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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4051/2016

ATA/1370/2018 du 18.12.2018 sur JTAPI/268/2018 ( LCI ) , REJETE

Parties : DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC, DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC, SI DU DOMAINE DE MERLINGE, SÀRL DE LA FERME MERLIN'GE ET, SÀRL DE LA FERME DE MERLIN'GE, BADEL Luc / DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC, BADEL Luc, SI DU DOMAINE DE MERLINGE, SÀRL DE LA FERME MERLIN'GE ET, SÀRL DE LA FERME DE MERLIN'GE, DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC, COMMUNE DE MEINIER
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4051/2016-LCI ATA/1370/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 décembre 2018

3ème section

 

dans la cause

 

SI DU DOMAINE DE MERLINGE
SÀRL DE LA FERME DE MERLIN’GE

Monsieur Luc BADEL
représentés par Me Bruno Megevand, avocat

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

et

SI DU DOMAINE DE MERLINGE
SÀRL DE LA FERME DE MERLIN’GE

Monsieur Luc BADEL
représentés par Me Bruno Megevand, avocat

et

COMMUNE DE MEINIER
représentée par Me Bruno Vadim Harych, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 mars 2018 (JTAPI/268/2018)


EN FAIT

1. La Société immobilière du Domaine de Merlinge SA (ci-après : la SI) est propriétaire des parcelles nos 1'816 et 1'817, feuille 4 de la commune de Meinier (ci-après : la commune), sises en zone agricole et dont une grande partie est comptabilisée en surface d'assolement.

Elles couvrent, respectivement, 3 hectares pour la première et 27 pour la seconde. Des bâtiments, comprenant notamment des habitations, une serre, un hangar, un manège, une ferme, « d’autres bâtiments » sont sis sur les parcelles.

Monsieur Luc BADEL en est l'administrateur président.

2. Les surfaces appropriées à l'agriculture de ces parcelles sont exploitées par la Sàrl de la ferme de Merlin'GE (ci-après : la Sàrl), dont Monsieur Cédric GOUMAZ est associé-gérant.

3. Le 30 juillet 2015, suite à un courrier de la commune, un inspecteur du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu depuis lors le département du territoire (ci-après : DT ou le département) a constaté qu'une clôture en bois, d'une hauteur de 1,70 m, avait été posée sans autorisation sur tout le pourtour des parcelles susvisées, à l'exception d'une section de 440 m environ le long de la route de Bellebouche. Il a pris des photographies de la clôture.

4. Par courrier du 4 août 2015, le DT a interpellé la SI au sujet de cette clôture.

5. M. BADEL a indiqué, par courrier du 26 août 2015, avoir consenti à la pose d'une clôture autour du domaine agricole, celle-ci étant destinée à contenir les bovins qui y seraient mis en pâture dans le cadre d'une exploitation biologique.

6. Par courrier du 31 août 2015, le DT a ordonné à la SI de requérir une autorisation de construire pour cette clôture dans un délai de trente jours.

7. Le 2 octobre 2015, la Sàrl a déposé une demande d'autorisation de construire portant sur la clôture. Le requérant était M. GOUMAZ. Le dossier a été enregistré sous les références DD 108'358-1.

Celle-ci était destinée à la détention d'un troupeau de « vaches mères » (ou « vaches allaitantes »). Il était prévu dans le futur de transformer le domaine en une exploitation biologique et il était nécessaire pour ce faire qu'un tiers du domaine soit mis en herbe. Dans ce cadre, il était prévu d'y faire pâturer du bétail bovin. Il s'agissait d'une clôture en bois naturel, non bétonnée, qui avait pour but de contenir le bétail en toute sécurité, tout en garantissant un passage à la faune sauvage. Enfin, elle s'excusait de ne pas avoir demandé d'autorisation de construire, ignorant la nécessité d'en obtenir une au vu du nombre important de clôtures similaires mises en place au cours des dernières années dans un rayon de 2 km.

8. Le même jour, la SI a sollicité l'autorisation de mettre en place un portail. Le requérant était M. BADEL. Le dossier a été enregistré sous les références DD 108'359-1.

Un portail en fer, de 260 cm de haut et 238 cm de long, entouré de deux piliers en béton de 35 cm de long chacun, avec un ornement à son sommet rappelant le portail existant devant le château, était prévu.

9. Lors de l'instruction de la DD 108'358-1, les préavis négatifs suivants ont été recueillis :

- celui du 7 décembre 2015 de la direction générale de l'agriculture, devenue depuis la direction générale de l'agriculture et de la nature (ci-après : DGAN), relevant que la typologie des barrières prévues ne correspondait pas à une utilisation agricole. « De plus, au vu du périmètre envisagé, à savoir que les vignes, cultures, jardins, bâtiments, cours, etc., sont englobés dans le pâturage, cela est inadapté à la détention d'un troupeau ». Les barrières fermaient la propriété et constituaient un parc de 26 hectares et non des pâturages cohérents correspondant à des besoins agricoles effectifs. La pose de ces barrières était donc injustifiée ;

- celui du 14 décembre 2015 de la direction de la planification directrice cantonale et régionale (ci-après : SPI) au motif que l'installation n'était pas conforme à la destination de la zone et n'était pas assimilable aux clôtures légères et mobiles employées pour la pâture du bétail ;

- celui du 14 décembre 2015 de la commune, relevant que la clôture dénaturait complètement le paysage dans la région, surtout avec de telles dimensions. Des habitants de la commune s'étaient d'ailleurs plaints dans ce sens. L'argument qui tendait à démontrer la nécessité de cette clôture pour le bétail semblait douteux au vu de l'absence de bétail et de l'existence de vignes situées à l'intérieur de la clôture. Elle semblait n'avoir été posée que pour valoriser le domaine.

10. a. Lors de l'instruction de la DD 108'359-1, la SPI, la DGAN et la commune se sont déclarées défavorables au projet :

- le 7 décembre 2015, la DGAN relevait que le portail projeté n'était pas un équipement agricole et que l'aménagement projeté n'était pas conforme à la zone ;

- le 14 décembre 2015, la SPI exposait que la construction n'était pas conforme à la destination de la zone et n'était pas adaptée au caractère rural du lieu ;

- le même jour, la commune faisait valoir qu'un portail aussi démesuré n'était pas adéquat pour gérer du bétail et qu'il ne se mariait pas avec une barrière en bois.

b. À la demande du DT, le requérant a effectué une modification du projet de portail en date du 10 mars 2016, prévoyant un portail en bois, réduit à 198 cm de hauteur et sans ornementation à son sommet.

c. Malgré cette modification, la DGAN et le SPI ont rendu des préavis identiques aux précédents, en date du 23 mars 2016, respectivement du 7 avril 2016.

La commune s'est quant à elle déclarée favorable au projet le 7 avril 2016.

11. En date du 25 octobre 2016, le DT a rendu trois décisions.

a. Il a refusé l’autorisation de construire la barrière (DD 108'358-1).

Il s'est référé aux préavis négatifs de la DGAN, de la SPI et de la commune. La clôture proposée n'était, d'après toutes les instances spécialisées consultées, pas adaptée à une utilisation agricole. De plus, eu égard à la situation de la parcelle concernée (existence notamment de vignes, cultures, jardins et autres bâtiments), il était difficile d'admettre que celle-ci était destinée à la garde d'animaux de rente. Partant, le projet présenté n'était pas conforme à la zone d'affectation et l'autorisation de construire ne pouvait être délivrée sur la base des règles dérogatoires, dont les conditions d'application n'étaient pas remplies.

b. Il a refusé l’autorisation de construire le portail (DD 108'359-1).

Il a fait siens les préavis défavorables de la DGAN et du SPI. Cette installation n'était pas conforme à la zone, puisque non nécessaire à une exploitation agricole. Le requérant lui-même n'était pas agriculteur. Aucune dérogation ne saurait par ailleurs être accordée.

c. Il a notifié à la SI une décision ordonnant le démontage de la clôture et du portail installés et lui a infligé une amende administrative de CHF 3'000.-
(I 5'862-1).

12. a. Par acte du 25 novembre 2016, la Sàrl a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre le refus d’autorisation de construire la barrière. Elle a conclu à son annulation. Ce recours a été enregistré sous la cause A/4054/2016.

Une clôture destinée à laisser paître un troupeau était incontestablement une installation nécessaire à l'exploitation agricole et, partant, conforme à la zone. Ce n'était donc en réalité pas la conformité de la zone qui était contestée par les divers préavis, mais bien la nature de la clôture, question qui était totalement étrangère aux compétences de ces instances de préavis. Tout au plus, le département aurait pu critiquer la clôture en bois sous l'angle de l'esthétique, alors même que les photographies produites montraient bien que cette barrière s'intégrait harmonieusement dans le paysage.

b. Le même jour, la SI et M. BADEL ont formé recours auprès du TAPI contre le refus d’autorisation de construire le portail, concluant à son annulation. Ce recours a été enregistré sous la cause A/4059/2016.

Il ne pouvait être nié que, dans une clôture, l'aménagement d'un portail était indispensable. Le projet de portail modifié empruntait aussi bien des éléments rappelant le portail existant du château que la nouvelle clôture et répondait ainsi parfaitement aux besoins de l'exploitation agricole des parcelles dont la SI était propriétaire.

c. Le même jour, la SI a formé recours auprès du TAPI, à l'encontre de la décision du DT prononcée dans le dossier I-5862, recours enregistré sous la cause A/4051/2016. Elle a conclu à son annulation. Préalablement, la suspension de la cause devait être ordonnée jusqu'à ce qu'il soit statué définitivement sur les deux demandes d’autorisations précitées.

13. Dans son mémoire complémentaire au recours, la Sàrl a précisé que l'objectif de la clôture litigieuse était de contenir un troupeau de vaches allaitantes, d'une soixantaine de têtes, de race à viande, moins habituées au contact humain que les vaches laitières, soit d'un tempérament à moitié sauvage. Elles ne pouvaient être détenues sans risque avec un simple fil électrique. Les risques consistaient en la proximité d'habitations et de la frontière française, d'où la nécessité de disposer d'une clôture solide. La sécurité des usagers empruntant les voies de circulation entourant les parcelles où pâturait le troupeau était d'autant plus importante qu'il s'agissait de trois routes à fort trafic.

L'aspect de la clôture litigieuse permettait indéniablement à celle-là de s'harmoniser avec les lieux et le paysage. D'autres clôtures similaires existaient déjà à proximité.

Elle produisait des photographies de la clôture litigieuse, avec la présence du troupeau de bovins, et de clôtures présentes sur les communes de Meinier, Jussy et Collonge-Bellerive.

14. En date du 12 décembre 2016, le DT s'est opposé à la suspension de la procédure A/4051/2016 requise par la SI et a sollicité la jonction des trois causes en tant qu'elles portaient sur le même complexe de faits.

15. Par décision du 16 décembre 2016, le TAPI a joint les trois procédures sous les références A/4051/2016.

16. La commune de Meinier a conclu au rejet des recours.

La clôture avait été posée sans autorisation, mettant la commune et le canton devant le fait accompli. La clôture était inappropriée pour du bétail bovin, mais adaptée pour des chevaux.

17. Le DT a conclu au rejet du recours.

Le requérant avait indiqué dans le formulaire de demande d'autorisation de construire que l'ouvrage n'était pas destiné à l'exploitation agricole, mais constituait une installation non-agricole en zone agricole.

S'agissant du portail, il était évident que celui-ci ne constituait pas un équipement agricole. Il semblait que la demande d'autorisation était plutôt liée au domaine et au château qu'à l'exploitation agricole.

18. En date du 31 août 2017, le TAPI a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

a. Selon le représentant du DT, le bail de la Sàrl sur les terrains était en vigueur jusqu'en 2022. En outre, lorsque le DT avait indiqué dans ses écritures que M. GOUMAZ avait déposé une demande d'autorisation de construire à la route des Jurets, destinée à la garde d'animaux de rente, c'était pour exposer qu'en réalité, son élevage de bétail était destiné à pâturer à cet endroit et non à Meinier.

b. M. GOUMAZ a indiqué avoir cent vaches allaitantes à Choulex, pour l'hiver, qui pâturaient à Meinier au printemps et en été. L'objectif était effectivement de faire une rotation afin que les vaches pâturent à Meinier de
mi-mars à mi-novembre, puis rentrent en stabulation dans les bâtiments à Choulex vu qu'il était interdit de laisser du bétail dehors en hiver.

Les vaches allaitantes étaient des bêtes semi-sauvages, il était d'ailleurs déjà arrivé que des éleveurs en perdent. Avec un seul fil électrique, il était possible pour les vaches de s'enfuir, si elles avaient peur ou simplement envie d'aller pâturer plus loin. Un treillis tendu ne laissait pas passer la faune et une barrière mobile électrique était risquée, par exemple si un arbre tombait ou en cas de coupure de courant.

c. Monsieur Alain BIDAUX, ingénieur agronome de formation, chef du service espace rural de la DGAN et auteur des préavis de cette autorité dans le dossier, a déclaré que, lors du dépôt de la demande d'autorisation, il s'était déplacé sur les lieux avec une collègue pour se faire une idée de l'endroit. La présence de vaches allaitantes ou le fait qu'elles soient plus sauvages que les vaches laitières ne changeait pas son préavis. Le problème était qu'il s'agissait d'une barrière domaniale entourant tout le domaine et non d'une barrière agricole, de sorte qu'elle n'était pas conforme à la zone. Le domaine de Merlinge était grand et comprenait des bâtiments, des vignes et même du blé, selon la rotation. Il aurait donc fallu ériger des barrières entourant uniquement les prés. Si un projet était présenté, pour une partie du domaine, avec du matériel adapté à l'espèce, la DGAN pourrait entrer en matière. Il a produit une photographie d'une clôture usuellement utilisée par les agriculteurs, composée de trois fils électriques, également employée pour les vaches allaitantes. Selon son expérience, de telles barrières étaient suffisantes pour éviter que le bétail fuie, même pendant la nuit. Les barrières en bois, qui avaient un impact visuel plus fort, étaient plus adaptées pour les chevaux, lesquels avaient besoin de références visuelles. Les chevaux, animaux de fuite, pouvaient se jeter par-dessus une barrière, contrairement aux vaches qui ne fuyaient qu'en cas de peur.

d. M. GOUMAZ a contesté les explications du témoin. La photographie produite devait concerner un terrain avec une possibilité de rentrer les bêtes la nuit. Il ne s'agissait dès lors pas d'une clôture adaptée pour son bétail. Les vingt hectares de pâtures existantes ne suffisaient pas pour cent vaches.

M. BIDAUX a relevé que, si les bêtes de l’intéressé devaient passer la nuit sur les parcelles querellées, des infrastructures permettant au bétail de se mettre à l'abri, seraient nécessaires. Celles-ci pouvaient ne pas être autorisables puisqu'elles empièteraient sur le terrain agricole alors qu'il existait déjà des bâtiments inutilisés. M. GOUMAZ a contesté, relevant que les bâtiments se trouvant sur les parcelles consistaient en grande partie en habitations. Il y avait aussi un hangar, non loué, en très mauvais état.

19. Dans leurs observations après enquêtes, les requérants ont relevé que les risques de fuite avec une barrière électrique étaient réels, ce qu'attestaient plusieurs personnes ayant assisté à des fuites de ce genre, conformément aux pièces qu’ils produisaient.

Le DT a relevé que M. BIDAUX avait expliqué que, si la Sàrl était bien au bénéfice d'un contrat de bail, elle ne louait en réalité que les terrains agricoles, sans les bâtiments liés. Or, pour que le bétail puisse paître en paix, il fallait qu'une infrastructure soit disponible afin que le bétail puisse se mettre à l'abri. Il apparaissait ainsi peu probable que le bétail de la Sàrl puisse paître en toute légalité sur les parcelles propriétés de la SI, de sorte que les requérants ne pouvaient plus justifier de l'installation des clôtures et portail à cet endroit.

La commune a persisté dans son préavis. Une copie d'un échange de courriels entre la commune et une personne intéressée par l'achat de la parcelle sise 80, route de Gy, était jointe.

20. Les requérants ont transmis au TAPI une écriture spontanée. Une
« contre-vérité manifeste » des allégués de la commune devait être rectifiée dès lors que celle-ci avait qualifié la clôture litigieuse de « barrière domaniale » édifiée « dans la perspective de sa vente » et avait produit un échange de courriels entre une personne s'intéressant à l'acquisition d'un terrain situé 80, route de Gy et la mairie. Comme cela ressortait des plans et de l'extrait du registre foncier, la parcelle sise à l'adresse susmentionnée se situait en face du Domaine de Merlinge et appartenait en réalité à une personne étrangère aux requérants.

21. Par jugement du 22 mars 2018, le TAPI a partiellement admis le recours en réduisant l’amende à CHF 1'000.-. Le montant de l’amende était disproportionné en comparaison d’autres cas similaires. Il l’a rejeté pour le surplus.

22. Par acte du 7 mai 2018, la SI, la Sàrl et M. BADEL (ci-après : les recourants) ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité.

Ils ont conclu à l’annulation dudit jugement en tant qu’il avait implicitement rejeté partiellement leur recours et à sa confirmation en tant qu’il l’avait partiellement admis et avait réduit le montant de l’amende à CHF 1'000.-. Cela fait et statuant à nouveau, la chambre de céans devait annuler les décisions du DT relatives aux autorisations de construire la barrière, le portail et l’ordre de remettre en état. Préalablement, un transport sur place devait être ordonné.

Le TAPI n’avait pas examiné l’application de l’art. 16a de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) qui fixait les conditions générales auxquelles les constructions et les installations pouvaient être considérées comme conformes à l’affectation de la zone agricole. Un troupeau de vaches allaitantes était présent, une grande partie de l’année, sur les terrains clôturés. À l’intérieur du périmètre délimité par la clôture litigieuse, les vaches étaient contenues dans une zone délimitée par une clôture mobile, afin de protéger les vignes et les autres parties cultivées. Des photos témoignaient de ces faits. La clôture litigieuse était nécessaire au regard des besoins de l’exploitation.

Le revirement de la DGAN en cours de procédure n’était pas convaincant. Sa nouvelle argumentation, selon laquelle la barrière serait domaniale et non agricole, procédait toujours d’un a priori, erroné, selon lequel le but de la Sàrl aurait consisté à valoriser le domaine. La clôture électrifiée ne remplissait plus son rôle en cas de panne de courant, comme l’avaient d’ailleurs confirmé d’autres éleveurs. La DGAN n’avait pas contredit les recourants sous l’angle de l’avantage que présentait la clôture en bois qui permettait le passage de la faune, à l’opposé d’une clôture électrifiée. La nouvelle argumentation de la DGAN, et à sa suite du DT, était infondée et ne permettait pas de justifier a posteriori le refus d’autorisation de construire fondé sur des préavis erronés.

S’agissant du portail, la problématique avait été peu examinée par le TAPI, dès lors que celui-ci avait confirmé le refus d’installer une clôture. Au vu des arguments qui précédaient et compte tenu de la modification du projet pour des raisons esthétiques à la demande de l’office des autorisations de construire
(ci-après : OAC), l’autorisation de construire le portail litigieux devait être délivrée afin d’empêcher par une clôture et un portail solides la divagation d’un troupeau de vaches allaitantes.

S’agissant de l’ordre de remise en état des lieux, soit l’enlèvement de la clôture déjà installée, l’intérêt privé au maintien de la barrière devait primer l’intérêt public, minime, à l’enlèvement de celle-ci. Dans cette hypothèse, la dérogation à la règle devait être considérée comme mineure. L’intérêt public au maintien d’une zone agricole libre de construction n’était pas lésé, une clôture en valant une autre. De surcroît, la clôture posée était bien plus esthétique que la barrière en fil de fer électrifié préconisée par la DGAN. Il était erroné de dire qu’elle dénaturait le paysage. Un ordre de remise en état causerait plusieurs dizaines de milliers de francs de préjudice aux recourants, somme considérable au regard du budget d’une exploitation agricole telle que celle de la recourante. Le principe de la proportionnalité commandait que la clôture déjà installée puisse être maintenue.

23. Par acte du 8 mai 2018, le DT a recouru contre le jugement précité. Il a conclu au rétablissement de l’amende administrative de CHF 3'000.- et à la confirmation du jugement pour le surplus.

Le TAPI avait violé le principe de l’égalité de traitement. Il n’avait pas pris en considération le fait que l’objet du litige portait sur la construction d’une clôture en bois de plus de 1,8 km de longueur, érigée en zone agricole et dont une grande partie était sise en surface d’assolement. La Sàrl était consciente de l’illégalité de la situation puisqu’elle avait précédemment déposé une demande d’autorisation de construire pour une installation similaire. Le Tribunal fédéral et la chambre de céans se montraient sévères lorsqu’il s’agissait de constructions érigées sans droit en zone agricole. Des amendes de CHF 10'000.- avaient été admises pour la construction d’un mur en béton d’une hauteur de 2 m pour une longueur de 110 m et, pour l’aménagement d’une aire de stationnement, CHF 5'000.- avaient été considérés comme proportionnés pour la création de jardins familiaux en zone agricole. À l’époque, le montant légal maximum de l’amende s’élevait à CHF 60'000.- et non pas à CHF 150'000.- comme aujourd’hui. Appliquer à ce jour une même quote-part impliquerait une amende de CHF 12'500.-, soit bien au-delà du montant arrêté par le département.

24. La commune a indiqué n’avoir pas d’observations à formuler dans le cadre des deux recours.

25. En réponse au recours des SI, Sàrl et de M. BADEL, le département a relevé que c’était le type de clôture choisie par les recourants qui rendait sa destination non conforme à la zone agricole ainsi que son emplacement sur tout le pourtour de la parcelle. Il importait peu que l’exploitation de bovins soit une activité agricole ou non. Un rapport de la protection suisse des animaux PSA indiquait clairement que les clôtures les plus adaptées pour l’exploitation d’animaux et pour la faune sauvage étaient celles à plusieurs cordons, flexibles et électrifiés. La faune sauvage pouvait aisément passer ces clôtures sans y rester coincée. À teneur de l’art. 82 al. 2 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), le département ne pouvait délivrer une autorisation qu’avec l’accord, exprimé sous forme d’un préavis, du département chargé de l’agriculture. Le préavis de la DGAN, en l’espèce défavorable, avait donc un caractère liant.

De par sa taille de plus de 1,8 km de long, le maintien d’une telle clôture en zone agricole ne pouvait pas être qualifié de dérogation mineure.

26. En réponse au recours du DT, les SI et Sàrl, et M. BADEL ont rappelé que, s’agissant d’une centaine de vaches allaitantes, elles étaient à demi sauvages. La pose d’un simple fil électrique n’était pas suffisante.

27. Dans une ultime réplique, les SI et Sàrl, et M. BADEL ont réagi au dernier courrier adressé par le DT. Le fait que la Sàrl cloisonne avec une clôture mobile à l’intérieur du périmètre délimité par la barrière en bois litigieuse, la partie des prés où pâture le troupeau de vaches allaitantes, ne démontrait nullement que cette clôture mobile était suffisante sans qu’il soit besoin d’une barrière en bois. À l’intérieur des parcelles propriété de la SI, la divagation accidentelle des vaches, profitant d’une coupure de courant de la barrière électrifiée, ou forçant le passage à travers cette clôture en dépit du courant dans un mouvement d’affolement provoqué par un chien par exemple, ne présentait pas de dangers pour le trafic, pour le public ou pour la propriété d’autrui.

28. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Préalablement, les recourants sollicitent un transport sur place.

a. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d'être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2 et les références citées).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 134 I 140 consid. 5.3).

b. En l'occurrence, un transport sur place n'apporterait pas d'éléments supplémentaires. Les documents nécessaires, en particulier les extraits cadastraux, de nombreuses photographies des lieux, de la barrière litigieuse, du portail du château, ainsi que des plans des constructions querellées ont été versés à la procédure par les parties. Celles-ci ont en outre pu se déterminer à réitérées reprises par écrit sur les faits de la cause. La chambre administrative dispose ainsi d’un dossier complet lui permettant de se prononcer sur les griefs soulevés par les recourants en toute connaissance de cause.

Il ne sera dès lors pas donné suite à la requête de transport sur place.

3. Le recours porte sur la conformité au droit du jugement du TAPI confirmant le refus de l’autorisation de construire la barrière, le portail et ordonnant une remise en état, tout en diminuant l’amende initiale de CHF 3'000.- à CHF 1’000.-.

4. a. Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (art. 22 al. 1 LAT ; art. 1 al. 1 LCI). L'autorisation est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT) et si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. b LAT). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (art. 22 al. 3 LAT). Dès que les conditions légales sont réunies, le DT est tenu de délivrer l'autorisation de construire (art. 1 al. 5 LCI).

b. Les zones agricoles servent à garantir la base d'approvisionnement du pays à long terme, à sauvegarder le paysage et les espaces de délassement et à assurer l'équilibre écologique. Elles devraient être maintenues autant que possible libres de toute construction en raison des différentes fonctions de la zone agricole et comprennent, d’une part, les terrains qui se prêtent à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice et sont nécessaires à l'accomplissement des différentes tâches dévolues à l'agriculture (let. a) et, d’autre part, les terrains qui, dans l'intérêt général, doivent être exploités par l'agriculture (let. b ; art. 16 al. 1 LAT). Il importe, dans la mesure du possible, de délimiter des surfaces continues d'une certaine étendue (art. 16 al. 2 LAT). Dans leurs plans d'aménagement, les cantons tiennent compte de façon adéquate des différentes fonctions des zones agricoles (art. 16 al. 3 LAT).

c. Selon l'art. 16a LAT, sont conformes à l'affectation de la zone agricole les constructions et installations qui sont nécessaires à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice. Cette notion de conformité peut être restreinte en vertu de l'art. 16 al. 3 (al. 1). Les constructions et installations nécessaires à la production d'énergie à partir de biomasse ou aux installations de compost qui leur sont liées peuvent être déclarées conformes à l'affectation de la zone et autorisées dans une exploitation agricole si la biomasse utilisée est en rapport étroit avec l'agriculture et avec l'exploitation. Les autorisations doivent être liées à la condition que ces constructions et installations ne serviront qu'à l'usage autorisé (al. 1bis). Les constructions et installations qui servent au développement interne d'une exploitation agricole ou d'une exploitation pratiquant l'horticulture productrice sont conformes à l'affectation de la zone (al. 2). Les constructions et installations dépassant le cadre de ce qui peut être admis au titre du développement interne peuvent être déclarées conformes à l'affectation de la zone et autorisées lorsqu'elles seront implantées dans une partie de la zone agricole que le canton a désignée à cet effet moyennant une procédure de planification (al. 3).

d. Sont conformes à l'affectation de la zone agricole les constructions et installations qui servent à l'exploitation tributaire du sol ou au développement interne, ou qui sont – dans les parties de la zone agricole désignées à cet effet conformément à l'art. 16a al. 3 LAT – nécessaires à une exploitation excédant les limites d'un développement interne et qui sont utilisées pour la production de denrées se prêtant à la consommation et à la transformation et provenant de la culture de végétaux et de la garde d'animaux de rente (let. a), ou pour l'exploitation de surfaces proches de leur état naturel (let. b ; art. 34 al. 1 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 - OAT - RS 700.1).

Une autorisation ne peut être délivrée que si la construction ou l'installation est nécessaire à l'exploitation en question (let. a), si aucun intérêt prépondérant ne s'oppose à l'implantation de la construction ou de l'installation à l'endroit prévu (let. b) et s'il est prévisible que l'exploitation pourra subsister à long terme (let. c ; art. 34 al. 4 OAT).

e. La zone agricole est destinée à l’exploitation agricole ou horticole. Ne sont autorisées en zone agricole que les constructions et installations qui sont destinées durablement à cette activité et aux personnes l’exerçant à titre principal (let. a), respectent la nature et le paysage (let. b) et respectent les conditions fixées par les art. 34 ss OAT (let. c ; art. 20 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30).

f. En exigeant que la construction soit nécessaire à l'exploitation en cause, l'art. 34 al. 4 let. a OAT (qui reprend la condition posée à l'art. 16a al. 1 LAT) entend limiter les constructions nouvelles à celles qui sont réellement indispensables à l'exploitation agricole ou viticole afin de garantir que la zone agricole demeure une zone non constructible. La nécessité de nouvelles constructions s'apprécie en fonction de critères objectifs. Elle dépend notamment de la surface cultivée, du genre de cultures et de production (dépendante ou indépendante du sol), ainsi que de la structure, de la taille et des nécessités de l'exploitation (arrêt du Tribunal fédéral 1C_618/2014 du 29 juillet 2015 consid. 4.1 et les références citées). En définitive, ces constructions doivent être adaptées, notamment par leur importance et leur implantation, aux besoins objectifs de l'exploitation en cause (ATF 133 II 370 consid. 4.2 p. 374 ; 129 II 413 consid. 3.2 p. 415).

5. a. Les constructions édifiées dans la zone agricole au sens des art. 20 à 22 LaLAT sont soumises à ces dispositions et à celles applicables à la cinquième zone au sens de la LCI (art. 82 al. 1 LCI). En cas d’application des art. 34 à 38 et 40 OAT, le DT ne peut délivrer une autorisation qu’avec l’accord, exprimé sous forme d’un préavis, du département chargé de l’agriculture (art. 82 al. 2 LCI).

b. Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n'ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi. L’autorité reste libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. La LCI ne prévoit pas de hiérarchie entre les différents préavis requis. Toutefois, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/373/2016 du 3 mai 2016 consid. 9d ; ATA/1366/2015 précité consid. 6d).

c. Chaque fois que l’autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, les juridictions de recours observent une certaine retenue, lorsqu’il s’agit de tenir compte des circonstances locales ou de trancher de pures questions d’appréciation (ATF 136 I 265 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_579/2015 du 4 juillet 2016 consid. 5.1). Elles se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (arrêt du Tribunal fédéral 1C_891/2013 du 29 mars 2015 consid. 8.2 ; ATA/774/2018 du 24 juillet 2018 consid. 4 ; ATA/1059/2017 du 4 juillet 2017 et les références citées).

d. S’agissant du TAPI, celui-ci se compose de personnes ayant des compétences spéciales en matière de construction, d’urbanisme et d’hygiène publique (art. 143 LCI). Formée pour partie de spécialistes, cette juridiction peut exercer un contrôle plus technique que la chambre administrative, de sorte que cette dernière exerce son pouvoir d'examen avec retenue (ATA/1059/2017 du 4 juillet 2017 consid. 6e).

6. En présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l’intéressé a données en premier lieu, alors qu’il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 45 consid. 2a p. 47 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_189/2010 du 9 juillet 2010 consid. 4 ; ATA/505/2016 du 14 juin 2016 consid. 4 ; ATA/1019/2015 du 29 septembre 2015 consid. 6b et les références citées).

7. Dans un premier grief, la recourante se plaint de ce que les conditions de l’art. 16 a LAT n’auraient pas été examinées par le TAPI, consacrant une violation du droit fédéral.

a. L’art. 16 a LAT traite des constructions et installations conformes à l’affectation à la zone agricole. L’art. 34 al. 4 let. a OAT précise que la construction doit être nécessaire à l'exploitation en cause.

b. Conformément à la jurisprudence précitée, l'art. 34 al. 4 let. a OAT entend limiter les constructions nouvelles à celles qui sont réellement indispensables à l'exploitation agricole. En l’espèce, l’application des critères jurisprudentiels précités impose de tenir compte du fait que la surface entourée par la barrière litigieuse, longue de 1,8 km, porte sur plus de 26 hectares dont seuls un tiers, conformément à la demande du recourant, servirait à la pâture des bovins. La barrière encercle des constructions, des accès routiers, des vignes, des cultures, des jardins notamment. En conséquence, la barrière délimite une surface qui ne correspond pas aux besoins des animaux de rente. La construction litigieuse va au-delà de ce qui est nécessaire et n’est pas en adéquation avec les besoins agricoles pour lesquels elle est sollicitée. Dès lors, elle ne répond pas à la définition d’une construction conforme à l’affectation de la zone agricole au sens des art. 34 al. 4 let. a OAT et 16 a al 1 LAT.

Le grief est infondé.

8. a. La DGAN, le SPI et la commune ont préavisé défavorablement le projet relatif à la barrière, la première en retenant que la typologie des barrières prévues ne correspondait pas à une utilisation agricole et que le périmètre envisagé (à savoir que les vignes, cultures, jardins, bâtiments, cours, etc., étaient englobés dans le pâturage) était inadapté à la détention d'un troupeau. Le SPI a considéré que l'installation n'était pas conforme à la destination de la zone et n'était pas assimilable aux clôtures légères et mobiles employées pour la pâture du bétail. Enfin, la commune a remis en cause tant la nécessité de la clôture, au vu des vignes comprises dans le périmètre, que son esthétisme.

L’autorité administrative a suivi les préavis. Le TAPI a confirmé la décision sur ce point. Dans ces conditions, conformément à la jurisprudence, ce n’est qu’avec retenue que la chambre administrative exerce son pouvoir d'examen.

Or, l’art. 82 LCI impose l’accord du département chargé de l’agriculture, lequel est négatif.

De surcroît, conformément à la jurisprudence précitée, en cas de déclarations contradictoires, la préférence doit être donnée aux premières faites par l’intéressé. En l’espèce, lors du dépôt de la requête en autorisation de construire, les recourants ont indiqué que la barrière n’était pas destinée à l’exploitation agricole et qu’il s’agissait d’une installation non agricole (réponse à la question Q02). Ils ont de même évoqué une « barrière autour de notre domaine agricole » dans leur correspondance du 26 août 2015, rejoignant ainsi la notion de barrière domaniale évoquée par le DT.

Enfin, les préavis émis tant par la commune et surtout par le SPI sont négatifs.

En conséquence, c’est sans violation de la loi ni abus ou excès de son pouvoir d’appréciation que le département a refusé l’autorisation de construire la barrière.

b. Le refus de l’autorisation de construire le portail doit être confirmé pour les mêmes raisons que celles qui précèdent et se fonde aussi sur des préavis négatifs de la DGAN et du SPI.

9. a. S’agissant de l’amende, le département a été mis devant le fait accompli, la barrière ayant été construite sans qu’une demande d’autorisation n’ait été au préalable accordée ni même sollicitée. Toutefois, les propriétaires ont, à première réquisition du département, donné suite à l’injonction de celui-ci de solliciter une autorisation.

La faute des recourants est établie et le principe d’une sanction fondé.

b. S'agissant de la quotité de l'amende, la jurisprudence de la chambre de céans précise que le département jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour en fixer le montant. La juridiction de céans ne la censure qu’en cas d’excès. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de la proportionnalité (ATA/19/2018 du 9 janvier 2018 consid. 9d ; ATA/558/2013 du 27 août 2013 consid. 18).

Dans l’ATA/738/2017 du 3 octobre 2017, la chambre administrative avait confirmé une amende de CHF 2'000.- pour la construction d’un muret surmonté de panneaux en bois en zone 5 sans autorisation de construire pour une recourante qui ne paraissait pas de bonne foi.

Le montant de CHF 3'000.- est toutefois dans le bas de l’échelle du montant des amendes autorisées légalement. Les éléments retenus par le TAPI, à savoir la comparaison avec deux de ses jugements, dont un a été annulé par la chambre de céans, ne résiste pas à l’examen.

En l’espèce, l’infraction porte sur une construction en zone agricole. Il s’agit d’une première infraction. Elle est grave, le requérant sachant qu’il construisait une installation que lui-même a décrite comme non agricole en zone agricole, sans en solliciter au préalable l’autorisation. La construction est décrite comme onéreuse. Elle est vaste, s’étendant sur 1,8 km. Au vu de ces éléments, le département a respecté le principe de la proportionnalité et n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en infligeant une amende de CHF 3'000.- aux recourants.

10. Les recourants sollicitent le maintien de la construction à titre précaire.

L'intérêt public à la préservation des terres agricoles, comprenant de plus des surfaces d'assolement, ainsi que l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doivent l'emporter sur l'intérêt privé du recourant à mettre en place diverses installations non autorisées et non autorisables sur la parcelle, de sorte que l'ordre de remise en état est proportionné.

En tous points mal fondé le recours des propriétaires sera rejeté, celui du DT sera admis.

11. Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 1’500.- sera mis à la charge de la SI du domaine de Merlinge, la SàRL de la ferme de Merlin’GE et de M. Badel, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA).

Une indemnité de procédure de CHF 1’000.- sera allouée à la commune de Meinier, conformément à la jurisprudence constante de la chambre administrative, pour une commune de moins de dix mille habitants qui a dû recourir à un mandataire (ATA/588/2017 du 23 mai 2017 et les références citées). L’indemnité de procédure sera mise à la charge de la SI du domaine de Merlinge, la SàRL de la ferme de Merlin’GE et de M. Badel, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable les recours interjetés le 7 mai 2018 par la Société immobilière du Domaine de Merlinge SA, la Sàrl de la ferme de Merlin’GE et par Monsieur Luc BADEL contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 mars 2018 et le 8 mai 2018 par le département du territoire ;

 

au fond :

rejette le recours interjeté le 7 mai 2018 par la Société immobilière du Domaine de Merlinge SA, la Sàrl de la ferme de Merlin’GE et par Monsieur Luc BADEL;

admet le recours interjeté le 8 mai 2018 par la département du territoire ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 mars 2018 en ce qu’il réduit l’amende à CHF 1'000.-, et rétablit l’amende à CHF 3'000.- ;

le confirme pour le surplus ;

met un émolument de CHF 1’500.- à la charge de la Société immobilière du Domaine de Merlinge SA, la Sàrl de la ferme de Merlin’GE et Monsieur Luc BADEL, pris conjointement et solidairement ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1’000.- à la commune de Meinier, à la charge de la SI du domaine de Merlinge, la SàRL de la ferme de Merlin’GE et de Monsieur Luc BADEL, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 2 LPA).;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bruno Megevand, avocat des recourants, au département du territoire, soit pour lui l’office des autorisations de construire, à Me Bruno Vadim Harych, avocat de la commune de Meinier, au Tribunal administratif de première instance, à l’office fédéral du développement territorial, ainsi qu’à l’office fédéral de l’agriculture.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :