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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/3536/2017

ACST/16/2017 du 21.09.2017 ( ELEVOT ) , ADMIS

Recours TF déposé le 23.10.2017, rendu le 30.10.2017, IRRECEVABLE, 1C_570/2017
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3536/2017-ELEVOT ACST/16/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 21 septembre 2017

 

dans la cause

MOUVEMENT CITOYEN GENEVOIS, SECTION VILLE DE GENÈVE

et

PARTI DÉMOCRATE-CHRÉTIEN DE LA VILLE DE GENÈVE

et

PLR LES LIBÉRAUX-RADICAUX DE LA VILLE DE GENÈVE

et

UNION DÉMOCRATIQUE DU CENTRE, SECTION VILLE DE GENÈVE

et

Madame A______

et

Madame B______

et

Monsieur C______

et

Monsieur D______

et

Monsieur E______
représentés par Me Vincent Latapie, avocat

 

contre

VILLE DE GENÈVE

et

SERVICE DES VOTATIONS ET ÉLECTIONS

 



EN FAIT

1) Le Mouvement citoyen genevois, section Ville de Genève (ci-après : MCG), le parti démocrate-chrétien de la Ville de Genève (ci-après : PDC), le PLR les libéraux radicaux de la Ville de Genève (ci-après : PLR) et l’Union démocratique du Centre, section Ville de Genève (ci-après : UDC) sont des partis politiques constitués sous forme d’associations au sens des art. 60 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210). Ils sont représentés au Conseil municipal de la Ville de Genève (ci-après, respectivement : le conseil municipal et la ville) et disposent chacun d’un représentant au sein du bureau de ce conseil (ci-après : le bureau).

2) Mesdames A______ (membre du PDC) et B______ (membre du PLR) et Messieurs C______ (membre du PLR), D______ (membre de l’UDC) et E______ (membre du MCG) sont de nationalité suisse et, selon le rôle de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), sont domiciliés sur le territoire de la ville, où ils exercent leurs droits politiques. À l’exception de M. C______, ils sont tous élus au conseil municipal.

3) Le 14 septembre 2016, le Conseil administratif de la ville (ci-après : le conseil administratif) a présenté au conseil municipal un projet PR 1194 de budget pour l’exercice 2017 qui prévoyait des charges nettes de CHF 1'149'448'596.- pour des revenus nets de CHF 1'151'578'206.-, soit un excédent de CHF 2'129'610.-.

4) Le même jour, le conseil municipal a renvoyé ce projet à la commission des finances et aux commissions spécialisées.

5) Le 9 novembre 2016, le conseil administratif a amendé son projet de budget, lequel prévoyait désormais des charges nettes de CHF 1'152'647'498.- pour des revenus nets de CHF 1'152'912'260.-, soit un excédent de CHF 264'762.-. En substance, de nouveaux arbitrages avaient été effectués par le conseil administratif dans différents départements, ce qui avait conduit à des économies de l’ordre de CHF 3'933'092.- afin de faire face à une baisse prévue des recettes fiscales.

6) Le 10 décembre 2016, le conseil municipal a renvoyé ce projet à la commission des finances.

7) Lors de sa séance du 22 décembre 2016, le conseil municipal a autorisé le conseil administratif à percevoir les revenus et à pourvoir aux charges de la ville entre le 1er janvier et le 30 juin 2017 au moyen de six douzièmes provisionnels calculés sur la base du budget de l’année 2016.

8) Le 3 avril 2017, la commission des finances a rendu son rapport et proposé au conseil municipal un projet de budget prévoyant des charges nettes de CHF 1'147'422'557.- pour des revenus nets de CHF 1'151'162'260.-, soit un excédent de CHF 3'739'703.-.

9) Lors de la séance du 28 avril 2017, le conseil municipal a adopté le budget pour l’année 2017, qui prévoyait des charges nettes de CHF 1'147'356'127.- pour des revenus nets de CHF 1'151'162'260.-, soit un excédent de CHF 3'806'133.-.

10) Par publication dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 15 mai 2017, le comité « STOP aux coupes budgétaires en Ville de Genève » (ci-après : le comité référendaire) et Ensemble à Gauche Ville de Genève (ci-après : EàG) ont annoncé le lancement de quatre référendums (ci-après : les référendums), respectivement intitulés « Non aux coupes générales dans les prestations de la Ville », « Non aux coupes dans la solidarité internationale », « Non aux coupes dans la culture » et « Non aux coupes dans l’allocation de rentrée scolaire », contre la délibération du conseil municipal du 28 avril 2017 approuvant le budget 2017 en tant qu’elle prévoyait la diminution, par rapport à l’exercice précédent, respectivement de CHF 1'000'000.- des dépenses générales des départements finances et logement, construction et aménagement, culture et sports, espaces urbains et sécurité, cohésion sociale et solidarité, de CHF 340'000.- des dépenses pour la solidarité internationale, de CHF 963'160.- des dépenses dans l’encouragement à la culture du département de la culture et des sports dans les groupes de comptes 313 (achats de fournitures et autres marchandises), 315 (entretien de matériel par des tiers) et 318 (honoraires et prestations de service), et de CHF 150'000.- des dépenses pour les allocations de rentrée scolaire.

11) Le 6 juin 2017, la ville a prié le comité référendaire de lui transmettre au plus tard le 15 juin 2017 un texte explicatif en vue de l’élaboration de la brochure explicative figurant dans le matériel de vote (ci-après : la brochure), les quatre commentaires relatifs à chacun des référendums devant être séparés par des titres différents.

12) Par arrêté du 7 juin 2017, publié dans la FAO du 9 juin 2017, le Conseil d’État a fixé au 24 septembre 2017 la tenue des quatre référendums, sous réserve de leur aboutissement.

13) Le 7 juin 2017, la ville a demandé au service des votations et élections (ci-après : SVE) s’il était possible de rédiger un seul texte explicatif dans la brochure pour les quatre référendums, aussi bien pour la ville que pour le comité référendaire.

14) Le même jour, le SVE lui a répondu qu’un seul texte pouvait comprendre les quatre objets soumis au vote. Lors d’une précédente votation, il avait été constaté que les textes figurant dans la brochure étaient redondants, voire identiques pour les deux objets, ce qui avait perturbé de nombreux électeurs.

15) Le 8 juin 2017, le SVE a rappelé à Monsieur Rémy PAGANI, conseiller administratif et maire de la ville, qu’il appartenait à la ville de rédiger les textes explicatifs relatifs aux référendums et qu’une synthèse brève et neutre ainsi que le texte de la délibération devaient être intégrés dans la brochure au début du commentaire des autorités.

16) Le 21 juin 2017, M. PAGANI a transmis au SVE, pour information, une synthèse brève et neutre et le commentaire des autorités pour chacun des objets soumis au référendum, ainsi que le commentaire du comité référendaire.

17) Le même jour, le SVE a répondu à M. PAGANI qu’à la lecture de ces documents, il était difficile de faire un seul texte regroupant les différents référendums sans « prétériter » la minorité du conseil municipal. Ainsi, même si les arguments de la majorité étaient pratiquement identiques pour les quatre référendums, il convenait de les maintenir afin de permettre à la minorité d’expliquer les conséquences spécifiques à chaque objet soumis au vote.

18) Par courriel du 22 juin 2017, la ville a transmis à Monsieur F______, conseiller municipal PDC et président du bureau, les textes destinés à être insérés dans la brochure, notamment, pour chacun des référendums, le « commentaire de la majorité du conseil municipal (PDC, PLR, UDC et MCG) ».

Aux termes de celui-ci, la conjoncture économique difficile et la diminution des recettes fiscales nécessitait de se « serrer la ceinture », de sorte qu’il était indispensable que la ville maîtrise son budget et procède à des économies. Pour qu’en 2020 les investissements soient autofinancés, les excédents devaient être augmentés et réaffectés aux dépenses d’investissement. Par ailleurs, l’entretien des immeubles de la ville constituait une dette cachée en raison de leur rénovation, qui s’avérait nécessaire. Malgré les doléances exprimées, le conseil administratif n’avait pas jugé bon de « réduire la voilure » dans son projet de budget 2017, dans lequel l’excédent, de CHF 265'000.-, n’était pas suffisant. Pour le premier référendum, il était précisé que la baisse générale permettait d’économiser CHF 1'000'000.-, sans entraver le bon fonctionnement de la ville, dont le train de vie était seulement réduit, mesure permettant d’anticiper les baisses fiscales à venir. S’agissant du deuxième référendum, il était indiqué que l’action de la ville en matière de solidarité internationale n’était pas entravée au regard du montant de CHF 5'000'000.- demeurant alloué à ce poste. Pour les troisième et quatrième référendums, le texte indiquait respectivement que la diminution de CHF 963'160.- des dépenses dans l’encouragement à la culture et celle de CHF 150'000.- des allocations scolaires constituaient des mesures responsables.

19) Par arrêté du 27 juin 2017, le Conseil d’État a approuvé la délibération du conseil municipal du 28 avril 2017 concernant le budget pour l’année 2017 de la ville, « sous réserve des référendums ».

20) Le 27 juin 2017, la ville a communiqué à M. F______ les échéances en vue de la production de la brochure. Un délai au 17 juillet 2017 était ainsi fixé pour la remise des remarques du bureau relatives au commentaire des autorités, le 2 août pour la remise du bon à tirer définitif, le 7 août pour le début de l’impression des brochures et le 11 août pour la livraison de la brochure au SVE.

21) Le même jour, Mme A______ a demandé à M. PAGANI une précision au sujet de la diminution budgétaire de CHF 963'160.-. Contrairement à ce qui était écrit dans le projet du texte, il s’avérait qu’une grande partie de ce montant émanait non pas du conseil municipal mais du conseil administratif dans le cadre des arbitrages effectués en novembre 2016, dont elle lui demandait le détail.

22) Le 2 juillet 2017, M. PAGANI lui a répondu que le montant de CHF 963'160.- était le résultat des coupes effectuées par le conseil municipal à hauteur de CHF 530'000.- et des arbitrages du conseil administratif par CHF 433'100.-. Par ailleurs, sur un budget de CHF 600'000.-, les montants de CHF 530'550.- et de CHF 542'840.- avaient respectivement été dépensés en 2015 et en 2016 au titre de l’allocation scolaire.

23) Le 4 juillet 2017, Monsieur Sami KANAAN, conseiller administratif, a également répondu à Mme A______. Une partie des arbitrages effectués par le conseil administratif consistait en des transferts neutres qui avaient permis de financer des augmentations équivalentes sur d’autres lignes, notamment la création de postes. Sur le plan légal, le fait que ces diminutions de charges aient financé des augmentations ailleurs ou non n’avait aucun impact sur l’enjeu formel du référendum, qui portait sur des diminutions de charges, indépendamment de leurs motifs ou de leurs origines. S’agissant du montant de CHF 963'160.-, la somme de CHF 663'160.- provenait des arbitrages du conseil administratif et celle de CHF 300'000.- des coupes du conseil municipal.

24) a. Par courriel du 4 juillet 2017, Mme A______ a transmis à la cheffe du service du secrétariat du conseil municipal (ci-après : SCM) les projets de textes, validés par le PDC, le PLR, l’UDC et le MCG, pour la brochure. Le commentaire de la majorité avait été complètement réécrit et la synthèse brève et neutre modifiée pour qu’elle soit « réellement brève et neutre ». Les commentaires de la minorité n’avaient toutefois pas été modifiés, hormis sur deux points s’agissant du troisième référendum. D’une part, le conseil administratif ne pouvait pas apparaître aux côtés de la minorité puisqu’il avait été à l’origine d’une grande part de la coupe de CHF 963'160.-. D’autre part, l’assertion selon laquelle la gratuité des prêts dans les bibliothèques et celle du premier dimanche du mois dans les musées seraient remises en cause par cette coupe était fausse.

b. Elle a annexé à son courriel les corrections apportées à la brochure.

Selon la « synthèse brève et neutre », le conseil administratif avait, le 10 novembre 2016, déposé un projet de budget pour l’année 2017 bénéficiaire à hauteur de CHF 265'000.-, lequel avait toutefois été renvoyé à la commission des finances par le conseil municipal le 10 décembre 2016 suite aux modifications apportées par l’exécutif. Le 22 décembre 2016, le conseil municipal avait voté les douzièmes provisionnels dans l’attente d’analyses complémentaires. Le 28 avril 2017, après avoir effectué des arbitrages supplémentaires ramenant l’excédent à CHF 3'800'000.- à affecter au remboursement de la dette, le conseil municipal avait voté, par quarante-et-une voix contre trente-six, le budget qui faisait l’objet des référendums. S’agissant du troisième référendum, il était précisé que la diminution de CHF 963'160.- émanait à la fois du conseil administratif et du conseil municipal : lors des arbitrages budgétaires de l’automne 2016, le conseil administratif avait ainsi opéré une première diminution de CHF 663'160.- qui avait été augmentée à CHF 963'160.- en avril 2017 par le conseil municipal. S’agissant du quatrième référendum, il en était allé de même de l’allocation scolaire, puisque le conseil administratif avait déjà diminué son montant de CHF 600'000.- à CHF 540'600.-, le conseil municipal ayant ensuite réduit cette prestation par CHF 90'600.-.

Aux termes du « commentaire de la majorité du conseil municipal (PDC, PLR, UDC et MCG) », le budget de la ville avait augmenté de 10.34 % en dix ans, les dépenses culminant, en 2017, à près de CHF 1'200'000'000.-. Cette « fuite en avant » devait être freinée afin de ne pas mettre en péril les prestations futures, ce d’autant que la dette avait augmenté de CHF 100'000'000.- depuis 2010. Une bonne gestion des finances de la ville était cruciale pour assurer durablement les prestations dont les habitants avaient besoin. La conjoncture économique difficile, qui s’était traduite pour une baisse des rentrées fiscales, nécessitait d’envisager l’avenir avec prudence et de réduire de façon raisonnable les dépenses. La majorité du conseil municipal avait ainsi pris ses responsabilités et amélioré le résultat de CHF 3'500'000.-, générant un excédent de CHF 3'800'000.-. Cette amélioration du résultat s’avérait d’autant plus nécessaire que le conseil administratif avait inclus, dans son projet initial, la rétrocession d’une partie des recettes des services industriels de Genève (ci-après : SIG), qui n’avait toutefois pas eu lieu, de sorte que le budget aurait été déficitaire et donc illégal. S’agissant du premier référendum, il était en outre précisé que la diminution des dépenses générales, qui ne représentait que 0.3 % du budget total de la ville, était largement supportable par les différents départements concernés, dont elle représentait une baisse de 0.5 % par département, lesquels avaient le droit d’affecter les mesures d’économie votées où ils le souhaitaient. Pour le deuxième référendum, il était encore indiqué que la diminution de CHF 340'000.- ne mettait pas en péril l’action de la ville, étant précisé que la majorité du conseil municipal avait voté une subvention équivalente de CHF 340'000.- en faveur de la Croix-Rouge genevoise pour financer un programme d’aide au retour et de réinsertion de personnes souhaitant volontairement rentrer dans leur pays d’origine. Concernant le troisième référendum, le texte précisait que la diminution de CHF 963'160.- avait été opérée à concurrence de CHF 663'000.- par le conseil administratif lors des arbitrages budgétaires, lequel avait ainsi jugé qu’elle était raisonnable et ne mettait pas en danger les prestations offertes par la commune. La majorité du conseil municipal avait en outre estimé qu’un effort supplémentaire de CHF 300'000.- dans le domaine des mandats à des tiers ou de l’achat de fournitures constituait une économie marginale et largement supportable pour le budget de la ville. Enfin, concernant le quatrième référendum, il était indiqué que la ville n’avait pas dépensé, en 2015 et 2016, l’entier de la somme prévue au budget pour l’allocation de rentrée scolaire, les comptes laissant apparaître un non-dépensé de près de CHF 69'000.- en 2015 et de CHF 57'000.- en 2016, raison pour laquelle il était envisageable de réduire les montants prévus en 2017.

25) Le 6 juillet 2017, M. F______ a fait parvenir au conseil administratif les mêmes modifications de la brochure, précisant que les membres du bureau avaient accepté à la majorité de six voix les modifications apportées pour les commentaires de la majorité et pour les synthèses brèves et neutre se rapportant aux quatre référendums. Les modifications se rapportant aux textes de la minorité avaient été acceptées par quatre voix contre trois.

26) Le 6 juillet 2017, le SCM a transmis aux membres du conseil administratif le courriel de Mme A______ ainsi que ses annexes.

27) Le 10 juillet 2017, M. Rémy PAGANI a accusé réception du courriel du SCM, le conseil administratif devant désormais prendre position sur l’ensemble des remarques et propositions qui lui étaient soumises par le bureau.

28) Le 18 juillet 2017, la ville a demandé au SVE si le fait de faire figurer dans la brochure, après la délibération du conseil municipal, un texte rédigé par le comité référendaire résumant les enjeux de la votation et qui devait figurer avant les « modules synthèse + commentaire du CA + commentaire du comité référendaire X 4 » était « conforme ».

29) Le même jour, le SVE lui a répondu que la confection de la brochure était du ressort de la ville.

30) Le 24 juillet 2017, la ville a remis au SVE la brochure « pour vérification de la conformité ».

31) Le même jour, le SVE a transmis à la ville des corrections relatives à la rubrique « à votre service » de la brochure.

32) Par arrêtés du 26 juillet 2017, publiés dans la FAO du 28 juillet 2017, le Conseil d’État a constaté l’aboutissement des quatre référendums et fixé la date de la votation au 24 septembre 2017, à savoir le même jour que trois objets fédéraux et un objet cantonal.

33) Le 7, puis le 21 août 2017, Monsieur G______, conseiller municipal et président du PLR, s’est enquis auprès du SCM d’un éventuel « retour » du conseil administratif au sujet des modifications apportées à la brochure par le bureau.

34) Après le 10 août 2017, date de la « création » du fichier « pdf », la brochure a été placée par le SVE sur le site internet de l’État de Genève.

35) Le 21 août 2017, le secrétariat de M. PAGANI a répondu à M. G______ que la brochure, qui avait été validée par le conseil administratif selon la procédure légale, était actuellement en cours d’impression.

36) À une date indéterminée, le matériel de vote a été expédié aux membres du corps électoral cantonal.

37) a. Pour les citoyens domiciliés sur le territoire de la commune de Genève, le matériel de vote comprenait notamment la brochure, qui comportait, après le texte de la délibération du conseil municipal du 28 avril 2017, une « introduction du comité référendaire », puis, pour chacun des quatre référendums, une « synthèse brève et neutre », un « commentaire des autorités », subdivisé en un « commentaire de la majorité du conseil municipal (PDC, PLR, UDC et MCG) » et en un « commentaire de la minorité du conseil municipal (PS, Verts et EàG) et du conseil administratif », et se terminait par un « commentaire du comité référendaire ».

b. Selon l’« introduction du comité référendaire », d’une page et demie, les coupes dans le budget constituaient le deuxième volet d’un programme de démantèlement social et culturel annoncé par les partis de droite en vue d’éliminer une série de prestations en faveur de la population. La majorité du conseil municipal avait ainsi à la fois opéré des coupes linéaires regroupées dans le premier référendum et en avait ajouté d’autres, dans des domaines spécifiques, ce qui avait nécessité le lancement de trois autres référendums. Dans la mesure où le projet de budget du conseil administratif avait présenté un excédent, les coupes réalisées par la majorité du conseil municipal étaient irresponsables, sans égards pour l’ensemble des habitants, alors que, suite aux hausses des tarifs des transports publics et aux coupes effectuées par ce même conseil dans le budget 2016, le corps électoral s’était clairement prononcé contre les attaques faites aux prestations. Il en était allé de même s’agissant de réforme de la fiscalité des entreprises, ce dont les autorités s’étaient publiquement moquées. Il était ainsi temps de rappeler à « toutes ces personnes » qui « bafouaient » la volonté populaire qu’elles n’étaient élues que par une délégation du corps électoral et qu’elles devaient ainsi respecter le dernier mot que la majorité de celui-ci exprimait lorsqu’il était consulté par une initiative ou un référendum.

c. La « synthèse brève et neutre », d’une page et demie pour le premier et le troisième référendum et d’une page pour le deuxième et le quatrième référendum, rappelait que le 10 novembre 2016, le conseil administratif avait déposé un projet de budget pour l’année 2017, bénéficiaire à hauteur de CHF 265'000.-. Lors de sa séance du 10 décembre 2016, la majorité du conseil municipal avait renvoyé ce projet à la commission des finances pour ensuite voter les douzièmes provisoires le 22 décembre 2016. Fin avril 2017, après avoir ajouté différentes coupes aux modifications apportées par le conseil administratif dans le budget, le conseil municipal avait voté celui-ci. Au final, les réductions cumulées avaient engendré un excédent de CHF 3'800'000.-. Le budget avait été adopté par quarante-et-une voix contre trente-six.

Pour le premier référendum, le texte indiquait quel était l’impact des coupes sur les départements et les domaines concernés, précisant qu’elles avaient amélioré le résultat financier par CHF 1'000'000.-. S’agissant du deuxième référendum, il était écrit que les coupes votées « pénalis[aient] gravement » des « dizaines de petits projets » gérés par des organisations genevoises et amenant une aide directe pour la construction de dispensaires, l’extraction de l’eau ou la construction d’écoles, alors que le projet de budget présenté par le conseil administratif en « décembre 2017 » (sic) était équilibré et dégageait au surplus un excédent financier de CHF 265'000.-. Pour le troisième référendum, le texte mentionnait que les coupes, de l’ordre de CHF 963'160.- dans l’encouragement à la culture portaient un préjudice certain à l’accessibilité de la culture pour l’ensemble de la population, pour l’organisation de grandes manifestations culturelles telles que la Fête de la musique ou encore la gratuité des musées le premier dimanche du mois ou l’emprunt gratuit dans les bibliothèques. Concernant enfin le quatrième référendum, il était écrit que les coupes entraînaient une diminution du montant destiné à l’allocation de rentrée scolaire octroyée aux familles les plus modestes afin de leur permettre l’achat de fournitures scolaires. En 2016, le montant total versé à ce titre avait été de CHF 542'840.-, en légère hausse par rapport à 2015 (2 %). Lors des débats budgétaires, la majorité du conseil municipal avait « amputé » cette prestation de CHF 90'600.-, la diminution se montant au total à CHF 150'000.- par rapport à l’exercice précédent. Au final, l’ensemble de ces réductions avaient amélioré le résultat financier, qui était passé de CHF 265'000.- d’excédent à CHF 3'800'000.-.

d. Le « commentaire de la majorité », d’une page pour le premier, le troisième et le quatrième référendum et d’une demi-page pour le deuxième référendum, expliquait qu’une bonne gestion des finances de la ville était cruciale pour assurer durablement les prestations dont les habitants avaient besoin. La conjoncture économique difficile, qui s’était traduite pour une baisse des rentrées fiscales, nécessitait d’envisager l’avenir avec prudence et de réduire de façon raisonnable les dépenses. La majorité du conseil municipal avait ainsi pris ses responsabilités et amélioré le résultat de CHF 3'500'000.-, générant un excédent de CHF 3'800'000.-. S’agissant du premier référendum, il était en outre précisé que la diminution des dépenses générales, répartie équitablement au sein des cinq départements, représentait une baisse minime, de l’ordre de 0.5 % par département. Pour le deuxième référendum, il était indiqué que la majorité du conseil municipal avait voté une subvention équivalente à la diminution du budget de CHF 340'000.- en faveur de la Croix-Rouge genevoise pour financer un programme d’aide au retour et de réinsertion de personnes souhaitant volontairement rentrer dans leur pays d’origine. Concernant le troisième référendum, le texte précisait que la majorité du conseil municipal avait estimé qu’un effort supplémentaire de CHF 300'000.- dans le domaine des mandats à des tiers ou de l’achat de fournitures constituait une économie marginale et largement supportable pour le budget de la ville. Aucune prestation n’était mise en danger à travers cette mesure prise tant par le conseil municipal que par le conseil administratif. Enfin, concernant le quatrième référendum, il était indiqué que la ville n’avait pas dépensé, en 2015 et 2016, l’entier de la somme prévue au budget pour l’allocation de rentrée scolaire, les comptes laissant apparaître un non-dépensé de près de CHF 69'000.- en 2015 et de CHF 57'000.- en 2016, raison pour laquelle il était envisageable de réduire les montants prévus en 2017.

e. Le « commentaire de la minorité », d’une page pour chacun des quatre référendums, indiquait, pour le premier et le deuxième référendum, que la majorité du conseil municipal n’avait eu aucune raison financière de procéder aux coupes litigieuses, dès lors que le projet de budget du conseil administratif était équilibré et dégageait un excédent financier de CHF 265'000.-. S’agissant du quatrième référendum, le texte précisait que, lors des débats budgétaires, la majorité du conseil municipal avait amputé de CHF 90'600.- l’allocation de rentrée scolaire, alors que le conseil administratif, dans son projet de budget, avait déjà diminué ce montant de CHF 600'000.- à CHF 540'600.-.

f. La brochure contenait encore un « commentaire du comité référendaire », d’une page et demie pour le premier et le troisième référendum et d’une page pour le deuxième et le quatrième référendum.

38) Le 23 août 2017, M. F______ a demandé à M. PAGANI de lui indiquer les décisions ayant été prises par le conseil administratif quant à la finalisation du texte de la brochure.

39) Le 24 août 2017, le secrétariat de M. PAGANI a répondu à M. F______ que la brochure, distribuée depuis quelques jours aux électeurs de la commune, figurait depuis le 11 août 2017 sur le site internet du SVE.

40) Le même jour, M. F______ a fait part à M. PAGANI de sa surprise, dès lors que la brochure, disponible sur le site internet du SVE, ne contenait pas les modifications qu’y avait apportées le bureau, sans qu’il en soit informé.

41) Le 25 août 2017, M. PAGANI a répondu à M. F______ que la brochure avait été élaborée dans le respect des dispositions légales applicables. Les modifications, conséquentes, à apporter aux commentaires de la majorité avaient été prises en compte dans une large mesure, sous réserve de la nécessité de parvenir à un texte lisible et aéré qui décrive les objets soumis au vote de façon compréhensible pour le corps électoral.

42) Le même jour, Mme A______ a fait part à M. PAGANI de sa consternation en prenant connaissance du texte de la brochure, qui s’ouvrait par une introduction de deux pages du comité référendaire, où la « malhonnêteté intellectuelle » atteignait des « sommets inégalés ». Cette introduction, qui était du « jamais vu » dans aucune autre brochure électorale, précédait la synthèse brève et neutre et induisait par conséquent l’électeur en erreur. Quant aux commentaires de la majorité, ils avaient été amputés de moitié et, ce faisant, vidés de leurs principaux arguments.

43) a. Par acte remis au greffe le 29 août 2017, le MCG, le PDC, le PLR, l’UDC, Mmes A______ et B______ ainsi que MM. C______, D______ et E______ (ci-après : les recourants) ont saisi la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) d’un recours « contre la brochure élaborée par le conseil administratif en vue de la votation communale du 24 septembre 2017 concernant la délibération du conseil municipal du 28 avril 2017 approuvant le budget 2017 ».

Ils ont conclu, « avec suite de frais et dépens », à ce qu’il soit dit que la brochure violait les opérations électorales, à l’annulation du scrutin en tant qu’il concernait les quatre référendums et à son report, ainsi qu’à l’élaboration d’une nouvelle brochure. Ils ont pris des conclusions identiques s’agissant des mesures provisionnelles sollicitées.

Le recours avait été formé dans le délai requis, dès lors que les personnes physiques recourantes, en particulier Mme A______, après avoir été informées de la distribution de la brochure, avaient pris connaissance de son contenu les 24 et 25 août 2017.

La brochure contenait plusieurs irrégularités. L’« introduction du comité référendaire » constituait une attaque sans précédent de la délibération du conseil municipal du 28 avril 2017 qui ne pouvait se justifier, étant donné que le comité référendaire avait pu, pour chacun des quatre référendums, faire ses propres commentaires. Ce chapitre était tout aussi problématique quant à son contenu, puisqu’il comportait de véritables slogans de propagande et des amalgames visant à induire le corps électoral en erreur, tout en présentant la majorité du conseil municipal comme une assemblée anti-démocratique et dictatoriale.

Les chapitres consacrés aux quatre référendums posaient aussi problème, dès lors que les corrections qui avaient été apportées au projet par la majorité du conseil municipal n’avaient pas été retenues, les faits étant présentés de manière partiale et orientée, ce qui laissait penser que cette autorité n’avait pas procédé de manière sérieuse et réfléchie. La synthèse brève et neutre mentionnait ainsi des exemples de coupes prétendument opérées par le conseil municipal, qui s’était toutefois limité à réduire les dépenses générales, tout en laissant au conseil administratif le choix des moyens. La brochure contenait une irrégularité supplémentaire en lien avec le troisième référendum, dès lors que la minorité du conseil municipal et le conseil administratif figuraient côte à côte pour s’opposer aux réductions budgétaires, alors même que cette dernière autorité avait décidé de la plupart des coupes lors des arbitrages. Il en résultait que le conseil municipal n’était responsable que d’une coupe de CHF 300'000.- sur les CHF 963'160.- retenus. En définitive, l’espace réservé dans la brochure aux partisans des quatre référendums, soit la minorité du conseil municipal, le conseil administratif et le comité référendaire, était disproportionnée par rapport à celle réservée à la majorité du conseil municipal, ce qui créait un déséquilibre choquant.

Par ailleurs, le conseil administratif n’avait aucunement tenu compte des modifications demandées par la majorité du conseil municipal et s’était même gardé de communiquer son projet définitif avant sa publication pour éviter de justifier sa position. Ce n’était ainsi que dans un article de presse paru le 29 août 2017 qu’ils avaient appris que M. PAGANI avait décidé seul de toutes les modifications apportées au texte de la brochure, sans recueillir l’avis des autres membres du conseil administratif, étant précisé que l’intéressé, membre du parti EàG, avait activement participé à la récolte des signatures pour les quatre référendums.

b. Les recourants ont produit un chargé de pièces comprenant notamment :

– un article du Temps du 1er juin 2017 intitulé « Le Pagani(ni) de la démocratie », dans lequel son auteur relate sa rencontre avec M. PAGANI devant les Bains des Pâquis où ce dernier interpellait les baigneurs pour signer les demandes de référendum ;

– un article de la Tribune de Genève du 28 août 2017 intitulé « La brochure sur la votation budgétaire sème le trouble. L’Entente attaque la documentation officielle. Elle reproche au maire d’EàG une attitude partiale », dans lequel Madame Sandrine SALERNO, conseillère administrative, déclarait ne pas avoir vu la brochure, telle que partie à l’impression, et Monsieur Guillaume BARAZZONE, également conseiller administratif, précisait qu’il n’avait ni vu ni a fortiori validé la maquette définitive et qu’il se serait opposé au fait que les arguments des référendaires précèdent ceux des autorités. Interrogé, M. PAGANI indiquait qu’un texte d’introduction, pour expliquer les référendums, s’était avéré nécessaire. Pour parvenir à un texte lisible et aéré, il avait en outre fallu limiter sensiblement la prise en compte des modifications proposées par le bureau, lesquelles avaient été conséquentes. L’article se terminait par un décompte réalisé par un conseiller municipal selon lequel 15'444 signes avaient été utilisés pour le comité référendaire et 23'951 pour le commentaire des autorités.

44) Par acte expédié le 29 août 2017, enregistré sous la cause n° A/3537/2017, quatre conseillers municipaux ont également saisi la chambre constitutionnelle d’un recours « dans le cadre de la votation communale du 24 septembre 2017 relative à la délibération du conseil municipal du 28 avril 2017 approuvant le budget 2017 ».

45) Le 6 septembre 2017, le SVE a conclu à sa mise hors de cause dans la présente procédure.

Dès lors qu’il n’avait pas participé à l’élaboration de la brochure, il devait être mis hors de cause. Il avait ainsi fait parvenir à M. PAGANI, le 8 juin 2017, un courrier d’information pour la confection de la brochure, ainsi que des directives informatives. Il avait également transmis à la ville, le 24 juillet 2017, des corrections de forme de la brochure. Son dernier contact avec M. PAGANI remontait au 21 juin 2017 et n’avait porté que sur la question de savoir s’il convenait de faire un seul ou quatre textes et non pas d’introduire un texte introductif du comité référendaire. Par la suite, il avait encore précisé qu’il ne validait pas la solution préconisée, en indiquant que la confection de la brochure relevait de la seule responsabilité de la ville.

46) Le 8 septembre 2017, la ville a répondu au recours, concluant préalablement à la jonction des causes nos A/3536/2017 et A/3537/2017 sous la cause n° A/3536/2017 et au rejet des mesures provisionnelles sollicitées. Elle concluait, « avec suite de frais et dépens », principalement à l’irrecevabilité des recours et subsidiairement à leur rejet.

Il se justifiait d’ordonner la jonction des causes, étant donné leur identité tant d’un point de vue factuel que juridique.

Le recours était irrecevable. La brochure avait été mise à disposition des citoyens par voie électronique, sur le site officiel des votations, dès le 11 août 2017, de sorte que les recourants, au vu de leurs qualités et fonctions, en avaient eu connaissance bien avant la transmission du matériel de vote.

La synthèse brève et neutre respectait tous les critères requis de concision, d’objectivité et de neutralité et ne comportait aucun élément propre à influencer la libre volonté des électeurs. Elle illustrait de manière admissible les prestations susceptibles d’être affectées par les coupes votées, quand bien même le conseil municipal ne votait que sur des lignes budgétaires, dès lors qu’il appartenait au conseil administratif d’expliquer au corps électoral, de la manière la plus claire et concise possible, les effets concrets des objets sur lesquels il devait se prononcer. Les prises de position figurant dans le commentaire des autorités exposaient de manière équivalente les argumentaires de la majorité du conseil municipal et ceux de l’importante minorité dudit conseil, la position du conseil administratif ayant été intégrée dans cette dernière.

Les coupes contestées dans le cadre des référendums ayant été effectuées sur la base du budget de l’année 2016, les recourants ne pouvaient se prévaloir du fait que le conseil administratif avait proposé certains arbitrages, le conseil municipal ayant au surplus de son propre chef décidé de réductions supplémentaires. En tout état de cause, la minorité du conseil municipal était légitimée à exprimer son opposition aux réductions budgétaires votées, à laquelle avait été intégrée celle du conseil administratif de manière à laisser une plus grande place aux arguments de la majorité du conseil municipal. Le commentaire des autorités n’avait d’ailleurs pas à être neutre puisque, par définition, il comportait le point de vue de celles-ci. Le bureau avait en outre été dûment consulté et ses observations prises en compte.

S’il n’était certes pas idéal que seul le comité référendaire ait disposé d’un texte général, le processus d’élaboration de la brochure n’avait pas permis de procéder d’une autre manière au regard des délais imposés pour sa finalisation. Son contenu final n’était d’ailleurs d’aucune manière propre à tromper les citoyens dans la formation de leur volonté, les auteurs des différentes parties étant clairement identifiés. De plus, les textes des autorités et ceux du comité référendaire disposaient d’un espace quasiment équivalent (respectivement 13'832 et 14'225 signes).

Par ailleurs, les partisans des réductions budgétaires avaient pu s’exprimer librement dans la brochure ainsi que dans les médias. Une annulation et un report du scrutin constituerait une mesure manifestement disproportionnée, puisque la tenue d’un nouveau vote avant la fin de l’année ne pouvait pas être assurée. S’il devait avoir lieu en 2018, le vote sur le budget 2017 serait dépourvu de toute substance au regard de la clôture de l’exercice correspondant. La population ne pourrait ainsi jamais s’exprimer sur le budget de l’année 2017.

47) Le 8 septembre 2017 également, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 13 septembre 2017 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

48) Le 12 septembre 2017, les recourants ont répliqué, persistant dans les conclusions et termes de leur recours.

49) Les autres parties ne se sont pas déterminées.

EN DROIT

1) a. La ville sollicite préalablement la jonction des causes nos A/3536/2017 et A/3537/2017.

Sur la base de l’art. 70 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), l’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

b. En l’espèce, si les causes nos A/3536/2017 et A/3537/2017 se rapportent certes au même objet, à savoir la brochure explicative en vue du scrutin communal du 24 septembre 2017, les parties recourantes ne sont toutefois pas les mêmes dans les deux procédures. Une jonction des causes impliquerait ainsi pour chaque partie recourante qu’elle puisse se déterminer sur le recours de l’autre, ce qui rallongerait sensiblement la procédure, alors même que la chambre de céans est tenue de statuer avec célérité en vue du scrutin du 24 septembre 2017. Par gain de temps, il ne se justifie donc pas de faire droit à la requête de la ville.

2) Selon l’art. 124 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), la Cour constitutionnelle, c’est-à-dire la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (art. 1 let. h ch. 3 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05), a pour compétence notamment de traiter les litiges relatifs à l’exercice des droits politiques en matière cantonale et communale (let. b). Lors de la mise en œuvre de cette disposition constitutionnelle, par le biais de la loi 11311 du 11 avril 2014, le législateur cantonal a, pour ces litiges, transféré à la chambre constitutionnelle (art. 180 de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 - LEDP - A 5 05) la compétence qu’avait jusqu’alors la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) de connaître des recours ouverts « contre les violations de la procédure et des opérations électorales, indépendamment de l’existence d’une décision » (art. 180 aLEDP).

3) a. Comme le Tribunal administratif, puis la chambre administrative et enfin la chambre de céans l’ont jugé à maintes reprises, entre dans le cadre des opérations électorales tout acte destiné aux électeurs de nature à influencer la libre formation du droit de vote, telle qu’elle est garantie par les art. 34 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 44 Cst-GE, indépendamment de l’existence d’une décision. Constitue une opération électorale tout acte destiné aux électeurs et de nature à influencer la libre formation de l’expression du droit de vote ; le matériel de vote en général et la brochure explicative en particulier en font partie, de même que des circulaires et des tracts (ACST/8/2016 du 3 juin 2016 ; ACST/3/2016 du 24 février 2016 ; ACST/10/2015 du 11 mai 2015 ; ACST/6/2015 du 26 mars 2015 ; ACST/5/2015 du 4 mars 2015 ; ATA/65/2013 du 6 février 2013 ; ATA/715/2012 du 30 octobre 2012 ; ATA/331/2012 du 5 juin 2012 ; ATA/180/2011 du 17 mars 2011 ; ATA/51/2011 du 1er février 2011 ; ATA/118/2010 du 23 février 2010 ; ATA/58/2009 du 3 février 2009 ; ATA/583/2008 du 18 novembre 2008). La constatation du résultat exact, de même que le respect de la procédure en matière électorale font partie de la liberté de vote (ATF 140 I 394 consid. 8.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2014 du 22 juillet 2014 consid. 5.1 ; ACST/10/2015 précité ; ACST/8/2015 du 31 mars 2015).

b. En l’espèce, le recours porte sur le matériel de vote, en particulier la brochure explicative transmise aux citoyens domiciliés en ville de Genève, qui fait partie de la procédure des opérations électorales, en lien avec la délibération du conseil municipal du 28 avril 2017, objet du scrutin communal du 24 septembre 2017. Cet élément ayant trait à la garantie des droits politiques, qui tend à assurer la régularité du vote et parvenir à la constatation fidèle et sûre de la volonté populaire, la chambre de céans est matériellement compétente pour connaître du présent recours.

4) a. En matière de droits politiques, la qualité pour recourir est reconnue à toute personne disposant du droit de vote dans l’affaire en cause, indépendamment d’un intérêt juridique ou digne de protection à l’annulation de l’acte attaqué (art. 89 al. 3 et 111 al. 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF -RS 173.110 ; ATF 138 I 171 consid. 1.3 ; 134 I 172 consid. 1.2 ; 128 I 190 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_225/2016 du 14 décembre 2016 consid. 1.2 ; ACST/8/2016 précité ; ACST/8/2015 précité ; ACST/6/2015 précité ; ACST/5/2015 précité ; ACST/1/2015 du 23 janvier 2015). La qualité pour recourir est également reconnue notamment aux partis politiques, pour autant qu’ils soient constitués en personnes morales, qu’ils exercent leurs activités dans la collectivité publique concernée pour la votation en cause et qu’ils recrutent principalement leurs membres en fonction de leur qualité d’électeur (arrêt du Tribunal fédéral 1C_424/2009 du 6 septembre 2009 consid. 1.2 non publié de l’ATF 136 I 404 ; ACST/8/2016 précité ; ACST/3/2016 précité ; ATA/201/2013 du 26 mars 2013 ; ATA/163/2009 du 31 mars 2009 ; ATA/712/2000 du 21 novembre 2000).

b. En l’espèce, le MCG, le PDC, le PLR et l’UDC sont des partis politiques constitués en associations au sens des art. 60 ss CC et exercent leurs activités sur le territoire communal, disposant de représentants au conseil municipal. Ils ont dès lors qualité pour recourir, tout comme les autres recourants, personnes physiques ressortissantes suisses qui sont, selon le rôle de l’OCPM, domiciliées sur le territoire communal, où elles exercent leurs droits politiques. Le recours est ainsi recevable de ce point de vue.

S’agissant de la ville, elle a qualité pour défendre dans le cadre d’un scrutin communal, la brochure litigieuse ayant été préparée par ses services. Il en va de même du SVE intervenu dans ce cadre, même si, comme il l’indique, sa participation s’est limitée aux aspects organisationnels liés à la préparation de la brochure, étant précisé que tant la chambre de céans que la chambre administrative et l’ancien Tribunal administratif l’ont toujours considéré comme partie dans des procédures similaires, sans que celui-ci ne sollicite sa mise hors de cause (ACST/8/2016 précité ; ATA/715/2012 précité ; ATA/650/2009 du 8 décembre 2009 ; ATA/454/2009 du 15 septembre 2009 ; ATA/583/2008 précité ; ATA/336/1999 du 31 mai 1999). Il s’ensuit qu’il ne sera pas fait droit à la requête du SVE.

5) a. Aux termes de l’art. 62 al. 1 let. c LPA, en matière de votations et d’élections, le délai de recours est de six jours.

b. Ce délai court à compter du jour où, en faisant montre à cet égard de la diligence commandée par les circonstances, le recourant a pris connaissance de l’irrégularité entachant, selon lui, les opérations électorales (ACST/8/2016 précité ; ACST/10/2015 précité ; ACST/6/2015 précité ; ACST/5/2015 précité ; ATA/118/2014 du 25 février 2014 ; ATA/715/2012 précité).

c. Selon la jurisprudence constante rendue en matière de votations et d’élections, le citoyen qui veut s’en prendre aux dispositions de l’autorité fixant les modalités du vote doit en principe former son recours immédiatement, sans attendre le résultat du scrutin ; s’il omet de le faire alors qu’il en a la possibilité, il s’expose aux risques de la péremption de son droit de recourir. Dans de tels cas, le délai commence à courir au moment où l’intéressé a connaissance de l’acte préparatoire qu’il critique. Il serait contraire aux principes de la bonne foi et de l’économie de procédure démocratique que le recourant attende le résultat du vote pour attaquer les actes antérieurs dont il pourrait, encore avant le vote, faire cas échéant corriger l’irrégularité alléguée (ATF 140 I 338 consid. 4.4 ; 118 Ia 271 consid. 1d ; 118 Ia 415 consid. 2a ; 110 Ia 176 consid. 2a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_105/2015 du 2 mars 2015 consid. 4 ; 1C_282/2014 du 7 juillet 2014 consid. 2 ; 1C_457/2013 du 26 novembre 2013 consid. 3.1 ; ACST/8/2016 précité ; ACST/3/2016 précité ; ACST/10/2015 précité ; ATA/201/2013 précité). Si le délai de recours contre l’acte préparatoire n’est pas encore échu au moment du vote, le citoyen peut encore déposer son recours après celui-ci, mais avant l’expiration du délai (ATF 118 Ia 415 consid. 2), même si le vote a déjà eu lieu et qu’il n’est plus possible de remédier à l’irrégularité alléguée (ATA/680/2000 du 7 novembre 2000, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1P.733/2000 du 14 mai 2001 ; ATA/456/2011 du 26 juillet 2011 ; ATA/303/2011 du 17 mai 2011).

d. Les délais de réclamation et de recours fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont, en principe, pas susceptibles d’être prolongés (art. 16 al. 1, 1ère phr., LPA), restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même. Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/244/2015 du 3 mars 2015 ; ATA/143/2015 du 3 février 2015 ; ATA/284/2012 du 8 mai 2012). Les cas de force majeure restent toutefois réservés (art. 16 al. 1, 2ème phr., LPA). Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de l’extérieur de façon irrésistible (ATA/244/2015 précité ; ATA/143/2015 précité ; ATA/280/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/105/2012 du 21 février 2012 ; ATA/586/2010 du 31 août 2010).

6) a. Pour les scrutins fédéraux, l’art. 11 al. 3 de la loi fédérale sur les droits politiques du 17 décembre 1976 (LDP - RS 161.1) prévoit que les électeurs reçoivent, au plus tôt quatre semaines avant le jour de la votation, mais au plus tard trois semaines avant cette date, les documents qui, au regard du droit cantonal, leur permettent d’exprimer valablement leur vote (bulletin de vote, carte de légitimation, enveloppe électorale, timbre de contrôle, etc.). Le texte soumis à la votation et les explications peuvent cependant leur être remis plus tôt. La Chancellerie fédérale publie, sur support électronique et au plus tard six semaines avant le jour de la votation, les textes soumis à la votation et les explications qui les accompagnent.

b. À Genève, pour les votations fédérales, les électeurs reçoivent, au plus tôt quatre semaines avant le jour de la votation mais au plus tard trois semaines avant cette date, les bulletins de vote, les textes soumis à la votation et les explications y relatives (art. 52 LEDP). Ces délais sont les mêmes pour les votations cantonales et communales, les électeurs recevant alors le bulletin de vote, les textes soumis à la votation, des explications qui comportent s’il y a lieu un commentaire des autorités d’une part et des auteurs du référendum ou de l’initiative d’autre part ainsi que les recommandations du Grand Conseil ou du conseil municipal (art. 53 al. 1 LEDP).

Depuis le 30 mars 2016, date de l’entrée en vigueur de la loi 11714 modifiant la LEDP, adoptée le 29 janvier 2016, l’art. 53 al. 2 LEDP prévoit, s’agissant des votations cantonales et communales, que le texte soumis à la votation et les explications peuvent être remis plus tôt aux électeurs. La Chancellerie d’État publie, sur support électronique et au plus tard six semaines avant le jour de la votation, les textes soumis à la votation et les explications qui les accompagnent. Cette disposition a été adoptée afin de permettre la publication des documents concernés avant la remise de leur version papier aux citoyens et ainsi, à l’instar du droit fédéral, susciter un débat en toute connaissance de cause, avant que les consignes de vote ne soient données par les partis politiques (exposé des motifs relatif au projet de loi 11714 p. 3, consultable sur le site http://ge.ch/grandconseil/memorial/seances/010213/83/18/). Avant l’entrée en vigueur de cette disposition, l’ancien Tribunal administratif avait jugé, dans un arrêt rendu en 2008, que la législation alors en vigueur ne permettait pas la diffusion de la brochure explicative sur le site internet de l’État. Cette situation, à la différence de l’envoi du texte en tant que tel, n’ouvrait ainsi pas l’exercice du droit de vote. En d’autres termes, ce qui était déterminant était la prise de connaissance des objets soumis au corps électoral par le biais de la transmission du matériel de vote par la poste, la diffusion sur internet des documents y relatif ne constituant qu’une présomption de prise de connaissance (ATA/583/2008 précité consid. 3). Dans un arrêt du 3 juin 2016, la chambre de céans n’a pas infirmé cette jurisprudence, malgré l’entrée en vigueur, dans l’intervalle, de l’art. 53 al. 2 LEDP tel que modifié par la loi 11714, laissant néanmoins ouverte, au vu de l’issue du recours, la question de savoir si les recourants avaient eu connaissance de la brochure publiée sur le site internet de l’État de Genève (ACST/8/2016 précité consid. 6).

7) En l’espèce, le recours a été déposé au greffe de la chambre de céans le 29 août 2017.

Bien que la date à laquelle le matériel de vote comprenant la brochure a été expédié ne soit pas connue, il ressort néanmoins du dossier qu’il n’a vraisemblablement été envoyé aux électeurs qu’après le 21 août 2017, au regard des informations fournies par le secrétariat du maire à M. G______, selon lequel il était encore en cours d’impression à cette date, ce qui est également plausible au regard du délai prévu tant par la LDP que la LEDP. Il n’est ainsi pas invraisemblable que les personnes physiques recourantes n’aient eu connaissance du contenu de la brochure qu’au plus tôt à compter du 24 août 2017, comme elles l’allèguent, ce qui est également corroboré par les échanges de courriels entre MM. F______ et PAGANI d’une part et entre Mme A______ et M. PAGANI d’autre part.

Malgré les fonctions et qualités des personnes physiques recourantes, l’on ne saurait, dans ce cadre, présumer qu’elles aient eu connaissance plus tôt de la brochure, laquelle a été mise à disposition du corps électoral sous format électronique à compter du 11 août 2017 sur le site internet de l’État de Genève, au regard des courriels de M. G______ des 7 et 21 août 2017. Les échéances communiquées par la ville à M. F______ le 27 juin 2017 ne contenaient aucune indication à ce titre et rien n’indique qu’ils ont consulté internet avant le 24 août 2017. Au demeurant, s’il est vrai que les membres du bureau, y compris Mme A______, avaient connaissance des textes destinés à être insérés dans la brochure dès le 22 juin 2017, ils ignoraient la version finale retenue, qui n’avait pas été portée à leur connaissance par les autorités, comme l’indiquent les différents courriels versés au dossier. D’une manière plus générale, on ne saurait retenir comme déterminante la date de la mise sur internet du texte de la brochure, sauf en présence d’éléments à même de rendre vraisemblable une prise de connaissance du contenu par ce biais antérieure à la réception du matériel de vote. À cet égard, la présente situation de fait se distingue de celle décrite dans l’ACST/8/2016 du 3 juin 2016, dans lequel la recevabilité du recours avait été laissée ouverte, mais où se posait également, en sus de celle de la date de la prise de connaissance de la brochure sur internet, la question de la date de la réception du matériel de vote.

Il s’ensuit que le recours est recevable sous cet angle également.

8) L’acte de recours satisfait par ailleurs aux exigences de forme et de contenu prescrites par les art. 64 al. 1 et 65 LPA. En particulier, il comporte un exposé des motifs suffisants (art. 65 al. 2, 1ère phr., LPA), étant précisé que l’exigence d’un exposé détaillé des griefs prévue pour les recours en matière de validité des actes normatifs (art. 65 al. 3 LPA) n’est pas posée pour les recours en matière de votations et d’élection. Appliquant le droit d’office, la chambre de céans n’est cependant pas liée par les motifs invoqués par les parties, mais elle l’est par les conclusions prises par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA).

9) a. L’art. 34 al. 1 Cst. garantit de manière générale et abstraite les droits politiques, que ce soit sur le plan fédéral, cantonal ou communal. Selon l’art. 34 al. 2 Cst., qui codifie la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral sous l’empire de la Constitution fédérale du 29 mai 1874 (arrêt du Tribunal fédéral 1P.298/2000 du 31 août 2000 consid. 3a), cette garantie protège la libre formation de l’opinion des citoyens et l’expression fidèle et sûre de leur volonté. L’art. 44 Cst-GE contient un texte similaire.

b. En particulier, l’art. 34 al. 2 Cst. garantit aux citoyens qu’aucun résultat de vote ne soit reconnu s’il ne traduit pas de façon fidèle et sûre l’expression de leur libre volonté. Chaque citoyen doit pouvoir se déterminer en élaborant son opinion de la façon la plus libre et complète possible et exprimer son choix en conséquence. La liberté de vote garantit la sincérité du débat nécessaire au processus démocratique et à la légitimité des décisions prises en démocratie directe (ATF 140 I 394 consid. 8.2 ; 140 I 338 consid. 5 ; 139 I 2 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_130/2015 du 20 janvier 2016 consid. 3.1).

c. Le résultat d’une votation est faussé lorsque les autorités influencent de manière inadmissible les citoyens. Une telle influence peut notamment s’exercer par le biais des explications officielles adressées aux citoyens, dans lesquelles l’autorité explique l’objet du scrutin et recommande son acceptation ou son rejet. Dans ce cadre, l’autorité n’est pas tenue à un devoir de neutralité et peut formuler une recommandation de vote. Elle doit toutefois respecter un devoir d’objectivité, qui est violé lorsqu’elle informe de manière erronée sur le but et la portée du projet. Les explications de vote satisfont en revanche à l’exigence d’objectivité lorsqu’elles sont équilibrées et répondent à des motifs importants, qu’elles fournissent une image complète du projet avec ses avantages et ses inconvénients et qu’elles mettent les électeurs en mesure d’acquérir une opinion. Le message explicatif peut notamment contenir l’avis des autorités sur des questions d’appréciation, car il appartient en définitive à l’électeur de se faire lui-même sa propre opinion. Au-delà d’une certaine exagération, les explications de vote ne doivent être ni contraires à la vérité ni tendancieuses, voire simplement inexactes ou incomplètes. L’autorité n’est pas tenue de discuter chaque détail du projet ni d’évoquer chaque objection qui pourrait être soulevée à son encontre, mais il lui est interdit de passer sous silence des éléments importants pour la décision du citoyen ou de reproduire de manière inexacte les arguments des adversaires du référendum ou de l’initiative (ATF 140 I 338 consid. 5.1 ; 139 I 2 consid. 6.2 ; ATF 138 I 61 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_130/2015 précité consid. 3.1 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, 3e éd., 2013, n. 928).

L’autorité ne doit pas non plus intervenir de manière inadmissible dans la campagne précédant une votation, en utilisant des moyens répréhensibles. Par exemple, une commune peut certes mettre en œuvre les mêmes moyens d’information que ceux généralement utilisés par les partisans et adversaires d’un projet mis en votation, mais elle doit faire preuve d’une certaine objectivité et s’abstenir d’engager dans la campagne des moyens financiers disproportionnés (ATF 119 Ia 271 consid. 3b ; 116 Ia 466 consid. 4b et 4c ; 114 Ia 427 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_424/2009 précité consid. 3.1 non publié de l’ATF 136 I 404). L’autorité peut également répondre aux prises de position souvent unilatérales des groupes de pression influents de la société civile, pour tenter de rétablir une certaine objectivité du débat politique (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., n. 929). Quant aux membres de l’autorité concernée, titulaires de la liberté d’expression et citoyens, ils peuvent en principe s’exprimer librement durant la campagne en prenant position dans la campagne référendaire à titre individuel, en signant des appels publics, en rédigeant des articles de presse ou en participant à des émissions tout en mentionnant leur nom et position pour conférer un poids particulier à leur engagement politique. Ce qu’ils doivent éviter en revanche est de donner une touche officielle à leurs interventions privées pour créer l’impression qu’il s’agit d’un acte d’autorité (ATF 130 I 290 consid. 3.3 ; 119 Ia 271 consid. 3d ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_424/2009 précité consid. 3.1 non publié de l’ATF 136 I 404 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, op. cit., n. 935). Le Tribunal fédéral a par exemple jugé que, dans le cadre d’une campagne référendaire, le fait qu’un conseiller d’État ait répondu publiquement dans un article de presse aux objections qu’avaient soulevées le rapport explicatif du gouvernement ne violait pas la liberté de vote (ATF 130 I 290 consid. 5.3 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/ Michel HOTTELIER, op. cit., p. 310 s. n. 935).

Pour savoir si les électeurs ont acquis une opinion suffisante et objective sur l’objet soumis au vote, il convient de prendre en considération le contexte global et l’ensemble des informations diffusées. Dans ce cadre, il est sans importance que ces informations proviennent en partie des explications du gouvernement dans la brochure de vote ou de déclarations de membres de l’exécutif aux médias, ni que ces derniers s’y soient référés explicitement ou non (ATF 138 I 61 consid. 7.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_130/2015 précité consid. 3.2).

10) En droit genevois, l’art. 53 al. 1 LEDP prévoit que les électeurs reçoivent de l’État pour les votations cantonales et des communes pour les votations communales le bulletin de vote, les textes soumis à la votation, des explications qui comportent, s’il y a lieu, un commentaire des autorités d’une part et des auteurs du référendum ou de l’initiative d’autre part, ainsi que les recommandations du Grand Conseil ou du conseil municipal (al. 1). Depuis le 16 juin 2012, l’art. 53 al. 4 LEDP prévoit en outre qu’en matière communale, le commentaire des autorités est rédigé par l’exécutif. Il comprend une synthèse brève et neutre de chaque objet soumis à votation, défend de façon objective le point de vue du conseil municipal et indique le résultat du vote en mentionnant, le cas échéant, l’avis de l’exécutif et d’importantes minorités. Cette disposition a la même teneur que l’art. 53 al. 3 LEDP et vise à éviter que les autorités ne puissent, à travers un titre neutre et trompeur, comme « L’essentiel en bref » jusqu’alors utilisé par les autorités cantonales, faire passer un message (exposé des motifs relatif au PL 10415, MGC 2008-2009 II/2 A 3173). La synthèse brève et neutre de l’art. 53 al. 3 et 4 LEDP doit ainsi se limiter à résumer les changements entraînés par l’objet soumis au vote, sans contenir de prise de position (rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d’étudier le PL 10415, MGC 2008-2009 X/1 A 1270).

L’art. 8A al. 1 du règlement d’application de la loi sur l’exercice des droits politiques du 12 décembre 1994 (REDP - A 5 05.01) précise en outre que pour les votations communales, les explications comportent un commentaire des autorités d’une part et des auteurs du référendum ou de l’initiative d’autre part. Le commentaire des autorités communales exprime de façon objective le point de vue du conseil municipal et indique le résultat du vote en mentionnant, le cas échéant, l’avis d’importantes minorités (art. 8B al. 2 REDP). Le commentaire rédigé par les auteurs du référendum ou de l’initiative est soumis à l’approbation de l’exécutif (art. 8C al. 1 REDP). Il peut être modifié d’office lorsqu’il est trompeur, injurieux ou trop long. Les modifications doivent être communiquées aux auteurs (art. 8C al. 3 REDP). Par ailleurs, toute propagande unilatérale, déloyale ou trompeuse est interdite, de même que le financement occulte ou disproportionné de la campagne (art. 8D al. 1 REDP).

En application de l’ancien art. 53 LEDP, qui ne prévoyait pas encore l’établissement d’une synthèse brève et neutre de chaque objet soumis à votation, le Tribunal administratif avait jugé que d’intituler « Une initiative qui n’atteint pas sa cible » la rubrique « L’essentiel en bref » figurant dans la brochure explicative et précédant immédiatement le texte de l’initiative, objet du scrutin, allait au-delà de la portée descriptive à laquelle l’autorité devait se limiter. Cette prémisse ne pouvait être comprise autrement que par la volonté du Conseil d’État d’influencer l’électeur, ce d’autant que la rubrique en question laissait penser qu’il s’agissait d’un exposé objectif des enjeux, ce qui n’était pas le cas au regard de son contenu, dont la coloration négative transformait ce qui devait être une présentation en une interprétation de l’autorité exécutive (ATA/583/2008 précité consid. 9a).

11) a. En l’espèce, les recourants se plaignent du contenu de la brochure explicative rédigée par le conseil administratif, qui ne satisferait pas aux exigences de neutralité et d’objectivité et serait, par voie de conséquence, de nature à influencer de manière illicite la libre formation de la volonté des citoyens.

b. Dans ce cadre, les commentaires des autorités, qui sont réservés à leurs avis sur les objets soumis au vote et leur permettent d’exprimer leur point de vue, ne doivent pas respecter une stricte neutralité, à charge pour le citoyen de se forger une opinion sur cette base. Ainsi, le commentaire de la minorité ne saurait être lu sans se référer à celui de la majorité, et inversement, les deux avis étant complémentaires et permettant à l’électeur de se forger sa propre opinion. Il importe ainsi peu que, par exemple, l’un de ces textes n’indique pas que certaines coupes résultaient d’arbitrages préalables effectués par le conseil administratif, dans la mesure où l’autre le précise. En tout état de cause, une telle information n’apparaît ici pas déterminante, l’objet soumis au vote étant le budget voté par la majorité du conseil municipal, et non pas le projet du conseil administratif, la première ayant au demeurant, tout en les augmentant, avalisé les coupes du second. Il n’est pas non plus incongru que le conseil administratif s’oppose, aux côtés de la minorité du conseil municipal, aux coupes effectuées par la majorité de celui-ci, malgré les arbitrages préalables effectués, inférieurs à celles finalement retenues par la délibération précitée. À cela s’ajoute que le commentaire de la minorité n’émane pas seulement du conseil municipal, mais également du conseil administratif, de sorte que son point de vue pouvait y être mentionné.

c. S’agissant de la synthèse brève et neutre de chacun des quatre référendums, celle-ci, comme son nom l’indique, doit être succincte et ne comporter que les éléments essentiels permettant de présenter l’objet soumis au vote, et n’a pas à mentionner en détail la chronologie des événements ayant conduits à son adoption, contrairement à ce que soutiennent les recourants. Le conseil administratif était d’ailleurs d’autant moins tenu de suivre les modifications proposées par la majorité du conseil municipal que la compétence de sa rédaction lui appartient.

Pour le premier référendum, les explications fournies par les autorités n’apparaissent pas problématiques, dès lors qu’elles se limitent à énumérer les domaines affectés par la réduction budgétaire de CHF 1’000'000.-, ainsi que les départements concernés et les coupes supportées par chacun de ceux-ci. Cette information n’est pas subjective et permet, au contraire, aux citoyens de mieux comprendre les domaines affectés par la coupe linéaire votée par la majorité du conseil municipal. S’agissant du quatrième référendum, si l’emploi du terme « amputé » pour parler de la diminution de l’allocation de rentrée scolaire décidée par la majorité du conseil municipal peut paraître subjectif, il est toutefois contrebalancé par le rappel, au paragraphe suivant, de l’amélioration du résultat financier dû à cette même coupe.

Les termes utilisés dans la synthèse brève et neutre pour les deux autres référendums sont bien plus problématiques. Il en va ainsi du texte du troisième référendum, qui indique que les coupes budgétaires de CHF 963'160.- dans l’encouragement à la culture « portent un préjudice certain » à l’accessibilité de la culture pour l’ensemble de la population, assertion dont la neutralité apparaît plus que douteuse. Tel est encore davantage le cas du texte de la synthèse du deuxième référendum, selon lequel les coupes votées par le conseil municipal « pénaliseraient gravement des dizaines de petits projets », avant d’ajouter que « le projet de budget 2017 présenté par le conseil administratif en décembre 2017 (sic) était équilibré, il dégageait au surplus un léger excédent financier de CHF 265'000.- ». Il ne mentionne au demeurant pas que le conseil municipal a simultanément alloué un montant de CHF 340'000.-, correspondant à la coupe litigieuse, à la Croix Rouge genevoise.

Ces indications sont dépourvues de toute objectivité et attentent à la réserve dont les autorités doivent faire preuve dans le cadre de la rédaction d’une synthèse brève et neutre destinée à informer, sans parti pris ni prise de position, les citoyens de l’objet soumis au vote et non pas, comme en l’espèce, tenter de faire passer un message en faveur des référendums.

d. À ces derniers éléments s’ajoute encore l’« introduction du comité référendaire » figurant en tête de la brochure, après le texte de la délibération du conseil municipal du 28 avril 2017 mais avant les commentaires des quatre référendums, en particulier les synthèses brèves et neutres relatives à ceux-ci.

L’ajout d’une telle introduction apparaît non seulement problématique au regard de sa place dans la brochure, mais également quant à son contenu, fortement subjectif, et ainsi au poids démesuré accordé en particulier au comité référendaire, qui dispose déjà d’un argumentaire pour chacun des quatre référendums, et, de manière générale, aux partisans des référendums, à savoir également la minorité du conseil municipal et le conseil administratif.

Quoi qu’en dise la ville, l’intitulé de cette introduction, qui mentionne qu’elle est le fait du comité référendaire, ou qu’au final le nombre de signes pour les référendaires et les autorités soit équivalent, n’y change rien et ne saurait occulter l’apparence d’une prise de position des autorités en faveur de l’acceptation des référendums. Il n’est pas non plus déterminant, comme l’a indiqué la ville, que cette manière de procéder ait été dictée par des contingences organisationnelles, le dossier mettant en évidence que M. PAGANI souhaitait agir de la sorte bien avant la finalisation du texte. Comme l’ont relevé les recourants, le maire apparaît du reste avoir agi ainsi sans consulter ses collègues, ce qui ressort en particulier de l’article de la Tribune de Genève versé au dossier, étant précisé que l’intéressé a lui-même activement participé à la récolte des signatures pour les référendums, ce qui n’est au demeurant pas contesté. Par ailleurs, les réponses quelque peu laconiques du SVE aux demandes de M. PAGANI ne sauraient signifier un consentement ou une adhésion de sa part.

L’affirmation de la ville selon laquelle le texte du comité référendaire ne pouvait être réduit est d’autant moins satisfaisante que l’art. 8C al. 3 REDP permet à l’autorité de modifier d’office le texte du commentaire des auteurs d’un référendum lorsqu’il s’avère trop long. Il n’est au demeurant pas contesté que les modifications proposées par la majorité du conseil municipal s’agissant de leurs propres commentaires n’ont pas été prises en compte dans leur intégralité, non seulement par souci de lisibilité mais également de place. L’on ne voit ainsi pas pour quel motif autre que d’influencer les votants la ville a jugé bon de ne pas donner suite aux modifications proposées par la majorité s’agissant de leur propre commentaire tout en ne coupant pas le texte du comité référendaire.

e. Pris dans leur ensemble, ces éléments tendent à induire gravement le citoyen en erreur, de façon à influencer ou fausser de manière essentielle le résultat du vote. Ces irrégularités sont d’autant plus graves qu’elles émanent des autorités. Même s’il appartient à l’électeur de se forger sa propre opinion et, qu’outre les informations officielles, les débats publics et les articles de presse peuvent contribuer à la formation de cette volonté, il n’en demeure pas moins que pour l’électeur, du fait de la complexité liée au domaine budgétaire, il est particulièrement malaisé de se faire une opinion sur le sujet. Il ne peut donc se rattacher qu’aux explications qui lui sont fournies, en particulier par le matériel de vote. Ainsi, après avoir parcouru la brochure, l’électeur moyen, soit celui qui ne dispose pas de connaissances particulières dans l’affaire en cause, ne peut être qu’encouragé à voter en faveur des référendums, au vu des indications qui lui sont fournies.

Dans la mesure où le vote électronique et le vote par correspondance ont déjà débuté, il n’est plus possible d’ordonner une mesure rectificative. Les quatre référendums municipaux soumis à la votation du 24 septembre 2017 étant intimement liés, les graves irrégularités constatées sont de nature à fausser de manière essentielle le résultat de la votation, de sorte que l’opération électorale sur ces objets doit être annulée.

12) Il s’ensuit que le recours sera admis au sens de ce qui précède. La chambre de céans ayant statué sur le fond, les mesures provisionnelles sollicitées par les recourants deviennent sans objet.

13) Vu ce qui précède, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la Ville de Genève, laquelle sera en outre condamné à payer aux recourants, pris conjointement et solidairement, une indemnité de procédure de CHF 1'500.- (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 août 2017 par le mouvement citoyen genevois, section Ville de Genève, le parti démocrate-chrétien de la Ville de Genève, le PLR les libéraux-radicaux de la Ville de Genève, l’union démocratique du centre, section Ville de Genève, Mesdames A______ et B______ ainsi que Messieurs C______, D______ et E______ contre la brochure explicative, en vue du scrutin du 24 septembre 2017, relative aux quatre référendums portant sur la délibération du Conseil municipal de la Ville de Genève du 28 avril 2017 ;

au fond :

l’admet ;

annule l’opération électorale du 24 septembre 2017 relative aux quatre référendums portant sur la délibération du Conseil municipal de la Ville de Genève du 28 avril 2017 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de la Ville de Genève ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- aux recourants, pris conjointement et solidairement, à la charge de la Ville de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Vincent Latapie, avocat des recourants, à la Ville de Genève, au service des votations et élections ainsi qu’au Conseil d’État pour information.

Siégeant : M. Verniory, président, Mmes Cramer et Galeazzi, M. Pagan, Mme Tapponnier, juges.

 

Au nom de la chambre constitutionnelle :

la greffière-juriste :

 

 

C. Gutzwiller

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :