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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2975/2006

ATA/14/2007 du 16.01.2007 ( DI ) , REJETE

Descripteurs : ; QUALITÉ POUR AGIR ; AUTORISATION D'EXERCER ; PROFESSION ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : CES.9.al1.letc ; CES.9.al1.letd
Résumé : Retrait de l'autorisation d'engagement d'un agent de sécurité privé ayant reconnu un détournement de fonds à l'encontre de son pupille. Au vu de la courte durée d'exercice de la profession et malgré un bon certificat de travail, le recourant n'a pas été en mesure de s'amender. Rappel de la jurisprudence relative aux notions d'honorabilité (ou actes incompatibles avec la sphère d'activité envisagée) et de solvabilité.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2975/2006-DI ATA/14/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 16 janvier 2007

dans la cause

 

 

 

 

Monsieur G______
représenté par Mes Nathalie Fluri et Frédéric Dovat, avocats

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS


 


1. Le 14 décembre 2004, X______ S.A. (ci-après : X______), exploitant une agence de sécurité privée à C______, a sollicité du département de justice, police et sécurité, devenu depuis lors le département des institutions (ci-après : le département) l'autorisation d'engager Monsieur G______, né en 1970 et domicilié à Lausanne, en qualité d'agent de sécurité.

A l'appui de sa requête, X______ a produit une liste des poursuites concernant M. G______ établie par l'office des poursuites de Lausanne-Est le 30 novembre 2004 attestant des poursuites totalisant CHF 53'219.- dont la majeure partie était au stade de la saisie. En revanche, ledit document ne faisait mention d'aucun acte de défaut de biens. X______ a également produit une déclaration de l'office des faillites de l'arrondissement de Lausanne du 10 décembre 2004 selon laquelle M. G______ n'avait jamais fait l'objet d'une mise en faillite.

2. Le 20 janvier 2005, le commissariat de police a donné un préavis favorable à la requête de X______.

3. Par arrêté du 27 janvier 2005, le département a autorisé X______ à engager M. G______ en qualité d'agent de sécurité, ladite autorisation étant valable jusqu'au 26 janvier 2009.

4. Conformément à l'article 14 du concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996 (ci-après : le concordat - I 2 14), la police cantonale vaudoise a, par lettres des 28 février et 24 avril 2006, transmis au département les renseignements suivants concernant M. G______ :

a. L'intéressé était un ancien gendarme licencié pour justes motifs avec effet immédiat le 21 juin 2004, non sans avoir fait l'objet auparavant de multiples mises en garde de la part de ses supérieurs et d'un avertissement avec menace de renvoi de la part du chef du département de la sécurité et de l'environnement. En substance, l'Etat de Vaud reprochait à M. G______ son inaptitude à gérer la relation très conflictuelle qu'il entretenait avec son épouse, Madame G______, qui avait fini par empiéter sur sa vie professionnelle et desservir l'image de la gendarmerie.

b. La police avait dû intervenir à réitérées reprises auprès des époux G______ pour causes de violences conjugales, ce, même après la séparation du couple le 16 avril 2003.

c. Le 21 mai 2004, Mme G______ avait déposé plainte à l'encontre de son mari pour lésions corporelles simples, lésions corporelles simples qualifiées, voies de fait qualifiées, dommages à la propriété, injures et abus d'une installation de télécommunication.

Entendu le même jour par ses collègues sur ordre du juge d'instruction vaudois, M. G______ a reconnu avoir harcelé son épouse sur son lieu de travail au moyen de son téléphone portable privé ou de son téléphone professionnel. Il a également admis entretenir une relation très conflictuelle avec son épouse et être "au bord du gouffre", au point de vouloir se faire soigner en milieu hospitalier.

Le 31 mai 2004, l'intéressé a également déposé plainte contre son épouse pour lésions corporelles simples qualifiées, tentative de lésions corporelles simples qualifiées, menaces et dénonciation calomnieuse.

Suite aux retraits des plaintes des époux G______, le juge d'instruction vaudois a rendu, le 2 février 2005, une ordonnance de non-lieu.

d. M. G______ était domicilié à Montreux avant de s'installer à Lausanne. Lors de la demande d'autorisation d'engagement de M. G______ le 14 décembre 2004, X______ a omis de produire la liste des poursuites concernant l'intéressé, établie par l'office des poursuites et des faillites de Montreux. Ledit document daté du 23 novembre 2003, transmis au département par la police cantonale vaudoise, faisait état de poursuites à hauteur de CHF 16'283,55, deux d'entre elles étaient au stade de la saisie.

5. Le 16 mai 2006, la police cantonale vaudoise a entendu M. G______ en qualité de prévenu d'abus de confiance qualifié à l'encontre de Monsieur N______. Le lendemain, l'autorité a transmis le procès-verbal y relatif au département.

Lors de son audition, M. G______ a expliqué avoir été nommé en 1994 tuteur de M. N______, décédé en 2002.

En 2001, M. N______, alors en fin de vie, l'avait prié de procéder à des prélèvements en espèces sur ses comptes, afin de réunir CHF 6'000.- et de remettre cette somme à son fils. Son pupille souhaitait par là favoriser ce dernier dans sa succession au détriment de son épouse et de son ex-épouse. Titulaire d'une signature individuelle sur les comptes de son pupille, M. G______ n'avait alors pas remis cet argent au fils de celui-ci mais l'avait utilisé pour payer ses propres factures. Puis, il avait signé une reconnaissance de dette en faveur du fils de M. N______ et, depuis, lui avait remboursé CHF 1'500.-.

La police a constaté que de nombreux prélèvements en espèces sur les comptes de M. N______ étaient suivis, le même jour, de versements correspondants sur le compte de M. G______. Ce dernier a toutefois nié avoir détourné d'autres montants que les CHF 6'000.- et a ajouté avoir fait l'erreur de ne jamais faire signer à M. N______ de récépissés relatifs aux montants prélevés.

Enfin, M. G______ a reconnu avoir environ CHF 50'000.- de poursuites, y compris des actes de défaut de biens.

A l'occasion de cette audition, la police a retiré à l'intéressé son arme de service, son permis de port d'arme ainsi que sa carte d'agent de sécurité.

6. Par lettre du 23 mai 2006, M. G______ a requis du département la restitution de sa carte d'agent de sécurité aux motifs que le montant total des actes de défaut de biens était peu important, que le tribunal des Prud'hommes vaudois lui avait octroyé un certain montant dans la procédure qui l'opposait à son ancien employeur, l'Etat de Vaud, et que sa carte d'agent de sécurité était toujours valable.

7. L'office des poursuites de l'arrondissement de Lausanne-Est avait prononcé une saisie de salaire à hauteur de tout montant dépassant son minimum vital, à savoir CHF 2'350.- de juin à août 2005 et CHF 2'500.- dès septembre 2005.

8. Par lettre recommandée du 24 mai 2006, le département a informé M. G______ de son intention de révoquer l'autorisation d'engagement. L'intéressé ne remplissait plus les conditions d'honorabilité et de solvabilité exigées par l'article 9 alinéa 1, lettres c et d du concordat. Le département lui a imparti un délai au 8 juin 2006 pour qu'il se détermine. Il lui a, provisoirement, restitué sa carte de légitimation.

9. Le 30 mai 2006, M. G______ a sollicité du département une prolongation de ce délai. Il était cité à comparaître le 2 juin 2006 devant le juge d'instruction dans le cadre de la procédure pénale pour abus de confiance qualifié précitée et le 15 juin 2006 devant le tribunal des Prud'hommes dans la procédure qui l'opposait à l'Etat de Vaud.

10. Par l'intermédiaire de son conseil, M. G______ a requis du département un nouveau délai au 10 juillet 2006 pour le dépôt de ses écritures.

11. Le département a prolongé le délai au 26 juin 2006. M. G______ devait en outre produire un nouvel extrait de l'office des poursuites de Lausanne-Est, avec mention des éventuels actes de défaut de biens délivrés.

12. Par télécopie du 22 juin 2006, M. G______ a sollicité du département une copie des directives de la commission concordataire relatives à la garantie d'honorabilité au sens de l'article 9 alinéa 1 lettre c du concordat, celles-ci étant indispensables à la défense de ses intérêts.

13. Le département a refusé de transmettre à l'intéressé ces directives internes à l'administration. Les dispositions en vigueur exigeaient que le candidat offre, par ses antécédents, son caractère et son comportement, toute garantie d'honorabilité relative à la sphère d'activité envisagée. Par ailleurs, selon le département, depuis la modification du concordat, l'autorité administrative n'était plus liée par un jugement pénal.

14. Le 26 juin 2006, M. G______ a requis du département le maintien de l'autorisation de son engagement par X______ en qualité d'agent de sécurité puisqu'il offrait, par ses antécédents, son caractère et son comportement, une garantie d'honorabilité suffisante concernant la sphère d'activité envisagée et qu'il ne saurait être considéré comme insolvable.

a. S'agissant de l'abus de confiance qualifié qui lui était reproché en 2001 à l'encontre de son pupille, il bénéficiait de la présomption d'innocence. Même s'il avait "emprunté indûment" la somme de CHF 6'000.-, il avait reconnu devoir cette somme au fils de M. N______, avait remboursé CHF 1'500.- et s'acquitterait du solde dans les plus brefs délais. L'intention de commettre l'infraction susmentionnée faisant défaut, la procédure pénale pendante n'aboutirait vraisemblablement pas à une condamnation. Il contestait tout autre détournement.

b. Son comportement prétendument violent à l'égard de son épouse n'avait pas pu être établi. Le juge d'instruction avait d'ailleurs rendu une ordonnance de non-lieu. En sus, conformément à la jurisprudence du Tribunal administratif, il y avait lieu de relativiser les plaintes déposées dans le cadre familial.

Ses problèmes conjugaux ne concernaient pas la sphère d'activité professionnelle. Enfin, les faits incriminés avaient eu lieu au début de l'année 2004 ; depuis, aucune plainte pénale n'avait été déposée.

c. Il avait déposé, le 18 juin 2005, une demande en paiement de CHF 66'235,05 avec intérêts à titre d'indemnité pour licenciement injustifié. Compte tenu des indications fournies lors de l'audience de jugement du 15 juin 2006, il obtiendrait vraisemblablement une indemnité permettant de payer la quasi-totalité de ses créanciers.

d. Au 30 mai 2006, quinze actes de défaut de biens avaient été délivrés à son encontre, pour un montant total de CHF 49'933,39 et à cette même date, les poursuites dont il était l'objet s'élevaient à CHF 61'040,54. La plupart des poursuites récentes émanaient de créanciers, titulaires d'actes de défaut de biens et ayant requis de nouvelles saisies de salaires. Ces actes de défaut de biens ne concernaient qu'une brève période. Il remboursait mensuellement ses créanciers à raison de CHF 1'000.- à CHF 2'000.- par mois. Au regard de la jurisprudence du Tribunal administratif, il ne devait pas être considéré comme insolvable dans la mesure où il pouvait redresser sa situation financière et amortir régulièrement ses dettes.

e. La saisie de sa carte de légitimation par la police vaudoise semblait être une mesure de représailles en raison de la procédure qu'il avait introduite contre l'Etat de Vaud devant le Tribunal des Prud'hommes.

La saisie de sa carte de légitimation ne saurait constituer un fondement valable au retrait de l'autorisation d'engagement accordée à X______.

f. Enfin, il produisait un certificat de travail intermédiaire établi le 15 mai 2006 par X______. Son employeur était entièrement satisfait de son travail.

15. Suite à une demande de renseignements du département, M. G______ a fourni le 7 juillet 2006 les informations suivantes:

a. En tenant compte de toutes les poursuites et actes de défaut de biens au 30 mai 2006, il devait au total CHF 68'985,69.

b. Par jugement du 19 juin 2006, le Tribunal des Prud'hommes avait condamné l'Etat de Vaud à lui verser :

- CHF 12'526,85, sous déduction des charges sociales, avec intérêts à 5% l'an à compter du 15 août 2004 ;

- CHF 4'562,10, sous déduction des charges sociales, avec intérêts à 5% l'an à compter du 1er octobre 2004 ; ainsi que :

- CHF 5'999,85, montant net, avec intérêts à 5% dès le 21 juin 2005.

Le tribunal lui avait également alloué des dépens à hauteur de CHF 5'241.-.

Ledit jugement n'était pas encore définitif et exécutoire car les parties pouvaient en requérir sa motivation, et, le cas échéant, recourir. Le dispositif dudit jugement avait été transmis au département.

c. Le recourant se disait en mesure de rembourser rapidement ses dettes grâce aux montants que son précédent employeur devait lui verser d'une part et d'autre part par le biais des saisies importantes d'ores et déjà effectuées sur son salaire.

d. Son audition en qualité de prévenu d’abus de confiance qualifié qui devait avoir lieu le 2 juin 2006 avait été reportée. En outre, la loi de procédure pénale vaudoise interdisait la transmission au département du procès-verbal de cette future audition.

16. Sur demande du département du 12 juillet 2006, M. G______ a informé ce dernier le jour même que l'Etat de Vaud avait demandé la motivation du jugement prud'homal.

17. Le 14 juillet 2006, le département a retiré l'autorisation d'engagement de M. G______ délivrée à X______ le 14 décembre 2004.

18. Par lettre recommandée du 16 août 2006, M. G______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif, en concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif et principalement, au maintien de l'autorisation précitée.

19. Dans sa réponse sur effet suspensif, respectivement sur mesures provisionnelles du 23 août 2006, le département a constaté que sa décision n'ayant pas été déclarée exécutoire nonobstant recours, ce dernier avait effet suspensif en application de l'article 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

20. Par décision présidentielle du 28 août 2006, la requête en mesures provisionnelles et celle en restitution de l'effet suspensif ont été considérées comme sans objet, ledit recours ayant effet suspensif ex lege.

21. Le 12 septembre 2006, le département a conclu au rejet du recours.

22. Les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle le 13 octobre 2006. Elles ont persisté dans leurs conclusions.

a. M. G______ travaillait toujours en qualité d'agent de sécurité pour le compte de X______. Il effectuait des surveillances sur des sites sensibles, à savoir des bijouteries et des banques notamment. Son employeur était entièrement satisfait de ses prestations. Il a, par ailleurs, requis l'audition de deux de ses collègues en tant que témoins.

Il n'avait pas reçu la motivation du jugement du Tribunal des Prud'hommes et a contesté s'être rendu coupable d'un abus de confiance car il n'avait jamais eu l'intention de s'enrichir.

Il avait une formation d'employé de commerce mais n'avait plus exercé d'activité dans ce domaine depuis 1994, de sorte qu'il lui serait difficile de retrouver un travail dans cette branche.

Enfin, il a requis la suspension de la procédure administrative jusqu'à l'obtention d'une décision finale par le Tribunal des Prud'hommes.

b. Le représentant du département a sollicité l'apport de la procédure pénale concernant l'abus de confiance en précisant toutefois que l'autorité administrative pouvait tenir compte du comportement et des agissements du recourant indépendamment du fait que ces derniers aient été ou seraient poursuivis pénalement. Enfin, il s'est opposé à la requête de suspension de la procédure.

c. Le tribunal de céans a ordonné l'apport de la procédure pénale précitée (PE06.001685-JTR).

23. Par courrier du 8 novembre 2006, le Tribunal administratif a transmis aux parties certaines pièces de la procédure pénale extraites du dossier transmis par le juge d'instruction vaudois. Le tribunal a, par ailleurs, relevé que le magistrat précité avait prononcé, dans son ordonnance rendue le 2 août 2006, le séquestre de la créance de M. G______ envers l'Etat de Vaud dès qu'elle sera reconnue par le Tribunal des Prud'hommes.

Le tribunal de céans a rejeté la requête en suspension de la procédure administrative formulée par M. G______.

24. Le 28 novembre 2006, le département a constaté que la procédure pénale portait sur des détournements de plusieurs dizaines de milliers de francs et que le prétendu remboursement des CHF 1'500.- à l'égard du fils de M. N______ était contesté par celui-ci, lequel alléguait n'avoir reçu que CHF 500.-.

En outre, l'ordonnance du 2 août 2006 dont M. G______ n'avait pas fait état, confirmait que l'insolvabilité générale et durable du recourant était appelée à se prolonger.

25. Le 30 novembre 2006, le recourant a réitéré sa requête en suspension de la procédure administrative.

Il n'avait détourné que CHF 6'000.-. Le séquestre ne pourrait porter que sur cette somme. Le solde de la créance dont il était titulaire suffirait à rembourser une grande partie de ses créanciers.

Enfin, M. G______ a persisté dans sa demande d'audition de deux de ses collègues.

26. Le 13 décembre 2006, Madame L______, cheffe de X______ Romandie, et Monsieur M______, directeur des ressources humaines de X______, ont été entendus.

a. Mme L______ savait que le recourant faisait l'objet d'une instruction pénale et qu'il rencontrait des difficultés financières. Elle était entièrement satisfaite du travail de cet employé, ce "d'autant plus qu'il aurait été aisé pour ce dernier de dérober des valeurs auprès de X______ ou de ses clients". Au contraire, il lui avait prouvé qu'elle pouvait lui faire confiance.

b. M. M______ a précisé que X______ n'avait aucun motif professionnel de licencier M. G______ et qu'il était nécessaire que ce dernier puisse continuer à travailler afin de rembourser ses dettes consécutives à sa séparation.

27. Sur quoi la cause a été gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Directement concerné par la décision attaquée, M. G______ a qualité pour agir (art. 60 litt. b LPA). Le Tribunal administratif a reconnu cette qualité à l'employé même si l'employeur requérant n'a pas recouru (ATA/419/2006 du 26 juillet 2006 ; ATA/444/2005 du 21 juin 2005 et les références citées).

3. Le concordat a été modifié par la convention portant révision du concordat, du 3 juillet 2003 (ci-après : la convention). Le Grand Conseil a adopté, le 11 juin 2004, une loi modifiant la loi concernant le concordat du 2 décembre 1999 (loi sur le concordat - I 2 14.0). Ce texte autorise le Conseil d’Etat à adhérer à la convention. Il contient une disposition transitoire, selon laquelle les procédures administratives et judiciaires pendantes à l’entrée en vigueur de la convention sont régies par le nouveau droit.

La demande de X______ datant du 14 décembre 2004, la procédure est donc entièrement régie par les nouvelles dispositions.

4. La suspension de la procédure administrative jusqu'à droit jugé par les autorités pénales n'est pas nécessaire dans la mesure où le défaut de la condition d'honorabilité qui sera examiné ci-dessous est établi.

5. Les faits fondant le retrait de l'autorisation d'engagement de M. G______ sont antérieurs à la délivrance de ladite autorisation, intervenue le 27 janvier 2005.

Il convient dès lors de déterminer si l'autorité intimée pouvait, dans des conditions équivalant à une révocation, retirer l'autorisation précitée.

Selon la jurisprudence et la doctrine (ATA/82/2006 du 9 février 2006 ; ATA/277/2004 du 30 mars 2004 et P. MOOR, Droit administratif : Les actes administratifs et leur contrôle, Berne 2002, 2ème édition, p. 236 n° 243), la décision administrative est un acte unilatéral, modifiable unilatéralement. Les décisions doivent être conformes à l'ordre juridique. L'administré ne peut s'opposer à la modification d'une décision illégale, sauf s'il incombait à l'autorité de faire les investigations nécessaires et qu'il est lui-même de bonne foi.

6. a. L’intérêt de la collectivité publique à ce que les agents de sécurité soient irréprochables résulte de l’article 9 alinéa 1 lettre c du concordat. La personne qui veut exercer une telle profession doit offrir, par ses antécédents, par son caractère et son comportement, toute garantie d’honorabilité concernant la sphère d’activité envisagée.

La notion d'actes incompatibles avec la sphère d'activité envisagée ou d'honorabilité fait régulièrement l'objet d'arrêts du tribunal de céans (ATA/419/2006 déjà cité ; ATA/191/2005 du 5 avril 2005).

En substance, le Tribunal administratif tient compte, à cet égard, de l'importance des infractions commises, de la nature de l'atteinte portée ou de la sphère d'intérêts touchée. En règle générale, le fait de commettre des actes de violence justifie le refus de l'autorisation de travailler en qualité d'agent de sécurité. Seules des circonstances particulières, comme une activité professionnelle sans reproche pendant de nombreuses années, peuvent permettre de s'écarter de cette règle. S’agissant d’un abus de confiance, le tribunal de céans a eu l’occasion de juger que cette infraction n’était pas anodine et entrait manifestement dans la notion des actes incompatibles avec la sphère d’activité envisagée, la fonction impliquant précisément que l’on puisse faire une grande confiance aux personnes exerçant une telle profession (ATA/68/2006 du 7 février 2006 ; ATA/651/2002 du 5 novembre 2002).

L'exigence d'honorabilité doit permettre d’examiner si le comportement de l’intéressé est compatible avec l’activité pour laquelle l’autorisation est requise, même si le candidat concerné n’a pas été condamné pénalement (ATA/68/2006 précité ; ATA/972/2004 du 14 décembre 2004 et ATA/686/2004 du 31 août 2004). Les menaces et les plaintes déposées dans le cadre familial doivent être relativisées (ATA/658/2004 du 24 août 2004 ; ATA/683/2001 du 30 novembre 2001 ; ATA/909/2003 du 9 décembre 2003).

b. En l’espèce, les actes de violence conjugale reprochés au recourant ne sont pas en relation directe avec l’exercice de la profession d’agent de sécurité. Cependant ces actes répétés ont amené l'Etat de Vaud à le licencier, sa vie privée perturbant de manière inacceptable son activité professionnelle de policier.

L'incidence de tels actes sur le retrait d'autorisation n'a pas à être tranchée en l'espèce puisque le recourant est par ailleurs prévenu d'abus de confiance qualifié.

En l'état, il est certes au bénéfice de la présomption d'innocence mais le Tribunal administratif ne peut méconnaître les faits que M. G______ a reconnus, à savoir avoir détourné CHF 6'000.- appartenant à son pupille. Ce comportement est totalement inadmissible, qui plus est dans le cadre d'un mandat officiel. Or, on est en droit d’attendre d’un agent de sécurité une conduite irréprochable (ATA/469/2005 du 28 juin 2005 ; ATA/191/2005 précité).

7. a. L’autorisation d’engager du personnel n’est accordée que si l’agent de sécurité est solvable ou ne fait pas l’objet d’actes de défaut de biens définitifs (art. 9 al. 1 litt. d du concordat).

Cette exigence de solvabilité répond à un but d’intérêt public, soit la prévention des abus dans un domaine où les relations professionnelles sont fondées sur la confiance (ATA/390/2005 du 24 mai 2005).

Elle se retrouve dans d’autres lois, notamment dans la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA – RS 935.61), la loi genevoise sur les agents intermédiaires du 20 mai 1950 (I 2 12 ; art. 3 let. b), ainsi que dans la loi sur les taxis et limousines du 21 janvier 2005 (LTaxis - H 1 30 ; art. 8 al. 2 litt. b, 12 al. 1 litt. c, 13 al. 1 litt. b et 15 al. 1 litt. c).

L'insolvabilité est une notion de droit fédéral. Le débiteur est insolvable lorsqu'il ne dispose pas de moyens liquides suffisants pour acquitter ses dettes exigibles. Cet état ne doit toutefois pas être passager (A. FAVRE, Droit des poursuites, Fribourg 1974, p. 285; P.-R. GILLIERON, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, Lausanne 1988, p. 265). Il y aura insolvabilité notamment en cas de faillite, concordat ou saisie infructueuse (ATA/639/2003 du 26 août 2003 et les références citées ; P. ENGEL, Traité des obligations en droit suisse, Neuchâtel 1973, p. 444).

Selon la jurisprudence constante du tribunal de céans, seul celui dont l'insolvabilité s'est étendue sur certaines périodes sans qu'il ait pu redresser sa situation financière et amortir régulièrement ses dettes doit être considéré comme insolvable (ATA/444/2005 et ATA/639/2003 précités).

b. Dans le cas d’espèce, il est établi que la situation financière du recourant est obérée et qu’il fait l’objet de nombreux actes de défaut de biens totalisant près de CHF 50'000.-. Plusieurs poursuites sont également en cours pour un montant d'environ CHF 60'000.-. Une procédure pour abus de confiance portant sur des dizaines de milliers de francs est ouverte à son encontre. Certes, une saisie est effectuée mensuellement sur son salaire et un jugement prud'homal a condamné l'Etat de Vaud à lui verser environ CHF 20'000.- mais ce jugement n'est pas définitif ni exécutoire. La suspension de la procédure administrative jusqu'à l'obtention d'un jugement civil définitif n'est toutefois pas nécessaire dans la mesure où le juge d'instruction a d'ores et déjà ordonné le séquestre de la créance de l'Etat, dans le cas où les abus de confiances qualifiés devaient s'avérer fondés. En outre, la créance de CHF 20'000.- ne suffirait pas à amortir les dettes du recourant. Cet état d’insolvabilité doit être qualifié de durable.

8. a. Le principe de la proportionnalité gouverne toute activité étatique en application de l'article 36 alinéa 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. féd. - RS 101). Il commande que toute restriction à un droit fondamental, telle la liberté économique, soit proportionnée au but visé.

Ce principe se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé, de nécessité - qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001, consid. 2c ; ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482).

Le tribunal de céans apprécie différemment la situation des personnes qui exercent déjà une activité d’agent de sécurité des autres situations. Il convient d’observer plus de retenue lorsqu’une personne exerce déjà cette activité, l’atteinte à la liberté économique de l’intéressé étant alors plus grande (ATA/82/2006 du 9 février 2006 ; ATA/972/2004 du 14 décembre 2004 et ATA/686/2004 du 31 août 2004).

b. En l'espèce, le recourant exerce l'activité d'agent de sécurité depuis février 2005 à l'entière satisfaction de son employeur. Il ne peut donc pas se prévaloir d'une longue pratique de la profession ni de son expérience de policier puisqu'il a été révoqué (a contrario ATA/68/2006 déjà cité).

Enfin, l’atteinte à la liberté économique de l’intéressé n'est pas telle qu'elle l'empêche d’embrasser toute autre profession qui ne serait pas soumise à une autorisation du même type.

En conclusion, le principe de proportionnalité est respecté.

9. Selon l’article 13 du concordat, l’autorité qui a accordé l’autorisation doit la retirer lorsque le titulaire ne répond plus notamment aux conditions d'honorabilité et de solvabilité (art. 9 al. 1 litt. c et d du concordat).

10. La décision de révocation entreprise, qui repose sur une base légale formelle, satisfait ainsi pleinement au principe de la proportionnalité, seule l'interdiction d'exercer la profession d'agent de sécurité étant de nature à permettre d'atteindre le but visé.

11. Mal fondé, le recours sera rejeté.

Malgré l’issue de la procédure, aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant qui plaide au bénéfice de l’assistance juridique (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 août 2006 par Monsieur G______ contre la décision du département des institutions du 14 juillet 2006 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’aucun émolument ne sera perçu ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Nathalie Fluri et Frédéric Dovat, avocats du recourant ainsi qu'au département des institutions.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :