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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3311/2024

JTAPI/293/2025 du 18.03.2025 ( LDTR ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : DÉCISION INCIDENTE;DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ
Normes : LPA.57.letc
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3311/2024 LDTR

JTAPI/293/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 18 mars 2025

 

dans la cause

 

 

A______ AG, représentée par Me Yves JEANRENAUD et Me Amanda BURNAND SULMONI, avocats, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             A______ AG (ci-après : A______) est propriétaire de la parcelle n° 1______ de la commune de B______ sur laquelle est érigé un immeuble d’habitation.

2.             Le 28 septembre 2023, A______ a conclu un contrat de bail avec Madame C______ et Monsieur D______ portant sur un appartement de 4 pièces situé au 8è étage de l’immeuble. Le loyer annuel avait été fixé à CHF 26'880.- par an. Selon l’avis officiel de fixation du loyer du 28 septembre 2023, le loyer annuel de l’ancien locataire avait été fixé pour la dernière fois le 15 octobre 2017 à CHF 15'380.-.

3.             Le 13 novembre 2023, les époux C_____ et D______, par l’intermédiaire de leur conseil, ont déposé auprès de la commission de conciliation en matière de baux et loyers une requête en fixation judiciaire du loyer, subsidiairement en contestation du loyer initial.

4.             Le 7 juin 2024, l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) du département du territoire (ci-après : DT ou le département) a adressé à A______ un courrier lui indiquant avoir été informé que des travaux auraient été exécutés dans le logement de quatre pièces situé au 8è étage de son immeuble durant les mois d’été de 2023. Les travaux précités, au sujet desquels il n’avait pas été saisi d’une requête en autorisation de construire, étaient susceptibles d’être assujettis à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20).

Un délai au 15 juillet 2024 lui était imparti pour transmettre ses observations et tous documents utiles.

5.             Dans le délai prolongé au 15 août 2024, A______, sous la plume de son conseil, a transmis la liste des travaux d’entretien réalisés en 2023, ainsi qu’une copie de l’ensemble des pièces justificatives. L’appartement n’avait pas fait l’objet de travaux particuliers entre 2013 et 2023.

6.             Par décision du ______ 2024, le département a imparti à A______ un délai au 25 octobre 2024 pour requérir une autorisation de construire visant à régulariser la totalité des travaux entrepris sans autorisation de l’appartement de quatre pièces au 8è étage, en application des art. 129ss LCI (I-2______).

7.             Par acte du 2 octobre 2024, A______ (ci-après : la recourante), sous la plume de son conseil, a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens.

L’appartement avait été construit en 1960 et avait fait l’objet de travaux d’entretien réguliers. Il ressortait du constat d’état des lieux d’entrée du 13 octobre 2023 qu’il était en parfait état d’entretien. Préalablement à l’entrée des locataires, elle avait procédé à divers travaux. De jurisprudence constante, ces travaux, de par leur nature, faisaient partie de l’entretien courant d’un logement et n’avaient pas engendré de modification ou d’augmentation de son standing.

Vu la situation de l’appartement, son loyer était parfaitement conforme aux loyers usuels du quartier. Les travaux réalisés n’avaient visé qu’à maintenir l’objet dans son état, sans en modifier la nature, le caractère et l’affectation. La mise en conformité des installations électriques, la pose de nouveaux revêtements des sols et des parois, ainsi que des travaux de peinture et de serrurerie, étaient des travaux d’entretien et non de rénovation. Il en allait de même en particulier pour le remplacement des faïences sur les murs, l’installation d’une armoire frigorifique, d’un lave-linge, d’un lave-vaisselle et d’une cuisinière, d’un type tout à fait standard.

L’intégralité de ces travaux avait été exécutés pour la somme très raisonnable de CHF 23’174.75, soit un montant bien inférieur à la valeur d’assurance de l’immeuble litigieux qui s’élevait à CHF 6’683'503.-. Ainsi, les montants engagés pour l’exécution des travaux litigieux s’élevaient à 0.34674 % de la valeur d’assurance de l’immeuble. Le coût de ces travaux ne représentait assurément pas une part considérable de la valeur de l’immeuble et n’apportait donc pas une plus-value au logement litigieux, de sorte que ces travaux ne sauraient être considérés comme de la rénovation au regard de la jurisprudence.

C’était donc à tort que le département avait considéré que les travaux litigieux constituaient des travaux de rénovation assujettis à la LDTR.

8.             Le département a répondu au recours le 9 décembre 2024, concluant, principalement, à son irrecevabilité, subsidiairement à son rejet, sous suite de dépens. Il a produit son dossier.

La mesure administrative objet de la décision querellée consistait en un ordre de déposer une requête en autorisation de construire. De jurisprudence constante, en exigeant le dépôt d’une telle requête, il rendait une décision incidente, qui ne mettait pas fin à la procédure administrative mais qui constituait une simple étape dans le cours de celle-ci. En effet, déposer une requête en autorisation n’imposait que de simples démarches administratives. La recourante aurait en conséquence tout loisir de faire valoir ses arguments dans le cadre de l’instruction de la requête et, le cas échéant, la possibilité de recourir contre la décision qu’il prendra ultérieurement après l’instruction complète du dossier, si elle l'estimait infondée.

Par ailleurs, les décisions incidentes étaient susceptibles de recours si elles pouvaient causer un préjudice irréparable ou si l’admission du recours pouvait conduire immédiatement à une décision finale qui permettait d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. Or, la recourante était parfaitement muette sur la question d’un éventuel préjudice. Par ailleurs, elle n’alléguait ni de démontrait que la procédure serait longue et coûteuse, ni que le dépôt d’une autorisation de construire demanderait un travail démesuré ou excessivement coûteux, ni encore que son instruction nécessiterait des mesures probatoires prenant un temps considérable exigeant des frais importants.

Au vu de ce qui précédait, il n’allait pas entrer en matière sur les griefs soulevés au fond par la recourante.

9.             La recourante a répliqué le 28 janvier 2025, persistant intégralement dans ses conclusions.

Elle avait démontré que les travaux litigieux ne pouvaient être qualifiés de travaux de rénovation. Ils n’avaient apporté aucune amélioration au confort existant et leur montant démontrait d’emblée qu’il ne saurait s’agir d’une rénovation. Il apparaissait donc que si le tribunal de céans admettait le recours, la procédure initiée par le département prendrait immédiatement fin, ce qui éviterait à toutes les parties d’engager des frais inutiles, ainsi que du temps, dans la poursuite d’une procédure totalement vaine. Si le département, en totale contradiction avec la loi et la jurisprudence, décidait de qualifier les travaux de travaux de rénovation, elle ne manquerait pas de recourir à nouveau à l’encontre de la décision finale, en exposant les mêmes arguments d’ores et déjà exposés dans le cadre de la présente procédure.

Une saine administration de la justice et le principe de la bonne foi qui protégeait l’administré devaient ainsi conduire le tribunal de céans à déclarer recevable son recours de façon à ce qu’il puisse ensuite trancher, une fois pour toutes, la question de la qualification juridique des travaux litigieux à la lumière de la jurisprudence applicable en la matière.

10.         Par courrier du 4 février 2025, l’Association E______ a demandé à être appelée en cause dans la procédure.

11.         Le 20 février 2025, le département a informé tribunal qu’il entendait s’en rapporter à justice s’agissant de la demande d’appel en cause formée par E______.

A______ en a fait de même par courrier également daté du 20 février 2025.

12.         Toujours le 20 février 2025, le département a transmis sa duplique. Il persistait dans sa position et ses conclusions prises dans ses précédentes observations.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LDTR et de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05, art. 143 et 145 al. 1 LCI ; art. 45 al. 1 LDTR).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             La recourante fait grief à l'autorité intimée de lui avoir ordonné le dépôt d'une requête en autorisation de construire alors même que les travaux qu’elle a réalisés sont des travaux d’entretien.

Est ainsi litigieux l'ordre donné par le département le 20 septembre 2024 à la recourante de déposer une requête en autorisation de construire relative aux travaux effectués dans l'appartement loué par les époux C_____ et D______.

4.             Il sied de déterminer dans un premier temps la nature de cette décision.

5.             La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises la nature de la décision du département par laquelle il ordonne de requérir une autorisation de construire (ATA/878/2023 du 22 août 2023 ; ATA/957/2020 du 29 septembre 2020 ; ATA/1548/2017 du 28 novembre 2017 ; ATA/362/2017 du 28 mars 2017 ; ATA/526/2016 et ATA/527/2016 du 21 juin 2016).

Par arrêt du 23 février 2023, le Tribunal fédéral a une nouvelle fois confirmé l'approche de la chambre administrative (arrêt du Tribunal fédéral 1C_66/2023 in Droit de la Construction 5/2023 p. 292) et par-là sa jurisprudence antérieure (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_278/2017 du 10 octobre 2017 ; 1C_392/2016 et 1C_390/2016 du 5 septembre 2016 consid. 2.2 ; 1C_386/2013 du 28 février 2014 consid. 1.2 ; 1C_470/2008 du 11 novembre 2008 consid. 2.2).

Cette jurisprudence indique que ne peut être considérée comme finale une décision qui ordonne de déposer une requête d'autorisation de construire relative à des travaux non autorisés constatés par le département. Par le dépôt d'une telle requête, ce dernier ouvre une procédure administrative qui prendra fin par une décision constatant, sur la base du dossier complet, soit que les travaux ne sont pas soumis à une autorisation, soit qu'ils le sont, en accordant alors ou en refusant cette autorisation. La décision litigieuse ne met ainsi pas fin à la procédure mais constitue une simple étape dans le cours de celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 1C_278/2017 précité consid. 2.2).

6.             En l'espèce, la recourante s'est vue notifier une décision lui ordonnant de déposer une demande d'autorisation de construire afin de permettre à l'autorité intimée de statuer sur l'assujettissement ou non à la LCI et à la LDTR des travaux litigieux.

Conformément à la jurisprudence précitée, confirmée encore récemment par le Tribunal fédéral et la chambre administrative, cette décision doit dès lors être qualifiée d'incidente.

7.             Reste à déterminer si les conditions pour un recours contre une telle décision sont remplies.

8.             A teneur de l'art. 57 let. c LPA, sont susceptibles d'un recours les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

9.             La LDTR a pour but de préserver l'habitat et les conditions de vie existants, ainsi que le caractère actuel de l'habitat dans les zones visées expressément par la loi (art. 1 al. 1 LDTR). La loi prévoit notamment à cet effet, tout en assurant la protection des locataires et des propriétaires d'appartements, des restrictions à la démolition, à la transformation et au changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 2 let. a LDTR). Plus spécifiquement, la LDTR vise à éviter la disparition à long terme de logements à usage locatif (arrêt du Tribunal fédéral 1P.406/2005 du 9 janvier 2006 consid. 3.3 ; ATA/373/2016 du 3 mai 2016 consid. 5a ; ATA/281/2016 du 5 avril 2016 consid. 8a).

10.         Selon l'art. 9 al. 1 LDTR, une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation. L'autorisation est accordée notamment lorsque la réalisation d'opérations d'aménagement ou d'assainissement d'intérêt public le commande (let. b) ou pour les travaux de rénovation (let. e), c'est-à-dire la remise en état, même partielle, de tout ou partie d'une maison d'habitation, en améliorant le confort existant sans modifier la distribution des logements (art. 3 al. 1 let. d LDTR).

Les travaux de transformation proprement dits modifient l'architecture, le volume, l'implantation, la destination, la distribution intérieure de tout ou partie d'une maison d'habitation (art. 3 al. 1 let. a LDTR).

L'al. 2 de l'art. 3 LDTR précise que, par travaux d'entretien, non assujettis à la présente loi, il faut entendre les travaux courants d'entretien faisant partie des frais d'exploitation ordinaires d'une maison d'habitation. Les travaux raisonnables d'entretien régulier ne sont pas considérés comme travaux de transformation, pour autant qu'ils n'engendrent pas une amélioration du confort existant.

11.         La distinction entre travaux d'entretien et travaux de transformation peut être délicate à opérer. Le critère de l'accroissement du confort existant est ainsi déterminant pour distinguer des travaux de transformation des travaux d'entretien, la LDTR ne devant pas instituer un contrôle général des loyers. Il est toutefois possible de s'en écarter lorsque l'importance des travaux justifie d'assimiler les travaux de rénovation à des travaux de transformation (arrêts du Tribunal fédéral 1C_323/2014 du 10 octobre 2014 consid. 7.1.2 ; 1C_624/2013 du 13 février 2014 consid. 2.5).

12.         Une autorisation est nécessaire pour toute transformation ou rénovation au sens de l'art. 3 al. 1 LDTR.

13.         L'art. 57 let. c LPA, cité plus haut, a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110).

14.         Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un préjudice est irréparable au sens de cette disposition lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 135 II 30 ; 134 II 137 ; 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue pas en soi un préjudice irréparable. Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 138 III 190 consid. 6 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_278/2017 du 10 octobre 2017 consid. 2.3.1 ; ATA/360/2017 du 28 mars 2017 consid. 6b et les arrêts cités ; ATA/16/2016 du 12 janvier 2016 consid. 2b ; ATA/1187/2015 du 3 novembre 2015 consid. 2c). En particulier, l'obligation de constituer un dossier en vue du dépôt d'une requête en autorisation, si elle impose différentes démarches au propriétaire concerné, ne cause pas un préjudice irréparable (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_278/2017 du 10 octobre 2017 consid. 2.3.1 ; 1C_470/2008 du 11 novembre 2008 consid. 2.3).

La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/433/2018 précité ; ATA/231/2017 du 22 février 2017 ; ATA/385/2016 du 3 mai 2016 ; ATA/64/2014 du 4 février 2014).

Dans un cas similaire au présent cas, elle a notamment jugé que déposer la requête sollicitée par le département ne revenait pas à admettre que les travaux étaient soumis à la LDTR, mais permettait d'instruire de façon approfondie tous les faits pertinents avant qu'une décision soit prise (ATA/433/2018 précité). Il appartient en effet à l'autorité d'établir les faits d'office (art. 19 LPA) et de réunir les renseignements pour fonder sa décision (art. 20 al. 1 LPA).

Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4).

15.         Le Tribunal fédéral a précisé, s'agissant de l'obligation de constituer un dossier en vue du dépôt d'une requête en autorisation, que si elle impose différentes démarches aux propriétaires concernés, on ne saurait considérer qu'elle cause un préjudice irréparable (arrêt du Tribunal fédéral 1C_278/2017 précité consid. 2.3.2).

En outre, le Tribunal fédéral a retenu que les coûts liés à de telles procédures ne constituent pas un préjudice juridique (ATF 135 II 30 consid. 1.3.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_392/2016 et 1C_390/2016 du 5 septembre 2016 consid. 2.2).

16.         En l'espèce, la décision querellée se limite à exiger le dépôt d'une requête afin précisément de pouvoir l'instruire. Elle ne préjuge pas de la décision finale, laquelle est expressément réservée selon les termes de la décision querellée. Il n'est ainsi pas exclu qu'à l'issue de l'instruction de la demande d'autorisation de construire, le département considère qu'il s'agisse de travaux d'entretien (dans ce sens arrêt du Tribunal fédéral 1C_470/2008 du 11 novembre 2008 consid. 2.2). Quelle que soit la décision du département, la recourante conservera par ailleurs la possibilité de recourir, cas échéant en contestant à ce stade la soumission à autorisation.

En outre, si les coûts liés à une telle procédure pourraient certes lui être épargnés si le tribunal statuait immédiatement sur la question de l'assujettissement des travaux à une autorisation de construire, il ne s'agit toutefois pas d'un préjudice juridique tel qu'admis par la jurisprudence. De même, comme l’a précisé la jurisprudence rappelée ci-dessus, l’obligation de constituer un dossier dans le cadre d’une procédure d’autorisation de construire ne cause pas un préjudice irréparable.

17.         Dès lors, faute de préjudice irréparable, la première hypothèse visée par l'art. 57 let. c LPA n'est ainsi pas réalisée.

18.         S'agissant de la seconde hypothèse visée par l'art. 57 let. c LPA (identique à celle dont il est question à l'art. 93 al. 1 let. b LTF), pour qu'une procédure soit « longue et coûteuse », il faut que la procédure probatoire, par sa durée et son coût, s'écarte notablement des procès habituels (arrêt du Tribunal fédéral 4A_162/2015 du 9 septembre 2014 consid. 2 et les références citées ; ATA/16/2016 du 12 janvier 2016 consid. 2c ; ATA/1187/2015 du 3 novembre 2015 consid. 2d). Tel peut être le cas lorsqu'il faut envisager une expertise complexe ou plusieurs expertises, l'audition de très nombreux témoins, ou encore l'envoi de commissions rogatoires dans des pays lointains (ATA/16/2016 du 12 janvier 2016 consid. 2c ; ATA/639/2014 du 19 août 2014). La procédure d'autorisation de construire ne présente en principe pas de tels inconvénients, dès lors que le dépôt de la requête ne nécessite ni l'élaboration d'un travail démesuré ou excessivement coûteux, ni des mesures probatoires prenant un temps considérable et exigeant des frais importants (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_278/2017 du 10 octobre 2017 consid. 2.3.3 cum ATA/360/2017 du 28 mars 2017 consid. 10).

19.         En l'espèce, la décision attaquée a précisément pour conséquence d'obliger la recourante à déposer une requête formelle afin que le département puisse examiner la situation et instruire le dossier avant de décider. La question de savoir s'il s'agit de travaux d'entretien ou de transformation n'est en conséquence pas l'objet du présent litige (ATA/526/2016 et ATA/527/2016 précités). À défaut du dépôt d'une requête formelle et de l'instruction du dossier par le département, l'autorité compétente ne peut pas se prononcer sur la question de fond. C'est précisément pour cette raison que le département a ordonné le dépôt d'une requête formelle, étant souligné que ce dernier a, depuis plusieurs années, demandé des informations concernant l'état des appartements sans avoir véritablement reçu toutes les informations requises.F

De surcroît, dans le présent dossier, le dépôt de la requête ne nécessite pas l'élaboration d'un travail démesuré ou excessivement coûteux. La présente procédure de recours n'est en conséquence pas susceptible de déboucher sur une décision finale permettant d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA in fine).

20.         La seconde hypothèse visée par l'art. 57 let. c LPA n'est pas plus réalisée.

21.         Au vu de ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable.

22.         Dès lors, la demande d’appel en cause de E______, laquelle dépend de la recevabilité du recours, est devenue sans objet.

23.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 2 octobre 2024 par A______ AG contre la décision du département du territoire du ______ 2024 ;

2.             met à la charge d'A______ AG un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

3.             ordonne la restitution à A______ AG du solde de l’avance de frais de CHF 400.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, juge, Suzanne AUBERT-LEBET, Claire BOLSTERLI, Didier PROD’HOM et Bernard DELACOSTE, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière