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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3506/2011

ATA/118/2014 du 25.02.2014 ( ELEVOT ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.03.2014, rendu le 22.07.2014, REJETE, 1C_136/2014, 1C_477/2012
Descripteurs : ; DROITS POLITIQUES ; VOTATION(DROITS POLITIQUES) ; EXERCICE DU DROIT DE VOTE ; VOTE ÉLECTRONIQUE ; SECRET DE VOTE ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; ADMINISTRATION DES PREUVES
Normes : Cst.29.al2; Cst.34; aCst-GE.48; LEDP.60
Parties : HILL Richard Walter / CONSEIL D'ETAT
Résumé : Absence de violation des droits politiques des citoyens lorsqu'il n'existe aucun indice concret entachant d'irrégularité un scrutin cantonal dans le cadre duquel le vote électronique a été mis en oeuvre.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3506/2011-ELEVOT ATA/118/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 février 2014

 

dans la cause

 

Monsieur Richard Walter HILL

contre

CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

1) Les 21 avril et 4 mai 2011, puis le 10 juin 2011, Monsieur Richard Walter Hill, électeur dans le canton de Genève, a écrit au Conseil d’Etat en raison de l’utilisation du vote électronique par tous les citoyens genevois lors du scrutin du 15 mai 2011. Il requérait la suspension du vote électronique en raison des risques inhérents à ce mode d’exercice des droits politiques, qui ne présentait pas un niveau de sécurité suffisant. En particulier, le Conseil d’Etat n’avait édicté aucune prescription relative à sa mise en œuvre, notamment concernant le matériel informatique utilisé par l’électeur, comme l’exigeait pourtant l’art. 60 al. 6 de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05). Il n’était pas exclu que les ordinateurs personnels soient infectés par un programme malveillant qui envoyait un vote ne correspondant pas à l’intention de l’électeur, aucun moyen n’étant prévu pour corriger un tel problème. Il était également aisé pour un tiers de s’approprier le matériel de vote, cette démarche n’étant pas détectable par le système, qui ne garantissait pas non plus le secret du vote.

2) Les 12 et 24 mai 2011, M. Hill a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) de deux recours, le premier contre la votation du 15 mai 2011, le deuxième contre l’arrêté du Conseil d’Etat constatant les résultats de celle-ci, concluant dans les deux cas principalement à l’annulation du scrutin, subsidiairement à ce qu’il soit constaté qu’il n’y avait pas lieu de permettre à tous les électeurs de voter par voie électronique et à ce qu’il soit ordonné à l’Etat de suspendre l’exercice du vote électronique pour tout futur scrutin tant que les prescriptions de l’art. 60 al. 6 LEDP n’étaient pas édictées.

3) Par arrêts du 17 mai 2011 (ATA/303/2011) et du 28 juin 2011 (ATA/414/2011), la chambre administrative a déclaré les recours de M. Hill irrecevables respectivement pour motifs de tardiveté et d’absence de grief invocable, ce que le Tribunal fédéral a confirmé dans ce dernier cas par arrêt du 22 décembre 2011 (cause n° 1C_329/2011) ; la Haute Cour a également rejeté, par arrêt du 19 avril 2012 (cause n° 1F_5/2012), la demande en révision formée par M. Hill contre son arrêt.

4) Le 27 juillet 2011, le Conseil d’Etat a répondu aux courriers de M. Hill des 21 avril, 4 mai et 10 juin 2011, indiquant que le recours au vote électronique, régulièrement utilisé à Genève depuis 2003, était licite et que son niveau de sécurité était suffisant. Il n’était ainsi pas question d’en suspendre l’exercice, ni en général, ni à l’occasion d’un scrutin, ce d’autant qu’il s’agissait d’une faculté offerte aux électeurs, qui pouvaient exprimer leur vote par d’autres biais.

5) Le même jour, le Conseil d’Etat a rendu un arrêté, publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 3 août 2011, fixant au dimanche 27 novembre 2011 la date d’une votation cantonale portant sur cinq objets, soit deux modifications législatives en matière de contributions publiques, une modification législative en matière de droits d’enregistrement, une autre en matière d’aide sociale individuelle ainsi qu’une initiative populaire pour le droit à un salaire minimum.

6) Le 2 août 2011, M. Hill a recouru à la chambre administrative contre le refus du 27 juillet 2011 du Conseil d’Etat de suspendre l’exercice du vote électronique, reprenant les conclusions et l’argumentation articulées dans ses précédents recours.

7) Le 28 octobre 2011, la chancellerie d’Etat (ci-après : la chancellerie) a diffusé un communiqué de presse informant les électeurs qu’ils pouvaient, pour le scrutin du 27 novembre 2011, voter par internet entre le 31 octobre 2011 et le 26 novembre 2011 à midi. L’ensemble du canton pouvait utiliser le vote en ligne pour la seconde fois, les algorithmes de cryptage et le chiffrement des données ayant été mis à jour pour refléter l’évolution des pratiques en matière de sécurité des échanges électroniques.

8) Par acte du 1er novembre 2011, référencé sous cause n° A/3506/2011, M. Hill a recouru auprès de la chambre administrative contre la procédure de vote électronique mise en œuvre pour la votation du 27 novembre 2011, concluant préalablement à ce que la cause soit conciliée, à la production de divers documents, à l’audition des parties ainsi que de plusieurs témoins, soit Monsieur Patrick Ascheri, chef du service des votations et élections, Monsieur Alain Hugentobler, expert en sécurité informatique et Monsieur Stéphane Koch, expert en sécurité de l’internet. Sur le fond, il a conclu principalement à l’annulation de ce scrutin et subsidiairement à ce qu’il soit reconnu qu’il n’y avait pas lieu de permettre à tous les électeurs de voter par voie électronique, la suspension de l’exercice du vote électronique pour tout futur scrutin devant au surplus être ordonnée tant que les prescriptions prévues par l’art. 60 al. 6 LEDP n’étaient pas édictées.

M. Hill se présentait comme un expert en informatique ayant été membre d’une commission mandatée par le Conseil d’Etat en 1998, laquelle avait conclu à l’existence de risques inhérents à la sécurité lors de la mise en œuvre du vote électronique, qui était vulnérable à une variété d’attaques pouvant se produire à grande échelle. Le système genevois ne permettait pas de s’en prémunir ni de garantir la sécurité du vote et sa confidentialité. Il s’en était ouvert auprès des autorités, mais ses démarches étaient jusqu’à présent restées vaines, étant précisé qu’elles n’avaient pas pour but d’empêcher le vote par internet. Le 31 octobre 2011, il avait imprimé la brochure pour la votation du 27 novembre 2011 et s’était rendu compte que la procédure utilisée était identique à celle mise en œuvre lors du scrutin du 15 mai 2011. Seule cette procédure était remise en cause, à l’exception de la loi cantonale en tant que telle, dès lors qu’elle était insuffisamment fiable et contrevenait à l’art. 34 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), de même qu’au droit cantonal. Ainsi, l’électeur ne recevait aucune consigne concernant la sécurité de son matériel, rien ne permettait d’exclure que les votes envoyés par internet ne correspondaient pas à l’intention de l’électeur, les moyens de prévenir, détecter ou corriger une telle situation étaient inexistants, un électeur faisant ménage commun avec un autre pouvait voter deux fois de manière indétectable pour le système, le secret du vote n’était pas garanti si l’électeur ne vidait pas la mémoire « cache » de son navigateur et, enfin, des logiciels malveillants pouvaient recueillir les informations relatives au vote. Pour ces motifs, le système genevois ne permettait pas de garantir que le résultat du scrutin reflète la volonté des électeurs.

9) Le 14 novembre 2011, le Conseil d’Etat a répondu au recours, concluant principalement à son irrecevabilité et subsidiairement à son rejet.

M. Hill avait formé quatre recours consécutifs pour contester l’utilisation du vote électronique, invoquant à chaque fois les mêmes griefs au moyen d’une motivation identique. Il se référait à des documents et publications surannés, ignorant les évolutions techniques intervenues en la matière. N’étant pas lui-même spécialiste du vote électronique, il procédait par affirmations sans pertinence, voire erronées, opposant abstraitement sa propre vision du système, lequel avait été mis en œuvre par les autorités genevoises dès 2001, sous l’égide de la Chancellerie fédérale, huit scrutins « en ligne » ayant été organisés entre 2003 et 2006 qui en avaient confirmé le parfait fonctionnement. Après que le Conseil fédéral eut conclu à la poursuite de ces projets pilote, le droit cantonal avait été amendé, la question de la sécurité ayant été au cœur des débats parlementaires. Les risques inhérents à l’utilisation du vote électronique n’étaient en aucun cas minimisés par les autorités, des mesures organisationnelles et sécuritaires ayant été mises en place, lesquelles étaient régulièrement mises à jour et complétées. Ainsi, des tests internes étaient effectués avant chaque opération électorale et le déroulement du vote électronique était surveillé tout au long du processus. Le vote du citoyen était crypté, la communication avec le serveur était sécurisée et des mesures étaient prises pour authentifier la qualité de l’électeur et le contenu du vote avant son cryptage et son stockage dans l’urne électronique. Cette procédure, éprouvée, était considérée comme fiable par tous les acteurs du processus, qui était conforme aux dispositions constitutionnelles et légales. Le vote électronique était une faculté offerte à l’électeur, qui demeurait libre de voter par correspondance ou à l’urne.

En tout état, le recours était irrecevable, faute d’acte attaquable en l’absence d’une décision individuelle prise par l’autorité. De plus, M. Hill ne mentionnait aucune irrégularité concrète en relation avec les opérations de vote en cours, ce qui revenait à effectuer un contrôle abstrait de la loi, en dehors du champ de compétence de la chambre administrative.

10) Par acte du 21 novembre 2011, M. Hill a formé un deuxième recours auprès de la chambre administrative concernant la procédure de vote électronique mise en œuvre pour la votation du 27 novembre 2011, référencé sous cause n° A/3948/2011, concluant à la jonction de cette procédure à celle pendante, dont il reprenait pour l’essentiel les conclusions. Ses écritures étaient quasiment identiques dans les deux causes, à l’exception du chiffre 86 de la partie en fait de son mémoire du 21 novembre 2011, où l’intéressé indiquait avoir reçu le 15 novembre 2011 le matériel de vote pour le 27 novembre 2011, ce qui lui avait permis de constater que la procédure de vote électronique mise en œuvre était essentiellement la même que celle utilisée le 15 mai 2011.

11) Le 24 novembre 2011, M. Hill a répliqué dans la cause n° A/3506/2011, maintenant les termes de ses précédentes écritures et persistant dans ses conclusions.

Sa démarche n’était pas abusive car aucune autorité n’avait statué sur les arguments qu’il soulevait. Même si elles dataient de plusieurs années, les pièces auxquelles il se référait demeuraient pertinentes. Le Conseil d’Etat ne démontrant pas comment il entendait se prémunir contre les logiciels malveillants, il ne pouvait affirmer que le système était sûr. Il ne remettait pas en cause le vote électronique en tant que tel, mais le système mis en place pour la votation du 27 novembre 2011. L’arrêté du 27 juillet 2011 ne contenait aucune indication s’agissant du vote électronique, pas davantage qu’il ne faisait référence à ses modalités, qui n’avaient été communiquées qu’avec la diffusion du communiqué du 28 octobre 2011 et de la brochure qu’il avait imprimée le 31 octobre 2011. Son recours, qui n’était pas tardif, n’était pas abstrait au vu des irrégularités relevées en matière de sécurité.

12) Le 25 novembre 2011, le juge délégué a ordonné la jonction des deux procédures de recours sous la cause n° A/3506/2011.

13) La votation cantonale s’est tenue le 27 novembre 2011 et le procès-verbal récapitulant les opérations électorales a été établi le lendemain. Ce dernier précisait qu’aucun incident concernant le déroulement de la votation et l’établissement des résultats, y compris s’agissant du canal du vote électronique, n’avait été constaté ou porté à la connaissance des autorités compétentes.

14) Selon le tableau « Répartition des résultats par canal de vote » pour la votation cantonale du 27 novembre 2011 établi par la chancellerie, les votes étaient les suivants :

- pour la question n° 1 : à l’urne, 3'691 de oui, 589 de non et 224 en blanc ; par E-Voting, 13'270 de oui, 2'071 de non et 365 en blanc ; par correspondance, 48'754 de oui, 11'224 de non et 2'717 en blanc ;

- pour la question n° 2 : à l’urne, 1'746 de oui, 2'604 de non et 154 en blanc ; par E-Voting, 8'361 de oui, 7'052 de non et 293 en blanc ; par correspondance, 34'367 de oui, 26'356 de non et 1'972 en blanc ;

- pour la question n° 3 : à l’urne, 3'496 de oui, 431 de non et 577 en blanc ; par E-Voting, 13’716 de oui, 906 de non et 1’084 en blanc ; par correspondance, 51'510 de oui, 5'988 de non et 5'197 en blanc ;

- pour la question n° 4 : à l’urne, 1'809 de oui, 2'493 de non et 202 en blanc ; par E-Voting, 8'220 de oui, 7'023 de non et 463 en blanc ; par correspondance, 33'806 de oui, 26'587 de non et 2'302 en blanc ;

- pour la question n° 5 : à l’urne, 2'326 de oui, 2'045 de non et 133 en blanc ; par E-Voting, 6'971 de oui, 8'479 de non et 256 en blanc ; par correspondance, 27'824 de oui, 33'458 de non et 1'413 en blanc.

15) Le 12 décembre 2011, le Conseil d’Etat a complété sa détermination suite au deuxième recours de M. Hill et à sa réplique dans le cadre du premier, persistant dans ses précédentes conclusions.

Comme le premier, le deuxième recours n’était pas recevable car, bien que formellement dirigé contre le matériel de vote, il ne mentionnait aucun défaut concret présenté par celui-ci. Pour le surplus, l’argumentation était identique à celle du recours du 1er novembre 2011 et, par voie de conséquence, aux quatre précédents recours, de sorte que le procédé était abusif.

16) Le 19 décembre 2011, M. Hill a retiré ses conclusions en annulation du scrutin du 27 novembre 2011 et a maintenu ses recours pour le surplus.

17) Le 13 janvier 2012, le Conseil d’Etat a demandé à la chambre administrative de retirer tout effet suspensif aux recours de M. Hill, dès lors qu’il avait retiré ses conclusions en annulation de la votation litigieuse, ses conclusions subsidiaires ne faisant pas obstacle à la mise en application de nouveaux textes légaux.

18) Le 18 janvier 2012, M. Hill a fait savoir à la chambre administrative qu’il n’était pas opposé à la requête susmentionnée.

19) Le lendemain, le vice-président de la chambre administrative a retiré l’effet suspensif aux recours de M. Hill.

20) Par arrêt du 21 août 2012 (ATA/533/2012), la chambre administrative a déclaré les recours de M. Hill des 1er et 21 novembre 2011 irrecevables, faute de grief concret permettant de retenir que l’un ou l’autre aspect du système de vote électronique n’était pas conforme au droit ou que le résultat d’une votation était entaché d’une irrégularité précise ayant concrètement influencé celui-ci.

21) Par arrêt du 27 mars 2013 (cause n° 1C_477/2012), le Tribunal fédéral a admis le recours de M. Hill, annulé l’arrêt attaqué et renvoyé la cause à l’autorité cantonale pour nouvelle décision.

La chambre administrative ne s’était référée à aucune norme de procédure pour prononcer l’irrecevabilité des recours de M. Hill et n’avait pas considéré que l’un des éléments régissant le contenu de l’acte de recours selon le droit de procédure cantonal faisait défaut, pas davantage qu’elle ne lui avait imparti un délai pour compléter la motivation de son acte. En retenant que les griefs n’étaient pas formulés de manière concrète, l’autorité intimée avait procédé à une qualification des griefs, ce qui relevait du fond et non de la forme. Si elle entendait traiter le fond du litige, l’autorité cantonale ne pouvait se limiter à déclarer le recours de M. Hill irrecevable, mais devait entrer en matière sur celui-ci et discuter les griefs pour, le cas échéant, rejeter le recours si l’argumentation de M. Hill ne démontrait pas la violation des normes cantonales en matière de droits politiques.

22) a. En parallèle, M. Hill a formé une demande de récusation le 9 avril 2013 à l’encontre des juges de la chambre administrative ayant statué sur ses recours des 1er et 21 novembre 2011, dès lors que ces magistrats, sous couvert de la recevabilité, s’étaient en réalité prononcé sur le fond du litige et avaient préjugé.

b. Cette demande a été rejetée par la Délégation des juges de la Cour de justice en matière de récusation par arrêt du 17 mai 2013 (ATA/315/2013), confirmé par le Tribunal fédéral dans un arrêt rendu le 29 août 2013 (cause n° 1C_563/2013), M. Hill ayant essentiellement soulevé des griefs qui avaient trait à des erreurs de procédure et d’appréciation, ce qui ne suffisait pas à fonder objectivement un soupçon de prévention.

23) Dans ses déterminations du 8 mai 2013 suite à l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, M. Hill a persisté dans les conclusions prises dans ses recours des 1er et 21 novembre 2011, y compris dans ses réquisitions de preuves, précisant encore conclure à la constatation de la tardiveté de l’arrêt entrepris, ce dont il devait être tenu compte dans le cadre de la répartition des frais de la procédure.

Il y développait en substance la même argumentation que dans ses précédentes écritures, insistant sur le fait que le système mis en place à Genève ne permettait pas de vérifier que le choix des électeurs était correctement transmis au serveur de l’Etat, qu’une attaque par un logiciel malveillant demeurait possible, que les risques de fraudes massives étaient sous-estimés ou encore que d’éventuelles attaques étaient indétectables. Ces risques ressortaient tant d’une étude publiée le 10 avril 2012 par la Chancellerie fédérale évoquant le cas genevois que de travaux scientifiques développés durant la même période au niveau international, qui ne se prononçaient toutefois pas spécifiquement sur le cas genevois. Certaines collectivités publiques tendaient d’ailleurs à abandonner ce mode d’expression de la volonté populaire, tandis que d’autres l’accompagnaient de mesures additionnelles en vue de contrer ces risques, ce qui était loin d’être le cas à Genève. Ces éléments étaient d’autant plus importants qu’ils n’étaient pas connus lors de ses précédentes écritures et qu’il existait une forte croissance de la criminalité informatique.

Son droit d’être entendu avait été violé, dès lors que la chambre administrative n’avait pas procédé à l’administration des preuves qu’il avait sollicitée, alors mêmes qu’elles étaient déterminantes pour l’issue du litige. Par ailleurs, il avait fait preuve de zèle en respectant scrupuleusement les délais impartis, sans jamais en demander la prolongation, ce qui n’avait pas été le cas de la chambre administrative, qui avait tardé à rendre l’arrêt entrepris. Dans ce contexte, le principe de la célérité avait été violé, d’autres justiciables ayant vu leur recours être tranché plus rapidement que les siens. Cette situation lui avait porté préjudice, dans la mesure où il avait dû supporter les frais de la procédure en lien avec l’effet suspensif de ses recours, ce qui n’aurait pas été le cas si la juridiction administrative avait statué six semaines après le dépôt de son recours. Les frais de la procédure devaient ainsi être réduits.

24) Dans ses observations du 28 juin 2013, le Conseil d’Etat s’en est rapporté à l’appréciation de la chambre administrative concernant la recevabilité des recours et a conclu, sur le fond, à leur rejet avec suite de frais.

M. Hill se limitait à débattre de la problématique du vote électronique, évoquant des expériences faites dans divers pays, des avis scientifiques qui s’étaient exprimés sur le sujet, ainsi que des rapports obsolètes. Il expliquait le fonctionnement des techniques informatiques, critiquait le système mis en place à Genève, émettait de multiples hypothèses de fraude et décrivait les possibles incidences que le vote par internet pouvait théoriquement avoir sur le résultat du scrutin, dont il ne demandait pas l’annulation. Il n’articulait pas le moindre grief concret concernant le scrutin en cause, son seul reproche portant sur l’utilisation du vote électronique. Aucun élément du dossier ne permettait d’affirmer qu’une irrégularité avait entaché la votation du 27 novembre 2011, de sorte que ses droits politiques n’étaient pas violés. Il perdait également de vue que la modification constitutionnelle introduisant le vote électronique avait été acceptée par 70,2 % des électeurs le 8 février 2009 et avait bénéficié de la garantie fédérale. La modification subséquente de la LEDP était entrée en vigueur sans avoir fait l’objet d’un contrôle abstrait et était précisé par son règlement d’exécution. De plus, aux plans normatif et organisationnel, le vote électronique bénéficiait d’un cadre strict, dès lors que plusieurs dispositions pénales sanctionnaient la fraude électorale et qu’un guide à l’attention des responsables des locaux de vote permettait le bon déroulement du scrutin. En application de l’art. 60 al. 6 LEDP, un audit triennal avait été effectué par les autorités, le Conseil d’Etat ayant rendu un rapport le concernant, qui était très positif, et avait démontré la robustesse du système genevois et l’impossibilité d’entrer dans le site central, malgré plusieurs tests d’intrusion. Il confirmait de la sorte la qualité du système genevois et le sérieux des équipes l’exploitant et le développant. Il permettait d’affirmer que les risques étaient maîtrisés, mettant à mal les théories abstraites et sans fondements de M. Hill, qui se servait des autorités judiciaires pour susciter une nouveau débat politique autour du vote électronique et remettre en cause un scrutin populaire plusieurs années après sa tenue.

Il ne se justifiait pas non plus de faire droit aux réquisitions de preuves de M. Hill, la cause étant en état d’être jugée sans mesure d’instruction particulière, étant précisé que la chambre administrative n’avait d’aucune façon contrevenu au principe de la célérité.

25) M. Hill a répliqué par acte du 2 août 2013, persistant dans ses conclusions et dans les termes de ses précédentes écritures, les précisant dans le sens où il requérait qu’il soit ordonné au Conseil d’Etat de produire l’audit non publié établi en 2010 « du côté utilisateur du système de vote électronique genevois » et de lui accorder un délai pour se déterminer.

Puisque les autorités fédérales n’autorisaient pas les électeurs genevois à utiliser le vote électronique dans le cadre d’une votation fédérale, il devait en aller de même lors d’une votation cantonale, dans la mesure où les exigences en matière d’intégrité, de sécurité et de respect du secret de vote étaient identiques. Lors de la « Nuit du Hack » qui s’était déroulée à Paris en juin 2013, un informaticien avait publiquement introduit un virus dans l’ordinateur personnel d’un électeur aux fins de capter son vote, utilisant le système genevois en guise d’exemple, ce qui démontrait le bien fondé de ses allégués, lesquels étaient bien concrets et pas seulement théoriques. Le système genevois était loin d’être sûr, les audits réalisés, partiels, excluant la composante la plus vulnérable, soit l’ordinateur personnel de l’utilisateur. D’ailleurs, tant l’ancienne que la nouvelle constitution genevoise ne traitaient pas des modalités, ne cautionnant ainsi pas la procédure choisie par les autorités, qui n’était pas conforme à l’art. 60 al. 4 et 6 LEDP.

26) Le 8 août 2013, le juge délégué a informé M. Hill de ce que la cause était gardée à juger, la chambre administrative devant statuer dans l’arrêt à venir sur les demandes d’actes d’instruction.

27) Il ressort du dossier que M. Hill a adressé divers courriers à la chambre administrative pour solliciter des prolongations du délai en vue de produire ses déterminations, soit les 4 novembre et 5 décembre 2011 ainsi que le 1er juillet 2013, lesquelles lui ont été accordées.

 

EN DROIT

1) a. Selon l’art. 132 al. 1 et 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre administrative, autorité supérieure ordinaire en matière administrative, connaît des recours contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let a et e et 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Elle peut également être saisie lorsque la loi le prévoit expressément (art. 132 al. 6 LOJ).

b. Le 1er juin 2013, la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) est entrée en vigueur, dont l’art. 124 let. b institue une cour constitutionnelle ayant notamment pour tâche de traiter les litiges relatifs à l’exercice des droits politiques en matière cantonale et communale. La création d’une nouvelle juridiction nécessite toutefois des adaptations législatives, qui devront se faire dans le délai de cinq ans institué par l’art. 226 al. 1 Cst-GE. Dans cette attente, vu notamment la garantie de l’accès au juge résultant de l’art. 29a Cst., l’ancien droit reste applicable et le contentieux en matière d’élections et de votations reste de la compétence de la chambre administrative en étant régi par les dispositions de la LEDP (ATA/421/2013 du 17 juillet 2013).

c. Aux termes de l’art. 180 LEDP, le recours à la chambre administrative est ouvert contre les violations de la procédure des opérations électorales, indépendamment de l’existence d’une décision. Constitue une opération électorale tout acte destiné aux électeurs et de nature à influencer la libre formation de l’expression du droit de vote (ATA/65/2013 du 6 février 2013 ; ATA/213/2011 du 31 mars 2011 ; ATA/181/2011 du 17 mars 2011). Selon une jurisprudence constante, l’envoi à tous les électeurs du matériel de vote fait partie de cette procédure (ATA/180/2011 du 17 mars 2011).

d. En matière de votations et d’élections, le délai de recours est de six jours (art. 62 al. 1 let. c LPA). Ce délai court à partir du moment où l’intéressé a eu connaissance de l’acte qu’il considère comme une atteinte à ses droits politiques (ATA/715/2012 du 30 octobre 2012).

e. En l’espèce, la chambre administrative est matériellement compétente pour connaître des recours interjetés par M. Hill contre la procédure de vote électronique mise en œuvre pour la votation du 27 novembre 2011.

f. Par ailleurs, M. Hill étant domicilié dans le canton de Genève, où il exerce ses droits politiques, il a la qualité pour recourir (art. 60 LPA).

2) Le recourant ayant renoncé à sa conclusion principale en annulation de la votation du 27 novembre 2011, le recours est devenu sans objet sur ce point.

3) Le recourant sollicite la production de plusieurs pièces de la part du Conseil d’Etat, une audience de comparution personnelle des parties et l’audition de divers témoins.

a. Tel que garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), qui n’a pas de portée différente dans ce contexte, le droit d’être entendu comprend, notamment, le droit pour l’intéressé de prendre connaissance du dossier, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.2s p. 157 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 p. 197 ; 136 I 265 consid. 3.2 p. 272 ; 135 II 286 consid. 5.1 p. 293 ; Arrêt du Tribunal fédéral 6B_123/2013 du 10 juin 2013 consid. 1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 p. 236 ; 134 I 140 consid. 5.3 p. 148 ; Arrêts du Tribunal fédéral 8C_799/2011 du 20 juin 2012 consid. 6.1, 4A_108/2012 du 11 juin 2012 consid. 3.2, 2D_2/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; ATA/249/2013 du 10 décembre 2013 ; ATA/404/2012 du 26 juin 2012). Le droit d’être entendu n’implique pas non plus une audition personnelle des parties, qui doivent seulement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (ATF 134 I 140 consid. 5.3 p. 148 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3 ; ATA/302/2012 du 15 mai 2012). Il ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l’issue du litige (ATF 138 I 232 consid. 5.1 p. 237 ; 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 ; Arrêt du Tribunal fédéral 6B_382/2013 du 30 juillet 2013 consid. 2.2).

b. En l’espèce, le recourant s’est exprimé à de nombreuses reprises par écrit pour faire valoir son point de vue, produisant plusieurs chargés de pièces pour attester le bien-fondé de ses allégués. Le Conseil d’Etat a répondu de manière détaillée aux griefs soulevés par le recourant, lequel a eu l’occasion de répliquer et d’exposer à nouveau son point de vue. Une comparution personnelle des parties ne saurait ainsi apporter des éléments supplémentaires permettant à la chambre de céans de juger le litige, pas davantage qu’une conciliation n’apparaît envisageable, au vu des positions tranchées des parties et de l’objet de la présente cause.

Il ne se justifie pas non plus d’ordonner la production de pièces supplémentaires, dès lors qu’elles portent sur des faits non contestés par les parties, comme la participation du recourant à une commission d’experts en 1998, et dont la pertinence souffre de l’écoulement du temps, à l’instar des résultats des travaux de cette commission. Quant à la production du document demandé par le recourant à l’appui de ses écritures du 2 août 2013, soit un audit datant de 2010, il n’apparaît pas être déterminant pour l’issue du litige, soit le point de savoir si la procédure de vote électronique suivie en 2011 a eu un quelconque effet sur le résultat du scrutin du 27 novembre 2011.

Il en va de même de l’audition des témoins sollicitée par le recourant, qu’il désigne comme étant des experts, lesquels ne sauraient être entendus en cette qualité, à défaut d’expertise. Pour le surplus, ces personnes ne sont pas en mesure de renseigner la chambre de céans sur l’issue du litige. Quant à l’audition de M. Ascheri, chef du service des votations et élections, elle n’apparaît pas non plus utile, dès lors que la position de ce dernier est exprimée par le Conseil d’Etat dans ses différentes écritures.

Au vu de ce qui précède, il n’y a pas lieu de procéder à l’administration des preuves requises par le recourant.

4) Le recourant conclut à ce qu’il soit constaté qu’il n’y a pas lieu de permettre à tous les électeurs de voter par voie électronique et sollicite la suspension de l’exercice du vote électronique pour tout futur scrutin, tant que les prescriptions prévues par l’art. 60 al. 6 LEDP n’auront pas été édictées.

a. Le recours en matière de votations et d’élections est lié à l’exercice des droits démocratiques tels qu’ils sont garantis par l’art. 34 Cst. Selon cette disposition, qui s’applique aux droits de vote, d’élire et de signer des initiatives ou des demandes de référendums, les droits politiques sont garantis sur le plan fédéral, cantonal et communal (al. 1). Cette garantie protège la libre formation de l’opinion des citoyens, ainsi que l’expression fidèle et sûre de leur volonté (al. 2). Elle oblige les collectivités publiques à organiser et préparer de manière régulière les votations et élections, de telle manière que la volonté des électeurs puisse s’exprimer librement, notamment sans pression ni influence extérieures (ATF 135 I 292 consid. 2 p. 293s ; 131 I 126 consid. 5.1 p. 132 ; 129 I 185 consid. 5 p. 192 ; A. AUER / G. MALINVERNI / M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, 3e édition, 2013, n. 848 p. 275 ; S. GRODECKI, L’initiative populaire cantonale et municipale à Genève, 2008, n. 41 p. 13).

b. Selon l’art. 48 de l’ancienne Constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 (aCst.-GE – A 2 00) en vigueur jusqu’au 31 mai 2013, l’électeur peut voter dans un local de vote, par correspondance ou, dans la mesure prévue par la loi, par la voie électronique (al. 2). Les opérations électorales sont contrôlées par une commission électorale centrale nommée par le Conseil d’Etat (al. 4), la Chancellerie étant chargée de consolider les résultats des votations (al. 5). Le résultat des opérations électorales est constaté par le Conseil d’Etat qui, dans la mesure de sa compétence, en prononce la validité (al. 6).

c. L’art. 60 LEDP régit le vote électronique, en prévoyant que lors des votations, l’électeur peut voter à distance par la voie électronique (al. 1). Le matériel de vote envoyé à l’électeur contient les éléments nécessaires pour exercer le vote électronique (al. 2). Pour ce faire, l’électeur s’authentifie en ligne au moyen des éléments fournis, remplit le bulletin électronique et le valide en acquiesçant à l’acheminement des données vers l’urne électronique (al. 3). Il ne peut voter par la voie électronique que si le matériel informatique qu’il utilise présente un niveau de sécurité suffisant (al. 4). Pour être enregistré, le vote électronique doit être validé au plus tard le samedi précédant la clôture du scrutin à 12h00 (al. 5). Le Conseil d’Etat édicte les prescriptions relatives à la mise en œuvre du vote électronique, notamment pour les aspects techniques, de contrôle et de sécurité ; il est autorisé à renoncer ou à suspendre l’exercice du vote électronique s’il considère que les conditions de sécurité ne sont pas garanties ; il fait fréquemment tester la sécurité du système de vote électronique ; il le fait en outre auditer au moins une fois tous les trois ans ; les résultat de l’audit sont rendus publics (al. 6). Les applications informatiques liées au vote électronique doivent être clairement séparées des autres applications (al. 7). Le code source des applications permettant de faire fonctionner le vote électronique, de même que les documents liés à la sécurisation du système, à l’exception des résultats de l’audit prévu au précédent alinéa ne peuvent être communiqués à des tiers en application de la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (al. 8). Les membres de la commission centrale électorale y ont toutefois accès en tout temps (al. 9). Le code source peut en outre être éprouvé, sans toutefois être reproduit, par tout électeur qui justifie d’un intérêt scientifique et purement idéal et qui s’engage à en respecter la confidentialité ; le Conseil d’Etat fixe les conditions et les modalités de ce test (al. 10).

Cette disposition est précisée par les art. 14A à 14D du règlement d’application de la loi sur l’exercice des droits politiques du 12 décembre 1994 (REDP - A 5 05.01), qui décrivent les phases du scrutin électronique, de son initialisation au dépouillement, et mentionnent un certain nombre de mesures de sécurité.

d. En l’espèce, le recourant ne conteste plus ni la tenue de la votation du 27 novembre 2011, ni son résultat, ayant déclaré retirer ses conclusions tendant à l’annulation de ce scrutin, ce dont la chambre de céans a pris acte. Il n’allègue pas non plus qu’une irrégularité aurait entaché celui-ci, mais se contente de reprendre les critiques émises à l’encontre du vote électronique mis en place à Genève, lesquelles figurent déjà dans ses courriers à l’attention du Conseil d’Etat et dans ses précédents recours auprès de la chambre administrative.

Bien qu’il s’en défende, le recourant se limite, dans ce cadre, à émettre des critiques personnelles à l’encontre du système de vote électronique, opposant son avis à celui des autorités et multipliant les démonstrations hypothétiques, notamment de la manière dont un virus malveillant serait en mesure d’influer sur le résultat d’un vote, les étoffant d’une foule de références à des avis en tous genres à caractère général et à des études pour la plupart surannées. Il perd ainsi de vue que de telles critiques et hypothèses, formulées de manière abstraite, peuvent être soulevées, en dehors de tout cas d’application, à l’égard de chaque mode d’expression de la volonté populaire, qu’il s’agisse du vote à l’urne, par correspondance ou par voie électronique.

En revanche, le recourant se révèle dans l’incapacité de mettre en évidence le moindre incident précis qui serait survenu dans le processus ayant mené au scrutin du 27 novembre 2011, tant dans sa phase antérieure, concomitante ou postérieure. En particulier, il ne formule aucun grief concret et tangible contre le communiqué de presse du 28 octobre 2011, la brochure électorale dont il a pris connaissance le 31 octobre 2011, le matériel de vote qu’il a reçu le 15 novembre 2011 ou encore contre tout autre aspect des opérations électorales. Il ne soutient pas non plus que les « failles » alléguées auraient été utilisées, ni que le système aurait été piraté à l’occasion du scrutin litigieux. Aucun indice ne permet d’ailleurs d’affirmer que tel aurait été le cas, le recourant ne le soutenant pas non plus. En effet, il ressort du procès-verbal récapitulant les opérations électorales établi par la chancellerie le lendemain de la votation que celle-ci s’est déroulée avec succès et qu’aucune irrégularité, y compris s’agissant de l’utilisation du vote électronique, n’a été constatée, ni portée à la connaissance des autorités compétentes. Le tableau ayant trait à la répartition des résultats par canal de vote conforte ce constat, en ne mettant en évidence aucune disparité notable des votes en fonction du mode de scrutin utilisé (à l’urne, par correspondance et par internet).

Contrairement à ce que semble croire le recourant, les autorités ont mis en œuvre l’art. 60 al. 6 LEDP, en adoptant les art. 14A à 14D REDP, qui décrivent les phases du scrutin électronique et mentionnent un certain nombre de mesures de sécurité. Par ailleurs, des audits du système ont été effectués, le dernier s’étant révélé positif, comme l’a indiqué le Conseil d’Etat. Le système de vote électronique mis en place continue à être développé par les autorités qui, avec le concours de spécialistes, tentent de parer à toutes les failles informatiques pouvant survenir. Dans ce cadre, le recourant ne peut rien déduire du piratage intervenu en juin 2013 lors de la « Nuit du Hack » à Paris, dès lors que cet événement ne permet pas à lui seul d’affirmer qu’un tel piratage aurait déjà eu lieu lors du scrutin du 27 novembre 2011, intervenu près de deux ans plus tôt, au vu des avancées rapides de la technologie en matière informatique.

Le recourant en reste par conséquent à des allégués généraux concernant la fiabilité du système de vote utilisé à Genève, dont il tente, en réalité, de remettre en cause le principe. Il perd toutefois de vue que, dans le cadre du recours pour violation des droits politiques, il n’appartient pas à la chambre de céans d’effectuer un contrôle abstrait de la LEDP ou de ses dispositions d’application mais d’examiner si, lors du scrutin en cause, la législation cantonale a été correctement appliquée. Comme l’a, à juste titre, mentionné le Conseil d’Etat dans ses déterminations, l’art. 48 aCst.-GE, dans sa teneur au moment des faits, a été accepté par le corps électoral cantonal et a obtenu la garantie de l’Assemblée fédérale, qui en a examiné sa conformité à la Constitution (art. 51 al. 2 Cst.). La modification subséquente de l’art. 60 LEDP, qui a d’ailleurs fait l’objet de nombreux débats tournant autour de l’aspect sécuritaire de ce type de scrutin, concrétisant l’utilisation du vote électronique n’a, quant à elle, fait l’objet d’aucun contrôle abstrait au Tribunal fédéral après sa promulgation. Ainsi, si le recourant entendait contester le principe même de l’utilisation du vote électronique à Genève, il lui appartenait de saisir l’instance judiciaire compétente, ce qu’il n’a pas fait, alors même que depuis 1998 il se montre opposé à l’utilisation du vote électronique.

Le recourant ne saurait pas non plus tirer argument du fait que le recours au vote électronique n’est pas prévu par le droit fédéral, ce qui le rendrait illégal au plan cantonal. Il perd ainsi de vue que l’institution du vote électronique dispose d’un cadre légal à Genève, étant précisé que le recours à ce type de scrutin ne peut avoir lieu pour les votations fédérales, dans la mesure où le droit fédéral ne permet que les modes traditionnels d’expression de la volonté populaire.

Dès lors, en l’absence de grief concret permettant de retenir que l’un ou l’autre aspect du système ne serait pas conforme au droit ou que le résultat d’une votation serait entaché d’une irrégularité précise ayant concrètement influencé celui-ci, il n’existe aucune violation de la liberté de vote des citoyens.

Les recours seront par conséquent rejetés sur ce point.

5) Le recourant se plaint d’une violation du principe de la célérité, la chambre administrative ayant tardé à rendre son arrêt du 21 août 2012, ce qui lui aurait fait subir un préjudice financier.

a. L’art. 29 al. 1 Cst. garantit à toute personne, dans le cadre d’une procédure administrative ou judiciaire, le droit à ce que sa cause soit jugée dans un délai raisonnable. Selon la jurisprudence, celui qui présente une requête à l’autorité est fondé à exiger que celle-ci se prononce sans retard injustifié, c’est-à-dire dans un délai convenable eu égard à la nature de l’affaire et à l’ensemble des circonstances (ATF 131 V 407 consid. 1.1 p. 409 ; Arrêt du Tribunal fédéral 6B_675/2013 du 9 janvier 2014 consid. 8.1). Cette garantie est violée lorsque l’autorité ne rend pas sa décision dans le délai prescrit par la loi ou dans un délai que la nature de l’affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 130 I 312 consid. 5.1 p. 331). Le caractère raisonnable du délai s’apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard notamment à la complexité de l’affaire, à l’enjeu du litige pour l’intéressé, à son comportement ainsi qu’à celui des autorités compétentes (ATF 135 I 265 consid. 4.4 p. 277 ; 130 I 312 consid. 5.1 p. 331). L’on ne saurait reprocher à l’autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure. Lorsqu’aucun d’eux n’est d’une durée vraiment choquante, c’est l’appréciation d’ensemble qui prévaut. Des périodes d’activité intense peuvent donc compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d’autres affaires (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3 p. 56s ; 130 I 312 consid. 5.2 p. 332 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_640/2012 du 10 mai 2013 consid. 4.1).

b. En l’espèce, il ressort du dossier que le recourant a, à plusieurs reprises, sollicité des délais pour se prononcer sur les écritures de sa partie adverse, et a usé de son droit de répliquer en répétant à chaque fois les mêmes arguments, prolongeant d’autant la procédure jusqu’au prononcé de l’arrêt litigieux. Que d’autres causes aient été jugées avant la sienne n’apparaît pas davantage pertinent, chaque affaire étant différente. Par ailleurs, si le recourant allègue à présent avoir subi un préjudice financier suite à la décision sur retrait de l’effet suspensif, à laquelle il a amplement adhéré, il perd de vue qu’elle a été initiée suite au retrait de ses conclusions en annulation du scrutin du 27 novembre 2011, auxquelles il n’était pas tenu de renoncer. Il ne saurait à présent s’en prévaloir, en indiquant que la chambre de céans aurait dû statuer « six semaines après le dépôt de son recours », étant précisé qu’il a déposé deux recours subséquents, pour lesquels le juge délégué a ordonné la jonction.

6) Vu ce qui précède, les recours seront rejetés.

7) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.-, incluant les frais pour les décisions de jonction et sur effet suspensif, sera mis à la charge du recourant, qui succombe. Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés les 1er et 21 novembre 2011 par Monsieur Richard Walter Hill contre la procédure de vote électronique mise en œuvre pour la votation du 27 novembre 2011 ;

au fond :

les rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de Monsieur Richard Walter Hill ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur Richard Walter Hill ainsi qu’au Conseil d'Etat.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :