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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3102/2015

ATA/1187/2015 du 03.11.2015 ( LCI ) , IRRECEVABLE

Parties : BANQUE J. SAFRA SARASIN SA ET M. SAFRA JACOB, SAFRA Jacob / DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC, NBAD PRIVATE BANK (SUISSE) SA
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3102/2015-LCI ATA/1187/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 novembre 2015

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur Jacob SAFRA

BANQUE J. SAFRA SARASIN SA
représentés par Me Mark Muller, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC

et

NBAD PRIVATE BANK (SUISSE) SA
représentée par Me Delphine Zarb, avocate

 



EN FAIT

1) La société NBAD Private Bank (Suisse) SA (ci-après : la requérante) est propriétaire de la parcelle n° 5'601, feuille 36 du cadastre de la commune de Genève-cité, située au quai de l’Île n° 5, sur laquelle est érigé un immeuble de bureaux. La parcelle est sise en première zone de construction dans le secteur 1 de la carte annexée au Règlement général du plan d’utilisation du sol de la ville de Genève (ci-après : PUS).

2) La parcelle n° 6'824, à l’adresse quai de l’Île n° 3, est voisine, à l’est, de la parcelle précitée. Elle appartient à la banque J. Safra Sarasin SA (ci-après : la banque Safra) et à Monsieur Jacob SAFRA.

3) En date du 16 avril 2013, la requérante a déposé, auprès du département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (ci-après : DALE ou le département) une demande définitive d’autorisation de construire portant sur la transformation et la surélévation de l’immeuble sis quai de l’Île n° 5, ainsi que sur la pose de panneaux photovoltaïques et de verres double peau en façade.

Le projet consistait principalement dans la démolition du sixième étage actuel, comprenant la toiture et les combles, la reconstruction dudit étage, ainsi que la création de deux étages supplémentaires.

Parmi les pièces produites figurait un document de quarante-deux pages, établi par le bureau d’ingénieurs Equada SA (ci-après : Equada), intitulé «  Surélévation d’un bâtiment existant - bilan thermique et formulaires pour le dépôt de la demande d’autorisation de construire - Formulaires d’autorisation pour la rénovation des vitrages actuels » (ci-après : le bilan thermique). Sous descriptif des travaux prévus, il mentionnait notamment la mise en place, sur la façade sud, d’une double peau, accueillant les cellules photovoltaïques pour la production d’électricité.

4) Le 16 juillet 2013, l’office cantonal de l’énergie (ci-après : OCEN) a rendu son préavis énergétique. Il était favorable sous conditions, soit le respect des prescriptions standards énergétiques applicables, cinq points étant listés, ainsi que de la remise à l’OCEN, au plus tard trente jours avant le début des travaux, de six pièces énergétiques, à l’instar du justificatif de conformité de l’enveloppe thermique du bâtiment.

5) La commission d’architecture (ci-après : CA) s’est prononcée à plusieurs reprises, en sus de son préavis de consultation du 7 août 2012.

a. Vu le projet du 18 avril 2013, la CA a demandé, par préavis du 15 mai 2013, un projet modifié. La solution consistant à envelopper le bâtiment d’une double peau vitrée en saillie n’était pas convaincante. En outre, le bâtiment faisant partie d’une composition de trois éléments, il n’était pas acceptable que l’élément central forme une saillie aussi importante par rapport à l’alignement sur les deux autres façades voisines.

b. Malgré le projet du 19 juillet 2013, supprimant notamment la deuxième façade projetée (double peau) et prévoyant le remplacement des vitrages existants, la CA a demandé, par préavis du 20 août 2013, un projet modifié.

c. Vu le projet du 29 octobre 2013, la CA a demandé, par préavis du même jour, un projet modifié.

d. Vu le projet du 17 décembre 2013, la CA a demandé, par préavis du 21 janvier 2014, un complément.

e. Vu le projet du 25 février 2014, la CA a préavisé favorablement sous conditions le 18 mars 2014.

6) Le 12 août 2014, l’autorisation de construire DD 105'827 a été publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO). Elle précisait que les conditions figurant dans les préavis, notamment de la CA du 18 mars 2014, de l’OCEN du 16 juillet 2013, devaient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de l’autorisation.

Le point n° 12 de l’autorisation indiquait : « Des brise-vue devront être posées sur les joues latérales de la terrasse projetée. ».

7) Par acte du 12 septembre 2014, la banque Safra et M. SAFRA ont interjeté recours contre l’autorisation précitée par-devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI). Ils ont conclu, préalablement, à ce que le département soit invité à déposer le dossier complet d’autorisation de construire DD 105'827. Principalement, l’autorisation de construire DD 105'827 devait être annulée, sous « suite de frais et dépens ».

a. Les règles de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) applicables aux gabarits des constructions étaient violées à plusieurs titres par l’autorisation entreprise, notamment par les brise-vue sur les joues latérales de la terrasse, lesquelles ne figuraient pas sur les plans autorisés.

b. Les dispositions de la loi sur l'énergie du 18 septembre 1986 (LEn - L 2 30) n’étaient pas respectées.

La surface de référence énergétique (ci-après : SRE) du bâtiment, calculée en tenant compte du bâtiment existant et de la surélévation, était de 2'162 m2. Supérieur à 2'000 m2, le projet était assujetti à l’élaboration d’un concept énergétique. Le bilan thermique ne répondant pas à la définition du concept énergétique du bâtiment au sens de la LEn et de son règlement, le dossier était lacunaire, raison pour laquelle, notamment, l’autorisation de construire devait être annulée.

Le bilan thermique Equada ne permettait pas de vérifier si les standards de haute performance énergétique pour une extension du bâtiment supérieure à 20 % étaient respectés, puisqu’il se fondait sur des normes inapplicables qui concernaient des extensions de bâtiments existants, comportant moins de 50 m2 de SRE ou moins de 20 % de la SRE du bâtiment.

Le bilan thermique Equada tenait expressément compte de la pose d’une double peau sur la façade sud de l’immeuble pour effectuer ses calculs. Ils n’avaient pas été réactualisés alors même que la double peau avait été abandonnée.

c. L’autorisation violait le plan d’utilisation du sol (ci-après : PUS) de la Ville de Genève, dans la mesure où une partie des surfaces de plancher supplémentaires aurait dû être affectée au logement.

d. L’autorisation violait la clause d’esthétique.

8) Par réponse du 17 novembre 2014, la requérante a conclu au rejet du recours et s’est déterminée sur chacun des griefs soulevés par le recours. Concernant celui relatif à la violation de la LEn, l’addition des SRE était inférieure à 2'000 m2. Aucun concept énergétique n’était requis. Un nouveau rapport était produit, établi par Equada, tenant compte de la suppression de la double peau. Les résultats du bilan thermique de l’extension et du bilan thermique actuel étaient conformes et les exigences cantonales respectées.

9) Par réponse du 21 novembre 2014, le DALE a conclu au rejet du recours et s’est déterminé sur chacun des griefs du recourant. Celui relatif à la violation de la LEn devait être rejeté. La pièce sur laquelle se fondait le recours ne figurait pas au dossier DD 105'827. Le département n’en avait pas eu connaissance. Le plan semblait avoir été établi le 27 mai 2014, soit à un moment postérieur à tous les préavis, et ne contenait pas le nom de son auteur. La surface de 2'162 m2 retenue était erronée. Les chiffres fournis par Equada étaient justifiés. La requérante n’avait pas l’obligation de prévoir un concept énergétique, ce que l’OCEN avait confirmé. Il était erroné de prétendre que le bilan thermique d’Equada aurait dû être réactualisé, puis soumis une nouvelle fois à l’OCEN, en raison des modifications apportées au projet, particulièrement l’abandon de la double peau. Dans son préavis du 16 juillet 2013, l’OCEN avait expressément fixé comme conditions, reprises dans l’autorisation de construire, que divers calculs et justificatifs devaient lui être transmis au plus tard trente jours avant le début des travaux. Les documents portant sur la conformité de l’enveloppe thermique du bâtiment et le calcul de l’indice de dépense de chaleur admissible, de même qu’un dossier énergétique complet, faisaient partie des documents sollicités, en application de l’art. 33 al. 4 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses (RCI - L 5 05.01). Une réactualisation des données fournies par Equada, à ce stade de la procédure, n’était pas nécessaire pour permettre à l’État de vérifier le respect des prescriptions légales et réglementaires en matière énergétique. Une seconde consultation de l'OCEN avant délivrance de l’autorisation de construire n’était dès lors pas imposée, ni justifiée.

10) Par réplique du 4 mars 2015, M. SAFRA et la banque Safra ont relevé que le département et la requérante retenaient des SRE différentes, soit respectivement 1'875,7 m2 pour le département et 1'951,3 m2 pour la requérante. Ils ont conclu à ce qu’une expertise soit ordonnée.

Concernant le calcul de la performance énergétique du bâtiment, ils relevaient que « au vu de la confusion totale qui règne dans ce dossier au sujet du respect de la législation en matière énergétique, ils concluent, là également, à ce qu’une expertise soit ordonnée ».

Il était contesté qu’un nouveau préavis de l’OCEN soit inutile.

11) Par duplique, respectivement du 26 mars 2015 pour le département et 23 avril 2015 pour la requérante, ceux-ci ont persisté dans leurs conclusions.

12) Dans le cadre de l’instruction dudit recours, une audience s’est tenue le 3 septembre 2015 devant le TAPI, lequel a procédé à l’audition du signataire du préavis de l’OCEN du 16 juillet 2013.

À l’issue de l’audience, le représentant du département a indiqué ignorer pourquoi le projet modifié n’avait pas été transmis à l’OCEN en vue de la mise à jour de son préavis.

La fin du procès-verbal mentionne que « le Tribunal impartit un délai au 30 septembre 2015 au DALE pour lui communiquer les informations utiles relatives à la formulation de la condition n° 12 précitée et un préavis mis à jour de l’OCEN, suite à la transmission du bilan d’Equada du 12 novembre 2014 (pièce n° 19 intimée). Il appartiendra au DALE d’indiquer les raisons et les circonstances qui l’ont conduit à formuler cette condition. Il précisera également comment il envisage l’impact de la pose des brise-vue s’agissant du gabarit ».

13) En date du 14 septembre 2015, la banque Safra et M. SAFRA (ci-après : les recourants) ont interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de la justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision incidente du 3 septembre 2015 du TAPI d’impartir un délai au 30 septembre 2015 au DALE pour lui communiquer un préavis mis à jour de l’OCEN au sujet du projet contesté.

Ils ont conclu, préalablement, à ce que le DALE soit invité à déposer le dossier complet de l’autorisation de construire querellée, principalement au constat de la nullité de l’autorisation précité, subsidiairement à ce que soit annulée la décision incidente du 3 septembre 2015 du TAPI ordonnant au DALE de lui communiquer un préavis mis à jour de l’OCEN au sujet du projet ayant fait l’objet de la DD 105'827, le tout sous suite de frais et dépens.

La décision de demander un nouveau préavis à l’OCEN causait un dommage irréparable aux recourants. Il n’était pas contesté que le préavis rendu le 16 juillet 2014 [recte 2013] par l’OCEN était fondé sur le projet initial de surélévation. Si le DALE avait bien soumis la version modifiée du projet à la CA, il n’en avait pas fait de même avec l’OCEN qui n’avait pas pu se déterminer sur le projet visé ne varietur, objet de la décision du département. Cette décision était ainsi profondément viciée, en ce sens qu’elle se référait à un préavis de l’OCEN qui était obsolète, alors même que la stratégie énergétique du bâtiment avait radicalement été modifiée par la suppression de la double peau. En permettant au DALE de corriger ce vice de forme grave, soit en lui demandant de produire un nouveau préavis de l’OCEN fondé sur la version finale du projet, le TAPI permettait au DALE, alors que la décision d’autorisation avait été déjà été rendue, de réparer le vice de forme dont celle-ci était affectée. Il causait ainsi un dommage irréparable aux recourants en les privant, en cas de nouveau préavis favorable de l’OCEN, d’un moyen de recours contre l’autorisation entreprise.

Le recours contre une décision incidente était également recevable si l’admission du recours pouvait conduire immédiatement à une décision finale qui permettait d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. L’autorisation de construire DD 105'827 du 12 août 2015 [recte 2014] était nulle de plein droit, ce que la Cour était en droit de constater. Si la chambre de céans devait reconnaître la nullité de ladite décision, elle mettrait un terme définitif à la procédure devant le TAPI. Le présent recours incident était ainsi également recevable pour ce motif.

Suivaient des arguments au fond qui seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit.

14) Par courrier du 24 septembre 2015, le TAPI a transmis son dossier en indiquant n’avoir pas d’observations à formuler.

15) Par observations du 28 septembre 2015, le DALE a conclu, à la forme, à l’irrecevabilité du recours, au fond, à son rejet et à la confirmation de la décision incidente querellée, sous suite de dépens.

La décision contestée ne causait pas de préjudice irréparable. Les recourants auraient la possibilité d’émettre des observations à l’égard du nouveau préavis de l’OCEN dans le cadre du recours pendant par-devant le TAPI. Si le nouveau préavis de l’OCEN avait été requis par le département, la situation n’aurait pas été plus favorable aux recourants. Le délai de trente jours à compter de la publication de la requête pour émettre des observations dans le cadre de l’instruction du dossier par le département aurait été échu depuis longtemps. Autre aurait été la situation si les recourants n’avaient pas formé recours contre l’autorisation de construire ou si ledit recours avait déjà été jugé par le TAPI dans l’intervalle. Si la chambre de céans devait considérer que les droits procéduraux des recourants avaient été atteints par l’acte d’instruction du TAPI, cette violation pourrait aisément être réparée par-devant ledit Tribunal d’une manière analogue à la pratique en matière de droit d’être entendu. Au regard du principe d’économie de procédure, l’acte d’instruction demandé par le TAPI, pour autant qu’il s’avère véritablement nécessaire dans le cas d’espèce, permettait d’éviter un renvoi au département pour complément d’instruction qui, une fois effectué, aboutirait certainement à une nouvelle décision favorable en matière d’autorisation de construire, ne faisant que reporter le présent litige à une date ultérieure, sans apporter de plus-value au dossier DD 105'827. Le principe précité, destiné à préserver les intérêts de toutes les parties, imposait également à la chambre de céans de considérer que c’était précisément pour éviter un éventuel préjudice en lien avec une prolongation inutile de la procédure de recours que le TAPI avait, à bon escient, requis un acte d’instruction supplémentaire. En l’absence de préjudice irréparable, le recours devait être déclaré irrecevable.

L’évidente nullité de l’autorisation de construire litigieuse, invoquée par les recourants, était contestée. Si la nullité invoquée était aussi évidente à déceler que le prétendaient les recourants, le TAPI l’aurait constatée, puisqu’il devait effectuer cette analyse en principe d’office. Par ailleurs, ledit grief devait être porté par-devant l’autorité juridictionnelle en charge du traitement du recours au fond, soit le TAPI et non par-devant la chambre de céans, appelée à vérifier le bien-fondé de la décision incidente et non à procéder à un examen sommaire du fond du litige. Un tel constat, par la chambre administrative, priverait par ailleurs les autres parties à la procédure d’un moyen de recours. La question, en tous les cas, avait déjà été tranchée par la jurisprudence dans un arrêt de mars 2013 qui avait estimé que l’absence de réactualisation d’un préavis, en l’occurrence communal, aboutissait à l’annulation de l’autorisation de construire et ne la rendait donc pas nulle. L’arrêt devant la chambre de céans ne pouvait mettre fin à la procédure pendante par-devant le TAPI. Une hypothétique admission du recours devant la chambre administrative ne pouvait donc pas conduire immédiatement à une décision finale qui permettait d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. Les recourants n’indiquaient d’ailleurs pas en quoi la procédure probatoire par-devant le TAPI serait longue et coûteuse.

Le département contestait la nécessité de devoir requérir un nouveau préavis de l’OCEN. Le préavis du 16 juillet 2013 indiquait, comme condition, que les prescriptions et standards énergétiques applicables devraient être appliqués. De par les termes généraux qu’il contenait, son respect permettrait que le projet de construction, même dans sa version finale, soit conforme aux standards énergétiques imposés par l’OCEN sur la base des lois et réglementations applicables. Ceci était d’autant plus vrai que le règlement idoine stipulait qu’au moins trente jours avant l’ouverture d’un chantier ayant pour objet une nouvelle construction ou l’extension d’un bâtiment existant, un dossier énergétique complet, incluant le formulaire relatif à la performance énergétique de cette dernière et ses annexes, était remis au département chargé de l’énergie pour validation. Par ailleurs, compte tenu de l’effet dévolutif du recours, le pouvoir de traiter l’affaire qui en était l’objet passait à l’autorité de recours. Le TAPI était donc bien l’autorité compétente pour ordonner tout acte d’instruction dans le cadre du traitement du recours contre l’autorisation de construire contestée. Les faits devaient être établis d’office par l’autorité de recours, laquelle n’était pas limitée par les allégués et les offres de preuve des parties. Un préavis de l’OCEN pouvait être considéré comme un renseignement d’un tiers, voire une expertise, sachant qu’il s’agissait pour le TAPI de connaître la valeur du second bilan d’Equada du 12 novembre 2014, soit un document élaboré postérieurement à la délivrance de l’autorisation de construire. Le TAPI était en droit d’exiger la production par l’OCEN d’un préavis supplémentaire. Cette manière de procéder avait d’ailleurs déjà été mise en œuvre par les juridictions de recours dans d’autres litiges concernant des autorisations de construire.

Le grief de violation du principe de la séparation des pouvoirs devait être rejeté. L’autorisation de construire avait été délivrée par l’autorité compétente. Le complément d’instruction requis par le TAPI ne venait pas pallier un manquement dans l’instruction, mais visait à s’assurer que le préavis émis par l’OCEN restait valable, malgré la production, postérieurement à la délivrance de l’autorisation de construire contestée, d’un nouveau bilan thermique. Enfin, si le nouveau préavis de l’OCEN devait justifier une nouvelle prise de décision du département, celui-ci pouvait toujours, en cours de procédure, reconsidérer ou retirer sa décision.

L’absence d’un second préavis de l’OCEN, suite aux modifications apportées au projet de construction, n’était ni un motif de nullité, ni même un motif d’annulation de l’autorisation de construire. La jurisprudence de la chambre de céans avait considéré que l’absence d’un nouveau préavis, s’il était imposé par la loi, pouvait engendrer l’annulation de l’autorisation de construire et non sa nullité. De surcroît, la jurisprudence ne concernait que le cas de préavis obligatoires, à l’instar de celui de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) dans le cas d’un plan de site, hypothèse dans laquelle la chambre de céans avait autorisé la CMNS à préciser son préavis à l’instar des explications qu’elle aurait pu donner dans le cadre d’une audience ou d’un transport sur place.

16) La requérante a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement, au fond, à son rejet et au renvoi du dossier au TAPI pour la poursuite de l’instruction.

Les recourants n’encouraient aucun dommage irréparable. Quel que soit le sort que l’OCEN réservait à un nouveau préavis, ils avaient déjà fait valoir leurs droits en recourant contre l’autorisation DD 105'827. Dès lors que toutes les parties auraient le droit de s’exprimer, devant le TAPI, au sujet du nouveau préavis rendu, les recourants n’étaient pas privés d’un moyen de recours contre l’autorisation.

Ni la loi, ni le règlement n’indiquaient les cas dans lesquels les préavis devaient être renvoyés avant autorisation aux offices concernés pour le cas où le projet était modifié et si le défaut de renvoi constituait un vice de procédure. Cette question pouvait toutefois rester ouverte dès lors que, même à considérer qu’il s’agissait d’un vice, celui-ci n’était pas grave et, une fois corrigé, pourrait être critiqué par les recourants dans le cadre de leur recours devant le TAPI. Dès lors qu’ils avaient déjà recouru contre l’autorisation, leurs droits étaient d’ores et déjà sauvegardés. On ne voyait pas en quoi la modification d’un préavis, que les parties avaient tout loisir de critiquer en procédure, les privait d’un moyen de droit ou d’un degré de juridiction.

Même si la chambre de céans devait admettre que la réparation du vice de procédure par le TAPI était illégale, la nullité de l’autorisation de construire ne pouvait être constatée par la chambre de céans, compte tenu du peu de gravité du vice de procédure et du fait qu’une telle décision priverait les parties d’un degré de juridiction. Il appartenait, au stade actuel de la procédure, au TAPI de se prononcer sur la validité, respectivement l’annulabilité, voire la nullité de l’autorisation, laissant ainsi à la Cour de justice son plein pouvoir de cognition au stade du recours.

17) Par réplique du 9 octobre 2015, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.

La requérante ne se prononçait pas sur le chef de recevabilité du recours tirée du fait que l’admission du recours pouvait conduire immédiatement à une décision finale qui permettait d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. Il était évident que si la chambre de céans devait constater la nullité de l’autorisation de construire, cela mettrait un terme à la procédure devant le TAPI. Une telle décision aurait bel et bien pour effet d’éviter une procédure longue et coûteuse, puisque la procédure devant le TAPI, au cours de laquelle des actes d’instruction, tels qu’un transport sur place, une expertise portant sur les gabarits et autres, pourraient être demandés et des échanges d’écritures ordonnés. Il s’agissait en conséquence de déterminer si le grief soulevé était de nature à mettre un terme à la procédure. Dès lors que les recourants concluaient à la nullité de l’autorisation de construire, les juridictions valablement saisies pouvaient le constater en tout temps. Le recours était donc recevable, puisque l’admission de ses conclusions aurait pour effet de mettre un terme à la procédure.

Le département se trompait lorsqu’il soutenait qu’il n’avait pas à requérir un nouveau préavis de l’OCEN, dès lors que celui-ci indiquait, comme condition, que les prescriptions et standards énergétiques devaient être respectés. Il incombait au département de recueillir des préavis des services compétents afin de contrôler le respect des dispositions légales applicables. Compte tenu des modifications importantes survenues dans le projet, le département devait solliciter un tel préavis. Ne l’ayant pas fait, il avait gravement violé la loi.

Le TAPI ne s’était pas limité à ordonner que le préavis soit précisé ou expliqué. Il avait sollicité un nouveau préavis, raison pour laquelle la jurisprudence relative au préavis manquant devait être appliquée, ce qui impliquait que l’autorisation de construire devait être déclarée nulle.

S’agissant d’un nouveau préavis et non de précisions au préavis du 16 juillet 2013, il était bien question de compléter le dossier d’instruction de la demande de l’autorisation de construire, soit de faire le travail que le département n’avait pas fait. La décision du TAPI consacrait bel et bien une violation du principe de la séparation des pouvoirs.

18) Par courrier du 12 octobre 2015, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger et que le préavis du 29 septembre 2015 de l’OCEN lui était retourné avec la mention qu’il appartiendrait à celui-ci de le produire dans la procédure en fonction du résultat du présent recours.

EN DROIT

1) Les décisions du TAPI peuvent faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative (art. 132 al. 1 et 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

La décision du TAPI fixant un délai à un service du département pour produire un document est une décision incidente. Le délai de recours est de dix jours (art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue.

2) a. Les décisions incidentes sont susceptibles de recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA).

b. Cette disposition légale a la même teneur que l’art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110).

c. Un préjudice est irréparable au sens de cette disposition lorsqu’il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 et les références citées).

Le préjudice irréparable suppose que le recourant a un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée, comme un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de la procédure (ATF 127 II 132 consid. 2a p. 126 ; 126 V 244 consid. 2c p. 247 ss ; 125 II 613 consid. 2a p. 619 ss ; ATA/136/2010 du 2 mars 2010).

L'exigence d'un préjudice irréparable correspond à celle que posait l'art. 87 al. 2 de l’ancienne loi fédérale d’organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (Organisation judiciaire, aOJ – RS 173.110) pour le recours de droit public contre une décision incidente (ATF 135 III 129 consid. 1.2.1). Le préjudice encouru doit être de nature juridique (ATF 135 II 30 consid. 1.3.4 p. 36 et la jurisprudence citée), c'est-à-dire qu'il ne doit pas pouvoir être réparé par une décision finale ultérieure favorable au recourant. Un dommage de pur fait, comme la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est pas considéré comme irréparable (ATF 136 IV 92 consid. 4 p. 95 ; ATF 134 I 83 consid. 3.1 p. 87 ; ATF 134 III 188 consid. 2.1 p. 190). Un préjudice irréparable s'apprécie par rapport à la décision de première instance et non par rapport à la décision d'irrecevabilité du recours rendue par le tribunal supérieur. En particulier, si la question qui a fait l'objet de la décision incidente de première instance peut être soulevée à l'appui d'un recours contre la décision finale, il n'y a pas de préjudice irréparable. Tel est en principe le cas des décisions sur l'administration des preuves dans le procès principal, puisqu'il est normalement possible, en recourant contre la décision finale, d'obtenir l'administration de la preuve refusée à tort ou d'obtenir que la preuve administrée à tort soit écartée du dossier. Cette réglementation est fondée sur des motifs d'économie de procédure, le Tribunal fédéral ne devant en principe s'occuper d'une affaire qu'une seule fois, lorsqu'il est certain que la partie recourante subit effectivement un dommage définitif. Il incombe au recourant de démontrer l'existence d'un tel préjudice lorsque celui-ci n'est pas d'emblée évident (ATF 141 III 80 consid. 1.2 et les références citées).

Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 p. 95).

d. Pour qu’une procédure soit « longue et coûteuse », il faut que la procédure probatoire, par sa durée et son coût, s'écarte notablement des procès habituels. (arrêt du Tribunal fédéral 9C_850/2012 consid. 3 et les références citées). Tel peut être le cas lorsqu’il faut envisager une expertise complexe ou plusieurs expertises, l’audition de très nombreux témoins, ou encore l’envoi de commissions rogatoires dans des pays lointains (ATA/639/2014 du 19 août 2014 et les références citées).

e. La chambre de céans a précisé à plusieurs reprises que l’art 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/746/2014 du 23 septembre 2014 et les références citées).

3) En l’espèce, se pose préalablement la question de la recevabilité du recours.

a. Les recourants n’indiquent pas clairement quel préjudice irréparable la décision litigieuse leur causerait. Ils craignent que si le préavis réactualisé de l’OCEN était versé au dossier, ils ne puissent plus faire constater la nullité de l’autorisation de construire.

Toutefois, devant le TAPI, les recourants auront la possibilité de se déterminer sur le document litigieux et de solliciter qu’il soit écarté de la procédure, avant que le TAPI ne rende son jugement.

La question du bien-fondé de la production du « préavis mis à jour de l’OCEN, suite à la transmission du bilan d’Equada du 12 novembre 2014 » et des précisions sollicitées notamment sur « la condition n° 12 » du préavis du 16 juillet 2013, pourra être soulevée à l'appui d'un recours contre la décision finale.

La décision finale qui pourrait être prise soit par le TAPI, soit par la chambre de céans ultérieurement, pouvant être favorable aux recourants, ceux-ci ne sont pas exposés à un préjudice irréparable.

b. Pour le surplus, l’admission du recours, ne mettrait pas fin au litige. La décision contestée porte sur l’apport à la procédure d’un préavis de l’OCEN, dont les parties se disputent le caractère nécessaire et sa définition, à savoir s’il s’agit d’un nouveau préavis ou d’un complément de celui du 16 juillet 2013 et par voie de conséquence s’opposent sur l’existence d’un vice de procédure et sa gravité.

Contrairement à ce que soutiennent les recourants, l’objet du litige soumis à la chambre de céans ne permet pas de mettre un terme au litige. Même à considérer que la décision du TAPI est contraire à la loi, le TAPI devrait, ce nonobstant, statuer sur le bien-fondé de l’autorisation de construire délivrée, objet du litige.

De surcroît, l’argument des recourants selon lequel la chambre administrative pourrait définitivement mettre un terme au litige en reconnaissant la nullité de l’autorisation de construire ne résiste pas à l’examen. Il n'y a lieu d'admettre la nullité, hormis les cas expressément prévus par la loi, qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 121 III 156 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_34/2013 du 21 janvier 2013 consid. 6.3 ; ATA/386/2011 du 21 juin 2011 consid. 6). En l’espèce, aucune disposition légale ne prévoit la nullité de l’autorisation de construire dans un tel cas de figure. Le recourant ne l’allègue d’ailleurs pas. De surcroît, selon la jurisprudence de la chambre de céans, en application des art. 19 et 20 LPA, le TAPI établit les faits d’office et procède aux enquêtes nécessaires. Cette juridiction peut demander toutes précisions écrites à la CMNS, au même titre qu’elle peut l’entendre en audience de comparution personnelle ou la convoquer à un transport sur place pour qu’elle détaille sa position (ATA/636/2015 du 16 juin 2015). Lorsqu’un projet de construction évolue en cours de procédure, passant de la construction d’un immeuble de type R+4+A à celle d’un immeuble de type R+6 soumise aux règles de gabarit régissant les surélévations d’immeubles, les modifications apportées sont essentielles et nécessitent de solliciter à nouveau le préavis consultatif de la commune concernée, impliquant l’annulation de l’autorisation préalable querellée (ATA/198/2013 du 26 mars 2013). Il n’est en conséquence pas nécessaire de trancher les questions de la définition du document sollicité par le TAPI ou de la gravité du vice, celui-ci n’étant en tous les cas pas d’une gravité telle qu’il impliquerait la nullité de l’autorisation concernée. Le système d’annulabilité de l’autorisation de construire offre aux recourants la protection nécessaire et exclut par voie de conséquence la possibilité de prononcer la nullité de l’autorisation de construire.

Dans ces conditions, la seconde hypothèse visée par l'art. 57 let. c LPA n'est pas réalisée non plus.

4) Au vu de ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable.

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge des recourants conjointement et solidairement (art. 87 LPA). Aucune indemnité n’est allouée à la requérante qui n’y a pas conclu.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

 

déclare irrecevable le recours interjeté le 14 septembre 2015 par la Banque J. Safra Sarasin SA et Monsieur Jacob SAFRA contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 3 septembre 2015 ;

met à la charge de la Banque J. Safra Sarasin SA et Monsieur Jacob SAFRA pris conjointement et solidairement un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu'aucune indemnité de procédure n’est allouée ;

dit que, conformément aux art. 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mark Muller, avocat des recourants, à Me Delphine Zarb, avocate de NBAD Private Bank (Suisse) SA, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie – oac, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :