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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1285/2003

ATA/909/2003 du 09.12.2003 ( JPT ) , REJETE

Descripteurs : AGENT DE SECURITE; PROFESSION; AUTORISATION D'EXERCER; CONDAMNATON; JPT
Normes : CES.9 al.1 litt.c
Résumé : Refus d'autorisation d'exercer la profession d'agent de sécurité vu la condamnation de l'intéressé pour lésions corporelles simples sur la personne de son épouse.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 9 décembre 2003

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur R. H.

représenté par Me Serge Rouvinet, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

DÉPARTEMENT DE JUSTICE, POLICE ET SÉCURITÉ

 



EN FAIT

 

 

1. Monsieur R. H., né le ... de nationalité française, est établi dans le canton de Genève où il y exerce la profession de maître de sport dans un centre de "fitness".

2. Le 12 mai 2003, la société Y., de siège à Genève (ci-après : la société), a déposé auprès du service des autorisations et patentes, qui relève du département de justice, police et sécurité (ci-après : le DJPS), une demande en vue d'autoriser M. H. à exercer la profession d'agent de sécurité.

 

3. Le 5 juin 2003, la police judiciaire a transmis au DJPS copie des rapports établis à l'encontre du dénommé H.. Il en ressort les éléments suivants :

 

- Selon un rapport de la brigade des enquêtes générales du 13 mai 1998, plainte avait été déposée en date du 30 avril de la même année par Mme N. T., alors épouse de M. H., pour avoir été frappée et traînée dans les escaliers de l'immeuble où habitaient les conjoints. Un certificat médical du même jour mentionnait notamment des discrètes tuméfactions de la tempe et du nez, une dermabrasion lombaire, ainsi que des hématomes multiples (biceps gauche, genou gauche, quadriceps gauche). Les faits ont été confirmés par les voisins, qui avaient vu M. H. traîner son épouse par les cheveux ainsi que la frapper au visage et qui ont accompagné la victime au poste de police. Par ordonnance du 12 août 1998, un substitut de Monsieur le Procureur général a condamné M. H. à la peine de dix jours d'arrêt avec sursis pendant deux ans pour lésions corporelles simples;

 

- selon un rapport dressé par la gendarmerie d'Onex en date du 28 mars 2001, M. H. avait frappé Mme A. K., sa voisine, à l'occasion d'une dispute. Un certificat médical, daté du 5 mars 2001, décrivait notamment une discrète tuméfaction de la joue gauche, les lésions présentées étant compatibles avec les déclarations de la patiente, soit une gifle. La plainte de la victime de M. H. a été classée par un substitut de Monsieur le Procureur général, sauf faits nouveaux.

 

4. Par arrêté du 25 juin 2003, le DJPS a refusé l'engagement de M. H. par la société, motif pris de la condamnation du 12 août 1998 et des renseignements de police défavorables.

 

5. Par acte du 25 juillet 2003, M. H., ayant constitué avocat, a recouru contre la décision précitée. Il a exposé s'être marié en 1972 (sic; recte : 1991) et avoir connu des difficultés dans son couple, ce qui l'avait entraîné à frapper son épouse, laquelle aurait alors déposé une plainte pénale "pour faire pression sur le recourant". L'intéressé ne s'est pas étendu sur les faits survenus au mois de mai 2001 et a exposé la jurisprudence du tribunal de céans en matière d'actes incompatibles avec la sphère d'activité professionnelle envisagée, soit en l'espèce celle d'agent de sécurité. Les faits étant sans rapport avec l'activité envisagée et l'intéressé n'ayant pas eu recours à une arme ou à un objet dangereux, il considérait que le refus que lui avait opposé l'autorité intimée était contraire au principe de la proportionnalité. Il conclut dès lors à l'annulation de la décision entreprise, à la délivrance de l'autorisation sollicitée par le DJPS et à la condamnation de l'État aux frais de la procédure ainsi qu'au versement d'une indemnité.

 

6. Le 2 septembre 2003, le DJPS a répondu au recours. L'autorité intimée a invité le tribunal de céans, sans pour autant prendre de conclusions formelles, à examiner la recevabilité du recours, car la société qui avait souhaité engager le recourant ne s'était pas pourvue contre la décision de refus. Au fond, le DJPS conclut au rejet du recours, car son auteur avait été condamné en 1998 pour avoir adopté un comportement violent, qu'il avait répété au mois de mars 2001 à l'égard de sa voisine. Il ne saurait donc soutenir que les premiers faits ne constituaient qu'une simple scène de ménage.

 

 

EN DROIT

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable à cet égard (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 lit. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. Selon l'article 60 lettre b LPA, ont qualité pour recourir toute les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. L'intérêt à obtenir un jugement favorable doit être personnel, direct, immédiat et actuel (ATA B. du 8 janvier 2002, A 329/2000, et les références citées). S'agissant de l'intérêt du recourant, mis en doute par l'intimée, il faut l'admettre bien que l'agence de sécurité qui a requis l'autorisation d'exercer n'ait pas recouru parallèlement.

 

En effet, le recourant est destinataire de la décision attaquée et il est toujours lésé par celle-ci. Le tribunal administratif a admis la qualité pour recourir dans trois affaires similaires, dans lesquelles les recourants n'étaient pas non plus employés par l'agence de sécurité et dans lesquelles l'employeur requérant n'avait pas recouru (ATA T. du 7 octobre 2003, A/1121/2003; K. du 6 novembre 2001, A/606/2001; M. du 13 novembre 2001, A/879/2001).

 

3. À l'instar de l'ancienne loi cantonale sur la profession d'agent de sécurité privé du 15 mars 1985, le concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996 (I 2 15) a pour but de fixer les règles communes régissant l'activité des entreprises de sécurité et de leurs agents et d'assurer la validité intercantonale des autorisations accordées par les cantons (art. 2 du concordat; MGC, 1999, IX, p. 9051).

 

4. L'article 9 alinéa 1 lit. c du concordat prévoit que l'autorisation d'engager du personnel n'est accordée que si l'agent de sécurité n'a pas été condamné, dans les dix ans précédant la requête, pour des actes incompatibles avec la sphère d'activité professionnelle envisagée.

 

Cette disposition, qui limite le libre accès à la profession d'agent de sécurité, constitue une restriction à la liberté économique dont la conformité à l'article 36 alinéa 2 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (RS 101) a déjà été admise par le tribunal de céans (ATA K. précité).

 

Dans l'exposé des motifs accompagnant le projet d'adhésion au concordat, il est indiqué que certains actes de violence, l'abus de confiance et le vol sont, par exemple, au nombre des infractions jugées incompatibles avec la sphère d'activité professionnelle envisagée (MGC, 1998, VI, p. 5197).

 

5. La notion d'actes incompatibles avec la sphère d'activité envisagée ou d'honorabilité fait régulièrement l'objet d'arrêts du tribunal de céans :

 

a. Le 10 octobre 2000, le tribunal a estimé que l'agent de sécurité privé qui se rendait coupable de vol portant sur des montres, des canifs, des téléphones portables et des ordinateurs personnels, ne remplissait plus les conditions d'honorabilité nécessaires et devait se voir retirer son autorisation de travailler dans la profession d'agent de sécurité (ATA D. du 10 octobre 2000, A/465/2000);

 

b. Le 30 janvier 2001, la juridiction de céans a confirmé le refus d'engagement d'une personne en tant qu'agent de sécurité privé dès lors qu'elle avait été condamnée pour contrainte quatre ans auparavant (ATA G. S.A. et C. du 30 janvier 2001, A/925/2000);

 

c. Le 7 août 2001, le Tribunal administratif a considéré que l'officier de police compétent avait refusé à juste titre un certificat de bonne vie et moeurs à une personne qui souhaitait exercer la profession d'agent de sécurité, dès lors qu'il lui était reproché d'avoir participé à un "bizutage" au cours duquel une personne avait subi des lésions corporelles graves (ATA P. du 7 août 2001, A/1363/2000);

 

d. Dans une affaire jugée le 30 octobre 2001, le tribunal de céans a estimé que des menaces proférées à l'occasion d'un litige familial ayant entraîné des propos déplacés de part et d'autre ne constituaient pas des actes incompatibles avec l'exercice de la profession d'agent de sécurité, le recourant occupant de surcroît de telles fonctions depuis 1990 sans donner lieu à des plaintes (ATA B. du 30 octobre 2001, A/881/2001);

 

e. Le 6 novembre 2001, le Tribunal administratif a jugé incompatible avec la sphère d'activité d'un agent de sécurité le fait d'avoir été condamné pour avoir conduit en état d'ivresse, d'avoir provoqué une collision et d'avoir cherché à fuir ses responsabilités par des déclarations mensongères (ATA K. précité).

 

f. Dans un arrêt du 13 novembre 2001, deux condamnations radiées du casier judiciaire mais datant de 4 et 7 ans, l'une pour lésions corporelles simples et l'autre pour vol, ont été jugées incompatibles avec l'exercice de la profession d'agent de sécurité : dans l'exercice de son activité, le recourant serait amené à entrer en contact avec les valeurs ou les biens mobiliers ou immobiliers d'autrui et pourrait être tenté de commettre un nouveau délit (ATA M. du 13 novembre 2001, A/879/2001);

 

g. Dans certaines affaires (cf. ATA T. du 13 mars 2001, A/851/2000 ainsi que T. du 7 octobre 2003 précité), la juridiction de céans a été amenée à tenir compte de l'âge qu'avaient les recourants lorsqu'ils étaient encore mineurs ou très jeunes adultes quand les faits leur valant l'interdiction litigieuse avaient été commis. De telles circonstances n'entrent pas en ligne de compte dans le cas présent.

 

6. Les actes commis par le recourant sont incompatibles avec l'exercice de la profession d'agent de sécurité tant en raison de leur nature même que de leur répétition. Le recourant ne saurait se prévaloir d'un contexte conjugal difficile, comme dans l'affaire B. du 30 octobre 2001 précitée, car il n'a pas hésité à répéter des actes semblables à l'égard d'une voisine. De surcroît, il ne saurait invoquer l'exercice satisfaisant de la profession d'agent de sécurité durant les années précédentes, de telle sorte qu'on ne saurait assimiler son cas à celui jugé le 30 octobre 2001.

 

7. La décision entreprise, qui dispose d'une base légale suffisante selon la jurisprudence constante du tribunal de céans (cf. not. ATA K. précité), satisfait en outre pleinement au principe de la proportionnalité, seule l'interdiction d'exercer la profession d'agent de sécurité étant de nature à atteindre le but visé, soit celui d'écarter les personnes qui ne sont pas dignes de confiance. Enfin, l'atteinte à la liberté économique de l'intéressé, qui exerce par ailleurs la profession de maître de sport dans un "fitness", est de ce fait particulièrement peu importante.

 

8. Mal fondé, le recours sera rejeté et son auteur, qui succombe, sera condamné aux frais de la procédure, arrêtés en l'espèce à CHF 1'000.- en application de l'article 87 alinéa premier LPA.

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 25 juillet 2003 par Monsieur R. H. contre la décision du département de justice, police et sécurité du 25 juin 2003;

 

au fond :

 

le rejette;

 

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'000.-;

 

communique le présent arrêt à Me Serge Rouvinet, avocat du recourant, ainsi qu'au département de justice, police et sécurité.

 


Siégeants : M. Paychère, président, MM. Thélin, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le vice-président :

 

C. Del Gaudio-Siegrist F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme N. Mega