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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/2639/2014

ACST/1/2015 du 23.01.2015 ( ABST ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2639/2014-ABST ACST/1/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 23 janvier 2015

 

dans la cause

 

 

 

Messieurs A______, B______ et C______,
représentés par Me Jacques Roulet, avocat

contre

GRAND CONSEIL

 


EN FAIT

1. Messieurs A______, B______ et C______, tous trois de nationalité suisse et domiciliés dans le canton de Genève, y exercent leurs activités professionnelles dans le domaine des taxis et du transport professionnel de personnes et y sont titulaires des droits politiques.

2. Le 6 juillet 2010, le Conseil d'État de la République et canton de Genève (ci-après : le Conseil d’État) a saisi le Grand Conseil d'un projet de loi PL 10'697 sur le transport professionnel de personnes (ci-après : PL 10'697), abrogeant la loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 (LTaxis – H 1 30), en vigueur depuis le 15 mai 2005.

3. Le 17 septembre 2013, la commission des transports du Grand Conseil a soumis à celui-ci le PL 10’697 remanié, accompagné d'un rapport PL 10’697-A.

4. Le 27 mars 2014, le Grand Conseil a adopté ce projet de loi, avec quelques amendements, dont le refus de son art. 44 souligné prévoyant la soumission de la loi au corps électoral en application de l'art. 67 al. 3 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE – A 2 00).

La loi ainsi adoptée (ci-après : LTSP) visait à assurer la mise à disposition d'un service public de taxis répondant en tout temps à la demande de clients, par les taxis de service public, en nombre limité, au bénéfice de prérogatives et soumis à des contraintes. Elle réglementait également l'activité des autres transports professionnels de personnes, en particulier les taxis de service restreint et chauffeurs de limousine. Elle prévoyait la perception d'une taxe annuelle comprise entre CHF 900.- et CHF 1'400.- pour la délivrance et le renouvellement de chaque permis de service public, susceptible d'être diminuée ou augmentée jusqu'à 40 % en fonction de la bonne ou mauvaise qualité écologique du véhicule auquel était rattaché ledit permis (art. 16 al. 5 à 7). Elle prévoyait également, au titre de l’impôt annuel sur les véhicules à moteur, le passage d'une imposition forfaitaire des taxis de CHF 128.- à l’impôt applicable aux voitures de tourisme en général avec un bonus/malus cependant majoré en fonction des rejets du dioxyde de carbone (ci-après : CO2 ; art. 43 souligné al. 1, modifiant les art. 415 et 421 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 - LCP - D 3 05).

5. Par courrier du 16 avril 2014, le Conseil d'État a indiqué au bureau du Grand Conseil que la LTSP comportait pour l'essentiel des dispositions exposées au référendum facultatif ordinaire (pouvant être demandé par 3 % des titulaires des droits politiques), mais aussi deux dispositions (à savoir son art. 16 al. 5 à 7 et son art. 43 souligné al. 1 modifiant la LCP) exposées quant à elles au référendum facultatif facilité (pouvant être demandé par 500 titulaires des droits politiques), contrairement à ce qu'exigeait l'art. 85A de la loi sur l'exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP – A 5 05). Le Grand Conseil était invité à rétablir une situation conforme au droit en scindant la LTSP en deux lois distinctes (ci-après : L 10’697-I et L 10’697-II), devant être publiées ensemble dans la Feuille d'avis officielle (ci-après : FAO), et comportant, sans changement de teneur, l'une, toutes les dispositions de la loi hormis ses dispositions de nature fiscale, et l'autre, uniquement ses deux dispositions de nature fiscale.

6. Le 9 mai 2014, cinq députés ont déposé un projet de loi divisant la LTSP en deux lois distinctes (ci-après : PL 11'460), selon la proposition formulée par le Conseil d'État. 

Le PL 11’460, renvoyé à la commission législative du Grand Conseil, prévoyait en outre une clause d'urgence.

7. Le 2 juin 2014, la commission législative du Grand Conseil a déposé au bureau de celui-ci un rapport PL 11’460-A, comportant un rapport de majorité et un rapport de minorité.

Le rapport de majorité préconisait de « valider le PL 11’460 permettant la scission de la L 10’697 pour publication formelle, tout en garantissant le respect des droits populaires en matière de référendum et en permettant au Conseil d'État de respecter le cadre légal contraignant qui lui a été donné par (le) Parlement ».

Le rapport de minorité proposait d'apporter deux amendements au PL 11’460, à savoir de supprimer dans son préambule la référence à l'art. 85A LEDP et de prévoir, à son art. 1, qu'« en dérogation à l'article 85A, alinéa 2 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, la loi 10’697 sur les taxis de service public et autres transports professionnels de personnes, du 27 mars 2014, est soumise au corps électoral si le référendum est demandé par 500 titulaires des droits politiques, en vertu de l'article 67, alinéa 2, lettre a de la Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 ».

8. Le 5 juin 2014, le Grand Conseil a adopté, en deuxième débat et au début du troisième débat, les différents amendements proposés par le rapport de minorité, mais lors du vote sur l'entier du PL 10’460 ainsi amendé, il a rejeté ce dernier.

9. Le 10 juin 2014, huit députés ont déposé au bureau du Grand Conseil un projet de loi « soumettant la loi 10’697 sur les taxis de service public et autres transports professionnels de personnes au référendum facultatif selon l'article 67, alinéa 2 de la Constitution », dont la teneur correspondait quasiment à celle du PL 11’460 dans sa versions amendée mais finalement refusée par le Grand Conseil cinq jours plus tôt. Ce projet de loi (ci-après : PL 11'473) était constitué des deux articles suivants (après un préambule faisant référence uniquement aux art. 67 al. 1 et 2 et 70 Cst-GE) :

Art. 1 Dérogation

En dérogation à l'article 85A, alinéa 2 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, la loi 10’697 sur les taxis de service public et autres transports professionnels de personnes, du 27 mars 2014, est soumise au corps électoral si le référendum est demandé par 500 titulaires des droits politiques, en vertu de l'article 67, alinéa 2, lettre a de la Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012.

Art. 2 Clause d'urgence

L'urgence est déclarée.

10. Le 27 juin 2014, le Grand Conseil a adopté le PL 11'473 sans amendement (ci-après : L 11'473). Lors du deuxième débat, il avait adopté la clause d'urgence par 75 oui contre 1 non et 6 abstentions.

11. Par arrêté du 2 juillet 2014, faisant mention de l’urgence déclarée par le Grand Conseil, le Conseil d'État a promulgué la L 11'473. Cet arrêté, accompagné de la L 11'473, a été publié dans la FAO du 4 juillet 2014.

La L 11'473 était exécutoire pour une année dans tout le canton dès le lendemain de la publication de l'arrêté de promulgation et était soumise au référendum facultatif. Le nombre de signatures exigé était de 3 % des titulaires des droits politiques et le délai référendaire expirait le 15 septembre 2014.

12. Par arrêté de publication du 23 juillet 2014, faisant référence à la L 11’473, le Conseil d'État a publié la LTSP dans la FAO du 25 juillet 2014.

La LTSP était soumise au référendum facultatif, le nombre de signatures exigé était de 500 et le délai référendaire expirait le 24 septembre 2014. 

13. Par courrier du 6 août 2014, l'Association des Taxis de Service Public (ATSP), la Fédération des Entreprises de Taxi (FET), la Société Coopérative de Concessionnaires Indépendants de Taxis (SCCIT), la société coopérative taxis 202, Taxi-Phone Centrale SA et Taxi Ambassador Sàrl (ci-après : les milieux professionnels des taxis) ont annoncé au Conseil d’État leur intention de lancer un référendum contre la LTSP.

14. Par courrier du 8 août 2014, les milieux professionnels des taxis ont soumis le formulaire de récolte des signatures au service des votations et élections.

15. Le 11 août 2014, le service des votations et élections a approuvé ledit formulaire.

16. Un avis paru dans la FAO du 15 août 2014 a annoncé le lancement d’un référendum contre la LTSP par les milieux professionnels des taxis.

17. Par acte expédié le 3 septembre 2014, MM. A______, B______ et C______ ont recouru auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre la L 11'473, concluant à son annulation.

Le premier article de la L 11’473 violait leurs droits politiques garantis par l'art. 67 Cst-GE et l'art. 85A LEDP, lesquels ne permettaient pas au Grand Conseil de soumettre une loi mixte à un seul référendum et commandaient de scinder une telle loi en deux lois distinctes, soumises chacune au référendum qui lui était applicable. Il enfreignait au surplus le principe de la légalité, en vertu duquel le Grand Conseil devait appliquer la règle qu'il avait lui-même édictée, à savoir l'art. 85A al. 2 LEDP, dans la mesure où la L 11'473 ne modifiait pas cette disposition-ci en conformité de la règle du parallélisme des formes et ne pouvait en conséquence s'appliquer en son lieu et place au bénéfice de la règle lex posterior derogat priori.

Le second article de la L 11’473 était quant à lui contraire à l'art. 70 Cst-GE. Il n'y avait aucune urgence matérielle et temporelle à faire entrer la L 11’473 en vigueur immédiatement, l’absence de respect de l'art. 85A al. 2 LEDP lors de l'adoption de la LTSP ne réalisant pas les conditions du recours à la clause d'urgence.

18. Par arrêté du 17 septembre 2014, publié dans la FAO du 19 septembre 2014, le Conseil d'État a constaté qu'aucun référendum n'avait été lancé contre la L 11’473.

19. Le 24 septembre 2014, les listes de signatures du référendum contre la LTSP ont été déposées au service des votations et élections.

20. Le 6 octobre 2014, le Grand Conseil a conclu à l'irrecevabilité et, sur le fond, au rejet du recours de MM. A______, B______ et C______.

Les recourants n'avaient pas la qualité pour recourir contre la L 11’473. Par leur recours, ils combattaient en définitive la LTSP, de plus comme représentants des milieux professionnels des taxis genevois ; ils n'avaient donc pas d'intérêt personnel digne de protection à l'annulation ou la modification de la L 11’473, qui facilitait le lancement d'un référendum contre la LTSP. Leur intérêt au recours n'était plus actuel, dans la mesure où la L 11’473 avait déjà été mise en œuvre par le Conseil d'État, qui avait promulgué cette loi puis publié la LTSP, par des arrêtés contre lesquels ils n'avaient pas recouru ; le référendum que leurs milieux professionnels avaient lancé contre la LTSP avait abouti. Ils n'avaient pas requis de mesures provisionnelles à l'appui de leur recours contre la L 11’473. Enfin, ils n'avaient pas non plus d'intérêt virtuel à leur recours, la L 11’473 n'ayant pas vocation à s'appliquer une nouvelle fois.

Sur le fond, ni l'art. 67 Cst-GE, ni la jurisprudence n'imposaient de scinder une loi mixte comme la LTSP en deux lois distinctes ; au contraire, une telle scission serait susceptible de violer les droits politiques garantis par les art. 44 Cst-GE et 34 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) ; la soumission de l’entier de la LTSP au référendum facultatif facilité s’appuyait sur des motifs légitimes reconnus par le Tribunal fédéral. Le premier article de la L 11’473 était certes contraire à la lettre de l'art. 85A al. 2 LEDP, mais il n'y avait pas violation du principe de la légalité, car la L 11’473, ayant le rang d'une loi soumise au référendum facultatif, dérogeait à l'art. 85A al. 2 LEDP en satisfaisant aux exigences de la règle du parallélisme des formes, dont il était au demeurant possible de se distancer en cas d'urgence ou pour la correction d'erreurs matérielles. Le problème de la coexistence de l'art. 85A al. 2 LEDP et du premier article de la L 11’473 devait se résoudre, en faveur de celui-ci, par l'application des règles lex posterior derogat legi priori ou lex specialis derogat legi generali.

Les conditions de l'urgence prévues par l'art. 70 Cst-GE étaient réalisées. La LTSP devait être publiée sans temporisation supplémentaire afin que son entrée en vigueur ou sa soumission au vote du corps électoral ne prennent pas un retard incompatible avec le bon fonctionnement des institutions.

21. Le 27 octobre 2014, MM. A______, B______ et C______ ont persisté dans les termes et les conclusions de leur recours.

Leur intérêt au recours ne pouvait leur être dénié sous prétexte que l'illicéité du procédé utilisé par le Grand Conseil leur serait favorable. Ils avaient intérêt à ce que la procédure référendaire contre la LTSP ne soit pas viciée, et à ce que deux lois distinctes soient exposées à des référendums afin de conserver le choix de faire soumettre au corps électoral les deux ou l'une des deux lois seulement ; le référendum lancé par leurs milieux professionnels l'avait été pour ne prendre aucun risque. Ils n'avaient pas de raison de recourir contre l'arrêté de promulgation de la L 11’473, qui ne violait pas en lui-même la procédure des opérations électorales. Cette loi étant intrinsèquement liée à la LTSP, leur intérêt virtuel au recours subsistait. Des mesures provisionnelles consistant à bloquer le processus législatif n'auraient eu aucune chance de leur être accordées.

Sur le fond, le droit en vigueur s'opposait à ce qu'une même loi contienne des dispositions soumises à des types de référendum différents et imposait donc une scission de la LTSP en deux lois distinctes, sans que cela ne mette en péril la cohérence de ce texte législatif. Le principe du parallélisme des formes ne pouvait être circonvenu par l'adoption d'une loi dérogatoire limitée à un cas particulier. Le vote de la clause d’urgence par une majorité qualifiée de députés ne constituait pas une démonstration d'urgence justifiant de faire entrer en vigueur la L 11'473 immédiatement. Le domaine qu'entendait régir la LTSP se trouvait l'être de façon tout à fait viable par la LTaxis en vigueur depuis plus de neuf ans.

22. Par arrêté du 29 octobre 2014, publié dans la FAO du 31 octobre 2014, le Conseil d'État a constaté l'aboutissement du référendum cantonal contre la LTSP. Le nombre de signatures exigé conformément à la L 11’473 avait été atteint. 

23. Le 14 novembre 2014, le Grand Conseil a maintenu les termes de ses précédentes observations.

Les recourants confondaient les conditions de recevabilité d'un recours dirigé respectivement contre une décision et un acte normatif. Il n'y avait pas de motif de renoncer à l'exigence d'un intérêt à l'appui de leur recours. Celui-ci leur faisait défaut. Ils recouraient dans l'intérêt général et n'avaient pas recouru contre l'arrêté de publication de la LTSP en requérant un contrôle préjudiciel de la L 11’473. La L 11'473, déjà mise en œuvre, ne pouvait pas porter atteinte à leurs intérêts dans le futur. L'art. 67 Cst-GE n'imposait pas une scission d'une loi mixte. L'art. 85A al. 2 LEDP pouvait poser des problèmes insurmontables.

24. Invités à produire s’ils le souhaitaient une nouvelle détermination, MM. A______, B______ et C______ ont persisté, le 2 décembre 2014, à nouveau dans les termes et les conclusions de leur recours.

Le mélange, dans une même loi, de dispositions exposées à des référendums différents violait non seulement le droit en vigueur, mais aussi leurs droits politiques. L’utilisation de la clause d'urgence ne pouvait aboutir à priver des recourants d'un intérêt actuel à recourir contre une loi en étant munie, même si celle-ci avait déjà été mise en œuvre.

25. Le 4 décembre 2014, le juge délégué a transmis au Grand Conseil, pour information, la détermination de MM. A______, B______ et C______ et a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.                                Le présent recours est dirigé contre les deux articles de la L 11’473, à savoir son article premier soumettant la LTSP au référendum facultatif facilité en dérogation à l'art. 85A al. 2 LEDP et son art. 2 déclarant l'urgence. Les recourants allèguent que cette loi n’est pas conforme au droit supérieur, constitué des droits politiques en matière référendaire et du principe de la légalité, en même temps qu’elle viole concrètement leurs droits politiques.

Sur le plan de la recevabilité, il faut déterminer à quel titre le recours est le cas échéant recevable ratione materiae, si les recourants sont légitimés à l'interjeter, s’il a été déposé en temps utile et s’il satisfait aux prescriptions de forme prévues par la loi.

2. a. Selon l'art. 124 Cst-GE, la Cour constitutionnelle - à savoir la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (art. 1 let. h ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05) - a pour compétences de contrôler sur requête la conformité des normes cantonales au droit supérieur, de traiter les litiges relatifs à l'exercice des droits politiques en matière cantonale et communale, et de trancher les conflits de compétence entre autorités. Lors de la mise en œuvre de cette disposition constitutionnelle, par le biais d’une loi 11’311 du 11 avril 2014, le législateur cantonal a ajouté à ces trois compétences celle de connaître des recours en matière de validité des initiatives populaires (art. 130B al. 1 let. c LOJ).

S'agissant du contrôle de la conformité des normes cantonales au droit supérieur, il a retenu que la chambre constitutionnelle connaît des recours contre les lois constitutionnelles, les lois et les règlements du Conseil d'État (art. 130B al. 1 let. a LOJ ; art. 57 let. d de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA – E 5 10). Pour les litiges relatifs à l'exercice des droits politiques en matière cantonale et communale, il a transféré à la chambre constitutionnelle (art. 180 LEDP) la compétence qu'avait jusqu'alors la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) de connaître des recours ouverts « contre les violations de la procédure des opérations électorales indépendamment de l’existence d’une décision » (art. 180 aLEDP).

b. Toute loi au sens formel ne contient pas nécessairement des normes stricto sensu, à savoir - selon une définition communément admise - des mesures générales, destinées à s'appliquer à un nombre indéterminé de personnes, et abstraites, se rapportant à un nombre indéterminé de situations, affectant au surplus la situation juridique des personnes concernées en leur imposant une obligation de faire, de s'abstenir ou de tolérer ou en réglant d'une autre manière et de façon obligatoire leurs relations avec l'État, ou alors ayant trait à l'organisation des autorités (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 3ème éd., 2013, n. 1790 ss ; Pascal MAHON, Droit constitutionnel, 3ème éd., 2014, n. 230). Cette définition est consacrée, sur le plan fédéral, par l’art. 164 al. 1 Cst., et par l'art. 22 al. 1 et 4 de la loi sur l'Assemblée fédérale du 13 décembre 2002 (LParl – RS 171.10), prévoyant que la forme de la loi fédérale doit être adoptée pour toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit, et que sont réputées fixant des règles de droit les dispositions générales et abstraites d’application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. Telle est aussi la notion d'acte normatif cantonal que retient le Tribunal fédéral dans l'interprétation de l'art. 82 let. b de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) - et déjà anciennement de l'art. 84 al. 1 de la loi fédérale d’organisation judiciaire, du 16 décembre 1943 - aOJ - lui conférant la compétence d'exercer le contrôle abstrait des normes cantonales (ATF 139 V 72 consid. 2.2.1 ; 135 II 38 consid. 4.3 ; 133 I 286 consid. 2.1 ; 128 I 167 consid. 4 ; 120 Ia 321 consid. 3.a ; 120 Ia 56 consid. 3.c ; 106 Ia 307 consid. 1.a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_469/2008 du 26 mai 2009 consid. 1 non publié in ATF 135 I 233 ; Alain WURZBURGER, Commentaire de la LTF, n. 91 et 91a ad art. 82 ; Heinz AEMISEGGER / Karin SCHERRER REBER, Commentaire bâlois LTF, n. 23 ad art. 82 ; Yves DONZALLAZ, Loi sur le Tribunal fédéral : commentaire, 2008, n. 2706 et 2696 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., n. 2074 et 2079 ; Pascal MAHON, op. cit., vol. 1, n. 305 s).

Des actes ou mesures qui, quoique adoptés selon la procédure législative, comportent une décision mais pas de règles de droit, à savoir des lois purement décisionnelles, ne peuvent en principe être contestées devant le Tribunal fédéral sur la base de l'art. 82 let. b LTF (arrêt du Tribunal fédéral 1C_659/2013 du 4 mars 2014 consid. 2.2 ; Arun BOLKENSTEYN, Le contrôle des normes, spécialement par les cours constitutionnelles cantonales, 2014, p. 61 s.). Selon Arun BOLKENSTEYN (op. cit., p. 310 et 315), les lois décisionnelles ne sont pas non plus sujettes à un contrôle de conformité au droit supérieur devant la chambre constitutionnelle, nonobstant le libellé de l'art. 130B al. 1 let. a LOJ.

c. L’art. 124 let. a Cst-GE parle de « normes cantonales ». Il ne résulte pas des travaux de la constituante genevoise qu'il suffit qu'un acte soit pris en la forme d'une loi pour qu'il soit attaquable devant la chambre constitutionnelle aux fins de contrôle de sa conformité au droit supérieur. La volonté du constituant a été d'instaurer sur le plan cantonal la possibilité, sur requête, d'un contrôle abstrait des normes cantonales, le cas échéant avant celui que le Tribunal fédéral n'exercerait désormais plus que sur recours contre des arrêts de la chambre constitutionnelle. Le législateur cantonal n'apparaît pas avoir voulu étendre sur ce point la possibilité d'un tel contrôle. Rien ne le laisse entendre dans l'exposé des motifs du projet de loi précité 11’311, ni dans les rapports de majorité et de minorité de la commission l'ayant examiné, ni lors des débats devant le Grand Conseil. Au contraire, l'art. 130B al. 1 let. a LOJ a été présenté dans le projet de loi comme correspondant à l'art. 124 let. a Cst-GE (MGC [En ligne] Annexes : objets nouveaux de la session II des 28 et 29 novembre 2013, p. 12). Il a été adopté tel quel, après le rejet d’un amendement proposant de viser à ladite disposition « les actes cantonaux et communaux contenant des règles de droit » ; le terme d'acte avait été décrit par le représentant du gouvernement comme n'étant pas suffisamment clair et pouvant prêter à confusion, alors que le texte proposé mettait « clairement en évidence qu'il (s'agissait) d'actes généraux et abstraits et non pas individuels et concrets », malgré l'affirmation du député auteur de l'amendement que la formulation de ce dernier était « beaucoup plus précise et conforme à la fois au texte et à l'esprit de la norme constitutionnelle » (MGC [En ligne], Séance 44 du 11 avril 2014 à 17h, Disponible sur http://ge.ch/grandconseil/memorial/seances/010107/44/16/).

Or, de façon parfaitement admissible (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 472 ss) et ainsi que le constituant ne pouvait l'ignorer, le droit genevois prévoit d'assez nombreux actes administratifs sans contenu normatif pris par le Grand Conseil sous la forme de lois. Tel est le cas, par exemple, des lois adoptées pour décerner la bourgeoisie d'honneur (art. 30 de la loi sur la nationalité genevoise du 13 mars 1992 – LNat – A 4 05), constater de manière ponctuelle l’utilité publique en vue d'expropriation (art. 3 al. 1 let. a de la loi sur l’expropriation pour cause d’utilité publique du 10 juin 1933 – LEx-GE – L 7 05), prendre diverses mesures financières dans le cadre de la gestion de l'État (cf. p. ex. art. 12 al. 2, 24, 25, 35, 40, 46, 47, 48 de la loi sur la gestion administrative et financière de l’État du 4 octobre 2013 - LGAF – D 1 05), adopter le budget annuel du canton (art. 69 Cst-GE ; art. 58 let. a LGAF ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2013 du 14 novembre 2013), autoriser l'aliénation d'immeubles propriété de l’État ou d’une personne morale de droit public (art. 98 Cst-GE). L'art. 35 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT – L 1 30), continue à confier à la chambre administrative le traitement des recours dirigés, après épuisement de la voie de l'opposition, contre les modifications des limites des zones visées par l'art. 12 LaLAT, qui sont approuvées par le Grand Conseil sous la forme de lois (art. 15 et 15A LaLAT), sans être contraire à l'art. 124 let. a Cst-GE.

Il faut en conclure qu’en adoptant l'art. 130B al. 1 let. a LOJ, le législateur cantonal n'a pas entendu que des lois purement décisionnelles puissent faire l'objet d'un contrôle abstrait de conformité au droit supérieur par la chambre constitutionnelle.

d. En l'espèce, le législateur cantonal a, par le biais d'une loi formelle, soumis la LTSP au référendum facultatif facilité en dérogation à l'art. 85A al. 2 LEDP et a déclaré l'urgence. Ce faisant, il n'a pas adopté des normes stricto sensu. Ni l'une ni l'autre de ces deux dispositions n'est en effet une mesure abstraite, dès lors qu'elles se rapportent à une situation précise et non à un nombre indéterminé de situations. Elles sont cependant des mesures générales, destinées à s'appliquer à un nombre indéterminé de personnes, en particulier à toutes les personnes susceptibles de se voir appliquer un jour la LTSP. Elles sont liées intrinsèquement à la LTSP en tant qu'elles en modifient le régime démocratique d'adoption. Le législateur cantonal a conçu la loi attaquée comme étant du même niveau que la norme à laquelle il a entendu déroger ; il l'a adoptée en invoquant explicitement le principe lex posterior derogat priori (MGC [En ligne] Annexes : objets nouveaux de la session X des 26, 27 juin, 28 août et 9 septembre 2014, p. 2 in fine).

Proche mais néanmoins différente d’une loi purement décisionnelle, la L 11’473 est atypique. Si le législateur cantonal avait inséré directement dans la LTSP la mesure dérogatoire faisant l'objet de l'art. 1 de la L 11’473 et assorti cette disposition-ci de la clause d'urgence constituant l'art. 2 de cette même loi, il ne fait pas de doute que ces deux dispositions auraient pu être contestées dans le cadre d’un recours dirigé contre la LTSP elle-même, en même temps que les autres dispositions de la LTSP et pour les mêmes griefs que ceux que font valoir les recourants. Il n'y a pas de raison qu'il en aille différemment de la L 11’473.

e. Ce n'est pas parce que l’un des griefs soulevés à l'encontre de la loi attaquée est celui d'une violation des droits politiques que le présent recours ne saurait s'analyser, en droit genevois, comme une requête recevable de contrôle de conformité de ladite loi au droit supérieur au sens des art. 124 let. a Cst-GE et 130B al. 1 let. a LOJ. Les droits politiques sont des droits fondamentaux garantis par l'ordre constitutionnel (art. 34 al. 1 Cst. ; art. 44 al. 1 Cst-GE). Ils font partie du droit supérieur. Le grief de leur violation peut être invoqué dans le cadre d'un tel recours, tant abstraitement que concrètement. Il n'est pas réservé au seul recours pour violation de la procédure des opérations électorales au sens de l'art. 180 LEDP.

D'ailleurs, jusqu'à l'entrée en fonction de la chambre constitutionnelle, jamais le Tribunal administratif ou, dès le 1er janvier 2011, la chambre administrative ne se sont reconnus la compétence de connaître de la contestation de mesures adoptées par le Grand Conseil, comme en l'espèce sous la forme d'une loi, pour déroger dans un cas particulier à une loi et/ou assortir une loi de la clause d'urgence (ATA/181/2011 du 17 mars 2011 consid. 2 ; ATA/454/2009 du 15 septembre 2009 et les références citées ; ATA/769/2011 du 20 décembre 2011 consid. 2 à 9, déniant la qualité d'opération électorale à l'élection par le Grand Conseil d'un magistrat de l'ordre judiciaire dans l'intervalle d'élections générales). La contestation de mesures telles que la L 11’473 (en particulier de la clause d'urgence) était du ressort immédiat du Tribunal fédéral, sur recours de droit public sous l'empire de l’aOJ, puis sur recours en matière de droit public depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007, de la LTF ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.80/2005 du 18 août 2005 consid. 1.1). Peu importe que le Tribunal fédéral se soit prononcé sur la clause d'urgence dans le cadre de recours concernant le droit de vote (arrêts du Tribunal fédéral 1P.118/2002 du 9 août 2002 consid. 1.3 et 1P.389/2000 du 2 novembre 2000 consid. 1caa).

f. Il se justifie donc de soumettre le contrôle judiciaire des deux mesures contestées au régime découlant de la forme dont l’autorité intimée les a revêtues, soit celui d’une loi, comme cela est admis, de cas en cas, pour d'autres mesures à mi-chemin entre la décision et la norme, telles certaines décisions collectives ou certaines ordonnances administratives ou encore des plans ; cela n’empêche pas une prise en compte de leur contenu effectif pour juger des autres conditions de recevabilité du recours (ATF 134 II 272 consid. 3.3 ; 128 I 167 ; 125 I 313 consid. 2.b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_330/2013 du 10 septembre 2013 consid. 1.1 ; 2C_104/2012 du 25 avril 2012 consid. 1.2 ; 2C_246/2009 du 22 mars 2010 consid. 6.2 ; Pascal MAHON, op. cit., vol. 1, n. 230 et 305 ; Pierre MOOR/ Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 200 ss ; Pierre-Yves BOSSHARD, La Cour constitutionnelle vaudoise. Premier bilan d'une nouvelle institution, RDAF 2008 p. 3 ss, 10 s. ; Jean MORITZ, Contrôle des normes : la juridiction constitutionnelle vaudoise à l'épreuve de l'expérience jurassienne, RDAF 2005 p. 1 ss n. 17).

La chambre constitutionnelle est compétente pour connaître du présent recours en vertu des art. 124 let. a Cst-GE et 130B al. 1 let. a LOJ.

3. a. Le législateur genevois a défini la qualité pour recourir devant la chambre constitutionnelle de la même manière que pour les recours devant les autres juridictions administratives, de surcroît sans faire de distinction selon les actes attaqués. Concernant les personnes privées, physiques ou morales, voire les personnes morales de droit public agissant à l'égal de personnes morales de droit privé, elles ont qualité pour recourir devant la chambre constitutionnelle si elles sont touchées directement par une loi constitutionnelle, une loi, un règlement du Conseil d'État ou une décision et ont un intérêt personnel digne de protection à ce que l'acte attaqué soit annulé ou modifié (art. 60 al. 1 let. b LPA).

Telle qu'elle a été interprétée par les juridictions genevoises (ACST/2/2014 du 17 novembre 2014 consid. 2 ; ATA/752/2014 du 23 septembre 2014 consid. 2.a et les références), la qualité pour recourir prévue par l'art. 60 let. b LPA s'avère substantiellement similaire à celle que le législateur fédéral a définie pour le recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, même s’il l’a différenciée selon le type de recours, déterminé, lui, selon l'acte attaquable (Pascal MAHON, op. cit., vol. 1, n. 320 in fine, 325 s., 329 ss et 332 ; Arun BOLKENSTEYN, op. cit., p. 68 ss ). Cela s'explique par le fait que, selon l'art. 111 al. 1 LTF, la qualité de partie à la procédure devant toute autorité cantonale précédant le Tribunal fédéral doit être reconnue à quiconque a qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral. En d'autres termes, le droit cantonal ne peut pas définir la qualité de partie (en particulier la qualité pour recourir) notamment devant la chambre constitutionnelle de manière plus restrictive que ne le fait l'art. 89 LTF (ATF 139 II 233 consid. 5.2.1 ; 138 II 162 consid. 2.1.1 ; 136 II 281 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_663/2012 du 9 octobre 2013 consid. 6.5 ; ACST/2/2014 précité consid. 2c).

La qualité pour recourir doit être ouverte largement, mais il faut éviter l'action populaire (MGC [En ligne] Annexes : objets nouveaux de la session II des 28 et 29 novembre 2013, p. 14). Sur le plan cantonal, du moins dans la présente affaire eu égard à l’atypicité de l’acte attaqué (consid. 2d), il n'y a pas de différence à faire, s'agissant de la qualité pour recourir, entre l'analyse de la recevabilité du recours et celle des griefs invoqués. En particulier, ce n'est pas parce que le grief de violation des droits politiques est soulevé aussi par rapport à son application concrète, comme en l'espèce, dans le cadre d'un recours reçu comme une requête en contrôle abstrait des normes que la légitimation des recourants doit être appréciée à cet égard différemment que dans le cadre d'un recours pour violation de la procédure des opérations électorales au sens de l'art. 180 LEDP.

b. L'art. 89 al. 1 LTF prévoit qu'a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué (let. b), et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c). En matière de droits politiques, quiconque a le droit de vote dans l’affaire en cause a qualité pour recourir (art. 89 al. 3 LTF).

Les deux conditions posées à l'art. 89 al. 1 let. b et c LTF se recoupent en grande partie (Bernard CORBOZ et al. [éd.], Commentaire de la LTF, 2ème éd., 2014, n. 11 ad art. 89 LTF). Elles exigent du recourant qu'il dispose d'un intérêt pratique ou juridique, en principe actuel, à demander la modification ou l'annulation de l'acte attaqué et consistent en l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait à l'intéressé, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que l'acte attaqué lui occasionnerait. Elles impliquent un intérêt direct et concret, le recourant devant se trouver, avec l'acte entrepris, dans un rapport suffisamment étroit, spécial et digne d'être pris en considération, de manière à éviter l'action populaire (ATF 138 I 171 consid. 1.7 ; 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 137 II 40 consid. 2.3 ; 135 II 145 consid. 6.1 ; 133 II 468 consid. 1 ; Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, op. cit., vol. 1, n. 2098).

L'intérêt au recours est interprété de façon plus souple dans le cadre du contrôle abstrait des normes (Marcel Alexander NIGGLI/Peter UEBERSAX/Hans WIPRÄCHTIGER [éd.], Bundesgerichtsgesetz, n. 13 ad art. 89 LTF ; Alfred KÖLZ/Isabelle HÄNER/Martin BERTSCHI, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 3ème éd., 2013, n. 1692). Toute personne dont les intérêts sont effectivement touchés par l'acte attaqué ou pourront l'être un jour a qualité pour recourir. Une simple atteinte virtuelle suffit, à condition qu'il existe un minimum de vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions contestées (ATF 138 I 435 consid. 1.6 ; 137 I 77 consid. 1.4 ; 136 I 17 consid. 2.1 ; 135 I 43 consid. 1.4 ; 135 II 243 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4C_2/2011 du 17 mai 2011 consid. 3 non publié in ATF 137 III 185). Les recours formés uniquement dans l'intérêt de tiers ou l'intérêt général ou tendant seulement à une application correcte du droit ne sont pas recevables (ATF 136 I 49 consid. 2.1 ; Bernard CORBOZ et al. [éd.], op. cit., n. 38 ad art. 89; Karl SPÜHLER et al. [éd.], Bundesgerichtsgesetz [BGG], Praxiskommentar, 2ème éd., 2013, n. 30 ad art. 89).

En matière de droits politiques, la qualité pour recourir est plus largement admise que pour les autres types de recours, en ce sens qu'elle appartient à toute personne disposant du droit de vote dans l'affaire en cause (art. 89 al. 3 LTF), indépendamment d'un intérêt juridique ou digne de protection à l'annulation de l'acte attaqué (ATF 138 I 171 consid. 1.3 ; 134 I 172 consid. 1.2 ; 128 I 190 consid. 1.1 ; Pascal MAHON, op. cit., vol. 1, n. 332 ; Bénédicte TORNAY, La démocratie directe saisie par le juge, 2008, p. 34 ; Stéphane GRODECKI, L'initiative populaire cantonale et municipale à Genève, 2008, p. 409 s. ; Yvo HANGARTNER/Andreas KLEY, Die demokratischen Rechte in Bund und Kantonen der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 2000, ch. 306 et 333). 

Enfin, l'intérêt au recours doit exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l'arrêt est rendu (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; 137 I 296 consid. 4.2). Il peut cependant être renoncé à cette exigence lorsqu'est soulevée une question susceptible de se poser à nouveau sans que jamais elle ne puisse, à défaut de renonciation à cette exigence, faire l'objet d'un contrôle judiciaire en temps utile (ATF 131 II 670 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_407/2011 du 19 mars 2012 consid. 2.2) ou lorsqu'existe un intérêt public important à résoudre une question de principe (ATF 131 II 361 consid. 1.2 ; 128 II 156 consid. 1c ; 127 I 164 consid. 1a ; 125 I 394 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_28/2010 du 9 novembre 2010 consid. 1.2).

c. En l'espèce, la L 11’473 non seulement relève du domaine des droits politiques, mais aussi a un impact concret sur les droits politiques des recourants. Au seul titre de titulaires du droit de vote dans le canton de Genève, les trois recourants ont qualité pour recourir contre elle dans la mesure où ils lui font grief de violer leurs droits politiques en affectant le régime référendaire nouveau qu'elle donne à la LTSP, au même titre qu'ils auraient été légitimés, ès qualités, à recourir contre un arrêté que le Conseil d'état aurait pris d'emblée, de sa propre initiative, pour publier la LTSP en l'exposant entièrement au référendum facultatif facilité.

Au demeurant, comme professionnels de la branche des taxis, les recourants se trouvent eux-mêmes, personnellement, dans un rapport suffisamment étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec la loi entreprise, intrinsèquement liée à la LTSP en tant qu'elle soumet cette dernière à un régime référendaire spécifique en dérogation à l'art. 85A al. 2 LEDP. Il est incontestable que les recourants sont susceptibles de se voir appliquer un jour la LTSP et que la L 11’473 elle-même entend s'imposer d'ores et déjà actuellement à eux. Cette loi-ci les prive de la possibilité de faire soumettre au corps électoral, par le lancement d'un ou de deux référendums, l'une ou l’autre des deux lois ou séparément les deux lois qui, à les suivre, devraient résulter d'une scission de la loi attaquée en deux lois distinctes.

Sous réserve d'autres considérations, examinées ci-après, dénier la qualité pour recourir aux recourants sous prétexte que l'acte attaqué n'est que la L 11’473, considérée isolément, reviendrait à dénier cette qualité en tout état à quiconque, autrement dit à évacuer toute possibilité de contrôle judiciaire d'un procédé aussi atypique que la soumission, par la voie d'une loi formelle munie de la clause d'urgence, d'une loi déjà adoptée à un régime référendaire spécifique en dérogation au régime légal. Ce serait, de plus, ouvrir la voie à la réitération d'un tel procédé. Dans l'arrêt 1C_28/2010 du 9 novembre 2010 consid. 1.2, le Tribunal fédéral a retenu l'existence d'un intérêt public important à savoir s'il y avait lieu de soumettre au référendum obligatoire une loi entraînant la modification de plusieurs textes légaux dont certains étaient soumis au référendum facultatif, nonobstant le doute qu'il a éprouvé sur le point de savoir si le recours avait encore un objet. Quatre ans plus tard, cet intérêt a subsisté et s'est même accru du fait de l'adoption, dans l'intervalle, de la Cst-GE consacrant un régime référendaire partiellement différent de celui qui prévalait sous l'empire de l’ancienne constitution genevoise (aCst-GE), ainsi que de l'adoption de l'art. 85A al. 2 LEDP.

d. L’autorité intimée relève que les recourants agissent dans l'intérêt de leurs milieux professionnels. En tant qu'ils en font eux-mêmes partie, ils interviennent toutefois aussi dans leur propre intérêt, en étant touchés personnellement par la loi attaquée. De plus, ce sont eux qui sont titulaires des droits politiques et peuvent en invoquer la violation, à l'exclusion de leurs organisations professionnelles. Le fait qu'ils « entendent pouvoir soumettre (la LTSP) au vote du peuple ainsi que, le cas échéant et si elle est acceptée par le peuple, faire constater les violations constitutionnelles qu'elle consacre dans le cadre d'un recours » ne saurait leur dénier d'intérêt à leur recours parce que la loi attaquée facilite l'aboutissement d'un référendum contre la LTSP dans son ensemble. Leur déclaration doit être comprise comme l'affirmation de leur droit de choisir de lancer un référendum séparément contre les deux lois qui seraient issues d’une scission ou contre l'une d’entre elles seulement. Les recourants ont un intérêt digne de protection à faire prévaloir cette alternative au tout ou rien, déjà pour la récolte de signatures puis, en cas d’aboutissement, devant le corps électoral lors du vote référendaire. Ils ont donc un intérêt à une scission de la LTSP. Ce n’est pas adopter une position contradictoire que de s'opposer à une loi tant par la voie judiciaire (en l’espèce contre la L 11’473 intrinsèquement liée à la LTSP) que par la voie référendaire (en l’occurrence contre la LTSP), même parallèlement.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'autorité intimée, les recourants ne se trouvent pas privés d'un intérêt actuel à leur recours du fait que la L 11’473 a déjà été mise en œuvre par un arrêté du Conseil d'État du 23 juillet 2014 promulguant la LTSP, contre lequel ils n'ont pas recouru. Cet arrêté de promulgation n'avait aucun contenu original. Il ne faisait qu'exécuter, en la reproduisant, la L 11’473, en particulier la substance de son art. 1. Après l’adoption de la L 11’473, le Conseil d'état ne disposait d'aucune marge de manœuvre, ni sur le principe ni sur le fond. Un recours contre l'arrêté de promulgation n'aurait pas permis d'attaquer directement la L 11’473 elle-même, avec la perspective d'en obtenir le cas échéant formellement l'annulation. Même entré en force, cet arrêté de promulgation ne vide pas de sa substance le recours interjeté contre la L 11’473, ni ne saurait se substituer à cette loi. Il ne saurait non plus faire le cas échéant obstacle à une annulation de cette loi ainsi qu'aux conséquences d'une telle annulation, la validité du référendum lancé contre la LTSP dépendant de l’issue du présent recours.

Il en va de même tant d'un défaut d'effet suspensif sollicité et/ou obtenu au recours dirigé contre la L 11’473 que d'un défaut de recours contre les autres arrêtés que le Conseil d'État a été amené à rendre dans le cours du traitement du processus législatif considéré. L'absence, en principe, d'effet suspensif aux recours dirigés contre des normes cantonales (art. 66 al. 2 LPA ; MGC [En ligne] Annexes : objets nouveaux de la session II des 28 et 29 novembre 2013, p. 15) implique que ce processus se poursuit, sans que ceux qui recourent contre ces dernières se trouvent contraints, sous peine de perdre leur intérêt à leurs recours, de recourir successivement aussi contre tous les arrêtés, décisions et autres actes de mise en œuvre de ces normes.

La clause d'urgence ne saurait quant à elle supprimer l'intérêt actuel de recourants à attaquer une loi en étant munie pour le motif que ladite loi est de ce fait déjà entrée en vigueur.

Enfin, c'est également à tort que l'autorité intimée dénie tout intérêt aux recourants à faire trancher leurs griefs pour le motif que la L 11’473 n'est pas susceptible de s'appliquer une nouvelle fois puisqu'elle ne concerne que la version originale de la LTSP. Pour être unique, l'application de cette loi n'en a pas moins produit des effets pérennes, toujours actuels. L'absence d'intérêt virtuel pouvant se déduire de cette application unique ne supprime pas l'intérêt restant actuel des recourants à revendiquer - par le biais de leur recours contre la L 11’473, seul moyen judiciaire à leur disposition à cette fin - la soumission de la LTSP à un régime référendaire conforme au droit.

La qualité pour recourir des trois recourants doit donc être admise.

4. a. Le délai de recours est de 30 jours s'agissant des lois constitutionnelles, des lois et des règlements du Conseil d'État (art. 62 al. 1 let. d LPA), et il court dès le lendemain de la promulgation des lois constitutionnelles et des lois et de la publication des règlements (art. 62 al. 3 phr. 2 et 3 LPA). Il est suspendu notamment du 15 juillet au 15 août (art. 63 al. 1 let. b LPA).

La L 11’473 attaquée a été promulguée par un arrêté du Conseil d'État publié, avec ladite loi, dans la FAO du 4 juillet 2014. Le délai de recours arrivait donc à échéance le jeudi 4 septembre 2014. Déposé dans un bureau de poste suisse le 3 septembre 2014, le présent recours a été formé en temps utile (art. 17 al. 4 et art. 76 LPA).

b. En cas de recours contre une loi constitutionnelle, une loi ou un règlement du Conseil d’État, les griefs doivent être valablement soulevés au regard des exigences de motivation figurant à l’art. 65 al. 3 LPA, qui prévoit, dans ce cas, que l’acte de recours doit contenir un exposé détaillé des griefs du recourant. Selon l’exposé des motifs relatif à la L 11’311 précitée, en matière de recours en contrôle abstrait de normes, il est nécessaire de se montrer plus exigeant que dans le cadre d’un recours ordinaire. Le recourant ne peut se contenter de réclamer l’annulation d’une loi ou d’un règlement au motif que son contenu lui déplaît, mais, au contraire, doit être acheminé à présenter un exposé détaillé de ses griefs (ACST/2/2014 précité consid. 5.a ; MGC [En ligne] Annexes : objets nouveaux de la session II des 28 et 29 novembre 2013, p. 15). La chambre constitutionnelle n’en a pas moins la compétence d’appliquer le droit d’office, sans être liée par les motifs invoqués par les parties (art. 69 al. 1 2ème phr. LPA), à la condition toutefois que le recours, voire le grief invoqué, soit recevable.

L’exigence de motivation des recours en contrôle abstrait des normes ne saurait être interprétée aussi rigoureusement que ne l’est le principe d’allégation (Rügeprinzip) devant le Tribunal fédéral pour les griefs de violation des droits fondamentaux et des dispositions de droit cantonal et intercantonal (art. 106 al. 2 LTF ; Marcel Alexander NIGGLI/Peter UEBERSAX/Hans WIPRÄCHTIGER [éd.], op. cit., n. 1 ss ad 106 LTF ; Bernard CORBOZ et al. [éd.], op. cit., n. 31 ss ad art. 106 LTF ; Pascal MAHON, op. cit., vol. 1, n. 338 s.). D’une part, la chambre constitutionnelle statue en première instance (cf. a contrario ATF 140 III 86 consid. 2, où le Tribunal fédéral précise, en lien avec les exigences ordinaires de motivation, qu’il « n’examine pas, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, mais uniquement celles qui sont soulevées devant lui »). D’autre part, le constituant a explicitement souhaité que la Cour constitutionnelle soit plus accessible aux citoyens et administrés que ne peut l'être l'instance judiciaire suprême de la Suisse (BOACG tome XVII, p. 8930, tome XXII, p. 11308 s, p. 11311-11312, p. 11315, p. 13240 - 13241, p. 13248 ; Arun BOLKENSTEYN, op. cit., p. 291 ss ; Michel HOTTELIER/Thierry TANQUEREL, La Constitution genevoise du 14 octobre 2012, SJ 2014 II 341 ss, 378 ss). Au demeurant, la LPA ne prévoit pas la sanction d’une motivation insuffisante, en particulier l’irrecevabilité du recours ou du grief.

Au surplus, s’il se rattache à un recours pour contrôle abstrait des normes, le présent recours n’en comporte pas moins aussi, du fait de l’atypicité de la loi attaquée, le grief que cette dernière porte atteinte concrètement aux droits politiques des recourants. Il n’y a pas lieu d’appliquer à ce grief des exigences accrues de motivation, alors qu’elles ne sont pas posées dans le contexte ordinaire dans lequel un tel grief est soulevé, à savoir dans le cadre d’un recours pour violation de la procédure des opérations électorales au sens de l’art. 180 LEDP.

Le présent recours satisfait suffisamment aux exigence de forme et de contenu prescrites par les art. 64 al. 1 et 65 al. 1 et 3 LPA pour que la chambre constitutionnelle entre en matière.

Il sera donc déclaré recevable.

5. À l’instar du Tribunal fédéral, lorsqu’elle doit se prononcer dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes, la chambre constitutionnelle s’impose une certaine retenue, et n’annule les dispositions attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu’elles soient interprétées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il faut notamment tenir compte de la portée de l’atteinte aux droits en cause, de la possibilité d’obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée (ATF 140 I 2 consid. 4 ; 137 I 131 consid. 2 ; 135 II 243 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2013 du 19 juin 2014 consid. 2.2 ; ACST/2/2014 précité consid. 5b).

En l’espèce, il n'y a plus de possibilité ultérieure de remédier, par un contrôle concret, à une éventuelle non-conformité de la loi attaquée au droit supérieur. La chambre constitutionnelle n’a donc pas de raison de s’imposer de la retenue dans l’examen des griefs de non-conformité au droit supérieur, ce qui ne la dispense pas de devoir examiner si l’acte attaqué est susceptible de recevoir une interprétation conforme au droit supérieur. S’agissant du grief de violation concrète des droits politiques, elle doit en tout état exercer un plein pouvoir d’examen.

6. a. Il sied de vérifier préalablement que la LTSP est bien une loi mixte, autrement dit comporte bien au moins une disposition de nature fiscale, qui, à teneur de l’art. 67 al. 2 let. a Cst-GE, doit être soumise au référendum facultatif facilité parce qu’elle a pour objet un nouvel impôt ou porte sur la modification du taux ou de l’assiette d’un impôt existant. A défaut, sa scission ne serait pas justifiée ; la LTSP devrait cependant être soumise entièrement au référendum facultatif ordinaire.

b. L’art. 67 al. 2 let. a Cst-GE est une reprise de l’art. 53A al. 1 aCst-GE, accepté le 2 décembre 2001 par le corps électoral en tant que contreprojet à une initiative populaire. Le sens qui a été attribué à cette disposition constitutionnelle, sur la base des travaux préparatoires, est que le référendum fiscal (alors obligatoire) se limitait aux contributions publiques non causales, à savoir à des prestations pécuniaires fournies par les administrés à la collectivité publique, prélevées en fonction d’une situation économique réalisée dans la personne ou le patrimoine du contribuable (arrêt du Tribunal fédéral 1P.80/2005 du 18 août 2005 consid. 3.3 à 3.5 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 230 ss). La reprise de cette disposition à l’art. 67 al. 2 let. a Cst-GE traduit la volonté du constituant de retenir la même interprétation, avec simplement une substitution du référendum facultatif facilité au référendum obligatoire (Michel HOTTELIER/Thierry TANQUEREL, op. cit., SJ 2014 II 368). C’est cependant à la nature de la contribution qu’il faut s’arrêter, et non à l’utilisation du mot impôt ou taxe.

Il est incontestable que l'art. 43 souligné al. 1 LTSP modifie le taux d’un impôt existant, à savoir l’impôt annuel sur les véhicules à moteur, en faisant passer les taxis d'une imposition forfaitaire de CHF 128.- à leur soumission à l’impôt applicable aux voitures de tourisme en général avec un bonus/malus cependant majoré en fonction des rejets de CO2. La LTSP est donc bien une loi hybride.

c. Ni en cours de procédure, ni antérieurement s’agissant du Grand Conseil (en particulier lors des débats sur la loi attaquée), les parties n’ont remis en question l’avis du Conseil d’État selon lequel l’art. 16 al. 5 à 7 LTSP instituait un impôt nouveau, qui devrait en conséquence être intégré, en cas de scission, dans une loi exposée à un référendum facultatif facilité, avec l'art. 43 souligné al. 1 LTSP.

La taxe annuelle de CHF 900.- et CHF 1'400.- que prévoit cet art. 16 al. 5 à 7 LTSP n’apparaît pas sans lien avec certains avantages que confèrerait la détention d’un permis de service public. Il est vrai qu’un rapport de proportionnalité ou d’équivalence entre le montant de cette taxe et ces avantages ne semble pas démontré, ni d’ailleurs entre lui et une autre contreprestation de l’État, d’autant plus que ce montant pourrait être diminué ou augmenté jusqu’à 40 % en fonction de la bonne ou mauvaise qualité écologique du véhicule auquel serait rattaché ledit permis. Il ne ressort par ailleurs pas de la LTSP qu’un réexamen des conditions de délivrance ou un tournus entre les chauffeurs de taxis intéressés interviendraient annuellement, en dépit de la mention de la délivrance ou du renouvellement dudit permis. Il ne paraît donc pas exclu que cette taxe annuelle ne soit pas une contribution causale, mais un impôt. Dans ce cas, la disposition transitoire d'application subsidiaire figurant à l'art. 41 al. 5 phr. 2 LTSP, faisant partie intégrante de l'art. 16 al. 5 à 7 LTSP, devrait aussi être visée.

La chambre constitutionnelle n’a pas besoin de trancher la question de la nature fiscale ou causale de la taxe considérée, dès lors qu’il est avéré que la loi attaquée est une loi mixte à tout le moins au regard de l'art. 43 souligné al. 1 LTSP et que l’issue à donner au recours serait, dans l’hypothèse où ladite taxe annuelle devrait être qualifiée de contribution causale, a fortiori celle qui lui est donnée en envisageant l’hypothèse inverse.

7. a. Les recourants allèguent que l’art. 1 de la L 11’473 enfreint le principe de la légalité. Ils s’appuient notamment sur un avis de droit du professeur Andreas AUER, pour qui le Grand Conseil « devait respecter la règle qu’il (avait) lui-même posée (principe de la primauté de la loi), de sorte (qu’il) n’avait pas le droit d’écarter, dans le cas particulier de la LTSP, l’application de l’art. 85A al. 2 LEDP » (Andreas AUER, Taxis genevois ; un état des lieux comparatif, constitutionnel et prospectif, in Jusletter du 15 septembre 2014, p. 2 ss, ci-après : Avis de droit, n. 92).

b. Selon l’art. 5 al. 1 Cst., le droit est la base et la limite de l'activité de l'État (cf. aussi art. 9 al. 2 Cst-GE). Le principe de la légalité que cette disposition constitutionnelle ancre dans l'ordre juridique suisse comporte celui de la suprématie de la loi (ou primauté de la loi), voulant que toute autorité applique et respecte le droit en vigueur, et celui de la base légale, voulant que les autorités n'agissent qu'en application de normes les y habilitant. Il inclut le principe de la hiérarchie des normes, selon lequel les règles sont hiérarchisées en fonction de leur rang, les règles de rang inférieur ne pouvant déroger à celles de rang supérieur et ne pouvant par ailleurs être modifiées que par des règles de même rang ou de rang supérieur. Le principe de la légalité est garant d’une activité étatique répondant à des exigences de rationalité, de sécurité, de prévisibilité, d’égalité de traitement, de transparence et de légitimité démocratique devant caractériser un État de droit (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., vol. 2, n. 183 ss, 1005 s, 1065 ; Bernhard EHRENZELLER/Benjamin SCHINDLER/Rainer J. SCHWEIZER/Klaus A. VALLENDER [éd.], Die Schweizerische Bundesverfassung. St. Galler Kommentar, 3ème éd., 2014, n. 18 ss et 32 ss ad art. 5 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, op. cit., vol. 1, p. 53 ss, 314 ss et 621 ss ; Thierry TANQUEREL, op. cit., 2011, n. 448 ss).

c. En règle générale, la loi applicable est celle qui est en vigueur au moment où les faits pertinents doivent être régis (ATF 140 II 134 consid. 4.2.4). Le principe est celui de l’interdiction de la rétroactivité des lois. Une norme ne saurait attacher des effets juridiques à des faits antérieurs à sa mise en vigueur. Cela est contraire aux exigences de sécurité et de prévisibilité du droit, immanentes au principe de la légalité. Il ne peut être dérogé à ce principe qu’exceptionnellement, à des conditions cumulatives rigoureuses, et ce également en cas de rétroactivité en faveur des administrés ou citoyens. Une rétroactivité n’est possible que s'il existe un intérêt public suffisamment important pour l'emporter sur les intérêts opposés et sur le principe même de la sécurité du droit sous-tendant l'interdiction de principe de la rétroactivité. La rétroactivité doit être expressément prévue par une loi et raisonnablement limitée dans le temps. Elle ne doit pas engendrer d'inégalités choquantes et elle ne doit pas porter atteinte à des droits acquis (ATF 125 I 182 consid. 2bcc ; 122 V 405 consid. 3baa ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, op. cit., vol. 1, p. 198 ss ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 417 ss).

En l’espèce, le législateur avait adopté la LTSP le 27 mars 2014. Conformément à la procédure d’adoption et de publication des lois, cette loi a été enregistrée telle qu’adoptée par le Grand Conseil dans les registres de ce dernier et une expédition en a été adressée au Conseil d’État, chargé de la publier, munie de la date précitée, pour faire courir le délai référendaire (art. 109 al. 4 1ère phr. Cst-GE ; art. 176 et 178 de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève du 13 septembre 1985 - LRGC - B 1 01 ; art. 1 al. 2 de la loi sur la forme, la publication et la promulgation des actes officiels du 8 décembre 1956 - LFPP - B 2 05). Le régime référendaire applicable à cette loi était celui en vigueur à la date d’adoption de cette loi, le 27 mars 2014, défini par les dispositions constitutionnelles pertinentes et l’art. 85A al. 2 LEDP.

En adoptant, le 27 juin 2014, la L 11’473 dérogeant à cette disposition pour la seule LTSP, le Grand Conseil n’a pas procédé à la rectification de l’erreur matérielle consistant en la non-conformité de la LTSP à l’art. 85A al. 2 LEDP. Il a préféré écarter l’application de la norme contraire à la solution lui paraissant préférable in casu, plutôt que de se conformer à cette norme. Ce faisant, il a modifié rétroactivement le régime référendaire de la LTSP, adopté depuis trois mois.

Or, on ne voit pas en quoi consisterait, tant de façon générale que dans le cas particulier, un intérêt public suffisamment important pour que le régime référendaire d’une loi déjà adoptée soit modifié rétroactivement, avec l’effet de porter atteinte aux droits politiques, en l’occurrence notamment des recourants. C'est le contraire qui prévaut, dans un État de droit garantissant les droits politiques, s'agissant précisément du respect du régime référendaire voulu par l'ordre juridique. Peu importe que la LTSP n’avait pas encore été publiée ni n’était déjà entrée en vigueur.

Aussi la chambre constitutionnelle ne peut-elle que constater que la loi attaquée viole le principe de l’interdiction de la rétroactivité des lois.

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de juger si cette loi enfreint d’une autre façon le principe de la légalité, en particulier celui du parallélisme des formes.

8. a Il faut cependant encore examiner si la soumission de l’entier de la LTSP au référendum facultatif facilité, comme le prévoit la loi attaquée, ne pouvait se justifier pour le motif que la solution d’une scission de la LTSP en deux lois distinctes, quoique conforme à l’art. 85A al. 2 LEDP, s’avérerait en l’espèce contraire au droit supérieur, en particulier aux droits politiques garantis par l’ordre constitutionnel ou à l’interdiction de l’arbitraire.

En effet, dans cette hypothèse, le Grand Conseil aurait été habilité à exposer la LTSP entièrement au référendum facultatif facilité, fort de la compétence, incombant en principe à toute autorité y compris non judiciaire, d'exercer un contrôle préjudiciel de la validité des lois, en l'espèce de l'art. 85A al. 2 LEDP (ATF 127 I 185 consid. 2 ; 117 Ia 262 consid. 3.a ; 108 Ia 41 consid. 2.c ; 92 I 480 consid. 2.b ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., vol. 1, n. 1903 et 1956 ss ; Robert ZIMMERMANN, Le contrôle préjudiciel en droit fédéral et dans les cantons suisses, p. 90 ; Arun BOLKENSTEYN, op. cit., p. 102 ; Pascal MAHON, op. cit., vol. 1, n. 253). Il n’y aurait dans ce cas pas de problème de rétroactivité, dans la mesure où cette non-conformité au droit supérieur aurait existé déjà lors de l’adoption de la LTSP et que la loi attaquée n’aurait fait que d’imposer la solution qui, d’un point de vue juridique, prévalait en réalité déjà au moment de l’adoption de la LTSP.

b. C’est en substance ce que, respectivement, les recourants contestent et l’autorité intimée affirme, même s’ils ne libellent pas leurs arguments exactement en ces termes. Les recourants prétendent que la L 11’473 viole leurs droits politiques garantis par l’art. 67 Cst-GE et l’art. 85A LEDP ; ils s’appuient notamment sur l’avis d’Andreas AUER, pour qui la Cst-GE est violée « en ce qu’il n’appartient pas au Grand Conseil d’étendre le référendum allégé de 500 signatures à des dispositions législatives qui ne comportent ni augmentation d’impôt ni modification de la législation sur le logement » (Avis de droit, n. 92). L’autorité intimée affirme que ni l’art. 67 Cst-GE ni la jurisprudence n’imposent une scission de la loi attaquée en deux lois distinctes, et qu’au contraire une telle scission serait susceptible de violer les droits politiques garantis par les art. 44 Cst-GE et 34 Cst., alors que la soumission de l’entier de la LTSP au référendum facultatif facilité s’appuie sur des motifs légitimes reconnus par le Tribunal fédéral.

c. Pour examiner à titre préjudiciel si la solution que prévoit l’art. 85A al. 2 LEDP, non écarté valablement par la L 11'473, est contraire aux exigences constitutionnelles dans le cas de la LTSP, le Grand Conseil disposait d’une marge de manœuvre plus restreinte que celle qui lui reviendrait pour modifier in abstracto l'art. 85A al. 2 LEDP. En l’état du droit, il ne pouvait en effet s'affranchir que de la part de cette disposition légale s'avérant le cas échéant inconstitutionnelle dans le cas de la LTSP.

9. a. La Constitution fédérale prévoit que les cantons se dotent d’institutions démocratiques (art. 51 al. 1 Cst.) et règlent les droits politiques aux niveaux cantonal et communal (art. 39 al. 1 Cst.). Elle garantit les droits politiques (art. 34 al. 1 Cst.). Ces derniers désignent l'ensemble des compétences que l'ordre constitutionnel reconnaît au corps électoral (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., vol. 1, n. 623). Ils sont l'expression du droit du peuple à l'autodétermination et rendent possible la participation formelle des électeurs à la formation de la volonté de l'état. Composante des droits politiques, le droit de vote comprend le droit de participer aux votations. Il exige que le scrutin soit ordonné dans tous les cas où l'ordre juridique le prescrit ; il postule que la consultation populaire soit organisée conformément aux prescriptions ; il veut que le résultat du vote soit l'expression sûre et véritable de la libre volonté du corps électoral (Étienne GRISEL, Initiative et référendum populaires, 3ème éd., 2004, p. 62 s, n. 113 s).

Les cantons disposent d'une très large autonomie pour déterminer l'étendue et les modalités d'exercice des droits politiques sur les plans cantonal et communal. Allant au-delà des exigences fédérales, qui, sauf pour les constitutions cantonales (art. 51 al. 1 2ème phr. Cst), n’imposent pas même le choix de la démocratie directe (Pascal MAHON, op. cit., vol. 1, n. 85), ils peuvent prévoir le référendum et alors définir quels actes sont ou non soumis au référendum, le cas échéant obligatoire ou facultatif (ATF 131 I 126 consid. 5 ; 99 Ia 518 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_248/2007 du 21 avril 2008 consid. 5.1 ; 1P.771/2006 du 29 janvier 2007 consid. 2.2 ; Pascal MAHON, op. cit., vol. 1, n. 85 ; Vincent MARTENET, L'autonomie constitutionnelle des cantons, 1999, p. 233 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_59/2012 et 1C_61/2012 du 26 septembre 2014 consid. 7.1 et 8.1 en matière d'élections).

L’interdiction de l’arbitraire, consacrée à l’art. 9 Cst, s’oppose notamment à ce qu’une norme soit dépourvue de sens et d’utilité (ATF 136 I 241 consid. 3.1 ; 134 I 23 consid. 8 ; Pascal MAHON, op. cit., vol. 2, n. 160 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., vol. 2, n. 1144 s. ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 605).

b. Dans le canton de Genève, la souveraineté réside dans le peuple, qui l'exerce directement ou par voie d'élection (art. 2 Cst-GE). Les droits politiques - ayant pour objet la participation aux élections et votations, l'éligibilité, ainsi que la signature des initiatives et des demandes de référendum (art. 45 al. 1 Cst-GE) - sont garantis (art. 44 al. 1 Cst-GE), en ce sens que la libre formation de l’opinion des citoyennes et des citoyens et l’expression fidèle et sûre de leur volonté sont protégées pour chacun de ces droits (art. 44 al. 2 Cst-GE ; cf. Irène RENFER, Rétrospective des travaux de l'Assemblée constituante genevoise, in Andrea GOOG/Bettina PLATIPODIS [éd.], Direkte Demokratie. Festschrift für Andreas AUER, 2013, p. 253 ss, 259 ss).

Définissant la mesure dans laquelle le corps électoral peut et doit le cas échéant être appelé à exercer directement la souveraineté populaire dans le processus final d'adoption des lois, le constituant genevois a décidé de :

-       soumettre les révisions de la constitution au référendum obligatoire (art. 65 Cst-GE) ;

-       permettre de prévoir par la loi la soumission au corps électoral des mesures de rang législatif dans le cadre des mesures nécessaires à l'assainissement financier (art. 66 Cst-GE, relatif au référendum en matière d'assainissement financier) ;

-       exposer les lois et autres actes du Grand Conseil prévoyant des dépenses au référendum facultatif ordinaire, devant être demandé par 3 % des titulaires des droits politiques (art. 67 al. 1 Cst-GE) ;

-       prévoir le référendum facultatif facilité, devant être demandé par 500 titulaires des droits politiques, contre les lois qui ont pour objet un nouvel impôt ou qui portent sur la modification du taux ou de l'assiette d'un impôt existant, ou qui comportent une modification de la législation sur le logement, la protection des locataires et l'habitat, y compris les voies de droit en la matière (art. 67 al. 2 let. a et b Cst-GE) ;

-       instituer le référendum extraordinaire, permettant au Grand Conseil de soumettre au corps électoral les lois normalement exposées au référendum facultatif (ordinaire ou facilité), par décision prise « à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres » (art. 67 al. 3 Cst-GE) ;

-       exclure le référendum contre la loi annuelle sur les dépenses et les recettes prise dans son ensemble, sauf en ce qui concerne ses dispositions spéciales établissant un nouvel impôt ou modifiant le taux ou l'assiette d'un impôt (art. 69 Cst-GE).

L’art. 45 al. 2 Cst-GE charge le législateur de garantir que toute personne jouissant des droits politiques puisse effectivement les exercer. Plus généralement, il revient au Grand Conseil d’adopter des lois (art. 91 al. 1 Cst-GE), dans les domaines relevant de la compétence des cantons, dans le respect du droit supérieur, comprenant notamment le droit fédéral (art. 49 Cst.) ainsi que, en vertu du principe de la hiérarchie des normes, la Cst-GE.

c. Dans le cadre de travaux législatifs visant à adapter la législation genevoise à la Cst-GE dans le domaine des droits politiques, le Grand Conseil a prévu qu’un référendum facultatif ne peut s’exercer qu’à l’endroit de l’intégralité de la loi ou de l’acte soumis à ce référendum, et qu'une loi ou un autre acte soumis au référendum selon l’art. 67 Cst-GE ne peut pas contenir simultanément des dispositions soumises aux alinéas 1 et 2 de cette disposition (art. 85A al. 1 et 2 LEDP).

L’adoption de cet art. 85A al. 1 et 2 LEDP visait à résoudre des questions s’étant posées sous l’empire de l’aCst-GE et risquant de se poser sous celle de la Cst-GE en lien avec l’exercice des différentes catégories de référendum facultatif (MGC [En ligne] Annexes : objets nouveaux de la session III des 13 et 14 décembre 2012, p. 18 ; MGC [En ligne] Annexes : objets nouveaux de la session IX des 5 et 6 juin 2014, p. 9). En effet, le 9 novembre 2010, le Tribunal fédéral avait rendu un arrêt 1C_28/2010 à propos de la loi genevoise 10’258 modifiant non seulement des dispositions normalement exposées au référendum facultatif (à savoir la loi sur l'énergie du 18 septembre 1986 - LEn - L 2 30), mais aussi notamment des dispositions soumises au référendum obligatoire en vertu de l’art. 53A aCst-GE (à savoir l’ancienne loi sur l’imposition des personnes physiques - Détermination du revenu net - Calcul de l’impôt et rabais d’impôt - Compensation des effets de la progression à froid du 22 septembre 2000 - aLIPP-V, la LCP, et la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation du 25 janvier 1996 - LDTR - L 5 20). Il avait rejeté le recours interjeté contre l’arrêt par lequel le Tribunal administratif avait, en l’absence de toute disposition légale réglant la question, jugé bien fondé l’arrêté du Conseil d’état soumettant l’entier de ladite loi au référendum obligatoire (ATA/10/2010 du 12 janvier 2010). Le Tribunal fédéral avait ajouté qu’il « serait souhaitable que cette question soit clarifiée dans le droit cantonal et que le constituant ou le législateur, s’ils entendent permettre (de scinder une loi pour la soumettre en partie au référendum obligatoire et en partie au référendum facultatif), règlent expressément (de telles scissions) en édictant des conditions claires à cet égard » (arrêt du Tribunal fédéral 1C_28/2010 précité consid. 3.4 in fine). Si le constituant ne l’a pas fait explicitement, le législateur s’est en revanche prononcé clairement, en adoptant cet art. 85A al. 2 LEDP, en faveur d’une limitation du référendum facultatif facilité prévu par l’art. 67 al. 2 Cst-GE aux seuls cas visés par cette disposition constitutionnelle. Il a ainsi refusé toute extension de la portée des cas de référendum facultatif facilité.

L’art. 85A al. 2 LEDP n’est pas qu’une règle de technique législative, mais bien une norme, qui a vocation à s’appliquer à un nombre indéterminé de personnes et de situations et à définir des droits et des obligations. Elle traduit la compréhension que le législateur a du référendum facultatif tant ordinaire que facilité. Elle participe de l’aménagement et de la concrétisation des dispositions constitutionnelles consacrant et garantissant les droits politiques en matière référendaire, à savoir non seulement de l’art. 67 Cst-GE mais aussi de l’art. 44 al. 2 Cst-GE. Par cette disposition, le législateur a entendu réaliser déjà l’exigence d’une légitimité démocratique minimale pour qu’un texte soit soumis au corps électoral (à savoir qu’au moins en principe 3 % des titulaires des droits politiques et exceptionnellement 500 d’entre eux le demandent). Il a également voulu concrétiser l’exigence que la volonté des titulaires des droits politiques s’exprime de façon fidèle et sûre aux stades de la récolte des signatures et du vote du corps électoral, à savoir sur un texte portant sur les matières visées par l’art. 67 al. 2 Cst-GE lorsque seules 500 signatures de titulaires des droits politiques suffisent à le faire soumettre au corps électoral. En cas de loi mixte, ce n’est pas matériellement la même question qui est posée selon que sont exposées au référendum indistinctement toutes les dispositions de la loi ou seules celles d’entre elles soumises au référendum facultatif facilité (ou, mais séparément, ces dernières et les autres). Soumettre l’entier d’une loi mixte au référendum facultatif facilité peut donc revenir, selon les cas, à contraindre les signataires d’une demande de référendum puis le cas échéant le corps électoral à répondre à une autre question qu’à celle qui, normalement, devrait leur être posée. L'objectif visé par l'art. 85A al. 2 LEDP était bien explicitement de permettre « de mieux respecter la liberté de vote » (MGC [En ligne] Annexes : objets nouveaux de la session III des 13 et 14 décembre 2012, PL 11070, p. 18).

d. à l'évidence, le droit de vote serait violé si un objet soumis à référendum était soustrait au scrutin populaire, de même que s'il y était exposé à des conditions plus restrictives que celles devant légalement lui être appliquées. Le souci de ne pas priver le corps électoral d'une possibilité de s'exprimer est d'une importance capitale en matière de droits politiques (arrêt du Tribunal fédéral 1C_28/2010 précité consid. 3.2). Il serait inimaginable que, sous prétexte qu'elle ne contient le cas échéant que deux dispositions de nature fiscale sur quarante-trois articles, la LTSP soit soumise en entier au référendum facultatif ordinaire.

C'est néanmoins au constituant que revient premièrement - et secondairement au législateur dans les limites tracées par la constitution - de déterminer quels actes doivent être soumis à quels types de référendum, et d'autres donc de ne pas l'être du tout ou de ne l'être qu'à un type déterminé de référendum. Ce faisant, ils définissent dans quelle mesure le peuple est appelé à exercer sa souveraineté respectivement « directement ou par voie d'élection », deux modes mis sur le même pied par le constituant genevois (art. 2 Cst-GE).

Certes, selon le Tribunal fédéral, « soumettre au référendum (in casu obligatoire, aujourd'hui facultatif facilité) une disposition qui, prise isolément, aurait été soumise au référendum facultatif (aujourd'hui facultatif ordinaire) n'est pas en soi préjudiciable aux droits populaires, dans la mesure où le peuple est finalement appelé à se prononcer sur celle-ci » (arrêt du Tribunal fédéral 1C_28/2010 précité consid. 3.2 in fine). Cette considération peut être approuvée dans la mesure où elle signifie que l'atteinte aux droits politiques est dans un tel cas d'une gravité moindre que dans l'hypothèse inverse. Elle peut servir à résoudre les cas limites, au même titre que l'adage in dubio pro populo (également évoqué par le Tribunal fédéral dans le même considérant). Mais elle ne saurait faire oublier que « le référendum doit en principe se limiter aux cas expressément prévus par la constitution », ainsi que l'a indiqué le Tribunal fédéral, dans ce même arrêt (consid. 3.3.1), comme d'ailleurs dans d'autres arrêts sur les droits politiques.

Le droit de vote est violé lorsque le corps électoral est consulté, sauf circonstances particulières, en dehors des cas prévus par la constitution ou la loi, par exemple si les autorités d'un canton décidaient de soumettre une initiative au peuple alors que celle-ci n'a pas obtenu le nombre de signatures prescrit (ATF 114 Ia 267 consid. 4). Le corps électoral ne doit pas être appelé à voter sur un acte soumis au référendum facultatif si cet acte n'a pas fait l'objet d'une demande de référendum conforme aux règles en vigueur (arrêt du Tribunal fédéral 1C_218/2007 du 16 octobre 2007 consid. 3). Le principe de la bonne foi ne confère pas au peuple le droit de voir soumis au référendum un acte non exposé au référendum, en dépit d'une clause référendaire dont il a été muni par mégarde (arrêt du Tribunal fédéral 1P.769/2006 du 29 janvier 2007 consid. 3.3).

e. Quoique nécessairement conscient qu’il pourrait à nouveau arriver que le législateur adopte des lois hybrides (Michel HOTTELIER, Discussion de l’arrêt 1C_28/2010 du 9 novembre 2010, PJA 2/2011, p. 263 ss, 268 n. 10), le constituant ne s’est pas prononcé lui-même explicitement sur le régime référendaire à leur appliquer. Il a en revanche affiné son choix en instituant en outre un référendum extraordinaire, c'est-à-dire en permettant au Grand Conseil de soumettre au corps électoral les lois normalement exposées au référendum facultatif (ordinaire ou facilité) (art. 67 al. 3 Cst-GE ; BOACG tome V 2295-2375, 2498-2589, tome XVI 8406-8438, tome XXI 11044-11062, tome XXV 12746-12750, 12851-12859, 12887-12888).

Le référendum extraordinaire - institution non incontestée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_28/2010 du 9 novembre 2010 consid. 3.3.1 et doctrine citée) - offre une solution aux cas potentiellement problématiques dans lesquels le législateur entendrait adopter des lois hybrides (David HOFMANN, Le Conseil d'État dans la constitution genevoise du 14 octobre 2012, in Actualités juridiques de droit public 2013, ci-après : Le Conseil d’État, p. 111 ss, 122). Cela réduit les cas dans lesquels la contrainte de renoncer à un mélange de dispositions soumises à des régimes référendaires différents ne relèverait pas que de l'inopportunité, mais consacrerait une inconstitutionnalité, tenant à une violation des droits politiques, voire, eu égard à l’incohérence législative à laquelle aboutirait la scission d’une loi mixte, à une violation de l’interdiction de l’arbitraire.

La scission d’une loi mixte en deux (ou plusieurs) lois distinctes peut, suivant les cas, s’avérer inconstitutionnelle. Il pourrait en effet se produire qu'en voulant distinguer artificiellement des textes légaux par respect des contours littéraux des différents types de référendum considérés, on en viendrait, déjà lors de la collecte des signatures à l’appui d’une demande de référendum puis lors du vote référendaire, à compromettre l'expression sûre et véritable de la libre volonté respectivement des signataires et du corps électoral, en les confrontant à une question biaisée parce qu’elle serait sortie d’un contexte auquel elle serait intrinsèquement liée, voire à une question n’ayant pas raisonnablement de sens. Le législateur ne saurait être empêché notamment d'adopter des lois réalisant de véritables politiques publiques, touchant simultanément à des domaines législatifs différents (dont précisément des matières visées par l'art. 67 al. 2 Cst-GE) et nécessitant immanquablement des compromis.

f. Comme le Tribunal administratif l'a dit avant l'adoption de l'art. 85A al. 2 LEDP, en cas de lois mixtes, un renvoi de la totalité de la loi devant le corps électoral (donc, aujourd'hui, déjà l'exposition au référendum facultatif facilité) s'impose si les dispositions légales soumises au référendum facultatif (aujourd'hui facultatif ordinaire) ne peuvent « être maintenues sans complication » ou si l'absence de celles soumises obligatoirement au peuple (aujourd'hui soumises au référendum facultatif facilité) conduit « à briser, en cas de rejet, l'économie ou l'équilibre de la loi qui a été adoptée ». Il devait en aller de même, poursuivait le Tribunal administratif, « lorsque l'adoption de la loi a donné lieu à des affrontements politiques devant le Grand Conseil, ou si une soumission seulement partielle des dispositions légales risque de dénaturer ou de tronquer ce débat » (ATA/10/2010 précité consid. 12).

Le Tribunal fédéral a suivi le Tribunal administratif, tant sur le plan de la motivation que de l'issue de l'arrêt considéré (arrêt 1C_28/2010 précité). Dans le cas en question, non seulement trois des sept lois modifiées tombaient sous le coup de l'art. 53A aCst-GE, mais surtout, il n'était pas possible de décider de ne soumettre au référendum obligatoire que les « dispositions modifiant la LDTR, la LIPP et la LCP (…) sans risquer de porter atteinte à l'équilibre de la loi adoptée (…). Si les seules modifications à la LDTR étaient soumises au référendum obligatoire (…) cela risquerait, en cas de refus de celles-ci, de conduire à l'entrée en vigueur de normes modifiant la LEn qui seraient difficiles à concilier, voire qui pourraient être en contradiction avec d'autres lois cantonales, conséquence qui doit être évitée. En outre, un renvoi de la L 10’258 en votation partielle (…) pourrait conduire à soumettre au peuple une question tronquée relative à une nouvelle loi, ne reflétant qu'une partie de la problématique débattue devant le Grand Conseil à l'occasion de l'examen de son projet » (ATA/10/2010 précité consid. 12).

g. Le Tribunal administratif n'en a pas moins indiqué, suivi par le Tribunal fédéral aussi sur ce point, que la scission d'une loi hybride était alors possible dans le canton de Genève, à savoir, a contrario, pour des lois dont les dispositions relevant d'un régime référendaire différent peuvent être traitées séparément ou distinctement sans les inconvénients précités (arrêt 1C_28/2010 précité consid. 3.4 in initio ; ATA/10/2010 précité consid. 12).

Vrai en l'absence d'une loi prévoyant une scission (donc en application des seuls principes déductibles de la garantie des droits politiques, voire de l’interdiction de l’arbitraire), cela l'est a fortiori en présence d'une norme exigeant une telle différenciation, à savoir l'art. 85A al. 2 LEDP. Pour David HOFMANN (Le Conseil d’État, p. 121), l’interdiction de cumuler dans une même loi des dispositions exposées à des référendum différents découle directement de la Cst-GE, l’art. 85A al. 2 LEDP ne faisant que de la concrétiser. Si cette opinion est trop absolue (et ne semble pas être celle, très sommairement motivée, de Michel HOTTELIER et Thierry TANQUEREL ; op. cit., SJ 2014 II 370), force est de retenir qu’en l’état du droit, cet art. 85A al. 2 LEDP interdit valablement des lois mixtes (ou impose leur scission) dans toute la mesure où l'application de cette disposition ne comporte pas le risque sérieux, en cas de scission en lois distinctes, de compromettre le résultat du vote du fait que la question à soumettre aux signataires de demandes de référendum puis le cas échéant au corps électoral serait biaisée ou compliquée, ou d’aboutir à l’adoption de textes législatifs incohérents.

La discipline que l'art. 85A al. 2 LEDP entend imposer au législateur restreint les risques d'exposer les citoyens à un dilemme qui serait en réalité évitable parce que l'imbrication alléguée des normes adoptées n'aurait pas l'importance prétendue et que celles-ci ne constitueraient pas un édifice qu'ébranlerait sérieusement le refus de l'une ou l'autre des dispositions considérées. De l'importance doit aussi être attribuée à l'émergence, au travers des urnes, de la vraie cible de la volonté du corps électoral. Pour David HOFMANN (Le Conseil d’État, p. 122), « ce qui est assurément interdit, c'est d'utiliser un texte soumis au référendum allégé pour y adjoindre une règle qui serait normalement soumise au référendum ordinaire et tenter par ce biais de faciliter la récolte des signatures (…) ; il ne saurait être possible d'ajouter une augmentation d'impôt dans un projet traitant de fonction publique, d'agriculture ou d'enseignement pour faciliter le référendum ». Cet auteur met l'accent sur la nécessité d'adopter des lois distinctes, le cas échéant de les scinder, même après leur adoption (op. cit., p. 121). Pour Michel HOTTELIER (Discussion de l'arrêt 4C_1/2013 du 25 juin 2013, in PJA 2014 3/2014, p. 404 ss, 410), la « règle de partage paraît, lors de la mise en œuvre de l'article 85A alinéa 2 LEDP, résider dans la détermination du siège normatif des dispositions en cause. (…) Lorsqu'en revanche (…) des normes trouvant leur source dans diverses lois sont concernées, celles-ci devraient être scindées afin de permettre l'application soit du référendum législatif ordinaire, soit du référendum facilité » (cf. aussi PJA 2/2011, p. 263 ss, 268, où le même auteur approuve globalement l'arrêt 1C_28/2010 précité).

Il ne faut pas exagérer les difficultés susceptibles d’être liées à une scission d'une loi hybride, en vue de son exposition aux référendums pertinents et le cas échéant au vote du corps électoral. L'appréciation de l'interdépendance de dispositions aux fins de juger de l'admissibilité ou non d'une scission, ou d'une soumission à des régimes juridiques distincts, s'effectue couramment dans plusieurs domaines du droit, à commencer par celui des droits politiques. En matière d'initiatives populaires, le principe de l'unité de la matière, visant essentiellement à garantir la liberté de vote (Arun BOLKENSTEYN, op. cit., p. 111), interdit de mêler dans un même objet soumis au peuple plusieurs propositions de nature ou de but différents, qui forceraient le citoyen à opter entre une approbation ou une opposition globales alors qu'il pourrait n'être d'accord qu'avec une partie seulement des propositions lui étant soumises (ATF 130 I 185 consid. 3 ; 129 I 366 consid. 4.4 ; 129 I 381 consid. 2.1 ; 125 I 227 consid. 3.c ; 112 Ia 391 consid. 3.b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_289/2008 du 9 mars 2009 consid. 2.5). Il en va de même du principe de la conformité au droit supérieur (ATF 130 I 134 consid. 3.2 à 3.4 ; 129 I 392 consid. 3 ; 129 I 232 consid. 3.3 et 3.4). La sanction de la violation de ces principes peut et ne doit être qu'une invalidation partielle ou, selon les cas, une scission (art. 60 et 72 Cst-GE), à moins que le texte de l'initiative ne puisse être amputé de sa partie viciée sans être dénaturé (ATF 134 I 172 consid. 2.2 ; 129 I 381 consid. 4.3 ; 128 I 190 consid. 5.3 et 6.2 ; 132 I 282 = arrêt 1P.451/2006 du 28 février 2007 consid. 3.1 et 8.1 ; 114 Ia 267 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_659/2012 du 24 septembre 2013 consid. 4.3.22 et 6.2 ; 1C_302/2012 du 27 février 2013 consid. 4.1 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., vol. 1, n. 855 ss). De même, dans le cadre du contrôle abstrait des normes, le Tribunal fédéral annule en principe les seules dispositions jugées contraires au droit supérieur, et intégralement l'acte normatif attaqué seulement si les dispositions viciées ne peuvent pas être supprimées sans dénaturer l'acte dans son ensemble (ATF 140 I 2 ; 138 I 435 ; 130 I 279 consid. 2.5 ; 123 I 112 consid. 2.b ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., vol. 1, n. 2304 ; Arun BOLKENSTEYN, op. cit., p. 84 s. ; Jean MORITZ, op. cit., RDAF 2005 p. 1 ss n. 77 ; cf. aussi l’art. 20 al. 2 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 - Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220 - à propos de la nullité de contrats).

h. En conclusion, en matière référendaire, dans le cadre tracé par les art. 2, 44, 45 et 65 à 69 Cst-GE et l'art. 85A al. 2 LEDP dans la mesure de sa constitutionnalité, il faut déterminer au regard de l'interdépendance des dispositions considérées, de l'économie de la loi en question, de son équilibre et de sa cohérence, voire des enjeux et des débats caractérisant son adoption, si une loi hybride doit ou non être exposée entièrement au référendum facultatif facilité, ou au contraire, par un procédé de scission, être soumise au référendum facultatif facilité s'agissant uniquement de celles de ses dispositions qui entrent dans le champ d'application de l'art. 67 al. 2 let. a ou/et b Cst-GE et au référendum facultatif ordinaire s'agissant de ses autres dispositions. En cas de doute quant à la réalisation des critères précités, il y a lieu de privilégier la solution du référendum facultatif facilité, jugé communément favorable aux citoyens, en application de l'adage in dubio pro populo.

C'est au regard de ces critères que doit être examiné si la scission que l'art. 85A al. 2 LEDP exigeait de faire de la LTSP conduisait dans le cas de cette dernière à une violation des droits politiques ou de l’interdiction de l’arbitraire, hypothèses dans lesquelles le Grand Conseil aurait été légitimé à adopter la L 11’473.

10. a. La LTSP, appelée à remplacer la LTaxis actuellement en vigueur, vise à assurer la mise à disposition d'un service public de taxis efficace et complémentaire à celui offert par les transports publics, répondant à la demande de clients tous les jours de l'année, à toute heure et en tout lieu du territoire genevois, service public devant être assuré par le travail conjoint des taxis de service public et de la centrale unique d'ordres de courses desdits taxis (art. 1 al. 1 LTSP) ; elle a également pour objet de réglementer l'activité des autres transports professionnels de personnes (art. 1 al. 2 LTSP). Elle distingue les taxis de service public et les taxis de service restreint.

Pour les premiers, elle institue une centrale unique d'ordres de courses, dont l'État concéderait l'exploitation à une personne morale (art. 5 s LTSP), alors que pour les seconds l'exploitation d'une centrale d'ordres de courses, limitée à des taxis de service restreint, serait soumise à autorisation (art. 9 LTSP). Le nombre des permis de service public serait limité (art. 16 s LTSP) ; ces permis seraient attachés à des véhicules et leurs titulaires seraient des chauffeurs indépendants (ne pouvant pas être titulaires de plusieurs permis de service public) ou des entreprises. Seuls les taxis de service public, visiblement identifiés comme tels (art. 26 LTSP), auraient le droit de s'arrêter aux stations de taxis, d'utiliser les voies réservées aux transports publics, d'emprunter les zones à circulation restreinte et de prendre en charge des clients qui les héleraient dans la rue (art. 24 LTSP) ; ils seraient tenus de s'affilier à la centrale unique d'ordres de courses, à l'exclusion de toute autre centrale (art. 25 LTSP), et de participer au service public que la centrale unique serait chargée d'organiser 7 jours sur 7 et 24h sur 24 (art. 27 LTSP). Les permis de service public seraient soumis à une taxe annuelle comprise entre CHF 900.- à CHF 1'400.-, susceptible d'être modulée à la baisse ou la hausse en fonction des performances écologiques des véhicules auxquels ils sont attachés (art. 16 al. 5 à 7 LTSP).

Les taxis de service restreint, au nombre non limité, signalés uniquement par un autocollant « taxi » apposé à l'arrière du véhicule (art. 29 al. 4 LTSP), ne disposeraient que d'un droit d'usage commun du domaine public, susceptibles d'être étendu temporairement à certaines zones ou emplacements (art. 28 LTSP), et ils devraient, comme d'ailleurs les limousines (art. 4 al. 1 let. c LTSP), s'acquitter d'une taxe d'accès au périmètre de l'Aéroport international de Genève, comprise entre CHF 10.- et CHF 20.- par jour et par véhicule (art. 28 al. 6 LTSP). Les chauffeurs de taxis ou de limousines en provenance d'autres cantons, auraient accès au marché genevois en y étant assimilés aux chauffeurs de taxis de service restreint ou de limousines (art. 11 al. 1 LTSP), de même que, 90 jours par année civile, les chauffeurs de taxis ou de limousines ressortissants d'un État membre de l’Union européenne ou de l'Association européenne de libre-échange et y étant dûment autorisés à y exercer cette profession (art. 12 LTSP).

Les voitures immatriculées comme taxis ne feraient plus l'objet d'une imposition annuelle forfaitaire de CHF 128.-, mais de l'impôt annuel sur les voitures de tourisme prévu par l'art. 415 LCP, dont le système de bonus/malus en fonction des rejets de CO2 serait cependant majoré à la baisse ou à la hausse (art. 43 souligné al. 1 LTSP ; Andreas AUER, Avis de droit, n. 1-3).

b. Le Grand Conseil se borne à affirmer que la LTSP forme un tout indissociable, sans nullement démontrer en quoi ses dispositions de nature fiscale et les autres sont si liées les unes aux autres qu'elles n'auraient pas de sens les unes sans les autres. Il argumente pour l'essentiel, dans l'hypothèse d'une scission, en mettant en doute qu'en cas de rejet des unes en votation référendaire, les autres puissent leur survivre et être applicables. Il ajoute que dans l'éventualité où les lois issues d'une scission seraient toutes deux frappées d'un référendum, les citoyens appelés à voter seraient « égarés » par les complications qu'engendreraient les « conditions » et « délais différents de soumission au suffrage », circonstances qu’il n’explicite aucunement.

Or - la question étant abordée ici pour le cas où il se confirmerait qu’elle représente un impôt, et non une contribution causale -, la taxe annuelle à laquelle les taxis de service public seraient soumis ne conditionne pas le fonctionnement du service public de taxis qu'institue la loi, pas même, de façon un tant soit peu marquée, dans la mesure où son produit pourrait être utilisé en rapport avec les buts de service public poursuivis par la LTSP (art. 16 al. 5 phr. 2 LTSP), dont subsidiairement et transitoirement l'alimentation d'un fonds compensatoire (art. 41 al. 5 2ème phr. LTSP). Que cette taxe, perçue annuellement par permis de service public, soit ou non adoptée le cas échéant par le corps électoral, les taxis de service public pourraient assurer le transport professionnel de personnes conformément aux obligations prévues par la LTSP (adoptée par hypothèse sans qu'il y ait eu de référendum ayant abouti ou en votation référendaire). Ils pourraient en particulier être affiliés à la centrale unique d'ordres de courses desdits taxis, répondre à la demande de clients selon les règles d'organisation qui seraient mises en place afin que la prestation considérée soit fournie tous les jours de l'année, à toute heure et en tout lieu du territoire genevois. Ils bénéficieraient des avantages que la LTSP leur confère, en particulier ceux d'être visiblement signalés comme taxis de service public et d'avoir le droit de s'arrêter aux stations de taxis, d'utiliser les voies réservées aux transports publics, d'emprunter les zones à circulation restreinte et de prendre en charge des clients qui les héleraient dans la rue. Les chauffeurs de taxis de service restreint, comme de limousines, pourraient exercer leur profession, quasiment la même que celle des taxis de service public quoique dans les conditions sensiblement différentes que la LTSP leur réserve.

Le maintien d'une imposition annuelle forfaitaire à CHF 128.- des voitures immatriculées comme taxis, qu'impliquerait un rejet du volet fiscal de la LTSP, ne soulèverait strictement aucune difficulté.

L'hypothèse inverse d'une adoption définitive des seules dispositions fiscales et d'un rejet, pour le surplus, des autres dispositions de la LTSP en votation référendaire, ne poserait aucun problème pour le passage d'une imposition annuelle forfaitaire des voitures immatriculées comme taxis à leur soumission à l’impôt applicable aux voitures de tourisme en général avec un bonus/malus cependant majoré en fonction des rejets de CO2.

La taxe annuelle prévue par l'art. 16 al. 5 à 7 LTSP ne pourrait peut-être pas être perçue sans une adaptation préalable de et/ou à la LTaxis, puisqu'il n'y aurait pas de taxis de service public au sens de la LTSP, pour autant qu’on ne puisse appliquer cette taxe aux taxis ayant un caractère de service public au sens de l’art. 3 al. 3 LTaxis. Les dispositions instituant cette taxe resteraient lettres mortes, du moins provisoirement, sans que cela ne soit problématique. L'entrée en vigueur de ces dispositions fiscales n'interviendrait que sur la base d'un arrêté du Conseil d'État (cf. art. 37 LTSP, valant aussi pour les dispositions de nature fiscale de cette loi), si bien que les autorités impliquées dans la procédure législative (à savoir le Conseil d'État et le Grand Conseil ; art. 109 Cst-GE) auraient le temps et la possibilité de résoudre cette difficulté, envisagée ici sur un plan théorique mais en réalité fort peu probable.

La réalisation de ce cas de figure supposerait en effet cumulativement que deux référendums aboutissent (dont l'un, portant sur l'essentiel de la LTSP, demandé par au moins 3 % des titulaires des droits politiques), que le Conseil d’État décide de soumettre au vote du corps électoral les dispositions fiscales de la LTSP avant ou en même temps que ses autres dispositions (le problème ne se posant pas s’il les soumettait au corps électoral dans un second temps), et que les dispositions fiscales soient acceptées mais la LTSP pour le surplus rejetée en votation référendaire. Et si ces trois conditions se réalisaient, il faudrait y voir, non pas que le corps électoral aurait été égaré (étant entendu que la situation, tout de même pas si complexe, lui aurait été expliquée, notamment dans la brochure explicative), mais bien plutôt que, sous réserve de ses dispositions fiscales, d'autres dispositions de la LTSP ne lui seraient pas acceptables comme telles et devraient donc être remises sur le métier ou abandonnées. La complication considérée, plutôt théorique et en tout état modeste, ne suffit nullement à rendre inconstitutionnelle une scission de la LTSP.

Enfin, il ne résulte pas des travaux préparatoires de la LTSP que les dispositions fiscales considérées auraient été à ce point la contrepartie de l'admission d'autres volets de la LTSP qu'elles en seraient devenues politiquement partie intégrante, en termes de débats à restituer le cas échéant en vue d'une votation référendaire. Certes, quelques voix divergentes, minorisées, se sont fait entendre sur la « double taxe écologique, la première pour l'immatriculation du véhicule, la seconde pour l'obtention d'un permis de taxi de service public », des députés ont manifesté un attachement à la LTSP dans son ensemble, des amendements ont été présentés et souvent rejetés, et des compromis ont pu intervenir (PL 10697-A, in MGC [En ligne] Recueil des objets déposés et non traités durant la 57e législature, séance du 27 mars 2014 à 10h, p. 1 à 6, 344-247, 361-362, 370-374 ; MGC [En ligne], Séances du 27 mars 2014 à 10h et à 14h, Disponible sur http://ge.ch/grandconseil/search?search=10697). Il n'y a toutefois pas une ligne de démarcation entre les partisans et les opposants à la LTSP selon que sont évoquées les dispositions respectivement de nature fiscale et les autres dispositions de la LTSP. Une scission ne compliquerait donc pas sensiblement la présentation des enjeux du vote, ni ne dénaturerait les discussions relatives à ou aux objets soumis au vote du corps électoral.

Comme le relève Andreas AUER (Avis de droit, n. 92 note 78 in fine), « une scission entre les dispositions soumises au référendum allégé et les autres n’aurait pas porté atteinte à (l’)équilibre (de la LTSP) ». Le Conseil d'État l'a d'ailleurs lui-même admis implicitement en proposant au Grand Conseil la scission de la LTSP en deux lois distinctes. Ce serait a fortiori le cas si la taxe annuelle considérée s’avérait être une contribution causale, non soumise à l’art. 67 al. 2 let. a Cst-GE.

En conclusion, il n’y avait pas d’inconstitutionnalité permettant à l’autorité intimée, en l’état du droit, de retenir, pour la LTSP, une solution dérogeant à celle résultant de l'application de l'art. 85A al. 2 LEDP. Une scission de la LTSP doit être d’autant plus assumée par le Grand Conseil qu'il a non oublié mais refusé de soumettre cette loi au référendum extraordinaire.

L'art. 1 de la L 11’473 doit être annulé.

11. a. Le législateur a muni la L 11’473 de la clause d'urgence. Selon les recourants, citant notamment Andreas AUER (Avis de droit, n. 92), les conditions d'application de l'art. 70 Cst-GE ne seraient pas remplies. Défendant la position inverse, le Grand Conseil prétend qu'il y avait urgence institutionnelle à permettre la soumission de la LTSP au régime référendaire approprié ; il souligne qu'une plus grande marge d'appréciation doit lui être laissée en la matière, du fait que, contrairement à l'art. 55 aCst-GE, l'art. 70 Cst-GE exige une majorité qualifiée pour décréter l'urgence et ne soustrait pas la loi en étant munie à tout référendum.

b. La L 11’473 n'étant constituée que d'un art. 1 présentement annulé par la chambre constitutionnelle et d'un art. 2 formant la clause d'urgence, cette dernière se trouve dépourvue d'objet. Ce motif suffit à justifier son annulation, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les conditions d’application de la clause d’urgence étaient remplies.

La L 11’473 sera ainsi annulée en entier.

12. Cette annulation affecte la validité du traitement référendaire de la LTSP elle-même. Peu importe que les recourants n'aient pas attaqué les arrêtés que le Conseil d'État a pris ultérieurement au cours de ce processus, en particulier pour constater l'aboutissement du référendum lancé contre cette loi avec 510 signatures validées, le 29 octobre 2014.

Aussi le présent arrêt sera-t-il notifié également au Conseil d'État.

Il sera loisible au Conseil d'État d'examiner si et dans quelle mesure la compétence de définir le régime référendaire applicable aux lois à publier (art. 85 al. 1 LEDP) ne lui est pas attribuée par les art. 109 al. 3 et 46 al. 1 Cst-GE, le chargeant respectivement de promulguer les lois (compétence incluant celle de les publier ; art. 8 al. 1 et 5 LFPP ; cf. art. 140 al. 1 et 141 al. 1 et 2 LRGC, et l'art. 12 al. 2 LFPP, où le verbe « promulguer » couvre manifestement aussi l'opération préalable de la publication des lois) et d’organiser et surveiller les opérations électorales (dont la publication fait partie ; art. 8 à 13 LFPP). Dans l’affirmative, il pourrait exercer cette compétence par la voie d'un arrêté et d'une mesure de publication adaptée de la LTSP (David HOFMANN, Le Conseil d’État, p. 120 ss), comme il est amené à le faire à l'égard des dispositions exposées au référendum facultatif de la loi budgétaire (art. 69 Cst-GE). Dans l'affaire déjà citée ayant donné lieu à l'ATA/10/2010 puis à l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_28/2010, c'est le Conseil d'État qui avait pris l'option de soumettre l'intégralité de la loi considérée au référendum obligatoire, sans qu'aucune des deux juridictions saisies ne lui en conteste la compétence. Il n’apparaît pas qu’il en serait allé différemment à ce sujet si le Conseil d’État avait choisi d’exposer séparément respectivement au référendum obligatoire les dispositions de ladite loi devant l’être et les autres au référendum facultatif. Et compte tenu du fait que la LTSP viole l’art. 85A al. 2 LEDP, il ne saurait être opposé à une scission de la LTSP que l'art. 85A al. 1 LEDP prévoit que, sous réserve de l’art. 69 Cst-GE, un référendum facultatif ne peut s’exercer qu’à l’endroit de l’intégralité de la loi ; matériellement, il y aurait deux lois distinctes du fait d’une telle scission.

13. Une notification du présent arrêt au Conseil d'État se justifie aussi en considération de la publication dans la FAO qu'il incombe au pouvoir exécutif de faire de l'annulation de la présente loi par la chambre constitutionnelle (cf. art. 109 al. 4 Cst-GE et les dispositions légales régissant la publication des lois et autres textes normatifs dans la FAO, le Recueil authentique des lois et des actes du gouvernement de la République et canton de Genève et le Recueil officiel systématique de la législation genevoise ; art. 8 ss, 16 s., 18 ss LFPP ; cf. aussi art. 11 al. 2 Cst-GE, et Michel HOTTELIER/Thierry TANQUEREL, op. cit., SJ 2014 II 364). Peu importe que, suite à l'entrée en fonction de la chambre constitutionnelle le 14 juin 2014, le Conseil d’État n’a pas encore adapté l'art. 9 du règlement d’exécution de la loi sur la forme, la publication et la promulgation des actes officiels du 15 janvier 1957 (RFPP - B 2 05.01), prévoyant que les décisions du Tribunal fédéral ou du Conseil fédéral entraînant la suspension, l’annulation ou la remise en vigueur d’un texte déjà publié dans la FAO y sont également mentionnées (Arun BOLKENSTEYN, op. cit., p. 87).

14. Il est admis que lorsqu'une cour constitutionnelle annule un acte normatif, le processus d'adoption de ce dernier n'est pas arrivé à son terme, tel qu'il est prévu par le droit cantonal, comme en cas de rejet en votation référendaire. Aussi les particuliers n'ont-ils pas qualité pour recourir au Tribunal fédéral contre un tel arrêt de la cour constitutionnelle (arrêt du Tribunal fédéral 2P.112/2002 du 12 novembre 2002 consid. 2.2 publié in RJJ 2002 p. 290 et in RDAF 2005 I 67 ; Alain WURZBURGER, op. cit., n. 84 ad art. 82 LTF ; Arun BOLKENSTEYN, op. cit., p. 343). La question de savoir si l'autorité intimée (ou le canton) peut recourir au Tribunal fédéral contre un tel arrêt paraît résolue aussi par la négative (ATF 134 I 172 consid. 1.3 ; 133 II 400 consid. 2.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1016/2011 du 3 mai 2012 consid. 1.2.1 ; David HOFMANN, La qualité de l'État pour recourir au Tribunal fédéral, in Actualités juridiques de droit public 2011, p. 13 ss, 30 et note 97 ; Arun BOLKENSTEYN, op. cit., p. 343).

Aussi la chambre constitutionnelle n'indiquera-t-elle pas de voies de droit contre le présent arrêt dans le dispositif de ce dernier.

15. Vu l’issue donnée au recours, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA).

Les recourants obtenant entièrement gain de cause et y ayant conclu, une indemnité de procédure leur sera allouée pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires d'un mandataire (art. 87 al. 2 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative, du 30 juillet 1986 – E 5 10.03), à la charge de l’État de Genève. Cette indemnité sera fixée à CHF 3'000.- pour les trois recourants pris conjointement et solidairement, les trois recourants ayant recouru par un même acte et étant représentés par le même avocat.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

A la forme

déclare recevable le recours de Messieurs A______, B______ et C______ contre la L 11’473 du 27 juin 2014 soumettant la L 10’697 sur les taxis de service public et autres transports professionnels de personnes au référendum facultatif selon l'article 67, alinéa 2 de la Constitution.

Au fond

l'admet ;

annule la L 11'473 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue aux recourants pris conjointement et solidairement une indemnité de procédure de CHF 3'000.-, à la charge de l’État de Genève ;

invite le Conseil d'État à publier dans la Feuille d'avis officielle que la L 11’473 est annulée par arrêt de la chambre constitutionnelle du 23 janvier 2015 ;

notifie le présent arrêt à Me Jacques Roulet, avocat de Messieurs A______, B______ et C______, au Grand Conseil et au Conseil d'État.

 

Siégeants : M. Martin, président, Mme Galeazzi, MM. Dumartheray et Verniory et Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

 

 

 

Le greffier-juriste

 

 

 

I. Semuhire

 

 

Le président siégeant

 

 

 

R. Martin

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

OPINION SÉPARÉE n° 1 (convergente)

(art. 119 Cst-GE et 28 al. 5 et 6 du règlement de la

Cour de Justice, du 20 juin 2014 - RCJ – E 2 05.47)

En complément à la violation du principe de la non-rétroactivité des lois qu’a retenue la chambre constitutionnelle pour dénier la validité de l’art. 1 de la L 11'473, j’estime que le grief de violation du principe de la légalité soulevé par les recourants méritait examen (ad consid. 7), et appelait en outre l’examen de la validité matérielle de l’application faite en l’espèce de la clause d’urgence (ad consid. 11).

Ad consid. 7 :

Le principe de la primauté de la loi implique que comme toute autre autorité, l'auteur d'une norme doive l'appliquer lui aussi, telle qu'il l'a émise. Il est certes loisible à l'auteur d'une norme de modifier cette dernière, mais il lui faut à cette fin respecter les formes et les procédures ayant présidé à son adoption, en vertu de la règle du parallélisme des formes, et, une fois la modification entrée en vigueur selon les règles y relatives, il pourra appliquer la norme modifiée (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER / Vincent MARTENET, op. cit., vol. 1, p. 632 s. ; René A. RHINOW / Beat KRÄHENMANN, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, Ergänzungsband, n. 59, p. 185 ss ; André GRISEL, Droit administratif suisse, 1970, p. 162 s. ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 467 in fine). Selon la jurisprudence, en vertu du principe de la légalité, toute autorité est liée par ses actes aussi longtemps qu'elle ne les a pas abrogés ou modifiés, les justiciables devant en effet être assurés qu'elle applique à tous la même norme, et qu'il ne puisse y être dérogé que dans les cas que la norme prévoit elle-même ; s'il était loisible à l'autorité de revenir sur ses actes par n'importe quelle voie, le principe de la légalité risquerait d'être éludé ; aussi, conformément à la règle du parallélisme des formes, l'autorité ne révise-t-elle valablement ses actes que selon la forme dans laquelle ils ont été adoptés (ATF 108 Ia 178 consid. 3d ; 98 Ia 105 consid. 2d ; 94 I 29 consid. 3a). Dans des circonstances spéciales, le principe du parallélisme des formes peut être atténué voire enfreint, provisoirement, en particulier en cas d’urgence justifiant une mise en application immédiate d’une loi (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, op. cit., vol. 1, p. 315 s.), ou, en droit genevois, pour certaines rectifications d’erreurs matérielles (art. 216A LRGC).

En cas de conflit de normes coexistant, il s’agit de déterminer laquelle doit s’appliquer. On recourt à cette fin à trois règles classiques principales (ATA/1000/2014 du 16 décembre 2014 consid. 11) : lex superior derogat inferiori (la norme supérieure prime la norme inférieure), lex specialis derogat generali (la norme spéciale prime la norme générale), et lex posterior derogat anteriori (la norme postérieure prime la norme antérieure). La première se réfère au principe de la hiérarchie des normes, ayant pour corollaire celui du parallélisme des formes ; elle prévaut sur les deux autres. En effet, en présence de règles de droit contradictoires de rangs différents, le juge est tenu de se conformer à la règle supérieure et, partant, de faire abstraction de la règle inférieure, ce qui signifie notamment que les dispositions d'une loi formelle ont toujours préséance par rapport aux dispositions réglementaires qui leur sont contraires (ATF 137 V 410 consid. 4.2.1 ; 129 V 335 consid. 3.3 ; 128 II 112 consid. 8a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_736/2010 du 23 février 2012 consid. 6.3 ; Bernd RÜTHERS/Christian FISCHER/Axel BIRK, Rechtstheorie mit juristischen Methodenlehre, 7ème éd., 2013, n. 773). Il n’existe en revanche pas de hiérarchie stricte entre la deuxième et la troisième de ces règles (ATF 134 II 329 consid. 5.2 ; Peter FORSTMOSER/Hans-Ueli VOGT, Einführung in das Recht, 5ème éd., 2012, n. 279 ; Bernd RÜTHERS/Christian FISCHER / Axel BIRK, op. cit., n. 771 ; Hansjörg SEILER, Einführung in das Recht, 3ème éd., 2009, n. 17).

En l’espèce, il y a conflit entre l’art. 1 de la loi attaquée et l’art. 85A al. 2 LEDP, censés coexister, la loi attaquée n’abrogeant ni ne modifiant cette disposition-ci mais prétendant y déroger dans le cas de la LTSP. Cela n’est pas contesté, pas plus que n’est contestable que, d’un point de vue strictement formel, la L 11’473 a été adoptée conformément aux dispositions régissant la procédure législative (art. 91 et 109 Cst-GE ; art. 124 ss LRGC), puis promulguée (art. 46 al. 1 et 109 al. 4 1ère phr. Cst-GE ; art. 8 à 13 LFPP).

A priori, la L 11’473 apparaît être du même rang que l’art. 85A al. 2 LEDP, à savoir le rang légal, si bien qu’on pourrait être enclin, à l’instar de l’autorité intimée, de dire qu’elle ne contrevient pas au principe du parallélisme des formes. Selon l’ATF 112 Ia 136 consid. 3c, on ne saurait déduire du principe du parallélisme des formes autre chose que l’exigence que la modification d’un acte soit soumise à la même procédure que son adoption : « Mehr folgt aus diesem Prinzip nicht », y a indiqué le Tribunal fédéral, à l’appui cependant du rejet du grief qu’une délégation législative contenue dans un acte soumis à référendum enfreindrait la règle du parallélisme des formes (cf. aussi ATF 98 Ia 105 consid. 2d). La question se pose toutefois, en l’espèce, de savoir si cette règle doit être considérée comme respectée du seul fait que, d’un point de vue strictement formel, l’acte attaqué a été pris sous la forme d’une loi, ou si d’autres critères ne doivent pas être pris en compte pour juger de son respect. Il appert que la L 11’473 présente, en plus de sa rétroactivité, des caractéristiques qui légitiment cette interrogation, à commencer par son caractère décisionnel marqué.

Exiger la forme de la loi pour modifier une norme de rang légal (ou y déroger) renvoie, dans l’esprit du principe de la légalité auquel se rattache la règle du parallélisme des formes, à l’adoption d’une norme, plutôt que seulement d’une loi formelle. Or, c’est le propre d’une norme que d’être une mesure générale et abstraite, édictée en considération d’un nombre indéterminé de personnes et de situations, sans égard à un cas particulier ou à une personne déterminée (ATF 101 Ia 73 consid. 3a ; Bernhard EHRENZELLER/Benjamin SCHINDLER/Rainer J. SCHWEIZER/Klaus A. VALLENDER [éd.], op. cit., n. 32 ad art. 5). Le parallélisme requis pour modifier une norme (ou y déroger) doit en principe s’étendre à cette nature normative, d’autant plus lorsque, comme en l’espèce, l’acte adopté en la forme d’une loi entend faire coexister dans l’ordre juridique deux interprétations inconciliables des mêmes dispositions constitutionnelles, l’une qui serait valable généralement alors que l’autre ne le serait que pour la LTSP. De surcroît, si ni la Cst-GE ni la LRGC ne le disent explicitement, la forme de la loi apparaît réservée à l’édiction de normes ainsi qu’à la prise de quelques mesures spécifiques pour lesquelles elle est explicitement prévue (art. 91 al. 1 Cst-GE ; art. 2, 3 et 124 ss LRGC), en particulier pour certaines décisions bien précises (consid. 2c), la soumission d’une loi au référendum extraordinaire (art. 67 al. 3 Cst-GE) - ce que ne fait pas la L 11'497 -, ou encore la clause d’urgence (art. 70 Cst-GE) - mesure que comporte certes la L 11'497, toutefois en violation des conditions du recours à la clause d’urgence, comme cela sera développé plus loin, en sorte que cette loi a été appliquée alors qu’elle n’aurait pas dû être en vigueur.

Forme et fond ont des liens étroits et s’interpénètrent souvent. De surcroît cumulées, les caractéristiques précitées de la L 11'497 émargent au moins pour partie à des questions formelles, restant appréhendées par la règle du parallélisme des formes. Dans un tel cas, nier qu’une telle loi déroge valablement à la norme dont elle prétend écarter l’application restitue à la règle du parallélisme des formes, corollaire de celle de la hiérarchie des normes, les valeurs propres au principe de la légalité auquel ces règles se rattachent. Certes, ni la jurisprudence ni la doctrine consultées ne le disent, mais elles n’ont visiblement pas envisagé un cas aussi atypique que le cas d’espèce. Dans le contexte de l’obligation qu’a l’auteur d’une norme d’appliquer cette dernière même s’il l’estime insatisfaisante, sauf à la modifier préalablement, des auteurs relèvent que « la règle est à ce point évidente qu’on ne trouve guère d’exemples clairement topiques » (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, op. cit., vol. 1, p. 632) ; la L 11'473 - que des auteurs qualifient de « bricolage baroque » (Michel HOTTELIER/Thierry TANQUEREL, op. cit., SJ 2014 II 370) et de résultat d’un « exploit d’un genre plutôt rare » (Andreas AUER, Avis de droit, n. 92) - en est un exemple.

Il n’y a pas de raison d’atténuer ou d’écarter en l’espèce les exigences se déduisant du principe du parallélisme des formes. Les conditions du recours à la clause d’urgence n’étaient pas remplies, et la L 11’473 ne représente pas la rectification d’une erreur matérielle.

La conclusion se justifie donc que la L 11'473 viole le principe du parallélisme des formes et, partant ou en tout état, celui de la légalité.

Ad consid. 11 :

Quand bien même elle n'exclut plus tout référendum, l'urgence implique un déficit démocratique important, dès lors qu'elle fait immédiatement entrer en vigueur la loi déclarée urgente et impose donc l'application de normes qui ne sont en réalité pas encore définitivement adoptées. Le procédé ne se trouve pas suffisamment légitimé par la majorité qualifiée requise pour que l'urgence soit déclarée ; l'urgence ne se décrète pas, mais doit être constatée et donc être constatable. Il faut que l'entrée en vigueur de la loi considérée « ne souffre aucun retard », à teneur même de l'art. 70 al. 1 Cst-GE. Le système genevois s'inspire très largement des règles fédérales en matière de loi urgente (art. 165 Cst. ; David HOFMANN, Le Conseil d’État, p. 122 s.).

Sous l'empire de l'art. 55 aCst-GE, prévoyant que seules les lois « ayant un caractère d'urgence exceptionnelle » pouvaient être munies de la clause d'urgence (et alors, certes, échapper à tout référendum), le Tribunal fédéral a jugé qu'il ne fallait en admettre l'utilisation que restrictivement. Une loi ne pouvait être déclarée urgente que si sa mise en vigueur ne pouvait souffrir le retard qu'impliquerait l'organisation d'un scrutin référendaire en cas de lancement et d'aboutissement d'une demande de référendum ; il fallait qu'une application immédiate s'impose sans conteste. À l'élément matériel de la nécessité et d'une certaine importance d'une application des mesures considérées devait s'ajouter un élément temporel d'urgence (ATF 130 I 106 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.118/2002 du 9 août 2002).

Ainsi, le Tribunal fédéral a admis l'urgence à faire entrer immédiatement en vigueur les seules dispositions d'une modification de la loi d'application dans le canton de Genève de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite d'alors (aLaLP - E 3 60) visant à prévenir deux réorganisations successives des offices des poursuites et des faillites incompatibles l'une avec l'autre, décidées coup sur coup (respectivement par une L 8’621 du 21 septembre 2001 et une L 8’658 du 21 février 2002) ; l'urgence consistait à assurer l'efficacité des institutions et le respect des justiciables (arrêt du Tribunal fédéral 1P.118/2002 du 9 août 2002). Le Tribunal fédéral a estimé qu'il y avait urgence, du point de vue tant matériel que temporel, à l'entrée en vigueur immédiate d'une L 9’384 du 28 octobre 2004 modifiant la LOJ pour permettre au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger dans une composition régulière, sans plus risquer l'annulation de ses jugements du chef d'une composition irrégulière ni devoir, en guise d'alternative, attendre l'élection des juges assesseurs par le peuple et accumuler ainsi un retard inadmissible dans le traitement des procédures (ATF 130 I 106).

Il n’est pas nécessaire de dire en l'espèce si et dans quelle mesure les exigences à poser au recours à la clause d'urgence sont moindres au regard de l'art. 70 Cst-GE qu'elles ne l’étaient au regard de l'art. 55 aCst-GE. En effet, elles n'étaient en tout état pas réalisées dans le cas de la L 11’473, visant à modifier le régime référendaire de la LTSP. Il n'y a pas de vide législatif dans la réglementation de la profession de chauffeurs de taxis dans le canton de Genève. Et quel que soit le cas échéant l'opportunité que la LTaxis soit remplacée par une autre loi, en particulier la LTSP, il n'y avait d'urgence ni matérielle ni temporelle à modifier le régime référendaire de la LTSP. Cette dernière a été adoptée le 27 mars 2014, au terme de quatre ans de travaux législatifs ; il n'y a pas eu d'inconvénient important à attendre tout ce temps, comme ensuite le 27 juin 2014 pour qu'une solution - au demeurant erronée - soit donnée au problème d'exposition au référendum de la LTSP. Le recours à la clause d’urgence participe en l'espèce d'un artifice contraire aux droits politiques.

 


OPINION SÉPARÉE n° 2 (divergente)

(art. 119 Cst-GE et 28 al. 5 et 6 du règlement de la

Cour de Justice, du 20 juin 2014 - RCJ – E 2 05.47)

Je ne peux me rallier à l’opinion majoritaire de la chambre constitutionnelle à propos de l’effet rétroactif prêté à la L 11’473 qui serait contraire à l’art. 5 al. 1 Cst. ou à l’art. 9 al. 2 Cst-GE. Cette loi a été adoptée par le législateur le 27 juin 2014, soit postérieurement à la LTSP, adoptée le 27 mars 2014. Si le principe de non-rétroactivité précité veut qu’une norme ne saurait attacher des effets juridiques à des faits antérieurs (cf consid. 7 du présent arrêt), il doit s’agir de faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur (ATF 116 Ia 213/214 consid. 4a, ATF 113 Ia 425 et les arrêts cités; Alfred KÖLZ, Intertemporales Verwaltungsrecht, in RDS 102/1983 II p. 160; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., p. 184, n. 2.4.2.3). La loi attaquée n’enfreignait pas ce principe. En effet, la LTSP n’avait pas encore été promulguée par le Conseil d’État à la date d’adoption du projet de loi attaquée et aucun délai référendaire n’avait encore commencé à courir. Cette loi n’instaurait aucun régime ou délai référendaire applicable directement par le Conseil d’État, étant contraire à l’art. 85A LEDP. La LSTP ne déployait pas d’effet juridique (ATF 119 Ia 254 consid. 4 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, op. cit. , p. 202, n. 2.4.4.1) ; elle n’existait pas en tant que « fait » antérieur. Dès lors, il était loisible au Grand Conseil de reprendre par de nouvelles dispositions légales le règlement des droits référendaires concernant la LTSP, même postérieurement à son adoption, sans enfreindre le principe de non-rétroactivité des normes.

Après avoir constaté que la LTSP, dans sa formulation issue des débats du 27 mars 2014, contrevenait à l’art. 85A LEDP, le Grand Conseil aurait pu décider au travers d’un nouvel examen de la LTSP, soit de répartir les dispositions de la LSTP dans deux lois distinctes, soit de soumettre l’entier de la loi au référendum extraordinaire de l’art. 67 al. 3 Cst-GE. Le législatif a cependant choisi une autre issue, par l’adoption de l’art. 1 de la L 11'473, en décidant de soumettre l’entier de la LSTP au référendum facilité. Saisi du contrôle de la conformité au droit supérieur d’une norme qui vise à régler l’exercice de droits populaires, le juge doit privilégier toute solution permettant le plus large exercice de ces derniers dans le respect du cadre de la loi. À l’instar de ce qui se pratique en matière d’initiative suivant la maxime in dubio pro populo, le juge est ainsi en droit d’avaliser l’option choisie par le législateur lorsque celle-ci ne se trouve pas manifestement contraire avec le droit supérieur (arrêts du Tribunal fédéral 1C_28/2010 précité consid 3.2 et 1C_578/2011 du 20 décembre 2011).

Partant, si l’on retient que l’art. 1 de la L 11’473, ne contrevient pas à l’art. 67 Cst-GE et que cette disposition légale n’est pas, ainsi que je le soutiens, contraire à d’autres dispositions constitutionnelles ou légales de rang supérieur, la solution adoptée par le Grand Conseil - qui devait nécessairement être assortie de la clause d’urgence pour permettre à la L 11’473 d’entrer en vigueur avant la promulgation de la LTSP - reste encore conforme au droit, au-delà d’être pragmatique puisque le référendum a abouti et que la loi aurait été soumise au peuple. Cela aurait dû conduire au rejet du recours.