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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2577/2019

ATA/1104/2020 du 03.11.2020 sur JTAPI/158/2020 ( LCI ) , ADMIS

Parties : COMMUNE DE PLAN-LES-OUATES / NICOLE Madeleine, WOLLAK Herbert, SARMIR Monique Renée, SEYDOUX Jean-Pierre, HUGUENIN-DIT-LENOIR Jacqueline, WOLLAK Ingrid-Jeanne, LEHRAUS Eva, LEHRAUS Ivan, NIETHAMMER Thomas, WUTHRICH Sven Urs, HUGUENIN-DIT-LENOIR & CONSORTS Bernard, DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC, MAUTONE Corrado et Stella, MAUTONE Stella
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2577/2019-LCI ATA/1104/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 novembre 2020

3ème section

 

dans la cause

 

COMMUNE DE PLAN-LES-OUATES
représentée par Me Jean-Pierre Carera, avocat

contre

Madame Stella et Corrado MAUTONE
représentés par Me Christian D'Orlando, avocat

et

Madame Jacqueline et Monsieur Bernard HUGUENIN-DIT-LENOIR

et

Madame Eva et Monsieur Ivan LEHRAUS

et

Madame Madeleine NICOLE

et

Monsieur Thomas NIETHAMMER

et

Madame Monique Renée SARMIR

et

Monsieur Jean-Pierre SEYDOUX

et

Madame Ingrid-Jeanne et Monsieur Herbert WOLLAK

et

Monsieur Sven Urs WUTHRICH

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 février 2020 (JTAPI/158/2020)


EN FAIT

1) Madame Stella et Monsieur Corrado MAUTONE (ci-après : les époux MAUTONE ou les propriétaires) sont copropriétaires de la parcelle n° 4'685 d'une surface de 861 m2, sur la commune de Plan-les-Ouates (ci-après : la commune), à l'adresse 13, chemin du Pré-de-l'OEuf sur laquelle sont édifiés un bâtiment d'habitation de 84 m2 ainsi qu'un garage de 33 m2, selon le registre foncier. La parcelle est sise en cinquième zone.

Les parcelles nos 4'803 et 4'804 de la commune, d'une surface respective de 359 et 1557 m2, qui constituent un chemin d'accès aux différentes parcelles du quartier, sont des dépendances du bien-fonds n° 4'685, à hauteur de 1/26ème, respectivement 1/15ème.

2) Mesdames et Messieurs Jacqueline et Bernard HUGUENIN-DIT-LENOIR, Eva et Ivan LEHRAUS, Madeleine NICOLE, Thomas NIETHAMMER, Monique Renée SARMIR, Jean-Pierre SEYDOUX, Ingrid-Jeanne et Herbert WOLLAK et Sven Urs WUTHRICH (ci-après : les consorts) sont respectivement propriétaires des parcelles nos 4'676, 4'684, 4'674, 4'906, 4'686, 4'680, 4'801, 4'677 de la commune et respectivement domiciliés 10, 11, 6, 4, 15, 18, 7 et 12, chemin du
Pré-de-l'OEuf.

3) Le 31 août 2018, par l'intermédiaire de leur mandataire la société Studioplus Architectes Sàrl, les époux MAUTONE ont déposé une requête en autorisation de construire définitive ayant pour objet la construction d'une « habitation contiguë (48 % THPE) avec abattage d'arbres » sur leur parcelle. La surface brute de plancher (ci-après : SBP) prévue pour le projet était de 227,20 m2.

4) Dans le cadre de l'instruction de cette requête, les préavis suivants ont notamment été recueillis :

- favorable avec dérogations, en application de l'art. 59 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), le 16 octobre 2018, de la direction de la planification directrice cantonale et régionale (ci-après : SPI). Il était notamment relevé que « ce projet villa contiguë prend place à Plan-les-Ouates dans un tissu de villas, organisé sur une trame régulière » ; « le projet proposé vient occuper la partie ouest de la parcelle, avec un bâtiment implanté à l'alignement des bâtiments préexistants. Les hauteurs proposées restent cohérentes avec les gabarits voisins. La structure paysagère n'est pas impactée et l'imperméabilisation du sol générée par le projet est limitée ». Elle se remettait à l'avis de la commission d'architecture (ci-après : CA) en ce qui concernait la question du traitement architectural du dossier ;

- favorable, le 8 janvier 2019, de la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC). Les constructions de peu d'importance (ci-après : CDPI) représentaient 68,2 m2 sur 861 m2, soit moins du 8% maximum autorisé ;

- favorable sans observations et avec dérogation à l'art. 59 LCI, le 22 janvier 2019, de la CA qui relevait que « le projet est rationnel s'inscrivant dans un quartier en mutation avec une implantation cohérente, une proposition architecturale harmonieuse et une mitoyenneté qui offre une cour d'entrée commune de qualité » ;

- défavorable, le 25 février 2019, de la commune, au motif que le projet ne s'intégrait pas dans le site existant puisqu'il n'était pas compatible avec le caractère et l'harmonie du quartier.

Les autres préavis délivrés étaient tous favorables sous conditions.

5) Par décision du 5 juin 2019, le département du territoire (ci-après : DT ou le département) a délivré l'autorisation de construire DD 111'872 sollicitée, laquelle a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du même jour.

6) Par acte du 5 juillet 2019, la commune a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) à l'encontre de l'autorisation de construire DD 111'872, concluant à son annulation.

Le projet autorisé ne s'intégrait pas au quartier et violait les art. 15 et 59
al. 4 LCI.

La décision querellée violait l'art. 3 al. 3 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01) puisque c'étaient en réalité des surfaces de respectivement
4,12 m2 pour le surplomb situé au sud, 1,13 m2 pour le surplomb au nord et 37,8 m2 pour le futur garage qui auraient dû être comptabilisées au titre de constructions de peu d'importance (ci-après : CDPI), soit un total largement supérieur aux 35,12 m2 auxquels les requérants pouvaient prétendre pour la future parcelle no 7'404, de 439 m2 issue du projet de mutation parcellaire. Les deux sauts-de-loup devaient en outre également être considérés comme des CDPI.

D'autres griefs étaient évoqués, qui ne sont plus litigieux.

Ce recours a été ouvert sous le numéro de cause A/2577/2019.

7) Par acte du même jour, les consorts, ainsi que neuf autres voisins, aujourd'hui retirés de la procédure, ont également formé recours contre l'autorisation de construire précitée, concluant à son annulation. Propriétaires de parcelles voisines du projet, ils étaient touchés par l'autorisation et avaient un intérêt digne de protection à son annulation.

Le projet heurtait manifestement le caractère du quartier, son harmonie et son aménagement, ce qui justifiait l'annulation de l'autorisation. Il en allait de même de l'autorisation d'abattage d'arbres qui était son corollaire.

Ce recours a été ouvert sous le numéro de cause A/2602/2019.

8) Les parties ont pu s'exprimer dans un double échange d'écritures.

a. Les propriétaires ont conclu au rejet des recours.

b. La commune a relevé que la surface du garage projeté était de 37,8 m2 et dépassait à elle seule la limite des CDPI autorisables, dès lors que, contrairement à ce que retenait le département, il fallait prendre en compte la mutation parcellaire qui accompagnait le projet et non raisonner sur la surface de l'entier du bien-fonds (37.8 m2 [garage projeté] > 35.12 m2sitg [8 % de 439 m2]).

c. Le DT a conclu au rejet des deux recours.

La position de la commune ne tenait pas compte du fait que la parcelle concernée était située dans un quartier en mutation en ce sens que cette zone villas était, selon le PDCn 2030, vouée à être densifiée conformément aux objectifs poursuivis selon la fiche A04, à savoir que l'habitat individuel groupé devait être favorisé.

Le grief de violation de l'art. 3 al. 3 RCI devait être rejeté dès lors que, d'une part, les deux surplombs ne devaient pas être traités comme des avant-toits, couverts ou balcons/terrasses, mais selon les deux dernières figures de la directive CDPI qui traitaient spécifiquement des surplombs. Il ressortait en effet des plans que les deux surfaces au sol concernées étaient surmontées d'une construction et non pas d'un toit ou d'un balcon et que les surplombs n'étaient soutenus ni d'un poteau ni d'un mur. La surface CDPI à prendre en considération était dès lors de 0 % les concernant. D'autre part, les sauts-de-loup n'avaient pas à être comptabilisés comme des CDPI puisqu'ils n'étaient pas couverts et ne s'inscrivaient pas dans les limites de gabarits définis à l'art. 3 al. 3 RCI. Partant, seule la surface des deux garages de 70 m2 (37.8 m2 futur + 32.2 m2 existant) devait être prise en compte dans le calcul des CDPI, soit une surface légèrement supérieure au 68,92 m2 correspondant à la limite des 8 %, étant toutefois rappelé qu'une marge d'erreur de 3 % était admise par la jurisprudence. Contrairement à ce que soutenait la commune, le DT ne saurait s'appuyer sur un état parcellaire hypothétique et futur pour déterminer la conformité des rapports de surface des CDPI ou, d'ailleurs, de tout autre type de construction. La mutation parcellaire n'ayant en l'occurrence pas encore eu lieu, il n'y avait pas de transfert de CDPI d'une parcelle à une autre.

d. Les consorts ont relevé que, selon la directive CDPI, la surface des deux surplombs devait être comptabilisée dans son ensemble, conformément aux schémas 6 et 8, dès lors qu'ils reposaient sur un mur, à savoir une partie de la façade, et étaient fermés sur plus de 50 %. Le schéma 7 n'était pas applicable puisqu'il prévoyait de n'exclure des CDPI que les surplombs entièrement ouverts. Enfin, selon le calcul de l'architecte, le garage projeté aurait une surface de 37.8 m2. Partant, en additionnant la surface du garage, laquelle devait être calculée dans son ensemble dès lors que le garage était fermé, à celle des surplombs, la surface totale de CDPI du futur projet s'élevait à 57,1994 m (37,8 + 8,261 + 11,1384). Compte tenu du garage de 32,2 m2 existant sur la parcelle n° 4'685, le total des CDPI serait de 89,3994 m2, soit une surface nettement supérieure à 8 % de la parcelle n°4'685 qui correspondait à 68,88 m2.

9) Par jugement du 6 février 2020, le TAPI a rejeté les deux recours.

Si certes, l'art. 59 al. 4 let. a LCI exigeait entre autres la consultation de la commune, le département ne pouvait omettre d'éventuels autres intérêts publics, comme la nécessité de répondre aux besoins en logements, ni l'intérêt privé du propriétaire souhaitant construire conformément à l'affectation de la zone et aux règles de densité prévues à l'art. 59 al. 4 let. a LCI eu égard à la garantie de la propriété. À l'exception de la commune, toutes les instances consultées avaient préavisé favorablement le projet. Le département n'avait pas excédé ou abusé du pouvoir d'appréciation à lui conféré par l'art. 59 al. 4 let. a LCI en délivrant l'autorisation querellée.

La division parcellaire envisagée n'ayant pas été finalisée, il y avait lieu de prendre en considération la totalité de la parcelle actuelle pour le calcul de la surface maximale des CDPI. La limite des 8 % correspondait à 68,92 m2 (8 % de 861 m2). La surface totale de CDPI s'élevait en l'espèce au maximum à 70,8 m2, soit une surface légèrement supérieure au 8 % de la parcelle. S'agissant des garages, les plans visés ne varietur mentionnaient une surface de 68,2 m2. Dans ses écritures, le département avait toutefois indiqué que le calcul était erroné et qu'une surface de 70 m2 devait être comptabilisée à ce titre (37,8 m2 pour le nouveau et 32,8 m2 pour l'ancien). La commune admettait la surface du garage projeté mais retenait 33 m2 pour le garage existant, se fondant vraisemblablement sur l'extrait du registre foncier. Cette différence de 0,2 m2 était sans incidence. Les surplombs n'étaient surmontés ni d'un toit, ni d'un balcon/terrasse, mais d'une construction et correspondaient ainsi, en tous points, aux croquis 7 et 8 de la directive CDPI. Ils n'étaient au surplus soutenus ni d'un poteau, ni d'un mur fermant les côtés de l'espace situé sous le surplomb à plus de 50 %. Dans ces conditions, aucune surface CDPI n'avait à être prise en considération les concernant, conformément au croquis 7. Les sauts-de-loup, l'un traditionnel et l'autre de type courette anglaise, n'avaient enfin pas à être pris en compte au titre de CDPI au vu de leur spécificité étant en particulier relevé qu'ils étaient dépourvus de tout gabarit, qu'ils ne portaient aucune atteinte à l'aération, à la luminosité ou même à la silhouette du quartier et qu'ils n'étaient pas couverts. Le très léger dépassement des 8 % constaté ne permettait pas de considérer que le département avait violé l'art. 3 al. 3 RCI en rendant sa décision.

10) Par acte du 12 mars 2020, la commune a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité. Elle a conclu à son annulation.

a. L'art. 3 al. 3 RCI, relatif aux CDPI, avait été violé. Il convenait de prendre en compte le projet de mutation parcellaire du 14 décembre 2018. Par ailleurs, les surplombs devaient être considérés comme des surfaces de CDPI, dès lors qu'ils s'appuyaient sur deux murs.

b. Les art. 15 et 59 al. 4 LCI avaient été violés. Le périmètre concerné par la requête en autorisation faisait l'objet d'une remarquable unité, en accueillant des maisons individuelles sur chaque parcelle, lesquelles formaient un tout cohérent, grâce notamment à la protection conférée par des servitudes de droit privé, assurant notamment la cohérence architecturale de l'ensemble.

Par ailleurs, la commune avait, conformément aux instructions du canton, développé une stratégie cohérente de densification de sa zone villas, laquelle prévoyait que les dérogations de densité ne seraient plus possibles à l'avenir pour ce secteur. En autorisant la requête querellée, le département compromettait l'ensemble des objectifs définis, puisque, si ce type de réalisation projeté était réalisé, l'harmonie du quartier, censée être préservée, serait irrémédiablement rompue.

11) Le DT a conclu au rejet du recours, à l'instar des propriétaires.

Les voisins ont conclu à son admission.

12) Sur ce, les parties ont été informées le 6 juillet 2020 que la cause était gardée à juger.

Les arguments des parties seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous ces aspects (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

La commune a qualité pour recourir (art. 145 al. 2 LCI) du seul fait que l'autorisation contestée se trouve sur son territoire (ATA/498/2014 du 1er juillet 2014).

2) La commune fait grief au TAPI d'avoir mal appliqué l'art. 3 al. 3 RCI relatif aux CDPI. D'une part, il aurait fallu tenir compte du morcellement de la parcelle à venir, ce qui impliquait que le taux de 8 % serait largement dépassé. D'autre part, toutes les surfaces de CDPI n'avaient pas été prises en compte.

3) a. Sont réputées CDPI, à la condition qu'elles ne servent ni à l'habitation, ni à l'exercice d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale, celles dont la surface n'excède pas 50 m2 et qui s'inscrivent dans un gabarit limité par une ligne verticale dont la hauteur n'excède pas 2,50 m (let. a), une ligne oblique faisant avec l'horizontale partant du sommet de la ligne verticale un angle de 30° (let. b), une ligne horizontale de faîtage située à 4,50 m du sol au maximum (let. c ; art. 3 al. 3 1ère phr. RCI). Cette disposition est illustrée par le croquis n° IV annexé au RCI.

b. Les CDPI ne sont pas prises en considération pour le calcul du rapport des surfaces (art. 59 al. 7 LCI).

Dans le cadre d'un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d'habitat groupé, et afin d'améliorer l'insertion dans le site et pour autant qu'il n'en résulte pas de gêne pour le voisinage, le DT peut autoriser, après consultation de la CA, des CDPI groupées d'une surface de plus de 50 m2 au total (art. 3 al. 3
2ème phr. RCI). Dans tous les cas, la surface totale des CDPI ne doit pas excéder 8 % de la surface de la parcelle et au maximum 100 m2 (art. 3 al. 3 3ème phr. RCI).

c. Dans le cadre de l'application de l'art. 3 al. 3 RCI, la chambre administrative a déjà été amenée à préciser que les surfaces déterminantes étaient celles de l'emprise au sol d'une construction (ATA/168/2020 du 11 février 2020 consid. 3b ; ATA/1300/2019 du 27 août 2019).

S'agissant des balcons/terrasses, la chambre administrative a jugé que les surfaces des balcons/terrasses du premier étage - et du deuxième étage -, qui sont superposés à ceux du rez-de-chaussée, n'ont pas à être prises en compte dans la surface totale des CDPI puisque leur emprise au sol recouvre celle des terrasses du rez-de-chaussée. Elle a en revanche pris en compte la surface des terrasses du rez-de-chaussée, dans la surface à prendre en compte (ATA/168/2020 précité consid. 3d ; ATA/1304/2018 du 4 décembre 2018 consid. 9g ; ATA/1064/2018 du 9 octobre 2018 consid. 8).

d. D'après la jurisprudence, afin d'assurer l'application uniforme de certaines dispositions légales, l'administration peut expliciter l'interprétation qu'elle leur donne dans des directives. Celles-ci n'ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l'administration. Elles ne dispensent pas cette dernière de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d'espèce (ATF 145 II 2 consid. 4.3). Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_522/2012 du 28 décembre 2012 consid. 2.3 ; ATA/829/2019 du 25 avril 2019 consid. 6a et les arrêts cités).

En février 2014, le DT a édicté une directive LCI sur les CDPI no 024-v5 portant sur l'art. 3 al. 3 RCI, modifiée en mars 2017 (ci-après : la directive). Cette directive a pour but de préciser le type de construction entrant dans cette catégorie de construction, la manière d'en calculer la surface prise en compte, celle de calculer la hauteur et celle de prendre en compte les avant-toits ainsi que les éléments en saillies du bâtiment principal tels que les couvert, balcon, terrasse, surplomb d'étage. Sont réputées être des CDPI, selon la directive, les garages, ateliers non professionnels, couverts à voitures, couverts de plaisance, couverts à bois, abris ou cabanes de jardin, « pool-house ».

S'agissant des éléments en saillie, il découle des schémas de la directive y relatifs que la surface prise en compte de ces éléments diffère suivant qu'il existe un poteau ou un mur reliant l'élément en saillie au sol. Lorsqu'un poteau ou un mur soutient ledit élément, toute la profondeur de ce dernier est prise en compte. Dans le cas contraire, une déduction de 1,50 m est effectuée sur ladite mesure, à l'instar de ce qui est prévu à l'art. 25 al. 1 RCI régissant les saillies pour le dépassement d'alignement maximal autorisé en ce qui concerne les avant-toits et les corniches (let. b) et les balcons et tout autre avant-corps de la façade (let. d).

4) a. En l'espèce, la recourante fonde son calcul sur les parcelles telles qu'issues du projet de mutation parcellaire. Or, la mutation parcellaire n'était pas finalisée au moment de la décision querellée, ce qu'elle ne conteste pas. Le RCI ne prévoit pas de possibilité de calculer les CDPI en application d'un projet de mutation parcellaire. Par ailleurs, ce raisonnement revient à prendre en considération la totalité de la parcelle actuelle pour le calcul de la SBP au sens de l'art. 59 al. 4 LCI, mais à tenir compte de la surface de futures parcelles pour le calcul des CDPI, ce qui n'est pas prévu par la législation relative aux constructions et n'apparaît pas cohérent. Enfin, l'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible. En l'occurrence, il s'agit de la conformité au droit de l'autorisation de construire DD 111'872 délivrée le 5 juin 2019, comprenant la construction d'une habitation contigüe à celle existante, sur une seule parcelle. C'est aussi ce projet qui a été soumis à la CA pour son examen des surfaces des CDPI (ATA/805/2020 du 25 août 2020 consid. 13). C'est en conséquence à bon droit que le calcul des CDPI a été effectué tant par le DT que par le TAPI sur la surface totale de la parcelle, avant mutation.

b. La recourante invoque les termes de la directive CDPI. Sous l'intitulé « projet de plusieurs villas sur une parcelle », la directive prévoit : « partant du principe que la parcelle sera divisée à terme, la limite des 100 m² de CDPI n'est pas prise en compte, pour autant que cela ne prétérite pas l'harmonie et l'aménagement du quartier. Cela étant, le respect du 8 % sur l'ensemble de la parcelle reste impératif. Sur un projet d'ensemble, lorsqu'un projet de division parcellaire est joint à la requête, il y a lieu de vérifier que les CDPI ne dépassent pas de manière substantielle le 8% de leur propre parcelle ».

À l'instar du raisonnement qui précède, aucune base légale ou règlementaire n'autorise de tenir compte des parcelles issues d'une mutation parcellaire en projet et n'impose d'être plus sévère que l'art. 3 al. 3 RCI en exigeant que chaque parcelle du projet de mutation respecte le taux maximal de 8 %.

c. Le fait que la mutation parcellaire permettrait de respecter la servitude de restriction de bâtir est un argument sans pertinence. D'une part, la recourante n'est pas bénéficiaire des servitudes concernées. D'autre part, la législation genevoise en matière de police des constructions a pour seul but d'assurer la conformité du projet présenté avec les prescriptions en matière de construction. Elle n'a pas pour objet de veiller au respect des droits réels, comme les servitudes par exemple (art. 3
al. 6 LCI ; ATA/97/2019 du 29 janvier 2019 consid. 5).

d. La recourante conteste le calcul des CDPI. Elle considère que les
« porte-à-faux », respectivement au sud, lequel devrait constituer un garage, et au nord, au-dessus de la porte-fenêtre de la cuisine, doivent être comptabilisés au titre de CDPI.

Il ressort des différents plans visés ne varietur qu'une partie de la chambre de 12,8 m2 au premier étage au sud-est est conçue comme partiellement en surplomb, lequel n'est pas soutenu par un poteau ou un mur. L'entier de la surface au premier étage est pris en compte comme surface brute de plancher (ci-après : SBP). De même, les deux salles de bains du premier étage sises au nord-ouest du projet, sont partiellement en surplomb au-dessus de la porte-fenêtre prévue à la cuisine. Aucun poteau n'est prévu au rez-de-chaussée. Toutefois, les deux surplombs reposent sur deux murs du rez de chaussée, en L.

Cette configuration ne correspond en conséquence pas au schéma 7 de la directive, dans lequel le surplomb ne repose que sur un mur. Il ne correspond pas au schéma 8 puisqu'il ne prend pas appui sur un poteau ou un mur opposé au mur porteur, ce que confirme la flèche « a » qui précise comment calculer la surface, soit du mur porteur au poteau, et pas au-delà. Le schéma 8 comprend toutefois la légende « surplomb de l'étage avec poteau ou mur = 100% CDPI selon situation (par ex. +50% de côtés fermés) ». La situation du projet querellé n'est donc pas clairement prévue et doit être évaluée conformément à la situation, en application du schéma 8.

La question consiste à déterminer si la surface au sol, sous les surplombs, doit être considérée comme une CDPI.

Plaident en défaveur de la CDPI, le fait que les murs qui soutiennent les surplombs représentent 50% mais pas « plus » et que le deuxième mur n'est pas à l'opposé, mais perpendiculaire au premier.

Plaident en faveur de la CDPI, le fait que si un seul poteau impose de considérer l'espace sous un surplomb comme une CDPI, a fortiori un mur l'impose. De même si un second mur à l'opposé du premier l'impose, aucune raison ne justifie qu'un second mur en L ne soit pas traité de la même façon. Cette solution est confortée par l'introduction de la directive. En effet, si la définition légale de la CDPI ne permet pas de trancher, la directive tend, notamment, « à préciser les types de constructions concernées ». Ainsi « les garages, ateliers non professionnels, couverts à voitures, couverts de plaisance, couverts à bois, abris ou cabanes de jardin, pool-house » sont considérés comme des CDPI.

En l'espèce, dès lors que le surplomb doit permettre de servir de garage, il doit être fait considéré comme une CDPI. Il n'est par ailleurs pas soumis à la réduction de 1,5 m de bord, ne s'agissant pas d'un avant toit, ce que confirme aussi le schéma 8 applicable qui ne propose que la prise en charge à 100% de l'espace concerné. En l'occurrence, ce sont 11,13 m2 qui s'ajoutent (2,38 m x 4,68 m selon les plans vise ne varietur du rez-de-chaussée).

S'agissant des garages, les parties s'accordent pour reconnaître que les deux garages sont des CDPI. L'actuel est inscrit pour 33 m2 au registre foncier, chiffre retenu par la recourante. Le DT a retenu 32,8 m2 et les propriétaires de la parcelle 32,2 m2. La surface à retenir souffrira de rester indécise compte tenu de ce qui suit.

La surface du garage projeté est aussi litigieuse. Si la commune avait admis devant le TAPI la surface de 32,8 m2, elle fonde aujourd'hui son argumentation sur le chiffre retenu par le TAPI à la suite du DT, soit 37,8 m2. Les propriétaires soutiennent une surface de 32,8 m2 au motif qu'1,5 m doit être soustrait compte tenu d'un avant-toit à l'entrée et au garage. Quand bien même cette imputation apparait fortement douteuse, la surface précise à retenir au titre de CDPI du futur garage peut aussi souffrir de rester indécise. En effet, même à retenir 32,2 m2 pour le garage existant et 32,8 m2 pour celui du projet, comme le soutiennent les propriétaires, le total des CDPI s'élèverait à 72,85 m2, soit une surface supérieure aux 8% autorisés de 68,88 m2. Même à tenir compte d'une marge d'erreur de 3%, telle qu'admise par la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 1C_159/2020 du 5 octobre 2020 consid. 4.3.2 et les références citées), cela n'autoriserait que 2,06 m2 supplémentaire, pour un total de 70,94 m2.

 

Pour ce motif, le recours doit être admis et l'autorisation de construire annulée, étant indiqué que l'autre surplomb, indépendamment de son utilisation, devrait s'ajouter à hauteur de 7,85 m2 [(0,4 x 2,75) + (3,75 x 1,8)].

Au vu de ce qui précède, il n'est pas nécessaire d'analyser le grief de violation de l'art. 59 al. 4 LCI.

5) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des propriétaires. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la recourante dès lors qu'elle compte plus de dix mille habitants. Celle-ci est en effet réputée disposer de son propre service juridique et ne pas avoir à recourir pour le présent type de procédure, au service d'un mandataire extérieur (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/167/2020 du 11 février 2020 consid. 5c ; ATA/1531/2017 du 28 novembre 2017 consid. 18 et jurisprudence citée). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure aux voisins qui n'ont pas pris de conclusions dans ce sens ni encouru de frais pour la procédure de recours.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 mars 2020 par la commune de Plan-les-Ouates contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 février 2020 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 février 2020 et l'autorisation de construire DD 111'872 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame et Monsieur Stella et Corrado MAUTONE ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Pierre Carera, avocat de la recourante, à Me Christian D'Orlando pour Madame et Monsieur Mautone, aux intimés, au département du territoire - OAC, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :