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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2886/2015

ATA/360/2017 du 28.03.2017 sur JTAPI/1019/2016 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 22.05.2017, rendu le 10.10.2017, REJETE, 1C_278/2017
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2886/2015-LCI ATA/360/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 mars 2017

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Pascal Pétroz, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE - OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 octobre 2016 (JTAPI/1019/2016)


EN FAIT

1. Monsieur A______, Madame et Monsieur B______ sont copropriétaires de la parcelle n° 1______, plan ______ de la commune de Bellevue, à l'adresse C______, sise en 5ème zone.

Sur la surface totale de 458 m2 se trouve le bâtiment n° ______, d’une surface totale de 355 m2, dont 190 m2 sur la parcelle précitée et 165 m2 sur la parcelle voisine n° 2______.

Le bâtiment est connu sous le nom de « D______ ». À teneur du registre foncier, il est affecté à de l'habitation (« Hab plusieurs logements »).

2. Par décisions DD 3______ du 5 juin 2001 et DD 4______ du 7 novembre 2001, le département de l'aménagement, de l’équipement et du logement, devenu depuis lors le département de l’aménagement, du logement et de l'énergie
(ci-après : DALE) a autorisé la « transformation et rénovation - jours en toiture » dans la villa.

3. Le 21 avril 2015, un inspecteur de la direction des autorisations de construire du DALE s'est rendu sur la parcelle précitée pour y effectuer un constat. Son rapport avait la teneur suivante :

« Le plaignant nous fait savoir que des entreprises auraient pris place dans le bâtiment sis sur la parcelle précitée. Selon l’autorisation DD 3______ seuls des appartements apparaissent sur le plan de l’étage et des combles visés ne varietur. Il n’y a pas de plans du rez sur ladite autor. Suite à ma visite sur place, j’ai pu constater que plusieurs plaques d’entreprises ornaient l’entrée de l’immeuble et sont annoncées sur les boîtes aux lettres. Ces dernières sont la plupart sises au rez hormis l’entreprise E______ stipulée sur le panneau informatif à l’entrée de l’immeuble ainsi que sur une porte du hall du 1er. (Voir croquis des halls d’entrée ci-joints). Cette affectation serait contraire à l’autor DD 3______ ».

4. Par correspondance du 7 mai 2015, le DALE a informé M. A______ que, lors d’un constat effectué sur place, il avait été constaté que l’affectation de certains locaux de la villa avait été changée par rapport à celle prévalant lors de l'octroi des autorisations de construire DD 3______. Cette situation était susceptible de constituer une infraction à la législation en vigueur.

Un délai lui était imparti pour toutes observations.

5. Par courriel du 19 mai 2015, M. A______ a précisé au DALE que la maison était entièrement dédiée à la location de bureaux depuis le milieu des années 1960. La demande d’autorisation de construire, au moment de l’acquisition du bien immobilier, avait eu pour but de réhabiliter un certain nombre de bureaux en appartements. L'affectation des locaux n’avait pas changé.

6. Par courrier du 22 mai 2015, le DALE a sollicité de M. A______ la preuve de ses allégations. Si ses affirmations étaient exactes, le dossier serait classé sans suite. Le DALE avait retrouvé des documents attestant que le bâtiment était destiné au logement jusqu'en 1925 environ. Il n’avait aucune information quant à un changement d'affectation ultérieur.

7. Par pli du 19 juin 2015, M. A______ a transmis au DALE copie d’un extrait d’une expertise réalisée en août 1995 par un bureau d’architectes avant d’acheter le bâtiment, lequel mentionnait que la villa était louée à l’usage de bureaux, un extrait de l'acte d’achat, datant de 1997, et un extrait du dossier de présentation de janvier 2001, produit avec la demande d'autorisation de construire DD 3______. Pour la période du milieu des années 1960 à 1979, date à laquelle il était devenu locataire de bureaux dans la villa, il y avait lieu de s'adresser au propriétaire de l’époque.

8. Par courrier du 23 juin 2015, le DALE a ordonné à M. A______ de requérir dans un délai de trente jours la délivrance d'une autorisation de construire, sous forme de demande définitive, afin de tenter de régulariser la situation. Toutes mesures et/ou sanction justifiées par la situation demeuraient réservées.

« La présente » pouvait faire l’objet d’un recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) dans un délai de trente jours.

9. Par acte du 27 août 2015, M. A______ a recouru auprès du TAPI contre la décision précitée. Il a conclu à son annulation. Il ne pouvait être contraint de déposer une demande d'autorisation de construire en vue d'un changement d'affectation qui n'avait pas été opéré, à tout le moins pas depuis le milieu des années 1960, époque à laquelle la villa litigieuse était déjà dédiée, notamment, à la location de bureaux. Il faisait grief au DALE d’avoir violé les principes de
non-rétroactivité des lois, de la bonne foi de l'administration et du « délai de péremption de 30 ans ».

Ce recours a été enregistré sous le n° de cause A/2886/2015.

10. Mme et M. B______, à qui une décision identique avait été notifiée par le DALE, ont aussi recouru devant le TAPI, le 15 août 2015.

Leur recours a été enregistré sous le n° de cause A/2766/2015.

11. Par réponse du 19 octobre 2015, le DALE a conclu à l'irrecevabilité des recours. Lorsqu'il ordonnait le dépôt d'une demande d'autorisation de construire, il ne statuait pas par voie de décision, de sorte que les intéressés ne pouvaient contester ses ordres du 23 juin 2015 au moyen d'un recours. Au fond, le recours devait être rejeté. La « D______ » avait été entièrement affectée au logement dès sa construction (année______). Il n'existait aucune trace d'un changement d'affectation.

12. Dans sa réplique du 9 décembre 2015, M. A______ a sollicité l’audition de deux témoins.

13. Le 16 mars 2016, le TAPI a procédé à l'audition des parties aux recours nos A/2766/2015 et A/2886/2015.

M. B______ a indiqué que son épouse et lui n'étaient propriétaires que de leur propre logement dans la villa litigieuse, qui représentait actuellement quatre lots de propriété par étage (PPE). Ils n'avaient aucun droit sur les autres locaux, en particulier ceux qui étaient loués comme bureaux. Il disposait, depuis 1984, d'un bail portant sur un bureau. Celui-ci avait été repris par la société F______, dont il avait été le directeur, jusqu'en août 1993, date à laquelle la société avait été radiée. Il n'avait ensuite plus occupé ce bureau et avait pris sa retraite. Ledit bureau était ensuite devenu l'appartement qu'il occupait actuellement avec son épouse.

M. A______ était entré dans la maison, comme locataire de bureaux, en 1979. À cette époque, la villa ne contenait aucun logement. Il n’y avait que des bureaux, loués. Ce n’était qu’en 2001 que les copropriétaires avaient sollicité l'autorisation de construire DD 2______ aux fins de réhabiliter certains de ces bureaux en logements. Ils avaient créé un logement pour M. et Mme B______, et un logement pour lui-même. Avant cette date, il n'habitait pas dans la maison. Actuellement, il y avait trois locataires, qui avaient chacun un bail pour des bureaux. Il y avait encore d'autres locaux destinés à l'usage de bureaux, qu'il était en train de remettre en état et qui seraient destinés à son usage personnel.

Selon la représentante du DALE, celui-ci considérait, quand bien même le délai trentenaire de prescription semblait atteint, que le dépôt d'une autorisation de construire était nécessaire pour décider du changement d'affectation de la villa, avec toutes les implications légales et règlementaires que cela supposait. Selon toute vraisemblance, la remise en état ne serait pas exigée, à moins que des motifs de police l'exigent, conformément à la jurisprudence.

À l'issue de l'audience, le TAPI a suspendu l'instruction des recours à la demande conjointe des parties.

14. Par pli du 23 juin 2016, M. A______ a sollicité la reprise de l'instruction. Une séance s'était tenue dans les locaux du DALE en présence des parties. Aucune solution n'avait été trouvée, car ce dernier exigeait, à tort, le dépôt d'une demande d'autorisation de construire.

15. À la même date, l’intéressé a saisi le TAPI d'une « action constatatoire dans le cadre du dossier Inf. 5______ (…) qui fait d'ores et déjà l'objet d'une procédure de recours actuellement pendante par-devant le Tribunal (…) enregistrée sous n° A/2886/2015 ». Il a en particulier conclu, sous suite de « frais et dépens », à ce qu'il soit « constaté qu'il était libéré de toute obligation liée au dépôt d’une quelconque autorisation de construire pour l’exploitation de bureaux au sein de la villa ».

Dès lors que le DALE soutenait que la mesure qu'il avait prise le 23 juin 2015 n'était pas une décision, il ne disposait d'aucune voie de recours contre ladite mesure pour faire valoir ses droits. Ainsi, soit le TAPI considérait que la mesure était une décision, auquel cas la procédure de recours A/2886/2015 serait parfaitement fondée, sans qu’il soit nécessaire d’instruire l’action constatatoire, soit le tribunal considérait que cette mesure n'était pas constitutive d’une décision, auquel cas il disposait d’un intérêt digne de protection à obtenir une décision visant à constater qu'il était libéré de toute obligation liée au dépôt d’une autorisation de construire.

Cette procédure a été ouverte sous le n° de cause A/2135/2016.

16. Le 29 juin 2016, le DALE a annulé la décision qu'il avait prise le 23 juin 2015 à l'encontre de Mme et M. B______, de sorte que ceux-ci ont retiré leur recours le 13 juillet 2016. La cause n° A/2766/2015 a alors été radiée du rôle du TAPI le 15 juillet 2016.

17. Par réponse du 29 juillet 2016, le DALE a conclu à l’irrecevabilité de l’ « action constatatoire », subsidiairement à son rejet.

Une séance avait réuni les parties le 26 avril 2016. Il avait été expliqué à M. A______ qu’une régularisation de la situation était nécessaire. La procédure pourrait se faire rapidement en déposant une demande de mise en conformité par le biais d’une demande en procédure accélérée. L’inspecteur se mettait à son entière disposition pour l’aider durant cette procédure. M. A______ avait envisagé la possibilité de déposer une telle demande, accompagnée d’un courrier spécifiant ne pas être responsable du changement d’affectation illégal. Il avait demandé un délai de réflexion afin de s’entretenir avec l’administrateur de la propriété par étages (ci-après : PPE). Le 23 juin 2016, il avait déposé l'action constatatoire.

18. Par jugement du 5 octobre 2016 (JTAPI/1019/2016), le TAPI a joint les causes A/2886/2015 et A/2135/2016 sous la référence A/2886/2015 et déclaré irrecevable le recours formé le 27 août 2015 par M. A______ contre la décision prise à son endroit le 23 juin 2015 par le DALE. La décision querellée était incidente. Il n’existait pas de préjudice irréparable.

19. Par acte du 7 novembre 2016, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité.

Il a conclu à l’annulation du jugement précité et au renvoi de la cause au TAPI.

Il a détaillé l’historique de la villa litigieuse. Il y sera revenu en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

À tort, le TAPI avait retenu que la décision du DALE était incidente. Même à le suivre, les conditions de recevabilité du recours devant le TAPI étaient remplies. Le DALE n’avait pas fait preuve de bonne foi. Il avait mentionné une voie de recours de trente jours, laissant entendre que celle-ci était finale. Devant le TAPI, le département s’était prévalu du fait que son ordre n’était pas une décision susceptible de recours. Le TAPI avait reconnu que la méthode du DALE était en l’espèce « incompréhensible et pouvait prêter à confusion ». Si le DALE avait fait preuve de diligence et de bonne foi, la présente procédure judiciaire aurait pu être évitée.

Le TAPI n’expliquait pas pour quel motif l’action constatatoire du 23 juin 2016 était irrecevable.

Il développait les griefs de violation du principe de la non-rétroactivité des lois, du principe de la bonne foi de l’administration et du délai de péremption de trente ans.

20. Par réponse du 9 décembre 2016, le DALE a conclu au rejet du recours. L’indication du délai de recours résultait d’une erreur de plume. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, une indication erronée ne pouvait pas créer un recours qui n’existait pas.

21. Par réplique du 18 janvier 2017, le recourant a persisté dans ses conclusions, tout en sollicitant, préalablement qu’il soit ordonné au DALE de produire la plainte à la base de la présente procédure.

22. Par courrier du 24 janvier 2017, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.


 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le recourant sollicite l’apport de la plainte à l’origine, selon lui, de la présente procédure.

La chambre de céans étant en possession d’un dossier complet lui permettant de trancher les griefs soulevés en toute connaissance de cause, il ne sera pas donné suite à cette requête.

3. Est litigieux l’ordre donné par l’intimé au recourant de requérir une autorisation de construire relative au changement d’affectation de la villa.

Le recourant soutient qu’elle était affectée à des bureaux, sans toutefois pouvoir le prouver, raison de l’obligation faite au recourant par le département de déposer une autorisation de construire aux fins de mise en conformité.

4. Sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé modifier même partiellement la destination d’une construction ou d’une installation (art. 1 al. 1 let. b loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05).

5. a. Dans deux arrêts récents, (ATA/526/2016 et ATA/527/2016 du 21 juin 2016, consid. 2), la chambre administrative a précisé les contours de l’intervention du département lorsqu’il ordonne de requérir une autorisation de construire.

Lorsque le département constate qu’une construction a été érigée sans droit, il peut inviter l’intéressé à déposer une autorisation de construire, ce qui peut constituer une alternative à une remise en état. Cela ne présuppose toutefois pas que l’autorisation de construire sera délivrée. Cette invite n’est pas une décision (ATA/1258/2015 du 24 novembre 2015 consid. 3 et ATA/544/2014 du 17 juillet 2014).

Toutefois, lorsque l’intéressé, précédemment invité à déposer une demande d’autorisation de construire pour régulariser la situation, ne s’y conforme pas, ni ne détruit la construction querellée, le département prononce une décision, sujette à recours, conformément aux art. 129 et 130 LCI (ATA/526/2016 et ATA/527/2016 du 21 juin 2016, consid. 2).

b. En l’espèce, le DALE, par sa lettre du 23 juin 2015, a clairement ordonné au recourant de requérir, dans un délai de trente jours, une autorisation de construire relative au changement d’affectation sur la base des art. 129 ss LCI et la voie de recours est indiquée. Il ne s’agit pas d’une simple invite, ce d’autant moins que ce courrier fait suite à l’exercice préalable par le recourant de son droit d’être entendu.

Compte tenu de la formulation du courrier querellé, il doit être qualifié de décision, sujette à recours.

Par voie de conséquence, l’action constatatoire, subsidiaire, et interjetée dans l’hypothèse où le pli litigieux n’était pas une décision, est irrecevable.

6. Le recourant conteste la nature incidente de la décision querellée, estimant qu’il s’agit d’une décision finale.

a. Constitue une décision finale une décision qui met un terme à l’instance engagée (ATA/261/2009 du 19 mai 2009 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, n° 2.2.4.2, p. 256).

Sont des décisions incidentes les décisions prises pendant le cours de la procédure, qui ne représentent qu’une étape vers la décision finale (Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 225,
n. 2.2.4.2). En principe, de telles décisions ne causent pas un préjudice irréparable au sens de l’art. 57 let. c LPA (ATA/693/2012 du 16 octobre 2012) puisque la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci n'est généralement pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATA/293/2013 du 7 mai 2013 et les références).

b. Une décision qui confirme l'obligation faite à une recourante de déposer des requêtes en autorisation de construire ne met pas fin à la procédure et revêt un caractère incident (arrêts du Tribunal fédéral 1C_92/2017 du 15 février 2017 ; 1C_390/2016 et 392/2016 du 5 septembre 2016 ; 1C_386/2013 du 28 février 2014 consid. 1.2).

c. En l’espèce, conformément à la jurisprudence précitée, la décision litigieuse est une décision incidente.

À tort, le recourant considère qu’une demande de mise en conformité « revient à garantir l’octroi de l’autorisation ». Sa déduction selon laquelle la décision serait en conséquence finale est erronée.

Le recourant se réfère, à tort, à l’ATA/584/2015 du 9 juin 2015, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral du 6 avril 2016 (1C_405/2015). La décision querellée, en matière de loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20), était finale dès lors qu’elle qualifiait les travaux litigieux de rénovation et non d’entretien et impliquait d’importantes conséquences financières en matière de fixation des loyers.

d. Les parties ne contestent pas que la décision querellée ayant fait mention, par erreur, d’un délai supérieur au délai légal, le recours pouvait être formé, devant le TAPI, jusqu’à l’expiration du délai indiqué dans la décision querellée (art. 62 al. 2 LPA).

7. Sont susceptibles d’un recours les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA).

8. Le recourant ne peut pas tirer argument du fait qu’il aurait développé une argumentation différente devant le TAPI si l’intimé ne l’avait pas induit en erreur sur le type de décision. Le recourant a eu l’occasion de faire valoir tous ses arguments devant la chambre de céans tant dans son acte de recours que dans sa réplique. Une hypothétique violation du droit d’être entendu aurait en conséquence été réparée devant la chambre de céans (ATF 138 I 97 consid. 4.1.6.1 ; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; ATA/548/2016 du 28 juin 2016 ; ATA/451/2014 du 17 juin 2014 et les arrêts cités).

9. a. Le recourant allègue subir un préjudice irréparable au sens de l’art. 57
let. c LPA : « Le fait que [le recourant] se verra[it] accorder l’autorisation de construire condui[rait] à l’existence d’un tel préjudice. Une fois l’autorisation accordée par le DALE au recourant, celui-ci n’aura[it] effectivement plus aucun intérêt digne de protection lui permettant de recourir contre cette décision. Il ne pourra[it] donc plus obtenir de décision le libérant de toute obligation de déposer une autorisation de construire pour l’exploitation de bureaux au sein de la villa ». La décision litigieuse causerait un préjudice irréparable au recourant dans la mesure où, « si elle ne pouvait être contestée à ce stade, il se retrouverait privé de la contester à un stade ultérieur ». Enfin, dans sa réplique, le recourant, rappelant que l’origine du présent litige proviendrait d’une plainte, indique que si l’autorisation devait être accordée par le DALE, le plaignant aurait la possibilité de la contester et se verrait ainsi accorder un droit dont il n’aurait pas bénéficié si la seule question relative à l’obligation, ou non, de déposer une requête en autorisation était tranchée.

b. L’art. 57 let. c LPA a la même teneur que l’art. 93 al. 1 let. a de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un préjudice est irréparable au sens de cette disposition lorsqu’il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 p. 190 ss ; 133 II 629 consid. 2.3.1 p. 631). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 135 II 30 ; 134 II 137 ;
ATF 127 II 132 consid. 2a p. 126 ; 126 V 244 consid. 2c p. 247ss ; 125 II 613 consid. 2a p. 619 ss). Le simple fait d’avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas, en soi, un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 p. 141 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/305/2009 précité consid. 2b et 5b et les références citées). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n’est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 II 629 consid. 2.3.1 p. 631 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1 ; 127 I 92 consid. 1c ; 126 I 97 consid. 1b).

La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l’art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/231/2017 du 22 février 2017 ; ATA/385/2016 du 3 mai 2016 ; ATA/64/2014 du 4 février 2014).

Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 p. 95).

c. En l’espèce, le recourant se trompe sur l’objet du présent litige, lequel se limite à l’obliger au dépôt d’une requête, sans aucunement préjuger de la décision finale. Il appartient en effet à l’autorité d’établir les faits d’office (art. 19 LPA) et de réunir les renseignements pour fonder sa décision (art. 20 al. 1 LPA).

De surcroît, il n’est pas exclu qu’à l’issue de l’instruction de la demande d’autorisation de construire, le département considère qu’il n’y a pas de changement d’affectation (dans ce sens arrêt du Tribunal fédéral 1C_470/2008 du 11 novembre 2008 consid. 2.2).

Le recourant conserve par ailleurs la possibilité de recourir contre la décision que prendra le département après instruction, s’il l’estime infondée, cas échéant en contestant à ce stade la soumission à autorisation.

En tout état, l’ordre de déposer une requête en autorisation n’impose que de simples démarches administratives.

Le recourant invoque un dommage irréparable par la possibilité qu’auront d’éventuels tiers de recourir contre la future décision du département si elle devait lui être favorable. Cet argument ne peut être suivi. L’exercice d’un droit par un tiers autorisé n’est en aucun cas un préjudice irréparable pour le recourant.

Compte tenu de ce qui précède, le recourant échoue à faire la démonstration de l’existence d’un préjudice irréparable.

10. Se pose la question de la seconde hypothèse visée par l’art. 57 let. c LPA, à savoir si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

L’argumentation du recourant selon laquelle « lorsque le DALE ordonne à M. A______ de déposer une autorisation, mais que celle-ci n’est en réalité qu’une mise en conformité qui sera en fin de compte acceptée par le DALE, cela revient finalement à délivrer au recourant une autorisation de construire » ne peut être suivie, dès lors qu’elle fait fi des différentes étapes de la procédure prévue dans la LCI. La présente procédure ne permet précisément pas de trancher la question de fond. À défaut du dépôt d’une requête formelle et de l’instruction du dossier par le département, aucune autorité ne peut se prononcer valablement. C’est précisément pour ce motif que le département a ordonné le dépôt d’une requête formelle.

De surcroît, dans ce dossier, le dépôt de la requête ne nécessite pas l’élaboration d’un travail démesuré ou excessivement coûteux.

La question de savoir si l’autorisation peut être délivrée n’est en conséquence pas l’objet du présent litige, à l’instar de l’analyse des griefs du recourant quant à la violation du principe de la non-rétroactivité des lois, du principe de la bonne foi de l’administration et du délai de péremption de trente ans (ATA/526/2016 et ATA/527/2016 précités consid. 18).

De même, le recourant se trompe lorsqu’il soutient que, au fond, la question que la chambre de céans doit trancher consiste à déterminer si le dépôt d’une requête en autorisation de construire se justifie ou non. Elle se justifie précisément pour pouvoir instruire la question de fond.

La présente procédure de recours n’étant dès lors pas susceptible de déboucher sur une décision finale permettant d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA in fine), la seconde hypothèse visée par l’art. 57 let. c LPA n’est pas réalisée.

11. Les conditions de l’art. 57 let. c LPA n’étant pas remplies, c’est à juste titre que le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette dans la mesure où il est recevable le recours interjeté le 7 novembre 2016 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 octobre 2016 ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Pétroz, avocat du recourant, au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie - oac ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :