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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1659/2004

ATA/390/2005 du 24.05.2005 ( JPT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1659/2004-JPT ATA/390/2004

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 24 mai 2005

2ème section

dans la cause

 

Monsieur R.__________
représenté par Me Pierre Gabus, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE JUSTICE, POLICE ET SÉCURITÉ


 


1. Par arrêté du 20 mars 1995, le département de justice, police et sécurité (ci-après : le département) a autorisé Monsieur R.__________, ressortissant suisse, à exploiter un service de taxi comprenant un véhicule.

Le 3 mars 2000, M. R.__________ a requis du département la délivrance d’une carte de chauffeur de taxi indépendant.

Par courrier du 11 décembre 2003, le département a sollicité de M. R.__________ une attestation originale de l’office des poursuites précisant qu’il ne faisait pas l’objet d’actes de défaut de biens, de même que d’une attestation de l’office des faillites.

2. Le 27 janvier 2004, M. R.__________ a indiqué au département que, suite à la cessation de son activité professionnelle de chauffeur de taxi indépendant, il avait remis son véhicule et ses plaques à son épouse, afin qu’elle poursuive cette activité. Elle avait obtenu le brevet d’exploitante sans employé, mais n’avait pu obtenir que les plaques soient mises à son nom.

M. R.__________ a encore exposé qu’il avait déposé une demande de rente AI et qu’il attendait une réponse.

A ce pli étaient joints divers documents, notamment divers certificats médicaux d’arrêts de travail et un relevé de l’office des poursuites.

3. Par arrêté du 16 juillet 2004, le département a refusé, d’une part de délivrer à M. R.__________ la carte professionnelle de chauffeur indépendant avec employé. D’autre part, il lui a retiré l’autorisation d’exploiter un service de taxi avec permis de stationnement. Une carte de chauffeur de taxi indépendant, sans employé, lui a été délivrée.

L’autorisation d’exploiter un service de taxi avec employé était subordonnée à la solvabilité de son titulaire, condition que M. R.__________ ne remplissait pas, car il faisait l’objet de quarante-sept actes de défaut de biens pour un montant de CHF 56'133.- et de sept poursuites en cours qui ascendaient à CHF 6'480.- au total.

4. Le 25 juillet 2004, M. R.__________ a saisi le Tribunal administratif d’un recours. Il était tombé malade à la fin de l’année 2002 et une procédure de mise à l’invalidité était en cours. Depuis lors, sa femme avait toujours travaillé seule et produisait l’unique revenu d’une famille de cinq personnes. Elle était à la recherche d’un autre employeur.

Le recourant conclut à ce que sa femme puisse continuer de travailler avec lui jusqu’à sa guérison complète. En l’état, il travaillait trois jours par semaine. Il a encore indiqué qu’il « (annulait) l’indemnité de CHF 40'000.- parce qu’(il était) inscrit sur une liste d’attente pour les gens qui quitter (sic) le travail ».

5. Le département s’est opposé au recours le 10 septembre 2004. La loi sur les services de taxis du 26 mars 1999 (LTaxis - H 1 30) posait une exigence de solvabilité, qui n’était pas remplie en l’espèce. La décision respectait le principe de la proportionnalité, puisqu’elle laissait à M. R.__________ la possibilité de travailler.

6. A la demande du tribunal, le département a encore précisé, le 17 septembre 2004, que l’épouse de M. R.__________ était bénéficiaire d’une carte d’employée chauffeur de taxi, et qu’elle était employée par son époux.

7. Les parties ont été entendues en comparution personnelle le 15 novembre 2004.

M. R.__________ a indiqué que sa situation financière n’avait pas évolué, mais qu’il souhaitait régler ses dettes, d’environ CHF 50'000.-.

Quant au département, il a indiqué qu’au vu du numerus clausus, il n’était pas possible de transmettre le permis de stationnement de M. R.__________ à son épouse.

8. Au terme de l’audience, un délai au 15 janvier 2005 a été accordé à l’avocat nouvellement constitué de M. R.__________ pour informer le tribunal des démarches entreprises et de leur résultat.

9. Le Tribunal administratif n’ayant pas obtenu les renseignements demandés, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger le 9 mars 2005.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. L’article 5 alinéa 1 de la LTaxis dispose que la carte professionnelle de chauffeur indépendant confère au chauffeur le droit d’exercer son activité comme indépendant sans employé. Sa délivrance n’est pas subordonnée à une exigence de solvabilité. En revanche, l’exploitation d’un service de taxis sous la forme d’une entreprise avec un ou plusieurs employés est subordonnée à l’obtention préalable d’une autorisation d’exploiter dont le titulaire doit être solvable (art. 6 al. 1 et al. 2 let. b LTaxis). Il doit à cet égard produire des attestations de l’office des poursuites et de l’office des faillites certifiant sa solvabilité (art. 4 al. 1 let. b du règlement d’exécution de la LTaxis du 8 décembre 1999 – RTaxis – H 1 30 01).

b. Cette exigence de solvabilité se justifie afin de s'assurer que l'exploitant, appelé à diriger un ou plusieurs employés, dispose de capacités de gestionnaire et qu'il soit en mesure d'exploiter son entreprise dans le respect des lois sociales et du droit du travail. Un exploitant endetté pourrait être tenté de ne pas effectuer les retenues usuelles sur salaire, par exemple.

Cette exigence existe dans d'autres lois. La loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61) prévoit en son article 8 alinéa 1 lettre c que l'avocat ne doit pas faire l'objet d'un acte de défaut de biens pour être inscrit au registre des avocats. La loi genevoise sur les agents intermédiaires du 20 mai 1950 (I 2 12) institue également une condition semblable. L'autorisation est refusée à celui qui a suspendu ses paiements pour cause d'insolvabilité générale et durable (art. 3 let. b). Même exigence figure à l'article 8 alinéa 1 lettre c du Concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996 (I 2 15).

L'exigence de solvabilité répond à un but d'intérêt public, soit la prévention des abus dans un domaine de relations professionnelles fondées sur la confiance (ATA L. du 12 avril 1994, résumé in Sem. Jud 1995 p. 585). Dans le cas de l’exploitant d’un service de taxis, il y a lieu de relever qu’elle constitue une atteinte moindre à la liberté économique puisqu’elle est distincte de la délivrance de la carte professionnelle de chauffeur de taxi et n’est donc pas une condition d’accès à la profession.

c. Dans le cas d’espèce, force est de constater que le recourant fait l’objet de nombreux actes de défaut de biens, pour prés de CHF 50'000.--, ainsi que de poursuites en cours. Eu égard au caractère personnel de l’autorisation d’exploiter un service de taxis avec employés(s) et au fait que le recourant exerce son activité sous forme d’entreprise individuelle, l’origine des dettes ayant donné lieu aux poursuites est sans pertinence.

Au vu de ce qui précède, le département a considéré à juste titre que le recourant ne remplissait pas la condition de solvabilité fixée par l’article 6 alinéa 2 lettre b LTaxis.

3.  Le principe de la proportionnalité se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 1P. 269/2001, consid. 2c ; ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482).

Dès lors que le recourant ne remplit pas l’une des conditions à la délivrance de l’autorisation d’exploiter un service de taxis avec employé(s), le refus de cette dernière et la révocation de celle délivrée le 19 février 1998, conformément à l’article 18 lettre c LTaxis, constituent le seul moyen d’obtenir une situation conforme au droit.

En délivrant au recourant une carte professionnelle de chauffeur indépendant sans employé, le département lui permet de continuer à exercer sa profession et par là-même d’obtenir un revenu régulier, dans la mesure où sa santé le lui permet.

6. Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté. Aucun émolument ne sera perçu, au vu de la situation financière du recourant.

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 août 2004 par Monsieur R.__________ contre la décision du département de justice, police et sécurité du 16 juillet 2004 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Gabus, avocat du recourant ainsi qu'au département de justice, police et sécurité.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, MM. Paychère et Thélin, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :