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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1572/2022

ATA/29/2023 du 17.01.2023 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;JONCTION DE CAUSES;OBJET DU LITIGE;CONCLUSIONS;PROTECTION DE LA PERSONNALITÉ;HARCÈLEMENT SEXUEL(DROIT DU TRAVAIL);CONSTATATION DES FAITS;LOI FÉDÉRALE SUR L'ÉGALITÉ ENTRE FEMMES ET HOMMES;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL);DOMMAGES-INTÉRÊTS;AVOCAT;HONORAIRES;TORT MORAL
Normes : LPA.70.al1; LPA.4.al1; LPA.46; LPA.65; LPA.74; LPA.68; Cst.29.al2; LPA.61; LPAC.1.al1.leta; LPAC.2B; RPPers.1.al1; RPPers.1.al2; RPPers.4.al1; RPPers.5.al3; RPPers.3; RPPers.5.al1; RPPers.19; RPPers.20.al1; RPPers.30; CO.328.al1; RPAC.14A.al1; RPAC.14A.al2; RPAC.14A.al3; LEg.1; LEg.3.al1; LEg.4; LTr.6; OLT 3.2; LEg.5; LEg.5.al3; LEg.5.al4; LEg.5.al5; LEg.6; CC.4; CO.49; LREC.7.al1
Résumé : Recours contre un courrier puis une décision refusant à une victime de harcèlement sexuel une indemnité fondée sur la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (LEg - RS 151.1) et la prise en charge des frais et honoraires d'avocat. Le devoir de diligence de l'employeur comporte deux aspects, à savoir prévenir les actes de façon générale et y mettre fin dans les cas concrets. En l'occurrence, la recourante a fait l'objet d'une phrase prononcée par un collègue, constitutive de harcèlement sexuel. L'employeur n'a pas apporté la preuve libératoire prévue à l'art. 5 al. 3 LEg. Il doit donc verser une indemnité à la recourante. En l'occurrence, compte tenu de l'ensemble des circonstances, cette indemnité est fixée à un mois du salaire médian suisse brut. La conclusion fondée sur l'art. 5 al. 5 LEg (indemnité en tort moral) est irrecevable dans la mesure où cette prétention relève de la compétence du Tribunal civil de première instance. Quant à l'art. 14A RPAC, la chambre administrative a déjà eu l'occasion de se prononcer et a écarté l'action d'un fonctionnaire, intentée contre l'État, pour le paiement de ses honoraires d'avocat, au motif que la prétention n'avait pas de fondement de droit public. Recours admis partiellement.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1572/2022-FPUBL ATA/29/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 janvier 2023

 

dans la cause

 

Mme A______

contre

DÉPARTEMENT DES FINANCES ET DES RESSOURCES HUMAINES

 



EN FAIT

1) Mme A______ a été engagée dès le ______ 2013 par le département des finances, devenu depuis lors le département des finances et des ressources humaines (ci-après : le département), sous le statut d'auxiliaire (durée supérieure à six mois), en qualité de juriste 2 auprès du centre d'expertise de B______ (ci-après : B______).

Elle a ensuite été nommée fonctionnaire au même poste.

2) Le 29 janvier 2021, la Conseillère d'État en charge de département a saisi le Groupe de confiance de l'État de Genève (ci-après: GdC) d'une demande d'ouverture de procédure d'investigation, afin d'établir les faits et de déterminer si les éléments constitutifs d'une atteinte à la personnalité étaient réalisés dans le différend qui opposait Mme A______, personne plaignante, à M. C______, chef de service au sein de B______, personne mise en cause.

Lors d'un entretien avec sa hiérarchie le 4 décembre 2020, Mme A______ s'était plainte d'agissements s'apparentant à du harcèlement sexuel de la part de M. C______. Elle avait réitéré ses accusations et fourni davantage d'informations concernant des épisodes additionnels lors d'un second entretien qui avait eu lieu le 15 décembre 2020. Deux jours après ce second entretien, Mme A______ avait envoyé un complément d'informations.

D'un commun accord, Mme A______ et sa hiérarchie avaient décidé de mesures de protection immédiates. Dans l'attente du résultat d'une investigation, les relations de travail entre Mme A______ et M. C______ étaient suspendues.

3) Le 1er mars 2021, Mme A______ a demandé au GdC l'ouverture d'une procédure d'investigation à l'encontre de M. C______, avec constitution de partie à la procédure.

Elle a détaillé les faits reprochés à M. C______, demandant la cessation de toute atteinte et la protection de sa personnalité.

4) Le 6 septembre 2021, après avoir joint les deux demandes d'investigation, recueilli une détermination écrite de M. C______, un complément écrit de la part de Mme A______, sous la plume de son avocate, procédé à l'audition des parties, entendu treize témoins, demandé à M. C______ une information au sujet des personnes présentes lors d'une réunion au sein de son équipe et recueilli les déterminations des parties après enquêtes, le GdC a rendu son rapport.

Les auditions avaient mis en évidence le langage souvent déplacé de M. C______ et le caractère sexuel de nombreux de ses propos. Il avait ainsi été rapporté qu'il avait employé, auprès d'une supérieure hiérarchique, le terme « chaude » ou de « chaudasse » au sujet d'une collaboratrice qui souhaitait selon lui « se faire sauter » ; s'adressant à ses subordonnés, il avait qualifié de « bonne » la responsable RH qu'il venait d'apercevoir ; il avait mentionné un « plan à trois » à l'occasion d'un déjeuner d'équipe ; il avait souligné auprès de subordonnés la forte poitrine de plusieurs femmes et, de manière générale, fait de nombreuses fois des commentaires et autres blagues qualifiés de « lourds » par divers témoins, dont certains lui avaient demandé de surveiller son langage à l'occasion de repas d'équipe au restaurant.

Les subordonnés auxquels M. C______ avait récemment fait part de son appréciation du physique de la responsable RH avec vulgarité avaient indiqué avoir été mis mal à l'aise du fait du contexte professionnel et de l'absence de proximité avec lui. Le GdC constatait ainsi que M. C______ avait adopté un comportement inadéquat, même pendant le déroulement de la procédure d'investigation.

Toutefois, Mme A______ n'avait pas allégué avoir assisté à une ou plusieurs situations lors desquelles il avait pu émettre des considérations sexuellement connotées, en dehors des propos importuns qu'il lui aurait directement adressés. Dès lors, aucun harcèlement sexuel de la part de M. C______ à l'encontre de Mme A______ pour ces propos et son attitude générale ne pouvait être retenu à son encontre.

L'instruction avait néanmoins établi que M. C______, par ses propos vulgaires, peu respectueux et à connotation sexuelle sur le lieu de travail, n'adoptait pas la réserve attendue d'un membre du personnel, a fortiori de la part d'un cadre se devant d'être exemplaire, et avait de la sorte mis mal à l'aise plusieurs membres du personnel.

En l'absence de témoin direct notamment, l'ensemble des éléments de preuve en lien avec les « propos à connotation sexuelle » imputés à M. C______ par Mme A______, tels que « tu es mon type de femme », « tu as une belle robe », « comptes-tu tromper ton mari », à raison d'une fois par mois en moyenne, ne permettait pas d'établir avec une vraisemblance suffisante les dires dont elle se plaignait pour la période entre décembre 2017 et mars 2019. Même s'il avait été démontré que M. C______ avait bien tenu à Mme A______ l'ensemble des paroles qu'elle lui prêtait, chacun d'entre eux, considéré individuellement, ne comportait pas une gravité suffisante pour constituer du harcèlement sexuel. En outre, le cumul de ces propos ne suffisait pas non plus à atteindre ce seuil de gravité. Enfin, il n'avait pas été démontré un nombre de propos importuns et une fréquence élevée pendant la période concernée.

Aucun des messages électroniques produits ne comportait de contenu à caractère sexuel, ou même pouvant être qualifié d'inadéquat ou d'importun. Ils ne constituaient pas une forme de harcèlement sexuel de M. C______ à l'encontre de Mme A______.

Le dessin de Homer Simpson nu, une feuille de vigne cachant ses parties intimes, envoyé en photographie via WhatsApp par M. C______ à Mme A______, était humoristique et ne comportait aucune dimension sexuelle à même de choquer, ce d'autant plus qu'il n'était accompagné d'aucun message à connotation sexuelle.

En dépit de l'absence de témoin direct des propos de M. C______, les preuves recueillies dans le cadre de la procédure d'investigation avaient confirmé, avec une vraisemblance prépondérante, que M. C______ avait effectivement dit à Mme A______, en avril 2019, une phrase telle que « à chaque fois que je te vois j'ai envie de te sauter ». Ces propos avaient un caractère sexuel évident, avaient été adressés à Mme A______ dans un contexte professionnel, sur le lieu de travail, au cours d'une discussion juridique et contre la volonté de Mme A______, laquelle avait été choquée et mise très mal à l'aise. Ils étaient constitutifs de harcèlement sexuel à l'encontre de Mme A______.

Quant aux allégations de Mme A______ d'atteintes à sa personnalité, voire de harcèlement psychologique portant sur des critiques et dénigrement de son travail, en particulier par le biais d'un courriel adressé par M. C______ au substitut de B______ en novembre 2020, sur des critiques du centre d'expertise, sur l'usage du qualificatif « d'illégal » imputé à un avis de droit rendu par Mme A______ lors d'une réunion de groupe et sur une mise à l'écart, celles-ci n'avaient pas été confirmées par les mesures d'instruction. Aucune atteinte ne pouvait être retenue.

Il était encore souligné qu'outre l'événement d'avril 2019, les témoignages avaient révélé un langage inacceptable de M. C______, très souvent connnoté sexuellement, qui mettait mal à l'aise plusieurs membres du personnel, toute fonction confondue.

Mme A______ s'était ouverte auprès de la hiérarchie de l'événement d'avril 2019 presque immédiatement après les faits sans qu'il ne soit donné à sa plainte une suite, formelle et adéquate. En effet, le traitement de la situation par la hiérarchie avait consisté en un échange entre le supérieur hiérarchique et M. C______, et un bref échange ultérieur entre le supérieur hiérarchique et Mme A______, le deuxième entretien ayant été centré sur les excuses de M. C______. Aucune autre démarche n'avait été proposée par la hiérarchie. Aucune trace de cet événement n'avait été conservée par la hiérarchie, pas plus qu'il n'avait été un prétexte à un rappel des règles de comportement à adopter au travail, la hiérarchie ayant rapidement considéré l'incident clos pour les deux protagonistes. Ce suivi n'avait de toute évidence pas été à la hauteur, ce qui avait contribué à nourrir le sentiment de Mme A______ de ne pas avoir été entendue. Ainsi, ni les excuses, ni le traitement de la situation par la hiérarchie n'avaient permis de réparer l'atteinte causée à Mme A______.

Le GdC concluait donc à l'existence d'un harcèlement sexuel de M. C______ à l'encontre de Mme A______ pour la phrase prononcée en avril 2019 à son encontre.

5) Le 22 septembre 2021, M. C______ s'est déterminé sur le rapport du GdC précité, concluant à ce que le département classe sans suite la procédure ouverte à son encontre dans la mesure où il ne pouvait pas y avoir eu de harcèlement sexuel pour les seuls faits d'avril 2019.

6) Le 14 octobre 2021, Mme A______, sur invitation du département, a remis ses observations sur le rapport du GdC.

Elle a invité l'autorité d'engagement à prendre, le cas échéant, les mesures qui s'imposaient afin que la protection de sa personnalité, de même que celle des autres membres du personnel, soient désormais respectées et que des cas de ce type ne se reproduisent plus à l'avenir.

Elle a également demandé la prise en charge des frais et honoraires d'avocat qu'elle avait dû assumer dans le cadre de la procédure administrative. Après avoir dénoncé les faits, elle avait été contrainte de mandater une avocate afin de s'assurer que l'instruction soit diligentée parfaitement, de manière que les atteintes à sa personnalité subies soient dûment constatées. Il avait fallu l'intervention de son avocate pour que des témoins clés soient finalement entendus par le GdC. Compte tenu des atteintes et des pressions psychologiques subies depuis de nombreuses années, par l'inaction de sa hiérarchie, elle n'aurait pas pu assumer seule cette procédure. L'intervention d'une avocate pour défendre ses intérêts lui avait été indispensable. Elle avait été en outre en incapacité totale de travail pour des problèmes médicaux rencontrés durant sa grossesse, en lien direct avec la procédure.

Il ne s'agissait pas d'une procédure initiée par un collaborateur à l'encontre d'un autre collaborateur mais d'une procédure initiée par elle-même, suivie par l'État, ayant permis de mettre en lumière les carences organisationnelles ayant donné lieu, permis ou toléré des atteintes illicites à sa personnalité. Elle avait par conséquent le droit à la prise en charge des frais et honoraires d'avocat qu'elle avait dû assumer pour se défendre dans le cadre de cette procédure.

L'État devait assumer le dommage subi du fait de l'atteinte à sa personnalité. Dès la réception de sa note d'honoraires, elle la transmettrait au département.

7) Par décision du 9 novembre 2021, le département a constaté que M. C______ avait porté atteinte à la personnalité de Mme A______ pour la phrase prononcée en avril 2019 à son encontre. Le département a fait siennes les considérations et conclusions retenues du GdC précité.

Les mesures de gestion sollicitées par Mme A______ ainsi que les prétentions financières formulées à l'égard de l'autorité d'engagement étaient exorbitantes à l'investigation du GdC et, partant, sans pertinence dans le cadre de la procédure.

8) Le 8 février 2022, la direction générale D______, faisant suite à un entretien du 2 février précédent, a confirmé à Mme A______ la teneur des mesures de protection que celle-ci avait validées.

Les relations de travail entre Mme A______ et M. C______ étaient suspendues pour une durée indéterminée. Elle prendrait part aux séances de travail communes des cadres et du centre d'expertise, auxquelles participerait également M. C______. Elle prenait acte de ce que Mme A______ n'y voyait pas d'inconvénient. Un point de situation interviendrait régulièrement avec la hiérarchie, afin de juger de l'adéquation de ce dispositif pour garantir à Mme A______ toute la sérénité propice au bon déroulement de son travail. Si nécessaire, de nouvelles décisions seraient prises.

Ces mesures correspondaient au dispositif en place depuis janvier 2021 et seraient remises en vigueur avec effet immédiat dès le retour de congé maternité de Mme A______ prévu le 14 mars 2022. M. C______ s'était d'ores et déjà engagé à les respecter.

Le directeur général exprimait son regret que l'enchaînement des événements ne lui ait pas permis ainsi qu'à la hiérarchie, de mieux déceler le ressenti de Mme A______ pour l'accompagner conformément à son besoin et prendre rapidement les décisions assurant sa protection.

Forts de l'expérience acquise, la hiérarchie et le directeur général sauraient se montrer encore plus à l'écoute de Mme A______. Elle ne devait ainsi pas hésiter à les solliciter à l'avenir.

9) Le 9 février 2022, le département a informé Mme A______ que M. C______ n'avait pas recouru contre la décision du 9 novembre 2021 constatant une atteinte à sa personnalité.

La Conseillère d'État en charge du département avait prononcé le 1er février 2022 un avertissement à l'encontre de M. C______ en soulignant que son comportement était inacceptable et en inadéquation avec les valeurs et principes défendus et promus par le Conseil d'État en tant qu'employeur. Au vu des faits et des éléments contenus dans le rapport du GdC, il aurait été justifié de prononcer un blâme. Cependant, la prescription était acquise pour cette sanction disciplinaire.

Le secrétaire général du département avait été informé de l'entretien du 2 février 2022 dans la perspective du retour de Mme A______. Il se réjouissait qu'il ait pu se dérouler dans un cadre constructif et bienveillant. Il espérait sincèrement que Mme A______ n'aurait plus jamais à subir de tels actes et lui priait d'accepter, par son intermédiaire, les excuses de l'État employeur.

10) Le 4 mars 2022, Mme A______ a demandé à l'État, soit pour lui le département, le versement d'au minimum CHF 33'530.25 plus intérêts à 5 % l'an dès le 15 mars 2019 (date de l'acte dommageable pour des intérêts compensatoires) et CHF 6'500.- pour les frais d'honoraires de son avocate.

Il ressortait de la procédure que sa hiérarchie, dûment informée de l'atteinte qu'elle avait subie, n'avait jamais pris aucune mesure, que ce soit pour la protéger, pour éviter que tels agissements ne se reproduisent ou pour réparer l'atteinte subie. Pire, sa hiérarchie n'avait pas jugé utile de rapporter les faits graves à l'origine de cette procédure aux ressources humaines ou à la Conseillère d'État pour savoir quelle était la marche à suivre face à une telle situation.

Sa hiérarchie n'ayant pas pris les mesures adéquates au moment des faits litigieux, son droit à une indemnité en vertu de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (LEg - RS 151.1) était fondé. Compte tenu des circonstances et de la jurisprudence applicable, le montant de son indemnité devait s'élever au minimum à trois mois de salaire brut, comprenant le treizième salaire au prorata, soit CHF 33'530.25 plus intérêts.

Son état physique et psychologique fortement affaibli et la crainte de représailles de la part de sa hiérarchie, l'avaient empêchée de se défendre seule. Le recours à une avocate avait été indispensable pour surmonter une telle procédure au vu du contexte et de l'historique. Le soutien de son avocate avait d'ailleurs été objectivement nécessaire dans la mesure où son intervention avait permis l'audition de témoins clés par le GdC, lequel avait initialement renoncé à les entendre.

Les frais et honoraires de son avocate devaient être pris en charge en application du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) et du devoir d'assistance de l'employeur fondé sur l'art. 328 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), applicable par analogie.

11) Le 30 mars 2022, la Conseillère d'État a informé Mme A______ que le département n'était pas en mesure d'entrer en matière sur sa demande.

S'agissant de l'indemnité fondée sur la LEg, le GdC n'avait pas constaté que l'employeur avait connaissance du comportement problématique de M. C______ avant que Mme A______ ne rapporte à sa hiérarchie la phrase litigieuse qu'il avait prononcée à son égard. Celle-ci avait interpellé M. C______ immédiatement après que Mme A______ l'eut informée de son comportement. Quelle que soit la qualité du suivi de la hiérarchie avait donné à la dénonciation, force était de constater que M. C______ n'avait plus adopté un comportement constitutif d'un harcèlement sexuel envers elle.

D'ailleurs, le GdC n'avait pas non plus retenu que M. C______ aurait eu à l'égard de Mme A______ un comportement constitutif de harcèlement sexuel après qu'elle eut informé sa hiérarchie.

De plus, avant que M. C______ n'ait porté atteinte à la personnalité de Mme A______, l'employeur avait pris, depuis des années, des mesures concrètes afin de prévenir tout comportement susceptible de constituer un harcèlement sexuel au sein de l'administration cantonale (journée de sensibilisation à la question du harcèlement sexuel pour les nouveaux collaborateurs, distribution d'une charte éthique et, depuis 2020, un e-learning sur le harcèlement sexuel).

À l'évidence, aucun grief ne pouvait être fait à l'État, raison pour laquelle il n'était pas redevable d'une indemnité basée sur la LEg.

Concernant les frais et honoraires de son avocate, c'était le département qui avait saisi le GdC à la suite de sa dénonciation. Par conséquent, la situation n'était pas régie par l'art. 14A al. 1 RPAC, ni dans celle prévue par son al. 2. Le département ne disposait dès lors d'aucune base réglementaire pour prendre en charge les honoraires de son conseil. Au demeurant, Mme A______ n'aurait pas non plus eu droit à leur prise en charge si elle avait elle-même saisi le GdC.

12) Le 26 avril 2022, Mme A______ a contesté dans son intégralité le courrier précité, sollicitant la prise d'une décision formelle sujette à recours.

13) Par acte du 13 mai 2022, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le courrier du 30 mars 2022, concluant, principalement à ce qu'il soit constaté que ce courrier constituait une décision sujette à recours, à son annulation, à la condamnation de l'État de Genève au paiement d'une indemnité d'un montant de CHF 33'530.25 avec intérêts moratoires de 5 % l'an dès le 15 mars 2019 et au paiement de CHF 6'500.- au titre d'honoraires d'avocat avec intérêts moratoires de 5 % l'an dès le 30 novembre 2021, CHF 5'000.- au titre de tort moral avec intérêts moratoires de 5 % l'an dès le 15 mars 2019. Subsidiairement, elle a conclu au constat d'un déni de justice par rapport à sa requête du 26 avril 2022 et à ce que le Conseil d'État soit enjoint de prononcer et notifier une décision en bonne et due forme, le tout « sous suite de frais et dépens ». Elle a également demandé, préalablement, l'apport de l'intégralité du dossier d'investigation établi par le GdC concernant la procédure visant M. C______.

Le Conseil d'État avait constaté les faits de manière inexacte. En effet, il ressortait des pièces du dossier du GdC que le comportement de M. C______ était inadéquat, problématique, grossier et donc susceptible d'engendrer ou de constituer des discriminations ou des cas de harcèlement sexuel. En outre, ce comportement était connu de l'employeur depuis au moins 2015, comme cela ressortait notamment de l'entretien d’évaluation et de développement du manager (ci-après : EEDM) 2015 de l'intéressé.

La direction de B______, lorsqu'elle avait été informée des faits, n'avait jamais pris les mesures requises par la loi et les circonstances pour mettre fin au comportement inadéquat de M. C______, lequel était susceptible d'engendrer ou de constituer des discriminations ou des cas de harcèlement sexuel. En outre, M. C______ avait continué après les faits litigieux et même pendant la procédure d'investigation à adopter un comportement problématique. Compte tenu de son arrêt de travail depuis début février 2021, Mme A______ ne pouvait pas apporter la preuve que M. C______ aurait continué à adopter le même type de comportement. En toute hypothèse, il ne lui appartenait pas d'apporter une telle preuve.

La journée d'information ainsi que le e-learning avaient été mis en place postérieurement aux événements litigieux. Il s'agissait en outre de mesures générales et abstraites qui ne visaient pas à traiter son cas spécifique et il n'était ni allégué ni prouvé que M. C______ aurait suivi ces formations et que sa seule participation aurait été suffisante pour mettre un terme définitif à son comportement litigieux, connu depuis au moins 2015.

De la même façon, il n'était ni allégué ni prouvé que M. C______ aurait reçu, lors de son engagement, la charte éthique de l'État de Genève indiquant notamment l'obligation d'agir avec respect et courtoisie vis-à-vis des collègues de travail. De plus, la simple remise d'une telle charte ne pouvait pas permettre à l'État de se dérober à ses obligations de prouver qu'il avait mis en œuvre tous les moyens et mesures adaptés aux circonstances concrètes pour prévenir tous les cas de harcèlement sexuel.

Compte tenu de ces éléments, les motifs invoqués par le Conseil d'État ne remplissaient pas les conditions strictes et les exigences très élevées de la jurisprudence du Tribunal fédéral en lien avec l'art. 5 al. 3 LEg pour le libérer de son obligation d'indemnisation. L'État de Genève devait donc être condamné au paiement d'une indemnité équitable en sa faveur, laquelle devait prendre en considération sa position de cadre, la durée de la procédure, les antécédents de M. C______, l'impact important sur sa santé et l'absence totale de réaction adéquate et propre à répondre aux besoins des circonstances.

En outre tant le GdC que le Conseil d'État avaient manqué de constater que les autres faits dénoncés par la recourante et figurant dans le rapport d'investigation du GdC du 6 septembre 2021 étaient également constitutifs de harcèlement sexuel dès lors qu'ils avaient, de leur propre aveu, uniquement procédé à une analyse factuelle de manière isolée et non pas de manière globale comme le commandait la jurisprudence fédérale et cantonale.

L'analyse globale et détaillée du dossier démontrait que tous les faits dénoncés par la recourante, pris dans leur ensemble, constituaient un même complexe de fait, tous constitutifs d'une discrimination, respectivement de harcèlement sexuel au sens de l'art. 4 LEg.

Enfin, le recours à un avocat avait été indispensable pour se défendre dans le cadre de la procédure menée par le GdC. Elle était en outre en incapacité totale de travailler pendant cette période, de sorte qu'une représentation et une assistance juridique étaient indispensables.

Ainsi et compte tenu de l'absence totale de réparation à son égard, l'absence de sanction disciplinaire à l'encontre de M. C______ du seul fait de l'inaction de la direction de B______ en temps utile et des conséquences importantes sur sa santé, il était juste qu'elle soit mise au bénéfice d'une indemnité pour tort moral au sens de la LEg.

Le recours a été enregistré sous le numéro de cause A/1572/2022.

14) Par décision du 18 mai 2022, la Conseillère d'État en charge du département a rejeté les demandes de Mme A______ visant au paiement d'une indemnité en raison du harcèlement sexuel constaté par le GdC dans son rapport du 6 septembre 2021 et celle visant la prise en charge de ses frais et honoraires d'avocat liés à la procédure devant le GdC.

Le GdC, dans son rapport, n'avait fait état d'aucun harcèlement sexuel antérieur à l'épisode d'avril 2019. Mme A______ avait – à la suite de l'intervention de sa hiérarchie – obtenu des excuses de la part de M. C______. Aucune atteinte n'avait été constatée après l'épisode d'avril 2019. L'intervention de sa hiérarchie avait ainsi été propre à mettre fin au harcèlement.

Par ailleurs, à la suite de la plainte de Mme A______ de décembre 2020, le département avait réagi très rapidement en demandant au GdC l'ouverture d'une procédure d'investigation. Pour le surplus, l'État de Genève avait une politique préventive de lutte contre le harcèlement, laquelle se déclinait via sa charte éthique, la journée d'information des nouveaux collaborateurs et le e-learning sur le harcèlement sexuel. L'État de Genève avait donc également satisfait à ses obligations de prévention. Les conditions de l'art. 5 al. 3 LEg n'étaient par conséquent pas réalisées. La demande d'indemnité était donc mal fondée.

L'art. 14A al. 2 RPAC n'était pas applicable dans le cadre d'une demande d'ouverture d'une investigation auprès du GdC initiée par le département et aucune autre base légale ne prévoyait la prise en charge de frais et d'honoraires d'avocat dans un tel cas de figure. L'art. 14A al. 1 RPAC traitait des procédures initiées contre un membre du personnel par un tiers, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. L'al. 3 de ce même article et la jurisprudence à son propos excluaient une telle prise en charge lorsqu'il s'agissait d'une procédure « initiée par un membre du personnel contre un autre membre du personnel ». En outre, cette disposition n'était pas contraire à la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05). De plus, une procédure menée par le GdC avait justement pour but que les collaborateurs n'aient pas à recourir aux services d'avocats, pour apaiser ce type de conflits. Le souhait du législateur était par ailleurs de restreindre la prise en charge des honoraires d'avocat aux seuls fonctionnaires qui seraient touchés dans leur indépendance par une action judiciaire. Enfin, l'art. 328 CO invoqué n'était pas applicable à des rapports de droit public. Par conséquent, à défaut de base légale permettant la prise en charge des frais et honoraires d'avocat de la recourante, sa demande y relative n'était pas fondée.

15) Par acte du 20 juin 2022, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la décision du 18 mai 2022, concluant principalement à son annulation, à la condamnation de l'État de Genève au paiement d'une indemnité de CHF 33'530.25 avec intérêts moratoires de 5 % l'an dès le 15 mars 2019 (art. 5 al. 3 LEg), de CHF 6'500.- au titre d'honoraires d'avocat avec intérêts moratoire de 5 % l'an dès le 30 novembre 2021 (art. 5 al. 5 LEg) et de CHF 5'000.- au titre de tort moral avec intérêts moratoires de 5 % l'an dès le 15 mars 2019 (art. 5 al. 5 LEg), le tout « sous suite de frais et dépens ». Elle a également demandé, préalablement, l'apport de l'intégralité du dossier d'investigation établi par le GdC concernant la procédure visant M. C______ ainsi que la jonction de la procédure avec la cause A/1572/2022. Elle devait enfin être autorisée à compléter son recours.

Outre les éléments d'ores et déjà mis en exergue dans le recours formé le 13 mai 2022, Mme A______ soutenait que la décision attaquée avait retenu à tort que le GdC n'avait fait état d'aucun harcèlement sexuel antérieur à l'épisode d'avril 2019. Dès son retour de congé maternité, en décembre 2017, elle avait signalé à sa direction divers propos à connotation sexuelle à son encontre tenus par M. C______. Cela était confirmé par le rapport du GdC du 6 septembre 2021. Le GdC avait en outre constaté de très nombreuses attitudes et propos à connotation sexuelle de la part de M. C______ envers de nombreuses collaboratrices de B______ datant d'avant avril 2019 et ayant persisté au-delà. Mme A______ s'étonnait dès lors que le Conseil d'État puisse affirmer sans le moindre doute que personne n'était au courant du climat grossier, vulgaire et attentatoire créé par l'attitude de M. C______ et ses propos à connotation sexuelle, ayant abouti au harcèlement sexuel subi.

Le Conseil d'État avait omis de rappeler les constatations effectuées par le GdC à propos des excuses formulées par M. C______, notamment que ces dernières ne diminuaient pas la portée des propos tenus et que les tentatives de justification a posteriori de M. C______ constituaient un manque d'égards supplémentaire envers elle. Le GdC avait en outre mis en évidence le suivi RH insuffisant.

Sa plainte relative au cas de harcèlement sexuel datait d'avril 2019 et non de décembre 2020 comme retenu à tort dans la décision attaquée. C'était à partir de cette date et non à partir de décembre 2020 qu'il convenait d'apprécier la réactivité de son employeur.

Mme A______ a repris ses arguments relatifs à la journée de sensibilisation à la question du harcèlement sexuel pour les nouveaux collaborateurs, la distribution d'une charte éthique et depuis 2020 un e-learning sur le harcèlement sexuel, précisant que ces moyens n'avaient pas été susceptibles de prévenir ou de mettre fin au comportement attentatoire de M. C______ puisqu'il l'avait poursuivi après avril 2019 et même pendant la période d'investigation. En toute hypothèse, ces moyens avaient été mis en place postérieurement aux faits litigieux d'avril 2019.

La recourante a repris les raisons pour lesquelles l'État de Genève devait être condamné au paiement d'une indemnité équitable. Elle a également repris ses critiques sur le rapport du GdC précité qui n'avait pas globalement examiné les faits dénoncés.

Enfin, une indemnité pour le dommage subi en lien avec ses frais et honoraires d'avocat ainsi qu'une indemnité pour tort moral devaient lui être accordées pour les mêmes motifs que ceux présentés dans le cadre du recours du 13 mai 2022.

Le recours a été enregistré sous le numéro de cause A/2028/2022.

16) a. Le 30 juin 2022, le département a conclu au rejet du recours sous suite de frais dans le cadre de la cause A/1572/2022.

b. Le 3 août 2022, le département s'est rapporté à justice à propos de la jonction des causes et a conclu, au fond, au rejet du recours interjeté par Mme A______ dans la cause A/2028/2022.

Comme sollicité préalablement par Mme A______, le département produisait les annexes au rapport du GdC précité.

Les faits avaient été constatés de manière exacte, dès lors que l'employeur n'avait pas connaissance de comportements de M. C______ qui auraient pu s'avérer problématiques à l'égard de la recourante avant que celle-ci ne rapporte à sa hiérarchie ce que M. C______ lui avait dit en avril 2019. En effet, si l'EEDM faisait certes état d'une phrase qui n'aurait pas dû être prononcée (en parlant d'une collaboratrice de son service, il avait dit « qu'il fallait songer à l'arroser de temps en temps et a[vait] surnommé une autre collaboratrice de son groupe, [ ], "Coco l'asticot" », l'évaluation était plutôt bonne. Les suivantes l'étaient également. Le GdC avait lui-même retenu que les éléments de preuve étaient insuffisants pour établir avec une vraisemblance suffisante les propos dont se plaignait Mme A______. Enfin, cette dernière, lors de son entretien d’évaluation et de développement personnel (ci-après : EEDP) de juin 2018, n'avait pas fait état d'une quelconque plainte à l'encontre de M. C______, qualifiant au contraire ses rapports avec ses collègues d'excellents. Au surplus, l'expression utilisée par les RH du département lors de l'entretien du 15 décembre 2020, selon laquelle M. C______ était « connu comme le loup-blanc » avait pour seul et unique signification de constater que ce dernier était une personne extravertie et « de badin » et ne signifiait pas que la hiérarchie ou les RH avaient connaissance d'antécédents de sa part en matière d'atteinte à la personnalité.

Après avoir été informée de l'épisode d'avril 2019, la hiérarchie avait immédiatement eu un entretien avec M. C______, à la suite duquel ce dernier s'était excusé auprès de Mme A______ et ce dont la hiérarchie avait discuté avec elle. Par la suite, aucun comportement inadéquat à l'encontre de la recourante n'avait été constaté et cette dernière – avant qu'elle ne se soit adressée aux RH du département – n'avait plus émis une quelconque plainte à l'encontre de celui-ci. Le GdC n'avait pas non plus constaté de comportement postérieur à l'événement d'avril 2019 susceptible de constituer un nouvel harcèlement sexuel. La prise en charge de la plainte de Mme A______ avait été efficace et appropriée. L'intéressée avait d'ailleurs formulé des remerciements à ce propos. Outre une écoute attentive, des mesures d'éloignement avaient été proposées et acceptées par Mme A______. Enfin, en sus des excuses présentées par M. C______, par le secrétaire général du département au nom de l'État ainsi que des regrets formulés auprès d'elle par la hiérarchie, une décision constatant une atteinte à la personnalité avait été rendue, laquelle constituait une reconnaissance de ses souffrances.

L'argument selon lequel l'absence de Mme A______ ne permettrait pas de savoir si le comportement de M. C______ à son encontre avait changé n'était pas relevant. En effet, l'intéressée ne pouvait alléguer aucune atteinte à sa personnalité postérieure à l'épisode d'avril 2019.

L'employeur n'avait pas violé son devoir de diligence. Il avait en effet réagi à bon escient à la suite de l'événement d'avril 2019 et avait une solide politique de prévention du harcèlement. Les conditions de l'art. 5 al. 3 LEg n'étaient ainsi pas réalisées. Le GdC, dans son rapport, n'avait retenu que l'épisode isolé d'avril 2019 comme harcèlement sexuel. Il n'y avait ainsi pas eu d'autres actes isolés ou répétés, ce quand bien même le GdC avait retenu – de manière générale et non à l'égard de la recourante – que M. C______ avait tenu des propos vulgaires, peu respectueux et à connotation sexuelle sur le lieu de travail. Le GdC avait d'ailleurs exposé que le cumul des propos que Mme A______ attribuait à M. C______ ne suffisait pas à atteindre le degré de gravité suffisante pour constituer un harcèlement sexuel.

Les phrases citées par la recourante étaient extraites des observations de M. C______ adressées au GdC et ne constituaient pas de nouvelles atteintes à sa personnalité dans la mesure où il s'agissait de langage d'avocat et qu'elles restaient dans une mesure admissible.

L'employeur n'avait en outre pas failli à son devoir de diligence dans son volet de réaction à une situation de harcèlement sexuel. Outre différents entretiens tenus avec la hiérarchie, les mesures d'éloignement prises et la demande d'investigation déposée auprès du GdC, la hiérarchie avait prononcé un avertissement à l'encontre de M. C______.

Sur le plan de la prévention, l'administration cantonale avait mis en place une séance de sensibilisation à la question du harcèlement sexuel pour les nouveaux membres du personnel. Une charte éthique était également remise à l'engagement de même qu'un document intitulé « travailler à l'État de Genève » qui rappelait aux collaborateurs les dispositions légales relatives à la protection de la personnalité. Enfin, depuis 2020, une formation en ligne pour la prévention du harcèlement sexuel était obligatoire pour l'ensemble du personnel de l'administration cantonale. Hormis cette formation, l'État employeur avait mis en place une politique de prévention du harcèlement laquelle était antérieure à l'événement d'avril 2019.

Aucune prétention en paiement des frais et honoraires d'avocat ne pouvait être fondée sur l'art. 14A LPAC, que ce soit en vertu de l'al. 1, 2 ou 3. Il ne s'agissait en effet pas d'une action d'un tiers contre un membre du personnel de l'administration cantonale, ni d'un tel membre contre un tiers. Les frais et honoraires d'avocat découlaient de l'investigation devant le GdC opposant deux membres du personnel. À titre superfétatoire, le recours à une avocate pour que sa demande d'audition de témoins devant le GdC soit prise en compte n'était pas nécessaire, comme le prouvait le fait que M. C______ avait obtenu l'audition de témoins sans l'aide d'un avocat.

Enfin, selon la jurisprudence de la chambre administrative, lorsque la LEg n'entrait pas en ligne de compte, la question du tort moral éventuel et les dommages-intérêts étaient du ressort du Tribunal de première instance. La chambre administrative n'était donc pas compétente pour connaître des indemnités sollicitées par Mme A______.

17) a. Le 18 août 2022, Mme A______ a répliqué, persistant dans les conclusions prises dans son recours enregistré sous le numéro de cause A/1572/2022.

b. Le 5 septembre 2022, Mme A______ a répliqué, persistant dans les conclusions prises dans son recours enregistré sous le numéro de cause A/2028/2022.

Elle s'est déterminée sur les allégués du département en admettant certains, en prenant acte d'autres et les contestant pour la grande majorité. Elle a également proposé l'audition de Mme E______, directrice de B______.

Le département n'avait apporté aucun élément permettant de répondre aux exigences strictes de la jurisprudence en lien avec la LEg concernant la preuve libératoire à apporter par l'employeur. Le département se contentait de faire un mauvais résumé de toute l'instruction faite par le GdC en sortant systématiquement des éléments de fait hors de leur contexte ou en insinuant certains faits, de façon à tronquer la réalité des faits.

La chambre d'appel des Prud'hommes, dans un arrêt de 2005, avait déjà retenu qu'une journée de sensibilisation à la question du harcèlement sexuel, la mise en place d'une charge éthique et la distribution d'un document intitulé « travailler à l'État de Genève » ainsi qu'une formation en ligne étaient insuffisants pour remplir l'obligation de prévention et de cessation de toute atteinte, étant rappelé que le GdC avait retenu que rien n'avait été mis en œuvre lorsque la recourante avait dénoncé les faits d'avril 2019.

L'existence permanente d'un climat hostile à caractère sexuel au sens de l'art. 4 LEg au sein de B______ était démontré par les très nombreuses déclarations faites sous serment dans le cadre de l'instruction menée par le GdC. Ce dénigrement à son égard dans un tel climat constituait également un harcèlement sexuel au sens de l'art. 4 LEg, donnant droit à une indemnité fondée sur la LEg, ceci indépendamment de l'existence avérée du harcèlement sexuel à son encontre découlant de l'événement d'avril 2019.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la chambre administrative était compétente pour connaître de la demande de dommages-intérêts (s'agissant des honoraires d'avocat) et de sa prétention en tort moral (compte tenu de l'absence totale de réparation à son égard, de l'absence totale de sanction à l'égard de l'auteur du harcèlement sexuel, et de la souffrance très importante endurée pendant plusieurs années l'ayant conduit à une incapacité totale de travail), lesquelles étaient fondées.

Enfin, le GdC avait donné suite à toutes les demandes d'instruction de M. C______ sans aucun refus, alors qu'il avait refusé les témoins essentiels demandés par Mme A______. Ce n'était qu'à la suite de l'intervention de son avocate que les témoins-clés avaient été entendus.

18) a. Le 6 septembre 2022, le département a dupliqué, persistant dans ses conclusions prises dans le cadre de la cause A/1572/2022.

b. Le 26 septembre 2022, le département dupliqué, persistant dans ses conclusions prises à l'encontre du recours interjeté par Mme A______ dans le cadre de la cause A/2028/2022.

La décision du département n'avait constaté qu'une seule atteinte à la personnalité de Mme A______. Cette dernière ne l'avait pas contestée, de sorte qu'elle ne pouvait pas faire valoir de nouveaux éléments à l'encontre de M. C______. Le dénigrement constant à son encontre de sa part dans un climat hostile à caractère sexuel qui aurait eu lieu avant et après l'événement d'avril 2019 était dès lors exorbitant au litige.

Il n'était pas contesté que M. C______ avait prononcé une phrase constitutive d'un harcèlement sexuel, ni que cela pouvait être imputé à la faute de ce dernier. Toutefois, la mise en place du GdC avait justement pour but que le recours à des avocats ne soit pas nécessaire. Mme A______ n'était de plus pas la personne mise en cause par l'investigation. Le recours à un avocat n'était donc pas nécessaire. Celle-ci n'avait fait que se joindre à la procédure dont l'ouverture avait été demandée par l'État de Genève. Juriste de profession et titulaire du brevet d'avocat, elle n'aurait pas eu besoin de bénéficier d'une avocate. Elle n'avait ainsi pas démontré que les honoraires d'avocat étaient justifiés, nécessaires et adéquats. Ils ne pouvaient donc pas constituer un dommage. En outre, la condition de la causalité adéquate du dommage allégué n'était pas remplie puisque le prononcé d'une phrase constitutive d'un harcèlement sexuel n'était pas propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à entraîner des frais d'avocat chez la partie plaignante devant le GdC.

Quant au tort moral, la souffrance morale invoquée par Mme A______ pouvait être mise en doute puisqu'après l'événement d'avril 2019, l'intéressé n'avait plus formulé de plainte à l'encontre de M. C______. Elle avait en outre obtenu réparation par le biais de la décision du 9 novembre 2021 constatant le harcèlement sexuel dont elle avait été victime. Enfin, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, des remarques sexistes ne présentaient pas un degré de gravité tel qu'ils justifiaient l'octroi d'une indemnité pour tort moral. L'atteinte, ici limitée à une seule remarque sexiste, n'était objectivement pas suffisamment grave pour en justifier une.

19) a. Le 19 septembre 2022, Mme A______ s'est déterminée spontanément sur l'écriture du département du 6 septembre 2022 dans la cause A/1572/2022.

b. Le 24 octobre 2022, Mme A______ a transmis ses observations sur l'écriture du département du 26 septembre 2022 dans la cause A/2028/2022.

Le comportement discriminatoire causé par M. C______ pendant de nombreuses années l'avait conduite à une détresse psychologique nécessitant des séances de psychothérapie. Il en résultait un dommage financier de CHF 1'309.80 (quote-part de 10 % des frais non pris en charge par l'assurance-maladie) lequel devait être dédommagé. En outre, compte tenu de sa grossesse gémellaire à risque pendant toute la période d'instruction menée par le GdC, elle n'avait pas eu d'autre choix que de faire appel à une avocate pour se défendre.

Mme A______ est revenue sur les procédés abusifs de M. C______ constitutifs de discriminations envers elle, à savoir le dénigrement de son travail, notamment par rapport à l'envoi du courriel de M. C______ au substitut de B______ en novembre 2020 ou lors d'une réunion tenue le même mois. Elle mettait également en exergue le procédé abusif de M. C______ dans le cadre de la procédure d'investigation qui avait retranscrit certains passages des échanges WhatsApp entre lui-même et l'intéressée en tronquant intentionnellement certains messages. Ainsi, les actes de M. C______ perpétrés spécifiquement à son encontre, son attitude générale importune de caractère sexuel, ses « plaisanteries » déplacées, ses remarques péremptoires et dénigrantes avaient favorisé un climat hostile dans lequel Mme A______ avait été contrainte, et demeurait contrainte, d'évoluer.

Tant la convocation à l'audition par-devant le GdC que le fascicule d'information à l'intention de la partie plaignante précisait le droit inaliénable de la partie plaignante de se faire assister par un mandataire professionnellement qualifié. En outre et contrairement à ce que soutenait le département, c'était sous sa seule impulsion que les faits avaient été dénoncés. Les honoraires d'avocat étaient ainsi justifiés, nécessaires et adéquats. Ils étaient en outre en lien de causalité naturelle et adéquate avec l'atteinte subie.

L'événement du mois d'avril 2019 ne constituait pas une simple « remarque sexiste » mais un cas de harcèlement sexuel avéré, une tentative de rapprochement et une pression pour obtenir des faveurs de nature sexuelle. Par ailleurs, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la décision constatant l'existence d'un cas de harcèlement sexuel ne constituait pas une réparation morale. Les conditions relatives à l'octroi d'une indemnité pour tort moral étaient par conséquent réalisées.

Dans la mesure où elle avait expressément réservé dans le délai de recours le droit de compléter son écriture, elle était en droit de conclure au remboursement du dommage relatif aux frais médicaux (CHF 1'309.80).

20) a. Le 29 septembre 2022, le département a remis ses observations sur l'écriture de Mme A______ du 19 septembre 2022 dans le cadre de la cause A/1572/2022.

b. Le 10 novembre 2022, le département a également transmis ses observations sur l'écriture de Mme A______ du 24 octobre 2022 dans le cadre de la cause A/2028/2022.

À la suite d'un entretien qui avait eu lieu avec les RH le 15 décembre 2020, il avait été demandé à Mme A______ de réfléchir à la suite qu'elle entendait donner au cas de harcèlement au travail signalé. Elle avait alors dit qu'elle allait saisir
elle-même le GdC si le département ne le faisait pas. Ainsi et contrairement à ce qu'elle soutenait, il ne s'agissait pas d'une mise en demeure formelle.

Le GdC n'avait pas retenu que les agissements de M. C______ à son encontre se seraient répétés pendant plusieurs années. Il n'avait constaté aucun climat hostile ni admis une atteinte à sa personnalité postérieurement à l'événement d'avril 2019.

Les conclusions nouvelles prises Mme A______ relatives au versement d'une indemnité de CHF 1'309.80 étaient irrecevables.

21) Le 1er juillet 2022, Mme A______ a relevé que les échanges WhatsApp produits par M. C______ étaient faux et tronqués et n'avaient que pour seul but de porter atteinte à sa personnalité. Ils étaient la preuve de l'absence totale de mesure de prévention ou de cessation des atteintes de M. C______ à son encontre. Elle déplorait enfin diverses remarques et/ou formulations purement chicanières, tout au long de la présente procédure, dirigées à son encontre sans fondement et non pertinentes pour l'issue du litige.

22) Sur ce, les deux causes ont été gardée à juger.

EN DROIT

1) Les recours ont été interjetés en temps utiles devant la juridiction compétente. Ils sont recevables de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a, 63 al. 1 let. a et 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Selon l'art. 70 al. 1 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

b. En l'espèce, les procédures A/1572/2022 et A/2028/2022 concernent les mêmes parties et le même complexe de faits, les questions juridiques posées par les deux recours étant en outre fortement imbriquées comme il le sera expliqué ci-dessous. Il se justifie ainsi de joindre ces causes sous le numéro A/1572/2022.

3) a. Au sens de l'art. 4 al. 1 LPA sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations (let. a), de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c).

b. Pour qu'un acte administratif puisse être qualifié de décision, il doit revêtir un caractère obligatoire pour les administrés en créant ou constatant un rapport juridique concret de manière contraignante. Ce n'est pas la forme de l'acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 3d ; ATA/657/2018 du 26 juin 2018 consid. 3b et les arrêts cités).

En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral (art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021), ce qui est également valable pour les cas limites, ou plus exactement pour les actes dont l'adoption n'ouvre pas de voie de recours. Ainsi, de manière générale, les communications, opinions, recommandations et renseignements ne déploient aucun effet juridique et ne sont pas assimilables à des décisions, de même que les avertissements ou certaines mises en demeure (arrêts du Tribunal fédéral 1C_150/2020 du 24 septembre 2020 consid. 5.2 ; 1C_593/2016 du 11 septembre 2017 consid. 2.2 ; ATA/1199/2019 du 30 juillet 2019 consid. 4b ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 279 ss n. 783 ss).

Une décision tend à modifier une situation juridique préexistante. Il ne suffit pas que l'acte visé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui-ci vise des effets juridiques. Sa caractéristique en tant qu'acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l'administré par la volonté de l'autorité, mais sur la base et conformément à la loi (ATA/560/2020 du 9 juin 2020 consid. 3a et l'arrêt cité).

Les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA). Elles sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (art. 46 al. 2 1ère phr. LPA).

c. En l'occurrence, le courrier du 30 mars 2022 ne contient pas les termes de décision ni l'indication d'une voie de recours.

Le département y indique toutefois qu'après une analyse attentive du dossier de la recourante, il n'est pas en mesure d'entrer en matière sur sa demande d'indemnité fondée sur la LEg ainsi que la prise en charge des frais et honoraires d'avocat. L'autorité intimée mentionne également les motifs conduisant au rejet des demandes de l'intéressée, citant notamment l'art. 14A al. 3 RPAC.

Le courrier litigieux, en rejetant les prétentions de la recourante, touche ses droits et obligations, de sorte qu'il s'agit d'une décision au sens de l'art. 4 LPA, sujette à recours.

En toute hypothèse, le 18 mai 2022, le département a rendu une décision formelle comportant les voies de droit et portant sur les mêmes demandes de la recourante.

Dans cette décision, l'autorité intimée a en effet repris et développé les éléments de fait et de droit figurant dans le courrier du 30 mars 2022 et l'ayant conduit à rejeter les prétentions de la recourante. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il est justifié de prononcer, préalablement, la jonction des causes.

Les décisions sont donc sujettes à recours. Ceux-ci sont, partant, recevables.

4) Dans son écriture du 24 octobre 2022, la recourante soutient être en droit de faire valoir son dommage résultant de son suivi depuis le 17 avril 2019, soit CHF 1'309.80, correspondant à la quote-part de 10 % des frais non pris en charge par l'assurance-maladie.

a. Selon l'art. 65 LPA, l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). L’acte de recours contient également l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. À défaut, la juridiction saisie impartit un bref délai au recourant pour satisfaire à ces exigences, sous peine d’irrecevabilité (al. 2).

La juridiction peut autoriser une réplique et une duplique si ces écritures sont estimées nécessaires (art. 74 LPA).

Sauf exception prévue par la loi, le recourant peut invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuves nouveaux qui ne l’ont pas été dans les précédentes procédures (art. 68 LPA).

b. L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/467/2017 du 25 avril 2017 consid. 3b). N'est donc pas nouveau un chef de conclusions n'allant pas, dans son résultat, au-delà de ce qui a été sollicité auparavant ou ne demandant pas autre chose (arrêts du Tribunal fédéral 2C_77/2013 du 6 mai 2013 consid. 1.3 ; 8C_811/2012 du 4 mars 2013 consid. 4 ; ATA/854/2022 du 23 aout 2022 consid. 9a).

La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1060/2018 du 9 octobre 2018 consid. 3a et les références citées).

Le mémoire de réplique ne peut toutefois contenir qu'une argumentation de fait et de droit complémentaire, destinée à répondre aux arguments nouveaux développés dans le mémoire de réponse. Il ne peut en principe pas être utilisé afin de présenter de nouvelles conclusions ou de nouveaux griefs qui auraient déjà pu figurer dans l'acte de recours (arrêt du Tribunal fédéral 1C_130/2015 du 20 janvier 2016 consid. 2.2 in SJ 2016 I 358 ; ATA/1190/2022 du 29 novembre 2022 consid. 2b ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 244 n. 927). Partant, des conclusions nouvelles prises au stade de la réplique sont irrecevables (ATA/1221/2021 du 16 novembre 2021 consid. 3a ; ATA/434/2021 du 20 avril 2021 consid. 1b ; ATA/467/2020 du 2 mai 2020 consid. 3c).

c. En l'espèce, comme relevé à juste titre par le département, la décision dont il est fait recours – laquelle répond aux demandes formulées par la recourante les 4 mars et 26 avril 2022 – porte exclusivement sur la demande d'indemnité fondée sur l'art. 5 al. 3 LEg et sur la demande de prise en charge des frais et honoraires d'avocat fondée sur l'art. 14A al. 2 RPAC et l'art. 328 CO. Partant, la conclusion de la recourante visant à ce que le département soit condamné au paiement de CHF 1'309.80 est exorbitante au présent litige et doit être déclarée irrecevable.

L'irrecevabilité de cette conclusion se justifie également au motif que la recourante a pris cette conclusion au stade de la triplique, le 24 octobre 2022, et non pas dans le délai de recours échu le samedi 18 juin, reporté au lundi 20 juin 2022. Sur ce point, elle ne peut pas être suivie lorsqu'elle soutient que cette conclusion s'inscrit dans ce qui est autorisé par l'art. 68 LPA ou par l'art. 19 LPA. En effet, il ne s'agit ni de nouveaux moyens ni d'une question relative à l'établissement des faits pertinents mais d'un nouveau poste de dommage fondé sur l'art. 5 al. 5 LEg dont lequel la recourante demande, tardivement, la réparation.

Au surplus, comme il sera vu ci-dessous, les prétentions fondées sur l'art. 5 al. 5 LEg ne sont pas de la compétence de la chambre de céans.

Cette conclusion est donc irrecevable.

5) La recourante demande l'apport de l'intégralité du dossier d'investigation établi par le GdC. Dans son écriture du 5 septembre 2020, elle demande également l'audition de Mme E______, sa supérieure hiérarchique, souhaitant démontrer qu'elle avait dû travailler, au moins de manière indirecte, après les faits litigieux, dans la même unité que M. C______ et ce malgré le contexte de harcèlement sexuel connu de tous.

a. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références citées).

b. En l'espèce, le département a produit l'entier du dossier établi par le GdC dont ses différentes annexes comportant notamment les courriers de la procédure, les pièces remises par les parties, ainsi que les procès-verbaux d'audition.

Sur ce point, la requête de la recourante est satisfaite.

S'agissant de l'audition de Mme E______, il n'est pas contesté par l'autorité intimée que M. C______ et la recourante ont été amenés à travailler ensemble après l'événement d'avril 2019. En outre, Mme E______ a été auditionnée par-devant le GdC. Dans ce cadre, elle a apporté les éléments nécessaires sur l'environnement de travail de B______ et sur les actes/paroles de M. C______ pour que le GdC prenne position sur ceux-ci. On ne voit dès lors pas quel élément supplémentaire son audition pourrait apporter.

Compte tenu des pièces figurant au dossier, la chambre administrative estime être suffisamment renseignée pour statuer en toute connaissance de cause sur les griefs invoqués par la recourante.

Dans ces circonstances, il ne sera pas donné suite à la demande d'acte d'instruction.

6) Le litige porte sur la conformité au droit du refus du département d'accorder à la recourante une indemnité fondée sur la LEg et de prendre en charge ses frais et honoraires d'avocat.

a. Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l’espèce.

b. La LPAC est applicable aux membres du personnel administratif, technique et manuel de l’administration cantonale (art. 1 al. 1 let. a LPAC). Les modalités de la protection de la personnalité des fonctionnaires soumis à la LPAC, sont fixées par le règlement relatif à la protection de la personnalité à l'État de Genève du 12 décembre 2012 (RPPers - B 5 05.10) (art. 2B LPAC).

c. À teneur de l’art. 1 RPPers, le Conseil d'État veille à la protection de la personnalité de tous ses collaborateurs dans le cadre de leur activité professionnelle (al. 1). Il prend les mesures nécessaires à la prévention, à la constatation, à la cessation et à la sanction de toute atteinte à la personnalité d'un membre du personnel, en particulier en cas de harcèlement sexuel ou psychologique (al. 2). À cette fin, il a instauré un GdC, dont la mission principale consiste à traiter les demandes des personnes qui font appel à lui et à contribuer à ce que cessent les atteintes constatées, d'entente avec la hiérarchie (art. 4 al. 1 et 5 al. 3 RPPers).

Aux termes de l'art. 3 RPPers, est constitutive d'une atteinte à la personnalité toute violation illicite d'un droit de la personnalité, telles notamment la santé physique et psychique, l'intégrité morale, la considération sociale, la jouissance des libertés individuelles ou de la sphère privée (al. 1). Est constitutif d'un harcèlement psychologique tout enchaînement de propos ou d'agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lesquels une ou plusieurs personnes tendent à déstabiliser, à isoler, à marginaliser, voire à exclure une ou plusieurs personnes de leur lieu de travail (al. 2). Est constitutif d'un harcèlement sexuel tout comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l'appartenance sexuelle qui porte atteinte à la dignité du collaborateur sur son lieu de travail, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d'imposer des contraintes ou d'exercer des pressions de toute nature sur un collaborateur en vue d'obtenir de sa part des faveurs de nature sexuelle (al. 3). Le harcèlement est une forme aiguë d'atteinte à la personnalité (al. 4).

Le GdC est chargé de la mise en œuvre du dispositif de protection de la personnalité prévu par le RPPers (art. 5 al. 1 RPPers). Sur requête du membre du personnel qui, dans sa relation de travail avec d'autres personnes, estime être atteint dans sa personnalité ou de l'autorité d'engagement ou les ressources humaines, le GdC peut procéder à des démarches informelles (art. 12 et ss RPPers) et ouvrir une procédure d'investigation, qui a pour but d'établir les faits et de déterminer si les éléments constitutifs d'une atteinte à la personnalité sont réalisés ou non (art. 19 et 20 al. 1 RPPers).

Selon l'art. 30 RPPers, cette procédure débouche sur un rapport d'investigation, à la suite duquel l'autorité d'engagement notifie une décision motivée, par laquelle elle constate l'existence ou non d'une atteinte à la personnalité et son auteur (al. 1). Cette décision peut être contestée auprès de la chambre administrative (al. 2). Vis-à-vis de l’auteur d'un harcèlement ou d'une atteinte à la personnalité, l'autorité d'engagement peut prendre – ou proposer à l'autorité compétente – toute mesure disciplinaire utile (al. 3). Le fait qu'une ou des sanctions ont été prises à la suite des faits dénoncés est porté à la connaissance de la personne plaignante (al. 4). Dès la prise des décisions ou mesures disciplinaires visées aux al. 1 à 3, l'autorité d'engagement informe le GdC de leur existence ; à l'expiration du délai de recours de trente jours, elle lui en adresse par ailleurs une copie intégrale, en mentionnant si ces décisions ou mesures ont fait ou non l'objet d'un recours (al. 5). La loi sur la responsabilité de l'État et des communes du 24 février 1989 (LREC - A 2 40), de même que les procédures judiciaires engagées par la personne plaignante à l'égard de la personne mise en cause, sont réservées (al. 6).

d. La procédure d'investigation sert à l'établissement des faits en vue de la prise d'une sanction administrative, voire d'un renvoi prononcé par l'autorité compétente à l'encontre de l'auteur d'un harcèlement ou d'une atteinte à la personnalité (arrêt du TF 8C_246/2018 du 16 janvier 2019 consid. 6.3.2 ; ATA/891/2022 du 6 septembre 2022 consid. 3e ; ATA/648/2022 du 23 juin 2022 consid. 5c).

e. De manière générale, le devoir de protection de la personnalité du travailleur par l'employeur est prévu à l'art. 328 al. 1 CO, qui a été complété lors de l'introduction de la LEg par la mention expresse de la protection contre le harcèlement sexuel. La LEg constitue une loi spéciale par rapport aux dispositions du Code des obligations (ATF 126 III 395 consid. 7b/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 4C.289/2006 du 5 février 2007 consid. 6.1).

f. La LEg a pour but de promouvoir dans les faits l’égalité entre femmes et hommes (art. 1 LEg).

L'art. 3 al. 1 LEg précise qu'il est interdit de discriminer les travailleurs en raison du sexe, soit directement, soit indirectement, notamment en se fondant sur leur état civil ou leur situation familiale ou, s’agissant de femmes, leur grossesse.

Sous le titre marginal « Harcèlement sexuel ; discrimination », l'art. 4 LEg définit le comportement discriminatoire comme un « comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l'appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d'imposer des contraintes ou d'exercer des pressions de toute nature sur une personne en vue d'obtenir d'elle des faveurs de nature sexuelle » (arrêt du Tribunal fédéral 8C_74/2019 du 21 octobre 2020 consid. 3.1.1). Bien que les exemples cités dans l’art. 4 LEg ne se réfèrent qu'à des cas d'abus d'autorité, la définition englobe tous les comportements importuns fondés sur le sexe, soit également ceux qui contribuent à rendre le climat de travail hostile, par exemple les plaisanteries déplacées, les remarques sexistes et les commentaires grossiers ou embarrassants (ATF 126 III 395 consid. 7b/bb et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_544/2018 du 29 août 2019 consid. 3.1 ; 4A_18/2018 du 21 novembre 2018 consid. 3.1 ; 8C_422/2013 du 9 avril 2014 consid. 7.2 et les arrêts cités). Selon les procédés utilisés, plusieurs incidents peuvent être nécessaires pour constituer une discrimination au sens de l'art. 4 LEg ; la répétition d'actes ou l'accumulation d'incidents n'est toutefois pas une condition constitutive de cette forme de harcèlement sexuel (Claudia KAUFMANN, in Margrith BIGLER-EGGENBERGER/Claudia KAUFMANN [éd.], op.cit., ad art. 5 LEg, n. 40 p. 144).

L'énumération de l’art. 4 LEg n'est pas exhaustive (Message du Conseil fédéral du 24 février 1993 relatif à la loi sur l'égalité, FF 1993 I 1163, p. 1219). Sont également qualifiés de harcèlement sexuel les remarques concernant les qualités ou les défauts physiques, les propos obscènes et sexistes, les regards qui déshabillent, les actes consistant à dévisager ou siffler, les avances, les gestes non désirés et importuns (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-4876/2020 du 28 juin 2021 consid. 7.2 ; ATA/912/2022 du 13 septembre 2022 consid. 7a ; Rémy WYLER/Boris HEINZER, Droit du travail, 4ème éd., 2019, p. 1116 s.).

Le harcèlement sexuel dans le cadre du travail peut se manifester sous différentes formes allant des transgressions verbales aux agressions sexuelles. Le fait qu'il s’agit d'actes de harcèlement verbal et non physique (avec violence ou menace), est une circonstance objective justifiant de considérer que ces actes n'atteignent pas un niveau de gravité comparable à celui des agressions sexuelles. Les remarques et plaisanteries sexistes peuvent avoir un impact important sur la victime selon leur durée et leur fréquence. Le potentiel de nuisance de ce type de harcèlement est également susceptible d'être accru lorsque plusieurs personnes y prennent part (arrêt du Tribunal fédéral 8C_74/2019 précité consid. 3.3.4). Si une intention de nuire pourrait peser comme facteur de gravité du harcèlement sexuel (arrêt du Tribunal fédéral 4C.289/2006 du 5 février 2007 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral A-4876/2020 précité consid. 7.2), l'absence d'une telle intention ne saurait en atténuer le caractère inadmissible. En effet, sauf lorsqu'il s'agit d'établir l'existence d'un chantage sexuel, la motivation de l'auteur est sans pertinence pour la qualification du harcèlement sexuel (arrêt du Tribunal fédéral 8C_74/2019 précité consid. 3.3.4).

Le harcèlement sexuel se caractérise avant tout par le fait qu'il est importun, à savoir qu'il n'est pas souhaité par la personne qui le subit, sans que l'intention de l'auteur soit déterminante (arrêts du Tribunal administratif fédéral A-4876/2020 précité consid. 7.2 ; A-6910/2009 du 25 octobre 2010 consid. 6.3). Le caractère importun de l'acte doit être déterminé non seulement d'un point de vue objectif, mais également d'un point de vue subjectif, soit en tenant compte de la sensibilité de la victime (Karine LEMPEN, in Gabriel AUBERT/Karine LEMPEN [éd.], Commentaire de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes, 2011, n. 11 ad. art. 4 LEg p. 104-105 ; Karine LEMPEN, Le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et la responsabilité civile de l'employeur, 2006, p. 134). Il n'est en outre pas nécessaire que la personne accusée ait essayé d’obtenir des faveurs sexuelles. Il suffit de se trouver en présence d'une atteinte à la personnalité ayant un contenu sexuel ou du moins une composante sexuelle (arrêts du Tribunal administratif fédéral A-4876/2020 précité consid. 7.2 ; A-6910/2009 précité consid. 6.2).

Selon la jurisprudence, les blagues grivoises peuvent constituer du harcèlement sexuel (ATF 126 III 395 consid. 7b/bb).

En cas de harcèlement sexuel, l'employeur a l'obligation de protéger son personnel contre des actes commis par la hiérarchie, des collègues ou des personnes tierces (art. 4 LEg, art. 6 de la loi fédérale sur le travail dans l’industrie, l’artisanat et le commerce du 13 mars 1964 - loi sur le travail, LTr - RS 822.11, art. 2 de l’ordonnance 3 relative à la LTr du 18 août 1993 - OLT 3 - RS 822.113). Son devoir de diligence comporte deux aspects, à savoir prévenir les actes de façon générale et y mettre fin dans les cas concrets.

g. À teneur de l’art. 5 LEg, lorsque la discrimination porte sur un cas de harcèlement sexuel, le tribunal ou l’autorité administrative peuvent également condamner l’employeur à verser au travailleur une indemnité, à moins que l’employeur ne prouve qu’il a pris les mesures que l’expérience commande, qui sont appropriées aux circonstances et que l’on peut équitablement exiger de lui pour prévenir ces actes ou y mettre fin. L’indemnité est fixée compte tenu de toutes les circonstances et calculée sur la base du salaire moyen suisse (al. 3). L’al. 4 de cette même disposition précise que lorsque la discrimination porte sur un cas de harcèlement sexuel, l’indemnité ne peut excéder le montant correspondant à six mois de salaire.

Si l’employeur prouve qu’il a rempli son devoir de diligence, il ne peut être condamné au versement de cette indemnité (ATF 126 III 395 consid. 7b et les références citées).

Dans une annexe au commentaire de l'art. 2 OLT 3, le secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) énumère les mesures principales à adopter pour prévenir tout risque de harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Parmi les mesures importantes figurent une déclaration de principe, selon laquelle l'entreprise ne tolère pas les atteintes à l'intégrité personnelle (harcèlement sexuel, mobbing et discrimination fondée sur le sexe, la race ou la religion), une information aux travailleurs sur la notion de harcèlement sexuel, la procédure à suivre et les sanctions auxquelles s'exposent les personnes qui harcèlent et la désignation d'une personne interne ou externe à l'entreprise, à laquelle les personnes peuvent d'adresser en cas de conflit pour des conseils et un soutien afin de trouver une solution au problème.

Le SECO a également édité un guide à l’intention des employeurs sur le harcèlement sexuel sur le lieu de travail (disponible à l'adresse https://www.seco.admin.ch/seco/fr/home/Publikationen_Dienstleistungen/Publikationen_und_Formulare/Arbeit/Arbeitsbedingungen/Broschuren/sexuelle-belaestigung-am-arbeitsplatz---informationen-fuer-arbei.html, consulté le 11 janvier 2023). Selon ce guide, en matière de prévention, l’essentiel, est, d’une part, de faire savoir que l’entreprise tient à ce qu’un climat de travail exempt de harcèlement règne dans l’entreprise et, d’autre part, d’intervenir en cas de constat, par exemple, que du matériel sexiste circule ou qu’une collaboratrice est la cible de propos dévalorisants ou de plaisanteries grivoises. Il préconise ainsi la publication et la diffusion au sein de l’entreprise d’un document contenant au moins les éléments suivants : une déclaration de principe dans laquelle la direction prend clairement position contre le harcèlement ; une définition de la notion de harcèlement sexuel ; l’assurance du soutien aux victimes d’un tel harcèlement (soit l’absence de représailles et l’indication des personnes de référence en cas de harcèlement) ; et l’indication selon laquelle l’entreprise prendra des sanctions contre les personnes s’étant rendues coupables de harcèlement sexuel. Ce document doit être connu de toutes les personnes travaillant dans l’entreprise, et l’information sur son existence doit être donnée de manière répétée (guide du bureau fédéral de l’égalité, p. 10 à 13).

Selon la doctrine, la politique de l'entreprise concernant le harcèlement sexuel peut être intégrée aux directives existantes sur la protection de la santé ou de la personnalité et/ou se traduire par l'adoption d'un règlement spécifique. Le SECO recommande d'impliquer le personnel dans l'élaboration du règlement. Ce document devra être bien connu des travailleurs et régulièrement mis à jour. Dans un arrêt du 20 octobre 2005 (CAPH/218/2005 du 20 octobre 2005), par exemple, la chambre d'appel des Prud'hommes a jugé que l'employeur « ne peut pas, en l'espèce, se soustraire à sa responsabilité en se prévalant de la documentation qu’il fournit à son personnel, lors de l’engagement, destinée à indiquer la procédure à suivre en cas de harcèlement ou de mobbing. Cette documentation revêt un caractère très théorique et surtout, de par la manière dont elle a été diffusée et promue, elle semble, de fait, être restée « lettre morte » dans l’esprit des collaborateurs, faute de rappels, d’informations ou d’instructions concrètes. C’est dire qu’elle ne suffit pas pour atteindre le but recherché ». Selon le Tribunal du travail de Zurich, un employeur qui n'a abordé la question du harcèlement sexuel que brièvement dans une séance destinée aux cadres, sans se soucier d'informer son personnel que ce comportement ne peut être toléré, n'a pas pris les mesures préventives qui pouvaient raisonnablement être attendues de lui (lors de la séance, la direction de l'hôtel avait certes expliqué que les comportements incorrects, tels que le harcèlement sexuel ou le non-respect des horaires de travail, devaient être signalés à la division des ressources humaines. Aucune mention n'avait toutefois été faite des conséquences civiles et pénales que peut avoir le harcèlement sexuel. Surtout, aucune directive n'avait été donnée au personnel de ne pas tolérer le harcèlement sexuel, le cas échéant, de s'abstenir d'un tel comportement (Tribunal de Zurich, 30 septembre 1998, ZR [99] 2000 293-294 consid. 5a) (Karine LEMPEN, in Gabriel AUBERT/Karine LEMPEN [éd.], op. cit., n. 26-27 ad. art. 4 LEg p. 116 à 118).

Toujours selon la doctrine, la partie employeuse a le devoir de mettre fin à un harcèlement sexuel dont elle a connaissance. Celle-ci peut résulter des circonstances. Une société est réputée avoir eu connaissance d'un harcèlement sexuel lorsque cette pratique était si répandue dans l'entreprise que le personnel d'encadrement ne pouvait l'ignorer. En vertu de leur devoir accru de fidélité (art. 321a CO), les responsables de service ont l'obligation de signaler à la direction les cas de harcèlement dont ils ont connaissance. L'employeur doit agir rapidement. Il lui incombe d'établir les faits. En présence d'une plainte ou d'indices relatifs à un harcèlement, la direction devrait commencer par entendre la personne plaignante, puis celle mise en cause. Lorsque ces premiers entretiens mettent clairement en évidence qu'il y a eu harcèlement sexuel, il appartient à la direction de veiller à ce que ce comportement ne se reproduise plus et de prononcer des sanctions adéquates. Lorsque, en revanche, comme c'est souvent le cas, la situation n'est pas claire, une enquête devra être ordonnée. L'entreprise ne peut se contenter d'attendre les résultats d'une enquête interne ou d'une action en justice pour prendre des mesures de protection de la personnalité. Le choix des mesures appartient à la personne ou institution employeuse. Toutefois, en vertu de l'art. 328 al. 1 in fine CO, l'employeur doit veiller à ce qu'une personne harcelée sexuellement ne subisse aucun désavantage de ce fait. Ainsi, une entreprise soucieuse d'éviter, sur le lieu de travail, tout contact entre les parties à la procédure, veillera à ne pas transférer la personne plaignante, sous réserve de son accord (Karine LEMPEN, in Gabriel AUBERT/Karine LEMPEN [éd.], op. cit., n. 29 à 32 ad. art. 4 LEg p. 119 à 121).

h. L'art. 6 LEg prévoit que l’existence d’une discrimination est présumée pour autant que la personne qui s’en prévaut la rende vraisemblable ; la présente disposition s’applique à l’attribution des tâches, à l’aménagement des conditions de travail, à la rémunération, à la formation et à la formation continue, à la promotion et à la résiliation des rapports de travail.

Le mécanisme d'allègement du fardeau de la preuve prévu par l'art. 6 LEg ne s'applique pas en matière de harcèlement sexuel. Il s'ensuit que l'employé qui se plaint de harcèlement sexuel sur le lieu de travail doit l'établir, en application de la règle générale de l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) ; la simple vraisemblance n'est, à cet égard, pas suffisante (arrêts du Tribunal fédéral 4A_18/2018 du 21 novembre 2018 consid. 3.1 et 3.2 ; 4A_473/2013 du 2 décembre 2013 consid. 3.1 et 3.2).

Toutefois, vu la difficulté de prouver ce type d'atteinte à la personnalité, il est possible d'admettre un cas de harcèlement sexuel en se basant sur un faisceau d'indices convergents. En effet, comme le relève le Tribunal fédéral, les témoins directs font souvent défaut, de sorte qu'il n'est nullement insoutenable de tenir compte d'autres indices et notamment des déclarations de témoins indirects tels qu'un médecin de famille ou d'autres personnes auxquelles la victime s'est confiée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_544/2018 du 29 août 2019 consid. 7.2 ; 8C_422/2013 du 9 avril 2014 consid. 7.5).

i. La prétention à l'indemnité en cas de harcèlement sexuel prévue par l'art. 5 al. 3 LEg se dirige toujours vers l'employeur et ne dépend ni d'une faute de sa part, ni d'un dommage matériel ou d'un tort moral éprouvé par la victime du harcèlement (Gabriela RIEMER-KAFKA/Jakob UEBERSCHLAG, in Kommentar zum Gleichstellungsgesetz, Claudia Kaufmann et Sabine Steiger-Sackmann (éd.), 2009, n. 53 ad art. 5 LEg p. 181 ; Gabriel AUBERT, in Gabriel AUBERT/Karine LEMPEN [éd.], op. cit., n. 63 ad. art. 5 LEg p. 141). L'indemnité est fixée en fonction de toutes les circonstances, c'est-à-dire en équité selon l'art. 4 CC. Les circonstances à prendre en considération se rapportent en particulier à la gravité de la violation et à l'importance de l'atteinte à la personnalité causée par le harcèlement sexuel compte tenu de son intensité et de sa durée (Gabriela RIEMER-KAFKA/Jakob UEBERSCHLAG, op. cit., n. 56 ad. art. 5 LEg p. 184). Une faute de l'employeur peut également jouer un rôle lors de la fixation de l'indemnité, notamment si l'on peut admettre qu'il avait des raisons de craindre un comportement importun d'un de ses employés, par exemple en raison des antécédents de celui-ci, ou s'il a été dûment informé des faits (Message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur l'égalité entre femme et hommes, du 24 février 1993, in FF 1993 I p. 2020). L'indemnité revêt en effet un caractère pénal ; son aspect punitif vise à rendre un manque de prévention du harcèlement sexuel économiquement inintéressant pour les entreprises ; n'ayant pas le caractère de dommages-intérêts, ni celui de réparation morale, l'indemnité introduite à l'art. 5 al. 3 LEg est un droit supplémentaire à distinguer d'une éventuelle indemnité pour tort moral au sens de l'art. 49 CO (Karine LEMPEN, op.cit., p. 257 et les références citées).

j. Il n'est pas nécessaire que la personne qui prétend à l'indemnité prouve qu'elle a elle-même porté à la connaissance de l'employeur les faits incriminés ; il suffit que l'on puisse inférer de l'ensemble des circonstances que l'employeur avait connaissance de la situation et qu'il n'a, ce nonobstant, pris aucune mesure adéquate (arrêt du Tribunal fédéral 4C.289/2006 du 5 février 2007 consid. 4.2).

k. Parmi les éléments à prendre en considération pour fixer l'indemnité au sens de l'art. 5 al. 3 LEg figurent avant tout la nature du harcèlement sexuel subi, son intensité et sa durée. Les cas traités par la jurisprudence montrent d'ailleurs qu'il existe une gradation dans les montants accordés selon la gravité de l'atteinte à la personnalité causée par le harcèlement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_74/2019 précité consid. 3.3.4).

Les montants accordés par les tribunaux aux victimes de harcèlement sexuel varient selon les cas. Le Tribunal fédéral a confirmé, sur recours de l'employeur, un jugement cantonal accordant une indemnité de cinq mois de salaire à une apprentie dans la restauration qui avait été violée par son maître d'apprentissage après que celui-ci l'eut enfermée dans un local de nettoyage (arrêt du Tribunal fédéral 4A_330/2007 du 17 janvier 2008). Statuant également sur recours de l'employeur, le Tribunal fédéral a confirmé le versement d'une indemnité d'un mois de salaire à une travailleuse dont l'employeur l'avait saisie par les épaules et l'avait embrassée sur la bouche malgré son refus clairement exprimé (arrêt du Tribunal fédéral 4A_473/2013 du 2 décembre 2013). Dans un autre cas concernant une femme dont l'un des collègues avait affiché ostensiblement, sur son propre écran d'ordinateur, des icones et des photos de femmes nues, et lui avait envoyé, pendant les heures de travail, des courriels contenant des caricatures ou des plaisanteries assez lourdes à caractère sexuel, le Tribunal fédéral a considéré que l'octroi d'une indemnité d'un peu plus de deux mois de salaire restait encore dans les limites du pouvoir d'appréciation conféré à la cour cantonale en la matière ; il a retenu que le comportement de l'intéressé avait en effet revêtu un niveau de gravité non négligeable compte tenu aussi du fait que les comportements incriminés s'étaient répétés pendant plusieurs mois (arrêt du Tribunal fédéral 4C.289/2006 du 5 février 2007). En revanche, le Tribunal fédéral a refusé d'accorder une indemnité selon l'art. 5 al. 3 LEg à une employée qui avait reçu, comme l'ensemble du personnel, trois courriels qui présentaient un léger caractère sexiste dès lors que l'employeur avait très rapidement pris des mesures utiles pour faire cesser la diffusion de courriels contrevenant à la LEg (arrêt du Tribunal fédéral 4A_178/2010 du 14 mai 2010).

Pour calculer cette indemnité sur la base du salaire moyen suisse, indépendamment du salaire réellement touché par la victime de l'atteinte, le Tribunal fédéral se fonde sur le salaire mensuel brut suisse, valeur centrale, tel qu'il ressort des données publiées par L’office fédéral de la statistique (ATF 126 III 395).

Selon la doctrine, le salaire de référence n'est pas le salaire concrètement gagné par l'employé, mais le « salaire moyen suisse ». En effet, le législateur a voulu que le calcul de l'indemnité versée aux victimes d'une atteinte à l'intégrité personnelle ne prenne pas en considération le salaire de la victime, l'atteinte étant la même quelle que soit la rémunération de celle-ci. Le salaire moyen est la moyenne de tous les salaires versés en Suisse. Comme il n'est plus calculé par L’office fédéral de la statistique, le juge se fondera sur le salaire médian (ou valeur « centrale »), qui est le salaire en dessus duquel se situe la rémunération de la moitié des postes et en-dessous duquel se situe l'autre moitié. Selon la dernière enquête publiée, il était, en 2008 de CHF 6'046.-. Il s'agit du salaire médian suisse, et non pas du salaire médian de telle ou telle branche ou de tel sexe (Gabriel AUBERT, in Gabriel AUBERT/Karine LEMPEN [éd.], op. cit., n. 56-57 ad. art. 5 LEg p. 139).

Il s'agit en effet de prendre en compte la valeur centrale médiane, secteurs privés et publics confondus, indépendamment des disparités régionales ou liées à la qualification et à l'âge des travailleurs (Rémy WYLER/Boris HEINZER, op.cit., p. 1121).

Il n'y a rien d'étonnant à cela, car fonder le calcul de l'indemnité convenable sur le salaire effectif aurait pour conséquence choquante que les victimes de harcèlement mieux rémunérées pourraient compter sur une indemnité plus importante que les victimes mal rémunérées (Margrith BIGLER-EGGENBERGER, in Margrith BIGLER-EGGENBERGER/Claudia KAUFMANN [éd.], Commentaire de la loi sur l'égalité, 2000, ad art. 4 LEg, n. 59 p. 118).

En 2020, L’office fédéral de la statistique a indiqué que le salaire mensuel brut (médiane) en Suisse était de CHF 6'665.- (https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/ statistiques/travail-remuneration/salaires-revenus-cout-travail.html, consulté le 9 janvier 2023).

l. L’office du personnel de l'État a édicté un corpus de directives, intitulé MIOPE passant en revue et explicitant l'ensemble des règles relatives aux rapports de service des collaborateurs de l'État.

Selon la fiche MIOPE 08.02.01 « Protection de la personnalité » publiée le 11 août 2016, le Conseil d'État veille à la protection de la personnalité des membres du personnel de l'État. Ceux-ci sont tenus de respecter, dans leurs relations, l'intégrité de chacun. Le harcèlement sexuel et le harcèlement psychologique (mobbing) notamment ne sont pas tolérés. D'une manière générale, la protection de la personnalité des membres du personnel de l'État implique que ceux-ci entretiennent des relations professionnelles empreintes de respect et qu'ils bénéficient d'un environnement de travail sain et exempt de tout comportement pouvant porter atteinte à leur intégrité par une quelconque forme de harcèlement ou de violence physique, verbale ou psychologique. Le respect dû aux membres du personnel implique également que l'employeur veille à l'élimination de toute forme de discrimination, liée notamment au sexe ou à l'origine des personnes. Les responsables hiérarchiques directs sont les premiers garants de la protection de la personnalité de leurs collaboratrices et collaborateurs.

Si des membres du personnel rencontrent des difficultés liées à un conflit du travail ou considèrent faire l'objet d'atteintes à leur personnalité, ils peuvent en premier lieu s'adresser à leur supérieur direct. Si cela ne leur semble pas adéquat, ils peuvent faire appel aux responsables des ressources humaines ou au GdC. De même, il appartient à tout responsable hiérarchique de prévenir et gérer les conflits qu'il constaterait au sein de son équipe. Si besoin, il peut faire appel aux responsables des ressources humaines ou au GdC.

La fiche MIOPE 08.02.02 « Dispositif du Groupe de confiance - Protection des parties et des témoins » publiée le 10 février 2017 rappelle quant à elle la mission du GdC et le processus – procédures.

7) En l'espèce, il n'est pas contesté que la recourante a subi une atteinte à sa personnalité de la part de M. C______ par rapport à la phrase « à chaque fois que je te vois j'ai envie de te sauter » prononcée en avril 2019, laquelle est constitutive de harcèlement sexuel au sens de l'art. 4 LEg.

La recourante reproche à son employeur de ne pas avoir rempli son devoir de diligence. L'autorité intimée considère pour sa part avoir rendu une décision conforme au droit, ayant mis en place une solide politique de prévention du harcèlement antérieure à l'événement d'avril 2019 et avoir réagi à bon escient à la suite de cet épisode.

En matière de prévention, force est de constater que le département n'a pas produit la charte éthique remise à tous les nouveaux membres du personnel de l'administration cantonale, ce qui rend impossible un examen détaillé de son contenu. Cela dit, il semble que la charte éthique en question – ou du moins les grandes lignes de cette charte – soit disponible à l'adresse https://www.ge.ch/document/charte-ethique-administration-cantonale, consulté le 5 janvier 2023. Cette charte exprime les valeurs essentielles sur lesquelles s'appuie le personnel de l'État dans son action quotidienne (le respect, l'impartialité, la disponibilité et l'intégrité). Ainsi, le collaborateur de l'État de Genève doit notamment se conformer aux lois, directives, règlements et procédures et aux exigences fixées par les responsables hiérarchiques et agir avec respect, équité et courtoisie dans les rapports avec les usagers, les collègues et la hiérarchie.

Comme dans le dossier jugé par la chambre d'appel des Prud'hommes (CAPH/218/2005 du 20 octobre 2005), ce type de documentation revêt un caractère très théorique et il n'apparaît pas que soit indiquée la procédure à suivre en cas de harcèlement ou de mobbing. Il ressort de l'EEDM du 29 avril 2015 – entretien portant sur la période de collaboration de neuf mois – de M. C______ que ce document ne l'a pas empêché de tenir en public des propos inadéquats à l'égard de collaboratrices de son groupe disant, à propos de l'une d'elles « qu'il fallait songer à l'arroser de temps en temps » et surnommant une autre « Coco l'asticot » ; ceci alors qu'il venait d'y être engagé et donc de recevoir ladite charte.

Il est certes vrai que la fiche MIOPE 08.02.01 indique que si le membre du personnel rencontre des difficultés liées à un conflit du travail ou considère faire l'objet d'atteintes à sa personnalité, il peut en premier lieu s'adresser à son supérieur direct. Si cela ne lui semble pas adéquat, il peut faire appel aux responsables des ressources humaines ou au GdC avec le renvoi à la fiche MIOPE 08.02.02. Néanmoins, et comme la jurisprudence précitée l'indique, faute de rappels de l'existence de ces fiches, d'informations concrètes ou d'instructions, l'autorité intimée ne peut pas se soustraire à sa responsabilité.

Elle ne le peut d'autant moins qu'il ressort du dossier que ce n'est que le 13 janvier 2021, soit postérieurement à l'événement du mois d'avril 2019, que le préposé – directeur général – de B______ a envoyé à l'ensemble du personnel un message de prévention du harcèlement. Dans ce courriel, il est indiqué à tout collaborateur ses devoirs d'entretenir des relations professionnelles empreintes de respect et son droit à bénéficier d'un environnement de travail sain et exempt de tout comportement pouvant porter atteinte à leur intégrité par une quelconque forme de harcèlement. Le respect dû aux membres du personnel implique également le devoir de l'employeur de veiller à toute forme de discrimination, liée notamment au sexe. Il est rappelé que tout collaborateur doit suivre la formation sur la prévention du harcèlement mise en place fin novembre 2020 sous forme de e-learning. Enfin, il est mis en exergue la possibilité d'obtenir le soutien de la hiérarchie pour mettre fin à des agissements répréhensibles. La fiche MIOPE 08.02.01 (« Protection de la personnalité »), « les messages clés de la formation » et les « indications figurant sur l'IntraDF » sont également à leur disposition.

Si désormais ces outils, par la manière dont ils ont été diffusés et leur caractère concret, démontrent que B______, et plus largement l'État de Genève, ont pris les mesures préventives qui peuvent raisonnablement être attendues de l'employeur, tel n'était pas le cas avant les faits constitutifs de harcèlement sexuel d'avril 2019 subi par la recourante.

L'autorité intimée ne peut donc pas être suivie lorsqu'elle soutient qu'il existait à l'époque des faits constitutifs de harcèlement sexuel une solide politique de prévention.

Par ailleurs et s'agissant de son volet « réaction » à la situation de harcèlement sexuel en cause, soit la phrase prononcée par M. C______ à la recourante, le GdC a établi que cette dernière s'était rendue auprès de son supérieur hiérarchique pour s'en plaindre presque immédiatement après les faits. Il a également retenu que le traitement de la situation par sa hiérarchie n'avait pas été « à la hauteur ». En effet, il a consisté en un échange entre le supérieur hiérarchique et M. C______, et un bref échange ultérieur entre le supérieur hiérarchique et la recourante, le deuxième entretien ayant été centré sur les excuses de M. C______.

La chambre de céans ne peut dans ces conditions que constater le traitement indaéquat fait par la hiérarchie de l'épisode d'avril 2019. En effet, celle-ci n'a proposé à la recourante aucune autre démarche, notamment l'intervention du GdC par exemple. De plus, aucune trace de cet événement n'a été conservée par la hiérarchie, pas plus qu'il n'a été un prétexte ni à une sanction voire au minimum à un rappel des règles de comportement à adopter au travail, en particulier à l'endroit de M. C______. Le supérieur hiérarchique ayant rapidement considéré l'incident clos pour les deux protagonistes. En outre, les pièces du dossier attestent du langage inacceptable de M. C______, très souvent teinté de connotation sexuelle, qui a mis mal à l'aise plusieurs membres du personnel, toute fonction confondue.

D'ailleurs, il a fallu attendre les demandes formelles d'ouverture d'une procédure d'investigation déposée le 29 janvier 2021 par la Conseillère d'État en charge de département et par la recourante le 1er mars 2021 pour que des mesures de protection soient prises en janvier 2021, que les faits soient instruits et qu'ils débouchent, d'une part, sur la décision du département du 9 novembre 2021 constatant que M. C______ avait porté atteinte à la personnalité de la recourante et, d'autre part, sur le prononcé, le 1er février 2022, d'un avertissement à son encontre, étant souligné que, selon le département, un blâme aurait été justifié mais, compte tenu de la prescription, il n'avait pas été possible de le prononcer.

Enfin, dans son courrier du 8 février 2022, le préposé – directeur général – reconnaît lui-même que l'enchaînement des événements ne lui avait pas permis ainsi qu'à la hiérarchie, de mieux déceler le ressenti de Mme A______ pour l'accompagner conformément à son besoin et prendre rapidement les décisions assurant sa protection.

Compte tenu de ces éléments, la chambre de céans retiendra que le département n'a pas apporté la preuve libératoire prévue à l'art. 5 al. 3 LEg.

La recourante est donc en doit d'obtenir une indemnité fondée sur l'art. 5 al. 3 et 4 LEg de la part de son employeur.

Dans la mesure où le GdC a retenu un unique événement constitutif de harcèlement sexuel à l'égard de la recourante, que la phrase prononcée en avril 2019 (« à chaque fois que je te vois j'ai envie de te sauter ») a, selon la décision du département du 9 novembre 2021, profondément choqué et mis mal à l'aise la recourante, que cet épisode l'a conduite la recourante à faire appel à une psychiatre et psychothérapeute dès le mois d'avril 2019 pour l'aider, que son employeur n'a pas donné à la plainte de la recourante une suite formelle et adéquate, que toutefois – sans banaliser la phrase en cause – il s'agit d'un acte de harcèlement verbal et non physique (avec violence ou menace ; voir à ce propos l'arrêt du Tribunal fédéral 8C_74/2019 précité consid. 3.3.4), que l'atteinte subie a été brève et unique, et que la recourante ne peut pas par le biais de la présente procédure revenir sur les autres événements qui, selon elle, seraient constitutifs d'atteinte à sa personnalité non retenus par le GdC, étant souligné qu'elle n'a pas attaqué la décision du département du 9 novembre 2021 retenant une atteinte unique à sa personnalité, la chambre de céans retiendra que le droit à l'indemnité fondé sur l'art. 5 al. 3 LEg doit se trouver dans la tranche minimale prévue par cette disposition.

Par conséquent, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, cette indemnité sera arrêtée équitablement à un mois du salaire moyen suisse brut, soit CHF 6'665.- selon les dernières statistiques publiées sur le site de la Confédération, à l'exclusion de tout autre élément de rémunération et sans la part du treizième salaire pour les mêmes motifs que pour l'utilisation du salaire médian et en raison du fait que pas tous les employés n'en bénéficiaient pas. Cette indemnité ne sera pas soumise à la déduction des cotisations sociales.

L'indemnité portera intérêts moratoires à 5 % l’an dès le 15 avril 2019, soit la date du prononcé de la phrase constitutive de harcèlement sexuel que la recourante a d'abord indiqué selon le compte rendu de l'entretien du 4 décembre 2020 avec les RH (« vers la mi-avril 2019 »), étant en outre relevé que c'est à cette période qu'elle a commencé son traitement auprès de sa psychiatre et psychothérapeute (le 17 avril 2019, selon l'extrait du relevé de sa caisse-maladie).

8) La recourante reproche également au département d'avoir rejeté ses prétentions fondées sur l'art. 5 al. 5 LEg en réparation du tort moral lié au harcèlement sexuel subi et en indemnisation par rapport aux honoraires d'avocats engagés.

a. Selon l'art. 5 al. 5 LEg, sont réservés les droits en dommages-intérêts et en réparation du tort moral, de même que les prétentions découlant de dispositions contractuelles plus favorables aux travailleurs. La personne lésée par une discrimination peut ainsi faire valoir les droits spécifiques de l'art. 5 al. 1 à 4 LEg et, cumulativement, les prétentions en dommages-intérêts et en réparation du tort moral réservées à l'art. 5 al. 5 LEg (ATF 133 II 257 consid 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_74/2019 précité consid. 4.1).

En d'autres termes, l'art. 5 al. 5 LEg laisse subsister pleinement les actions découlant du droit commun et ces indemnités constituent des sommes forfaitaires, dont le versement n’exclut nullement la réparation du préjudice dans le cadre d’une action civile en responsabilité contractuelle ou délictuelle (Gabriel AUBERT, in Gabriel AUBERT/Karine LEMPEN, op.cit., n. 69 ad. art. 5 LEg p. 142).

b. Selon l'art. 14A al. 1 RPAC, les frais de procédure et honoraires d'avocat effectifs à la charge d'un membre du personnel en raison d'une procédure de nature civile, pénale ou administrative initiée contre lui par des tiers pour des faits en relation avec son activité professionnelle sont pris en charge par l'État pour autant que, cumulativement : le membre du personnel concerné ait obtenu au préalable l'accord du chef du département ou de la personne déléguée par lui quant à ladite prise en charge (let. a) ; le membre du personnel n'ait pas commis de faute grave et intentionnelle (let. b) ; et la procédure ne soit pas initiée par l'État lui-même (let. c).

L'art. 14A al. 2 RPAC énonce que les frais de procédure et honoraires d'avocat effectifs liés à une procédure initiée par un membre du personnel en relation avec son activité professionnelle sont également pris en charge pour autant que, cumulativement : le membre du personnel concerné ait obtenu au préalable l'accord du chef du département ou de la personne déléguée par lui, quant à la procédure à intenter (let. a) ; le membre du personnel n'ait pas commis de faute grave et intentionnelle (let. b) et la procédure ne soit pas dirigée contre l'État (let. c).

Les frais de procédure et honoraires d'avocat liés à une procédure initiée par un membre du personnel contre un autre membre du personnel ne sont pas pris en charge (art. 14A al. 3 RPAC).

Les modalités de la prise en charge, notamment les tarifs appliqués et le renvoi à une directive sont expressément prévus par l'art. 14A al. 4 à 9 RPAC.

c. La chambre administrative a régulièrement retenu que la prétention fondée sur l'art. 14A RPAC n’avait pas de fondement de droit public. Elle a donc écarté l’action d’un fonctionnaire, intentée contre l’État, pour le paiement de ses honoraires d’avocat (ATA/720/2021 du 6 juillet 2021 consid. 5c et les arrêts cités).

Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a retenu que l'État avait mis en place le mécanisme de résolution de litige par le GdC, dans le but que ses collaborateurs n'aient pas à recourir aux services d'avocats, précisément pour apaiser les conflits. Le souhait du législateur était de restreindre la prise en charge des honoraires d'avocat aux seuls fonctionnaires qui seraient touchés dans leur indépendance par une action d'un justiciable. Le législateur avait voulu préciser cela en adoptant l'al. 3 de l'art. 14A RPAC, lequel énonçait clairement que les frais de procédure et honoraires d'avocat liés à une procédure initiée par un membre du personnel contre un autre membre du personnel ne sont pas pris en charge par l'État (ATA/1040/2016 du 13 décembre 2016 consid. 8c).

La chambre de céans a également jugé que l'introduction du nouvel art. 14A al. 3 RPAC avait clarifié la situation du paiement des honoraires d'avocat liés à une procédure « initiée par un membre du personnel contre un autre membre du personnel », en l'excluant de manière explicite. Il s'agissait d'un texte clair. En outre, la disposition en cause n'était pas contraire à la LPAC, et s'inscrivait dans l'exercice de la compétence de la conduite de l'administration qui revient au Conseil d'État selon l'art. 106 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) (ATA/1740/2019 du 3 décembre 2019 consid. 9).

Le Tribunal fédéral a enfin confirmé l'ATA/720/2021 précité concernant l'art. 14A du règlement fixant le statut des membres du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles du 12 juin 2002 (RStCE - B 5 10.04), lequel est strictement identique à l’art. 14A RPAC (arrêt du Tribunal fédéral 8C_630/2021 du 1er décembre 2022). La juridiction supérieure a notamment considéré qu'il n'était pas arbitraire de considérer qu'une enquête administrative ne constituait pas une procédure administrative au sens de l'art. 14A RStCE. La fiche MIOPE 01.07.03 faisait en effet clairement référence à des procédures initiées par la justice, c'est-à-dire à des procédures judiciaires, ce qui n'était pas le cas d'une enquête administrative. Il a également mis en exergue le fait qu'il n'était pas rare, dans différents domaines de l'activité étatique, que des citoyens soient tenus, pour défendre utilement leurs intérêts, de participer à une procédure administrative assistés d'un mandataire juridique, sans pouvoir prétendre à des dépens sur la base du droit cantonal (arrêts du Tribunal fédéral 8C_630/2021 précité consid. 6.4 et 6.6 ; 1P.145/2000 du 17 mai 2000 consid. 3b).

d. De jurisprudence constante, la chambre de céans a retenu que les prétentions revendiquées en vertu de l'art. 5 al. 5 LEg – sauf en cas de licenciement discriminatoire (ATA/805/2015 du 11 août 2015 consid. 12) – ne relevaient pas de sa compétence, mais de celle du Tribunal civil de première instance (ci-après : TPI) (art. 7 al. 1 LREC ; ATA/915/2016 du 1er novembre 2016 consid. 14 ; ATA/846/2016 du 11 octobre 2016 ; ATA/908/2010 du 20 décembre 2010 consid. 9a).

e. En l'occurrence, en application de la jurisprudence précitée, le chef de conclusions de la recourante en indemnisation pour tort moral est irrecevable.

S'agissant de la prise en charge des frais et honoraires d'avocat, la compétence de la chambre de céans pour traiter ce poste de dommage peut souffrir de rester indécise. En effet, comme la jurisprudence précitée l'indique, la prétention fondée sur l'art. 14A RPAC n'a pas de fondement de droit public. En outre, le mécanisme de résolution de litige par le GdC a justement pour but que ses collaborateurs n'aient pas à recourir aux services d'avocats. De plus, l'art. 14A al. 3 RPAC a clairement exclu une prise en charge par l'État des honoraires d'avocat liés à une procédure initiée par un membre du personnel contre un autre membre du personnel. Enfin, les principes dégagés par l'arrêt du Tribunal fédéral 8C_630/2021 précité peuvent s'appliquer mutatis mutandis à la présente cause. Ainsi, dès lors que la procédure menée par-devant le GdC ne constitue pas une procédure administrative au sens de l'art. 14A RPAC, la recourante ne peut pas prétendre à une prise en charge par l'État de ses honoraires d'avocat quand bien même elle était en droit de se faire assister par un mandataire professionnellement qualifié durant la procédure.

En définitive, les recours seront partiellement admis. Les décisions attaquées seront annulées en tant qu'elles refusent à la recourante une indemnité fondée sur l'art. 5 al. 3 et 4 LEg. Elles seront confirmées pour le surplus.

9) La procédure étant gratuite en matière d’égalité entre femmes et hommes (art. 13 al. 5 LEg), aucun émolument ne sera prélevé (art. 87 al. 1 LPA). Il n’y a pas lieu à l’allocation d’une indemnité de procédure, la recourante comparant en personne et n'exposant pas de frais pour sa défense (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

préalablement :

ordonne la jonction des causes A/1572/2022 et A/2028/2022 sous le numéro A/1572/2022 ;

au fond :

admet partiellement, dans la mesure où ils sont recevables, les recours interjetés les 13 mai et 20 juin 2022 par Mme A______ contre les décisions du département des finances et des ressources humaines du 30 mars 2022 et du 18 mai 2022 ;

annule les décisions du département des finances et des ressources humaines du 30 mars 2022 et du 18 mai 2022 en tant qu'elles refusent à Mme A______ une indemnité fondée sur l'art. 5 al. 3 et 4 de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (LEg - RS 151.1) ;

condamne l’État de Genève (département des finances et des ressources humaines) à verser à Mme A______ une indemnité correspondant à un mois du salaire moyen suisse brut, soit CHF 6'665.-, à l'exclusion de tout autre élément de rémunération et sans le treizième salaire, l'indemnité n'étant pas soumise aux déductions des cotisations sociales et portant intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 15 avril 2019 ;

confirme les décisions du département des finances et des ressources humaines du 30 mars 2022 et du 18 mai 2022 pour le surplus ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Mme A______ ainsi qu'au département des finances et des ressources humaines.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Marmy

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :