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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3375/2023

JTAPI/1070/2024 du 31.10.2024 ( LCI ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : REMISE EN L'ÉTAT
Normes : LCI.129; LCI.130
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3375/2023 LCI

JTAPI/1070/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 31 octobre 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Me Jean-Daniel BORGEAUD, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Madame A______ et Monsieur B______ sont propriétaires des parcelles nos 1______ et 2______ de la commune de C______, sises en zone agricole.

2.             Un bâtiment d’habitation à plusieurs logements cadastré sous le no 12______ ainsi que deux dépôts (nos 3______ et 4______) sont érigés sur la parcelle no 1______.

3.             Selon la fiche C05 du plan directeur cantonal 2030 (ci-après : PDCn), le hameau D______ est classé en zone agricole.

4.             Les deux parcelles sont incluses dans le périmètre protégé du plan de site « D______ » nos 5______ adopté par le Conseil d’Etat le ______ 2016 (ci-après : le plan de site), lequel prévoit à son art. 2 al. 1 que le périmètre du plan de site est entièrement situé en zone agricole.

5.             Le bâtiment n° 3______ est inscrit à l’inventaire (E______).

6.             Le ______ 2021, le département du territoire (ci-après : DT ou le département) a délivré aux époux A______ et B______ une autorisation de construire portant sur l’aménagement de deux logements dans deux bâtiments de dépôt situés sur lesdites parcelles
(DD 6______), laquelle indiquait notamment que le préavis de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) du 19 janvier 2021, favorable sous conditions, faisait partie intégrante de l’autorisation et que les constructions ne pouvaient être occupées ou utilisées avant le dépôt d’un dossier de plans conformes à l’exécution et de l’attestation officielle globale de conformité. Référence était par ailleurs faite aux art. 24d de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), 106 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et 27D de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30).

Il s’agissait de créer deux appartements en duplex, de remplacer le bardage par des lames aux dimensions identiques à l’existant, de créer des fenêtres et un accès de plein pied à l’atelier avec l’aménagement d’une mezzanine et, enfin, de créer un couvert - sans toutefois que cela ressorte expressément des plans produits, lesquels mentionnent dans le cadre de l’autorisation initiale ledit couvert en noir et non en rouge pour une nouvelle construction. Aucun aménagement extérieur n’était prévu. Dans le cadre de l’instruction de la requête, la CMNS s’était prononcée à quatre reprises et avait rendu un préavis favorable sous condition le 19 janvier 2021, précisant notamment que le choix des matériaux, les détails d’exécution et les teintes devaient être transmises au service des monuments et des sites avant la commande de travaux.

7.             Le 11 mai 2021, les époux A______ et B______, par l’intermédiaire de leur architecte, ont déposé une demande d’autorisation de construire complémentaire portant sur la modification du rez supérieur, la construction d’un couvert à vélos et d’un couvert à voitures avec terrasse sur les parcelles nos 1______ et 2______ (DD 6______/2).

8.             Par courrier du 6 avril 2022, les époux A______ et B______, sous la plume de leur conseil, ont retiré cette demande, leur architecte ayant abandonné son mandat.

9.             Par courrier du 14 avril 2022 (I-7______), faisant suite à leur courrier du 6 avril précédent, le département a indiqué aux époux A______ et B______ que, suite à un contrôle sur place du 9 juin 2021, il avait été constaté qu’un ou plusieurs éléments soumis à la LCI avaient été réalisés sans autorisation.

Il s’agissait notamment de :

1)      l'aménagement d’une bute de terre (modification du terrain naturel), objet A, située à l’ouest de la parcelle no 2______, d'une surface d'environ 30 m2 ;

2)      l'installation d'un nombre important de mobilier en bois (bancs, tables, chaises, etc.), objet B, situés à l'ouest de la parcelle no 2______, sur une surface d’environ 65 m2 ;

3)      l'aménagement d’une aire de jeux, objet C, située au centre de la parcelle no 2______, avec des copeaux en bois au sol (modification du terrain naturel) et l'installation d'une imposante structure de jeux en bois, d’une surface d'environ 85 m2 ;

4)      la construction d‘un couvert/poulailler, objet D, situé au sud-ouest de la parcelle no 2______ en structure bois et toiture ondulée, d’une surface au sol d'environ 20 m2 ;

5)      l'installation d'un enclos, objet E, situé au sud-ouest de la parcelle no 2______ et devant le point 4 précité, y compris l'installation de diverses clôtures grillagées avec poteaux bois ainsi qu’un filet installé entre la toiture et les clôtures, sur une surface d’environ 60 m2 ;

6)      l'aménagement d'un cheminement, objet F, situé au sud-ouest de la parcelle no 2______, en dallettes ciment et gravier, d'environ 18 m2 ;

7)      l'installation de clôtures métalliques grillagées, objet G, dont la majeur partie est munie d'une bâche plastique verte, situées au sud de la parcelle no 2______, d’une longueur totale d'environ 24 m2 ;

8)      la construction et l'aménagement de deux terrasses, objet H, situées au centre de la parcelle no 2______, en dallettes ciment ainsi que de divers murets et escaliers/marches en maçonnerie, y compris l'installation d'un couvert en structure métallique avec toiture en toile ainsi que divers mobiliers de terrasse installés dessous, sur une surface totale d'environ 80 m2 ;

9)      l'aménagement d'un bac en ciment (modification du terrain), objet I, situé au centre de la parcelle no 2______, d’environ 10 m2 ;

10)  l'aménagement d’un cheminement en pierres et marches en ciment, objet J, situés au sud-est de la parcelle no 2______ d'environ 15 m2 ;

11)  la construction et l’aménagement d'une terrasse en dur, objet K, située au sud-est de la parcelle no 2______, y compris l'installation d'un couvert en structure métallique avec toiture en toile ainsi que divers mobiliers de terrasse installés dessous, sur une surface totale d'environ 30 m2 ;

12)  l’installation d’un couvert métallique, objet L, situé à l’ouest de la parcelle no 1______ avec des barrières en bois autour, d'une surface d'environ 10 m;

13)  la démolition d'un couvert existant et la reconstruction de deux couverts, objet M, situés contre la façade ouest du bâtiment no 3______ s'appuyant sur les murets des terrasses du point 8 précité, d'une surface totale d'environ 32 m2 ;

14)  l'installation d'aménagements extérieurs (de type bacs en maçonnerie), objet N, situés au sud-est de la parcelle no 2______ ;

15)  la création d'un chemin d'accès ainsi qu'une zone de parking en gravier, objet O, réalisé sur le nord de la parcelle no 2______ depuis la route de F______ jusqu'à l’arrière du bâtiment no 3______ des cotés nord et ouest, d'une surface totale d’environ 220 m2 ;

16)  la transformation du dépôt/poulailler, bâtiment no 8______, situé en limite sud de la parcelle no 2______. Une façade en bois avec porte d'accès y a été ajourée depuis 2015 ;

17)  la modification des menuiseries extérieures (portes et fenêtres), sur les bâtiments nos 3______ et 4______, situés sur la parcelle no 1______, sur les façades est, nord et ouest, par rapport au projet autorisé DD 6______ ;

18)  les locaux concernés par la DD 6______ seraient aujourd’hui occupés/habités sans transmission au département d’une attestation globale de conformité (AGC) accompagnée de plans conformes à l'exécution valables.

Compte tenu de la mesure de protection patrimoniale dont bénéficiait le bien ainsi que le site, et en l’absence de mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ), le département ordonnait la suspension immédiate des travaux après sécurisation des lieux, jusqu’à nouvel ordre.

10.         Les époux A______ et B______ se sont déterminés le 29 avril 2022. Ils ont notamment demandé un délai raisonnable pour régulariser la situation concernant les objets C, J et M et la modification des menuiseries extérieures par rapport au projet autorisé.

Ils n’avaient pas aménagé les objets A, D et E - qui existaient déjà aussi -, H, I, K, L et N, les objets B, F, K n’étaient pas soumis à autorisation, l’objet G était situé chez leur voisin et l’objet O avait été autorisé par DD 6______.

11.         Le ______ 2023, les époux A______ et B______, par l’intermédiaire de leur nouveau MPQ, ont déposé auprès du département une demande d’autorisation de construire complémentaire afin de régulariser l’infraction I-7______, portant sur diverses modifications intérieures et la réalisation d’un abri à vélo et d’un garde-corps (DD 6______/3).

Il ressortait du dossier que cette requête portait sur l’aménagement d’un couvert à vélo et l’installation d’un garde-corps autour de la fosse à purin, ainsi que sur la régularisation des travaux réalisés sans droit, soit la création d’un garage avec une porte d’accès et la création d’un escalier intérieur, la création d’un appartement de plein pied, avec modification de l’emplacement de l’entrée, sans cuisine – certains plans indiquant toutefois « atelier-cuisine » à l’emplacement de l’« atelier/dépôt » sans toutefois prévoir de liaison entre cet appartement et l’« atelier/dépôt » -, la suppression de la porte permettant l’accès à l’« atelier/dépôt » depuis l’extérieur et la modification des fenêtres de cet « atelier/dépôt », la création d’un appartement au premier étage, avec modification de fenêtres, la surélévation du couvert (objet M) et la régularisation des objets A, B, C, D, E, F, H, I, J, K, L, N et P.

12.         Dans le cadre de l’instruction de cette requête, les préavis suivants ont notamment été recueillis :

-          direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) du 16 mars 2023 : défavorable, le couvert présentant une surface annexe non autorisée car non existante avant 1972 – conditions des art. 27 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) et du tableau de l’art. 42 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1) non remplis –, un appartement sans cuisine ni salon ne répondant pas à l’art. 14 LCI concernant la sécurité et la salubrité d’un logement et les couloirs, salles de bains et chambres n’étaient pas conformes au règlement concernant l’accessibilité des constructions et installations diverses du 29 janvier 2020 (RACI – L 5 05.06) ni à l’art. 109 LCI ;

-          office de l’urbanisme (ci-après : OU) du 3 avril 2023 : préavis défavorable. L’aménagement d’une aire de jeu, les objets D-poulailler, E-clôture métallique, F-cheminement, I-bacs en ciment, H-terrasse et J-chemin en pierre et l’abri à vélo n’étaient pas conformes à la zone agricole. Le bâtiment no 4______ n’était pas au bénéfice d’une mesure de protection selon l’art. 27D LaLAT et tout changement d’affectation était proscrit ; seuls étaient possibles des changements d’affectation ne nécessitant pas de travaux en application de l’art. 27A LaLAT, dès lors, les modifications ne pouvaient être préavisées favorablement. Pour les objets A, K et M, il s’en remettait aux préavis d’autres instances ;

-          commission des monuments de la nature et des sites (ci-après : CMNS) du 3 avril 2023 : défavorable. Elle constatait, entre autres, le total manque de respect du projet autorisé, les modifications dans les ouvertures en façade, le bardage en bois qui ne correspondait pas au projet initial, la menuiserie extérieure en aluminium au lieu du bois. Si l’autorisation en force avait été accordée sur un projet réfléchi qui prenait en considération la valeur patrimoniale de l’objet et l’intégration dans le site villageois protégé, le non-respect des conditions de l’autorisation et des réserves d’exécution de la part du propriétaire/mandataire avaient amené à un résultat inacceptable compte tenu de la valeur patrimoniale de l’objet et du site ;

-          office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) du 13 avril 2023 : défavorable. Le projet consistait en l’aménagement d’un couvert à vélo et de la régularisation de divers aménagements extérieurs (objets A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, N et O), lesquels n’étaient pas conformes à la zone agricole. Concernant la régularisation d’aménagements intérieurs dans le bâtiment no 4______ (atelier/dépôt), seul un changement d’affectation sans travaux de transformation serait possible : mais les aménagements effectués n’étaient pas conformes aux possibilités prévues par l’art. 24a LAT.

13.         Le ______ 2023, le département a refusé de délivrer aux époux A______ et B______ l’autorisation sollicitée.

Le projet n’était pas conforme à la zone à laquelle il était rattaché. Il ne pouvait bénéficier d’une autorisation dérogatoire selon les art. 24 LAT et 27 LaLAT, aucun motif n’imposant que les aménagements ne soient réalisés à cet emplacement. En outre, aucune condition d’application des art. 24a à 24e LAT n’était remplie. Le projet ne remplissait pas non plus les conditions de sécurité et de salubrité prescrites par l’art. 14 LCI, ni n’était conforme à l’art. 106 LCI.

14.         Par décision du même jour, le département a ordonné aux époux A______ et B______ le rétablissement d’une situation conforme au droit d’ici au 15 décembre 2023 des objets A (chiffre 1), B (chiffre 2), C (chiffre 3), D (chiffre 4), E (chiffre 5), F (chiffre 6), H (chiffre 8), I (chiffre 9), J (chiffre 10), K (chiffre 11), L (chiffre 12), M (chiffre 13), N (chiffre 14), O (chiffre 15), la démolition/suppression et l’évacuation de la façade sud-est en bois du dépôt/poulailler, bâtiment no 8______ situé en limite sud de la parcelle no 2______ (chiffre 16), la remise en état des façades est, nord et ouest des bâtiments nos 3______ et 4______ situés sur la parcelle no 1______, conformément à l’autorisation de construire DD 6______/1 (chiffre 17), la remise en état/réalisation des locaux intérieurs des bâtiments nos 3______ et 4______, situés sur la parcelle no 1______, conformément à l’autorisation de construire DD 6______/1(chiffre 18) et la remise en état du terrain naturel – les emplacements des constructions et installations supprimés devant être à nouveau aptes à être exploités - après les réalisations précitées (chiffre 19). S’agissant de l’évacuation de l’objet M ainsi que des remises en état des deux façades, une attestation globale de conformité accompagnée des plans conformes à exécution pour la DD 6______/1 et, pour les autres points, un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque les remises en état, devraient lui parvenir dans le même délai.

Par ailleurs, une amende de CHF 5'000.- leur était infligée.

15.         Par acte du 16 octobre 2023, les époux A______ et B______ (ci-après : les recourants), sous la plume de leur conseil, ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre des deux décisions du ______ 2023, concluant préalablement à un transport sur place, à leur comparution personnelle et à l’audition de témoins et, sur le fond à leur annulation, sous suite de frais et dépens. Ils souhaitaient par ailleurs un délai pour compléter leur recours.

Les deux parcelles se situaient dans le périmètre de validité du plan de site 9______ situé à D______. Selon l’art. 22 al. 2 LaLAT, une zone de hameau est une zone d’affectation spéciale au sens de l’art. 18 LAT et les normes de la 4ème zone rurale étaient applicables. L’examen des décisions litigieuses devait dès lors se faire sous l’angle de l’art. 22 al. 2 LAT et au regard du plan de site pour déterminer s'il y a conformité avec ledit plan ; si tel n’était pas le cas, la question relèverait d’une autorisation au sens des art. 24 à 24 e LAT. Il apparaissait que lesdites décisions étaient à maintes égard contraires au plan de site susmentionné.

Les modifications intérieures auraient dû être autorisées car elles restaient tout autant conformes à la DD 6______ ; lors de la réalisation du chantier, il s’était avéré que, pour des questions structurelles, il n’était pas possible de réaliser les appartements selon l’autorisation, des erreurs dans la conception s’étaient révélées. Avec les entreprises en place, le rythme du chantier et les contraintes financières, il avait été imaginé que la régularisation ne poserait pas de problèmes dans la mesure où il n’y avait pas d’enjeu relevant de l’intérêt public, les modifications ne touchant en particulier pas l’extérieur.

Pour des raisons techniques, les lames à clin en façade posées étaient de 18 cm de large au lieu de 30 cm – l’entreprise ayant refusé de poser des lames de cette largeur. La différence esthétique était minime. Du point de vue structurel, il n’avait pas été possible de réaliser une seule grande fenêtre à l’extrémité nord de la façade, raison pour laquelle une triple fenêtre avait été mise en place : réaliser des constructions solides et pérennes contribuait à la préservation du patrimoine, davantage que des solutions fragiles générant inévitablement à court terme d’autres interventions de consolidation.

Concernant les aménagements extérieurs, ils se déterminaient comme suit :

Chiffre 1) Objet A : la butte en terre avait été réalisée nettement avant qu’ils n’achètent la propriété : elle avait pour fonction de retenir les eaux de ruissellement du coteau. Le puit et la grille d’évacuation avaient été réalisés dans le cadre du projet d’assainissement conduit par la Mairie.

Chiffre 2) Objet B : le département considérait qu’en raison du nombre prétendument conséquent de mobiliers, ils étaient assimilés à des installations en zone agricole ; or, il ne s’agissait que de bancs, table, chaises hautes et planches posés au sol.

Chiffre 3) Objet C : l’aire de jeu n’était qu’un élément mobilier posé au sol et sans ancrage, autoporteur. En outre, plusieurs aires de jeux semblables avaient apparemment déjà été autorisées dans les environs immédiats.

Chiffre 4) Objet D : Ce couvert/poulailler était cadastré (bâtiment no 8______), apparaissait dans le plan de site et existait déjà lors de l’achat de la parcelle, vraisemblablement depuis plus de 30 ans. A l’origine, il y avait des armatures métalliques mais avec le temps le couvert s’était dégradé et avait été remplacé par la structure actuelle en bois avec tôle ondulée puisque le bardage en bois était pourri. Le but de ce couvert était d’abriter des poules lorsqu’il pleuvait. La panne faîtière qui soutenait le poulailler trouvait appui sur un mur soit mitoyen soit voisin qui avait été tronçonné par le voisin, ce qui expliquait le poteau de soutien.

Chiffre 5) Objet E : le grillage s’appelait un trie poule et était spécifique à une clôture de poulailler : elle pénétrait un peu dans le sol pour éviter que les prédateurs attaquent les poules. Le filet synthétique de couverture visait à protéger les poules des buses. Dès l’origine, cet espace était dédié à un poulailler.

Chiffre 6) Objet F : les dallettes avaient été posées directement sur un lit de gravier, il n’y avait aucune construction en ciment sous-jacente, elles ne généraient aucune étanchéité ; il ne s’agissait que d’un élément décoratif (pas japonais).

Chiffre 8) Objet H : les terrasses existaient précédemment puisqu’elles avaient vraisemblablement été réalisées à l’époque de l’exploitation du H______. Le mur de soutènement de la terrasse était cadastré. Les deux terrasses avaient été réalisées avec des dallettes en béton lavé. Ils avaient seulement évacué les dallettes qui avaient subi les affres du temps et posé de nouvelles dalles d’environ 50x50 en ciment sur un lit de gravier. La réalisation était tout à fait comparable à ce qui existait précédemment.

Chiffre 9) Objet I : il s’agissait d’un bac en ciment qui existait visiblement depuis des dizaines d’années. Il devait servir à soutenir des éléments de serre. Lorsqu’ils avaient acquis la propriété, qui était restée dix ans à l’abandon, le tout était dans un état déplorable.

Chiffre 10) Objet J : les pierres anciennes avaient été posées au sol dans ce qui constituait l’ancien abattoir. Elles avaient été évacuées lorsque ce local avait été transformé en chaufferie. Il y avait déjà un cheminement à cet emplacement, sa réfection avait été réalisée avec ces pierres qui dataient d’environ 1850 et qui correspondaient à la vocation historique et agricole des lieux.

Chiffre 11) Objet K : cette terrasse n’avait pas été modifiée depuis l’exploitation du H______. Le dallage au sol datait des années septante. Du mobilier avait simplement été posé dessus ainsi que la pergola en structure métallique.

Chiffre 12) Objet L : le sol dont l’évacuation n’était pas demandée datait visiblement de plusieurs décennies ; il en allait de même pour le couvert métallique. La tôle ondulée avait de toute évidence plusieurs années. Leur seule intervention avait été le bardage en bois de manière à sécuriser l’endroit, ce qui relevait de leur responsabilité de propriétaire du bâtiment.

Chiffre 13) Objet M : le couvert autorisé avait une pente de 15% et le département avait exigé la pose de tuiles de Bardonnex, ce qui aurait impliqué que le couvert côté jardin se trouverait abaissé. C’est pourquoi un ancrage plus proche de la toiture avait été choisi avec la réalisation d’un décrochement de 60 cm.

Chiffre 14) Objet N : il s’agissait d’un ornement floral réalisé par un locataire, soit des pierres posées au sol sans aucun ancrage, décoration largement comparable à ce que l’on pouvait trouver dans la nature.

Chiffre 15) Objet O : le gravier posé visait simplement à éviter que le terrain ne se transforme en bourbier quand le vigneron tournait avec son tracteur ou lors de l’accès au reste du parking. L’herbe poussant à travers le gravier, celui-ci ne sera bientôt plus visible. De plus, ce gravier avait été autorisé dans le plan de chantier relatif à l’autorisation de construire et le département demandant certains travaux, on ne pouvait pas partir du principe que le chantier était terminé.

Chiffre 16) : Démolition/suppression et évacuation de la façade sud-est en bois du dépôt/poulailler ; auparavant, il y avait un élément en bois qui avait simplement été remplacé par un nouvel élément car le bois avait pourri.

Il découlait de ce qui précédait que certains éléments existaient depuis d’innombrables années, étaient cadastrés et figuraient même dans le plan de site. Ils ne comprenaient pas pourquoi certains éléments étaient autorisés alors que d’autres aménagements datant de la même époque ne l’étaient pas. Le refus d’autorisation de construire était infondé et la remise en état disproportionnée.

Le montant de l’amende était également disproportionné.

16.         Les recourants ont complété leur recours par écriture du 17 novembre 2023.

Le département avait fondé son refus sur les dispositions relatives aux dérogations accordées aux constructions situées hors de la zone à bâtir selon les art. 24 ss LAT et plus particulièrement sur l’art. 24 c LAT. Or, l’autorisation complémentaire avait pour objet, s’agissant des modifications intérieures, de réaliser, en lieu et place de de deux appartements contigus en duplex, deux appartements d’un seul niveau au rez-de-chaussée et premier étage ; il n’y avait dès lors pas de changement d’affectation, ce changement étant déjà intervenu au niveau de l’autorisation principale.

De plus, en référence à la jurisprudence et la doctrine, l’autorisation de construire litigieuse devait être délivrée selon l’art. 22 LAT et en référence au plan de site lequel avait instauré une zone de hameau – dans laquelle leur parcelle était incluse – située manifestement dans une zone constructible dite « zone à bâtir particulière ou à constructibilité restreinte » bien que techniquement située en zone agricole.

La décision de refus d’autorisation de construire violait par ailleurs le principe de l’égalité de traitement dans la mesure où le département avait délivré de nombreuses autorisations de construire sur le périmètre du hameau D______ relatives au changement d’affectation de bâtiments anciennement à vocation agricole en logements.

Concernant la décision de remise en état, aucune analyse juridique, ou de conformité ou non au droit n’avait été réalisée ; s’il s’avérait que certains éléments ne pouvaient pas être autorisés, la remise en état n’était pas pour autant automatique car il convenait d’appliquer la garantie de la propriété et le principe de proportionnalité :

-          Chiffre 18): initialement, deux appartements en duplex étaient prévus avec une séparation verticale. Lors de la réalisation, il s’était avéré qu’il y avait des erreurs de conception. La CMNS, dans son préavis défavorable, n’avait formulé aucun grief concernant les modifications intérieures.

Les modifications refusées, sans totalement respecter les dispositions du RACI, amélioraient la situation des usagers.

L’application de l’art. 109 LCI n’ayant pas été retenue dans le cadre de l’autorisation principale, son application dans l’autorisation complémentaire relevait de l’abus et de l’excès du pouvoir d’appréciation.

Concernant l’absence de cuisine dans un des appartements, aucune disposition légale, notamment l’art. 14 LCI n’en imposait. Ils considéraient notamment que la location d’une chambre à des étudiants ou des ouvriers agricoles dans le cadre d’une colocation pouvait être autorisée, avec un degré de confort moindre et un loyer plus modéré. Par ailleurs, l’« atelier-dépôt » pouvait être affecté à de l’habitation, par application de l’art. 24c al. 2 LAT, si bien qu’il était possible d’y réaliser une cuisine et un séjour. Enfin, s’il était considéré qu’il y avait un fondement juridique à l’exigence de réaliser une cuisine et un séjour, la remise en état n’était pas raisonnablement exigible sous l’angle de la proportionnalité.

Le projet du premier architecte n’avait pas pris en compte l’emplacement des sanitaires et des colonnes de chutes. Le projet de l’autorisation complémentaire était plus cohérent sous l’angle technique, permettant une meilleure habitabilité.

La remise en état impliquerait de réaliser des gaines techniques pour les sanitaires du premier étage en passant dans le logement du rez-de-chaussée supérieur.

Ils n’avaient enfin pas les moyens financiers de détruire ce qui avait été réalisé.

-          Chiffre 17) : l’ordre de remise en état était disproportionné puisque réaliser des constructions solides et pérennes contribuait à la préservation du patrimoine ; il n’y avait dès lors pas d’intérêt public consistant mis en péril.

-          Chiffres 1 à 16) : il était renvoyé aux arguments développés dans le recours.

Concernant l’amende, si elle devait être confirmée, elle devait être réduite à CHF 1'000.-, les travaux constitutifs d’une infraction étant mineurs puisqu’il y avait eu des erreurs dans la conception des plans initialement autorisés et qu’il n’avait pas été possible de réaliser les travaux selon l’autorisation de construire principale lors de la réalisation du chantier.

17.         Le département s’est déterminé sur le recours le 26 janvier 2024, concluant à son rejet, sous suite de frais. Il a produit son dossier.

Contrairement à ce qu’avançaient les recourants, c’était bien les dispositions régissant la zone hors à bâtir qui s’appliquait en l’espèce (art. 16 et 24 ss LAT). Ainsi, le préavis de l’OCAN était obligatoire pour tout projet sis en zone agricole et cette instance s’était prononcée défavorablement sur les éléments relevant de sa compétence, à savoir la création du couvert à vélo, du garde-corps et la régularisation des aménagements extérieurs (A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, N et O). L’OU avait également rendu un préavis défavorable et considéré que les aménagements extérieurs (l’aire de jeux) et l’abri à vélo n’étaient pas conformes à ladite zone.

S’agissant des objets D, E, F, H, I et J, les recourants n’avaient pas amené d’éléments permettant de démontrer leur légalité, de sorte qu’ils ne pouvaient bénéficier de la situation acquise et, n’étant pas conforme à la zone agricole, ne pouvaient être autorisés.

Les modifications du bâtiment no 4______ ne pouvaient pas non plus être acceptées au vu du fait que celui-ci était inscrit en tant que « autre bâtiment » dans le plan de site et ne bénéficiait pas d’une mesure de protection au sens de l’art. 27D LaLAT, de sorte que tout changement d’affectation était proscrit. Les seuls changements possibles dans ce cas étaient ceux ne nécessitant pas de travaux en application de l’art. 27A LAT.

Il avait procédé à une analyse détaillée de la situation et n’avait pas abusé ou excédé son pouvoir d’appréciation en suivant les préavis des instances spécialisées.

Les recourants ne pouvaient par ailleurs être suivis lorsqu’ils prétendaient que le plan de site leur permettrait de réaliser de nouvelles constructions dans l’espace « jardin » puisque les seules nouvelles constructions prévues par ledit plan étaient des constructions agricoles.

Dans le cadre de l’instruction de la demande complémentaire, la DAC avait constaté que les modifications intérieures réalisées illicitement ne répondaient pas aux exigences posées par les art. 14 et 109 LCI, notamment au vu de l’absence de cuisine et de salon dans un des appartements, ainsi que des nouvelles dimensions proposées au niveau des chambres, salles de bain et couloirs. Même à considérer que les problèmes structurels avancés par les recourants fussent réels, ce qui n’était pas déterminé, ils auraient dû avertir le département, au moment où ils avaient réalisé que l’autorisation initiale ne pourrait être réalisée, de ces changements. Il était exact que la loi ne prévoyait pas spécifiquement que tout logement devait disposer d’une cuisine et d’un salon mais cela relevait du bon sens puisqu’il s’agissait d’éléments essentiels pour assurer la salubrité d’un logement. De plus, la typologie n’était pas conforme aux dispositions relatives aux personnes à mobilité réduite. Ainsi, les modifications intérieures réalisées illicitement ne répondaient pas aux exigences d’habitabilité prévues par le droit des constructions et il n’avait pas abusé de son pouvoir d’appréciation en suivant les préavis des spécialistes.

Concernant les façades, les recourants ne contestaient pas qu’elles n’avaient pas été réalisées conformément aux plans de l’autorisation initiale, dûment validés par la CMNS, instance dont la consultation était imposée par la loi et qui s’était prononcée à quatre reprises. La CMNS avait été dûment consultée dans le cadre de l’autorisation complémentaire et avait estimé que les modifications dans les ouvertures en façade et le bardage en bois ne correspondaient pas au projet initial, et que les matériaux de la menuiserie extérieure étaient du métal au lieu du bois autorisé. Au vu de ces écarts avec le projet initial, qui prenait en considération la valeur patrimoniale de l’objet et son intégration dans le site d’un village protégé, l’autorisation ne pouvait être délivrée. On ne pouvait lui reprocher d’avoir suivi le préavis de la CMNS et d’avoir refusé la délivrance de l’autorisation.

Les recourants contestaient la validité de l’ordre de remise en état, faisant valoir que leur intérêt à conserver les objets illicites primait sur les intérêts publics prévalant en zone à bâtir. Ils ne prétendaient pas que les objets réalisés auraient été autorisés. Par ailleurs, les dérogations à la règle ne pouvaient être considérées comme mineures. Enfin, les recourants ne démontraient pas quel serait concrètement le dommage que lui causerait l’ordre de remis en état. Pour terminer, vu le refus d’autorisation visant à la régularisation de l’infraction, il apparaissait que des chances sérieuses de faire reconnaitre la construction comme conforme au droit faisait également défaut. L’ordre de remise en état était donc proportionné.

Quant à l’amende, son principe paraissait justifié et son montant, vu les circonstances du cas d’espèce et le fait qu’il se situait dans la fourchette basse des montants prévus par la loi, était apte à atteindre le but visé. Les recourants ne faisaient par ailleurs pas valoir que l’amende les confronteraient à une situation financière particulièrement difficile. Elle était donc proportionnée et il n’avait pas abusé ou excédé de son pouvoir d’appréciation.

18.         Les recourants ont répliqué par écriture du 14 mars 2024, maintenant leurs conclusions, sous réserve de leur renonciation à ce que la requête complémentaire portât sur la réalisation d’un abri à vélo et la pose d’un garde-corps, et demandant que le tribunal prononçât que l’affectation d’habitation du bâtiment no 4______ avait été acquise à l’entrée en force de l’autorisation principale DD 6______.

Ils ont en grande partie repris les arguments et développements de leur recours et de son complément.

Ni l’abri à vélo ni le garde-corps n’avaient été construits : la décision de remise en état n’avait pas à porter sur ces points et ils renonçaient à solliciter une autorisation de construire pour le couvert à vélo ainsi qu’à réaliser du garde-corps sur le pourtour de la fosse à purin désaffectée.

Les modifications sur la façade ouest, soit la réalisation de trois doubles fenêtres en lieu et place d’une fenêtre triple et d’une fenêtre simple, n’étaient pas visibles depuis la route et avaient été faites pour des questions techniques. Les modifications au premier étage du bâtiment no 3______ n’étaient pas architecturalement significatives ; le rehaussement de l’avant-toit avait été dicté par une erreur technique, l’avant-toit dessiné ne laissant qu’un passage de 150 cm de hauteur – la demande complémentaire mentionnait ainsi une hauteur de 224 cm. Concernant la façade est, donnant sur la route, les seules modifications intervenues concernaient les fenêtres du premier étage, celles autorisées initialement s’étant avérées impossible à créer pour des questions techniques.

Le préavis de la CMNS du 3 mars 2023 sur lequel le département s’était fondé pour refuser l’autorisation complémentaire était empreint de subjectivisme et non pas fondé sur des éléments objectifs et consistants. Ils relevaient par ailleurs que la façade du bâtiment 13______ situé sur la parcelle voisine no 10_____ avait également été refaite avec des lames de la même largeur que leur façade.

Le changement d’affectation du bâtiment no 4______ pour une affectation d’habitation avait été acquis au stade de l’entrée en force de l’autorisation principale. Ils n’auraient jamais entrepris les travaux s’ils avaient réalisé que le projet initial était modifié pour conserver un « atelier-dépôt ».

Selon le plan de site, la partie non-bâtie de leurs parcelles était désignée dans la légende du plan comme « jardin » et non comme « espace agricole ouvert ». Le département ne démontrait pas dans sa décision de refus en quoi les aménagements seraient contraires à ce qui était réalisable selon le plan de site et son règlement, se contentant de faire sien le préavis défavorable de l’OCAN du 13 avril 2023 qui ne se référait aucunement au plan. Les objets B, C et F n’étaient pas ancrés au sol sur la parcelle no 2______ désignée par la légende du plan de site comme étant un espace dévolu au jardin. De nombreux amalgames avaient été autorisés dans le hameau ; par ailleurs, le bâtiment no 11______ intitulé « autre bâtiment de 20 m2 et plus » au registre foncier, sis sur la parcelle voisine, était utilisé comme habitation alors qu’il n’avait jamais fait l’objet d’une autorisation de construire.

Si les aménagements réalisés étaient constitutifs de dérogation à la règle, alors ils devraient être considérés comme mineurs puisque réalisés en adéquation avec les buts de protection du plan de site et qu’ils conservaient les éléments caractéristiques du hameau et des constructions autorisées dans le voisinage, s’intégrant parfaitement avec l’architecture préexistante et le caractère rural des lieux. Les conditions d’une remise en état n’étaient ainsi pas remplies et la décision violait le principe de proportionnalité.

Concernant les modifications intérieures, la principale mesure constructive de la demande complémentaire était le déplacement de l’escalier d’accès à la mezzanine, pour des raisons techniques, à savoir des marches trop hautes. Les modifications internes proposées dans la demande complémentaire, sans respecter en tous points le RACI, améliorait la situation des usagers éprouvant des difficultés à s’orienter ou à se mouvoir en prévoyant la réalisation d’un logement d’un seul niveau au lieu de deux logements en duplex impliquant d’utiliser l’escalier pour passer de la chambre au séjour. Les modifications demandées répondaient ainsi aux exigences d’habitabilité prévues par le droit des constructions.

Les modifications des façades – fenêtres et bardage – découlant de raisons techniques et de solidité, l’ordre de remise en état était disproportionné et devait être annulé.

19.         Le département a dupliqué le 9 avril 2024, persistant dans ses conclusions.

20.         Les recourants ont encore transmis une écriture spontanée le 25 avril 2024, maintenant leurs arguments et conclusions.

21.         Le tribunal a procédé à un transport sur place le 6 juin 2024. Des photos ont été réalisées.

Il a constaté l’existence d’une serre à l’arrière du poulailler, que les dallettes (objet F) avaient été supprimées, que devant le couvert objet M, il y avait une terrasse en bois et que l’appartement au 1er étage du bâtiment no 3______ était constitué de plusieurs chambres, d’une cuisine et d’un grand living.

a.       Les recourants ont expliqué que la butte avait été réalisée en 1985. Tout le mobilier de jardin était simplement posé au sol et amovible. L'été dernier, leurs locataires avaient installé un plancher en bois, posé au sol, pour avoir un fond plat sur lequel ils installaient l'été une piscine hors-sol en plastique : lors de la venue du département en 2021, ces planches n'étaient pas installées. Tous les aménagements extérieurs étaient communs aux cinq appartements. Il y avait plusieurs enfants qui habitaient dans le bâtiment, raison pour laquelle une aire de jeux simplement posée au sol avait été installée, dont l’entourage avait été réalisé avec des planches et qui avait été remplie d'environ 15 centimètres de copeaux de chêne, pour une question de sécurité.

Le bâtiment 8______ était à l'origine un poulailler à l'étage supérieur et un endroit pour garder les porcs au-dessous. Aujourd'hui, il ne s'agissait que d'un poulailler. C’était les locataires qui avaient installé le grillage leur permettant d'avoir des poules, conformément aux prescriptions du vétérinaire cantonal.

Le H______ avait fermé en 2010 et avait été inoccupé de 2010 à 2017. L'objet L était une terrasse existante depuis la création du café. La structure tubulaire existait déjà ainsi que le toit en tôles. Ils avaient simplement rajouté le bardage pour des questions de sécurité.

La terrasse à deux niveaux, objet H, existait au temps de l'exploitation du café. Elle avait le même empiétement mais était plus basse et recouverte de dallettes en gravier. Ils avaient créé les murets peints en rose en remplacement de murets en béton, du style de ceux qui existaient de l'autre côté du cheminement (objet J). Pour compenser la pente, sous les dallettes, il y a du tout-venant, du gravier et un bidim. Cette terrasse avait été réalisée en 2021 ou 2022. Le mur de gauche en regardant l'habitation était beaucoup plus haut et préexistant en plots, ils l’avaient scié pour une question esthétique. Pour réaliser ladite terrasse, ils avaient dû faire un travail de titans, car ils avaient retrouvé notamment des dalles enfouies sous 30 cm de terre.

L'objet I était un entourage en béton permettant aux locataires d'avoir un jardin potager.

Concernant le cheminement objet J, il s'agissait de pierres provenant de l'ancien abattoir, dont ils ne savaient pas que faire, raison pour laquelle ils les avaient posées et cimentées entre elles pour faire un cheminement.

C’était les locataires qui avaient installé la terrasse en bois devant l’objet M. Au moment de la dépose de la première autorisation de construire, le niveau de cette terrasse était plus bas de 18 cm. Le calcul de la hauteur du couvert avait dû être fait à partir de son angle à droite du bâtiment, alors que l'accès était en pente.

Leurs locataires avaient pris des pierres dans le terrain pour en faire un arrangement floral (objet N). Il ne s'agissait que de pierres qui avaient été retrouvées dans le terrain et notamment des plots en granit qui permettaient de faire des vidanges des tracteurs.

Leur architecte, au moment du dépôt de la première autorisation de construire, leur avait dit qu'il fallait faire passer l’actuelle cuisine de l’appartement du rez-de-chaussée comme un atelier/dépôt et qu'à terme ils pourraient l'utiliser comme ils le souhaitaient : ils pourraient notamment le lier au bâtiment 3______, ce qu’ils avaient fait. Quand ils avaient acquis le bâtiment, il s'agissait d'un atelier et l'appartement existant était un dépôt : il y avait une liaison. Il était clair que l'entier du logement était un appartement avec des chambres, des salles de bain, une cuisine et un living : ce logement se répartissait entre les deux bâtiments.

La porte pour accéder à l'escalier qui donnait accès à l’appartement du 1er étage du bâtiment no 3______ s'ouvrait effectivement vers l'extérieur et non vers l'intérieur comme indiqué dans le plan. Concernant les fenêtres de cet appartement, du fait du poids du toit et donc de la structure, il n'avait pas été possible de créer une seule grande fenêtre mais trois petites.

L'entreprise qui avait posé le bardage extérieur leur avait expliqué qu'elle ne pouvait pas garantir la stabilité de ce bardage s'il faisait une hauteur de 30 cm, raison pour laquelle, en comparant avec d'autres bâtiments - notamment le bardage de leur voisin qui était de 18 cm -, un bardage de 18 cm a été installé. Ils avaient eu un contact avec Mme G______ de la CMNS dans le cadre de l’instruction de la première requête en autorisation, qui avait indiqué qu'un bardage de 18 cm en lames en bois rainées-crêtées peintes correspondaient à leurs attentes. Ils avaient refait toutes les portes à l'identique et toutes les ferrures ainsi que les volets : en fait, il s’agissait de nouvelles portes à l'esthétique identique. Les portes précédentes avaient un bardage vertical et là elles ont un bardage horizontal.

Ils trouvaient dommage de ne pas pouvoir sécuriser la fosse, si un accident se produisait ce serait leur responsabilité.

b.      Leur conseil a relevé que l’objet I était visiblement ancien et passablement abimé et que toutes les poutres apparentes de l’appartement du rez-de-chaussée étaient d'origine et que les plans dûment autorisés ne pouvaient pas être réalisés du fait de l'emplacement de ces poutres. Il ignorait si les teintes du bardage ont été présentées à la CMNS avant leur réalisation, comme cela avait été demandé à l’architecte de ses mandants.

Dans les habitations alentours, il n'y a pas de façade avec un bardage, à l'exception du bâtiment, sis ______[GE] montré par sa cliente. Il relevait qu'il n'y avait pas de grandes fenêtres dans l'environnement immédiat du bâtiment de mes clients.

c.       La représentante du département a indiqué que la serre présente sur la parcelle n’était pas concernée par la décision. La procédure ne concernait ni l’installation d’une piscine, ni celle d’une serre ni l’objet G. La terrasse en bois (devant l’objet M) n'avait pas été constatée lors de la venue du département : elle ne faisait donc pas l'objet de l'ordre. Le département sollicitait également l'enlèvement de tous les murets, notamment celui bordant l'allée objet J : concernant ces murets anciens, elle allait se renseigner encore auprès du département.

Il n'y avait pas de liaison dans l'autorisation de construire entre l'appartement et l'atelier/dépôt. Ce dernier était actuellement occupé comme une cuisine, salon et mezzanine-salon.

Le bardage précédent avait une hauteur de 30 cm : la CMNS avait imposé cette hauteur de bardage afin de garder une unité dans le village. Elle ignorait si la couleur du bardage avait été présentée à la CMNS avant sa réalisation.

Dans l’appartement du 1er étage, la CMNS avait imposé une seule grande fenêtre.

22.         Le 2 juillet 2024, les recourants ont produit un certain nombre de pièces sollicitées par le tribunal suite au transport sur place.

23.         Par courrier du 8 juillet 2024, le département a confirmé que les murets objet J étaient également concernés par l’ordre de remise en état litigieux.

24.         Les recourants ont transmis leurs observations finales le 29 août 2024, persistant dans leur argumentation et leurs conclusions.

Concernant le bardage du bâtiment, il y avait une impossibilité technique à réaliser un bardage de 32 cm en sapin massif comme le demandait la CMNS. Cette dernière n’exposait par ailleurs pas en quoi il y aurait une atteinte au patrimoine du fait de la différence de largeur des lames. Dans la mesure où, quel que soit la largeur du bardage il s’agissait d’un bardage neuf s’insérant dans un ensemble de façades en maçonnerie, il fallait admettre qu’il n’y avait pas d’intérêt public suffisamment consistant pour le leur imposer, à supposer encore qu’ils pussent se procurer sur le marché de telles planches et qu’elles pussent être fixées selon des modalités suffisamment sures.

Concernant la création de trois fenêtres au lieu d’une, cela avait été nécessaire pour la conservation de piliers verticaux d’origine du bâtiment soutenant la charpente et la toiture du bâtiment. Leur remise en état était contraire au principe de proportionnalité car sa concrétisation imposerait des interventions structurelles majeures, onéreuses et incompatibles avec la conservation des poutres extérieures.

Les deux appartements créés étaient de qualité et leur habitabilité avait été améliorée du fait qu’ils fussent sur un seul niveau et non en duplex. Les prescriptions incendie AEIE étaient par ailleurs respectées et l’escalier était suffisant au regard de la protection incendie. Les modifications intérieures de la construction ne présentaient dès lors pas d’inconvénients sous l’angle de la sécurité des habitants. Il n’y avait donc pas d’intérêt public en jeu sous l’angle de la protection du patrimoine et de la sécurité des habitants qui serait en lien avec les modifications intérieures intervenues.

Concernant les cuisines, chaque appartement avait toujours comporté une seule cuisine : aucune cuisine supplémentaire n’avait donc été créée.

Enfin, concernant les aménagements extérieurs, la parcelle était mentionnée comme jardin dans le plan de site du hameau D______, ce dont l’OAC n’avait pas tenu compte, il fallait distinguer les éléments mobiliers faisant l’objet d’ancrage dans le sol et de simples éléments déposés au sol. Le principe de proportionnalité devait être appliqué avec justesse pour chacun des 16 points de l’ordre, au regard des intérêts privés des familles, notamment avec enfants, qui occupaient les logements.

25.         Le département a informé le tribunal le 20 août 2024, persister dans ses développements et conclusions de ses précédentes écritures.

26.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b et l'arrêt cité). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1218/2017 du 22 août 2017 consid. 3b ; ATA/421/2017 du 11 avril 2017 consid. 5 et les arrêts cités ; ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 4b).

6.             Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (art. 22 al. 1 LAT). L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT) et si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. b LAT). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (art. 22 al. 3 LAT).

7.             Selon la jurisprudence, sont considérés comme des constructions ou installations au sens de l'art. 22 al. 1 LAT tous les aménagements durables et fixes créés par la main de l'homme, exerçant une incidence sur l'affectation du sol, soit parce qu'ils modifient sensiblement l'espace extérieur, soit parce qu'ils chargent l'infrastructure d'équipement ou soit encore parce qu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'environnement (ATF 140 II 473 consid. 3.4.1 ; 123 II 256 consid. 3 ; ATA/583/2022 du 31 mai 2022 consid. 5b). L'exigence de la relation fixe avec le sol n'exclut pas la prise en compte de constructions mobilières, non ancrées de manière durable au sol et qui sont, cas échéant, facilement démontables (cf. ATA/208/2021 du 23 février 2021 consid. 5).

8.             Selon l'art. 1 al. 1 LCI, sur tout le territoire du canton, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a), ainsi que modifier, même partiellement, le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation (let. b).

Par constructions ou installations, on entend toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires (art. 1 al. 1 du règlement concernant l'accessibilité des constructions et installations diverses du 29 janvier 2020 - RACI – L 5 05.06).

9.             Les zones agricoles servent à garantir la base d’approvisionnement du pays à long terme, à sauvegarder le paysage et les espaces de délassement et à assurer l’équilibre écologique ; elles doivent être maintenues autant que possible libres de toute construction en raison des différentes fonctions de la zone agricole ; elles comprennent, d’une part, les terrains qui se prêtent à l’exploitation agricole ou à l’horticulture productrice et sont nécessaires à l’accomplissement des différentes tâches dévolues à l’agriculture et, d’autre part, les terrains qui, dans l’intérêt général, doivent être exploités par l’agriculture (cf. art. 16 al. 1 LAT).

10.         À teneur de l’art. 16a al. 1 LAT, sont conformes à l’affectation de la zone agricole les constructions ou installations qui sont nécessaires à l’exploitation agricole ou à l’horticulture productrice ; seules les constructions dont la destination correspond à la vocation agricole du sol peuvent y être autorisées, le sol devant être le facteur de production primaire et indispensable (ATF 133 II 370 consid. 4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_314/2009 du 12 juillet 2010 consid. 5.1 ; 1C_72/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

Une autorisation ne peut être délivrée que si la construction ou l’installation est nécessaire à l’exploitation en cause (art. 34 al. 4 let. a de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 - OAT - RS 700.1).

11.         Les constructions et installations qui servent à l’agriculture pratiquée en tant que loisir ne sont pas réputées conformes à l’affectation de la zone agricole (art. 34 al. 5 OAT).

12.         En exigeant que la construction soit nécessaire à l'exploitation en cause, l’art. 34 al. 4 let. a OAT (qui reprend la condition posée à l'art. 16a al. 1 LAT) entend limiter les constructions nouvelles à celles qui sont réellement indispensables à l'exploitation agricole ou viticole afin de garantir que la zone agricole demeure une zone non constructible. La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a d’ailleurs déjà eu l’occasion de préciser, s’agissant de l’installation de clôtures et de portails, que les aménagements qui vont au-delà des besoins d’une exploitation agricole ne peuvent pas être considérée comme étant conforme aux art. 16a LAT et 34 OAT (ATA/1370/2018 du 18 décembre 2018).

13.         À Genève, ne sont autorisées en zone agricole que les constructions et installations qui sont destinées durablement à l’activité agricole ou horticole et aux personnes l’exerçant à titre principal (art. 20 al. 1 let. a LaLAT) et qui respectent la nature et le paysage (art. 20 al. 1 let. b LaLAT) ainsi que les conditions fixées par les art. 34 ss OAT (art. 20 al. 1 let. c LaLAT).

14.         Les conditions de dérogation pour des constructions hors de la zone à bâtir sont prévues par le droit fédéral (art. 24 à 24e LAT). Ces dispositions sont complétées ou reprises par les art. 27 ss LaLAT.

Ainsi, selon l’art. 27A LaLAT, les changements d’affectation hors de la zone à bâtir ne nécessitant pas de travaux de transformation sont autorisés en application de l'art. 24a LAT et aux conditions fixées par cette disposition.

Le département délivre les autorisations visant le maintien de l’habitation sans rapport avec l’agriculture ou le changement complet d’affectation de constructions ou installations dignes d’être protégées au sens et aux conditions fixées à l’art. 24d de la loi fédérale (art. 27D LaLAT).

15.         En vertu de l’art. 24 LAT, des autorisations peuvent être délivrées pour des nouvelles constructions ou installations ou pour tout changement d’affectation si l’implantation de ces constructions ou installations hors de la zone à bâtir est imposée par leur destination et si aucun intérêt prépondérant ne s’y oppose. Ces conditions cumulatives sont reprises par l’art. 27 LaLAT.

Selon la jurisprudence, l’implantation d’une construction est imposée par sa destination au sens de l’art. 24 let. a LAT, lorsqu’un emplacement hors de la zone à bâtir est dicté par des motifs techniques, des impératifs liés à l’exploitation d’une entreprise, la nature du sol ou lorsque l’ouvrage est exclu de la zone à bâtir pour des motifs particuliers. Il suffit que l’emplacement soit relativement imposé par la destination: il n’est pas nécessaire qu’aucun autre emplacement n’entre en considération. Il doit toutefois exister des motifs particulièrement importants et objectifs qui laissent apparaître l’emplacement prévu plus avantageux que d’autres endroits situés à l’intérieur de la zone à bâtir (ATF 141 II 245 consid. 7.6.2 ; 136 II 214 consid. 2.1 et les références citées ; plus récemment arrêt 1C_231/2018 du 13 novembre 2018 consid. 2.1). Seuls des critères objectifs sont déterminants, à l'exclusion de préférences dictées par des raisons de commodité ou d'agrément (cf. ATF 136 II 214 consid. 2.1 ; 129 II 63 consid. 3.1 ; encore récemment arrêts 1C_74/2018 du 12 avril 2019 consid. 2.1 et 1C_39/2017 du 13 novembre 2017 consid. 3.1). L'examen du caractère relativement imposé par sa destination de l'emplacement implique une pesée de l'ensemble des intérêts en présence, pesée qui se recoupe avec celle imposée par l'art. 24 let. b LAT (ATF 141 II 245 consid. 7.6.2). L’application du critère de l’art. 24 let. a LAT doit toutefois être stricte, dès lors que cette disposition contribue à l’objectif de séparation du bâti et du non-bâti (ATF 124 II 252 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_276/2021 du 17 mars 2022 consid. 4.1 et les références citées).

16.         Hors de la zone à bâtir, les constructions et installations qui peuvent être utilisées conformément à leur destination mais qui ne sont plus conformes à l’affectation de la zone bénéficient en principe de la garantie de la situation acquise (art. 24c al. 1 LAT). L’autorité compétente peut autoriser la rénovation de telles constructions et installations, leur transformation partielle, leur agrandissement mesuré ou leur reconstruction, pour autant que les bâtiments aient été érigés ou transformés légalement (art. 24c al. 2 LAT). Cette réglementation est reprise à l’art. 27C LaLAT. Cette dérogation facilitée s’applique aux constructions ou installation qui ont été érigées conformément au droit matériel avant l’introduction, le 1er juillet 1972, de la séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire (entrée en vigueur de la loi fédérale du 8 octobre 1971 sur la protection des eaux contre la pollution, abrogée depuis le 1er novembre 1992) ; ou qui ont été érigées en zone à bâtir après le 1er juillet 1972, mais qui ont par la suite été affectées à la zone de non-bâtir. À contrario, la garantie étendue de la situation acquise conférée par l’art. 24c LAT ne bénéficie pas aux constructions et installations érigées en zone de non-bâtir, au titre de constructions conformes à l’affectation de la zone, après le 1er juillet 1972, c’est-à-dire, selon « le nouveau droit » (Rudolf MUGGLI, dans : Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN [éd.], Commentaire pratique LAT : Construire hors zone à bâtir, 2017, ad art. 24c, n. 12, n. 17 et 19).

L'OAT précise encore que dans le cadre de l'art. 24c LAT, une transformation est considérée comme partielle et un agrandissement est considéré comme mesuré lorsque l'identité de la construction ou de l'installation et de ses abords est respectée pour l'essentiel.

17.         Le principe de la séparation de l'espace bâti et non bâti, qui préserve différents intérêts publics, est de rang constitutionnel ; il fait partie intégrante de la notion d'utilisation mesurée du sol de l'art. 75 al. 1 Cst. (cf. Message du Conseil fédéral du 20 janvier 2010 relatif à une révision partielle de la LAT, FF 2010 964 ch. 1.2.1 et 973 ch. 2.1; ATF 147 II 309 consid. 5.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_197/2021 du 12 novembre 2021 consid. 2.1.1). Cette séparation doit par conséquent, en dehors des exceptions prévues par la loi, demeurer d'application stricte (ATF 132 II 21 consid. 6.4 p. 40; arrêts du Tribunal fédéral 1C_131/2019 du 17 juin 2019 ; 1C_101/2011 du 26 octobre 2011 ; 1A.301/2000 du 28 mai 2001).

18.         Le Tribunal fédéral a par ailleurs déjà souligné l’importance du maintien de la zone agricole dans le canton de Genève. Les règles relatives à la délimitation de la zone à bâtir, respectivement à la prohibition de construire hors des zones à bâtir, répondent à une préoccupation centrale de l'aménagement du territoire ; l'intérêt public sur lequel elles sont fondées ne peut qu'être qualifié d'important (arrêt du Tribunal fédéral 1A.251/2005 du 25 octobre 2005 consid. 4 ; ATA/588/2008 du 18 novembre 2008 cités in Stéphane GRODECKI, La jurisprudence en matière d'aménagement du territoire et de droit public des constructions rendue par le Tribunal administratif genevois en 2009, p. 159).

19.         Selon l’art. 22 al. 1 1ère phrase LaLAT, lorsque les circonstances le justifient, notamment lorsqu’une partie importante d'un hameau sis en zone agricole n’est manifestement plus affectée à l’agriculture, le Grand Conseil peut le déclasser en zone de hameaux. Ce déclassement se fonde sur une étude d’aménagement élaborée par la commune ou par le département, en collaboration, et après consultation des commissions concernées.

20.         Les zones de hameaux sont des zones spéciales au sens de l'art. 18 de la loi fédérale, vouées à la protection des hameaux. La délivrance d'une autorisation de construire est subordonnée à l'adoption d'un plan de site, dont la procédure se déroule en principe simultanément à celle relative à la création de cette zone de hameaux (al. 2).

Sauf dispositions particulières fixées par le plan de site, les normes de la 4ème zone rurale sont applicables (al. 4).

21.         Selon l’art. 109 al. 1 LCI, les constructions et installations, de même que leurs abords, doivent être conçus et aménagés de manière à en permettre l’accès et l’utilisation par tous les usagers, y compris ceux qui éprouvent des difficultés à s’orienter, à se mouvoir ou à communiquer. Le règlement concernant l'accessibilité des constructions et installations diverses du 29 janvier 2020 (RACI – L 5 05.06) contient les normes applicables pour les constructions et installations, notamment en ce qui concerne les portes (art. 7) et celles pour les bâtiments comprenant des logements (art. 14 à 18).

22.         Le département peut refuser les autorisations prévues à l’art. 1 lorsqu’une construction ou une installation peut être la cause d’inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (art. 14 let. a LCI), ne remplit pas les conditions de sécurité et de salubrité qu’exige son exploitation ou son utilisation (let. b), ne remplit pas des conditions de sécurité et de salubrité suffisantes à l’égard des voisins ou du public (let. c).

23.         Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n'ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi. L’autorité reste libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. La LCI ne prévoit pas de hiérarchie entre les différents préavis requis. Toutefois, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/373/2016 du 3 mai 2016 consid. 9d ; ATA/1366/2015 précité consid. 6d).

Chaque fois que l’autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, les juridictions de recours observent une certaine retenue, lorsqu’il s’agit de tenir compte des circonstances locales ou de trancher de pures questions d’appréciation (ATF 136 I 265 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_579/2015 du 4 juillet 2016 consid. 5.1). Elles se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (arrêt du Tribunal fédéral 1C_891/2013 du 29 mars 2015 consid. 8.2 ; ATA/774/2018 du 24 juillet 2018 consid. 4 ; ATA/1059/2017 du 4 juillet 2017 et les références citées).

24.         Selon l’art. 82 LCI, les constructions édifiées dans la zone agricole au sens des art. 20 à 22 de la LaLAT, sont soumises à ces dispositions et à celles applicables à la 5e zone de la présente loi (al. 1). En cas d’application des art. 34 à 38 et 40 de l’OAT, le département ne peut délivrer une autorisation qu’avec l’accord, exprimé sous forme d’un préavis, de l’office cantonal de l’agriculture et de la nature; de même, sur préavis dudit office, la caducité d’une autorisation, au sens de l’art. 40 al. 5 de cette ordonnance, pourra être constatée.

En zone agricole, le préavis de l’OCAN ne doit pas être minimisé car il est obligatoire (art. 82 al. 2 LCI ; ATA/664/2023 du 20 juin 2023, ATA/534/2016 du 21 juin 2016 cité in Stéphane GRODECKI/Valérie DEFAGO GAUDIN, La jurisprudence genevoise en matière d'aménagement du territoire et de droit public des constructions rendue en 2016, RDAF 2017 I p. 20 ;).

Par ailleurs, la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) institue la CMNS, composée de spécialistes en matière d’architecture, d’urbanisme et de conservation du patrimoine (cf. art. 46 al. 2 LPMNS ; ATA/1059/2017 du 4 juillet 2017 consid. 6d), qui comporte trois sous-commissions (architecture, monuments et antiquités, nature et sites) et dont la compétence est codifiée dans le règlement d’application de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 mars 2023 (RPMNS - L 4 05.01) (cf. art. 3 al. 1 RPMNS). La CMNS donne son préavis sur tous les objets qui, en raison de la matière, sont de son ressort. Elle se prononce en principe une seule fois sur chaque demande d’autorisation, les éventuels préavis complémentaires étant donnés par l’office du patrimoine et des sites par délégation de la commission (art. 47 al. 1 LPMNS).

25.         Les actes du représentant sont opposables au représenté comme les siens propres ; ce principe vaut également en droit public (arrêt du Tribunal fédéral 2C_280/2013 du 6 avril 2013 ; ATA/159/2021 du 9 février 2021 consid. 7d ; ATA/1127/2020 du 10 novembre 2020 consid. 4c ; ATA/224/2020 du 25 février 2020 consid. 3b).

26.         En l’espèce, il sied de relever que selon la fiche C05 du plan directeur cantonal 2023, le hameau est classé en zone agricole et non en zone hameau, et aucun déclassement n’est intervenu depuis lors ; du reste, dans son plan directeur de 2019, approuvé par le Conseil d’Etat le 3 juin 2020, la commune a confirmé que D______ était maintenu en zone agricole. Ce sont donc les dispositions régissant la zone hors à bâtir qui s’appliquent en l’espèce et non celles de la zone hameau.

Par ailleurs, la requête en autorisation de construire portait tant sur la régularisation des aménagements extérieurs et des transformations intérieures et extérieures du bâtiment réalisés en violation de l’autorisation de construire initiale, que sur l’installation des nouveaux aménagements, à savoir l’installation d’un couvert à vélo et d’une barrière autour de la fosse à purin. Il convient donc de faire une analyse en deux temps, à savoir sur les motifs de refus des aménagements extérieurs d’une part, et sur les transformations intérieures et extérieures du bâtiment d’autre part, le tribunal prenant acte du fait que les recourants renoncent à la construction d’un abri à vélo et d’une barrière autour de la fosse à purin - le recours ne porte donc plus sur le refus d’autorisation de ces deux objets.

27.         Le département s’est fondé sur les préavis rendus par les instances spécialisées dans le cadre de l’instruction de la requête, dont trois étaient défavorables, pour rendre la décision de refus d’autorisation de constuire.

L’OCAN s’est prononcé défavorablement sur le projet dans son préavis du 13 avril 2023, retenant que les aménagements réalisés sur la parcelle (objets A, B, C, D , E, F, G, H, I, J, K, N et O) et la création d’un couvert à vélo n’étaient pas conformes à la zone. Concernant l’aménagement intérieur dans le bâtiment no 4______, seul un changement d’affectation sans travaux de transformation était envisageable, les travaux réalisés n’étaient quant à eux pas conformes aux possibilités prévues par l’art. 24a LAT.

L’OU a également rendu un préavis défavorable le 3 avril 2023, retenant également que les objets C, D, E, F, I, H et J et le couvert à vélo n’étaient pas conformes à la zone agricole. Concernant le bâtiment no 4______, seul un changement d’affectation sans travaux était possible.

Enfin, la DAC a rendu un préavis défavorable le 16 mars 2023, notamment vu l’absence de cuisine et de salon dans l’un des appartements et la non-conformité des couloirs, des salles de bain et des chambres tant au RACI qu’à l’art. 109 LCI.

C’est à juste titre que le département, se fondant sur les préavis susmentionnés, a retenu que le projet n’était pas conforme à la zone en ce qui concerne les aménagements extérieurs (objets A, B, C, E, F, G, H, I, J, K, N et O); en effet, les aménagements extérieurs ne sont manifestement pas imposés par leur destination au sens de la jurisprudence et de la doctrine relatives à l'art. 24 al. 1 let. a LAT, dès lors qu'il n'apparaît pas que des raisons objectives – techniques, économiques ou découlant de la nature du sol – justifieraient leur présence à leurs emplacements respectifs en zone agricole. Ils ont été installés par pure convenance personnelle, afin que les locataires puissent bénéficier d’un jardin avec une aire de jeux, des terrasses et des cheminements. Les recourants n’ont par ailleurs apporté aucun élément permettant de retenir que, certains d’entre eux – par exemple les objets D, E, F, H, I et J –, auraient été installés en toute légalité avant qu’ils ne deviennent propriétaire de la parcelle.

Concernant les modifications intérieures du bâtiment n° 3______ et de ses façades, force est tout d’abord de constater que les recourants ont réalisés deux appartements dans des configurations diamétralement opposées à celles autorisées dans l’autorisation de construire initiale ; il apparait ainsi évident que, dès le début des travaux, les recourants avaient comme projet de réaliser un appartement par étage et non deux duplex comme autorisé. Si certes ils prétendent avoir rencontrés des problèmes lors de la réalisation du projet, notamment au niveau de la structure du bâtiment ayant pour conséquence, selon leurs explications, que la configuration autorisée n’était pas réalisable – notamment, la création d’une seule fenêtre au 1er étage – ils se devaient de stopper les travaux, d’interpeller le département sur les difficultés rencontrées et de solliciter une autorisation complémentaire afin que les travaux envisagés soient dûment autorisés. En continuant les travaux non conformes à ceux autorisés, ils ont mis le département devant le fait accompli, sans même avoir, de leur propre chef, une fois les travaux terminés, déposé une requête en autorisation de construire afin de régulariser la situation puisque ladite demande de régularisation n’est intervenue qu’après le contrôle effectué par le département sur leur parcelle en avril 2022.

A la lecture des plans, il apparait notamment que l’appartement du rez-de-chaussée n’a ni cuisine ni salon, et le couloir menant aux chambres a une largeur, à certains endroits, de 87 cm seulement – alors que selon l’art. 14 al. 2 RACI, la largeur minimale peut être, à certaines conditions, de 1 m. Quant à l’appartement du 1er étage, aucune mensuration n’est indiquée sur le plans mais il apparait notamment que les portes ont une largeur d’environ 70 cm – alors que selon l’art. 7 al. 1 RACI, la largeur minimale est de 80 cm. Enfin, vu la configuration très particulière des appartements et, à plusieurs endroits, l’absence totale de cotes sur les plans, il est très vraisemblable que la typologie des logements n’est pas conforme aux dispositions relatives aux personnes à mobilité réduite, comme l’a retenu la DAC.

Concernant l’absence d’une cuisine et d’un salon selon les plans dans l’un des appartements, les recourants font valoir, dans leurs écritures du 17 novembre 2023 que les chambres pouvaient être mises à la location pour des étudiants ou des ouvriers agricoles dans le cadre d’une colocation avec un degré de confort moindre ; l’art. 14 LCI n’imposait du reste pas la présence d’une cuisine dans les logements. Sur ce point, le tribunal ne peut pas les suivre et ne peut que confirmer la positon du département, l’existence d’une cuisine étant indispensable pour vivre dignement dans un logement mais également pour des raisons claires de sécurité ; il relèvera par ailleurs la mauvaise foi crasse des recourants sur ce point puisqu’ils ont dans la réalité créé dès le début une cuisine et un salon dans l’« atelier/dépôt » tout en omettant de le mentionner dans leurs plans soumis au département dans le cadre de la régulation – reconnaissant même lors du transport sur place que leur architecte leur avait dit qu’une fois l’autorisation obtenue, il pourraient faire ce qu’ils voudraient dans l’atelier-dépôt. Ils n’ont dès lors jamais eu l’intention de louer des chambres à des ouvriers ou des étudiants sans cuisine et, de plus, l’appartement était déjà loué à une famille avec enfants au moment du dépôt de la requête en autorisation complémentaire.

Quant aux façades, la CMNS, dans son préavis favorable sous conditions du 19 janvier 2021, rendu dans le cadre de l’autorisation de base, avait demandé que, concernant le choix des matériaux, les détails d’exécution et les teintes soient transmises au service des monuments et des sites (ci-après : SMS) avant la commande des travaux. Par ailleurs, la CMNS avait clairement demandé que le bardage soit remplacé par un bardage aux dimensions identiques à l’existant (préavis favorable du 17 novembre 2020). Il apparait que les recourants n’ont jamais soumis au SMS le choix des matériaux. Dans son préavis défavorable du 23 mars 2023, rendu dans le cadre de la DD 6______/3, la CMNS a clairement relevé le total manque de respect du projet autorisé, soit les modifications dans les ouvertures en façade, le bardage en bois qui ne correspondait pas au projet initial et la menuiserie extérieure en aluminium au lieu du bois ; si l’autorisation en force avait été accordée sur un projet réfléchi qui prenait en considération la valeur patrimoniale de l’objet et l’intégration dans le site villageois protégé, le non-respect des conditions de l’autorisation et des réserves d’exécution de la part du propriétaire/mandataire avaient amené à un résultat inacceptable compte tenu de la valeur patrimoniale de l’objet et du site. Au vu ce de ce qui précède, et notamment de l’ampleur des différences entre ce qui avait été autorisés et les travaux réellement réalisés, le tribunal estime que le département n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant de délivrer l’autorisation de construire complémentaire visant à la régularisation des très nombreux travaux réalisés en dans le plus total non-respect de l’autorisation de base, se fondant sur trois préavis défavorables émis par trois instances spécialisées dont le poids, comme déjà indiqué, est important.

Le refus d’autorisation de construire sera dès lors confirmé et le recours rejeté sur ce point.

28.         Les recourants estiment que l’ordre de remise en état est contraire au principe de la proportionnalité, que leur intérêt privé à permettre le maintien des aménagements est prépondérant à l’intérêt public à la remise en état et que certains éléments existent depuis d’innombrables années.

29.         Selon l’art. 129 let. e LCI, dans les limites des dispositions de l’art. 130 LCI, le département peut ordonner, à l’égard des constructions, des installations ou d’autres choses, la remise en état. L’art. 130 LCI dispose que ces mesures peuvent être ordonnées par le département lorsque l’état d’une construction, d’une installation ou d’une autre chose n’est pas conforme aux prescriptions de la présente loi, des règlements qu’elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires. Les propriétaires doivent se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI).

30.         De jurisprudence constante, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions. Premièrement, il doit être dirigé contre le perturbateur. Les installations en cause ne doivent ensuite pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation. Un délai de plus de trente ans ne doit par ailleurs pas s’être écoulé depuis l’exécution des travaux litigieux ; les constructions illégales hors de la zone à bâtir ne bénéficient cependant pas de ce délai de péremption (ATF 147 II 309 consid. 5.7). L’autorité ne doit en outre pas avoir créé chez l’administré concerné, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu’elle serait liée par la bonne foi ; en particulier, les installations litigieuses ne doivent pas avoir été tolérées par l’autorité d’une façon qui serait constitutive d’une autorisation tacite ou d’une renonciation à faire respecter les dispositions transgressées. Finalement, l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit doit l’emporter sur l’intérêt privé de l’intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/225/ 2023 du 7 mars 2023 consid. 3b).

31.         Le perturbateur est celui qui a occasionné un dommage ou un danger par lui-même ou par le comportement d'un tiers relevant de sa responsabilité (perturbateur par comportement), mais aussi celui qui exerce sur l'objet qui a provoqué une telle situation un pouvoir de fait ou de droit (perturbateur par situation ; ATF 139 II 185 consid. 14.3.2 ; 136 I 1 consid. 4.4.3 ; 122 II 65 consid. 6a ; ATA/1334/2019 du 3 septembre 2019 consid. 2c ; ATA/70/2018 du 23 janvier 2018 consid. 7d et les arrêts cités). Le perturbateur par situation correspond avant tout au propriétaire, le critère déterminant étant le pouvoir de disposition, qui permet à celui qui le détient de maintenir la chose dans un état conforme à la réglementation en vigueur (cf. ATA/1334/2019 du 3 septembre 2019 consid. 2c et les arrêts cités).

32.         S'agissant de la condition relative au fait que l'autorité ne doit pas avoir créé chez l'administré concerné des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi, il faut rappeler que ce principe, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 7.1).

33.         La dernière des cinq conditions auxquelles est soumis un ordre de remise en état concerne l'application du principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst. Celui-ci exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et qu’ils ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, ce principe interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 145 I 297 consid. 2.4.3.1 et les références citées).

Plus spécifiquement, l’art. 129 let. e LCI reconnaît une certaine marge d’appréciation à l’autorité dans le choix de la mesure adéquate pour rétablir une situation conforme au droit, dont elle doit faire usage dans le respect des principes de proportionnalité, de l’égalité de traitement et de la bonne foi, et en tenant compte des divers intérêts publics et privés en présence (ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c et l’arrêt cité ; ATA/336/2011 du 24 mai 2011 consid. 3b).

34.         L'ordre de démolir une construction ou un ouvrage édifié sans permis et pour lequel une autorisation ne pouvait être accordée n'est en principe pas contraire au principe de la proportionnalité. Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit en effet s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_114/2018 du 21 juin 2019 consid. 5.1.2 ; 1C_237/2018 du 29 janvier 2019 consid. 2.3 ; 1C_418/2016 du 28 février 2017 consid. 5.1 ; 1C_29/2016 du 18 janvier 2017 consid. 7.1 ; 1C_122/2016 du 7 septembre 2016 consid. 6.1).

35.         La proportionnalité au sens étroit implique une pesée des intérêts. C’est à ce titre que le département peut renoncer à ordonner la remise en conformité si les dérogations à la règle sont mineures, si l’intérêt public lésé n’est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l’ouvrage, sachant que son intérêt purement économique ne saurait avoir le pas sur l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit (arrêt du Tribunal fédéral 1C_ 544/2014 du 1er avril 2015 consid. 4.2), si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s’il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit (cf. ATF 132 II 21 consid. 6 ; 123 II 248 consid. 3a/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.1 ; ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c), si les frais de démolition et de remise en état des lieux engendreraient des charges excessives que l’intéressé ne serait pas en mesure de prendre en charge (arrêts du Tribunal fédéral 1C_370/2015 du 16 février 2016 consid. 4.4 ; 1C_537/2011 du 26 avril 2012). Néanmoins, un intérêt purement économique ne saurait avoir le pas sur l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit (arrêt du Tribunal fédéral 1C_544/ 2014 du 1er avril 2015 consid. 4.2).

36.         Le Tribunal fédéral est particulièrement strict en zone agricole et a ainsi confirmé les ordres de démolition ou d'enlèvement des constructions ou installations suivantes érigées sans autorisation : une palissade en bois, un mobil home, un chalet, un sous-sol, des containers utilisés pour loger des employés d'une exploitation agricole, un appentis de 12,54 m2 et un cabanon de jardin de 10,29 m2 (ATF 1C_482/2017 précité), un paddock et un abri pour chevaux (arrêt du Tribunal fédéral 1C_589/2017 du 16 novembre 2018). De manière générale dans l'examen de la proportionnalité, les intérêts des propriétaires sont, à juste titre, mis en retrait par rapport à l'importance de préserver la zone agricole d'installations qui n'y ont pas leur place. Le Tribunal fédéral a déjà énoncé concernant le canton de Genève, que « s'agissant de constructions édifiées dans la zone agricole dans un canton déjà fortement urbanisé où les problèmes relatifs à l'aménagement du territoire revêtent une importance particulière, l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit l'emporte sur celui, privé, du recourant à l'exploitation de son entreprise sur le site litigieux » (arrêt du Tribunal fédéral 1C_446/2010 du 18 avril 2011, consid. 5.1.1 et les références citées ; ATA/68/2013 du 6 février 2013).

37.         Le postulat selon lequel le respect du principe de proportionnalité s’impose même envers un administré de mauvaise foi est relativisé, voire annihilé, par l’idée que le constructeur qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que cette dernière se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des inconvénients qui en découlent pour lui constructeur (Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, op. cit., p. 218).

38.         En l'occurrence, propriétaires des parcelles nos 1______ et 2______ sur lesquelles tous les travaux litigieux ont été réalisés, les recourants sont les perturbateurs.

Les constructions querellées n'ont pas été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation - aucun élément du dossier ne permet de retenir notamment que certains aménagements extérieurs auraient été érigés légalement, comme le prétendent les recourants - et le département a refusé la régularisation de ceux pour lesquels une telle demande avait été faite, par décision du ______ 2023 DD 6______/3).

Par ailleurs, il ne peut être retenu que l’administration aurait créé chez les recourants, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu’elle serait liée par la bonne foi, ce que les recourants eux-mêmes ne font pas valoir.

Enfin, la question de la prescription trentenaire ne se pose pas en l’espèce puisqu’elle ne s’applique pas hors de la zone à bâtir et que les parcelles en cause se situent en zone agricole.

39.         Reste à trancher la question du respect du principe de proportionnalité.

Il sied de rappeler que l’autorisation initiale DD 6______ du ______ 2021 a été octroyée pour la réalisation de deux appartements en duplex, le remplacement du bardage par des lames aux dimensions identiques à l’existant, la création de trois fenêtres de dimensions 80x50 cm environ et la création d’un accès de plein pied à l’atelier avec l’aménagement d’une mezzanine et, enfin, d’un couvert – sans toutefois que cela ressorte expressément des plans produits, lesquels mentionnent ledit couvert en noir, soit comme existant et non en rouge comme nouvelle construction. Dans le cadre de l’instruction de la requête, la CMNS s’était prononcée à quatre reprises et avait rendu un préavis favorable sous condition le 19 janvier 2021 – préavis faisant partie intégrante de l’autorisation –, précisant notamment que le choix des matériaux, les détails d’exécution et les teintes devaient être transmis au SMS avant la commande de travaux. Cette autorisation ne portait par contre ni sur des aménagements extérieurs, ni sur la réalisation d’un garage en sous-sol avec la création d’une porte d’accès, ni sur l’aménagement de l’« atelier-dépôt » en cuisine-salon.

La demande d’autorisation DD 6______/3 du ______ 2023 portait sur l’aménagement d’un couvert à vélo et l’installation d’un garde-corps autour de la fosse à purin, ainsi que sur la régularisation des travaux réalisés sans droit, soit la création d’un garage avec une porte d’accès et la création d’un escalier intérieur, la création d’un appartement de plein pied sans cuisine – certains plans indiquant « atelier-cuisine » sans toutefois prévoir de liaison entre l’appartement de plein-pied et l’« atelier/dépôt » –, la suppression de la porte permettant l’accès à l’atelier-dépôt depuis l’extérieur et la création de trois fenêtres en lieu et place d’une seule, la création d’un appartement au premier étage, avec modification des fenêtres, la surélévation du couvert (objet M) et la régularisation des objets A, B, C, D, E, F, H, I, J, K, L, N et P. Toutefois, les plans produits à l’appui de cette demande d’autorisation ne correspondaient déjà pas sur de nombreux points à ce qui avait déjà été réalisée. Cette autorisation a été refusée par le département le ______ 2023.

Vu l’ampleur des irrégularités commises par les recourants dans ce dossier, le tribunal estime que l’analyse du respect du principe de proportionnalité doit se faire dans sa globalité et non objet par objet.

Il constate ainsi que 14 installations/constructions ont été réalisées sur la parcelle (objets A, B, C, D, E, F, H, I, J, K, L, N, O et P), dont certaines d’ampleur, telles que la réfection de la terrasse objet H dont les murets, la pente et le revêtement ont été modifiés ou l’installation d’une aire de jeux de plusieurs m2 avec réalisation d’un sol recouvert sur 15 cm de copeaux de bois entouré de planches. La parcelle est ainsi devenue un jardin d’agrément entièrement aménagé.

Concernant l’intérieur du bâtiment, aucuns des plans autorisés dans la DD 6______ n’a été respecté puisque, d’une part, les deux logements ont été créés sur un niveau et non plus deux, que l’« atelier-dépôt » a dès le début été aménagé en cuisine-salon, alors qu’il ne bénéficiait pas d’un changement d’affectation et ne pouvait être utilisé comme habitation, qu’un garage a été aménagé en sous-sol avec un accès extérieur et que les ouvertures prévues ont toutes été réalisées à d’autres endroits que ceux prévus. Il sied de rappeler que si les recourants s’étaient trouvés confrontés à des difficultés d’ordre technique pour réaliser les appartements tels qu’autorisés, il leur appartenait d’interpeler le département mais aucunement de modifier de leur propre chef l’aménagement global des logements, comme le tribunal l’a déjà relevé.

Quant à l’aspect extérieur du bâtiment, la CMNS avait fait une analyse minutieuse du dossier – rendant pas moins de quatre préavis dans le cadre de l’autorisation de base – avant de se positionner précisément tant sur le remplacement du bardage que sur la création des vitres dans son dernier préavis favorable ; avant toute intervention sur les façades, elle avait demandé à être consultée, exigence reprise dans la décision d’autorisation. D’une part, les recourants n’ont pas soumis les teintes et matériaux avant exécution à la CMNS mais, bien plus, ils ont installé notamment des lames de bois d’une largeur différente de celle autorisée. A nouveau, s’il s’était véritablement avéré que des lames de bois pour le bardage de 30 cm n’étaient techniquement pas réalisables selon l’entreprise en charge des travaux, les recourants se devaient d’interpeler le département avant de procéder au remplacement dudit bardage avec des lames de largeur inférieure. Ils ont créé une porte de garage dans l’une des façades du bâtiment sans qu’aucune instance ne se prononce, notamment la CMNS, alors que le bâtiment se situe, faut-il le rappeler dans le plan de site. Ils ont enfin créé des ouvertures en façade différentes que celles autorisées, modifiant de ce fait l’aspect extérieur du bâtiment. Pour terminer, le couvert objet M a été réalisé avec une hauteur supérieure à celle autorisée du fait, selon les dires des recourants, d’erreur de calcul.

Au vu de ce qui précède, bien que le tribunal se rendre compte de l’ampleur de la remise en état qui est ordonnée et du coût que cela impliquera, il estime que le département n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en demandant la remise en état de tous les éléments réalisés en violation de l’autorisation de base et refusés dans le cadre de l’autorisation complémentaire, et que le principe de proportionnalité est respecté. Les recourants ont adopté un comportement totalement irrespectueux et désinvolte face aux décisions prises par l’autorité qui ne peut en aucun cas être toléré. De plus, comme la jurisprudence l’a rappelé, celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit.

Le tribunal relèvera cependant que les recourants restent bien entendu libres de réaliser les appartements et les aménagements en conformité de l’autorisation en force.

40.         En tous points mal fondé, le recours sera rejeté et les décisions confirmées.

41.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 2’500.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable irrecevable le recours interjeté le 16 octobre 2023 par Madame A______ et Monsieur B______ contre les deux décisions du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de Madame A______ et Monsieur B______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 2’500.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Loïc ANTONIOLI et Damien BLANC, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière