Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1128/2020

ATA/208/2021 du 23.02.2021 sur JTAPI/865/2020 ( LCI ) , ADMIS

Parties : DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC / CHRONO IMMOBILIER SA
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1128/2020-LCI ATA/208/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 février 2021

3ème section

 

dans la cause

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

contre

CHRONO IMMOBILIER SA
représentée par Me Michel D'Alessandri, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 octobre 2020 (JTAPI/865/2020)


EN FAIT

1) Chrono Immobilier SA (ci-après : Chrono), sise 22 route de Malagny à Genthod, a pour but l'exploitation et la mise en valeur d'ateliers horlogers ainsi que tous immeubles commerciaux ou industriels ; acquisition, administration, location et gestion de biens immobiliers. Elle fait partie du groupe horloger Franck Müller.

2) Chrono est propriétaire des parcelles nos 1'784, 1'996, 1'997, 1'810, 2'022 et 2'292, d'une surface totale de 123'849 m2, de la commune de Genthod, sises en cinquième zone. La parcelle n° 2'292 se trouve pour petite partie en zone d'assolement et de développement 4B protégée.

3) La parcelle n° 2'022, d'une contenance de 9'141 m2, comporte quatre bâtiments, dont une habitation à un logement.

4) Par courrier du 12 février 2020 (infraction I/7234), une inspectrice de l'office des autorisations de construire du département du territoire (ci-après : le département) a informé Chrono que, lors d'un constat effectué le 31 octobre 2019, de nombreux véhicules, immatriculés ou non, étaient stockés au sud-ouest de la parcelle n° 2'022, et ce sans aucune autorisation de construire. Un délai de dix jours lui était accordé pour faire part de ses observations.

5) Chrono a répondu le 21 février 2020 que les véhicules en question appartenaient à diverses entités du groupe Franck Müller. Aucune activité commerciale, de quelque nature que ce soit, n'était déployée en lien avec leur stationnement, tels que notamment la location, l'achat et la vente. Elle n'avait entrepris aucune construction, installation ou aménagement en relation avec leur stationnement. Comme tout un chacun, elle stationnait ses véhicules sur la parcelle dont elle était propriétaire, stationnement non constitutif d'une infraction à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

6) Par décision du 5 mars 2020, le département a ordonné à Chrono de rétablir une situation conforme au droit dans un délai de trente jours en procédant à l'évacuation de tous les véhicules stationnés au sud-ouest de la parcelle n° 2'022. Un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de cette remise en état devait parvenir au département dans le même délai.

La sanction administrative portant sur la réalisation de travaux sans droit ferait l'objet d'une décision séparée à l'issue du traitement de la présente infraction.

Afin de tenter de régulariser la situation, il était loisible à Chrono de déposer, dans un délai de trente jours, une requête en autorisation de construire.

En cas de non-respect de cette décision et/ou sans nouvelle de sa part, la société s'exposait à toutes nouvelles mesures et/ou sanctions justifiées par la situation.

7) Par acte du 6 avril 2020, Chrono a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation, reprenant l'argumentation développée le 21 février 2020.

Les véhicules étaient simplement stationnés sur sa parcelle, ce qui ne contrevenait pas à la loi. Si le département avait le pouvoir d'ordonner l'évacuation de tous les véhicules stationnés sur sa parcelle, cela reviendrait à dire que le stationnement de tout véhicule sur une parcelle privée était interdit.

8) Le département a conclu le 15 juin 2020 au rejet du recours.

Selon la jurisprudence, le stationnement de divers véhicules privés dépourvus de plaque d'immatriculation constituait une construction soumise à la LCI. En l'espèce, le dépôt de nombreux véhicules, non immatriculés pour la plupart, dont certains étaient accidentés, n'avait pas été autorisé par le département : il n'était donc pas conforme à la loi et la remise en état pouvait être ordonnée.

9) Dans sa réplique du 3 juillet 2020, Chrono a relevé que dans la mesure où le département ordonnait l'évacuation de tous les véhicules stationnés sur sa parcelle, sise en cinquième zone, ceci empêcherait toute personne d'y stationner.

10) Dupliquant le 27 juillet 2020, le département a relevé que seuls les villas ainsi que l'équipement nécessaire à leur usage étaient conformes à la zone 5.

L'examen du stationnement de véhicules sur une parcelle sise en zone 5 était dès lors exigé par le législateur, non seulement dans le but de respecter les ratios prévus par le règlement relatif aux places de stationnement sur fonds privés du 16 décembre 2015 (RPSFP - L 5 05.10), mais également afin de veiller à une utilisation judicieuse et rationnelle des zones à bâtir existantes.

Le stationnement des véhicules litigieux, par ailleurs non immatriculés et destinés à rester immobilisés de manière durable/permanente n'était dès lors pas conforme à la LCI et leur évacuation pouvait être ordonnée.

11) Répondant à la demande du TAPI, le département a, par courrier du 24 septembre 2020, précisé que sa décision du 5 mars 2020 visait l'ensemble des véhicules stationnés sur la parcelle n° 2'022, dont la plupart étaient non immatriculés et certains accidentés.

12) Le TAPI a, par jugement du 7 octobre 2020, admis le recours de Chrono et, au terme de ses considérants, mais pas de son dispositif, a annulé la décision du département du 5 mars 2020.

Il ressortait des pièces du dossier, soit des photos produites par les parties, des photos aériennes accessibles sur le système d'information du territoire genevois (SITG), ainsi que sur Google Maps, que des voitures étaient stationnées de part et d'autre de l'habitation à un logement sis sur la parcelle en cause, et notamment sur sa partie sud-ouest. Certaines des voitures ne portaient pas de plaque d'immatriculation, sans toutefois qu'il soit possible de retenir qu'elles ne seraient pas en état de marche. Aucun aménagement particulier n'avait été réalisé pour permettre le parcage de voitures, que ce soit en lien avec une autorisation de construire portant sur le bâtiment existant ou un éventuel nouveau bâtiment, ou simplement en lien avec le stationnement lui-même. Les voitures étant parquées soit sur de l'herbe, soit sur du gravier, à différents endroits de la parcelle, « on ne vo[yait] dès lors pas comment les dispositions du règlement pourraient trouver application dans le cas d'espèce, ni sur quoi pourrait porter une demande d'autorisation de construire visant à régulariser la situation ».

Si certes la zone villa était destinée à accueillir des logements, il n'en demeurait pas moins que des voitures devaient pouvoir y stationner, de manière plus ou moins continue, et selon les besoins de son propriétaire - contrairement à la situation d'une parcelle sise en zone agricole (ATA/13/2020 et références). Le contraire reviendrait à priver le propriétaire de son droit de stationner librement des véhicules sur son bien.

En conséquence, la décision du département, ordonnant l'évacuation de tous les véhicules stationnés au sud-est de la parcelle n° 2'022, n'était pas fondée.

13) Le département a formé recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), par acte expédié le 11 novembre 2020, contre le jugement du 7 octobre 2020, notifié le 13 octobre suivant, concluant à son annulation et à la confirmation de sa décision du 5 mars 2020.

En complément à l'état de faits retenu par le TAPI, le département a relevé que la situation litigieuse datait à tout le moins de l'été 2018, au vu de l'orthophoto de cette même année et ce qui était admis par Chrono. Cette société avait précisé que le stationnement des véhicules fluctuait en fonction des besoins des diverses entités du groupe Franck Müller.

Le TAPI avait abusé de son pouvoir d'appréciation et violé le principe de l'interdiction de l'arbitraire. En effet, le stationnement de véhicules privés, qui plus est dépourvus de plaques d'immatriculation pour la plupart, ne pouvait échapper à la définition de construction ou installation au sens des art. 1 al. 1 let. e LCI et 22 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700). En outre, le changement d'affectation ne nécessitait pas forcément l'exécution de travaux puisqu'il ne modifiait pas forcément l'apparence extérieure de l'ouvrage. La procédure d'autorisation devait permettre à l'autorité de contrôler, avant la réalisation du projet, sa conformité aux plans d'affectation et réglementations applicables. Pour déterminer si l'aménagement prévu était soumis à cette procédure, il fallait évaluer si, en général, d'après le cours ordinaire des choses, il entraînerait des conséquences telles qu'il existât un intérêt de la collectivité, des voisins ou de l'environnement à un contrôle préalable.

Les zones d'habitation comprenaient les constructions et installations destinées à la résidence des personnes, mais le droit cantonal y admettait souvent des activités non gênantes, répondant aux besoins quotidiens des habitants. Il ne suffisait pas que les activités prévues ne contredisent pas la finalité de la zone ; il devait exister un lien étroit avec cette finalité. Tel était selon la doctrine le cas de quelques places de stationnement, mais pas d'une place de parc pour un camion. L'examen du stationnement des véhicules sur un bien fond privé était dès lors exigé par le législateur, non seulement dans le but de respecter les ratios prévus par le RPFSP, mais également afin de veiller à l'utilisation judicieuse et rationnelle des zones à bâtir existantes.

En l'espèce, l'accumulation de véhicules, s'apparentant presque à une décharge selon les dires de l'inspecteur de la construction dépêché sur place, exerçait manifestement une incidence sur l'affectation du sol et ne pouvait perdurer. Pour le surplus, dans la mesure où le stationnement des voitures litigieux dépendait des besoins des diverses entités du groupe Franck Müller, il apparaissait que leur stationnement était lié à l'activité commerciale exercée à proximité immédiate de la parcelle et n'avait aucun lien avec le logement sis sur cette dernière. Le lien fonctionnel faisait donc manifestement défaut. Il était donc arbitraire de considérer que cette situation échapperait au respect du ratio prévu à l'art. 6 RPFSP relatif au stationnement pour les activités économiques. Il était arbitraire de prétendre qu'un propriétaire aurait le droit de stationner librement des véhicules sur son bien, sans autre formalité, comme retenu par le TAPI.

14) Chrono a conclu le 11 décembre 2020 au rejet du recours.

Les véhicules stationnés sur sa parcelle appartenaient aux diverses entités du groupe Franck Müller et aucune activité commerciale de quelque nature que ce soit n'était déployée en relation avec eux. Aucun aménagement n'avait été entrepris en relation avec leur stationnement qui était sans incidence sur l'aménagement du territoire en tant que tel, le département ne démontrant pas que tel sera le cas. Le stationnement des véhicules n'était assurément pas durable ni fixe, dès lors qu'il fluctuait au gré des besoins de Chrono. Ainsi, les faits à la base des arrêts cités en exemple par le département étaient totalement différents de ceux objet de la présente cause. Si le pouvoir de faire évacuer l'intégralité des véhicules stationnés sur sa parcelle était laissé à l'autorité, cela reviendrait à dire que le stationnement de tout véhicule sur une parcelle privée située en zone 5 de construction était interdit, ce qui n'était pas le cas, le département n'indiquant au demeurant pas quelle disposition légale fonderait une telle interdiction générale. En zone villas, des voitures devaient pouvoir être stationnées, de manière plus ou moins continue, selon les besoins de son propriétaire, contrairement à la situation d'une parcelle sise en zone agricole.

L'allégation du département considérant que le stationnement en question s'apparenterait presque à une décharge, formulée pour la première fois en seconde instance, outre qu'elle était déplacée, était fausse et clairement contraire aux faits tels que retenus par le premier juge auxquels le département se référait d'ailleurs. Comme relevé à juste titre par la jurisprudence vaudoise, vu la garantie de la liberté individuelle, le permis de construire ne devait pas devenir un moyen de contrôle systématique sur la présence et l'activité des personnes ou sur l'utilisation de biens. En présence de volumes préexistants figurant sur les plans sur la base desquels une autorisation avait été délivrée, il n'appartenait pas à l'autorité de s'immiscer de manière détaillée dans l'utilisation qui en était faite.

15) Dans une réplique du 15 janvier 2021, le département a relevé que la parcelle concernée, située dans une zone affectée au logement, était utilisée en partie, de manière non temporaire, puisqu'en tout cas depuis 2018, en tant qu'aire de stockage de véhicules. Il ne pouvait raisonnablement être considéré qu'il s'agissait d'un équipement nécessaire à l'usage quotidien de l'habitation comme admis par la jurisprudence et la doctrine. Cette utilisation de la parcelle représentait un changement à tout le moins partiel d'affectation, soumis au contrôle du département et autorisation. Le parcage de véhicules appartenant tous à Chrono, selon ses propres allégations, à cet endroit ne présentait de plus aucun lien fonctionnel étroit avec un logement, et partant n'était pas conforme à la zone de sorte qu'il nécessitait un examen et une autorisation. À suivre le raisonnement du TAPI, tous les propriétaires de parcelles en zone 5 pourraient y stocker leurs véhicules, notamment ceux issus de leur activité professionnelle, comme par exemple des camions, engins de construction etc., sans aucun contrôle du département. Cela serait susceptible de modifier considérablement l'image de la zone 5 et d'aller à l'encontre de la volonté du législateur d'une utilisation judicieuse des zones à bâtir au vu du peu de surface restante et de la pénurie de logements dans le canton.

Enfin, la parcelle se trouvant à proximité immédiate d'une zone de danger de crues et inondations, si un tel danger devait se manifester, la présence d'un nombre conséquent de véhicules immobilisés constituerait un risque accru de dommage environnemental.

16) Il ressort des deux photographies produites par le département, dont l'une porte la date du 30 octobre 2019, que dix-huit voitures sont stationnées sur de l'herbe/du gravier, dont seize en continu. La grande majorité ne semble pas porter de plaques d'immatriculation. Les deux véhicules stationnés sur le côté opposé du chemin longeant l'alignement des seize autres véhicules, portent des plaques d'immatriculation.

17) Un alignement semblable de dix-sept voitures figure sur l'orthophoto 2018.

18) Le département a produit un arrêt (ATA/247/2017) de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) du 28 février 2017 opposant Chrono au département notamment. Il y était question de la construction de cent nonante places de parking « provisoires » sur sa parcelle n° 2'292 (DD 106'373).

La chambre de céans a notamment retenu en son consid. 9 :

« En l'espèce, les installations litigieuses ont été construites en 5ème zone, soit une zone résidentielle destinée aux villas. Ces constructions ne sont pas conformes à cette zone, comme l'a d'ailleurs relevé la DPDCR.

« Certes, des dérogations sont concevables, mais les possibilités offertes par l'art. 26 al. 1 LaLAT doivent être interprétées de manière restrictive et le département ne semble pas avoir envisagé de pouvoir entrer en matière. En effet, il a d'emblée fait référence aux nuisances que pouvait générer un parking d'une telle ampleur, et cette appréciation ne saurait être en l'espèce critiquée. En effet, au moins cent nonante places de stationnement (parking du haut et du bas) ont été créées, sans autorisation, à proximité directe de maisons d'habitation. De plus, des lampadaires ont été installés et bétonnés au sol à plusieurs endroits, afin d'éclairer ces installations. S'il est vrai que le SABRA a émis un préavis favorable en considérant que le projet n'engendrerait pas de dépassement des valeurs limites d'exposition, il n'en demeure pas moins que l'absence de trafic et autres inconvénients graves, notamment pour le voisinage, n'a pas été démontré.

« De plus, le GESDEC a clairement précisé dans son dernier préavis que la construction de grandes surfaces de parking était fortement préjudiciable à la protection de l'environnent, notamment en raison de l'absence de charges ou des conditions nécessaires à la protection des sols. Il ne lui était en l'état plus possible de s'assurer que le projet respectait les prescriptions environnementales, dès lors que le parking avait déjà été construit.

« Aucun motif d'intérêt privé ne justifie que l'intérêt public au maintien de constructions conformes à la zone ne soit écarté, étant encore rappelé que la recourante est en possession d'une autorisation de construire entrée en force pour la construction d'un parking souterrain, qui devrait répondre aux besoins de la société en matière de place de stationnement.

« Dès lors qu'il n'existait aucun motif justifiant d'entrer en matière sur une dérogation, l'autorité n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation. Ce second grief sera également écarté ».

19) Les parties ont été informées le 19 janvier 2021 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. En vertu de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

b. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits dans les procédures qu'elles introduisent elles-mêmes, dans celles où elles y prennent des conclusions indépendantes ainsi que dans les autres cas prévus par la loi, conformément à l'art. 22 LPA. Le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits comprend en particulier l'obligation de celles-ci d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêt du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; ATA/573/2015 du 2 juin 2015).

L'art. 24 LPA énonce que l'autorité peut inviter les parties à la renseigner, notamment en produisant les pièces en leur possession ou à se prononcer sur les faits constatés ou allégués et leur fixer un délai à cet effet (al.1). L'autorité apprécie librement l'attitude d'une partie qui refuse de produire une pièce ou d'indiquer où celle-ci se trouve. Elle peut ainsi le cas échéant déclarer irrecevables les conclusions des parties qui refusent de produire les pièces et autres renseignements indispensables pour que l'autorité puisse prendre sa décision (al. 2).

3) Le département considère que le TAPI a, à tort, annulé sa décision du 5 mars 2020 ordonnant à l'intimée d'évacuer de sa parcelle, située en 5ème zone, de nombreuses voitures y stationnées, au nombre de dix-huit le jour du constat, soit de rétablir une situation conforme au droit, une sanction administrative demeurant réservée.

4) a. À teneur de l'art. 26 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), la propriété est garantie. Cette garantie constitutionnelle comprend la faculté de disposer de son terrain dans les limites des lois et des plans d'affectation du sol. Pour être admissible, sa restriction doit répondre aux exigences de l'art. 36 Cst., soit reposer sur une base légale (al. 1 ; ATF 135 I 233 consid. 2.1 p. 241), répondre à un intérêt public (al. 2 ; ATF 140 I 201 consid. 6.7 p. 213 ; 137 I 167 consid. 3.6 p. 175) et respecter le principe de la proportionnalité (al. 3 ; ATF 140 I 168 consid. 4.2.1 p. 173 ; 135 I 233 consid. 3.1 p. 246).

b. Selon l'art. 1 al. 1 LAT, la Confédération, les cantons et les communes veillent à une utilisation mesurée du sol et à la séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire. Les plans d'affectation règlent le mode d'utilisation du sol (art. 14 al. 1 LAT). Ils délimitent en premier lieu les zones à bâtir (définies aux art. 15 et 15a LAT), les zones agricoles (art. 16 ss LAT) et les zones à protéger (art. 17 LAT). Le droit cantonal peut prévoir d'autres zones d'affectation (art. 18 al. 1 LAT). Il peut régler le cas des territoires non affectés ou de ceux dont l'affectation est différée (art. 18 al. 2 LAT).

À teneur de l'art. 12 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), pour déterminer l'affectation du sol sur l'ensemble du territoire cantonal, celui-ci est réparti en zones, dont les périmètres sont fixés par des plans annexés à la présente loi (al. 1). Les zones instituées à l'alinéa 1 sont de 3 types : a) les zones ordinaires b) les zones de développement et c) les zones protégées (al. 2). Parmi les zones ordinaires figurent notamment les zones à bâtir (art. 19 al. 1 à 7 LaLAT), la zone agricole (art. 20 et 21 LaLAT), la zone de bois et forêts (art. 23 LaLAT) et les zones de verdure et de délassement (art. 24 et 25 LaLAT).

La 5ème zone est une zone résidentielle destinée aux villas (art. 19 al. 3 LaLAT), étant précisé que la question d'une dérogation à l'art. 19 al. 3 LaLAT ne fait pas l'objet du présent litige. Les zones industrielles et artisanales (art. 19 al. 4 LaLAT), la zone ferroviaire (art. 19 al. 5 LaLAT), la zone aéroportuaire (art. 19 al. 6 LaLAT) et les zones d'activités mixtes sont également des zones à bâtir.

c. En 5ème zone, le propriétaire, l'ayant droit ou le locataire d'une villa peut, à condition que celle-ci constitue sa résidence principale, utiliser une partie de cette villa aux fins d'y exercer des activités professionnelles, pour autant qu'elles n'entraînent pas de nuisances graves pour le voisinage (art. 19 al. 3 in fine LaLAT).

Il ressort des délibérations du Grand Conseil que cet article, tel qu'il a été adopté le 22 janvier 1988, vise à permettre une activité sans nuisances dans les zones villas. Seule une partie de la maison peut être utilisée à des fins professionnelles pour être certain que le caractère d'habitation reste prépondérant. Il n'est pas souhaitable que cette disposition permette par exemple à une personne, sous le couvert d'une boîte aux lettres, de transformer une villa en bureaux, bien qu'y étant domiciliée (Mémorial des séances du Grand Conseil, 1988, pp. 596 ss ; ATA N. du 18 octobre 1989 et les références citées).

5) Selon l'art. 22 LAT, aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (al. 1). L'autorisation est délivrée si : a) la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone ; b) le terrain est équipé (al. 2). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d'autres conditions (al. 3).

Selon la jurisprudence, sont considérés comme des constructions ou installations au sens de l'art. 22 al. 1 LAT tous les aménagements durables et fixes créés par la main de l'homme, exerçant une incidence sur l'affectation du sol, soit parce qu'ils modifient sensiblement l'espace extérieur, soit parce qu'ils chargent l'infrastructure d'équipement ou soit encore parce qu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'environnement (ATF 140 II 473 consid. 3.4.1 ; 123 II 256 consid. 3; ATF 119 Ib 222 consid. 3a). La définition jurisprudentielle susmentionnée comporte quatre conditions cumulatives (Piermarco ZEN-RUFFINEN/Christine GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, p. 214-218) :

1. la création par la main de l'homme, excluant toute modification naturelle du terrain telle que des éboulis ;

2. la durabilité de l'aménagement, contrairement à une construction provisoire qui peut être enlevée sans frais excessifs et dont l'existence est limitée dans le temps de manière certaine. La condition est remplie pour l'installation d'une caravane pour une durée supérieure à deux mois, un dépôt de matériel d'excavation aménagé pour une durée supérieure à trois mois ou neuf projecteurs qui ne sont pas ancrés solidement au sol mais vissés sur des socles, des parois ou des câbles et sont rapidement démontables parce qu'ils sont destinés à éclairer la pointe du Pilate (ATF 123 II 256 consid. 3 p. 259). Ont en revanche un caractère provisoire, l'édification répétée, mais pour quelques jours seulement d'un pavillon destiné à des manifestations musicales ou une installation de triage de gravats et de déchets de construction, régulièrement démontée (exemples tirés de Piermarco ZEN-RUFFINEN/Christine GUY-ECABERT, op. cit. p. 215) ;

3. la fixation au sol de la construction. Sont assimilés à des constructions tous les bâtiments en surface, y compris les abris mobiles, installés pour un temps non négligeable en un lieu fixe. L'exigence de la relation fixe avec le sol n'exclut pas la prise en compte de constructions mobilières, non ancrées de manière durable au sol et qui sont, cas échéant, facilement démontables. Ainsi, neuf projecteurs qui ne sont pas fixés au sol mais à des socles, rattachés par des vis à des parois et des cordes et démontables rapidement, remplissent cette condition, l'installation étant aménagée afin de rester là à demeure (ATF 123 II 256 consid. 3 p. 259 ; arrêt du Tribunal fédéral du 5 juillet 2011 dans la cause 1C_75/2011 consid. 2.1; Alexander RUCH, in Heinz AEMISEGGER/Alfred KUTTLER/Pierre MOOR/Alexander RUCH, Commentaire de la LAT, 2010, n. 24 ad art. 22 LAT). Des nattes en géotextile, utilisées pour aménager une parcelle d'une superficie de 5'773 m2, couvrant les talus en pente depuis plus de deux ans et demi sont indéniablement des éléments durablement fixés au sol (arrêt du 5 septembre 2011 du Tribunal fédéral du 1C_107/2011 consid. 3.3). Les roulottes pour forains ne remplissent pas cette condition parce qu'elles ne sont pas dépendantes d'un lieu déterminé au contraire d'un « véhicule habité » (ATF 99 Ia 115 consid. 3 = Jdt 1974 I 642). Un abri mobile servant de logement pour des requérants d'asile remplit cette condition (exemple cité par Alexander RUCH, op. cit, p. 15).

4. l'incidence sur l'affectation du sol, laquelle peut se manifester de trois manières, alternatives ou cumulatives, à savoir l'impact sur le paysage, les effets sur l'équipement et l'atteinte à l'environnement au sens large, soit la protection des eaux, de la forêt, de la faune, de la nature et du paysage par son impact esthétique sur le paysage (Piermarco ZEN-RUFFINEN/Christine GUY-ECABERT, op. cit., p. 216). L'élément déterminant n'est pas tant l'installation en soi que l'utilisation qui en sera faite et en particulier son impact sur l'environnement au sens large (ATA/244/2013 du 16 avril 2013 ; ATA/61/2011 du 1er février 2011 ; Alexander RUCH, op. cit., ad art. 22 n. 28 ; DFJP/OFAT, Étude relative à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, 1981, ad art. 22 n. 5 ss).

Ainsi la jurisprudence a soumis à autorisation trois pyramides métalliques de couleur rouille, de 3,68 m de largeur à la base et 2,76 m de hauteur, destinées à orner un alpage et sous lesquels les cendres des défunts pouvaient être répandues celles-ci ayant été considérées comme ayant un impact esthétique sur le paysage (ATF 119 Ib 444 consid. 3b), à l'instar de quatre panneaux solaires de 4 m2 à flanc de montagne (ZBI 1988 p. 333), des statues de chevaux éclairées la nuit dans une allée d'une propriété privée, mais située en zone de protection (arrêt du Tribunal fédéral 1C_529/2012 du 29 janvier 2013). Pour les impacts sur l'environnement, une place d'atterrissage pour planeurs, même sommairement aménagée (ATF 119 Ib 222), des installations d'éclairage d'une montagne (ATF 123 II 256), une installation d'effraiement des oiseaux (arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2007) sont soumis à autorisation.

Dans un récent arrêt, ATA/161/2021 du 9 février 2021, la chambre de céans a retenu qu'un paddock, son chemin d'accès et sa barrière, un marcheur à chevaux, de même qu'un abri en bois pour ces derniers, revêtaient cette qualification d'installation au sens de l'art. 22 al. 1 LAT.

6) Selon l'art. 1 al. 1 LCI, nul ne peut, sur tout le territoire du canton, sans y avoir été autorisé : b) modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation ; d) modifier la configuration du terrain ; e) aménager des voies de circulation, des places de parcage ou une issue sur la voie publique.

Le chapitre VI de la LCI (art. 58 à 79) fixe les normes spécifiques à respecter pour pouvoir édifier un bâtiment dans la cinquième zone, destinée aux villas (art. 19 al. 3 LALAT).

L'art. 26 al. 1 LaLat, applicable par renvoi de l'art. 23 LAT, autorise le département à déroger aux dispositions des articles 18 et 19 quant à la nature des constructions lorsque les circonstances le justifient et s'il n'en résulte pas d'inconvénients graves pour le voisinage.

Selon la jurisprudence, il convient d'adopter une interprétation restrictive de l'art. 26 al. 1 LaLAT, en tout cas lorsque l'on entend l'appliquer à la 5ème zone. En effet, la condition de l'absence d'inconvénients graves pour le voisinage est identique à celle qui est posée pour la tolérance d'activités professionnelles dans une partie d'une habitation (art. 19 al. 3 2ème phr. LaLAT). Seule la condition de « circonstances qui le justifient » distingue donc la tolérance conforme à l'affectation de la zone et la réelle dérogation. Cette condition doit, par conséquent, avoir une consistance certaine, sauf à vider de son sens, par le biais des dérogations, la réglementation expressément voulue par le législateur (ATA/824/2015 du 11 août 2015).

Les circonstances visées à l'art. 26 al. 1 LaLAT doivent être à la fois particulières, en ce sens que la situation considérée doit être réellement exceptionnelle dans le cadre de la zone, et suffisamment importante pour justifier que l'intérêt public au respect de l'affectation de la zone, consacré par le législateur, cède le pas face à un intérêt public ou privé prépondérant (ATA/824/2015 précité).

7) Le RPFSP vise à préciser les modalités régissant l'aménagement des places de stationnement sur fonds privés à l'occasion de la construction ou de la modification d'une construction, ou encore du changement d'affectation de bâtiments ou d'installations. Toute demande de construction de places de stationnement doit être justifiée par l'identification d'un besoin spécifique en lien avec une activité, un logement ou le principe de compensation au sens du règlement d'exécution de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière, du 30 janvier 1989 (art. 1 al. 1 RPFSP).

Selon l'art. 2 RPFSP, on entend par case de stationnement, une surface, généralement limitée par un marquage, destinée à recevoir un véhicule individuel léger, à savoir une voiture automobile de catégorie B (ci-après : voiture), un véhicule deux-roues motorisé ou un vélo (cycles ou vélo à propulsion électrique) (al. 1) et par parc de stationnement, les surfaces ou constructions comprenant des groupes de cases délimitées ainsi que les surfaces nécessaires à la circulation et à la manoeuvre (al. 2).

8) La procédure d'autorisation doit permettre à l'autorité de contrôler, avant la réalisation du projet, sa conformité aux plans d'affectation et aux réglementations applicables. Pour déterminer si l'aménagement prévu est soumis à cette procédure, il faut évaluer si, en général, d'après le cours ordinaire des choses, il entraînera des conséquences telles qu'il existe un intérêt de la collectivité ou des voisins à un contrôle préalable (ATF 139 II 134 consid. 5.2 ; ATF 123 II 256 consid. 3).

9) En l'espèce l'intimée, suivie en cela par le TAPI, considère qu'elle peut, sur sa parcelle privée sise en 5ème zone, entreposer sans autre formalité des véhicules qu'elle dit appartenir à diverses entités de son groupe horloger et qui ne sont pas utilisés dans un but commercial.

Elle ne contredit pas le département, qui s'appuie notamment sur une ortophoto de 2018, sur le fait que nombre de voitures sont stationnées de manière durable sur sa parcelle sise en 5ème zone. L'alignement de seize voitures, à l'instar de ce qui est visible sur les photos prises par le département en octobre 2019, a sans conteste un impact visuel important sur le paysage. Certes, le sol sur lequel elles sont stationnées n'a pas été modifié en vue de cette destination, et est constitué de gravier et d'herbe. Néanmoins, ce parcage de multitudes de voitures s'apparente effectivement à un stockage, tel que le nomme le département, d'autant plus qu'à l'exception de deux voitures parquées à l'écart, sur le côté opposé du chemin, on ne discerne pas sur les autres véhicules de plaques d'immatriculation et que, sans être contredit, le département a constaté que certaines d'entre elles étaient accidentées. Cette situation s'apparente ainsi à celle traitée par la jurisprudence s'agissant d'une caravane stationnée au même endroit depuis deux mois. Ce « stockage » de véhicules automobiles, du fait de l'homme, modifie sensiblement l'espace extérieur, en changeant un parc d'agrément en zone villas en parking de véhicules immobilisés à long terme et, comme relevé par le département, est susceptible de porter atteinte à l'environnement, ne serait-ce que par les pertes de divers liquides polluants, telle l'huile de vidange. L'ombre causée sur le long terme par les véhicules est aussi susceptible de conduire à la disparition de la végétation et à l'arrivée de mousse.

Le stationnement pour une durée indéterminée de ces véhicules constitue un changement d'affectation, quand bien même il n'a pas nécessité de travaux de construction, ni de transformation et doit être considéré comme une installation au sens de l'art. 22 al. LAT nécessitant une autorisation au sens de cette disposition et de l'art. 1 LCI.

10) Comme rappelé plus haut, les dérogations à l'affectation à l'habitation dans la zone villa sont restrictives (art. 26 al. 1 LaLAT). En l'espèce, l'intimée ne peut se prévaloir, au vu du nombre de véhicules impliqués et de la durée de leur stationnement, d'une utilisation par les occupants du seul logement situé sur la parcelle en cause. Elle ne soutient au demeurant pas que vivrait dans ledit logement un nombre de personnes susceptibles de faire un usage raisonnable et d'une certaine régularité de ces véhicules. Aucun motif d'intérêt privé ne justifie que l'intérêt public au maintien de constructions conformes à la zone ne soit écarté, étant encore rappelé que l'intimée était, au moment de l'arrêt de la chambre de céans du 28 février 2017 susmentionné, en possession d'une autorisation de construire entrée en force pour la construction d'un parking souterrain sur l'une de ses parcelles à Genthod portant sur environ deux cents places de stationnement.

L'intimée ne peut ainsi se prévaloir d'aucune justification pour une dérogation au sens de l'art. 26 al. 1 LaLAT.

Dans ces conditions, il n'est pas besoin de se demander si le RPSFP s'applique au cas d'espèce.

11) Le recourant a exigé l'évacuation de l'intégralité des véhicules dont il a constaté la présence en octobre 2019.

a. Lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires, le département peut notamment en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e et 130 LCI). Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

b. De jurisprudence constante, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions cumulatives :

- l'ordre doit être dirigé contre le perturbateur ;

- les installations en cause ne doivent pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation ;

- un délai de plus de trente ans ne doit pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux ;

- l'autorité ne doit pas avoir créé chez l'administré concerné, que ce soit par des promesses, par des infractions, des assurances ou encore un comportement des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi ;

- l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/1030/2018 du 2 octobre 2018 consid. 6c ; ATA/1411/2017 du 17 octobre 2017 consid. 4a et les références citées).

c. Les critères de l'aptitude et de la subsidiarité sont particulièrement concernés lorsqu'un ordre de démolition pur et simple est envisagé. Ils impliquent en effet de déterminer si une - ou plusieurs - autre mesure administrative pourrait être préférée, cas échéant en combinaison.

La proportionnalité au sens étroit implique une pesée des intérêts. C'est à ce titre que l'autorité renonce à ordonner la remise en conformité si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle (...). Le postulat selon lequel le respect du principe de la proportionnalité s'impose même envers un administré de mauvaise foi est relativisé, voire annihilé, par l'idée que le constructeur qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que cette dernière se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des inconvénients qui en découlent pour lui constructeur (Nicolas WISARD/Samuel BRÜCKNER/Milena PIREK, Les constructions « illicites » en droit public, Notions, mesures administratives, sanctions, in Journées suisses du droit de la construction, Fribourg 2019, p. 218).

Donner de l'importance aux frais dans la pesée des intérêts impliquerait de protéger davantage les graves violations et mènerait à une forte et inadmissible relativisation du droit de la construction. C'est pourquoi il n'est habituellement pas accordé de poids particulier à l'aspect financier de la remise en état (Vincent JOBIN, Construire sans autorisation - Analyse des arrêts du Tribunal fédéral de 2010 à 2016, VLP-ASPAN, Février 1/2018, p. 16 et les références citées).

d. En l'espèce, l'intimée ne soutient pas que les installations litigieuses dateraient de plus de trente ans et admet être la propriétaire, au travers de ses diverses sociétés, des véhicules posant problème (la perturbatrice). Elle ne soutient ni ne démontre que les installations litigieuses auraient été autorisées au moment de leur mise en place. Elle ne remet à juste titre pas en cause la bonne foi de l'autorité qui a ordonné l'évacuation des véhicules « stockés » sur sa parcelle. Ainsi, quatre des conditions nécessaires à la validité d'un ordre de mise en conformité sont réalisées en l'espèce.

Ne reste qu'à déterminer si l'intérêt privé de l'intimée à poursuivre le parcage de ces véhicules sur sa propriété privée l'emporte sur l'intérêt public. Tel ne saurait être le cas en l'espèce d'un groupe propriétaire en particulier d'un parking souterrain comptant environ deux cents places de stationnement sur l'une de ses autres parcelles à Genthod, à même d'abriter les voitures non munies de plaques et/ou accidentées, dont l'usage n'est pas démontré, que ce soit par ses divers acteurs ni a fortiori par les occupants du logement sis sur la parcelle en cause. Ce déplacement, pour autant que la question du coût soit pertinente, ne saurait être qualifié d'onéreux de sorte qu'il peut être exigé de l'intimée.

C'est ainsi à juste titre et sans abuser de son pouvoir d'appréciation ni violer le principe de proportionnalité que le département a ordonné l'évacuation des véhicules concernés, ordre qui ne s'appliquera toutefois pas à ceux portant des plaques d'immatriculation et effectivement en circulation, tel que cela semblait être le cas des deux véhicules munis de plaques sur la photo prise par le département le 30 octobre 2019. Autrement dit, l'intimée n'a pas à évacuer de sa parcelle les véhicules servant effectivement aux habitants du logement, munis de plaques et en circulation.

Enfin, si une atteinte à la garantie de la propriété, dont l'intimé ne se prévaut au demeurant pas spécifiquement, devait toutefois être avérée, elle ne serait pas violée puisque la mesure en question est prévue par la loi, répond à un intérêt public et est proportionnée au but visé.

Par conséquent, le jugement du TAPI sera annulé et la décision du département du 5 mars 2020 confirmée.

12) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'200.- sera mis à la charge de l'intimée (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 novembre 2020 par le département du territoire-oac contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 octobre 2020 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 octobre 2020 ;

rétablit la décision du département du territoire du 5 mars 2020 ordonnant à Chrono immobilier SA de rétablir une situation conforme au droit dans un délai de trente jours en procédant à l'évacuation de tous les véhicules stationnés au sud-ouest de la parcelle n° 2'022 ce, dans la mesure des considérants du présent arrêt ;

met un émolument de CHF 1'200.- à la charge de Chrono Immobilier SA ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au département du territoire-OAC, à Me Michel D'Alessandri, avocat de Chrono Immobilier SA, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :