Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/976/2024 du 03.10.2024 ( DOMPU ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 3 octobre 2024
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dans la cause
A______ SA, représentée par Me Kristina DE LUCIA, avocate, avec élection de domicile
contre
VILLE B______, représenté par Me Jean- Me Jean-Pierre CARERA, avocat, avec élection de domicile
1. Le chemin C______, qui appartient au domaine public communal de la Ville B______ (ci-après : la ville ou la commune), est constitué de la parcelle n° 1______.
2. La parcelle n° 2______, qui borde le chemin C______, appartient à la Fondation D______ (ci-après : D______).
Cette dernière est également propriétaire de la parcelle n° 3______ située en face de la parcelle n° 2______, de l’autre côté du chemin C______.
3. La société A______ SA, dénommée R______ SA jusqu’en 2021, inscrite au registre du commerce du canton de Vaud, a notamment pour but toutes prestations de conseils dans le domaine de la signalisation routière en général, l’achat et la vente de biens immobiliers et mobiliers. Monsieur E______ en est l’un des administrateurs avec signature individuelle.
Cette société est au bénéfice d’un droit de superficie distinct et permanent sur la parcelle n° 2______.
4. Le ______ 2018, R______ SA a sollicité auprès du département du territoire (ci-après : DT ou le département) la délivrance d’une autorisation de construire - enregistrée sous le n° DD 4______/1 - portant sur la rénovation et l’agrandissement d’un bâtiment industriel, ainsi que la création de places de parking sur la parcelle n° 2______.
Était notamment joint à cette demande, le plan de mobilité, d’accès et de stationnement N01 établi le ______ 2018, sur lequel figure en rouge, dans le chemin C______, en bas du document, la mention de « 10 places provisoires en attente de construction du bâtiment voisin » et, à gauche dans le document, la mention de « 5 places provisoires en attente de construction du bâtiment voisin ».
Dans le cadre de l’instruction de cette requête, la commune - sous la plume de Monsieur F______, Conseiller administratif - a émis, le 15 novembre 2018, un préavis favorable - mentionnant la parcelle n° 2______ - sous réserve (selon la séance du Conseil administratif du ______ 2018), soit que le projet respecte et s’inscrive dans le dans le plan directeur de zone industrielle et artisanale C______ (ci-après : le plan G______), notamment pour assurer les itinéraires piétons, vélos et l’arborisation projetée par celui-ci.
5. Par décision du 21 juin 2019, le DT a délivré l’autorisation DD 4______ se référant à la parcelle n° 2______.
6. Par courrier du 12 novembre 2021, accompagné de photographies et mentionnant sous objet « Occupation illicite du domaine communal – Stationnement privé – parcelle n° 1______ – chemin C______ », la ville, sous la plume de la cheffe de son service aménagement, travaux publics et énergie, a informé R______ SA que la police municipale avait constaté, lors d’un contrôle récent, que l’entreprise H______ Sàrl avait confirmé être locataire d’une place de stationnement sur la parcelle n° 1______, suite à la signature d’un contrat de bail y relatif avec R______ SA. Par conséquent, il était requis de cette dernière la réponse aux questions suivantes, par retour de courrier :
· « Confirmez-vous que vous avez loué une place de stationnement sur le domaine public communal à l’entreprise H______ ?
· Avez-vous établi d’autres baux pour la location de places de stationnement sur la parcelle n° 1______ ?
Si oui :
- Lesquels ?
- Depuis combien de temps les avez-vous conclus ?
- Avez-vous perçu des revenus locatifs pour ces locations de places de stationnement ?
· Est-ce vous qui avez marqué la ligne jaune à l’entrée du chemin avec la mention « PRIVE » (cf photo ci-jointe) ?
· Comment souhaitez-vous régulariser la situation ? »
7. Suite à ce courrier, la ville s’est vu transmettre, le 10 décembre 2021, par A______, quatre contrats qu'elle avait conclus le 22 juin 2021 pour la période allant du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022, renouvelables tacitement d’année en année avec faculté de résiliation moyennant un préavis de trois mois, avec :
- I______ Sàrl portant sur la location de trois places de stationnement extérieures (nos 6______, 7______ et 8______), sises chemin C______, dans le but d’y stationner les véhicules de la précitée et de ses employés pour un loyer de CHF 80 .- la place hors TVA, soit un loyer mensuel de CHF 258.40 TTC ;
- l’entreprise individuelle J______ portant sur la location de deux places de stationnement extérieures (nos 9______ et 10______), sises chemin C______, dans le but d’y stationner les véhicules de la précitée et de ses employés pour un loyer de CHF 80 .- la place hors TVA, soit un loyer mensuel de CHF 172.30 TTC ;
- K______ SA portant sur la location de deux places de stationnement extérieures (nos 11______ et 12______), sises chemin C______, dans le but d’y stationner les véhicules de la précitée et de ses employés pour un loyer de CHF 80 .- la place hors TVA, soit un loyer mensuel de CHF 172.30 TTC ;
- L______ portant sur la location de deux places de stationnement extérieures (nos 13______ et 14______), sises chemin C______, dans le but d’y stationner les véhicules de la précitée et de ses employés pour un loyer de CHF 80 .- la place hors TVA, soit un loyer mensuel de CHF 172.30 TTC ;
Ces quatre contrats – qui contenaient le nom des locataires mais pas la signature de ces derniers - précisaient faire partie intégrante des baux pour « les locaux ateliers bureaux lots », respectivement nos 15______, 11______, 16______ et 6______ au chemin C______. Le loyer pourrait être indexé.
8. Par pli du 25 février 2022, se référant notamment à l’entrevue du 29 novembre 2021 en présence des représentants des services de l’aménagement, travaux publics et énergie et de la police municipale, ainsi qu'aux documents transmis le 10 décembre 2021, la ville, sous la plume de Monsieur M______, Conseiller administratif, a indiqué à A______ que, lors de sa réunion du 24 février 2022, le Conseil administratif avait retenu que la précitée avait utilisé le domaine public communal de la parcelle n° 1______ sans autorisation.
Dès lors, il était attendu de A______ qu’elle « dénonc[e] immédiatement les baux qu[’elle] [avait] établis pour la location des places de stationnement sises sur ladite parcelle ». Il priait également cette dernière de bien vouloir lui confirmer, par retour de courrier, qu’elle avait « pris bonne note de cette décision et mis en application cette dernière ». Un retour formel d’ici mars 2022 était exigé.
9. Cet envoi étant demeuré sans réponse, la ville a relancé A______ par courrier du 25 mars 2022 et lui a imparti un délai au 6 avril 2022 pour répondre.
10. Par courrier du 28 mars 2022, A______ a fait part à la ville de sa surprise. Lors de la demande de permis de construire, la ville avait signé la DD contenant les places de stationnement concernées, qui étaient provisoires en attendant le plan directeur et l’aménagement du secteur par la D______. Un délai était requis afin de résoudre ce problème avec cette dernière. Une entrevue était proposée, si nécessaire, afin d’éclaircir la situation.
11. Faisant suite à cette demande, la ville a imparti un délai au 31 mai 2022 à A______ pour revenir à elle.
12. Le 28 mai 2022, A______ a informé la ville que la D______, également surprise dès lors que le permis de construire avait été approuvé par la ville, allait prendre contact avec la ville.
13. Par pli du 22 juin 2022, la ville a demandé à A______ de s’assurer que le retour attendu de la D______ intervienne avant le 8 juillet 2022 afin de pouvoir avancer dans le projet de requalification du stationnement de la M______.
14. Par courriel du 28 juin 2022, A______ a informé la ville qu’elle allait être contactée par la D______ afin de clarifier la situation, étant précisé que les contacts avec cette dernière avaient été retardés par les conditions sanitaires.
15. Par courriel du 29 juin 2022, la D______ a indiqué à A______ qu’elle reviendrait à elle concernant la suite de ce dossier.
16. Par courriel du 30 juin 2022 adressé à A______ et la D______, la ville a imparti un délai au 8 juillet 2022 à la D______ pour lui transmettre sa position ; l’opportunité d’organiser une rencontre avec cette dernière serait examinée une fois ledit retour reçu.
17. Par pli recommandé du 4 novembre 2022 adressé à A______ indiquant en objet « Occupation illicite du domaine public communal - Stationnement privé – parcelle n° 1______ – chemin C______ », la ville, se référant aux échanges avec cette dernière du 12 novembre 2021 à ce jour, et, pour partie d’entre eux, avec la D______, a réitéré sa position au sujet de l’occupation mentionnée sous objet. A______ avait utilisé le domaine public communal de la parcelle n° 1______ sans autorisation et en avait de plus retiré un avantage pécuniaire.
Cette occupation illicite était inacceptable et le Conseil administratif la sommait de mettre un terme à cette situation, en dénonçant les baux qu’elle avait établis pour la location des places de stationnement sises sur la parcelle concernée dans un délai de quinze jours.
En outre, le Conseil administratif exigeait le remboursement des loyers indûment perçus depuis le 1er novembre 2021 qui se montaient, selon ses calculs, à CHF 9'303.- TTC.
18. Par courrier recommandé du 14 décembre 2022 adressé à A______ mentionnant le même objet que son précédent courrier, la ville, sous la plume de M. M______, constatant que ses démarches précédentes n’avaient débouché sur aucune solution concrète, a réitéré l’exigence formulée dans son courrier du 25 février 22, A______ s’étant permise d’utiliser sans droit une parcelle du domaine public communal et en ayant de surcroît retiré un avantage pécuniaire. Il s’agissait d’une occupation illicite qui ne pouvait être tolérée. Dès lors, le Conseil administratif la sommait de mettre un terme à cette situation en dénonçant avec effet immédiat les baux illicites qu’elle avait établis.
Un courrier était adressé en parallèle à ses locataires afin de les rendre attentifs à l’illégalité des baux conclus et les invitant à libérer les places de parking avec un délai de grâce.
19. Par le biais de quatre plis recommandés séparés du 14 décembre 2022, la ville a informé L______, I______ Sàrl, K______ SA et Monsieur O______ que les baux à loyer des places de stationnement sises sur la parcelle n° 1______ conclus avec A______ étaient dépourvus de fondement juridique. Ces places étant situées sur une parcelle appartenant au domaine public communal, elles ne pouvaient faire l’objet d’une location au moyen d’un contrat de bail établi par un tiers ne disposant d’aucun droit sur la surface concernée. Les sociétés précitées étaient par conséquent priées de ne plus occuper lesdites places et d’enlever les panneaux mentionnant la raison sociale de leurs entreprises d’ici au 16 janvier 2023. Elles étaient également invitées à cesser tout versement en relation avec les baux illégaux en faveur de A______, laquelle avait été avisée de l’illicéité du procédé.
20. Par pli du 13 janvier 2023, A______, sous la plume de ses conseils, a informé la ville que le contenu du courrier du 14 décembre 2022 était intégralement contesté. Celui-ci remplissant toutes les conditions d’une décision administrative, un recours allait être déposé à son encontre. Faute d’être entrée en force, la décision du 14 décembre 2022 ne déployait pas d’effet, de sorte qu’elle ne saurait en l’état mettre fin aux baux concernés. Elle avait été surprise par les courriers que la ville avait estimé opportun d’adresser directement à ses locataires sans son consentement, alors que la situation juridique n’avait pas été tranchée par les juridictions compétentes. Ses locataires continueraient d’occuper les places de stationnement et ni frais de déplacement des véhicules ni amendes ne sauraient être mises à sa charge ou à celle desdits locataires jusqu’à droit connu sur le recours.
21. Par acte du 1er février 2023, A______ (ci-après : la recourante) a interjeté recours, sous la plume de son conseil, à l’encontre de la décision du 14 décembre 2022 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).
Elle a conclu, à la forme, à la recevabilité du recours et, au fond, préalablement, à la tenue d’une audience de comparution personnelle des parties ainsi qu’à l’audition, en qualité de témoins, de M. F______ et de Monsieur P______, tous deux anciens Conseillers administratifs de la ville, et de Monsieur Q______, architecte et chef de projet de la D______ et, principalement, à l’annulation de cette décision, sous suite de frais et dépens.
L’acte attaqué constituait une décision. La ville lui avait adressé par recommandé une sommation de mettre un terme avec effet immédiat à l’occupation de places de stationnement sur une parcelle du domaine public communal en raison d’une occupation prétendument illicite qui ne pouvait être tolérée. En outre, cette décision avait été rendue en application de la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10), de sorte que le tribunal était compétent pour connaître du présent recours. Enfin, étant destinataire de ladite décision, elle disposait de la qualité pour recourir, son recours ayant en outre été déposé dans le délai légal.
Sur le plan formel, une violation des art. 46 et 47 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) en lien avec l’art. 80 LRoutes était à déplorer. La décision querellée n’était pas désignée comme telle et ne contenait ni voies de droit ni délai de recours. En outre, l’autorité intimée ne lui avait fixé aucun délai pour exécuter cette décision, sans cependant invoquer d’urgence, en violation de la loi, ni de raison justifiant son exécution immédiate, laquelle ne pouvait se fonder sur aucun intérêt public supérieur.
Sur le fond, la permission préalable d’utiliser les places de manière provisoire lui avait été octroyée par la ville au sens des art. 13 et 15 LDPu et 55 et 57 LRoutes. Lors du dépôt de la DD 4______/1, de nombreux échanges oraux avaient eu lieu avec les différents membres du Conseil administratif de la législature 2015-2020 - composé de MM. F______, P______ et M______, ce dernier étant signataire de la décision attaquée - confirmant que les places de stationnement pouvaient être utilisées par les entreprises de la parcelle n° 2______, dans l’attente de l’achèvement du parking sur la parcelle n° 3______ qui leur serait réservé. Dans la mesure où il s’agissait d’une utilisation du domaine public, M. E______ s’était entretenu avec le maire de l’époque, M. F______, au sujet de l’utilisation de ces emplacements le temps que le chantier voisin arrive à son terme. M. F______ avait accepté cette solution à plusieurs reprises, comme le démontrerait son audition. Il ne faisait ainsi nul doute qu’elle était au bénéfice d’une permission - accordée de manière informelle mais parfaitement claire – par la ville, compétente pour ce faire. Dans le cadre de l’instruction de la DD 4______/1, lors de la séance du Conseil administratif du ______ 2018 présidée par le maire M. F______, un préavis favorable avait été rendu. Dès lors que ce dernier ne contenait aucune remarque s’agissant des places de stationnement litigieuses, il convenait de constater que celles-ci avaient été autorisées « dans un principe provisoire » en attendant l’entrée en force du plan G______. C’était donc sur la base des assurances de la ville, par le biais des accords oraux avec les représentants du Conseil administratifs, notamment M. F______, matérialisés par le préavis positif du 28 novembre 2018, qu’elle avait établi des baux transitoires.
La décision querellée violait le principe de la bonne foi. Lors de la préparation de la DD 4______/1 courant 2018, M. E______ avait échangé à plusieurs reprises avec M. F______ au sujet de la nécessité de pouvoir utiliser les places sur le domaine public en attente de la construction d’un parking sur la parcelle n° 3______. Or, M. F______ avait confirmé l’absence de difficultés liées à cette solution transitoire. Conformément au plan N01 produit dans le cadre de cette demande, sur le bord extérieur gauche de la parcelle n° 2______ figuraient cinq places de stationnement (dont une place pour handicapés) le long du chemin B______ (parcelle n° 1______). Celles-ci étaient indiquées comme des « places provisoires en attente de construction du bâtiment voisin » selon le plan précité. À l’appui de ce fait, la ville avait délivré un préavis favorable le 28 novembre 2018 en toute connaissance de cause. Au vu des plans déposés le ______ 2018 qui prévoyaient précisément les places de stationnements provisoires, la ville n’aurait, selon toute logique, jamais émis un préavis favorable si ces dernières constituaient une occupation illicite du domaine public. C’était notamment pour cette raison qu’il était indispensable d’entendre MM. F______ et P______, afin de démontrer l’absence de cohérence entre la permission accordée et la décision litigieuse. De même, l’audition de M. Q______ serait utile dans la mesure où, connaissant très bien le projet C______ et son état d’avancement, il serait à même de témoigner des assurances données par la ville à A______ s’agissant de l’utilisation des places de stationnement. Dès lors que M. M______, signataire de la décision attaquée, était membre du Conseil administratif lors du prononcé du préavis, il ne pouvait ignorer les discussions et les assurances données à A______ dans ce cadre. Partant, prétendre que l’occupation de ces places étaient illicites relevait de la mauvaise foi.
Ainsi, vu l’attitude des représentants de la commune et du préavis favorable de cette dernière, elle avait toutes les raisons de considérer qu’elle était au bénéfice d’une permission au sens de l’art. 15 de la loi sur le domaine public du 24 juin 1961 (LDPu - L 1 5) assortie du caractère provisoire en attendant la construction du bâtiment voisin. Elle s’était donc, à juste titre, fondée sur l’assurance donnée par la ville de pouvoir mettre à disposition provisoirement les places de stationnement aux entreprises de la parcelle n° 2______ avant de conclure des baux de stationnement avec ces dernières, en vertu du principe de la bonne foi. Vu l’absence de changement de circonstances entre le prononcé du préavis favorable en novembre 2018 et celle de la décision attaquée, il n’y avait pas de motifs pour remettre en cause la permission accordée, sauf à violer le principe de la confiance, créer une insécurité juridique et faire donc preuve de mauvaise foi.
Finalement, la décision attaquée violait le principe de la proportionnalité. Les places litigieuses étant situées dans un chemin sans issue, l’intérêt public était d’une portée très relative, dans la mesure où seuls des usagers de la route se rendant au lieu-dit avaient intérêt à emprunter ce chemin. Les places avaient été prévues à cet endroit car il s’agissait d’un chemin sans issue, de sorte que le trafic n’était pas gêné. En outre, elles étaient réservées aux entreprises locataires du bâtiment « le _____ » sis sur la parcelle n° 2______ uniquement à des fins professionnelles pour permettre le chargement et le déchargement des véhicules et non pour le stationnement des collaborateurs. Aucun intérêt général ne s’opposait donc à ce que ces places continuent à être utilisées provisoirement dans l’attente de la construction du nouveau parking sur la parcelle voisine. En revanche, l’exécution de la décision litigieuse impliquerait une difficulté non négligeable pour les entreprises locataires de la parcelle n° 2______, qui n’auraient pas de places de stationnement à disposition pour charger et décharger leur matériel.
Plusieurs pièces étaient jointes, dont le contenu sera repris dans la partie « En droit » ci-après en tant que de besoin, notamment le procès-verbal de la séance du Conseil municipal de la ville du ______ 2020 faisant état, sous pt. 5.1, d’une délibération relative à l’approbation du plan G______, lequel avait été accepté à l’unanimité moins une abstention. Les places de stationnement litigieuses n’y étaient pas mentionnées.
22. D’entente entre les parties, la présente procédure a été suspendue, par décision DITAI/241/2023 du 1er juin 2023.
23. Par pli du 7 février 2024, la ville a sollicité la reprise de l’instance, aucun accord transactionnel n’ayant pu être trouvé.
24. Dans le délai prolongé pour produire ses observations, la ville a conclu, par écriture du 22 mars 2024, à ce qu’il soit constaté que la recourante n’était au bénéfice d’aucune permission d’occupation du domaine public communal et à ce que l’injonction faite à cette dernière de mettre un terme immédiat aux quatre baux conclus soit confirmée, sous menace de la peine prévue à l’art. 292 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), sous suite de frais et dépens. Elle a également proposé l’audition des parties.
Suite à la requête de renseignements adressées par ses soins à la recourante le 12 novembre 2021, M. E______ s’était rendu auprès des services communaux, expliquant qu’il pensait être en droit de procéder aux aménagements relatifs aux places de stationnement en vertu de l’autorisation de construire qui lui avait été délivrée. Par la suite, durant l’été 2022, des échanges téléphoniques et électroniques avaient eu lieu entre la mairie et M. Q______ pour la D______ ; aucune solution n’en avait découlé, malgré une rencontre avec M. Q______ le 12 octobre 2022.
Le recours était recevable. La recourante avait considéré que le courrier du 14 décembre 2022 revêtait le caractère matériel d’une décision sujette à recours et elle ne remettait pas elle-même en question cette analyse. Elle s’en rapportait à justice quant au respect du délai de recours, sous réserve que le pli recommandé attaqué ait bien été retiré par la recourante le 19 décembre 2022.
Le grief de violation des art. 46 et 47 LPA et 80 LRoutes tombait à faux. La recourante n’avait subi aucun préjudice du fait de l’absence de mention de décision, d’articles de loi et de délai de recours dans l’acte attaqué, dès lors que son conseil avait été en mesure d’interjeter recours contre celui-ci dans le délai légal. L’absence de fixation d’un délai pour exécuter la décision précitée ne prêtait pas le flanc à la critique. Une décision analogue lui avait déjà été notifiée le 4 novembre 2022 en lui octroyant un délai de quinze jours pour dénoncer les baux litigieux. C’était en l’absence de réaction à celle-ci que la décision querellée avait été rendue. La recourante était ainsi malvenue de se plaindre qu’aucun délai ne lui avait été imparti puisqu’un précédent délai lui avait été octroyé sans succès.
Aucune violation des art. 13 LDPu et 56 LRoutes n’était à déplorer. Le procès-verbal de la séance du Conseil municipal du ______ 2020 ne mentionnait pas l’existence d’éventuelles places de stationnement. Il en allait de même du préavis favorable de la commune délivré dans le cadre de la DD BUG: PAS DE REMPLACEMENT POUR '112'017/1'. Il était confirmé qu’aucun des membres de l’administration, y compris notamment M. F______, n’avait donné une quelconque assurance à la recourante qu’elle serait autorisée à occuper le domaine public communal afin d’y installer des places de parking, même provisoires.
En tout état, la thèse de la recourante était insoutenable. D’une part, de prétendus accords oraux ne pouvaient être considérés comme une permission valablement délivrée au sens de la loi et, d’autre part, aucune requête n’avait été présentée par la recourante, comme exigé par l’art. 56 LRoutes, précisé par l’art. 3 du règlement concernant l'utilisation du domaine public du 21 décembre 1988 (RUDP - L 1 10.12). En outre, conformément à la loi, la compétence d’accorder une permission d’utilisation du domaine public appartenait aux Conseillers administratifs in corpore et non individuellement à un Conseiller administratif. Ainsi, aucune permission n’avait pu être octroyée à la recourante.
La décision querellée constituait une mesure et non une décision de refus, dès lors qu’aucune requête n’avait été déposée. Ainsi, les arguments de la recourante relatifs aux principes constitutionnels en lien avec un refus d’autorisation étaient dépourvus de toute pertinence.
Le principe de la bonne foi avait été respecté. Les échanges oraux avec M. F______ ne sauraient valoir permission et il était confirmé, en tant que de besoin, que les propos attribués au précité étaient inexacts, ce dernier contestant expressément avoir donné de telles assurances à la recourante. La ville était intervenue auprès de la recourante dès la découverte du marquage des places de stationnement et avait immédiatement interpellé la recourante, puis exigé la dénonciation des baux. Après de nombreux atermoiements et une intervention inutile de la D______ sollicitée par la recourante, elle avait réitéré son exigence de dénoncer les baux par courrier du 4 novembre 2022, renouvelée dans la décision attaquée.
Enfin, la mesure querellée était proportionnée. La location de places de parking étant étrangère au but social de la recourante, cette dernière ne saurait se prévaloir de la liberté économique. Il ne pouvait en outre être toléré que la recourante s’approprie gratuitement une portion du domaine public, en l’absence de toute permission régulièrement délivrée, pour en retirer un avantage pécuniaire. Elle réitérait sa volonté d’exiger le remboursement des loyers indument perçus, une fois l’issue de la présente procédure connue.
25. Par réplique du 14 mai 2024, la recourante, sous la plume de son nouveau conseil, a persisté dans ses conclusions et dans sa demande d’audition de MM. F______, P______ et Q______, tout en relevant que l’intimée y semblait favorable.
Elle ignorait les motifs de la remise en question par l’actuel Conseil administratif des assurances données par son prédécesseur.
Si l’aspect financier devait être la cause du présent litige, elle avait consenti à d’importants investissements et avait régulièrement suppléé aux obligations de la ville, qui avait négligé l’entretien du chemin, comme démontré par les factures de travaux jointes. Elle avait ainsi procédé au rehaussement de la route (CHF 30'824.- HT), à la pose d’une grille supplémentaire (CHF 7'530 HT) et au métrage de travaux de finition dont la moitié concernait le chemin (CHF 37'867.70 HT). En outre, elle avait supporté les frais d’élimination des nombreuses feuilles mortes s’accumulant sur la route du C______, notamment sur les places de stationnement litigieuses, faute d’entretien par la voirie. Le coût d’entretien de la route sur trois ans se montait à environ CHF 5'469.-. Il était évident qu’elle avait assumé ces frais parce qu’elle pensait être en droit d’utiliser les places de parking et qu’elle n’aurait jamais engagé de tels montants en l’absence des assurances reçues. Il ne pouvait ainsi lui être reproché de s’être approprié gratuitement le domaine public et l’avantage financier qu’elle en aurait retiré devait être relativisé, au vu des frais engagés par ses soins.
Enfin, lorsqu’elle avait procédé aux travaux préliminaires de préparation du terrain, notamment de dépollution, ceux-ci avaient également porté sur le chemin C______ et la ville ne s’était pas opposée à ces importants investissements financiers. Elle était ainsi à l’origine de la mise en valeur de la parcelle qu’elle occupait et de toute cette zone laissée à l’abandon, comme démontré par les orthophotographies datées de 2016 et 2023, tirées du système d’informations du territoire genevois (ci-après : SITG) jointes. De plus, grâce à son projet, elle avait mis à disposition d’entreprises florissantes des locaux fonctionnels de qualité permettant l’installation de nouveaux contribuables dans la commune. Son souhait était de pouvoir continuer à permettre à ses locataires de bénéficier de places de parking sans lesquelles ils ne pourraient plus exercer leurs activités, faute d’autres parkings à proximité. Pour ces motifs, la décision était disproportionnée, violait le principe de la bonne foi et ne répondait à aucun intérêt public.
Elle n’avait aucune raison de penser que les assurances données par un représentant d’une autorité administrative pouvaient être insuffisantes. Il ne lui appartenait pas de s’assurer que le représentant de la commune avait la compétence de représenter cette dernière. Il incombait au contraire à ce représentant d’agir dans le respect de ses prérogatives. La ville avait d’ailleurs relevé, dans ses observations, l’absence de toute permission régulièrement délivrée mais non l’absence de permission.
La commune avait violé son obligation du respect du principe de la bonne foi et de la confiance. Il ne lui appartenait pas d’assumer les conséquences d’un changement des représentants de la commune. Elle n’avait jamais rien caché aux autorités et avait communiqué toutes les informations requises. Le marquage au sol « Privé » avait été inscrit afin de dissuader les ouvriers d’un chantier voisin qui venaient régulièrement stationner de manière sauvage dans le chemin. Celui-ci avait été rapidement effacé une fois que le chantier s’était organisé, comme le démontrait la photographie extraite du SITG jointe.
L’intimée ne pouvait plaider que les loyers perçus étaient injustifiés pour ensuite en réclamer le versement. Cas échéant, ceux-ci devraient être remboursés aux locataires. Cette demande était d’autant plus choquante que la ville n’avait pas fait diligence pour régler ce litige au plus vite mais avait attendu plus d’un an pour rendre sa décision. Cette dernière avait en outre, dans le cadre de la présente procédure, sollicité plusieurs délais, après avoir tardé pour consulter un conseil puis fait défaut, sans s’être excusée, au rendez-vous fixé le 8 décembre 2023 dans les locaux de la mairie, où seul un géographe-urbanise était présent. Enfin, même si la location de places de parc ne faisait pas partie de ses activités, il en allait de même de la construction et de la mise en valeur de parcelles dont elle n’était pas propriétaire. Pourtant, la ville n’avait pas refusé les répercussions positives sur son budget des investissements réalisés par ses soins.
Elle demeurait ouverte à trouver une issue transactionnelle permettant à chaque partie de sauvegarder les intérêts poursuivis. Un accord pourrait encore être trouvé devant le tribunal, notamment dans le cadre d’une audition des parties.
26. Par duplique du 6 juin 2024, la ville a persisté dans ses conclusions.
Tout en réaffirmant n’avoir jamais autorisé la recourante à s’approprier le domaine public et à en retirer un revenu, elle a rappelé que la ville n’était pas signataire de la demande d’autorisation relative à la DD 4______, laquelle ne portait en outre que sur la parcelle n° 2______, comme indiqué dans le préavis favorable de la ville et dans l’autorisation de construire elle-même. Ainsi, aucun consentement ne pouvait être déduit de cette autorisation, consentement qui en tout état, ne pouvait être délivré, tacitement ou oralement, par un membre isolé du Conseil administratif.
L’allégation selon laquelle les places en question servaient uniquement au chargement et déchargement des véhicules et non au stationnement des collaborateurs était contredite par les baux produits et démontrait que la recourante, assénait des contre-vérités. De ce fait, les auditions sollicitées par cette dernière apparaissaient n’être d’aucune utilité puisqu’aucune permission n’avait été délivrée et que les personnes dont l’audition était sollicitée n’avait pas le pouvoir d’en octroyer une oralement. En tout état, les permissions d’utilisation du domaine public étant délivrées à titre précaire, même si une permission avait été octroyée – ce qui était catégoriquement contesté –, la décision querellée aurait valu révocation.
Quant à l’argument - potentiellement irrecevable puisque formulé au stade de la réplique – selon lequel la recourante serait en droit de s’approprier l’espace public dès lors qu’elle l’aurait prétendument aménagé à ses frais, les pièces produites n’avaient pas force probante. Certaines étaient antérieures à la DD 4______ et d’autres ne permettaient pas de déterminer s’il s’agissait de devis ou de factures. Elles n’étaient en outre pas être adressées à la recourante, qui ne démontrait pas les avoir réglées.
27. Par écriture spontanée du 13 juin 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.
Si la DD délivrée portait uniquement sur la parcelle n° 2______, les plans du ______ 2018 relatifs à cette dernière indiquaient bel et bien l’existence des places provisoires sur la parcelle n° 1______, de sorte que la commune en avait forcément eu connaissance avant d’émettre son préavis positif. Il était nécessaire d’entendre les parties et les témoins proposés au vu de l’attitude peu conciliante de l’intimée et afin de préciser le contenu des discussions et les intentions des concernés. Enfin, les photographies SITG entre 2016 et 2023 suffisaient à démontrer ses investissements.
1. Se pose à titre préalable la question de la recevabilité du présent recours.
2. Le tribunal connaît des recours dirigés contre les décision prises en application de la LRoutes ou de ses dispositions d’application, dans sa composition prévue par l’art. 143 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 93 al. 1 LRoutes).
3. Sont considérées comme des décisions au sens de l’art. 4 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c).
4. Les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA). Une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA).
Pour qu’un acte administratif puisse être qualifié de décision, il doit revêtir un caractère obligatoire pour les administrés en créant ou constatant un rapport juridique concret de manière contraignante. Ce n’est pas la forme de l’acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/327/2023 du 28 mars 2023 consid. 2.1 et les arrêts cités).
5. En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral (ATA/649/2023 du 20 juin 2023 consid. 1.3 ; ATA/141/2020 du 11 février 2020 consid. 1b et les arrêts cités). Toute décision administrative au sens de l’art. 4 LPA doit avoir un fondement de droit public. Il ne peut en effet y avoir décision que s’il y a application, au travers de celle-ci, de normes de droit public (Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, p. 314 n. 857 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 194 n. 2.1.1.1). De nature unilatérale, une décision se réfère à la loi dont elle reproduit le contenu normatif de la règle (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 285 n. 798 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit., p. 174 n. 2.1.1.1). Une décision tend à modifier une situation juridique préexistante. Il ne suffit pas que l’acte visé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui-ci vise des effets juridiques. Sa caractéristique en tant qu’acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l’administré par la volonté de l’autorité, mais sur la base et conformément à la loi (ATA/29/2023 du 17 janvier 2023 consid. 3b et l’arrêt cité ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit., p. 320 n. 876).
6. L’absence de mention des voies de droit est un vice formel susceptible d’avoir pour effet non pas que la décision soit invalidée pour ce motif, mais que le délai de recours ne coure pas ou doive être restitué (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 521 n. 1575 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, op. cit., p. 304 et les réf. citées). En effet, la protection des parties est suffisamment garantie lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité (ATF 132 I 249 consid. 6 qui concerne une problématique de notification en matière civile ; 122 I 97 consid. 3a.aa ; 111 V 149 consid. 4c), même si, selon le Tribunal fédéral, le fait de reconnaître un effet guérisseur au succès factuel d’une notification viciée comporte le risque, souligné par une partie de la doctrine, d’avoir pour conséquence que le respect des exigences légales soit peu à peu abandonné, ces dernières étant réduites à de simples règles d’ordre et les justiciables étant déchus du droit d’obtenir des communications transmises par la voie et selon les modalités légales (ATF 132 I 249 consid. 6 et la doctrine citée).
7. Conformément à l’art. 77 LRoutes, les diverses mesures qui peuvent être ordonnées par l’autorité compétente sont notamment l’interdiction d’utiliser une installation ou une chose (let. c in fine), la remise en état, la réparation et la modification d’une installation ou d’une chose (let. d) ou la suppression d’une installation ou d’une chose (let. e).
8. Ces mesures peuvent être ordonnées par l’autorité compétente notamment lorsque l’état d’une voie publique ou privée n’est pas conforme aux permissions accordées en application de ces dispositions légales ou réglementaires (art. 78 LRoutes).
9. Le Conseil d’État, le département et les communes peuvent ordonner les mesures qui relèvent de leur compétence (art. 79 al. 1 LRoutes).
10. Lorsque les preuves font défaut ou s’il ne peut être raisonnablement exigé de l’autorité qu’elle les recueille pour les faits constitutifs d’un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2 ; 1C_170/2011 du 18 août 2011 consid. 3.2 et les références citées ; ATA/99/2020 du 28 janvier 2020 consid. 5b). Il appartient ainsi à l’administré d’établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l’administration de démontrer l’existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a ; ATA/1155/2018 du 30 octobre 2018 consid. 3b et les références citées).
11. En l'espèce, il doit être admis que le courrier recommandé de l’autorité intimée du 14 décembre 2022 sommant la recourante de mettre un terme à l’utilisation illicite du domaine public en dénonçant avec effet immédiat les baux illicites établis pour la location à des tiers des places de stationnement sur la parcelle n° 1______, dont est recours, constitue une décision au sens de l’art. 4 LPA.
En effet, bien que cette décision ne soit pas désignée comme telle et n'indique pas de voies de recours ni les bases légales et/ou réglementaires sur lesquelles elle se fonde, la ville, par son biais, a de facto interdit à la recourante d’utiliser les places de stationnement sises sur la parcelle n° 1______ appartenant au domaine public, ce qu'entend contester la recourante. À ce titre, il sera constaté que la dénonciation des baux ordonnée constituait la seule mesure susceptible de parvenir au résultat visé par l’autorité intimée, soit la cessation de l’occupation desdites places, conformément à l’art. 77 let. c LRoutes.
L’absence d’indication des dispositions légales et/ou réglementaires applicables n’a pas empêché la recourante de déterminer que l’acte attaqué se fondait sur la LRoutes et d’agir par-devant le tribunal, compétent selon cette loi, comme elle l’explique d’ailleurs elle-même dans le cadre de son recours. Dans le même sens, nonobstant l'absence d'indication des voies de recours, elle a su recourir dans le délai légal. Partant, les vices formels dont aurait été entachée la décision ont été guéris.
S’agissant du délai légal pour interjeter recours, soit 30 jours à compter du lendemain de la notification de l’acte attaqué (art. 62 LPA) et qui n'a pas couru du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 63 LPA), est ici respecté. En effet, conformément au suivi postal versé au dossier par la recourante, la décision querellée lui a été notifiée le 19 décembre 2022 et son recours a été formé le 1er février 2023.
Enfin, il sera encore relevé que les parties ne contestent pas de facto la qualité de décision de l’acte attaqué. En effet, la recourante a indiqué, dans son courrier du 13 janvier 2023 à l’autorité intimée, qu’elle considérait le courrier de cette dernière du 14 décembre 2022 comme une décision. Elle a confirmé cette position en interjetant le présent recours, dans le cadre duquel elle se prévaut, sous l’angle de sa recevabilité, du fait que l’acte attaqué constitue une décision. Quant à l’intimée, elle a explicitement indiqué, dans ses observations, ne pas contester que l’acte attaqué constituait une décision.
Quant au grief de la recourante de violation alléguée des art. 46 et 47 LPA en lien avec l’absence de désignation de l’acte attaqué en tant que décision et à l’absence d’indication des voies de droit et de délai de recours, celui-ci tombe à faux, conformément à la jurisprudence et aux développements exposés supra.
12. La recourante se plaint également, dans un grief d’ordre formel, en lien avec les deux dispositions légales précitées, d’une violation de l’art. 80 LRoutes, vu, d’une part, l’absence de délai fixé pour se conformer à la mesure ordonnée et d’autre part, l’absence d’urgence invoquée.
13. À teneur de cet article, « l’autorité compétente notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu’elle ordonne. Elle fixe un délai pour leur exécution, à moins qu’elle n’invoque l’urgence ».
14. In casu, force est de constater, avec la recourante, que la décision attaquée ordonne l’exécution immédiate de la mesure infligée et n’invoque dans ce cadre aucune urgence, en contradiction avec la lettre de l’art. 80 LRoutes. Toutefois, comme relevé à juste titre par l’intimée, la recourante s’est vu impartir, le 4 novembre 2022, soit à peine un peu plus d’un mois avant le prononcé de la décision attaquée, un délai de quinze jours pour exécuter la même mesure que celle ordonnée dans l’acte attaqué. Elle n’a pas respecté ce délai, ce qu’elle ne conteste pas. Rien ne laisse à penser qu’elle aurait davantage respecté un éventuel délai imparti dans la décision attaquée, dès lors qu’elle s’oppose au bien-fondé de cette dernière sur le fond. En outre, il sera relevé que la recourante a été informée par l’autorité intimée depuis le 25 février 2022, soit près de dix mois avant le prononcé de la décision litigieuse, du fait qu’elle était sommée de dénoncer les baux établis par ses soins. Enfin, la recourante a en tout état indiqué à l’autorité intimée, par pli du 13 janvier 2023, qu’elle ne mettrait pas fin aux baux concernés avant droit connu sur la décision attaquée. Partant, si certes l’art. 80 LRoutes prévoit, sauf urgence, la fixation d’un délai pour l’exécution des mesures ordonnées, il apparaît ici que la recourante n’a subi aucun préjudice de l’absence d’un tel délai, pour les motifs exposés ci-dessus. En outre, l’absence d’un tel délai ne saurait avoir pour conséquence que l’acte attaqué ne pourrait, de ce fait, être considéré comme une décision au sens de l’art. 4 LPA.
Par conséquent, au vu de ce qui précède, interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente par la destinataire d’un acte remplissant les conditions d’une décision au sens de l’art. 4 LPA, le présent recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 LPA.
15. La recourante sollicite la tenue d’une audience de comparution personnelle ainsi que l’audition, en qualité de témoins, de MM. F______, P______ et Q______.
16. Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour les parties de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).
Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.3 ; 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.2.2 ; ATA/1637/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3d), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1004/2018 du 11 juin 2019 consid. 5.2.1).
17. En l’occurrence, s’agissant de l’audition de MM. F______ et P______ en qualité de témoins, le tribunal, par le biais d’une appréciation anticipée des preuves, parvient à la conclusion que celles-ci ne seraient pas à même de démontrer qu’une permission d’utilisation du domaine public au sens des dispositions légales et réglementaires applicables aurait été octroyée à la recourante, pour les motifs qui seront exposés ci-après dans le cadre de l’examen du bien-fondé du recours sur le fond.
Il en va de même de l’audition de M. Q______. En effet, la D______, par le biais du précité, aurait eu la possibilité de se déterminer par écrit auprès de la ville dans les délais impartis par cette dernière pour ce faire avant le prononcé de la décision attaquée. Or, la D______, malgré son courriel du 29 juin 2022 par le biais duquel elle indiquait à la ville qu’elle reviendrait à elle concernant la suite du dossier, ne s’est jamais positionnée à ce propos, à teneur des correspondances produites. Partant, faute pour la recourante, qui supporte le fardeau de la preuve s’agissant d’une mesure d’instruction qu’elle sollicite en vue de tenter de démontrer le bien-fondé du recours déposé par ses soins, de prouver que M. Q______ aurait été empêché de communiquer des éléments déterminants pour l’issue de la présente cause par écrit en temps utile, l’on distingue mal en quoi son audition s’avérerait utile.
Concernant la demande de comparution personnelle des parties, la recourante a eu l’occasion de s’exprimer par écrit, d’exposer son point de vue et de produire toutes les pièces qu’elle estimait utiles à l’appui de ses allégués par le biais des écritures usuelles et d’une écriture spontanée. Le dossier comporte en outre tous les éléments pertinents et nécessaires à l’examen des griefs et arguments mis en avant par les parties, permettant ainsi au tribunal de se forger une opinion et de trancher le litige, comme cela ressortira de l’examen des griefs sur le fond ci-après. Enfin, la possibilité d’un accord transactionnel évoqué par la recourante ne saurait justifier la tenue d’une audience. En effet, l’intimée s’est clairement opposée à un tel acte d’instruction et, partant, implicitement, à une éventuelle solution transactionnelle du litige, étant en tout état rappelé que rien n’empêche les parties d’essayer de parvenir à une telle issue parallèlement à la présente procédure, comme elles ont d’ailleurs tenté de le faire sans succès durant la suspension précédemment prononcée.
Partant, il n’y a pas lieu de procéder aux mesures d’instruction requises, celles-ci n'étant au demeurant pas obligatoires.
18. Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.
Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).
19. Les arguments formulés par les parties à l'appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 4.1 ; 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1 ; 1C_304/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.1 ; 1C_592/2015 du 27 juillet 2016 consid. 4.1 ; 1C_229/2016 du 25 juillet 2016 consid. 3.1 et les arrêts cités), étant rappelé que, saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office et que s'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 69 al. 1 LPA ; cf. not. ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1 et les références citées ; ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b; cf. aussi ATF 140 III 86 consid. 2 ; 138 II 331 consid. 1.3 ; 137 II 313 consid. 1.4).
20. Sur le fond, la recourante se prévaut du fait qu’elle serait au bénéfice d’une permission d’utilisation spécifique de la parcelle n° 1______.
21. À Genève, l'utilisation du domaine public communal est régie par la LDPu, par son règlement, ainsi que par la LRoutes.
22. Conformément à la LDPu, les voies publiques cantonales et communales affectées par l’autorité compétente à l’usage commun font partie du domaine public (art. 1 LRoutes).
23. Selon l'art. 12 LDPu et l'art. 55 LRoutes, chacun peut, dans les limites des lois et des règlements, utiliser le domaine public conformément à sa destination et dans le respect des droits d'autrui.
24. En l’occurrence, il n’est pas contesté par la recourante que l’usage effectué par elle-même, respectivement par ses locataires, de la parcelle n° 1______, qui appartient au domaine public dès lors qu’elle constitue une voie publique communale affectée à l’usage commun, excède ledit usage commun. Partant, seule se pose ici la question de savoir si les conditions d’une telle utilisation excédant l’usage commun sont remplies.
25. La LRoutes et la LDPu prévoient que toute utilisation des voies publiques qui excède l'usage commun, à savoir tout empiétement, occupation, travail, installation, dépôt ou saillie sur ou sous la voie publique, doit faire l'objet d'une permission ou d'une concession préalable (art. 56 al. 1 et 2 LRoutes et art. 13 al. 1 LDPu).
26. Les permissions sont accordées par l'autorité cantonale ou communale qui administre le domaine public, laquelle en fixe les conditions (art. 15 et 17 LDPu et 57 al. 1 LRoutes).
L'art. 15 LDPu constitue une base légale suffisante pour limiter les libertés (ATA/1348/2017 précité du 3 octobre 2017 et les références citées).
27. À teneur de l’art. 59 al. 1 LRoutes, les permissions ne sont délivrées que contre paiement d’un émolument administratif et d’une taxe fixe, d’une redevance annuelle ou d’une redevance périodique.
28. Les autorisations sont délivrées à titre précaire. Elles peuvent donc être retirées sans indemnité pour de justes motifs, notamment si l'intérêt général l'exige (art. 19 al. 1 et 2 LDPu).
Elles sont en outre révocables sans indemnité si le bénéficiaire ne se conforme pas aux dispositions légales ou aux conditions fixées (al. 3).
29. L’art. 1 al. 1 let. b du Règlement concernant l’utilisation du domaine public (RUDP ; L 1 10.12) prévoit que toute utilisation du domaine public excédant l’usage commun au sens des art.13 LDPu et 56 LRoutes doit faire l’objet d’une permission octroyée, sous réserve de celles qui sont de la compétence du Conseil d’Etat, par l’autorité communale pour les voies publiques communales au sens de l’art. 4 LRoutes.
30. Toute permission doit faire l’objet d’une requête adressée à l’administration compétente (art. 3 al. 1 RUDP).
31. À teneur de l’art. 141 al. 2 let. b de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (A 2 00 ; Cst-GE), auquel renvoit l’art. 39 al. 1 de la loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984 (LAC - B 6 05), l’exécutif communal est composé d’un conseil administratif de trois membres dans les communes de plus de 3’000 habitants.
L’exécutif communal est composé d’un maire et de deux adjoints dans les communes comptant 3'000 habitants ou moins (let. c).
32. Selon l’art. 48 let. p LAC, le Conseil administratif, le maire, après consultation de ses adjoints ou un adjoint dans le cadre de ses fonctions déléguées au sens de l’art. 44 LAC, sont chargés, dans les limites de la constitution et des lois, d’accomplir toutes les autres fonctions qui lui sont attribuées par la législation.
33. L’art. 50 al. 1 LAC prévoit que le Conseil administratif ou le maire représente la commune envers les tiers.
Le Conseil administratif est engagé par la signature du maire ou par celle d’un Conseiller administratif délégué, à l’exception de certains cas non pertinents in casu, dans lesquels il est lié par les signatures des précités (al. 2).
Le Conseil administratif peut, pour des cas précis, déléguer ses compétences de représentation. Cette délégation est en tout temps révocable (al. 5).
34. En l’espèce, conformément aux dispositions légales précitées, l’utilisation de la parcelle n° 1______ excédant l’usage commun faisant l’objet du présent litige nécessitait l’octroi d’une permission.
À teneur des éléments au dossier, la ville B______, dont la population se monte à plus de 3'000 habitants, possède un Conseil administratif composé de trois membres, ce qui n’est pas contesté par la recourante. Partant, conformément à l’art. 48 let. p LAC, il appartenait au Conseil administratif de la ville d’accorder une telle permission. Ainsi, M. F______, en tant que membre ou même maire dudit Conseil à l’époque où la recourante se prévaut d’avoir reçu un accord, n’avait, en tout état, pas la compétence de délivrer une telle permission.
Pour le surplus, il sera relevé que la recourante se prévaut en tout état d’un accord oral - et non écrit - de la part de M. F______. Partant, l’art. 50 al. 2 LAC, qui prévoit que le Conseil administratif peut être engagé, dans certains cas, envers les tiers par la signature du maire ou celle d’un Conseiller administratif délégué, ne saurait trouver application in casu.
À ce propos, il sera encore constaté que le préavis favorable émis par la commune le ______ 2018 ne saurait en aucun cas équivaloir à une permission écrite d’utilisation accrue du domaine public au sens des dispositions légales précitées. En effet, ce préavis a été émis dans le cadre de l’instruction par l’office des autorisations de construire du département du territoire d’une demande d’autorisation de construire DD 4______/1 déposée le ______ 2018 par R______ SA. Or, cette demande portait sur la rénovation et l’agrandissement d’un bâtiment industriel ainsi que la création de places de parking sur la parcelle n° 2______.
Dès lors que la parcelle n° 1______ n’était pas concernée par la DD 4______/1, il ne peut être retenu que la commune aurait donné son accord à la création de places de parking sur ladite parcelle, celle-ci ne faisant pas l’objet de l’autorisation de construire délivrée.
Il importe peu à ce titre que les places de parking litigieuses figurent sur le plan de mobilité, d’accès et de stationnement N01 établi le ______ 2018 dans le cadre de la DD 4______/1. En effet, il sera rappelé que l’objet de la demande d’autorisation, du préavis émis dans ce cadre par la commune puis la décision d’autorisation de construire était la parcelle n° 2______. Partant, seuls ont pu être autorisées dans ce cadre les installations et constructions sises sur cette parcelle. Retenir que tous les éléments figurant sur les parcelles avoisinantes apparaissant sur un plan fourni en annexe seraient autorisés en même temps que ceux faisant l’objet de la demande d’autorisation, indépendamment de l’objet de cette dernière, reviendrait à rendre lettre morte les dispositions légales et réglementaires en matière de droit de la construction et, in casu, les dispositions de la LRoutes, du LDPu et du RUDP. Par conséquent, la recourante ne saurait valablement se prévaloir du préavis de la commune du ______ 2018 et de la présence des places de stationnement litigieuses sur le plan N01 pour en déduire l’existence d’une permission délivrée en sa faveur.
Pour le surplus, l’art. 3 al. 1 RUDP précité prévoit que toute permission d’utilisation accrue du domaine public doit faire l’objet d’une requête. Or, la recourante, qui supporte le fardeau de la preuve, n’a pas démontré avoir déposé une telle requête. En outre, comme exposé ci-dessus, elle aurait, cas échéant, en tout état dû être adressée au Conseil administratif et non à M. F______ uniquement, cas échéant. De même, la LDPU et la LRoutes prévoient que la délivrance d’une permission implique la fixation de conditions et peut avoir lieu uniquement moyennant le paiement d’un émolument administratif et d’une taxe fixe, d’une redevance annuelle ou d’une redevance périodique. Il n’a pas été démontré par la recourante que de telles conditions auraient ici été fixées, notamment s’agissant de la durée de la prétendue permission, alors même qu’elle était censée, selon la recourante, être provisoire. Dans le même sens, la recourante n’a pas prouvé, ni même allégué, s’être acquittée d’un émolument en lien avec cette permission.
Partant, à suivre la recourante, celle-ci se serait vu délivrer une permission d’usage accru du domaine public oralement, par l’un des membres du Conseil administratif uniquement, sans aucune condition ni contrepartie financière contrairement à ce que prévoit la loi. Elle aurait en outre estimé cette prétendue autorisation orale suffisants pour conclure avec des tiers des contrats de location – cette fois-ci cependant rédigé explicitement en la forme écrite et comprenant des conditions, notamment le paiement d’un loyer mensuel en sa faveur.
Force est de constater, au vu des éléments qui précèdent, que la recourante n’a pas démontré l’existence d’une permission en sa faveur que l’autorité intimée n’aurait pas respectée. À ce titre, il sera relevé que l’audition des témoins requise par la recourante ne permettrait nullement de démontrer que les conditions d’une telle permission seraient remplies, vu notamment l’absence de pouvoir de représentation du Conseil administratif par M. F______.
Enfin, les frais que la recourante allègue avoir supportés en vue de la réfection et de l’entretien de la parcelle n° 1______ ne sauraient en aucun cas démontrer l’existence d’une permission d’utiliser cette parcelle de manière excédant l’usage commun mais apparaissent davantage liés à l’utilisation – comme vu supra, non autorisée – que la recourante souhaitait faire de cet espace public.
Par conséquent, aucune violation des art. 13 LDPu et 56 LRoutes n’est à déplorer. Mal fondé, ce grief sera écarté.
35. La recourante se prévaut également d’une violation du principe de la bonne foi.
36. Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 7.1).
Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d’abord, une promesse concrète doit avoir été émise à l’égard d’une personne déterminée. Il faut ensuite que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; ATA/437/2020 du 30 avril 2020 ; ATA/1262/2018 du 27 novembre 2018 consid. 4b; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 2012, p. 922 ss).
Ainsi, à certaines conditions, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_626/2019 du 8 octobre 2020 consid. 3.1 ; 2C_136/2018 du 24 septembre 2018 consid. 3.2). Conformément au principe de la confiance, qui s'applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent recevoir le sens que l'administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (ATF 126 II 377 consid. 3a ; 126 III 119 consid. 2a ; 122 II 113 consid. 3b/cc ; 121 II 473 consid. 2c ; 118 Ia 245 consid. 4b et les réf. citées).
37. L'administré doit avoir eu des raisons sérieuses d'interpréter comme il l'a fait le comportement de l'administration et d'en tirer les conséquences qu'il en a tirées. Tel n'est notamment pas le cas s'il apparaît, au vu des circonstances, qu'il devait raisonnablement avoir des doutes sur la signification du comportement en cause et se renseigner à ce sujet auprès de l'autorité (ATF 134 I 199 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 5.1).
38. La recourante se prévaut d’une violation du principe de la bonne foi en invoquant le comportement – selon elle contradictoire – de l’autorité intimée qui se serait engagée, oralement par le biais de M. F______, puis par écrit par préavis favorable dans le cadre de la DD 4______/1 dont le plan N01 mentionnait explicitement les places de stationnement litigieuses.
Comme vu supra, ces éléments ne sauraient équivaloir à une permission au sens des dispositions légales et réglementaires applicables. Ils ne constituent pas davantage une promesse concrète, étant relevé que l’autorité intimée a, en tant que de besoin, confirmé dans le cadre de la présente procédure, son désaccord avec l’utilisation du domaine public par la recourante.
Pour le surplus, en tout état, cette dernière ne pouvait valablement, de bonne foi, partir du principe qu’un éventuel accord oral de M. F______ uniquement serait suffisant pour qu’elle s’engage elle-même contractuellement auprès de tiers en mettant en location des places de stationnement, pour une durée précise et renouvelable, moyennant le paiement d’un loyer mensuel.
Par conséquent, les conditions d’une violation du principe de la bonne foi, au sens de la jurisprudence précitée, n’étant pas remplies, ce grief, mal fondé, sera écarté.
39. Enfin, la recourante se prévaut d’une violation du principe de proportionnalité.
40. Ce principe, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, ce principe interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 145 I 297 consid. 2.4.3.1 et les références citées).
41. Traditionnellement, ledit principe se compose des règles d’aptitude - qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; ATA/1145/2023 du 17 octobre 2023 consid. 7.3).
42. En l’espèce, sous l'angle de la pesée des intérêts en présence et de la proportionnalité, l’intérêt privé de la recourante à continuer à effectuer une utilisation excédant l’usage commun du domaine public que constitue la parcelle n° 1______ ne saurait prévaloir.
En effet, il importe peu à ce titre que l’espace concerné soit situé dans une voie sans issue peu fréquentée, de sorte que les intérêts publics des autres usagers de la route ne seraient, selon la recourante, pas impactés outre mesure. En effet, la LRoutes et la LDPu ont notamment pour objectif de protéger l’intérêt public – important – visant à permettre à tous les usagers de la route et du domaine public de pouvoir utiliser celui-ci conformément à sa destination. Faire une exception pour la recourante pourrait conduire à des inégalités de traitement par rapport à d’autres justiciables qui souhaiteraient potentiellement également bénéficier de places de parking à proximité des locaux de leur entreprise mais s’organisent dans le respect de la législation et réglementation applicables pour stationner leurs véhicules professionnels.
Aucune autre mesure que l’interdiction d’utiliser les places de parking concernées n’apparaît en l’état être apte à atteindre le but visé par la mesure contestée, soit la protection de l’espace public.
La recourante n’a notamment pas proposé, dans le cadre de la présente procédure, d’éventuelles alternatives à cette utilisation en vue de tenter de respecter les conditions posées par la loi. En outre, il n’a pas été démontré qu’aucune autre solution ne s’offrait à la recourante pour stationner les véhicules de ses locataires dans un autre endroit du secteur. Il sera en outre relevé que, contrairement à ses explications dans le cadre de la présente procédure selon lesquelles ces places serviraient uniquement de lieu de décharge, les contrats produits autorisent explicitement le stationnement des véhicules des locataires sur les emplacements concernés et non uniquement leur présence pour une durée restreinte afin d’y décharger et/ou d’y charger du matériel.
Enfin, la recourante n’a pas démontré que la remise en état serait impossible ou qu’elle entraînerait des coûts disproportionnés, ce qui n’apparaît au demeurant pas être le cas, à teneur des éléments au dossier.
Quant aux frais de travaux et d’entretien que la recourante prétend avoir engagés pour les places de stationnement concernées, ils ne sauraient fonder un droit pour cette dernière d’utiliser ces emplacements, faute, comme vu supra, de permission idoine telle qu’exigée par la loi.
Partant, la décision contestée constitue une mesure adéquate et apte à atteindre le but visé et est ainsi conforme au principe de la proportionnalité.
43. Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée est conforme au droit et que l’autorité intimée n'a ni abusé ni excédé de son pouvoir d'appréciation en rendant cette dernière.
44. En conclusion, mal fondé, le recours est rejeté et la décision attaquée est confirmée.
45. L’autorité intimée a conclu, dans le cadre de ses observations, à ce que le tribunal assortisse de la peine prévue à l’art. 292 CP l’injonction faite par ses soins à la recourante de mettre un terme immédiat aux quatre baux conclus.
46. En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du CP s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/611/2016 du 12 juillet 2016 consid. 10c et les références citées). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence (cf. not. ATA/625/2021 du 15 juin 2021 consid. 4b; ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d ; ATA/13/2020 du 7 janvier 2020 consid. 7c ; ATA/1828/2019 du 17 décembre 2019 consid. 13c ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6c ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 8e éd., 2020, p. 343 n. 1493).
47. À teneur de l’art. 292 CP, celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents sera puni d’une amende.
Cette disposition légale réprime pénalement l'insoumission à une décision d'une autorité. Il résulte clairement des mots « une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article » que le législateur a attaché une importance décisive au fait que l'intéressé soit avisé des conséquences pénales d'un refus d'obtempérer. La jurisprudence a insisté sur la précision que doit avoir la menace (ATF 105 IV 249 s.). L'infraction, qui est intentionnelle, consiste à passer outre à une telle injonction comminatoire; elle suppose donc que l'auteur ait été prévenu des conséquences pénales d'une insubordination. Celui qui, pour quelque motif que ce soit, n'a pas connaissance de l'injonction ou des conséquences pénales d'une insubordination ne peut pas réaliser l'intention délictueuse requise par l'art. 292 CP, la question du dol éventuel étant réservée (ATF 119 IV 238 consid. 2c).
48. En l’espèce, comme vu supra, le tribunal, qui rejette le recours et confirme la décision attaquée, ne prend pas de nouvelle mesure dont il s'agirait de sanctionner la transgression en l'assortissant de la menace de l'art. 292 CP. Pour le surplus, les bases légales sur lesquelles l'intimée s'est fondée pour rendre la décision attaquée ne prévoit pas l'application de l'art. 292 CP. En conséquence, la recourante ne saurait se voir menacée de l’application de l’art. 292 CP dans le cadre du présent jugement.
Partant, la requête y relative sera rejetée.
49. En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'200.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
50. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la commune, dans la mesure où elle compte plus de dix mille habitants, soit une taille suffisante pour disposer d’un service juridique et est par conséquent apte à assurer la défense de ses intérêts sans recourir aux service d’un avocat (ATA/1223/2021 du 16 novembre 2021 et les références citées ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, ad art. 87 n. 1041 p. 272 s. ; art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2023 par A______ contre la décision de la Ville B______ du 14 décembre 2022 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'200.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant : Laetitia MEIER DROZ, présidente, Isabelle KOECHLIN-NIKLAUS et Julien PACOT, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Laetitia MEIER DROZ
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| La greffière |