattu, un arbre replanté » s'appliquait à la végétation dépérissante ou pour la mise en valeur d'autres végétaux situés à proximité. La possibilité du terrain après construction ne permettait pas la plantation d'un arbre à grand développement en raison de la proximité des limites de propriété conformément aux bases légales en vigueur. Enfin, une convention dérogeant aux bases légales en vigueur en matière de limites de propriété semblait difficile à établir avec le voisinage au vu des relations conflictuelles avec ce dernier.

17) Le 21 juin 2021, sur demande du TAPI, le département a explicité les notions d'arbre marquant, majeur et remarquable. Il n'y avait pas de critères absolus pour définir la différence entre un « élément marquant du paysage » et un élément « majeur ». La perception contenait dès lors forcément une zone de transition ou de cumul où des arbres pouvaient être classés dans ces deux catégories. Cette appréciation prenait en considération uniquement l'aspect paysager du végétal et non sa valeur écosystémique, sachant que l'interaction d'un arbre avec son milieu n'était pas forcément proportionnelle à sa dimension. L'essence, l'âge, l'emplacement étaient autant d'éléments qui pouvaient définir le rôle d'un arbre.

L'appréciation paysagère d'un arbre était basée sur sa situation, sa taille actuelle et son potentiel de développement. Sa valeur dendrologique pouvait également être prise en compte. Sa situation pouvait être urbaine, rurale ou forestière. Il était évident que dans les deux premiers espaces, la plus-value paysagère était davantage reconnue, pour une question de visibilité. Hormis l'aspect de reconnaissance particulière d'un volume, l'impression de la masse végétale émergeante était complétée par l'émotion et la sensibilité par rapport à sa présence. C'était un repère conscient ou inconscient qui contribuait au bien-être d'un lieu de vie.

La taille de l'arbre était incontestablement le critère qui le rendait unique aux yeux du public. Plus l'arbre était grand, plus il avait un caractère exceptionnel et bien sûr sa dimension favorisait sa visibilité aux alentours. La rareté de l'essence pouvait aussi contribuer à sa valeur dendrologique. L'esprit de la collection ou de témoin de l'histoire renforçait la valeur d'un sujet.

L'arbre majeur, outre son implantation, son intérêt sur la perception d'un site et son aspect notable avec une hauteur d'en tout cas une dizaine de mètres, présentait un potentiel de croissance intéressant, qui lui conférait la possibilité de devenir un arbre remarquable. La classe des arbres remarquables était plus concrète, dans le sens qu'une évaluation avec des critères définis par un système de points permettait d'y accéder.

La simple notion d'élément marquant du paysage pouvait être attribuée à tout arbre ou groupe de végétaux se démarquant d'un ensemble naturel ou bâti, sans pour autant posséder une capacité de développement reconnue.

18) Le 28 juin 2021, MM. A______ ont relevé qu'ils n'avaient pas eu l'occasion de se déterminer sur les courriers du département des 31 mai et 2 juin 2021.

Leur arbre n'avait pas été identifié durant l'inventaire des arbres du canton. L'abattage d'un pin noir avait été autorisé non loin de leur parcelle, à B______. Les critères de détermination d'un arbre remarquable, majeur ou marquant semblaient très arbitraires. Il était curieux de constater que le département n'avait aucun instrument de mesure avancé telle qu'une sonde densimétrique et que les experts qu'ils souhaitaient mandater avaient refusé de se prononcer contre l'OCAN de peur de perdre leur travail.

Le pin ne respectait pas la distance règlementaire. Cet arbre occupait une surface végétalisée de 144 m2, soit la couronne telle qu'établie par un géomètre officiel le 18 août 2020. Lors d'une construction, la loi obligeait à calculer 1 m de plus de circonférence en sus du diamètre de la couronne, ce qui les obligeait à construire une maison tout au plus de 60 à 70 m2 sur leur parcelle en lieu et place d'une maison de 120 à 140 m2.

19) Par jugement du 16 septembre 2021, le TAPI a rejeté le recours.

L'état sanitaire du pin noir litigieux était controversé. Cet arbre ne jouissait d'aucun statut spécial qui impliquerait d'apprécier la question de son abattage de manière particulièrement restrictive. Cela étant, le TAPI avait déjà jugé que la présence de chenilles processionnaires dans un pin ne constituait pas un motif suffisant d'abattage, comme pourrait l'être une maladie, puisqu'il s'agissait davantage d'une nuisance pouvant être combattue par diverses mesures. De plus, MM. A______ n'avaient pas produit d'élément concret justifiant du mauvais état de santé de leur arbre et n'avaient d’ailleurs pas abordé cette question lors du transport sur place. Partant, l'avis de l'expert de l'OCAN, selon lequel le pin était dans un état satisfaisant, devait être retenu.

À la lumière des pièces versées au dossier et notamment des photographies, il s'avérait que les dégâts causés par le pin ne constituaient pas un motif suffisant pour décider de l'abattre. Lors du transport sur place, le TAPI avait constaté que quelques dalles du chemin avaient subi un dénivellement, soit un dégât mineur pouvant aisément être réparé. L’abattage de l’arbre n’empêcherait pas MM. A______ de devoir réparer, voire remplacer le réseau d'arrosage automatique enterré, ce qui était possible tout en épargnant l’arbre. Il était de toute manière douteux que l’on puisse prendre en considération ce type de dommages pour justifier l’abattage d’un arbre d’une qualité équivalente à celui objet du litige. Aucune pièce ne corroborait les dégâts allégués sur la toiture.

La décision litigieuse était motivée non pas par l'état sanitaire du pin, mais par le fait que le département considérait cet arbre comme étant un élément majeur du paysage, notamment eu égard aux nombreux abattages autorisés sur la parcelle n° 2______. La question à trancher était double : il s’agissait de déterminer si cet arbre pouvait être considéré comme un élément majeur du paysage et, dans l'affirmative, si l'intérêt à son maintien l'emportait sur celui de MM. A______.

Le transport sur place n’avait pas permis de comprendre clairement ce qui faisait du pin noir un élément majeur du paysage, mais, à l’inverse, pas non plus de considérer d’emblée que le département avait manifestement erré dans cette appréciation. Certes, l’arbre était d’assez grande taille, de sorte qu’il était visible depuis plusieurs points de vue sur le domaine public, en dehors de la petite zone de villas à laquelle il appartenait. Cela ne signifiait pas pour autant que sa silhouette s’imposait à chaque fois de manière claire. En effet, cette silhouette se détachait plus ou moins nettement en fonction non seulement de la distance à laquelle se trouvait l’observateur, mais également de la présence aux alentours d’un certain nombre d’arbres, groupes d’arbres ou encore d’un cordon boisé, qui cachait le pin entièrement en dehors de la période hivernale. Selon l’endroit où se trouvait un observateur non averti, ces autres éléments arborés du paysage accaparaient facilement l’attention et apparaissaient bien davantage que le pin noir comme les principaux éléments végétaux du paysage.

S'y ajoutait que les explications données par l’autorité intimée au sujet de la différence entre un arbre marquant, majeur ou remarquable, impliquaient de prendre en considération et combiner plusieurs paramètres différents. Si le TAPI était à même, globalement, d’en apprécier séparément le sens et la portée, il ne disposait ni des connaissances théoriques ni de l’expérience de terrain nécessaires pour attribuer lui-même tel ou tel arbre à l’une ou l’autre de ces catégories, en dehors des cas manifestes d’arbres hors-normes ou au contraire tout à fait quelconques.

Dans ces conditions, faisant application de la retenue qui devait être la sienne dans de tels cas, le TAPI se rangeait à l'avis du service spécialisé, selon lequel le pin noir devait être considéré comme un élément majeur du paysage.

Les différents critères de la directive d’août 2008 (points 2.1.1 à 2.1.4), tels que rappelés plus haut, ne faisaient intervenir son statut d’arbre majeur ou remarquable que comme l’un des critères pris en considération, à côté de sa beauté, son intérêt écologique, son état sanitaire et son espérance de vie. Ainsi, tout arbre dont l’abattage était demandé faisait l’objet d’une évaluation globale en fonction de ces différents éléments, mise ensuite en balance avec le motif invoqué pour l’abattage. Plus le ou les intérêts – public ou privé – liés à l’abattage étaient importants, plus haute devrait être la valeur de l’arbre pour justifier le refus de l’abattre.

La demande d’abattage était motivée par un entretien de la végétation. Sous cet angle, MM. A______ n'avaient pu démontrer qu’il se justifiait d’abattre le pin pour des motifs sanitaires ou de sécurité.

Il ressortait du plan d’abattage produit à l’appui de la requête du 8 septembre 2020, de même que des explications données par MM. A______ durant la procédure et notamment lors du transport sur place, qu'ils souhaitaient abattre le pin pour construire une nouvelle maison sur celle des deux parcelles n'en comportant aucune. Or, ce projet de construction n’avait pas encore fait l’objet d'une requête auprès de l’autorité compétente. Par conséquent, une autorisation d’abattage délivrée à ce stade, pour ce motif, serait prématurée et entraînerait le risque que l’arbre ne disparaisse sans que finalement aucune nouvelle construction ne voie le jour. Lier la requête d’abattage à une demande d’autorisation de construire permettrait, à tout le moins, de vérifier si le projet de MM. A______ pourrait être autorisé sous l’angle du droit des constructions.

Enfin, l'existence de nombreuses autorisations d'abattage d'arbres dans le canton de Genève n'était pas nécessairement une raison pour accorder plus facilement une autorisation d'abattage d'un arbre en particulier, étant rappelé que chaque sujet devait faire l'objet d'une évaluation propre en fonction des critères légaux.

20) MM. A______ ont formé recours par acte expédié à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 14 octobre 2021 contre ce jugement, concluant à son annulation et à ce qu'ils soient autorisés à abattre le pin noir contre plantation d'un nouvel arbre.

Le jugement devait être annulé dans la mesure où ils n'avaient pu se déterminer sur les courriers du département des 31 mai et 2 juin 2021, ce qui n'était certainement pas équitable.

Le jugement était en contradiction avec celui rendu en 2001 par le Tribunal civil de première instance, confirmé par des arrêts de la Cour de justice puis du Tribunal fédéral, au terme duquel il avait été fait obligation à leur mère, Madame A______, d'abattre tous les arbres situés sur la parcelle n° 1______ en limite de propriété, à une distance non règlementaire avec la parcelle adjacente. Autrement dit, le pin noir aurait dû être abattu en 2001 alors qu'il était en bonne santé et maintenu désormais alors qu'il était dangereux.

La requête en abattage de cet arbre n'était pas liée à une construction, quand bien même elle restait dans leurs pensées, de sorte que le nom de l'architecte M. E______ n'avait pas à apparaître dans le jugement attaqué qui devait être annulé pour cette raison déjà. Ils comprenaient maintenant mieux pourquoi M. F______, employé de l'OCAN, leur avait demandé de lui payer CHF 20'000.- pour descendre à CHF 14'000.-, uniquement pour autoriser l'abattage du pin. Il avait dû admettre devant le TAPI que désormais plus aucune compensation financière n'était exigée. Ce grave incident n'apparaissait « hélas » nulle part dans le jugement.

À « lire ce jugement entre les lignes », ils avaient le sentiment que le TAPI cherchait à leur faire comprendre qu'il ne pouvait pas « aller contre l'État ». Le TAPI n'était dans ces conditions ni compétent ni indépendant ni impartial.

Des années plus tôt, une grosse branche de cet arbre était tombée sur le toit de leur habitation, ce qui avait nécessité le remplacement des tuiles et la pose d'une plaque de cuivre autour de l'avant-toit. Ils étaient étonnés qu'un soi-disant « technicien arbre de l'État » n'arrive pas à identifier la trace et la trajectoire de toutes les branches cassées du pin, toujours visibles sur son tronc, ni ne se présente avec une sonde densimétrique – qui aurait démontré que cet arbre était très dangereux – ou encore prélève un échantillon d'écorce pour une analyse approfondie. Ce dernier n'avait même pas remarqué la présence de rouille sur une partie du tronc, côté Est, ni qu'aucun oiseau ne s'en approchait. Il n'avait toujours pas compris qu'un arbre dont les racines montaient à la surface était un arbre à risque.

L'arbre majeur du site était un magnolia grandi-flora, visible à « 100 % » et estimé à CHF 17'000.-, alors que le pin l'était à CHF 700.-. Le remplacement des quatre cyprès bleu imposé par l'OCAN, déjà intervenu, masquerait le pin côté chemin C______. Selon le plan officiel de la commune, le pin noir n'occupait, côté chemin H______, pas les « 20 % du volume total puisque la zone industrielle et artisanale [était] tellement dense qu'elle dépassait largement les limites cadastrales [ ] de manière à masquer totalement cet endroit ».

Le système d'arrosage ne pourrait être réparé que moyennant découpe et dégagement des racines du pin. Ils étaient persuadés que ce dernier tomberait tôt ou tard, surtout désormais que son arrosage n'était plus possible. Il montrait déjà des signes de faiblesse puisqu'il penchait vers leur maison. L'État devrait assumer toutes les conséquences de ses actes, tant civiles que pénales.

La décision était arbitraire puisque le pin n'était pas un arbre majeur ni protégé. Il y avait un contresens à ce que l'OCAN le considère comme un élément majeur, tout en interdisant son renouvellement. Selon l'art. 20 RCVA, une commission technique de cinq spécialistes assistait le département. En l'état, M. F______ avait pris seul la décision de refuser le renouvellement. Le droit à un procès équitable faisait donc défaut.

On peut pour le reste déduire de l'acte de recours que MM. A______ estiment que l'arbre devrait être abattu en raison de la présence de chenilles processionnaires (ch. 3 à 5), qu'il serait dangereux, ce qui n'était pas étonnant dans une zone industrielle polluée, et qu'ils contestent être taxés pour une parcelle constructible qui ne le serait plus.

21) Le département a conclu le 25 novembre 2021 au rejet du recours.

La cause civile invoquée, au demeurant pour la première fois devant la chambre de céans, fait partant irrecevable, était sans influence sur la procédure administrative. Le pin noir ne se trouvait pas en bordure de la parcelle n° 6______, anciennement n° 7______, faisant l’objet de l’abattage ordonné par les juges civils. La mention dans la partie en fait du jugement querellé du nom de l’architecte s’étant présenté le 24 juin 2020 sur place n’avait eu aucune incidence sur l’analyse effectuée par le TAPI. Il était surprenant que les recourants n’invoquent ce grief qu’au stade du recours, lequel était tardif et irrecevable.

Le technicien spécialisé, consulté en juin 2020 par l’architecte de MM. A______, avait, après inspection visuelle, demandé le maintien du pin noir, dans un état sanitaire satisfaisant et ne pouvant être qualifié de dangereux. Le département n’avait ainsi eu d’autre option que de refuser son abattage au motif qu’il s’agissait de conserver un arbre majeur, seul élément marquant du paysage restant au vu des nombreux abattages autorisés. MM. A______, qui avaient le fardeau de la preuve, échouaient à prouver que le pin serait « très dangereux » et que son abattage serait une « nécessité absolue ». Le législateur n’avait pas inscrit à l’art. 21A RCVA la possibilité d’abattre un arbre en présence de chenilles processionnaires, qui ne représentait pas une gravité suffisante pour le justifier. MM. A______ ne démontraient pour le surplus pas avoir pris les mesures préconisées pour lutter contre ces chenilles qui ne constituaient pas un parasite du pin pouvant le fragiliser.

Le département reprenait les arguments faisant en l’espèce du pin noir un élément majeur du paysage, un critère pris en considération parmi d’autres, dont son état de santé et sa valeur écosystémique, relevant par ailleurs que la zone dans laquelle se trouvait la masse boisée à prendre en considération n’était pas pertinente.

Le soulèvement des dalles par les racines du pin, invoqué par MM. A______, photos à l’appui pour justifier son abattage, était un inconvénient devant être qualifié de mineur. La suppression du pin ne les empêcherait pas de devoir réparer le système d’arrosage automatique, ce qui était possible tout en l’épargnant.

Selon l’art. 20 RCVA, la commission des arbres n’était pas compétente pour examiner les demandes d’abattage d’arbres qui étaient de la compétence de l’OCAN, composé de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme.

Si le technicien arbre avait formulé oralement un montant pour des plantations compensatoires alors que MM. A______ avaient pour projet de construire deux villas sur leur parcelle, il s’agissait d’un montant purement indicatif pouvant être formulé en cas de demande d’abattage déposée et autorisée dans le cadre d’un tel projet de construction. Il était en l’espèce certain que les montants indiqués par les recourants n’avaient jamais été demandés par le département pour autoriser l’abattage du pin noir. Le département s’était au contraire efforcé, visiblement en vain, de faire comprendre à ces derniers que le pin noir ne pouvait être abattu, au vu de ses caractéristiques.

Le droit d’être entendu des recourants n’avait pas été violé. Ils avaient pu produire une écriture le 28 juin 2021 après que le département avait refusé leur proposition dans le cadre de la procédure alors pendante devant le TAPI.

22) MM. A______ ont très brièvement répliqué le 10 janvier 2022 en relevant que le Tribunal fédéral avait, en 2002, autorisé l'abattage du pin noir.

23) Les parties ont été informées le 12 janvier 2022 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les recourants soutiennent que leur droit d'être entendus aurait été violé dans la mesure où ils n'auraient pas pu se déterminer sur les courriers du département du 31 mai et du 2 juin 2021.

a. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2014 du 13 février 2015 consid. 4.1).

b. Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle-ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 61 LPA). Celui-ci implique la possibilité de guérir une violation du droit d'être entendu, même si l'autorité de recours n'a pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_257/2019 du 12 mai 2020 consid. 2.5 : ATA/1190/2021 du 9 novembre 2021 consid. 3b et les références citées).

c. En l'espèce, comme relevé à juste titre par l'autorité intimée, il n'existe pas de courrier du 2 juin 2021 à la procédure. S'agissant de la lettre du 31 mai 2021, elle était adressée aux recourants et figure à la procédure depuis le 3 juin 2021, date d'apposition du timbre humide du TAPI. Les recourants en avaient donc connaissance au moment de se déterminer le 28 juin 2021 devant le TAPI, puis à l'occasion des écritures déposées devant la chambre de céans, qui jouit d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit.

Le grief d'une violation du droit d'être entendu doit partant être rejeté.

3) Saisie d'un recours, la chambre administrative applique le droit d'office. Elle est liée par les conclusions des parties, mais non par les motifs que les parties invoquent (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1 et les références citées).

4) a. En vertu de l'art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b al. 1) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (let. b al. 2), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

b. Selon une jurisprudence bien établie, la chambre de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/1098/2019 du 25 juin 2019).

5) Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. ne contient pas d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_24/2017 du 13 décembre 2017 consid. 2.2).

6) a. La loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) a notamment pour but d'assurer la sauvegarde de la nature, en ménageant l'espace vital nécessaire à la flore et à la faune, et en maintenant les milieux naturels (art. 1 let. c).

À teneur de l'art. 36 al. 1 LPMNS, le Conseil d'État édicte les dispositions nécessaires à la protection, la conservation et l'aménagement des sites visés à l'art. 35 LPMNS. Le Conseil d'État peut n'autoriser que sous condition ou même interdire l'abattage, l'élagage ou la destruction de certaines essences d'arbres, de cordons boisés, de boqueteaux, buissons ou de haies vives (art. 36 al. 2 let.  a LPMNS).

b. En application de cette disposition, le Conseil d'État a adopté le RCVA, qui a pour but d'assurer la conservation, à savoir la protection, le maintien et le renouvellement, de la végétation formant les éléments majeurs du paysage (art. 1 RCVA). Il est applicable aux arbres situés en dehors de la forêt, telle que définie à l'art. 2 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10), ainsi qu'aux haies vives et boqueteaux présentant un intérêt biologique ou paysager (art. 2 al. 1 RCVA).

Selon l'art. 3 al. 1 RCVA, aucun arbre ne peut être abattu ou élagué, ni aucune haie vive ou aucun boqueteau coupé ou défriché sans autorisation préalable du département.

Pour les demandes d'abattage non liées à des demandes d'autorisation de construire ou de démolir, l'office cantonal sollicite, en cas de besoin, le préavis des autres services et, en particulier, celui de l'office du patrimoine et des sites s'agissant des arbres situés dans des sites protégés (art. 6A al. 1 RCVA).

Il ressort de l'art. 11 al. 1 RCVA que le département peut délivrer immédiatement une autorisation d'abattage ou d'élagage lorsqu'il constate, par lui-même, sur avis du propriétaire ou d'un tiers : qu'un arbre présente un danger imminent pour les personnes, les biens ou les milieux naturels sis alentour (let. a) ; qu'un arbre cause un danger d'infection ou de propagation d'une maladie à la végétation arborée (let. b) ; qu'un arbre est mort (let. c).

Il ressort de l'art. 14 RCVA que les propriétaires, mandataires, requérants, constructeurs ou autres usagers de terrains sont tenus de veiller avec la plus grande attention à la préservation des arbres, haies vives et boqueteaux existants (al. 1). Selon l'al. 2, il leur incombe : de traiter les arbres malades ou dépérissants (let. a) ; de prendre, notamment lors de travaux, toutes précautions utiles pour assurer la survie des arbres, haies vives et boqueteaux, en se conformant aux directives édictées par le département (let. b) ; d'appliquer les mesures arrêtées par le département destinées à prévenir et réparer les dégâts causés par des organismes nuisibles particulièrement dangereux (let. c).

L'autorisation d'abattage d'arbres ou de défrichage de haies vives et de boqueteaux est assortie, en principe, de l'obligation de réaliser des mesures compensatoires (art. 15 al. 1 RCVA). Une valeur de remplacement est attribuée aux végétaux dont l'abattage ou le défrichage est autorisé (art. 15 al. 2 RCVA).

Le département édicte des directives en matière de sauvegarde des végétaux maintenus, de leur mise en valeur et de l’exécution correcte des mesures compensatoires (art. 16 RCVA).

c. La directive d'août 2008 précise les règles décisionnelles en matière de conservation du patrimoine arboré et vise à assurer la protection des arbres en place et le renouvellement du patrimoine arboré (art. 1). La décision de maintenir un arbre est prise lorsque cet intérêt prime sur les motifs d'abattage et celle d'abattage seulement si des motifs valables empêchent le maintien de l'arbre (art. 2 de la directive d'août 2008). Les critères de maintien sont évalués en relation directe avec l'espèce par une personne qualifiée de l'OCAN (art. 2.1 de la directive).

Les art. 2.1.1 à 2.1.4 de cette directive énumèrent lesdits critères, à savoir : la beauté et l'intérêt du sujet (élément majeur du paysage, arbre remarquable, intérêt écologique), son état sanitaire (vigueur, absence de maladies, de blessures, qualité statique, couronne et charpente équilibrées) et son espérance de vie (potentialités de développement futur, espace disponible, conditions environnementales), ainsi que d'autres cas (impossibilité de compenser et de renouveler, maintien d'un espace plantable, situations particulières). Est qualifié d'« élément majeur du paysage », un arbre ou un ensemble d'arbres exceptionnel par son implantation et son intérêt sur la perception d'un site. Est qualifié d'« arbre remarquable », un arbre exceptionnel par son âge, ses dimensions, sa forme, son intérêt dendrologique ou ses références historiques. Les art. 2.2.1 à 2.2.5 de la directive énumèrent les motifs d'abattage, à savoir : les dangers et incidences de l'arbre sur les biens et les personnes, le type et l'importance de la construction ou de l'aménagement projeté, la mise en valeur d'autres arbres, l'entretien d'un ensemble végétal, la prévention phytosanitaire et le respect des lois, servitudes ou conventions, pour autant qu'un préjudice soit prouvé (ATA/552/2013 du 27 août 2013 ; ATA/398/2013 du 25 juin 2013 ; ATA/114/2010 du 16 février 2010).

d. Les directives sont des ordonnances administratives dont les destinataires sont ceux qui sont chargés de l'exécution d'une tâche publique, et non les administrés. Elles ne sont pas publiées dans le recueil officiel de la collectivité publique et ne peuvent donc avoir pour objet la situation juridique de tiers (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, ch. 2.8.3.1). L'ordonnance administrative ne lie pas le juge, mais celui-ci la prendra en considération, surtout si elle concerne des questions d'ordre technique, mais s'en écartera dès qu'il considère que l'interprétation qu'elle donne n'est pas conforme à la loi ou à des principes généraux (ATA/552/2013 du 27 août 2013 consid. 4d).

7) En l'espèce, comme les recourants le soulignent au stade de leur recours et quand bien même une réunion s'est tenue sur place le 24 juin 2020 en vue d'un projet de construction, en présence de leur architecte, la décision litigieuse n'a nullement été rendue en vue d'obtenir une autorisation d'abattage en raison du dépôt d'une autorisation de construire, mais pour un motif « d'entretien de la végétation », qui sera donc seul examiné.

Il sera en préambule relevé que selon les décisions des 3 juin et 2 novembre 2020, les recourants ont obtenu l'autorisation d'abattre un épicéa, un sapin bleu, un prunus, sept cyprès et un pin parasol se trouvant sur l'une de leurs deux parcelles contiguës. L'OCAN, par son secteur des arbres, a en revanche d'emblée, à compter de cette réunion du 24 juin 2020, demandé le maintien dudit pin, considéré comme l'arbre majeur du site.

Aucun élément au dossier, en particulier les diverses photos du pin noir prises par le TAPI lors du transport sur place, depuis plusieurs points d'observation, ne permet de remettre en cause et de tenir pour arbitraire l'appréciation de l'OCAN selon laquelle cet arbre présente les qualités d'un arbre majeur au vu de son importance paysagère, de sa grandeur, de sa visibilité depuis l'extérieur de la parcelle, accentuée par les abattages précités, et de sa valeur écosystémique. Le TAPI a apprécié ce critère, analysé en amont par l'autorité technique compétente, avec retenue, mais néanmoins de manière détaillée et après avoir constaté la situation de visu. La chambre de céans, après examen des éléments figurant à la procédure, exerce à son tour son pouvoir d'examen avec retenue, étant rappelé qu'elle n'a pas le pouvoir en l'espèce d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (art. 61 al. 2 LPA).

Reste à déterminer s'il existait des motifs d'abattage, à l'aune du RCVA et de la directive d'août 2008.

Comme retenu à juste titre par l'OCAN et le TAPI, les recourants ont échoué à démontrer que ce pin représenterait un danger ou aurait une incidence majeure sur les biens et les personnes. Son état sanitaire a été qualifié de satisfaisant par l'agent technique assermenté rattaché à l'OCAN, lequel s'est rendu sur place en juin 2020. Il ne suffit dans ces conditions pas d'alléguer que bien des années plus tôt une branche serait tombée sur le toit de la villa et l'aurait endommagé, sans produire au demeurant une quelconque pièce le prouvant, pour remettre en cause ce constat, ou encore d'indiquer que ce technicien n'aurait pas effectué une « mesure avancée telle qu'une sonde densimétrique ». Force est en revanche de relever que les recourants, suite à la chute de cette branche, voire d'autres branches ultérieurement comme ils le soutiennent, n'ont à aucun moment demandé l'abattage de ce pin pour ce motif et pour le danger qu'il présenterait. Ils ne l'ont pas plus fait en lien avec la présence de chenilles processionnaires, dont le technicien n'a pas noté la présence en juin 2020, et dont les recourants ne se plaignaient pas dans la demande d'abattage du 8 septembre 2020. Au demeurant, comme retenu à juste titre par le TAPI et relevé par l'autorité intimée, la présence de ces chenilles dans un jardin privé ne nécessite pas l'abattage de l'arbre dont elles ne sont pas un parasite, mais commande des mesures graduelles, à commencer selon le département par la pose d'un obstacle mécanique, soit une gouttière, dont les recourants n'ont pas démontré l'installation.

S'agissant des dégâts que les racines du pin auraient causés à quelques dalles, qualifiés de mineurs par le TAPI qui les a observés sur place, il n'est pas rare pour ne pas dire fréquent qu'un soulèvement de la surface d'un trottoir du domaine public, ou de dalles et du revêtement d'un chemin dans un jardin intervienne par la pousse des racines, sans que cela ne commande l'abattage de l'arbre. Autoriser dans le cas présent l'abattage du pin pour cette raison, voire pour avoir endommagé le système d'arrosage, violerait l'intérêt de son maintien, qui prime (art. 2 de la directive d'août 2008). Pour le reste, l'autorité intimée a expliqué de manière convaincante pour quelle raison elle ne voit pas de danger particulier à ce que le pin en cause penche au moment de bourrasques, vu la souplesse de son bois.

Enfin, il n'est pas possible de comparer d'autres situations qui ont fait l'objet d'autorisations d'abattages de pins, sans connaître les spécificités de chacune pour pouvoir les comparer à celle du cas à trancher, étant au demeurant relevé qu'à l'inverse du pin noir en cause, certaines autorisations parues dans la FAO et mentionnées par les recourants étaient fondées sur l'art. 11 RCVA, soit un abattage nécessité par l'état du spécimen, ce qui vient précisément d'être exclu.

Dans la mesure où il n'existe aucune raison de remettre en cause la décision litigieuse, la question de la compensation de la plantation d'un arbre de remplacement et son coût n'a pas à être examinée.

Quand bien même en 2001 le Tribunal civil aurait ordonné à la mère des recourants, alors propriétaire des parcelles n° 1______ et 2______, de procéder à l'abattage de certains arbres à la suite de plaintes du voisinage, il n'est pas soutenu ni a fortiori démontré que cela concernait le pin noir, encore en place plus de vingt ans plus tard.

Ainsi, le département n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en refusant que le pin litigieux soit abattu.

Le recours est ainsi infondé.

8) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge solidaire des recourants qui succombent (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 octobre 2021 par Messieurs A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 septembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge solidaire de Messieurs A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Messieurs A______, au département du territoire-ocan, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’à l’office fédéral du développement territorial (ARE).

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf, Payot Zen-Ruffinen, Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :