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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4205/2023

JTAPI/704/2025 du 26.06.2025 ( LCI ) , ADMIS

IRRECEVABLE par ATA/1311/2025

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4205/2023 LCI

JTAPI/704/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 26 juin 2025

 

dans la cause

 

A______, représentée par Me Pascal PETROZ, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

B______ Sàrl, représentée par Me C______, avocat, avec élection de domicile

 


EN FAIT

1.             B______ Sàrl (ci-après : la Sàrl) est une société à responsabilité limitée inscrite au registre du commerce du canton de Genève
(ci-après : RC) depuis le ______ 2011. Elle a pour but l'exploitation rurale d'une culture de champignons ainsi que toutes activités d'horticulture, paysagiste et pépiniériste.

Depuis le 5 mai 2023, Monsieur C______ en est l'associé gérant, avec signature individuelle, et Monsieur D______ en est l'associé, sans pouvoir de signature.

2.             Jusqu'au ______ 2022, la Sàrl était enregistrée au RC sous la raison sociale E______ Sàrl.

M. D______ en était l'unique associé gérant, avec signature individuelle, depuis le 10 mars 2020.

3.             La Sàrl est propriétaire de la parcelle n° 1______, feuille 2______, de la commune de ______[GE] (ci-après : la commune), sise ______[GE]. Ladite parcelle, d'une superficie totale de 28'132 m2, est majoritairement située en zone agricole, mais également en zone de bois et forêts en bordure de parcelle.

Selon le cadastre, quatre bâtiments sont érigés sur celle-ci :

- le bâtiment n° 3______, d'une surface totale de 34 m2, dont la période de construction se situe entre 1971 et 1980, conformément à ce qu'indique le site du système d’information du territoire à Genève (ci-après : SITG) ;

- le bâtiment n° 4______, d'une surface totale de 253 m2, dont la période de construction se situe également entre 1971 et 1980, selon le SITG ;

- le bâtiment n° 5______, d'une surface totale de 939 m2, dont la période de construction se situe également entre 1971 et 1980, selon le SITG ;

- le bâtiment n° 6______, d'une surface totale de 1'469 m2, dont la période de construction se situe entre 1986 et 1990, selon le SITG.

4.             Les trois premiers bâtiments (n° 3______, 4______ et 5______) ont été autorisés pour la culture de champignons le ______ 1967 (DD 7______).

5.             Le bâtiment n° 6______ destiné à la culture de champignons, avec bureaux, vestiaire et appartement de service, a quant à lui été autorisé le ______ 1980 (DD 8______/1).

À la suite d’un incendie l’ayant en grande partie détruit, des autorisations de démolir (M 9______) et de construire (DD 10_____/1 et DD 10_____/2) ont été délivrées, respectivement les ______ 2012 et ______ 2013, afin de permettre la reconstruction dudit bâtiment.

Ce projet a fait l'objet de modifications soumises au département du territoire
(ci-après : le département) dans le cadre d'une demande complémentaire d'autorisation de construire délivrée le ______ 2013 (DD 10_____/2).

6.             Le 9 octobre 2019, lors d'un transport sur place, le département a constaté que des éléments non autorisés étaient présents sur la parcelle litigieuse, dont notamment deux places bétonnées (A et D) ainsi qu'un muret de 80 cm de hauteur, entourant la place A, qui semblaient avoir été réalisés à des dates incertaines, mais vraisemblablement entre 1960 et 1975.

7.             Le constat du département a donné lieu à l'ouverture d'une procédure d'infraction (I-11_____).

8.             Dans le but de régulariser la situation, une première demande d'autorisation de construire a été déposée en procédure accélérée le ______ 2022 (APA 12_____) auprès du département. Dans la mesure où une dérogation à la limite forestière s'avérait nécessaire et que les constructions litigieuses n'étaient pas conformes à la zone agricole, elle a toutefois fait l'objet d'une requalification.

9.             Le ______ 2023, une demande d'autorisation de construire définitive a par conséquent été déposée dans le but de régulariser les deux places bétonnées (A et D), ainsi que le muret (DD 13_____).

Le registre des signatures annexé à la requête a été signé par Monsieur F______ pour la société G______ Sàrl, en tant que mandataire, ainsi que par M. D______ pour la société « E______ », en tant que société propriétaire et requérante principale.

Le courrier d'accompagnement précisait que les places bétonnées litigieuses étaient nécessaires à l'exploitation du site. La place A était utilisée pour l'accès aux bâtiments n° 3______, 4______ et 5______. Elle permettait les manœuvres des véhicules et était destinée au stockage des éléments essentiels à la fabrication du substrat, ainsi qu'aux premières phases de fabrication de ce dernier. Le mélange avec les spores et la mise sous vide du substrat en blocs se faisait à l'intérieur du bâtiment n° 5______, puis les blocs étaient stockés sur la place D avant d'être transférés dans les tunnels de production situés dans le bâtiment n° 6______. Quant au muret, il ne posait pas de problème paysager ou environnemental et avait une fonction séparative pour l'entretien du site.

10.         Dans le cadre de l'instruction, plusieurs instances de préavis ont été consultées :

-                 la commission consultative de la diversité biologique, la direction de l'information du territoire (ci-après : DIT), le service de géologie, sols et déchets (ci-après : GESDEC) et l'office cantonal de l'eau (ci-après : OCEau) ont rendu des préavis favorables sans observations.

L'OCEau a relevé que le projet n'était pas raccordé aux collecteurs privés et communaux et que les eaux pluviales seraient donc probablement écoulées sur le sol et infiltrées. Elles ne devaient en aucun cas gêner le voisinage, ni être dirigées vers le domaine public. Dans le cas contraire et dans le cas d'un éventuel raccordement, une taxe unique de raccordement devrait être appliquée et une demande complémentaire adressée au département ;

-                 le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) a indiqué ne pas être concerné ;

-                 le 9 juillet 2023, l'office de l'urbanisme (ci-après : OU) a rendu un préavis favorable avec dérogations et sous conditions.

Il relevait que l'autorisation de construire DD 7______ délivrée en 1965 portait sur une activité de champignonnière dans les bâtiments n° 3______, 4______ et 5______ et il en allait de même s'agissant de l'autorisation de construire DD 8______ du ______ 1980 qui portait sur le bâtiment n° 6______. La culture de champignons était à nouveau active et le modèle opérationnel et commercial était en phase de consolidation. Le projet était régi par l'art. 37a de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) et par les art. 43 et 43a de l'ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1), relatifs aux constructions et installations à usage commercial sises hors zones à bâtir et non conformes à l'affectation de la zone. Le projet consistait en la régularisation de deux places extérieures, vraisemblablement construites à l'occasion de la construction du bâtiment n° 6______. Ces deux places étaient utiles, au dire des requérants, à la production de champignons, ainsi qu'à l'utilisation des bâtiments dans une recherche d'efficience de production. Elles n'avaient pas, à elles seules, un impact important sur l'environnement ou sur le territoire et aucun intérêt public prépondérant ne s'opposait à leur régularisation.

Le préavis favorable était conditionné au fait qu'aucun changement d'affectation ne pouvait être opéré et qu'aucune autre activité non agricole ne pouvait être développée sur le site.

-                 le 15 septembre 2023, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a rendu un préavis favorable avec dérogation, dans la mesure où les constructions se trouvaient à une distance inférieure à 20 m de la limite forestière et qu'elles n'étaient pas conformes à la zone agricole. Elle a précisé que les travaux étaient nécessaires à la culture de champignons présente sur la parcelle ;

-                 le 12 octobre 2023, la commune a rendu un préavis défavorable dans lequel elle indiquait ne pas être « d'accord sur le fait de valider la zone bétonnée réalisée, non conforme à la zone agricole » ;

-                 le 16 octobre 2023, après avoir demandé des compléments au sujet de la reprise de l'activité commerciale de production de champignons et des rôles et statuts des personnes impliquées, l'office cantonal de l'agriculture et de la nature
(ci-après : OCAN) a rendu un préavis favorable avec dérogations et sous conditions.

Il a considéré que la société avait repris une activité de production sur le site, que le business plan fourni démontrait l'évolution de l'activité et des investissements sur les années à venir, que les aménagements projetés ne provoquaient pas de nouvelles atteintes à l'exploitation des terrains avoisinante et qu'aucun intérêt prépondérant de l'agriculture n'était lésé.

Dans la mesure où la parcelle était située en zone agricole et que les aménagements étaient uniquement destinés aux différentes étapes de la production de champignons, en cas de cessation des activités de la champignonnière, les aménagements devaient être démolis et le terrain remis en état. Aucune autre activité non conforme à la zone ne pouvait être acceptée. Les constructions litigieuses devaient faire l'objet d'une mention d'interdiction de procéder à des changements d'affectation au registre foncier.

11.         Le 13 septembre 2023, M. C______ a adressé un courrier à l'OCAN pour faire suite à sa demande de compléments.

Comme cela ressortait des inscriptions figurant au registre du commerce, il avait acquis une part minoritaire dans la société, dont il était désormais l'unique associé gérant. Il avait toutefois l'intention d'en acquérir le solde une fois les incertitudes juridiques liées à la procédure d'infraction I-11_____ levées. La raison sociale de la société avait été modifiée lorsque M. D______ en était l'associé-gérant. Il convenait d'en opérer la rectification formelle au dossier. La production champignonnière avait été relancée en mai 2023 et M. H______ en était le responsable. Ils avaient tous deux créé la société NOM QUASI IDENTIQUE A E______ Sàrl, dont la mission était de reconstituer un réseau de clientèle pour les produits de la champignonnière et qui avait pour vocation d'être par la suite absorbée par E______ Sàrl.

12.         Par décision du ______ 2023, le département a accordé l'autorisation de construire sollicitée, laquelle a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du même jour.

La décision se basait sur les art. 37A LAT, 43 ss OAT, 27c LaLAT et 11 al. 2 let. b de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10). Les conditions figurant dans les préavis de l'OCAN du 16 octobre 2023 et de l'OU du 9 juillet 2023 devaient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de l'autorisation.

13.         Par courrier du ______ 2023 également, le département s'est adressé à la commune pour l'informer qu'il autorisait les constructions querellées pour lesquelles elle avait rendu un préavis défavorable.

14.         Le 15 décembre 2023, la commune, par le biais de son conseil, a formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).

La recourante a préalablement demandé qu'il soit procédé à un transport sur place. Elle a principalement conclu à la constatation de la nullité de la décision querellée et subsidiairement à l'annulation de ladite décision, sous suite de frais et dépens.

Elle se battait depuis des décennies pour que les zones non constructibles soient respectées sur son territoire. L'autorisation de construire querellée validait une bétonisation non nécessaire de la zone agricole et avait été rendue suite au dépôt d'une requête irrecevable, car formulée au nom d'une personne qui n'était ni propriétaire, ni exploitante de la parcelle.

Les constructions litigieuses en zone agricole ne se justifiaient pas. Un transport sur place permettrait de constater que la place bétonnée A se situait essentiellement au-delà des bâtiments et entrepôts destinés à l'exploitation d'une champignonnière. Les photographies aériennes disponibles sur le site du SITG permettaient de constater qu'en 2019 et en 2020, cette place servait de parking. Rien ne justifiait la bétonisation de la zone agricole au-delà de l'accès au bâtiment. Par leurs dimensions et leur implantation, les constructions devaient être adaptées aux besoins objectifs du propriétaire ou de l'exploitant.

En rendant son préavis, l'OCAN ne semblait pas avoir tenu compte de l'ampleur de la construction. Le fait qu'elle ait autorisé une construction déjà réalisée hors zone à bâtir au motif qu'elle ne provoquerait pas de nouvelles atteintes à l'exploitation agricole des terrains avoisinants ouvrait la porte à un nombre infini de dérogations. Le préavis de l'OCEau se basait quant à lui sur une hypothèse.

Tolérer indéfiniment des constructions illégales hors zone à bâtir constituait une remise en question du principe de la séparation du bâti et non bâti, récompensait un comportement contraire au droit et ne pouvait pas se poursuivre indéfiniment sur la base du simple écoulement du temps.

15.         Le 16 février 2024, la Sàrl a fait parvenir ses observations et a conclu à la confirmation de la décision querellée, sous suite de frais et dépens.

Les conditions de recevabilité du recours n'étaient pas remplies. La recourante n'invoquait aucun intérêt actuel et concret à l'annulation de l'autorisation de construire litigieuse qui puisse se distinguer de l'intérêt général et qu'elle opposerait à l'intérêt concret de l'intimée à la régularisation d'un acquis historique incontesté.

Quant à la décision querellée, elle était bien fondée. Les zones bétonnées permettant l'accès des véhicules aux bâtiments affectés à la production champignonnière constituaient une extension nécessaire à la manœuvre des engins, tant pour accéder aux bâtiments que pour recevoir la livraison et organiser le stockage extérieur des matières premières nécessaires à l'exploitation. L'implantation des constructions, érigées avant le 1er janvier 1980, s'imposait de par sa destination et aucun intérêt prépondérant n'imposait de rejeter l'autorisation délivrée. C'était à bon droit que le département l'avait octroyée et elle permettait de régulariser une situation historique par ailleurs parfaitement connue et admise par la recourante depuis plus de 50 ans.

16.         Par courrier du 19 février 2024, le département a également transmis ses observations concluant au rejet du recours, ainsi qu'à la confirmation de la décision querellée. Il a produit son dossier.

Aucun vice formel pouvant mener à la nullité de l'autorisation de construire litigieuse ne pouvait être retenu. La raison sociale de la société propriétaire de la parcelle litigieuse avait été modifiée le ______ 2022. La modification n'était toutefois intervenue au registre foncier qu'en date du 23 juillet 2023, soit après le dépôt de la requête en autorisation de construire signée par M. D______, l'un des associés. La raison sociale de la société avait certes été modifiée avant le dépôt de la requête et M. D______ n'avait certes plus de signature individuelle à ce moment-là, cela ne prêtait toutefois pas à conséquence dans la mesure où la société propriétaire était reconnaissable et que M. C______, son associé-gérant, avait confirmé son accord par courrier du 13 septembre 2023. Selon la jurisprudence, l'exigence de signature de la requête en autorisation de construire avait pour but de permettre de s'assurer que les travaux prévus n'étaient pas d'emblée exclus et que le propriétaire qui n'entendait pas réaliser lui-même l'ouvrage y donne à tout le moins son assentiment de principe. La signature du propriétaire avait également pour but d'obtenir l'assurance que celui qui avait la maîtrise juridique du fonds consentait aux travaux ainsi qu'à tous les effets de droit public qui en découlaient.

La légalité de l'activité de champignonnière et des bâtiments ne prêtait pas le flanc à la critique. Dans le cadre de l'instruction de la requête, la DAC, l'OCAN et l'OU avaient minutieusement examiné le dossier et le respect des normes applicables hors zone à bâtir. Les constructions litigieuses s'avéraient nécessaires à l'exploitation de la champignonnière et il avait été démontré qu'une production était à nouveau effective et un business plan avait été produit. La place bétonnée A permettait de recevoir et de stoker les matières premières indispensables à la fabrication du substrat, lequel était fabriqué à l'intérieur du bâtiment n° 5______. Ses dimensions apparaissaient appropriées à la venue et aux manœuvres de véhicules, ainsi qu'à l'entrepôt de paille et de bois. La place bétonnée D se situait en fin de chaîne de production et permettait de sortir les blocs de substrat, de les stocker et de les emmener, au moyen de tracteurs ou d'utilitaires, dans les tunnels de fructification. Les places bétonnées étaient fondamentales dans le cadre de l'exploitation et indispensables en leur emplacements et dimensions précises. Le muret délimitait la place des exploitations voisines et permettait que la matière première ne s'échappe pas sur les parcelles contiguës. Les aménagements projetés ne provoquaient par ailleurs aucune nouvelle atteinte à l'exploitation agricole des terrains avoisinants et aucun intérêt prépondérant ne s'y opposait. Il était important de préciser qu'en cas de cessation de l'activité champignonnière, les aménagements devaient être démolis et le terrain remis en état, aucune autre activité non conforme à la zone ne pouvant être acceptée.

Il ne pouvait être fait reproche au département d'avoir suivi la position de la DAC, de l'OU et de l'OCAN et d'avoir délivré l'autorisation querellée. Il avait récolté les préavis de l'ensemble des instances concernées et avait effectué une pesée des intérêts, notamment eu égard à celui émis par la commune. Les instances spécialisées en matière de zone agricole avaient consciencieusement examiné le dossier et s'étaient déterminées favorablement à son sujet, considérant qu'il entrait dans le champ d'application des art. 37a LAT, 43 et 43a OAT et 27c LaLAT.

Finalement, c'était au regard des art. 37a LAT, 43 et 43a OAT et 27c LaLAT que les aménagements litigieux avaient été autorisés. Il ne s'agissait donc pas d'une tolérance de constructions illégales, ni de l'application de la prescription trentenaire.

17.         Le 26 février 2024, par le biais de son conseil, la recourante a répliqué, persistant dans ses conclusions.

Ni la requérante principale, ni la propriétaire désignées dans les documents figurant au dossier du département n'étaient désignés en tant que « Sàrl », alors que s'agissant du mandataire professionnellement qualifié, la raison sociale comportait bel et bien l'indication « Sàrl », marquant ainsi la compréhension et l'importance de cette désignation. Le département ne pouvait raisonnablement être suivi lorsqu'il considérait qu'une requête déposée au nom d'une personne qui n'était ni propriétaire, ni exploitante autorisée devait être instruite dans la mesure où cela revenait à permettre la mise en place d'un prête-nom. Lors du dépôt de la requête en autorisation de construire, M. D______ n'était pas associé-gérant de la société propriétaire, avec pouvoir de signature individuelle.

Au vu de la configuration des lieux, les véhicules pouvaient se déplacer et manœuvrer sans utiliser les places bétonnées litigieuses. Quant aux
« larges quantités de paille et de fumier », il suffisait de parcourir la campagne pour constater la présence d'andains qui permettaient le stockage provisoire de fumier dans les champs, sans qu'il ne soit question de les bétonner. Elle comprenait que les places bétonnées litigieuses présentaient une certaine utilité, mais s'agissant de zone non constructive, elles devaient être réellement indispensables, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

Les places bétonnées et le muret devaient être distinguées de la route traversant la parcelle et passant devant les bâtiments qui existait pour elle-même, indépendamment de ces surfaces litigieuses.

18.         Le 25 mars 2025, la Sàrl a dupliqué sous la plume de son conseil, persistant dans ses conclusions.

Le changement de raison sociale de la société propriétaire était intervenu pendant la préparation de la requête par son mandataire architecte qui avait omis de reporter cette modification sur les documents, ainsi que de tenir compte du changement d'organe intervenu durant cette période. Aucun doute n'avait toutefois prévalu de ce fait quant à l'identité de la société propriétaire requérante et l'acte signé par l'ancien organe avait été ratifié par son successeur par la suite.

Les matériaux nécessaires à la confection du substrat à champignons devaient être stockés sur un sol propre, ils ne pouvaient l'être dans les champs et il en allait de même du substrat terminé qui devait être chargé dans des conditions de propreté irréprochables pour être acheminé vers les halles de fructification.

La Maire de la commune, dont la maison se trouvait dans le virage de la route qui constitue l'unique accès à la parcelle litigieuse, avait visiblement un intérêt personnel à ce que l'autorisation de construire litigieuse soit annulée.

19.         Par courrier du 27 mars 2024, le département a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

Il peinait à saisir l'intérêt digne de protection de la recourante à invoquer la nullité de la requête litigieuse. Il était par ailleurs faux de soutenir qu'une autorisation de construire ne pouvait être délivrée à une personne qui n'était ni propriétaire, ni titulaire d'un quelconque pouvoir de représentation. Seul l'accord de celui-ci était nécessaire, ce qui était le cas en l'espèce au vu du courrier de C______ du 13 septembre 2023.

La recourante ne faisait que substituer son appréciation personnelle à celles des instances spécialisées qui avaient préavisé favorablement les constructions litigieuses. Son argumentation relative à la possibilité de stocker la paille et le fumier dans les champs ne pouvait être suivie dans la mesure où les situations n'étaient pas comparables.

20.         Par courrier du 9 avril 2024, la recourante s'est adressée au tribunal.

Elle s'opposait vivement au procédé consistant à évoquer une prétendue motivation personnelle d'une élue pour tenter de détourner le tribunal de la question centrale du dossier, à savoir celle de la nécessité des constructions litigieuses. Les élus de la commune avaient tous pour volonté de préserver la zone agricole. Les attaques personnelles à l'encontre de la Maire de la commune, qui n'avait par ailleurs emménagé à son adresse actuelle qu'en 2009, n'avaient pas lieu d'être.

21.         Par courrier du 11 avril 2024, la recourante a indiqué au tribunal qu'une faute de frappe s'était glissée dans son dernier courrier et que la Maire de la commune avait emménagé à son adresse actuelle à la fin de l'année 2014.

22.         Le 10 juillet 2024, le tribunal a imparti un délai au 26 juillet suivant au département pour lui transmettre un calcul détaillé relatif à l'agrandissement de la surface utilisée pour un usage non conforme à l'affectation de la zone au sens de l'art. 43 al. 2 OAT ainsi que les plans idoines.

23.         Par envoi du 26 juillet 2024, le département a indiqué au tribunal qu'un calcul détaillé relatif à l'agrandissement de la surface utilisée au sens de l'art. 43 al. 2 OAT n'apparaissait pas nécessaire dans le cas d'espèce, raison pour laquelle il ne figurait pas au dossier. Les surfaces des places bétonnées n'entraient pas dans le calcul de l'art. 43 al. 2 OAT puisqu'elles ne répondaient ni à la définition des surfaces annexes, ni à celles des surfaces brutes de plancher. N'étant pas couvertes, il ne s'agissait que d'aménagements extérieurs analysés uniquement sous l'angle du respect des conditions de l'art. 43 al. 1 OAT et du critère de l'identité de la construction. Si le tribunal devait estimer la production d'un tel calcul nécessaire, il suggérait de le demander à la Sàrl. Les explications de la confédération au sujet de l'art. 42 al. 3 OAT, applicables par analogie, confirmaient ce qui précédait concernant les constructions ouvertes (Autorisations au sens de l’article 24c LAT : modifications apportées aux constructions et installations devenues contraires à l’affectation de la zone, p. 10 (ci-après : Autorisations au sens de l’art. 24c LAT)).

24.         Par écriture spontanée du 7 octobre 2024, la Sàrl a transmis au tribunal une copie de l'ATA/14_____ rendu le 10 septembre 2024 par la Chambre administrative de la Cour de Justice (ci-après : la chambre administrative) constatant, selon elle, que dûment autorisée avant que la parcelle ne soit classée en zone agricole, la champignonnière était au bénéfice de la garantie acquise. La chambre administrative avait écarté au passage comme exorbitant au litige, les griefs de la commune se plaignant du dépôt de nombreuses autorisations sans véritables production de champignons.

25.         Dans son envoi du 10 octobre 2024, la commune a souligné que ce n'était pas la champignonnière qui avait été admise au bénéfice de la situation acquise mais le bâtiment dont la construction avait été autorisée. Il n'y avait donc aucun lien possible avec la situation actuellement soumise à l'examen du tribunal, à savoir le bétonnage sans autorisation de 700 m2 de surface agricole.

26.         Le 6 juin 2025, le tribunal a informé les parties qu'il envisageait l'application de l'art. 43 al. 2 et 3 OAT et leur a imparti un délai au 20 juin 2025 pour déposer leurs éventuelles observations.

27.         Le 18 juin 2020, la commune a persisté dans ses conclusions précédentes indiquant que l'art. 43 OAT avait vocation à s'appliquer aux constructions et installations à usage commerciale érigées hors zone à bâtir avant le 1er janvier 1980 et que compte tenu de la configuration des lieux, les véhicules pouvaient se déplacer et manœuvrer sans les deux surfaces de béton prises sans autorisation aucune sur la zone agricole, d'une superficie de 550 m2 pour l'une, respectivement de 106 m2 pour l'autre. Le bétonnage de la surface agricole n'avait pas été réalisé légalement et n'était aucunement indispensable au maintien de l'entreprise ni dans son principe ni dans son ampleur.

28.         Le 19 juin 2025, l'intimée a indiqué faire sienne l'argumentation du département selon laquelle l'art. 43 al. 1 OAT suffisait et commandait la régularisation des surfaces extérieures dès lors que les constructions étaient utiles et nécessaires et qu'il n'en résultait aucun nouvel impact important sur le territoire et sur l'environnement, comme relevé par l'OU et l'OCAN dans leurs préavis positifs. Les surfaces extérieures ne répondaient ni à la définition des surfaces annexes ni à celles des surfaces brutes de plancher, l'al. 2 n'était d'aucune pertinence. Compte tenu de l'applicabilité de l'al. 1, une analyse selon l'al. 3 n'avait pas à être envisagé

29.         Le 20 juin 2025, le département a souligné que la surface des places bétonnées n'entrait pas dans le calcul de l'art. 43 al. 2 OAT. En conséquence, il n'avait pas demandé de calcul relatif à l'agrandissement de la surface utilisée ni l'apport de la preuve du caractère indispensable au maintien de l'entreprise au sens de l'art. 43 al. 3 OAT. Dès lors, il ne pouvait se déterminer sur le respect de ces conditions. Dans le cas où le tribunal irait de l'avant quant à l'application des art. 43 al. 2 et 3 OAT et que des calculs et éléments de justification devaient être apportés par l'intimée, le département pourrait se déterminer sur ces derniers au regard des conditions énoncées par les dispositions en question.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 63 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Pour qu’un recours soit recevable, encore faut-il que son auteur ait la qualité pour recourir.

Selon les art. 34 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) et 145 al. 2 LCI, la commune du lieu de situation peut recourir contre les décisions du département du territoire. Cette dernière dispose de cette qualité du seul fait que la construction ou l'installation projetée se trouve sur son territoire (ATA/1104/2020 du 3 novembre 2020, consid. 1 et réf. cit).

La qualité pour recourir de la commune est par conséquent donnée, la parcelle qui accueille le projet litigieux étant située sur son territoire.

4.             Préalablement, la recourante sollicite un transport sur place.

5.             Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend, classiquement, le droit, pour l’intéressé, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 149 I 91 consid. 3.2 ; 145 I 167 consid. 4.1).

Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_159/2020 du 5 octobre 2020 consid. 2.2.1).

Par ailleurs, ce droit ne confère pas le droit à la tenue d’une inspection locale, en l’absence d’une disposition cantonale imposant une telle mesure d’instruction, ce qui n’est pas le cas à Genève (ATF 120 Ib 224 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_243/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.2.1 ; ATA/285/2021 du 2 mars 2021 consid. 2b).

6.             En l’espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires à l’établissement des faits pertinents pour traiter les griefs soulevés par la recourante et statuer sur le litige. Les plans et photographies versés au dossier ainsi que la consultation du SITG permettent parfaitement de visualiser les diverses parties du projet litigieux et leurs dimensions. Dans le cadre de l'instruction, des explications détaillées ont quant à elles été fournies s'agissant de l'utilisation des installations litigieuses.

Il n’apparaît ainsi pas que la tenue d’un transport sur place, acte d’instruction en soi non obligatoire, serait susceptible de fournir des informations pertinentes supplémentaires.

Cette conclusion préalable sera donc rejetée.

7.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

8.             Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/84/2022 du 1er février 2022 consid. 3).

9.             La recourante soulève un vice de forme, la demande d'autorisation de construire ayant été signée par une personne qui n'était ni propriétaire ni exploitante de la parcelle.

10.         Selon l'art. 11 al. 4 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01), toutes les demandes d’autorisation doivent être datées et signées par le propriétaire de l’immeuble intéressé, ainsi que par le requérant ou l'éventuel mandataire professionnellement qualifié, conformément à l’art. 2 al. 3 LCI.

11.         Les demandes ne sont valablement déposées et, partant, l’autorité saisie, que si les prescriptions concernant les documents et pièces à joindre ont été respectées et si l’émolument d’enregistrement a été acquitté. Les dossiers incomplets sont retournés pour complément. Ils ne sont pas enregistrés (art. 13 al. 1 RCI).

12.         Selon la jurisprudence, une requête déposée en vue de la délivrance d'une autorisation de construire doit émaner, ou du moins avoir l'assentiment préalable et sans équivoque, du propriétaire de la parcelle concernée. Il ne s'agit pas d'une simple prescription de forme, car elle permet de s'assurer que les travaux prévus ne sont pas d'emblée exclus et que le propriétaire qui n'entend pas réaliser lui-même l'ouvrage y donne à tout le moins son assentiment de principe (arrêt du Tribunal fédéral 1C_7/2009 du 20 août 2009 consid. 5.2 ; ATA/1459/2019 du 1er octobre 2019 consid. 2 ; ATA/1157/2018 du 30 octobre 2018 consid.5g ; ATA/321/2018 du 10 avril 2018 consid. 3b et l'arrêt cité). Ainsi, la signature du propriétaire du fonds a également comme but d'obtenir l'assurance que celui qui a la maîtrise juridique du fonds consent aux travaux et à tous les effets de droit public qui en découlent (arrêt du Tribunal fédéral 1C_7/2009 du 20 août 2009 consid. 5.2 ; ATA/461/2020 du 7 mai 2020 consid. 5c).

13.         Le Tribunal fédéral qui a eu l'occasion d'examiner une exigence similaire du droit neuchâtelois, a retenu qu'une autorité tomberait dans le formalisme excessif, incompatible avec l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) si elle refusait de prendre en considération une autre pièce du dossier qui révélerait sans ambiguïté, le cas échéant, l'accord de la seconde copropriétaire d'une parcelle, laquelle n'avait pas signé la demande d'autorisation
(arrêt du Tribunal fédéral 1P.620/2002 du 27 mai 2003 consid. 5 ; ATA/1529/2019 du 15 octobre 2019 consid. 3b).

14.         Le formalisme excessif, prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst., est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2 ; 130 V 177 consid. 5.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1 ; ATA/1286/2021 du 23 novembre 2021 consid. 5d).

15.         En l'espèce, il ressort du dossier en possession du tribunal que C______, associé-gérant de la Sàrl, avec signature individuelle, a confirmé la volonté de la société de déposer l'autorisation de construire litigeuse par courrier du 13 septembre 2023, de sorte que le but de l'art. 11 al. 4 RCI est atteint.

Aucune violation de l'art. 11 al. 4 RCI ne pouvant être retenue, le grief sera écarté.

16.         Le litige concerne une autorisation de construire délivrée par le département permettant de régulariser deux places bétonnées (A et D), d'une surface totale de 656 m2, ainsi qu'un muret entourant la place bétonnée A, en zone agricole.

17.         En vertu de l’art. 1 al. 1 let. b LCI, nul ne peut, sur tout le territoire du canton, sans y avoir été autorisé, modifier, même partiellement, le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation.

18.         Selon l’art. 22 LAT, aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente (al. 1). L’autorisation est délivrée si : la construction ou l’installation est conforme à l’affectation de la zone (al. 2 let. a) ; si le terrain est équipé (al. 2 let. b).

19.         D’après l’art. 16 al. 1 LAT, les zones agricoles servent à garantir la base d’approvisionnement du pays à long terme, à sauvegarder le paysage et les espaces de délassement et à assurer l’équilibre écologique ; elles devraient être maintenues autant que possible libres de toute construction en raison des différentes fonctions de la zone agricole et comprennent : les terrains qui se prêtent à l’exploitation agricole ou à l’horticulture productrice et sont nécessaires à l’accomplissement des différentes tâches dévolues à l’agriculture (let. a) ; les terrains qui, dans l’intérêt général, doivent être exploités par l’agriculture (let. b).

20.         L’art. 16a LAT prévoit notamment que sont conformes à l’affectation de la zone agricole les constructions et installations qui sont nécessaires à l’exploitation agricole ou à l’horticulture productrice (al. 1), ainsi que les constructions et installations qui servent au développement interne d’une exploitation agricole ou d’une exploitation pratiquant l’horticulture productrice (al. 2).

21.         En l'espèce, les constructions litigieuses, située en zone agricole, ne sont pas conformes à l’affectation de la zone, ce qui n’est pas contesté. Une autorisation pour constructions conformes à la zone au sens de l’art. 22 al. 2 LAT n’entre donc pas en considération. Il convient donc d’examiner si les conditions de dérogation pour des constructions hors de la zone à bâtir sont réalisées.

22.         Aux termes de l’art. 24c LAT, hors de la zone à bâtir, les constructions et installations qui peuvent être utilisées conformément à leur destination mais qui ne sont plus conformes à l’affectation de la zone bénéficient en principe de la garantie de la situation acquise (al. 1). L’autorité compétente peut autoriser la rénovation de telles constructions et installations, leur transformation partielle, leur agrandissement mesuré ou leur reconstruction, pour autant que les bâtiments aient été érigés ou transformés légalement (al. 2). Dans tous les cas, les exigences majeures de l’aménagement du territoire doivent être remplies (al. 5).

23.         Selon l’art. 37a LAT, le Conseil fédéral définit les conditions auxquelles sont autorisés des changements d’affectation de constructions et d’installations à usage commercial qui ont été érigées avant le 1er janvier 1980 ou qui sont devenues depuis lors contraires à l’affectation de la zone en raison d’une modification du plan d’affection.

24.         Les art. 41 et 42 OAT précisent le champ d’application de l’art. 24c LAT et les modifications apportées aux constructions et installations érigées selon l’ancien droit.

25.         L’art. 43 OAT, qui se rapporte à l’art. 37a LAT, prévoit que les changements d’affectation et les agrandissements de constructions et installations artisanales ou commerciales devenues contraires à l’affectation de la zone peuvent être
autorisés : si la construction ou l’installation a été érigée ou transformée légalement (al. 1 let. a) ; s’il ne résulte aucun nouvel impact important sur le territoire et l’environnement (al. 1 let. b) ; si la nouvelle utilisation ne contrevient à aucune autre loi fédérale (al. 1 let. c). La surface utilisée pour un usage non conforme à l’affectation de la zone peut être agrandie de 30 %, les agrandissements effectués à l’intérieur du volume bâti existant comptant pour moitié (al. 2). Si l’agrandissement de la surface utilisée pour un usage non conforme à l’affectation de la zone en dehors du volume bâti existant excède 100 m2, il ne pourra être autorisé que s’il est indispensable au maintien de l’entreprise (al. 3).

26.         L’art. 43a OAT, intitulé « Dispositions communes », dispose que des autorisations ne peuvent être délivrées sur la base de la présente section que si les conditions suivantes sont remplies : la construction n’est plus nécessaire à l’utilisation antérieure conforme à l’affectation de la zone ou imposée par sa destination ou le maintien de cette utilisation est assuré (let. a) ; le changement d’affectation n’implique pas une construction de remplacement que n’imposerait aucune nécessité (let. b) ; tout au plus une légère extension des équipements existants est nécessaire et tous les coûts supplémentaires d’infrastructure occasionnés par l’utilisation autorisée sont à la charge du propriétaire (let. c) ; l’exploitation agricole des terrains environnants n’est pas menacée (let. d) ; aucun intérêt prépondérant ne s’y oppose (let. e).

27.         Selon l’art. 27C LaLAT, lequel traite des « Constructions et installations existantes sises hors de la zone à bâtir et devenues non conformes à l’affectation de la zone », le département peut autoriser la rénovation, la transformation partielle, l’agrandissement mesuré ou la reconstruction de constructions ou installations qui ont été érigées ou transformées conformément au droit matériel en vigueur à l’époque, mais qui sont devenues contraires à l’affectation de la zone à la suite d’une modification de la législation ou des plans d’affectation du sol, dans les limites des art. 24c et 37a LAT et 41 à 43 OAT et aux conditions fixées par ces dispositions (al. 1). Les constructions visées à l’art. 43 OAT sont régies par les normes de la 4e zone. Les autres constructions existantes sont régies par les normes de la 5e zone (al. 2).

28.         Il ressort des explications relatives à l’OAT, publiées par l’Office fédéral du développement territorial (ci-après : ARE), que le législateur a soumis à une réglementation spéciale la garantie des situations acquises pour les constructions et installations à usage commercial sises hors de la zone à bâtir qui sont devenues contraires à l’affectation de la zone. L’art. 37a LAT et l’art. 43 OAT constituent des lois spéciales par rapport à l’art. 24c LAT et à l’art. 42 OAT. En adoptant l’art. 37a LAT, les Chambres fédérales ont voulu permettre aux entreprises commerciales sises hors zone à bâtir d’effectuer les restructurations indispensables au maintien de leur compétitivité. Dans une telle situation, il va de soi que les agrandissements correspondant à de tels objectifs doivent aussi faire l’objet de cette réglementation spéciale. L’art. 43 OAT traite uniquement des changements d’affectation et des agrandissements. Les rénovations et les reconstructions de constructions à usage commercial sises hors de la zone à bâtir sont à examiner à la lumière de l’art. 24c LAT et de l’art. 42 OAT (Explications relatives à l’OAT, 2001, p. 46).

29.         L’art. 43 OAT est applicable, d’une part, à toutes les constructions ou installations à usage commercial érigées avant l’entrée en vigueur de la LAT, par conséquent avant le 1er janvier 1980. Sont visées les constructions ou installations qui étaient déjà situées hors de la zone à bâtir au moment de leur réalisation et qui, conformément aux dispositions en vigueur à cette époque – il s’agit principalement de l’arrêté fédéral du 17 mars 1972 instituant des mesures urgentes dans le domaine de l’aménagement du territoire et de l’ancienne loi sur la protection des eaux qui était entrée en vigueur le 1er juillet 1972 – avaient été autorisées parce qu’elles étaient imposées par leur destination ou que le requérant avait prouvé l’existence d’un intérêt objectivement fondé pour cette réalisation qui, par ailleurs, ne s’opposait à aucun intérêt public. Mais l’art. 43 OAT s’applique également aux constructions érigées à un moment où le régime de la séparation des zones constructibles et non constructibles introduit par la législation sur la protection des eaux n’était pas encore en vigueur. Il concerne, d’autre part, les constructions qui, indépendamment de la date de leur réalisation ou transformation, sont devenues contraires à l’affectation de la zone lors de l’établissement du premier plan d’affectation conforme à la LAT, et en général à la suite du redimensionnement des zones à bâtir trop étendues (Explications relatives à l’OAT, p. 47).

30.         Selon la jurisprudence, les art. 37a LAT et 43 OAT ont pour objectif de permettre aux entreprises commerciales sises hors de la zone à bâtir de maintenir leur activité, de se moderniser et de se restructurer afin de préserver les emplois, le cas échéant en changeant d’orientation. Il s’agit d’une extension de la garantie de la situation acquise (art. 24c LAT) en faveur des constructions à usage commercial. Ni l’ordonnance, ni la loi ne posent expressément d’exigence quant à la continuité de l’activité commerciale. Celle-ci découle toutefois clairement des buts de la réglementation, qui est d’accorder aux entreprises commerciales ou artisanales existantes la flexibilité dont elles peuvent avoir besoin en termes d’augmentation de capacité et d’adaptation des processus de production, pour pouvoir demeurer compétitives. Il ne s’agit donc en aucun cas d’ouvrir des bâtiments commerciaux ou artisanaux désaffectés à des usages tout différents (idem), ou de permettre l’installation en zone agricole d’entreprises entièrement nouvelles (arrêt du Tribunal fédéral 1C_176/2010 du 30 juillet 2010 consid. 2.2 et les références citées).

31.         La protection de la situation acquise instituée par ces dispositions ne s’étend pas aux bâtiments en ruine, inutilisables et prêts à s’écrouler ; il ne faut en effet pas que de tels bâtiments puissent être transformés en constructions nouvelles. La garantie de la propriété ne confère au surplus aucun droit à réutiliser à des fins de construction un emplacement où ont déjà été érigés des ouvrages ou à conserver
au-delà de sa durée de vie un ouvrage convenablement entretenu. En effet, pour qu’un bâtiment d’habitation puisse être utilisé conformément à sa destination, il faut, entre autres, que les structures porteuses, les sols et le toit soient en majeure partie intacts (arrêts du Tribunal fédéral 1C_589/2017 du 16 novembre 2018
consid. 2.1 ; 1C_215/2012 du 30 octobre 2012 consid 2.1).

32.         L’art. 43 al. 1 let. a OAT prévoit que seules les constructions et les installations à usage commercial érigées ou transformées légalement, soit en conformité avec les normes en vigueur avant le 1er janvier 1980, peuvent bénéficier d’un changement d’affectation ou d’un agrandissement. Il n’y a en effet aucune raison d’étendre la garantie de la situation acquise aux bâtiments qui ont été édifiés illégalement ou qui ont été construits légalement, puis transformés sans avoir obtenu les autorisations requises (arrêt du Tribunal fédéral 1A.12/2003 du 2 juillet 2003 consid 3.2).

33.         Les exigences de l’art. 43a OAT, qui valent comme « dispositions communes » pour toutes les constructions et installations en dehors de la zone à bâtir réglementées à la section 6, doivent être cumulativement remplies. En particulier, les modifications ou agrandissements subséquents ne sauraient contrevenir à un intérêt prépondérant qui s’y opposerait (let. e). Cela suppose une évaluation globale et une mise en balance des intérêts complètes (arrêt du Tribunal fédéral 1C_655/2015 du 16 novembre 2016 consid. 3). La garantie de la situation acquise plus large prévue aux art. 37a LAT et 43 OAT vaut donc sous réserve qu’elle ne contrevienne à aucun objectif important d’aménagement du territoire, respectivement à aucun intérêt prépondérant (JdT 2021 I p. 290 consid. 4.1).

34.         La notion d’usage commercial en droit de l’aménagement du territoire diffère de celle utilisée dans le cadre de la liberté économique, puisqu’elle a trait aux nuisances éventuelles découlant d’une activité particulière. Dans ce contexte, l’usage d’un appartement de vacances est identique à celui d’un appartement loué à longue durée. En adoptant l’art. 37a LAT, le législateur visait la conservation de petites et moyennes entreprises de production dans la zone agricole. Ainsi, la simple mise à disposition d’un appartement, par opposition par exemple à l’exploitation d’un hôtel, ne constitue pas une activité couverte par l’art. 37a LAT
(ATF 140 II 509 consid. 3).

35.         Les objets qui peuvent bénéficier de la garantie de la situation acquise en zone agricole concernent trois périodes successives : (1) ceux qui sont construits avant le 1er juillet 1972, à savoir la date d’entrée en vigueur de l’ancienne législation sur la protection des eaux contre la pollution qui établissait la première séparation officielle entre les secteurs constructibles et non constructibles ; (2) les ouvrages construits jusqu’au 1er janvier 1980, date d’entrée en vigueur de la LAT ; (3) les ouvrages construits depuis lors. Lors de chacune de ces périodes, les règles applicables à la zone agricole ont été modifiées ; ne bénéficient de la garantie de la situation acquise que les ouvrages qui à chaque fois ont été érigés dans le respect des prescriptions du moment. Les constructions illicites sont donc soustraites à toute garantie, même si un rétablissement de l’état conforme au droit n’a jamais pu être effectué pour des raisons de proportionnalité, de prescription ou de préemption, même si dite construction a été détruite volontairement ou par accident et même si le registre foncier ne fait pas état de la situation (Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit public de la construction, 2024, n. 465).

36.         L’art. 37a LAT représente un cas particulier de la garantie étendue de la situation acquise définie à l’art. 24c LAT (Rudolf MUGGLI, dans :
Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN, Commentaire pratique LAT : Construire hors zone à bâtir, 2017, ad art. 37a, n. 6). Les bâtiments à usage commercial sont privilégiés par rapport aux autres constructions non conformes à la zone, en ce sens que c’est la date du
1er janvier 1980 qui a été retenue pour l’entrée en vigueur du droit nouveau et non celle du 1er juillet 1972 (Anne-Christine, FAVRE, La zone agricole, dans : Journées suisses du droit de la construction, 2009, p. 73). Ni la loi ni l’ordonnance ne définissent plus précisément ce que sont des constructions et installations à usage commercial. À en juger d’après les travaux préparatoires, la notion recouvre les petites et moyennes entreprises à vocation productrice (Rudolf MUGGLI, op. cit., ad art. 37a, n. 10).

37.         L’art. 37a LAT s’applique expressément aux constructions qui ont été érigées avant le 1er janvier 1980 conformément au droit matériel en vigueur, ou qui sont, depuis, devenues contraires à l’affectation de la zone en raison d’une modification du plan d’affectation concerné (Rudolf MUGGLI, op. cit., ad art. 37a, n. 13).

38.         Il faut, comme dans le cas de l’art. 24c LAT, que l’objet pour lequel une dérogation au titre des art. 37a LAT et 43 OAT est sollicitée ait été, dans son volume actuel, érigé ou transformé légalement et qu’il puisse encore être utilisé conformément à sa destination. La raison en est que l’art. 37a LAT représente, du point de vue de sa genèse, un cas particulier de l’art. 24c LAT (Rudolf MUGGLI, op. cit., ad art. 37a, n. 12). Les constructions qui n’ont jamais été conformes à la zone dans laquelle elles ont été édifiées, ou qui ont été érigées sans autorisation et ne sont pas régularisées, ne peuvent en aucune cas bénéficier du régime de l’art. 24c LAT
(Anne-Christine FAVRE, op. cit., p. 72).

39.         Le fait que les changements complets d’affectation soient autorisés, ne signifie toutefois pas qu’une construction à usage commercial puisse être utilisée à n’importe quelle autre fin commerciale (selon le principe « un commerce reste un commerce »). Ne sont ainsi admissibles que les changements d’affectation qui ne génèrent aucun nouvel impact important sur le territoire et l’environnement, qui exigent tout au plus une « légère extension » des équipements existants et qui sont conformes aux exigences majeures de l’aménagement du territoire
(Rudolf MUGGLI, op. cit., ad art. 37a, n. 17).

40.         Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste ainsi libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur (ATA/1157/2018 du 30 octobre 2018 consid. 5j et les références citées). Toutefois, lorsqu’un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/873/2018 du 28 août 2018 consid. 6b et les références citées).

41.         Selon une jurisprudence bien établie, l'autorité de recours observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/1344/2023 du 12 décembre 2023 consid. 2.8 ; ATA/896/2021 du 31 août 2021 consid. 4d).

42.         En l'espèce, il n'est pas contesté que les art. 37a LAT et 43 OAT s'appliquent au présent litige, dès lors que ces dispositions contiennent une réglementation spéciale concernant la garantie de la situation acquise d’anciennes constructions et installations à usage commercial en zone agricole érigées avant le 1er janvier 1980.

43.         Se pose la question de savoir si les places bétonnées et le muret objets du litige sont limités par l'art. 43 al. 2 et 3 OAT. Le département prétend que ces surfaces n'étant pas couvertes, elles ne devaient pas faire l'objet des calculs prévus par ces dispositions mais uniquement faire l'objet d'une analyse sous l'angle du respect des conditions de l'art. 43 al. 1 OAT et du critère de l'identité de la construction. Or, il ne saurait être suivi.

Les art. 37a LAT et 43 OAT sont des dispositions spéciales par rapport à 24c LAT et 42 OAT. Ils s'appliquent dans des cas de changements d'affectation de constructions commerciales ou dans des cas d'agrandissements de constructions commerciales devenues contraires à l'affectation de la zone. Dans la mesure où il n'y a pas eu de changement d'affectation, les locaux ayant toujours servi à l'activité de champignonnière, les places bétonnées et le muret nouvellement réalisés doivent être considérés comme des agrandissements.

En premier lieu et vu le caractère spécifique de l'art. 43 OAT, les explications relatives à l'art. 42 OAT du document " Autorisations au sens de l’art. 24c LAT" ne peuvent s'appliquer par analogie sans autre analyse, notamment car elles ne sont pas reprises concernant l'art. 43 OAT alors que cet article fait l'objet d'observations détaillées dans le même document. Par ailleurs et contrairement à l'art. 42 OAT, l'art. 43 ne mentionne pas l'identité de la construction.

Selon les explications relatives à l'OAT (ch. 2.4.5, p. 46 à 48), en adoptant l’article 37a LAT, les chambres fédérales ont voulu permettre aux entreprises commerciales sises hors zone à bâtir d’effectuer les restructurations indispensables au maintien de leur compétitivité. Dans une telle situation, il allait de soi que les agrandissements correspondant à de tels objectifs devaient aussi faire l’objet de cette réglementation spéciale. Les agrandissements préconisés ne devaient pas créer de nouveaux conflits d’affectation; par conséquent, seuls les agrandissements n’ayant aucun nouvel impact important sur le territoire ou l’environnement seraient autorisés. Il ressortait clairement des délibérations parlementaires que le changement complet de l’affectation de constructions ou installations à usage commercial ne devait en aucun cas être associé à un agrandissement important. Le deuxième alinéa stipulait par conséquent que pour ces constructions, la surface utilisée pour un usage non conforme à l’affectation de la zone pouvait être agrandie au maximum de 30%. En revanche, compte tenu du fait qu’il s’agissait de surfaces à usage commercial, la limite maximale de 100 m2 n'avait pas été imposée de manière absolue. Le troisième alinéa prévoyait la possibilité d’un agrandissement, en dehors du volume bâti existant, de plus de 100m2 dans certaines circonstances. Il fallait alors que le maintien de l’entreprise dépende de l’agrandissement sollicité.

S'il n'était pas nécessaire de calculer la surface des constructions ouvertes, qui en l'espèce sont tout de même bétonnées, il n'y aurait donc plus de limites chiffrées et objectives aux agrandissements ouverts en zone agricole. Or, les calculs des art. 43 al. 2 et 3 OAT sont les moyens prévus par le législateur pour limiter les agrandissements possibles en zone agricole, tout en permettant une certaine souplesse, ceci dans le respect du principe de la séparation de l'espace bâti et non bâti.

Dès lors, les agrandissements autorisés auraient dû être examinés à l'aune de l'art. 43 al. 2 et 3 OAT. A cet effet, le tribunal a déjà pris en compte des surfaces ouvertes dans le calcul de l'art. 43 al. 2 OAT (JTAPI/1219/2021). Dans cette affaire, ont été comptabilisés un paddock en herbe et une surface de courses pour chevaux, surfaces ouvertes.

44.         Se pose la question de savoir si le tribunal doit ou peut procéder lui-même à l'examen.

45.         En procédure administrative, les règles relatives à l’établissement des faits sont prévues aux art. 18 ss LPA sous le chapitre III. Selon l’art. 19 LPA, l’autorité établit les faits d’office. Elle n’est pas limitée par les allégués et les offres de preuves des parties.

46.         Conformément à l’art. 20 LPA, l’autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties (al. 1). Elle recourt s’il y a lieu aux moyens de preuve suivants (al. 2) : a) documents ; b) interrogatoires et renseignements des parties ; c) témoignages et renseignements de tiers ; d) examen par l’autorité ; e) expertise. L’interrogatoire des parties est réglé par l’art. 23 LPA, selon lequel les parties dont l’interrogatoire a été ordonné comparaissent personnellement ; les personnes morales désignent pour être interrogées une personne physique ayant la qualité d’organe et qui a personnellement connaissance des faits de la cause. Concernant la production de documents par les parties, l’art. 24 LPA dispose que l’autorité peut inviter les parties à la renseigner, notamment en produisant les pièces en leur possession ou à se prononcer sur les faits constatés ou allégués et leur fixer un délai à cet effet (al. 1). Selon la jurisprudence, le tribunal peut, sur la base des art. 19 et 20 LPA, demander toutes précisions écrites à une instance de préavis, au même titre qu'il peut l'entendre en audience de comparution personnelle ou la convoquer à un transport sur place pour qu'elle détaille sa position (ATA/172/2025 du 18 février ; 2025ATA/1187/2015 du 3 novembre 2015 ; ATA/363/2015 du 16 juin 2015).

47.         Or en l'espèce, le dossier ne contient pas de calculs relatifs à l'agrandissement de la surface utile ni d'éléments concernant le caractère indispensable des objets litigieux au maintien de l'entreprise. Partant, le tribunal ne peut procéder lui-même à l'examen. Par ailleurs, s'agissant de procéder à un calcul complet et d'évaluer, cas échéant, le caractère indispensable des places bétonnées et du muret au maintien de l'entreprise, le tribunal ne peut procéder lui-même sous peine de violer le droit d'être entendu ainsi que le principe du double degré de juridiction.

48.         Partant, le recours sera admis, la décision attaquée annulée et la cause renvoyée au département pour examen des conditions posées à l'art. 43 al. 2 et 3 OAT.

49.         Eu égard à la conclusion à laquelle le tribunal parvient ci-dessus, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres griefs soulevés par la recourante
(arrêt du Tribunal fédéral 1C_641/2012 du 30 avril 2013 consid. 3.4).

50.         Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante, qui obtient gain de cause, de sorte que son avance de frais lui sera restituée (art. 87 al. 1 LPA).

51.         L’intimée, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s’élevant à
CHF 900.-. Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

52.         Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 800.-, à la charge, d’une part et pour moitié, de l’État de Genève, soit pour lui le département du territoire et, d’autre part et pour moitié, de la Sàrl, sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 15 décembre 2023 par la commune de ______[GE] contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             l'admet ;

3.             annule la décision attaquée et renvoie la cause au département pour examen des conditions posées à l'art. 43 al. 2 et 3 OAT ;

4.             met à la charge de B______ Sàrl un émolument de CHF 900.- ;

5.             ordonne la restitution à la commune de ______[GE] de son avance de frais de CHF 900.- ;

6.             condamne le département à verser à la commune de ______[GE] une indemnité de procédure de CHF 400.- ;

7.             condamne B______ Sàrl à verser à la commune de ______[GE] une indemnité de procédure de CHF 400.- ;

8.             dit qu'aucune indemnité de procédure ne sera allouée à B______ Sàrl ;

9.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, Patrick BLASER et Isabelle KOECHLIN-NIKLAUS, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier