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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/220/2014

ATA/1366/2015 du 21.12.2015 sur JTAPI/945/2014 ( LDTR ) , REJETE

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; MESURE DE PROTECTION ; PROTECTION DES MONUMENTS ; PRISE DE POSITION DE L'AUTORITÉ ; GARANTIE DE LA PROPRIÉTÉ ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : Cst.29.al2 ; LCI.89 ; LCI.90 ; LCI.92 ; LCI.93 ; Cst.5.al2 ; Cst.26.al1
Parties : FONDATION HBM JEAN DUTOIT / VILLE DE GENEVE, DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE
Résumé : Recours contre le jugement du TAPI annulant les autorisations définitives de démolir et préalable de construire délivrées par le DALE malgré le préavis défavorable de la CMNS. Protection des ensembles selon les art. 89 ss LCI. En l'espèce, conformément à l'avis de l'ensemble des spécialistes et des autorités compétentes, l'immeuble fait partie d'un ensemble digne d'être protégé. Examen du principe de la proportionnalité. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/220/2014-LDTR ATA/1366/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 décembre 2015

 

dans la cause

 

FONDATION HBM JEAN DUTOIT
représentée par Me Jean-Marc Siegrist, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE

et

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 septembre 2014 (JTAPI/945/2014)


EN FAIT

1) En 2008, la Fondation HBM Jean DUTOIT (ci-après : la fondation), fondation immobilière de droit public au sens de l'art. 14A de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05), ayant pour but la construction, l'acquisition et l'exploitation d'immeubles et de logements destinés aux personnes à revenus modestes, est devenue propriétaire de la parcelle no 2'795, feuillet 76, de la commune de Genève-Cité, rachetée à la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève (ci-après : la fondation de valorisation) et sise en troisième zone de construction.

Sur cette parcelle se trouve le bâtiment d'habitation avec rez-de-chaussée commercial E256, sis au 37, rue de la Servette et comportant quatre étages et des combles, en plus du rez-de-chaussée (ci-après : le bâtiment ou l'immeuble no 37).

2) Le 16 novembre 2010, la fondation, soit pour elle son architecte mandataire, Monsieur Hughes HILTPOLD, a déposé auprès du département des constructions et des technologies de l'information, devenu ensuite le département de l'urbanisme, puis le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : DALE), une demande préalable d'autorisation de construire, référencée sous dossier DP 18'327-4 et portant sur la démolition du bâtiment no 37 et la construction d'un immeuble neuf.

Le projet impliquait la démolition de treize logements d'habitation bon marché (ci-après : HBM) et d'un total de trente-huit pièces, soit cinq appartements de deux pièces, quatre de trois pièces et quatre de quatre pièces. Il projetait un bâtiment d'un étage en sous-sol et de dix niveaux au-dessus du sol.

3) Le 23 novembre 2010, la direction générale de l'aménagement du territoire (ci-après : DGAT) s'est déclarée favorable au projet.

4) Par préavis du 24 novembre 2010, la police du feu, la direction générale de la nature et du paysage (ci-après : DGNP) ainsi que l'inspection de la construction se sont déclarées favorables au projet sous réserves.

5) Le 30 novembre 2010, le service juridique compétent en matière de loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20 ; ci-après : le service juridique LDTR) a déclaré ne pas avoir d'observations, sous réserve du respect des conditions de la LDTR.

6) a. Par préavis du 7 décembre 2010, comportant la mention « MS-e45 » barrée à la main, la sous-commission architecture (ci-après : SCA) de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) s'est déclarée défavorable au projet, a demandé le maintien du bâtiment, a donné son accord pour une surélévation et a sollicité un projet modifié adapté à l'épannelage général de cette partie du front de rue, en limitant l'intervention à un bâtiment doté d'un rez-de-chaussée plus six étages et un attique ou une toiture.

Le bâtiment no 37 faisait partie d'un ensemble protégé de la fin du XXe (recte : XIXe) siècle et devait à ce titre être maintenu. La surélévation proposée contrevenait à la disposition selon laquelle une augmentation de gabarit ne pouvait être autorisée qu'à condition de ne pas compromettre l'harmonie urbanistique de la rue. Si le bâtiment ne figurait pas sur la carte indicative des immeubles susceptibles d'être surélevés, cette partie du front est de la rue de la Servette avait fait l'objet, en 1986, d'un projet d'épannelage des gabarits afin d'harmoniser les hauteurs des différents bâtiments, lequel prenait en référence le gabarit de surélévation du bâtiment concerné et proposait des surélévations d'un ou deux niveaux, jusqu'à l'angle de la rue de la Poterie. À ce jour, trois surélévations avaient été réalisées, aux 39, 41 et 49, rue de la Servette.

b. Elle a joint à son préavis la proposition de surélévation des bâtiments des 31 à 49, rue de la Servette (ci-après : les bâtiments ou les immeubles nos 31 à 49) de 1986.

7) Le 8 décembre 2010, la direction générale de la mobilité a émis un préavis favorable au projet, sous réserve.

8) Par préavis du 10 décembre 2010, la direction générale de l'eau s'est déclarée favorable au projet sous conditions.

9) Le 20 décembre 2010, la fondation, représentée par son architecte mandataire, a déposé auprès du DALE une demande définitive d'autorisation de démolir le bâtiment no 37, référencée sous dossier M 6'521-4.

10) Le 3 janvier 2011, la DGAT a préavisé favorablement le projet de démolition.

11) Par deux préavis du 4 janvier 2011, l'inspection de la construction a indiqué ne pas avoir d'observations quant au projet de démolition et la DGNP s'est déclarée favorable à ce dernier.

12) Par préavis du 17 janvier 2011 dans le dossier M 6'521-4, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) de l'office du patrimoine et des sites
(ci-après : OPS), rattaché au DALE, s'est référé au préavis de la CMNS du 7 décembre 2010 dans le dossier DP 18'327-4, a confirmé que le bâtiment no 37 faisait partie d'un ensemble et a indiqué être défavorable à sa démolition.

13) Par deux préavis du 18 février 2011, la Ville de Genève (ci-après : la ville) s'est déclarée défavorable aux projets DP 18'327-4 et M 6'521-4 ainsi qu'à un projet de surélévation du bâtiment no 35, dans le dossier DP 18'326-4.

Les immeubles nos 35, 37, 39 et 41 formaient un ensemble. Les bâtiments nos 35, 39 et 41 avaient été construits en 1896 et l'immeuble no 37 résultait de l'agrandissement d'un bâtiment, également opéré en 1896. Les immeubles n'avaient pas d'architecte identifié, à part le bâtiment no 39. Ces immeubles, construits par des propriétaires et des maîtres d'oeuvres différents, présentaient une harmonie et une unité de style, notamment grâce à la régularité des percements et à la disposition des balcons.

Les bâtiments nos 35 et 37 ne figuraient pas sur la carte indicative des immeubles susceptibles d'être surélevés. L'augmentation importante du gabarit du bâtiment no 37 péjorerait fortement l'harmonie de l'ensemble des trois immeubles, particulièrement par rapport à sa position centrale dans l'îlot.

14) Par préavis du 11 avril 2011 dans le dossier M 6'521-4, le SMS a confirmé sa prise de position du 17 janvier 2011 et invité la fondation à suivre la proposition de la CMNS, en prévoyant une surélévation préservant la lecture du tissu et des constructions de la fin du XIXe siècle, selon les exemples des bâtiments nos 43 à 49. Il a pris acte du fait que le bâtiment avait été transformé, probablement entre 1915 et 1920, entraînant une perte de substance intérieure, puis ultérieurement, modifiant le rez-de-chaussée, ce qui rendait possible une transformation intérieure plus conséquente, afin d'améliorer la qualité des logements existants.

Lors de l'entrevue avec l'architecte mandataire de la fondation et le représentant de cette dernière, le SMS avait pris bonne note des explications complémentaires, notamment sur le contexte du bâtiment, le potentiel en nouveaux logements ainsi que l'aspect économique du projet.

Le groupe de parcelles concernées était issu d'un morcellement du grand domaine de la Prairie, préparé en 1870 par Monsieur Jacques-Elysée GOSS. S'en était suivie l'édification coordonnée de l'ensemble des bâtiments nos 31, 33, 35, 37, 39 et 41 entre 1894 et 1896. Il s'agissait bien d'un bâtiment faisant partie d'un ensemble protégé.

15) Le 23 juin 2011, la fondation, représentée par son architecte mandataire, a déposé auprès du DALE un projet DP 18'327-4 modifié, prévoyant un bâtiment d'un étage en sous-sol et huit niveaux au-dessus du sol, y compris le rez-de-chaussée, pour vingt-et-un logements et un total de septante-sept pièces habitables, correspondant à sept appartements de trois pièces et quatorze de quatre pièces.

16) Par préavis du 5 juillet 2011 dans le dossier DP 18'327-4, la SCA s'est déclarée défavorable au deuxième projet - qui prévoyait toujours la démolition d'un bâtiment faisant partie d'un ensemble protégé -, a réitéré les remarques formulées dans son préavis du 7 décembre 2010 et a persisté à demander un projet modifié répondant aux remarques qu'elle y avait formulées.

17) Le 22 août 2011, vu le préavis de la CMNS du 13 (recte : 5) juillet 2011 et les trois immeubles surélevés conformément au plan d'épannelage de 1986, la ville a préavisé défavorablement le deuxième projet DP 18'327-4, s'opposant à la démolition de l'immeuble appartenant à un ensemble protégé, mais s'est déclarée disposée à entrer en matière sur un projet de surélévation d'un niveau plus attique, afin de garantir une progression harmonieuse des gabarits dans cette section de la rue de la Servette.

18) Selon le rapport d'audit de sécurité du 24 octobre 2012 de Messieurs Olivier ROCH, spécialiste en protection incendie et chargé de sécurité, et Marcel TORRE, spécialiste en protection incendie et ingénieur sécurité, du bureau Zanetti Ingénieurs-Conseils (ci-après : le rapport Zanetti), mandaté par la fondation suite à une demande du DALE, le bâtiment no 37 ne répondait pas aux réglementations sur de nombreux points, une mise en conformité représenterait des frais disproportionnés et la démolition était la solution la plus raisonnable.

En matière de compartimentage coupe-feu, les parois et planchers des combles, des étages supérieurs, des locaux et gaines techniques et de la cage d'escalier ainsi que les portes du local de chaufferie, du local de la cuve à mazout et des appartements n'étaient pas conformes aux prescriptions de sécurité. Il manquait une porte dans le sous-sol pour séparer les caves du couloir et de l'escalier servant de chemin de fuite. Les installations techniques - installation hydraulique, installation aéraulique et exutoire de fumée, installation électrique - n'étaient pas conformes. En relation avec l'accès pompiers, certains appartements donnaient uniquement sur la cour intérieure et les équipes d'intervention et de secours ne pouvaient y accéder avec les véhicules prévus, vu la largeur et la hauteur des accès. La sortie de secours sur la cour intérieure n'était pas conforme. Ni les fenêtres et vitrages, ni les isolations thermiques n'étaient conformes aux normes énergétiques et de construction de la société suisse des ingénieurs et des architectes (ci-après : normes SIA). En relation avec la sécurité des personnes et la salubrité du bâtiment, la toiture n'était pas étanche et les infiltrations d'eau étaient susceptibles de provoquer à terme un pourrissement et une dégradation de la résistance de la structure de la toiture, y compris des murs et du plancher, impliquant un potentiel effondrement de cette structure. Les cheminées, dégradées, avaient dû être protégées par des bâches afin qu'aucun matériau ne puisse tomber en bas de l'immeuble. Des parties de façades s'effritaient et menaçaient de tomber sur la chaussée. Les fenêtres permettaient des infiltrations d'eau et la création de moisissures pouvant altérer l'hygiène du bâtiment. Les grilles métalliques posées devant les fenêtres des demi-paliers et la rambarde comprenant la main courante n'étaient pas conformes.

Les travaux nécessaires à une remise en conformité étaient énumérés sur une page entière, comportant vingt-et-un points.

19) Dans une note interne du 26 novembre 2012, la police du feu a approuvé les conclusions du rapport Zanetti et s'est prononcé favorablement à une démolition et reconstruction du bâtiment no 37.

Après lecture attentive du rapport Zanetti, le chef de service de la police du feu et un collaborateur de ce service confirmaient que la réhabilitation du bâtiment sur le plan de la sécurité incendie et de la salubrité serait très onéreuse. Par ailleurs, même en engageant d'importants investissements, la construction ne pourrait certainement plus répondre aux normes de sécurité incendie actuelles.

20) Le 12 décembre 2012, l'inspection de la construction a confirmé être favorable au projet DP 18'327-4 sous réserves, indiquant que les gabarits étaient « ok ».

21) Le 4 avril 2013, la fondation a déposé auprès du DALE des compléments aux dossiers DP 18'327-4 et M 6'521-4.

22) Par préavis du 15 août 2012 (recte : 2013), annulant et remplaçant celui du 30 novembre 2010, le service juridique LDTR s'est exprimé en faveur du troisième projet DP 18327-4, sous condition.

Selon la note technique figurant sur le préavis, le bâtiment no 37 comportait treize appartements pour un total de trente-deux pièces et une surface d'environ 830 m2. Le projet prévoyait un immeuble mixte de commerces au rez-de-chaussée et de sept étages de logements, soit quatorze appartements pour un total de septante pièces et une surface de 1'764 m2.

23) Le même jour, le service juridique LDTR s'est également exprimé favorablement au projet M 6'521-4, sous conditions.

24) Par courrier du 6 décembre 2013, le Conseiller d'État en charge du DALE a informé la ville qu'il faisait délivrer l'autorisation préalable de construire sollicitée.

La ville était défavorable à la démolition de l'immeuble et non au projet de construction. Bien que le bâtiment no 37 fasse partie d'un ensemble protégé, il ne pouvait être préservé. Il ne répondait plus aux normes de sécurité, de salubrité et d'incendie. Sa réhabilitation était estimée trop onéreuse et ne pourrait au surplus pas garantir le respect des normes de sécurité incendie actuellement en vigueur. Il n'était pas classé et ne figurait pas à l'inventaire des ensembles du XIXe siècle et du début du XXe siècle, de sorte que toute intervention sur ce type de bâtiment, en particulier la démolition, n'était pas exclue. Le projet de démolition et reconstruction, qui prévoyait vingt-et-un logements HBM en lieu et place des treize logements existants, permettait la création de logements supplémentaires, conformément aux exigences de la LDTR. Au vu de l'état de délabrement de l'immeuble et de l'offre de logements, l'intérêt public à la création de logements répondant aux besoins prépondérants de la population primait l'intérêt à la préservation de l'immeuble. L'ensemble des autres instances de préavis consultées s'étaient déclarées favorables au projet, avec ou sans réserves. Les lois et règlements applicables étaient respectés.

25) Par deux décisions du 9 décembre 2013, le DALE a délivré l'autorisation préalable de construire DP 18'327-4 ainsi que l'autorisation de démolir M 6'521-4.

26) a. Par acte du 24 janvier 2014, la ville a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre ces deux autorisations, concluant à leur annulation.

Le bâtiment no 37 faisait partie d'un groupe d'immeubles, d'architecture analogue, dont l'emplacement et le style avaient été conçus dans le cadre d'une composition d'ensemble dans le quartier ou la rue. La SCA et le DALE avaient admis qu'il faisait partie d'un ensemble protégé. Selon l'inventaire de sites construits d'importance nationale à protéger en Suisse (ci-après : inventaire ISOS), les bâtiments nos 35 à 49 devaient être conservés. Toutes les interventions sur les immeubles de l'ensemble avaient pour but une continuité des hauteurs des immeubles, conformément au plan d'épannelage de 1986. L'ensemble devait être maintenu et son unité protégée.

L'absence du bâtiment no 37 de la liste indicative des ensembles n'excluait pas qu'il s'agisse d'un immeuble protégé. En délivrant les autorisations alors que, de l'avis de tous les spécialistes, le projet n'était pas acceptable, le DALE avait excédé son pouvoir d'appréciation.

Il était contesté que le bâtiment ne réponde pas aux réglementations et qu'une mise en conformité représente des frais disproportionnés. La police du feu était compétente pour vérifier si un projet répondait aux normes pertinentes et non pour évaluer son caractère onéreux. L'affirmation de cette dernière selon laquelle, même en engageant d'importants investissements, la construction ne pourrait certainement plus répondre aux normes de sécurité actuelles ne reposait sur aucun fondement, aucun projet de rénovation ne lui ayant été soumis. Une rénovation n'impliquait pas des frais disproportionnés et pouvait être exigée, vu la valeur patrimoniale de l'immeuble concerné et le secteur dans lequel il était implanté.

b. À l'appui de son recours, elle a versé à la procédure plusieurs documents.

Selon le point 13.13 de l'inventaire ISOS, le tissu situé entre les rues de la Poterie et la Prairie et entre les rues de la Servette et du Jura, illustré sur une carte, rentrait dans la catégorie d'inventaire AB, avait des qualités spatiales et historico-architecturales évidentes, revêtait une signification évidente pour le site construit et correspondait à un objectif de sauvegarde A. La catégorie d'inventaire A correspondait à la substance d'origine - les constructions et les espaces libres formant une entité grâce à des caractéristiques très affirmées de styles propres à une époque ou à une région - et la catégorie d'inventaire B à la structure d'origine - les constructions et les espaces libres formant une entité grâce à des caractéristiques de styles propres à une époque ou à une région. L'objectif de sauvegarde A correspondait à la sauvegarde de la substance, soit la sauvegarde intégrale de toutes les constructions et espaces libres avec suppression de toutes les causes de perturbation.

À teneur d'une note de la direction du patrimoine bâti de la ville du 20 janvier 2014, si l'état de dégradation du bâtiment était avancé, il était possible de lui faire supporter une rénovation dont le degré d'importance était assez conséquent, sans toutefois que les aspects de la sécurité et des normes de constructions ne suffisent à eux seuls à justifier une décision de démolition. Il n'existait pas de risques constructifs pour les occupants, en l'absence de constatations de fissures ou autres dégâts apparents sur les maçonneries extérieures. L'état actuel était dû à un manque d'entretien manifeste sur une longue durée. Le rapport Zanetti se contentait de constater l'état de dégradation et d'énumérer les travaux à réaliser, sans chiffrer l'éventuelle différence de coûts entre une rénovation et une démolition, ni en décrire les avantages et les inconvénients. Si un immeuble ancien répondait aux exigences normatives au moment de sa construction, une intervention globale permettrait de rattraper les niveaux de standards actuels sans difficulté. Les points faibles en matière de feu impliquaient des corrections élémentaires ne nécessitant pas des moyens importants. Les coûts des travaux sur les installations électriques et sanitaires seraient identiques pour une construction nouvelle ou une rénovation. La question de l'accès des secours ne pouvait être résolue en démolissant l'immeuble, mais les situations existantes étaient admises et les mesures d'intervention prises en conséquence. Les mesures de protection contre le feu de la cage d'escalier et des portes palières ainsi que la réalisation d'un exutoire de fumée en toiture étaient réalisables sans difficultés ni surcoûts particuliers. La question du compartimentage feu était un standard de rénovation pour lequel il existait des solutions simples et claires.

27) a. Par réponse du 27 février 2014, la fondation a conclu à la confirmation des autorisations de construire et de démolir.

L'interprétation historique démontrait que les art. 89 ss de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) avaient été conçus pour protéger des immeubles de la période fazyste, dont le nombre avait d'abord été estimé à une petite dizaine, puis à une petite vingtaine. Le répertoire établi par le SMS comptait aujourd'hui quarante-six ensembles, soit plus du double de l'estimation initiale, de sorte que seule une omission flagrante d'un ensemble exceptionnel pouvait s'y ajouter, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, le bloc comportant le bâtiment no 37 incluant des immeubles isolés ou ne présentant pas d'intérêt particulier. L'inventaire ISOS était dépourvu de toute force contraignante.

Le plan d'épannelage, légèrement dépassé par le projet de reconstruction mais dont l'esprit était respecté, n'était pas contraignant. Le projet s'inscrivait parfaitement dans les gabarits admissibles en troisième zone et l'harmonie urbanistique de la rue était respectée.

Le DALE avait tenu compte de l'état de délabrement avancé du bâtiment, de sa non-conformité aux normes de sécurité, en particulier incendie, de l'habitabilité réduite due à l'étroitesse de l'immeuble et à son mode de construction, de la création de neuf logements supplémentaires, du coût disproportionné d'une rénovation lourde par rapport au gain en logements obtenu ainsi que du fait que l'immeuble ne figurait pas à l'inventaire des ensembles. Seule la volonté de la CMNS et de la ville de conserver le bâtiment pesait contre la délivrance des autorisations. La CMNS s'était trompée dans son préavis, en se référant à la cote MS-e45, qui correspondait à un ensemble répertorié des Eaux-Vives. Le préavis de la ville n'émanait pas de spécialistes.

b. À l'appui de sa réponse, elle a versé à la procédure plusieurs pièces.

Selon le rapport « Un projet pour Genève : mise en valeur du potentiel de surélévations d'immeubles - Rapport sur la mise en place d'un secteur-test » du 18 mars 2008 de Monsieur Pierre BAERTSCHI, chargé de mission au DALE, les bâtiments situés sur la rue de la Servette entre la rue Louis-Favre et la rue Tronchin ne constituaient pas des immeubles identiques ou analogues, ni des immeubles hors de l'art. 89 LCI, mais des immeubles isolés ou ne présentant pas d'intérêt particulier. L'architecture était de même style. Les façades comportaient un alignement des fenêtres et/ou des cordons. Les toitures et modénatures étaient différentes et les matériaux similaires.

À teneur d'un tableau comparatif des variantes d'immeubles développé par l'architecte mandataire de la fondation le 8 juin 2011, le bâtiment existant, le bâtiment selon la variante transformation lourde et surélévation (ci-après : la variante TL-S) ainsi que le bâtiment selon la variante démolition et reconstruction (ci-après : la variante D-R) avaient respectivement une surface de locaux d'habitation de 861 m2, 1'200 m2 et 1'771 m2, l'augmentation s'élevant à 39,4 % avec la variante TL-S et 105,7 % avec la variante D-R. Le « coût total » du bâtiment existant se montait à CHF 1'480'563.-. Le coût des variantes TL-S - comportant douze logements et cinquante-quatre pièces - et D-R - comportant vingt et un logements et septante-sept pièces - s'élevait respectivement à CHF/m3 739.- et CHF/m3 575.-, pour un « coût total » de CHF 5'959'000.- et CHF 7'370'000.-, aboutissant à un loyer annuel à la pièce de CHF 4'473.- pour la variante TL-S et CHF 4'058.- pour la variante D-R. La variante TL-S était coûteuse et la variante D-R plus conforme aux logements d'utilité publique
(ci-après : LUP).

28) Par réponse du 26 mars 2014, le DALE a conclu au rejet du recours, reprenant des éléments déjà exposés précédemment.

L'inventaire ISOS n'était pas contraignant. L'appartenance du bâtiment à un ensemble ne lui garantissait pas une protection absolue, d'autant plus que la CMNS n'avait à aucun moment souligné des caractéristiques particulièrement intéressantes ou des éléments méritant d'être maintenus. Les associations de défense du patrimoine ne s'étaient pas manifestées pour faire valoir un intérêt au maintien du bâtiment no 37.

La ville était opposée à la démolition du bâtiment existant, bien plus qu'au projet de construction. L'intérêt public prépondérant à la création de logements sociaux supplémentaires devait l'emporter sur l'unique intérêt patrimonial, faible, à la conservation du bâtiment. L'intérêt public à la garantie de la sécurité publique et de la salubrité ne pouvait pas non plus être ignoré.

29) Le 8 avril 2014 s'est tenue une audience devant le TAPI.

a. Selon les représentants de la ville, le DALE avait fait abstraction des préavis négatifs de la SCA. Seuls quatorze appartements seraient créés. Lors d'une demande préalable, la question du prix n'était pas abordée et il était prématuré de prévoir à ce stade qu'il s'agirait de logements HBM. Lorsque la fondation parlait de rénovation, il s'agissait d'une rénovation lourde et non pas d'une réhabilitation. Le tableau comparatif du 8 juin 2011 n'était qu'une analyse sommaire.

b. Le représentant de la fondation a expliqué que cette dernière ne construisait que des logements HBM, conformément à son but. La démolition et reconstruction avait été choisie car le retrait dans l'arrière-cour ne permettait pas l'augmentation de la surface habitable et il était impossible d'installer un ascenseur pour accéder aux étages supérieurs. L'architecte mandataire de la fondation avait étudié la rénovation et surélévation de l'immeuble et l'avait écartée, notamment pour une question de coûts.

c. La représentante du DALE a déclaré que les préavis de la CMNS avaient été examinés puis écartés suite à une pesée des intérêts, notamment en relation avec la création de logements HBM et la sécurité incendie. Le DALE ne s'était pas appuyé sur le rapport de M. BAERTSCHI.

Selon le chef de service de la police du feu, le rapport Zanetti était conforme aux exigences légales. Ses conclusions étaient correctes. L'analyse avait été effectuée sur la base du rapport, sans transport sur place. Il avait approuvé par expérience le caractère disproportionné des frais de rénovation et non sur la base des coûts, aucun chiffre n'ayant été produit. Il y avait une véritable plus-value à démolir sur le plan de la sécurité. Il n'avait pas pu comparer avec un projet de rénovation.

30) Le 29 avril 2014 a eu lieu un transport sur place, en présence des parties.

a. Le TAPI a constaté, à l'entrée de l'immeuble, que celui-ci se trouvait dans un état général défraîchi mais non délabré. L'état intérieur était également défraîchi mais non délabré. La structure porteuse paraissait en bon état. Les appartements visités des premier et deuxième étages se trouvaient dans un bon état général, sous réserve de deux appartements, l'un condamné suite à un incendie et l'autre vétuste. Dans le grenier, sur les murs et la charpente, il y avait des traces d'infiltration d'eau venant du toit. Ces traces d'humidité étaient également visibles depuis le couloir du dernier étage, au-dessus de la cage d'escaliers. Dans une des pièces du grenier, une partie du rampant de la toiture était dans un état abîmé, voire délabré. À la cave, l'installation des conduites électriques était d'origine, sauf exceptions ayant fait l'objet de réparations récentes. L'isolation entre les étages et les locaux était également d'origine. Il n'y avait pas de pare-feu entre les étages. La nourrice, régularisant le débit d'eau, avait été refaite environ une dizaine d'années auparavant. La chaufferie fonctionnait. Le plafond du local était d'origine, en planches de plâtre et roseaux. La chaudière datait de 1977. Selon le carnet d'entretien, tenu à jour, les brûleurs avaient été changés en 2006. L'accès à l'arrière-cour de l'immeuble se faisait par la rue Louis-Favre. De ce côté, l'immeuble était en retrait des bâtiments nos 35 et 39. La peinture des volets en bois, en état de fonctionner, était défraîchie. Sous la toiture, la partie du berceau était défraîchie et le couloir des chéneaux vétuste. À certains endroits, l'enduit du mur se décollait.

b. La représentante de la ville a relevé que le rapport Zanetti mentionnait par erreur que l'accès à l'arrière-cour se trouvait sur la rue de la Servette et que les pompiers ne pouvaient pas y accéder. Les travaux projetés ne changeraient rien à la configuration de l'accès.

Selon le conseiller en conservation du patrimoine de la ville, les berceaux devaient être changés et le chéneau était vétuste, mais la structure était encore en état.

c. Les représentants de la fondation ont observé que le coût de la rénovation ne pouvait être estimé que de manière peu précise, contrairement à celui d'une reconstruction.

d. Selon le concierge de l'immeuble, l'appartement de quatre pièces du quatrième étage avaient été refait entièrement, sauf les fenêtres, deux ans auparavant.

31) Le 30 avril 2014, la fondation a sollicité l'audition de M. HILTPOLD, indispensable pour répondre de manière précise et complète aux trois points soulevés par la ville lors du transport sur place, soit le nombre de logements projetés, l'examen de diverses alternatives avant le dépôt de la demande préalable et l'impossibilité de conserver la façade du bâtiment du côté de la rue de la Servette sans perdre un étage par rapport au projet déposé.

32) Le 13 mai 2014, la fondation a persisté à demander l'audition de M. HILTPOLD.

Le projet initial prévoyait la construction de vingt-et-un appartements de trois et quatre pièces, soit septante-sept pièces au total. Suite à la demande du DALE, le mandataire avait établi une variante comprenant deux logements de cinq pièces par étage, soit quatorze appartements totalisant septante pièces. Le projet autorisé dans le cadre de la demande préalable n'étant pas « constructible », le nombre final d'appartements et de pièces ne serait fixé que dans le cadre de la demande définitive d'autorisation de construire.

33) Le même jour, la ville a souligné que la qualification de vétuste de l'appartement de deux pièces du deuxième étage était excessive. Si le parquet, ancien et doté d'une certaine souplesse, bougeait, ce n'était pas un indice de vétusté. Le pare-feu était conforme aux exigences de l'époque de construction de l'immeuble.

34) Le 14 mai 2014, le DALE a précisé que l'autorisation de construire définitive avait été délivrée le 8 mai 2014 pour le bâtiment no 35.

35) Le 3 juin 2014 s'est déroulée une audience devant le TAPI, en présence des représentants des parties.

Selon la directrice générale de l'OPS, entendue à titre de témoin, il n'y avait pas eu de transport sur place avant le premier préavis de la SCA. Un collaborateur du SMS s'était par la suite rendu sur place et lui avait fait un rapport, à teneur duquel l'immeuble n'avait pas bénéficié de travaux d'entretien réguliers mais ne se trouvait pas dans un état délabré au point de ne pas pouvoir être restauré. L'état actuel du bâtiment permettait son maintien, sans besoin de recourir à une contre-expertise compte tenu du rapport Zanetti, l'évaluation ayant été faite par analogie. La CMNS avait examiné tous les intérêts invoqués et analysé les moyens de préserver un ensemble ancien tout en adaptant le gabarit et en gardant un ensemble harmonieux sur le plan urbanistique. Le principe d'épannelage pouvait être respecté dans le cadre d'une démolition et reconstruction. Il devait être respecté, la préoccupation dans la rue de la Servette étant de rétablir une ligne de corniche. L'inventaire des ensembles comportait des cas servant d'exemples et couvrait assez bien tous les types d'ensembles construits à Genève destinés à être protégés, lesquels allait de l'architecture la plus simple à la plus sophistiquée. Il y avait eu à l'époque une volonté très claire de préserver les quartiers d'habitation représentant les caractéristiques de Genève, soit les Pâquis, les Eaux-Vives, Plainpalais et la Servette.

La directrice générale de l'OPS a indiqué verser à la procédure les documents sur lesquels la CMNS s'était basée pour examiner le dossier, contenant des données concernant les immeubles pouvant être surélevés, afin d'obtenir une augmentation des gabarits tout en gardant un alignement vertical linéaire. Elle a ainsi produit un extrait d'un texte concernant le développement de l'agglomération traitant notamment du quartier de la Servette ainsi qu'un plan correspondant au plan de l'inventaire ISOS.

36) Par jugement du 3 septembre 2014, expédié pour notification le lendemain, le TAPI a admis le recours et annulé l'autorisation préalable de construire et l'autorisation de démolir.

Les éléments contenus dans le dossier permettaient au TAPI d'examiner les griefs soulevés et statuer sur les points litigieux. Il n'y avait pas lieu de donner suite à la requête d'audition de M. HILTPOLD.

Si l'immeuble ne figurait pas à l'inventaire des ensembles, il ressortait du dossier qu'il avait déjà été reconnu par la CMNS, en 1986, comme un élément architectural formant un ensemble avec les bâtiments nos 31 à 49, à protéger. Le transport sur place avait permis de constater que ces bâtiments constituaient indiscutablement un ensemble. Le préavis de la CMNS était obligatoire.

Tant la SCA que le SMS avaient émis des préavis défavorables à la démolition et reconstruction d'un immeuble partie d'un ensemble protégé. Un membre du SMS avait constaté que le bâtiment ne se trouvait pas dans un état de délabrement au point de ne pas pouvoir être restauré. Le DALE ne s'était pas déplacé et l'inspecteur de la police du feu avait rendu son préavis favorable sur la seule base du rapport Zanetti, ayant procédé à une appréciation purement subjective et personnelle. Cette manière de procéder était lacunaire et dépourvue de toute rigueur. Le préavis de la police du feu ne pouvait être déterminant. Le TAPI avait constaté le bon état général du bâtiment, ni les parties abîmées par des infiltrations d'eau, ni la partie de la cave où se trouvait la chaufferie n'étant alarmantes. Le prétendu état de délabrement avancé de l'immeuble et le danger représenté pour ses habitants ou le public n'étaient pas établis. Le respect des normes de sécurité n'impliquait pas la démolition, des mesures de remise en conformité dans le cadre d'une rénovation étant possibles. Les mesures listées dans le rapport Zanetti n'impliquaient a priori pas des travaux irréalisables ou disproportionnés au regard de l'état général de l'immeuble, les coûts d'une rénovation n'étant aucunement chiffrés. Des raisons purement économiques et l'intention d'atteindre la meilleure solution architecturale ou une utilisation optimale du terrain ne suffisaient pas à elles seules à justifier le non-respect des dispositions de protection visant le maintien des ensembles. Le projet prévoyait la création d'un seul logement supplémentaire, l'intérêt à la création de logements n'étant pas prépondérant.

37) a. Par acte du 3 octobre 2014, la fondation a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant préalablement à l'audition de M. HILTPOLD et principalement à l'annulation du jugement attaqué, à la confirmation des autorisations de construire et démolir litigieuses, à la mise des frais à la charge de la ville ainsi qu'à la condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité équitable pour les honoraires d'avocat.

Elle a repris et précisé son argumentation précédente.

Le TAPI avait retenu que les coûts d'une rénovation n'étaient pas chiffrés et qu'un seul logement supplémentaire serait créé, ceci après avoir refusé l'audition de M. HILTPOLD, qui devait précisément apporter des éléments supplémentaires sur ces deux points. Le TAPI avait violé son droit d'être entendu. La chambre administrative devait réparer cette violation en entendant M. HILTPOLD.

La liste indicative concernait des ensembles centenaires et n'était pas susceptible de devoir être actualisée. Même à retenir que le bâtiment faisait partie d'un ensemble, il s'agissait d'un immeuble sans style ni caractère particulier, de sorte qu'il devait être renoncé à la protection.

Le transport sur place avait permis au TAPI d'observer les caractéristiques visibles de l'immeuble mais pas son délabrement structurel important. La police du feu était en mesure de se fonder sur les éléments techniques contenus dans un rapport d'expert pour évaluer la situation d'un bâtiment. Après avoir durement critiqué le rapport Zanetti, le TAPI s'y était référé afin de laisser entendre que la démolition de l'immeuble ne s'imposerait pas. La variante des plans soumise au service juridique LDTR dans le cadre de la demande préalable découlait d'une demande du DALE de prévoir deux logements de cinq pièces par étage, soit quatorze appartements. Seule la demande définitive permettrait de déterminer le nombre d'appartements et de pièces. L'objectif de la fondation demeurait vingt et un logements. Une surélévation du bâtiment entraînerait l'obligation d'installer un ascenseur, ce qui entraînerait inévitablement la perte d'une pièce habitable par étage. En l'absence d'excès ou d'abus de pouvoir d'appréciation par le DALE, le TAPI ne pouvait substituer sa propre appréciation à celle de ce dernier.

b. À l'appui de son recours, la fondation a versé à la procédure la motion
M-1'115 du 25 février 2014, par laquelle le Conseil municipal de la ville demandait au Conseil administratif de retirer immédiatement le recours à l'encontre de la fondation et de laisser cette dernière démolir le bâtiment no 37 et construire un nouvel immeuble de qualité, ainsi que la résolution R-176 du
25 mars 2014, par laquelle le Conseil municipal demandait au Conseil administratif d'appliquer immédiatement sa décision et de retirer le recours, de sorte à permettre la création de vingt et un logements.

38) Le 9 octobre 2014, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative, sans formuler d'observations.

39) a. Par réponse du 10 novembre 2014, la ville a conclu au rejet du recours, avec suite de frais et « dépens », reprenant et précisant l'argumentation formulée auparavant ainsi que des éléments du jugement du TAPI.

Le tableau comparatif du 8 juin 2011, certes contesté, confirmait le bien-fondé du jugement. Il n'y avait pas eu de violation du droit d'être entendu.

La notion d'ensemble n'était pas limitée aux ensembles exceptionnels. Le rapport de M. BAERTSCHI, qui avait pour but d'établir une méthodologie pour la surélévation d'immeubles et non d'identifier les ensembles, confirmait expressément que le bâtiment no 37 faisait partie d'un ensemble. L'immeuble était dans un bon état général. Les conditions pour qu'il puisse être démoli n'étaient pas remplies.

La légalité du projet de construction n'avait été examinée ni par la CMNS, ni par le TAPI. Si l'autorisation de construire devait être considérée comme valable, le dossier devrait être renvoyé au DALE pour instruction complémentaire, afin que la CMNS se prononce. Le gabarit projeté dépassait le plan d'épannelage de 1986.

Les travaux, quels qu'ils soient, ne porteraient pas sur le passage menant à l'arrière-cour et il existait de nombreux moyens permettant d'augmenter la sécurité incendie d'immeubles dont l'accessibilité était réduite. De simples travaux de finition permettraient, à moindres frais, de garantir un compartimentage adéquat. Même avec une démolition, les mesures figurant dans le rapport Zanetti devraient être prises, pour des coûts identiques voire plus élevés qu'en cas de rénovation. Certaines mesures de remise à neuf ne s'imposaient pas, vu les constatations faites lors du transport sur place. Il ressortait de plusieurs points du rapport Zanetti que certaines analyses n'avaient pas été effectuées, les affirmations de délabrement structurel ne reposant dès lors sur aucune analyse objective sérieuse. Certains points relevaient de l'entretien courant et ne constituaient pas des mesures particulièrement lourdes ou onéreuses. L'argument de la fondation quant à l'habitabilité devait être écarté. Le bâtiment projeté ne comporterait qu'un seul appartement supplémentaire. Le coût de la rénovation n'apparaissait pas astronomique, étant inférieur à celui de la démolition et le coût par pièce pratiquement identique pour une rénovation ou une démolition et reconstruction.

b. La ville a notamment joint à sa réponse deux courriers des 20 et 21 mars 2014, par lesquels le Collectif d'Associations d'habitant-e-s de quartiers de Genève et Patrimoine Suisse lui faisaient part de leur soutien dans la contestation des deux autorisations litigieuses.

40) Par réponse du même jour, le DALE a conclu à l'admission du recours, à l'annulation du jugement du TAPI ainsi qu'à la confirmation des autorisations de construire en cause, reprenant et complétant son argumentation précédente.

La question de la possibilité et des coûts d'une mise en conformité était déterminante pour l'issue du litige. Il ressortait de son jugement que le TAPI n'était pas suffisamment renseigné pour trancher.

La question était de savoir si l'ensemble était digne de protection, et, partant, intangible. Ni la CMNS, ni le TAPI n'avaient effectué cette analyse, de sorte que le DALE était fondé pour ce motif déjà à ne pas suivre le préavis. Il ne ressortait pas du dossier qu'il y ait une unité architecturale digne de protection. L'intérêt public lié au potentiel de logements, cas échéant, à l'amélioration des conditions de logement, constituait un motif prépondérant et l'emportait sur l'intérêt au maintien de l'immeuble. S'agissant d'une autorisation préalable de construire, le nombre de logements n'était pas arrêté. Les plans faisaient état d'un potentiel de huit logements supplémentaires. L'amélioration de la qualité - notamment meilleures typologie et technologie - et de la sécurité des logements répondait également à un intérêt public évident. L'élément réellement déterminant correspondait à la surface supplémentaire de logements, en l'espèce de 907 m2, représentant une augmentation de plus de 105 %. Une rénovation entraînerait des loyers annuels par pièce de CHF 400.- plus élevés par rapport à une démolition et reconstruction, ce qui aurait également dû être pris en considération. Le bon état du bâtiment - dont le TAPI ne semblait lui-même pas entièrement convaincu, vu la terminologie utilisée - n'était pas décisif, une retenue s'imposant pour des immeubles sans style ni caractère particulier. L'intérêt à la conservation du bâtiment n'était pas prépondérant.

41) Le 20 mars 2015 a eu lieu un transport sur place.

a. Le juge délégué de la chambre administrative a indiqué à la fondation qu'il lui était loisible de produire le relevé des coûts de rénovation de l'appartement du quatrième étage.

Un appartement du deuxième étage avait été muré pour éviter l'installation de squatters, les deux appartements visités du côté de la rue de la Servette étaient relativement insalubres et les autres n'étaient à tout le moins pas insalubres. Plusieurs endroits mériteraient au moins un rafraîchissement.

b. Les représentants de la fondation ont déclaré qu'elle produirait des documents concernant les études préliminaires effectuées dans le cadre du projet. Elle n'obtenait en général pas de financement de l'État pour des travaux de transformations, mais uniquement pour des constructions neuves. Elle ne se lancerait pas dans la coûteuse opération de surélévation proposée par la ville. Un projet sans ascenseur ne conviendrait pas aux personnes auxquelles elle affectait des logements. S'agissant d'une demande préalable, aucun ingénieur civil n'avait été mandaté - un géotechnicien ayant cependant mené des études de qualité de la portance des sols - et les aspects financiers et typologiques des appartements n'avaient fait l'objet que d'évaluations. Le choix de deux appartements par étage avait été opéré pour des raisons de sécurité, de manière à ce qu'ils soient traversants.

Selon l'architecte présente pour la fondation, l'immeuble résultait de la transformation et de l'agrandissement d'une maison. Sur la façade côté rue de la Servette des fissures marquaient cet ajout. Les pièces étroites posaient des problèmes d'habitabilité et ne pouvaient entrer dans les plans financiers contrôlés par l'office du logement. En raison des profondes modifications intervenues sur l'immeuble, une surélévation poserait des problèmes au plan statique. La fondation souhaitait améliorer la qualité d'habitat en faisant des appartements traversants. Le décentrage de l'escalier obligerait, en cas de rénovation, à compartimenter de manière importante certains appartements pour des coûts importants et imposerait un appartement mono-orienté. Avec une reconstruction, la fondation pourrait utiliser l'espace dans l'arrière-cour.

Conformément aux déclarations du représentant du service technique de la fondation, les appartements, satisfaisants au plan esthétique, posaient des problèmes aux niveaux sanitaire et de l'électricité, engendrant des coûts de rénovation très élevés. À cela s'ajoutait la mise aux normes des menuiseries extérieures et des portes palières. Dans le cadre d'un test afin de voir les coûts représentés, l'appartement visité au quatrième étage avait été rénové en 2009 dans son style initial et remis aux normes concernant l'électricité et les sanitaires. Depuis l'achat de l'immeuble, la fondation n'avait rien fait quant à l'électricité défectueuse, car elle souhaitait démolir l'immeuble. Sur le toit, malgré l'étanchéité défectueuse et l'absence d'isolation, la structure porteuse en bois, dans sa partie visible, semblait être en bonne état.

c. Selon le représentant du DALE, une surélévation impliquerait la mise en place d'un ascenseur, s'agissant d'une transformation lourde, sauf dérogation.

Le chef de service de la police du feu a confirmé le caractère incontestable des constatations du rapport Zanetti. Si une rénovation n'était pas impossible, les travaux nécessaires étaient lourds et importants, notamment au niveau des gaines techniques, du cloisonnement et de l'accès des secours. En termes de politique publique, la police du feu ne pouvait qu'approuver les conclusions du rapport, car il y aurait clairement une valeur ajoutée quant à la sécurité et la salubrité en cas de démolition et reconstruction. Le fait que l'appartement soit mono-orienté côté cour était problématique, le sauvetage se compliquant considérablement si les pompiers devaient passer par la porte d'entrée.

d. Selon sa représentante, la ville avait récemment rénové des immeubles sans installer d'ascenseur. La procédure d'autorisation préalable avait notamment pour objet de fixer le gabarit, qui ne pouvait ensuite plus être contesté.

À teneur des déclarations du conseiller en conservation du patrimoine de la ville, la maison initiale avait été complétée afin d'assurer une continuité avec les immeubles adjacents et les balcons étaient conçus pour répondre à ceux des autres immeubles.

Conformément aux propos de l'ingénieur en sécurité de la ville, les manques, dus à un défaut d'entretien, pouvaient faire l'objet de mise aux normes à petits frais dans le cadre d'une rénovation. Toutes les installations électriques, sanitaires, thermiques et aérauliques pouvaient être remises aux normes.

e. Selon la représentante de la CMNS, historienne de l'art, la démolition d'un immeuble d'un ensemble pour reconstruction était exclue, sauf s'il était déclaré en ruine. À des coûts certes importants, la rénovation était possible moyennant des mesures pointues. Il serait possible de créer des locaux communs dans l'arrière-cour en faisant une ouverture au rez-de-chaussée.

f. Selon son représentant, architecte-conservateur, la position du SMS résultait du plan produit par la directrice générale de l'OPS. De nombreux immeubles de la rue de la Servette avaient fait l'objet de transformations, souvent avec pose d'un ascenseur - un petit étant suffisant - et agrandissement des pièces. Dans ces immeubles protégés, il était possible de faire tous les travaux de mise en conformité exigés à des coûts raisonnables. Des transformations telles qu'une ouverture en alcôve, l'agrandissement de pièces jugées inhabitables ou l'amélioration en équipements sanitaires et de cuisine, étaient admissibles d'un point de vue patrimonial. Les immeubles sis en face, au 24 et 26, rue du Jura et présentant un état d'entretien et de vétusté similaires, avaient été rénovés, sans pose d'un ascenseur, vu l'exiguïté du plan typologique. Les mises en conformité relatives à la sécurité étaient compatibles avec le maintien de l'immeuble, comme en témoignait l'ensemble des bâtiments anciens maintenus et restaurés à Genève. La mention MS-e45 sur le préavis de la SCA était due à un copier-coller. Il n'y avait pas eu d'influence de l'immeuble MS-e45 dans l'appréciation de la CMNS.

g. M. HILTPOLD a expliqué qu'il avait initialement étudié la solution de l'aménagement des combles dans le volume existant. Cependant, en raison de la configuration de la cage d'escalier, excentrée, seul un appartement, et non deux, pouvait être construit, contrairement aux souhaits de la fondation. La possibilité d'une surélévation, inintéressante du fait de la cage d'escalier latérale, avait ensuite été abandonnée. La dernière variante consistait à faire une étude de circulation à l'extérieur sur la partie arrière du bâtiment, côté cour, comprenant un escalier et un ascenseur. Elle posait des problèmes d'habitabilité - en raison de pièces latérales non considérables compte tenu de la largeur des travées - et d'ordre statique - du fait de la nécessité de modifier les porteurs au niveau central. Le dépassement de l'épannelage entrait dans la latitude laissée dans le cadre d'une demande préalable. Il serait possible de rentrer dans son cadre lors de la demande définitive. Le DALE avait demandé à la fondation de choisir entre la variante à vingt et un appartements et celle à quatorze, la fondation ayant opté pour cette dernière.

h. Selon M. ROCH, les points figurant dans le rapport Zanetti représentaient des travaux très conséquents. Le compartimentage coupe-feu entre appartements n'était pas conforme. Il y avait actuellement un risque accru d'incendie, dû à l'installation électrique, y compris les tableaux et les fils, défectueuse et dangereuse, surtout au sous-sol. Aucune analyse financière n'avait été effectuée, mais, d'expérience, il était possible que les coûts de remise aux normes en matière de sécurité et technique avoisinent la démolition et reconstruction d'un nouvel immeuble à surface équivalente. Dans les combles, il y avait une incertitude quant à l'état des gaines techniques et canalisations intérieures au niveau hygiénique, du fait d'infiltrations, qui pourraient éventuellement provenir de ces gaines et canalisations. Au sous-sol, la solidité des poutres du plafond en bois n'était pas contestée mais l'état de la résistance au feu du cloisonnement coupe-feu et des portes des locaux était source d'inquiétude. Il faudrait rénover tout le sous-sol. Il y avait un risque immédiat dû notamment au tableau électrique et à l'isolation des conduites de chauffage, actuellement en matériaux très inflammables.

M. TORRE a expliqué, au sous-sol, que la porte était en simple tôle. S'il y avait un feu, le plafond, en bois, n'aurait plus aucune résistance. On pouvait conserver la structure en bois pour autant que des dalles prenant appui sur la structure porteuse soient installées. Une rénovation complète du bâtiment ne le remettrait pas forcément aux normes de sécurité, notamment vu les appartements mono-orientés côté cour. Il y avait des problèmes de cloisonnement coupe-feu. En cas de feu, la poutre métallique, constituant probablement une structure porteuse, perdrait une grande partie de sa résistance, créant un risque pour le bâtiment. Cette poutre pourrait être protégée soit par du faux-plafond, soit du Fermacell.

i. Selon la locataire de l'appartement rénové du quatrième étage, la fondation lui avait indiqué que les travaux avaient coûté CHF 60'000.-.

j. La fondation a versé à la procédure des plans mettant en évidence les murs hérités de la maison initiale.

La représentante de la CMNS a produit un document relatif au bâtiment no 37, la liste des ensembles du XIXe et du XXe siècles concernant notamment le secteur de la Servette du 3 décembre 2014 - dans laquelle le bâtiment no 37 figurait dans l'ensemble « Ms-e. 104 » - ainsi que le procès-verbal de la séance plénière de la CMNS du 17 décembre 2014 - lors de laquelle cette liste avait été adoptée.

42) Par courrier du 18 mai 2015, suite au transport sur place, M. HILTPOLD a indiqué qu'il n'avait pas retrouvé de documents plus complets ou significatifs que ceux déjà produits par la fondation concernant les études préliminaires effectuées.

43) Par courrier du 22 mai 2015, la fondation a confirmé que M. HILTPOLD ne possédait d'autres documents que ceux déjà produits.

44) Dans ses observations du 31 août 2015, le DALE a persisté dans l'intégralité de ses conclusions.

Les seuls éléments énumérés comme dignes d'être préservés avaient trait à l'intérieur de l'immeuble et devaient toutefois être nuancés, vu la perte de substance intérieure du bâtiment relevée par le SMS dans son préavis du 11 avril 2011. Les enquêtes n'avaient pas permis de démontrer en quoi l'immeuble mériterait d'être maintenu, indiquant au contraire qu'il n'avait aucun style ou caractère particulier. Elles avaient démontré que la solution de la démolition et reconstruction répondait à un intérêt public patent.

45) a. Dans ses déterminations du 14 septembre 2015, la ville a maintenu ses conclusions, reprenant et précisant son argumentation précédente.

M. HILTPOLD ayant été entendu lors du transport sur place, le grief de violation du droit d'être entendu était devenu sans objet.

Lorsque l'immeuble avait été vendu à la fondation, il était considéré en bon état, le prix fixé tenant compte, le cas échéant, du coût des travaux de réfection, et présentait un rendement adéquat. Le procès-verbal du transport sur place ne décrivait qu'un seul appartement insalubre. Seuls quelques défauts avaient été observés dans les autres appartements. L'apport d'une valeur ajoutée n'était pas suffisant pour justifier la démolition d'un immeuble d'un ensemble. Si l'état du sous-sol n'était pas satisfaisant, des solutions de mises en conformité existaient et avaient été réalisées dans d'autres immeubles. Les prétendus problèmes d'habitabilité et de typologie n'avaient pas été étudiés avec l'attention qui s'imposait par la fondation, qui avait d'emblée privilégié la démolition et reconstruction. Il n'était pas exclu de rénover un immeuble sans créer d'ascenseur, cette question n'ayant pas fait l'objet d'une analyse chiffrée et documentée.

b. À l'appui de ses déterminations, la ville a versé à la procédure un communiqué de presse du DALE du 26 juin 2008 concernant la création de huit cent six LUP après l'achat de trente-sept immeubles de la fondation de valorisation. L'État avait identifié des immeubles répondant à un certain nombre de critères, dont un prix à la pièce permettant d'envisager la constitution d'un parc de LUP. La majorité des immeubles était en bon état. Certains nécessitaient des travaux de réfection plus importants, estimés à CHF 40'000'000.- par la police des constructions. Les immeubles présentaient à ce jour un rendement adéquat. L'enjeu de la négociation avait consisté dans la fixation d'un juste prix ne lésant pas le vendeur mais ne grevant pas non plus le rendement futur des immeubles. Le prix fixé tenait notamment compte des hypothèses de coût des travaux de rénovation.

46) Dans ses observations du même jour, la fondation a persisté dans ses conclusions, reprenant l'argumentation développée précédemment.

47) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit du jugement du TAPI annulant l'autorisation de démolir M 6'521-4 ainsi que l'autorisation préalable de construire DP 18'327-4 délivrées par le DALE le 9 décembre 2013.

3) Dans un grief d'ordre formel, la recourante reproche au TAPI d'avoir violé son droit d'être entendu.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_545/2014 du 9 janvier 2015 consid. 3.1 ; 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3).

b. Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 p. 148 ; 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_119/2015 du 16 juin 2015 consid. 2.1 ; ATA/695/2015 du 30 juin 2015 consid. 2a).

c. La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et notamment de la violation du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197 ss ; 133 I 201 consid. 2.2 p. 204 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_533/2012 du 12 septembre 2013 consid. 2.1 ; ATA/666/2015 du 23 juin 2015 consid. 2b). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 126 I 68 consid. 2 p. 72 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_641/2012 du 31 avril 2013 consid. 3.4 ; 1C.63/2008 du 25 août 2008 consid. 2.1). Elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 190 ss ; 136 V 117 consid. 4.2.2.2 p. 126 s ; 133 I 201 consid. 2.2 p. 204 ; 132 V 387 consid. 5.1 ; ATA/666/2015 précité consid. 2b). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse, aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/666/2015 précité consid. 2b ; ATA/203/2015 du 24 février 2015 consid. 2c ; ATA/451/2014 du 17 juin 2014 consid. 4).

d. En l'espèce, la recourante reproche au TAPI de ne pas avoir entendu M. HILTPOLD. Elle reconnaît toutefois que l'éventuelle violation de son droit d'être entendu par le TAPI se trouverait réparée dans le cadre de la procédure de recours devant la chambre administrative, par l'audition de M. HILTPOLD. Or, la chambre de céans, qui dispose du même pouvoir d'examen que le TAPI, a entendu M. HILTPOLD lors du transport sur place du 20 mars 2015 et a en tout état de cause réparé une éventuelle violation du droit d'être entendu.

Dans ces circonstances, le grief de violation du droit d'être entendu sera écarté, si tant est qu'il ait gardé un quelconque objet.

4) La recourante soutient que l'immeuble litigieux ne ferait pas partie d'un ensemble digne d'être protégé au sens des art. 89 ss LCI.

a. L'unité architecturale et urbanistique des ensembles du XIXe siècle et du début du XXe siècle situés en dehors des périmètres de protection de la
Vieille-Ville et du secteur sud des anciennes fortifications (let. a) ainsi que du vieux Carouge (let. b) doit être préservée (art. 89 al. 1 LCI). Sont considérés comme ensemble les groupes de deux immeubles ou plus en ordre contigu, d'architecture identique ou analogue, ainsi que les immeubles séparés dont l'emplacement, le gabarit et le style ont été conçus dans le cadre d'une composition d'ensemble dans le quartier ou dans la rue (art. 89 al. 2 LCI).

Cette disposition pose le principe du but de la protection et confirme qu'il ne s'agit pas de protéger un quartier comme tel, ni de protéger un immeuble isolé (MGC 1983/II 2202 p. 2207). L'art. 89 al. 2 LCI n'exige pas que les constructions soient accolées pour pouvoir être qualifiées d'ensemble. Cette qualification ne dépend pas non plus de l'existence d'un document ayant une portée juridique ou de l'intégration du site dans la liste indicative dressée par le DALE (art. 90 al. 4 LCI). Elle procède d'une volonté d'unité et d'harmonie dans la conception de l'espace aménagé, dont les différents éléments forment un tout projeté et cohérent. Enfin, le fait que la construction soit postérieure à la période fazyste n'est pas davantage un obstacle à cette qualification (ATA/495/2009 du 6 octobre 2009 consid. 6 ; ATA/613/2008 du 9 décembre 2008 consid. 5 ; MGC 1983/II 2202 p. 2207).

b. Les ensembles dont l'unité architecturale et urbanistique est complète sont maintenus. En cas de rénovation ou de transformation, les structures porteuses, de même que les autres éléments particulièrement dignes de protection doivent, en règle générale, être sauvegardés (art. 90 al. 1 LCI). Le DALE établit et publie sans tarder une liste indicative des ensembles visés à l'art. 90 al. 1 LCI (art. 90 al. 4 LCI).

Cette disposition a été conçue comme introduisant la mesure de protection, soit le maintien de l'immeuble, laquelle s'impose lorsque l'unité architecturale et urbanistique est complète (MGC 1983/II 2202 p. 2207). Quant à l'obligation de l'art. 90 al. 4 LCI, elle avait pour but de contraindre l'administration à informer rapidement le public de la politique adoptée dans l'application de la loi. Si la liste avait une valeur indicative, c'est que le DALE ne pouvait à ce stade et dans un délai court adopter une procédure contraignante (MGC 1983/II 2202 p. 2208).

5) Depuis quelques décennies en Suisse, les mesures de protection du patrimoine ne s'appliquent plus uniquement à des monuments exceptionnels ou à des oeuvres d'art mais visent des objets très divers du patrimoine architectural du pays, parce qu'ils sont des témoins caractéristiques d'une époque ou d'un style (Philip VOGEL, La protection des monuments historiques, 1982, p. 25). La jurisprudence a pris acte de cette évolution (ATF 126 I 219 consid. 2 p. 223 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_300/2011 du 3 février 2012 consid. 5.1.1). Alors qu'à l'origine, les mesures de protection visaient essentiellement les monuments historiques, à savoir des édifices publics, civils ou religieux, ainsi que des sites et objets à valeur archéologique, elles se sont peu à peu étendues à des immeubles et objets plus modestes, que l'on a qualifié de patrimoine dit « mineur », caractéristique de la campagne genevoise, pour enfin s'ouvrir sur une prise de conscience de l'importance du patrimoine hérité du XIXe siècle et la nécessité de sauvegarder un patrimoine plus récent, voire contemporain (ATA/1214/2015 du 10 novembre 2015 consid. 4d ; ATA/721/2012 du 30 octobre 2012 consid. 4c). Néanmoins, comme tout objet construit ne mérite pas une protection, il faut procéder à une appréciation d'ensemble, en fonction des critères objectifs ou scientifiques. Pour le classement d'un bâtiment, la jurisprudence prescrit de prendre en considération les aspects culturels, historiques, artistiques et urbanistiques. La mesure ne doit pas être destinée à satisfaire uniquement un cercle restreint de spécialistes. Elle doit au contraire apparaître légitime aux yeux du public ou d'une grande partie de la population, pour avoir en quelque sorte une valeur générale (ATF 120 Ia 270 consid. 4a p. 275 ; 118 Ia 384 consid. 5a p. 389 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_32/2012 du 7 septembre 2012 consid. 6.1 ; ATA/428/2010 du 22 juin 2010 consid. 7c et les références citées).

6) a. Les demandes d'autorisation, ainsi que les travaux de réfection de façades et de toitures concernant des immeubles visés à l'art. 89 LCI sont soumis, pour préavis, à la CMNS (art. 93 al. 1 LCI). Cette dernière formule son préavis après s'être renseignée sur les servitudes et les dispositions qui ont régi l'aménagement initial du quartier, de la rue et des constructions au XIXe siècle et au début du XXe siècle (art. 93 al. 2 LCI).

b. Selon une jurisprudence bien établie, la chambre administrative observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de
celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/636/2015 du 16 juin 2015 consid. 7a ; ATA/1019/2014 du 16 décembre 2014 consid. 11b ; ATA/126/2013 du 26 février 2013 consid. 9b). La chambre est en revanche libre d'exercer son propre pouvoir d'examen lorsqu'elle procède elle-même à des mesures d'instruction, à l'instar d'un transport sur place (ATA/699/2015 du 30 juin 2015 consid. 4).

c. Lorsque l'autorité s'écarte desdits préavis, la chambre administrative peut revoir librement l'interprétation des notions juridiques indéterminées, mais contrôle sous le seul angle de l'excès et de l'abus de pouvoir, l'exercice de la liberté d'appréciation de l'administration, en mettant l'accent sur le principe de la proportionnalité en cas de refus malgré un préavis favorable et sur le respect de l'intérêt public en cas d'octroi de l'autorisation malgré un préavis défavorable (ATA/636/2015 précité consid. 7a ; ATA/495/2009 du 6 octobre 2009 consid. 7).

d. Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi. L'autorité reste libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur (ATA/636/2015 précité consid. 7a ; ATA/51/2013 du 21 janvier 2013). La LCI ne prévoit pas de hiérarchie entre les différents préavis requis. Toutefois, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/636/2015 précité consid. 7a ; ATA/417/2009). Ainsi, lorsque la consultation de la CMNS est imposée par la loi, le préavis de cette commission a un poids certain dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours (ATA/636/2015 précité consid. 7a ; ATA/416/2015 du 5 mai 2015 consid. 7a). En effet, la CMNS se compose pour une large part de spécialistes, dont notamment des membres d'associations d'importance cantonale, poursuivant par pur idéal des buts de protection du patrimoine (art. 46 al. 2 LPMNS). À ce titre, son préavis est important (ATA/636/2015 précité consid. 7a ; ATA/126/2013 précité consid. 9c). En cas de préavis divergents, une prééminence est ainsi reconnue à celui de la CMNS lorsque son préavis est requis par la loi (ATA/318/2015 du 31 mars 2015 consid. 12c ; ATA/956/2014 du 2 décembre 2014 consid. 6 ; ATA/51/2013 du 29 janvier 2013 consid. 5d).

e. S'agissant des jugements rendus par le TAPI, la chambre administrative exerce son pouvoir d'examen avec retenue car celui-ci se compose pour partie de personnes possédant des compétences techniques spécifiques (ATA/318/2015 précité consid. 12b ; ATA/86/2015 précité consid. 5d ; ATA/1019/2014 du 16 décembre 2014 consid. 11b).

7) En l'espèce, tant la CMNS et le SMS que le DALE et le TAPI ont considéré que l'immeuble litigieux faisait partie d'un ensemble. Ainsi, dans son préavis du 7 décembre 2010, la CMNS a indiqué que le bâtiment faisait partie d'un ensemble devant être maintenu. Si ce préavis comporte la mention « MS-e45 », cette dernière est barrée et le préavis indique expressément traiter du bâtiment du 37, rue de la Servette. Ces éléments démontrent que la CMNS avait conscience de ne pas traiter de l'ensemble MS-e45, ce que le représentant du SMS a d'ailleurs confirmé. La CMNS a au surplus confirmé sa position - sans se référer à l'ensemble MS-e45 - dans son préavis du 5 juillet 2011, puis en adoptant, le
17 décembre 2014, la liste des ensembles du XIXe et du XXe siècles du 3 décembre 2014. Par ailleurs, dans ses deux préavis des 17 janvier et 11 avril 2011, le SMS a adhéré à la position de la CMNS et confirmé que l'immeuble litigieux faisait partie d'un ensemble protégé. De plus, le DALE
lui-même a reconnu que le bâtiment faisait partie d'un ensemble protégé, conformément au courrier du Conseiller d'État en charge de ce département du 6 décembre 2013. Finalement, le TAPI a indiqué avoir constaté lors de son transport sur place que l'immeuble faisait indiscutablement partie d'un ensemble. Les constatations effectuées lors du transport sur place dans la procédure devant la chambre administrative ne remettent pas en cause cette qualification.

Par conséquent, l'ensemble des spécialistes et des autorités compétentes a retenu que l'immeuble litigieux faisait partie d'un ensemble digne de protection.

Ce résultat est au surplus conforté par le fait que le périmètre concerné fait partie de l'inventaire ISOS des sites construits à protéger en Suisse, d'importance nationale, avec un objectif de sauvegarde en catégorie A, à savoir la sauvegarde intégrale de toutes les constructions et espaces libres avec suppression de toutes les causes de perturbation.

Au vu de ce qui précède, il n'est pas discutable que le bâtiment litigieux fait partie d'un ensemble digne de protection au sens des art. 89 ss LCI, de sorte que le grief sera écarté.

8) La recourante affirme ensuite que le TAPI ne pouvait substituer sa propre appréciation à celle du DALE, qui n'aurait ni excédé, ni abusé de son pouvoir d'appréciation.

a. Afin de conserver l'homogénéité de l'architecture, la hauteur des corniches et le nombre de niveaux des immeubles reconstruits au sein des ensembles visés à l'art. 89 doivent être maintenus (art. 92 al. 1 LCI). Une dérogation quant au nombre de niveaux peut être accordée par le DALE si l'esthétique de l'ensemble le justifie (art. 92 al. 2 LCI).

Cette disposition démontre que le législateur n'a pas estimé possible de décréter le maintien obligatoire de tous les immeubles à protéger (MGC 1983/II 2202 p. 2208). La protection conférée par les art. 89 ss LCI n'est ainsi pas absolue (ATA/720/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5b). Il est des circonstances où la démolition peut s'imposer, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité ou de salubrité (MGC 1983/II 2202 p. 2208). La protection doit ainsi répondre au principe de la proportionnalité et implique une pesée des intérêts public et privé en présence (ATA/720/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5b ; ATA/495/2009 du 6 octobre 2009 consid. 13 ; ATA/162/1998 du 24 mars 1998 consid. 7 et 8).

En édictant les dispositions légales des art. 89 ss LCI, le législateur a voulu avant tout préserver le caractère architectural et urbanistique des ensembles du XIXe et du début du XXe siècles et éviter des rénovations ou des transformations abusives. Il n'a nullement prétendu vouloir figer l'aspect des bâtiments dans le temps (ATA/162/1998 du 24 mars 1998 consid. 6b et les références citées).

b. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c p. 222 et les références citées).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 consid. 24c et les arrêts cités).

c. Selon la jurisprudence, la protection conférée par les art. 89 ss LCI constitue une mesure de protection du patrimoine (ATA/720/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5b). Elle implique une restriction au droit de propriété, garanti par l'art. 26 al. 1 Cst., à l'instar des autres mesures de protection du patrimoine, le raisonnement relatif à ces dernières étant applicable mutatis mutandis (ATA/721/2012 précité consid. 11). Pour être compatible avec cette disposition, l'assujettissement doit reposer sur une base légale, être justifié par un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 Cst. ; ATF 126 I 219 consid. 2a p. 221 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_386/2010 du 17 janvier 2011 consid. 3.1 ; ATA/721/2012 précité consid. 8a).

d. En principe, les restrictions de la propriété ordonnées pour protéger les monuments et les sites naturels ou bâtis sont d'intérêt public et celui-ci prévaut sur l'intérêt privé lié à une utilisation financière optimale du bâtiment (ATF 126 I 219 consid. 2c p. 221 ; 120 Ia 270 consid. 6c p. 285 ; 119 Ia 305 consid. 4b p. 309 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_32/2012 du 7 septembre 2012 consid. 6.1 ; 1C_386/2011 du 17 janvier 2011 consid. 3.2.1).

En relation avec le principe de la proportionnalité au sens étroit, une mesure de protection des monuments est incompatible avec la Cst. si, dans la pesée des intérêts en présence, elle produit des effets insupportables pour le propriétaire. Savoir ce qu'il en est ne dépend pas seulement de l'appréciation des conséquences financières de la mesure critiquée, mais aussi de son caractère nécessaire. Plus un bâtiment est digne d'être conservé, moins les exigences de la rentabilité doivent être prises en compte (ATF 118 Ia 384 consid. 5e p. 393).

e. Ainsi, même lorsque des immeubles constituent un ensemble au sens de l'art. 89 al. 2 LCI, s'il est concevable d'imposer à un propriétaire le coût d'une rénovation pour sauvegarder un immeuble d'une valeur architecturale certaine, ou selon les cas, simple témoin d'une époque, une retenue s'impose lorsqu'il s'agit d'immeubles sans style ni caractère particulier (ATA/721/2012 précité consid. 11 ; ATA/162/1998 du 24 mars 1998). Ainsi, en cas de disproportion entre l'intérêt patrimonial du bâtiment en cause et les frais imposés au propriétaire pour sa conservation, sans espoir de rentabiliser les travaux entrepris, la protection conférée par les art. 89 ss LCI ne peut ainsi pas être imposée au propriétaire (ATA/721/2012 précité consid. 11).

9) En l'espèce, l'autorité intimée a délivré les autorisations de construire et démolir en retenant que le bâtiment no 37 ne répondait plus aux normes de sécurité, de salubrité et d'incendie, que sa réhabilitation était trop onéreuse et que le projet de reconstruction permettrait la création de logements supplémentaires, de sorte que l'intérêt public à la création de logements répondant aux besoins prépondérants de la population l'emportait sur l'intérêt à la préservation de l'immeuble. La recourante souligne par ailleurs des problèmes typologiques engendrant une habitabilité restreinte et la nécessité d'installer un ascenseur dans le cadre d'une rénovation, impliquant la perte d'une pièce habitable par étage.

Il convient préalablement de constater qu'il ne ressort pas du dossier que le bâtiment se trouverait dans un état tel qu'une rénovation serait impossible. À cet égard, la directrice de l'OPS a indiqué que le SMS avait constaté, suite à un transport sur place, que le bâtiment ne se trouvait pas dans un état délabré au point de ne pas pouvoir être restauré. Cette constatation est confirmée par les constations du TAPI lors de son transport sur place puis par le chef de service de la police du feu durant le transport sur place effectué durant la procédure devant la chambre administrative, ce dernier ayant expressément déclaré qu'une rénovation n'était pas impossible. Par ailleurs, à cette même occasion, le représentant du SMS a indiqué que des immeubles avoisinant avaient été rénovés, alors qu'ils présentaient un état d'entretien et de vétusté similaires. Finalement, si M. TORRE a déclaré qu'une rénovation complète ne remettrait pas « forcément » le bâtiment aux normes de sécurité, il s'est simplement référé aux appartements mono-orientés, lesquels ne rendent cependant pas le sauvetage impossible selon le chef de service de la police du feu, même s'ils le compliqueraient si les pompiers devaient passer par la porte d'entrée. Ainsi, si une démolition et reconstruction comporterait incontestablement une plus-value sur le plan sécuritaire, rien ne démontre ainsi que les mesures nécessaires ne pourraient pas être prise dans le cadre d'une rénovation ni que celle-ci serait impossible. Au demeurant, la fondation ne conteste pas le caractère possible d'une rénovation, puisqu'elle indique avoir écarté cette option, non pas en raison d'une impossibilité de sa réalisation, mais du fait de son coût. Elle a d'ailleurs envisagé de garder la structure du bâtiment actuel dans le cadre de sa variante TL-S.

Cependant, bien que la fondation invoque le coût disproportionné d'une rénovation, elle n'en a produit aucune estimation. Elle a certes versé à la procédure un tableau comparatif de différentes variantes. Toutefois, si ce tableau comporte une rubrique « coût total » du bâtiment existant, s'élevant à CHF 1'480'563.-, il n'apparaît pas que ce montant corresponde à l'estimation du coût d'une rénovation. Ce tableau ne comporte ainsi que des indications relatives au coût des variantes TL-S et D-R, sans indication de celui d'une rénovation, lequel devrait a priori néanmoins être inférieur à celui de la variante TL-S, de CHF 5'959'000.-, lui-même inférieur à celui de la variante D-R, de CHF 7'370'000.-. Pour soutenir son argument, la recourante s'est également appuyée sur le rapport Zanetti, qui contient certes une liste des mesures nécessaires mais ne comporte aucune estimation des coûts de ces mesures, et sur la note de la police du feu, laquelle ne repose pas non plus sur une estimation chiffrée. En outre, si le dossier tend à indiquer que les coûts d'une rénovation seraient importants - tant la représentante de la CMNS que le chef de service de la police du feu ayant donné des indications en ce sens lors du transport sur place en présence du juge délégué -, en l'absence d'estimation chiffrée, rien ne permet de comparer les coûts d'une telle rénovation par rapport au projet de démolition et reconstruction, dont les coûts sont manifestement également élevés. La recourante n'a ainsi aucunement démontré que le coût du maintien de l'immeuble serait disproportionné, au regard de l'intérêt patrimonial du bâtiment, par rapport à celui d'une démolition et reconstruction. À cet égard, il convient de relever que, malgré l'indication donnée lors du transport sur place, la recourante n'a jamais produit de documents supplémentaires concernant les phases préliminaires du projet et n'a pas répondu à l'invitation du juge délégué de produire des documents concernant le coût de la rénovation de l'appartement du quatrième étage. Finalement, il ressort du communiqué de presse du 26 juin 2008 que le bâtiment no 37 faisait partie du groupe d'immeubles achetés après identification par l'État de bâtiments répondant à certains critères, dont un prix à la pièce permettant de créer des LUP, que le prix fixé tenait compte des hypothèses de coût des travaux de rénovation et que les immeubles présentaient à l'époque un rendement adéquat.

La recourante souligne en outre des problèmes d'habitabilité restreinte et de nécessité d'installer un ascenseur. Cependant, si elle a souligné l'existence de pièces exigües dans l'immeuble dans son état actuel, elle n'a pas démontré en quoi il ne serait pas possible, dans le cadre d'une rénovation, d'agrandir ces pièces ou de créer des ouvertures en alcôve, comme suggéré par le représentant du SMS. Par ailleurs, en ce qui concerne l'ascenseur, outre le fait que la recourante a donné des indications contradictoire à ce sujet - affirmant qu'il serait impossible d'installer un ascenseur pour ensuite déclarer que cela serait possible mais au prix de la perte d'une pièce habitable par étage - il ressort des déclarations du représentant du DALE, que si, en principe, un ascenseur devrait être installé dans le cadre d'une rénovation, la possibilité d'une dérogation était également ouverte, comme ce qui semble avoir été le cas pour des immeubles récemment rénovés pour la ville, selon les déclarations des représentants de celle-ci et comme le précisent les art. 11 de la loi fédérale sur l'élimination des inégalités frappant les personnes handicapées du 13 décembre 2002 (loi sur l'égalité pour les handicapés - LHand - RS 151.3) et 2 al. 2 du règlement concernant les mesures en faveur des personnes handicapées dans le domaine de la construction du 7 décembre 1992 (RMPHC - L 5 05.06). À cet égard, la recourante affirme certes qu'un ascenseur serait nécessaire pour les personnes auxquelles les appartements sont destinés. Elle loue toutefois actuellement ces derniers en l'absence d'ascenseur, de sorte que la situation ne serait pas différente de la situation actuelle.

 

Par surabondance, s'il est incontestable que la surface de logements serait augmentée dans le cadre d'une démolition et reconstruction, elle le sera également dans le cadre d'une rénovation, même si c'est dans une moindre mesure. En effet, les appartements aujourd'hui condamnés pourront être réaffectés au logement une fois la rénovation effectuée.

Au vu de ce qui précède, il n'apparaît pas que le maintien du bâtiment produise des effets insupportables pour la recourante, de sorte que le refus de démolition de l'immeuble partie d'un ensemble digne d'être protégé ne constitue pas une restriction disproportionnée à la garantie de la propriété. Par ailleurs, l'intérêt public sur les plans de la sécurité ainsi que de la création et l'amélioration de logements ne saurait prendre le pas sur la protection des art. 89 ss LCI, laquelle n'empêche pas toute plus-value sur ces points dans le cadre d'une rénovation. Le TAPI n'a dès lors pas abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant que le DALE avait violé le principe de la proportionnalité en délivrant les autorisations litigieuses, et en annulant ces dernières.

Le grief sera par conséquent écarté.

10) Dans ces circonstances, le jugement du TAPI annulant les autorisations de de démolir M 6'521-4 et de construire DP 18'327-4 est conforme au droit et le recours de la fondation à son encontre sera rejeté.

11) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la ville, qui dispose de son propre service juridique et est par conséquent apte à assurer la défense de ses intérêts sans recourir aux services d'un avocat (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/1056/2015 du 6 octobre 2015 consid. 16b et les références citées).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 octobre 2014 par la Fondation HBM Jean DUTOIT contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 septembre 2014 ;

 

au fond :

le rejette ;

met à la charge de la Fondation HBM Jean DUTOIT un émolument de CHF 2'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Marc Siegrist, avocat de la recourante, à la Ville de Genève, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, MM. Thélin et Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :