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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/16263/2021

AARP/210/2023 du 21.06.2023 sur JTDP/973/2022 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ERREUR SUR LES FAITS(DROIT PÉNAL);ERREUR DE DROIT(DROIT PÉNAL);LÉGITIME DÉFENSE;CONSOMMATION DE STUPÉFIANTS;DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LARM;LÉSION CORPORELLE GRAVE;LÉSION CORPORELLE SIMPLE;PEINE COMPLÉMENTAIRE;ASSISTANCE DE PROBATION;TORT MORAL
Normes : CP.123; LArm.33; LStup.19a; CP.122
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16263/2021 AARP/210/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 19 mai 2023

 

Entre

A______, domicilié c/o B______, ______, comparant par Me C______, avocat,

D______, comparant par Me E______, avocate,

appelants,

 

contre le jugement JTDP/973/2022 rendu le 10 août 2022 par le Tribunal de police,

 

et

F______, comparant par Me G______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ et D______ appellent du jugement du 10 août 2022, par lequel le Tribunal de police (ci-après : TP) a reconnu le premier coupable de lésions corporelles graves (art. 122 du code pénal [CP]), de lésions corporelles simples avec un objet dangereux (art. 123 ch. 1 et 2 CP), d'infraction à la loi fédérale sur les armes (art. 33 LArm) et de consommation de stupéfiants (art. 19a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes [LStup]) et l'a condamné à une peine privative de liberté de 18 mois, avec sursis durant trois ans, sous assistance de probation et avec une règle de conduite consistant en une prise en charge psychologique centrée sur la gestion de la colère durant le délai d'épreuve, et à une amende de CHF 100.-. A______ a également été condamné à payer à D______ CHF 20'000.- et à F______ CHF 1'000.-, portant intérêts à 5% l’an dès le 10 juillet 2021, à titre de réparation de leur tort moral, les parties plaignantes ayant été déboutées de leurs conclusions civiles pour le surplus, et les frais de la procédure en CHF 9'485.95 ont été mis à sa charge. Les mesures de substitution, prolongées en dernier lieu le 1er mars 2022, ont été levées et des mesures de séquestre, de confiscation et de destruction ordonnées.

b.a. A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant, principalement, à son acquittement des chefs de lésions corporelles graves, de lésions corporelles simples avec un objet dangereux et d'infraction à la LArm, subsidiairement, à la réduction de la peine, à ce qu'il soit renoncé au prononcé d'une règle de conduite et d'une assistance de probation pendant la durée du délai d'épreuve et au déboutement des parties plaignantes de leurs conclusions civiles, plus subsidiairement, à une réduction de la peine, à ce qu'il soit renoncé au prononcé d'une règle de conduite et d'une assistance de probation pendant la durée du délai d'épreuve et à la réduction des prétentions civiles des parties plaignantes, les frais de première instance et d'appel devant, en tout état, être laissés à la charge de l'État.

b.b. D______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à l'octroi d'une indemnité de CHF 51'870.-, avec intérêts à 5% l'an dès le 10 juillet 2021, à titre de réparation du tort moral, avec suite de frais.

c.a. Selon l'acte d'accusation du Ministère public (ci-après : MP) du 21 février 2022, il est reproché ce qui suit à A______ :

Le 10 juillet 2021, à l'aube, sur [la place] H______, alors que D______ se trouvait seul sur un banc, et que F______ s'était levé pour aller chercher des cigarettes, A______ s'est approché de celui-là, a sorti un pistolet soft air à plombs, et a fait feu à plusieurs reprises en sa direction. Un des projectiles de plomb a été tiré à la tête de la victime et l'a gravement blessée à l'œil, dont elle a perdu l'usage. Le prévenu a ainsi intentionnellement mutilé le corps de D______, soit un de ses organes importants, et lui a causé une infirmité permanente

Dans ces circonstances, A______ a également pris pour cible, en le blessant à l'épaule avec le même pistolet, F______, qui était, entre-temps, revenu sur place, et s'était interposé pour venir en aide à son ami.

Entre les 21 mai et 19 août 2021, date de son interpellation, il a détenu, à Genève, une arme de marque "I______" 1______ [modèle], calibre 4,5mm, soumise à déclaration.

c.b. Selon le même acte d'accusation, il lui était également reproché d'avoir, le
19 août 2021, été en possession d'un sachet contenant 1,5 gramme de résine de cannabis dans la poche de son pantalon, drogue destinée à sa consommation, faits pour lesquels il a été condamné et qui ne sont plus contestés en appel.

B. Les faits encore pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 15 juillet 2021, D______ et F______ se sont présentés spontanément au poste de police, indiquant avoir été victimes, le 10 juillet précédent, d'une agression violente et gratuite et souhaiter porter plainte. Ils ont été entendus le lendemain par les gendarmes en présence d'un interprète.

a.a. D______ a expliqué qu'il se trouvait sur [la place] H______, le jour en question vers 05h00 ou 06h00, assis sur un banc lorsqu'un homme, qu'il ne connaissait pas et qui faisait partie d'un groupe de six ou sept personnes, s'était placé face à lui, à un mètre de distance, et avait sorti de son pantalon une arme, qu'il avait pointée vers lui. Songeant à une blague, il n'avait pas eu le réflexe de se protéger. L'individu lui avait tiré un projectile dans la tête, avant de répéter son geste et de l'atteindre notamment à l'épaule droite. F______, entre-temps revenu sur place après s'être éloigné pour acheter des cigarettes, s'était précipité pour lui porter secours. Ce faisant, ce dernier avait également été pris pour cible et blessé à l'épaule. Pour sa part, il s'était retrouvé au sol, presqu'évanoui, ne voyant plus rien mais entendant des cris autour de lui. F______ avait photographié leur agresseur, l'avait aidé à se relever puis à marcher en direction de la gare, où ils avaient été pris en charge par une ambulance. Il avait été hospitalisé jusqu'au 14 juillet suivant et opéré, une balle ayant été extraite de son crâne.

Originaire d'Algérie, il vivait en Suisse depuis un mois et demi environ le jour de son agression et envisageait de quitter ce pays pour la France. Il n'avait pas de domicile fixe.

À l'appui de sa plainte, il a déposé un certificat médical attestant des opérations chirurgicales subies, les 10 et 11 juillet 2021, sur son œil gauche, dont il avait perdu l'usage.

a.b. F______, également originaire d'Algérie et arrivé en Suisse à mi-juin 2021, a déclaré qu'à son retour, il avait trouvé D______, assis, la tête penchée en avant, saignant du visage, entouré de plusieurs personnes. Il s'était dirigé vers celle désignée par son ami pour lui demander ce qu'elle avait fait. L'agresseur avait alors sorti de son pantalon une arme, ressemblant à un pistolet, et tiré une nouvelle fois sur D______, puis sur lui à plusieurs reprises. Deux projectiles l'avaient atteint à l'épaule, ce qui lui avait fait mal ; du sang avait coulé. C'était la première fois qu'il voyait leur agresseur, qui était vraisemblablement sous l'emprise de drogues, parlait et criait fort.

Il a produit un constat médical et un dossier photographique de ses blessures dont il ressort que, le 12 juillet 2021, il présentait une lésion érythémateuse en cours de cicatrisation punctiforme superficielle sur la face antérieure de l'épaule gauche d'environ 0.5 cm de diamètre et une autre sur le deltoïde d'environ 1 cm. Lors de la consultation, il avait expliqué avoir été agressé le 8 juillet précédant, vers 17h00, dans une rue proche des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), par un inconnu qui lui avait tiré à deux reprises sur l'épaule gauche à une distance de 5 à
6 mètres, alors qu'il se trouvait avec un ami, auquel il était venu en aide, après que celui-ci avait eu un "échange conflictuel" avec leur agresseur et reçu une balle dans l'œil. Depuis cette agression, il ressentait une gêne intermittente de la face antérieure de l'épaule gauche.

Il a également transmis des photographies de l'agresseur, qui paraissait plutôt calme et qui portait un t-shirt, ainsi qu'un hoodie zippé en bon état.

b. Le 19 août 2021, les forces de l'ordre ont procédé au contrôle de A______, lequel correspondait au signalement du communiqué de recherche diffusé à la suite des plaintes susmentionnées.

Des photographies de son bras gauche, marqué d'une cicatrice importante longue de plusieurs centimètres, ont été effectuées par les gendarmes.

Lorsque A______ a compris qu'il allait être fouillé, il a immédiatement informé la police de ce qu'il était porteur d'une arme factice. Celle-ci (arme à plombs grise non chargée, comportant un chargeur inséré) a été saisie, ainsi qu'un sachet de 1.5 gr de cannabis, de même qu'à son domicile, une partie des vêtements qu'il portait le jour des faits, dont un hoodie présentant des déchirures, des traces de sang et plusieurs coupures provenant d'objets tranchants. Les prélèvements effectués sur ce vêtement ont mis en évidence un profil ADN de mélange dont la fraction majeure correspondait à celui du prévenu et dont la fraction mineure n'était pas interprétable.

c.a. Selon son dossier médical des HUG, D______, né le ______ 1997, s'était présenté aux urgences le 10 juillet 2021 pour un traumatisme oculaire, après avoir constaté un saignement directement après l'impact et une perte totale de l'acuité visuelle à gauche. Le bilan d'imagerie avait montré une proptose gauche avec un pneumo-orbite gauche, une hémorragie dans le bulbe oculaire et un corps étranger de 5.4 mm de diamètre dans la graisse rétro-orbitraire gauche, de sorte que le patient avait été emmené au bloc opératoire d'ophtalmologie en urgence durant 540 minutes pour une suture de la plaie sclérale et une exploration orbitaire, au cours de laquelle le corps étranger n'avait pas été retrouvé. Le lendemain, une équipe de neurochirurgien avait réussi à extraire, par voie transconjonctivale, le projectile, qui s'était entre-temps déplacé. Les suites opératoires avaient été marquées par une inflammation oculaire importante et une exotropie consécutive. D______ avait pu quitter l'hôpital le 15 juillet suivant, avec la prescription de différents traitements. Jusqu'au 3 septembre 2021, il était revenu pour des suivis ponctuels, au cours desquels il s'était montré particulièrement affecté par les faits. Il avait notamment évoqué sa peur de mourir, ses flash-back et ses craintes d'être agressé à nouveau. Il ne sortait plus de sa chambre, ne mangeait pas (il avait perdu 20 kg) et ne dormait plus.

c.b. Devant le MP, le Dr J______, chef de clinique au service d'ophtalmologie des HUG, a expliqué que la balle, sur son trajet, avait lacéré un muscle de l'œil et en avait perforé la partie blanche, étant entrée puis ressortie à l'arrière. Durant la première opération chirurgicale, il avait fallu désinserrer le muscle endommagé. Des neurochirurgiens avaient dû intervenir pour extraire la balle, qui, malgré plusieurs heures d'exploration, n'avait pu être retirée que le lendemain. Cet œil ne pouvait définitivement plus voir, hormis une lumière très forte. Il était possible que l'œil finisse par se rétracter et se dessécher au fil des ans, nécessitant son remplacement par une prothèse. Il continuait à suivre D______ pour lui administrer des gouttes, ce qui le soulageait. Toutefois, si son œil devenait phtisique, il était possible qu'il souffre de douleurs intenses. Son œil droit allait bien mais, du fait de la lésion de celui de gauche, le patient ne pouvait plus voir en trois dimensions. Il pouvait néanmoins conduire, lire et écrire, mais ne pourra plus exécuter de tâches nécessitant une vision graphique en trois dimensions. Les six premiers mois, le patient devait être examiné mensuellement pour s'assurer que l'œil était stable, puis tous les neuf mois, voire tous les ans, en particulier pour éviter les douleurs en cas de phtisie et veiller à ce que la vision de son œil droit reste bonne.

c.c. Aux termes du constat établi le 14 décembre 2021 par le Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : CURML), D______ présentait, le 16 juillet 2021, les lésions traumatiques suivantes : deux ecchymoses au niveau de la paupière supérieure et inférieure de l'œil gauche, ainsi qu'un aspect congestif diffus de la conjonctive bulbaire de l'œil gauche, prédominant toutefois sur le côté nasal, associée à ce niveau à une irrégularité déprimée du globe oculaire, ce qui ressortait du dossier photographique joint au constat. Ces lésions n'avaient pas mis en danger la vie de D______ et étaient compatibles avec ses déclarations. Celles décrites au niveau de l'œil gauche par les cliniciens, en particulier les perforations sclérales antérieure et postérieure avec atteinte du muscle droit médial de l'œil gauche, étaient compatibles avec l'impact d'un projectile tiré à ce niveau, tel que rapporté par l'expertisé. Il était également possible d'affirmer une trajectoire d'avant en arrière de la bille, au vu des lésions oculaires et orbitaires, en l'absence de lésion cérébrale.

d. Selon le constat de lésions traumatiques de F______, né le ______ 1993, établi le 29 septembre 2021 par le CURML, accompagné de photographies, les constatations médicales du 16 juillet 2021 étaient compatibles en première hypothèse avec une personne vêtue de plusieurs couches de vêtements et atteinte à deux reprises par des projectiles d'une arme à air comprimé au niveau de l'épaule gauche. Plusieurs lésions, entrant chronologiquement en lien avec les évènements, ont été mises en évidence, soit une lésion ovalaire au niveau de la face latérale de l'épaule gauche, deux lésions arrondies au niveau des faces antérieure et antérolatérale de l'épaule gauche, ainsi que quelques lésions croûteuses millimétriques au niveau du coude gauche et de l'avant-bras gauche.

Les experts ont par ailleurs précisé qu'il ressortait du dossier médical de F______ qu'il s'était présenté sous une fausse identité lors d'une consultation du 10 juillet 2021 aux HUG. Il était revenu deux jours plus tard pour des douleurs persistantes à l'épaule.

e.a. Devant le MP et le TP, D______ a reconnu A______ comme étant l'auteur des tirs. Il ne pouvait pas spécifier si celui-ci l'avait sciemment visé ou avait voulu tirer sur l'une des personnes du groupe avec laquelle il s'était disputé. Il n'avait pas vu de blessure sur son agresseur, étant précisé que ni F______ ni lui-même ne portaient de couteau. Il n'avait jamais été détenu en Suisse et ne connaissait pas les frères K______.

À la date du 2 septembre 2021, il avait mal à l'œil gauche toutes les nuits. Le
18 octobre 2021, il avait encore des névralgies et des douleurs à la tête lorsqu'il sortait au froid. À l'audience de jugement du 10 août 2022, il a indiqué que son œil lui faisait encore mal et qu'il avait des migraines. Il faisait des cauchemars. A______ "l'habitait". Sa vie était "terminée" à cause de lui. Il devait subir une nouvelle opération chirurgicale pour la mise en place d'un implant. Faisant l'objet d'une détention et d'une mesure d'expulsion, il lui était très difficile de se soigner et il n'avait pu bénéficier d'aucun réel suivi psychologique. Ayant sollicité
CHF 2 millions de tort moral en cours d'audition, son conseil avait amplifié les conclusions civiles préalablement déposées à l'audience de jugement en
CHF 44'460.-.

e.b. Entendu par le MP, F______ a formellement reconnu le prévenu, qu'il n'avait pas vu tirer dans l'œil de son ami. Toutefois, à son retour, il avait constaté que celui-ci visait et menaçait D______, qui était à terre, à peine conscient, et pleurait. Effrayé, il s'était alors placé devant ce dernier pour le défendre et avait été blessé légèrement à l'épaule gauche. Beaucoup de personnes les entouraient. A______ avait caché l'arme dans son pantalon lorsqu'il l'avait photographié.

Il ne comprenait pas l'origine de cette dispute, était très affecté par les faits et était suivi par un psychologue. Il n'avait jamais été détenu en Suisse ou en Europe.

f. A______ a déclaré que le jour en question, avant de rentrer chez lui vers 05h00, il avait fait un détour par [la place] H______, où il avait rejoint un groupe de personnes qu'il ne connaissait pas. Il a indiqué à la police et au TP qu'il avait aperçu un homme, assis seul, avec lequel il avait été incarcéré à la prison de L______ environ deux ans auparavant, précisant au premier juge que cet individu se prénommait M______. Devant le MP, A______ est revenu sur ses déclarations en ce que son ancien codétenu était accompagné lorsqu'il l'avait vu. Il avait salué ce dernier, qui l'avait sommé, en arabe, de rentrer chez lui. À cet instant, un homme sorti de nulle part, soit D______, lui avait sauté dessus et donné un coup de poing sur le côté droit du visage, tandis que son ancien codétenu l'avait également attaqué. L'un d'eux avait commencé à l'étrangler, puis, tandis qu'il se débattait, l'un ou l'autre avait tenté de lui donner des coups sur la cuisse droite avec un objet coupant, qui n'avait pas pu transpercer son épais jeans. En audience de jugement, il a expliqué que l'individu connu en prison l'avait immobilisé, en lui mettant son bras autour du cou, tandis que D______ lui avait asséné des coups sur le jeans. Il avait alors paniqué et sorti le pistolet à plombs qu'il portait à sa ceinture. Sur ces faits, les deux hommes l'avaient lâché et il avait tiré "droit devant lui", au hasard, à plusieurs reprises, deux ou trois fois au maximum, afin de les faire fuir. Il n'avait donné aucun coup et avait tiré en tombant, après avoir perdu l'équilibre. Il n'avait pas fait attention à la direction des balles, ignorant s'il avait touché ses agresseurs, ayant agi pour se défendre et "à but dissuasif", de peur qu'ils ne reviennent. Il s'était ensuite relevé, avait constaté que son t-shirt était déchiré et l'avait jeté à la poubelle. Son hoodie, saisi à son domicile, avait de nombreuses entailles, notamment au niveau de la manche gauche, coupée et tachée de sang. On lui avait fait remarquer qu'il avait une blessure sur le bras gauche. Il était encore resté une trentaine de minutes sur place avant de rentrer chez lui, sans aller se faire soigner, ses blessures ne paraissant pas vraiment graves.

Après avoir expliqué au premier juge qu'une fois parvenu à se dégager, il avait d'abord tiré en l'air, puis "au bol, sans viser", à cinq reprises vu le nombre de balles dans son chargeur, alors que les deux individus partaient en courant, il n'a pas su expliquer comment il avait pu atteindre l'un d'entre eux à l'œil. Il avait agi par "instinct de survie" et à cause de "l'adrénaline".

Il a, dans un premier temps, indiqué que c'était "Monsieur F______" qui avait fait de la prison avec lui. Puis, en présence de F______, confronté au fait qu'aucun des plaignants n'avait été incarcéré à la prison de L______ en même temps que lui, il a précisé au MP, après près de deux heures d'audience, que le précité n'était pas présent au moment des faits, de sorte qu'il contestait l'avoir blessé.

Interpellé sur le fait que D______ avait perdu un œil, il a répondu que cela était "malheureux" et qu'il était "désolé" pour la victime, auprès de laquelle il s'est excusé, alléguant avoir eu "peur pour sa vie". Il n'était pas foncièrement méchant, c'était "absurde" et il regrettait son geste "au plus profond de [son] cœur". Il était triste et aurait voulu revenir en arrière.

Le jour des faits, il n'avait consommé ni alcool ni fumé de hachisch, même si cela pouvait lui arriver environ deux fois par semaine, concédant ultérieurement qu'il avait effectivement fumé du cannabis le jour en question et était dépendant à la codéine.

Il portait un pistolet sur lui, vu son conflit avec les frères K______ qui le tenaient pour responsable d'une agression commise en septembre 2018 sur le plus jeune membre de la fratrie. Il avait ensuite été agressé en détention à la prison de L______ la même année, sur ordre des frères K______. Ainsi, pour se défendre d'eux, il avait acheté un pistolet à plombs dans un magasin spécialisé. Il s'agissait de "la plus grosse erreur de sa vie", de sorte qu'il s'engageait à ne plus se "balader avec une arme", comme il le faisait lorsqu'il se rendait à proximité de Q______ et de [la place] H______, lieux fréquentés par ces derniers.

Il a produit le "contrat de vente d'arme, non arme à feu", conclu le 21 mai 2021 à N______ portant sur la vente d'un I______ 1______ [modèle]. Dans la mesure où le vendeur, auquel il avait présenté sa carte d'identité, lui avait fait remplir un formulaire, il ne pensait pas "être dans l'illégalité". Ce dernier ne lui avait pas précisé qu'il devait effectuer une déclaration. Il savait qu'il s'agissait d'un pistolet à plombs et ce que celui-ci pouvait causer. Avec le recul, il avait des remords de l'avoir acheté. Depuis sa saisie, il sortait sans arme.

g. O______ a déclaré au TP que son fils, A______, était gentil et soutenant. Il était un cadre pour ses deux frères cadets, en particulier pour celui qui souffrait de problèmes psychiques. La personnalité de son fils avait changé. Après sa détention, il avait été en dépression, au point qu'elle avait craint qu'il ne se suicide. Il avait toujours peur, sursautant lorsqu'on le réveillait. Selon lui, il y avait constamment des personnes en bas de son immeuble qui parlaient arabe, de sorte qu'il voulait déménager.

C. a. Devant la Chambre pénale d'appel et de révision (ci-après : CPAR), A______ persiste dans ses conclusions et sollicite CHF 18'600.- à titre d'indemnité pour la réparation du tort moral subi en raison de la détention préventive injustifiée. Il conclut au rejet de l'appel de D______.

Il ne pouvait pas expliquer les lésions constatées sur F______, dont il persistait à contester la présence, ni même pour quelles raisons D______, qu'il ne connaissait pas, s'en serait pris physiquement à lui et l'aurait photographié, avant l'altercation, selon lui, et non après. Il ne comprenait pas non plus comment il avait pu être blessé au bras, alors que son agresseur avait tenté de l'atteindre au niveau de la cuisse, ce qui avait dû survenir "dans le feu de l'action".

Il a successivement expliqué qu'en l'espace d'une seconde ou deux, il avait tiré un premier coup, alors qu'il était encore maintenu par ses agresseurs et, après leur fuite en courant, il avait encore tiré deux fois "dans la foulée". Il a ensuite précisé qu'au moment où il avait placé ses mains sur l'avant-bras de l'agresseur qui lui faisait une clé de coude, il avait senti des coups sur la cuisse droite, avait paniqué, puis saisi son pistolet et tiré, à titre dissuasif, dans le prolongement de son bras placé à l'horizontale. Il était ensuite tombé en arrière lorsque les deux hommes l'avaient lâché, le second coup ayant été tiré durant sa chute. Il n'avait pas pensé, sur le moment, aux dégâts susceptibles d'être occasionnés avec ce type de pistolet, dès lors qu'il en allait de sa "survie". Il n'avait pas ressenti le besoin de faire constater ses lésions ni de déposer plainte à la police, s'agissant d'une égratignure. Il avait jeté son t-shirt dans une poubelle car il était déchiré et taché de sang. Il n'était pas méchant et n'avait jamais souhaité que cela arrive à qui que ce soit ; cela le hantait. Il a réitéré ses excuses, ajoutant qu'il s'agissait d'un "concours de circonstances" et qu'il allait devoir vivre avec cela.

Il n'avait pas pensé que le pistolet à plombs était une arme, faute d'être une arme à feu. Interpellé sur le fait qu'il faisait à nouveau l'objet d'une procédure pénale en cours notamment pour infraction à la LArm (art. 33), il a indiqué que les armes récemment saisies à son domicile étaient décoratives et qu'il n'avait pas eu l'intention de sortir dans l'espace public avec elles. Par ailleurs, elles avaient été déclarées selon lui, du fait du passage en douane.

Par la voix de son conseil, il relève que bien que F______ avait fourni aux HUG une version des faits différente de celle donnée à la police, il avait été retenu que A______ serait, malgré l'absence d'antécédent de violence et de raison apparente, devenu fou et aurait gratuitement agressé les plaignants. Or, A______, plutôt "pacifiste", portait sur lui un pistolet uniquement dans un but défensif. Confronté à F______, il avait immédiatement précisé que celui-ci n'était pas présent le jour des faits. Dans tous les cas, les constats ne se prononçaient pas sur l'origine des lésions. Vu qu'il ne parvenait plus à respirer et pensait qu'il allait mourir, il était normal qu'il n'ait pas ressenti les coups reçus au bras. Les analyses ADN étaient à considérer avec précaution, étant précisé que l'arme des plaignants n'avait pas été retrouvée. Dans la mesure où les habits de A______ étaient intacts sur la photographie figurant au dossier, celle-ci ne pouvait avoir été prise qu'avant l'altercation. De plus, son état sur le cliché n'était pas compatible avec les faits qu'il venait de vivre. L'agression subie était corroborée par ses dires, les vêtements saisis à son domicile, ainsi que ses blessures. Sa réaction était totalement proportionnée, dès lors qu'un pistolet à plombs n'occasionnait généralement que de légères blessures. Subsidiairement, la légitime défense putative devait être retenue, puisque l'appelant, qui ne parvenait pas à se remettre de ce qu'il avait vécu en 2018, s'était retrouvé dans cet état d'agitation à la suite de l'agression qu'il venait de subir. Il n'avait pas eu d'autre choix que celui de se défendre. Le dossier n'établissait pas que l'arme n'avait pas été enregistrée ni déclarée, étant précisé qu'il incombait au vendeur de l'annoncer. Le plaignant D______ devait être débouté de ses conclusions civiles, dès lors qu'il avait contribué à la survenance de son dommage. Dans la mesure où ce dernier devait vivre en Algérie et non en Suisse, l'indemnité pour tort moral devait, dans tous les cas, être adaptée.

b.a. D______, actuellement détenu pour une autre cause, persiste dans ses conclusions. Il conclut au rejet de l'appel de A______.

Il faisait des cauchemars chaque nuit, était malheureux, ayant perdu une partie de lui, avait énormément de complexes et ne parvenait même plus à réfléchir. Il avait perdu toutes ses perspectives de travail, ayant pratiqué comme boucher notamment en Belgique, alors qu'auparavant il soutenait financièrement sa famille. Avant les faits, ses projets étaient de retourner en Belgique, se marier avec son amie intime et construire sa vie et sa famille, perspectives qui avaient été brisées en une seconde. Il préférait garder son œil plutôt que de subir une énucléation.

Par la voix de son conseil, il soutient que sa vie a été bouleversée depuis les faits ; il était devenu une autre personne à seulement 24 ans. Il avait été hospitalisé durant quatre jours, avait dû subir plusieurs interventions et avait perdu la vision d'un œil, de sorte qu'il ne pouvait plus voir en trois dimensions. Il avait constamment des douleurs à l'œil et à la tête, ce qui l'avait plongé dans l'alcool, les drogues et les médicaments. Il avait également des pensées suicidaires et des idées noires. Son atteinte durable et grave l'empêchait de reprendre une activité professionnelle pour aider sa famille. Il ne lui était pas possible d'avoir un suivi thérapeutique en raison de sa situation sociale. Il avait tout perdu et n'avait plus d'avenir. L'indemnité réclamée correspondait au 35% du montant maximum du gain assuré (Table 11 P______). Alors même que le prévenu devait apporter la preuve de l'existence des faits justificatifs allégués, ses explications n'étaient pas crédibles, contrairement à celles des plaignants, qui étaient constantes. À supposer que l'on retienne la version des faits du prévenu, la circonstance de l'immédiateté n'était, dans tous les cas, pas remplie.

b.b. À l'appui de son appel, D______ produit trois demandes de consultation d'ophtalmologie des 2 juin, 11 août et 29 septembre 2022, ainsi que deux rapports de consultation des HUG des 29 septembre et 10 octobre 2022, dont il ressort qu'il présente des douleurs à l'œil gauche avec céphalée fronto-pariétal depuis les faits, de sorte qu'il est devenu dépendant au Tramal. La possibilité d'une énucléation/éviscération avait été discutée avec le patient, compte tenu des douleurs persistantes, qui pouvaient être liées au développement de phtisis bulbi (et à des problèmes de surface). Au 10 octobre 2022, le patient, dont la situation était stable, ne souhaitait pas d'intervention.

c. F______, par la voix de son conseil, conclut au rejet de l'appel de A______ et à la confirmation du jugement entrepris.

Il était impossible qu'il ne soit pas la victime de l'agression, compte tenu notamment des déclarations constantes et concordantes des plaignants, ainsi que des constatations médicales. Il n'avait aucune raison de mentir, étant précisé que le prévenu n'avait contesté sa présence qu'après plus de deux heures de confrontation. La version de ce dernier n'était pas crédible ; aucune trace ADN des victimes n'avait été retrouvée sur sa veste, il n'avait aucune lésion sur les membres inférieurs, les plaignants ne présentaient aucune blessure, hormis les impacts de balles, et la photographie démontrait que ses vêtements étaient intacts après les faits. Dans tous les cas, il avait tiré sur les plaignants, alors qu'ils prenaient la fuite, de sorte que la légitime défense était exclue. Les douleurs physiques de F______ avaient été importantes, ayant duré plusieurs jours après son agression, sans compter le traumatisme d'avoir été pris pour cible gratuitement, raison pour laquelle il était suivi par un psychothérapeute.

d. Le MP conclut au rejet des appels et à la confirmation du jugement entrepris.

Le prévenu, qui avait participé à une rixe, avait réussi par le passé à échapper à une condamnation plus lourde, ce qui n'allait pas être le cas dans la présente procédure, compte tenu des nombreux éléments au dossier et de son incapacité à justifier sa version des faits. Il ne témoignait d'aucune évolution ; il ne s'était pas pris en charge et ne suivait aucune thérapie, étant précisé qu'il faisait l'objet d'une nouvelle procédure pénale pour avoir commandé des armes par lesquelles il était fasciné. L'appelant, qui devait faire l'objet d'un suivi, était une véritable "bombe à retardement". Il avait tiré trois coups à bout portant face au plaignant D______, en direction du haut de son corps. Ses explications étaient fantaisistes et n'avaient aucune assise dans le dossier. Un bon accueil devait être réservé aux conclusions des parties civiles.

D. a.a. A______ est né le ______ 1998. Il est célibataire et sans enfant. Après avoir achevé sa scolarité obligatoire, il a obtenu un diplôme de secrétariat. Il n'a pas pu finir son CFC d’employé de commerce dans une école privée, faute de bourse. Il envisage de s'inscrire à l’ECG pour la rentrée scolaire 2023 et entamer une formation dans le domaine social. Il ne travaille pas, de sorte que sa mère l'aide sur le plan financier.

A______ dit avoir bénéficié de plusieurs brefs suivis psychologiques, puis avoir été obligé d'en poursuivre un dans le cadre des mesures de substitution. Il ne ressentait pas le besoin d'aller voir un thérapeute, mais l'envisageait de plus en plus. Malgré le tourbillon dans lequel il était pris par les diverses procédures en cours, il voyait "le bout du tunnel". Il était plus motivé à avancer dans la vie, étant moins "déprimé". Il s'estimait heureux et était d’accord de poursuivre son suivi. À sa sortie de détention, il s'était retrouvé en dépression, voire avait été suicidaire, et il était possible qu'il le soit encore. Il était affecté par les procédures pénales et avait peur des représailles des frères K______, très rancuniers.

a.b. Selon l'extrait du casier judiciaire suisse, A______ a été condamné :

- le 28 juin 2016 par le MP du Haut-Valais, à une peine pécuniaire de
30 jours-amende à CHF 30.- l'unité, avec sursis durant deux ans, et à une amende de CHF 300.- pour faux dans les titres et escroquerie d'importance mineure ;

- le 19 janvier 2020 par le MP, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à
CHF 30.- l'unité pour faux dans les certificats ;

- le 8 décembre 2022 par la CPAR, à une peine privative de liberté de six mois, avec sursis durant trois ans, pour rixe.

E. a. Me C______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 32h00 d'activité de chef d'étude, dont 2h00 pour la rédaction des conclusions et 7h00 pour les débats d'appel, lesquels ont en réalité duré 3h00.

b. Me E______, conseil juridique gratuit d'D______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 20h15 d'activité totale, soit 7h00 d'activité de cheffe d'étude, dont 4h30 pour trois entretiens client (les 27 septembre [1h30], 3 novembre [2h00] et 9 décembre 2022 [1h00]), 10 minutes pour la rédaction de la déclaration d'appel, et 13h15 d'activité de stagiaire, hors débats d'appel, dont 6h55 pour sept entretiens client (les 12 septembre [1h30], 20 et 31 octobre [15 minutes de conférence téléphonique et 20 minutes], 3 et 4 novembre 2022 [1h30 et 20 minutes] et 8 mars [1h30] et 4 avril 2023 [1h30]), et sollicite CHF 110.- pour deux déplacements de la stagiaire (consultation du dossier et audience d'appel), ainsi que 452.35 de frais d'interprète (conférences des 3 novembre 2022, 8 mars et 4 avril 2023). Le mauvais état de santé du plaignant avait nécessité de nombreuses conférences clients qui devaient toutes être indemnisées.

c. Me G______, conseil juridique gratuit de F______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 3h00 d'activité de collaboratrice, hors débats d'appel.

EN DROIT :

1. Les appels sont recevables pour avoir été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, elle signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1 ; 145 IV 154 consid. 1.1).

2.1.2. Les cas de "déclarations contre déclarations", dans lesquelles les déclarations de la victime en tant que principal élément à charge et les déclarations contradictoires de la personne accusée s'opposent, ne doivent pas nécessairement, sur la base du principe in dubio pro reo, conduire à un acquittement. L'appréciation définitive des déclarations des participants incombe au tribunal du fond (ATF 137 IV 122
consid. 3.3 p. 127 = JdT 2012 IV p. 79 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1306/2017 du 17 mai 2018 consid. 2.1.1 ; M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER [éds], Strafprozessordnung / Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2ème éd., Bâle 2014, n. 83 ad art. 10).

Les déclarations de la victime constituent un élément de preuve. Le juge doit, dans l'évaluation globale de l'ensemble des éléments probatoires rassemblés au dossier, les apprécier librement (arrêts du Tribunal fédéral 6B_942/2017 du 5 mars 2018
consid. 2.1.2 ; 6B_614/2012 du 15 février 2013 consid. 3.2.5), sous réserve des cas particuliers où une expertise de la crédibilité des déclarations de la victime s'impose (ATF 129 IV 179 consid. 2.4 p. 184 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1306/2017 du
17 mai 2018 consid. 2.1.1).

2.1.3. Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. L'appréciation des preuves doit être examinée dans son ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (arrêts du Tribunal fédéral 6B_623/2012 du 6 février 2013 consid. 2.1 ; 6B_642/2012 du 22 janvier 2013 consid. 1.1). Rien ne s'oppose à ce que le juge ne retienne qu'une partie des déclarations d'un témoin globalement crédible (ATF 120 Ia 31 consid. 3
p. 39 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_637/2012 du 21 janvier 2013 consid. 5.4).

Faute d'aveux de l'auteur, le juge ne peut, en règle générale, déduire la volonté interne de l'intéressé qu'en se fondant sur des indices extérieurs et des règles d'expérience. Font partie de ces circonstances l'importance, connue de l'auteur, de la réalisation du risque, la gravité de sa violation du devoir de diligence, ses mobiles et sa façon d'agir (arrêt du Tribunal fédéral 6B_38/2021 du 14 février 2022 consid. 3.3).

2.2. L'art. 122 CP réprime notamment le comportement de celui qui, intentionnellement, aura mutilé le corps d'une personne, un de ses membres ou un de ses organes importants ou causé à une personne une incapacité de travail, une infirmité ou une maladie mentale permanentes, ou aura intentionnellement fait subir à une personne toute autre atteinte grave à l'intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale.

Un organe ou un membre important est inutilisable lorsque ses fonctions de base sont atteintes de manière significative (ATF 129 IV 1 consid. 3.2 p. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_405/2012 du 7 janvier 2013 consid. 3.2.1 ; 6B_26/2011 du 20 juin 2011 consid. 2.4.1).

Sur le plan subjectif, l'art. 122 CP définit une infraction de nature intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (arrêt du Tribunal fédéral 6B_922/2018 du 9 janvier 2020 consid. 4.2).

2.3. L'art. 123 CP réprime les lésions du corps humain ou de la santé qui ne peuvent être qualifiées de graves au sens de l'art. 122 CP. À titre d'exemples, la jurisprudence cite notamment tout acte qui provoque un état maladif, l'aggrave ou en retarde la guérison, comme les blessures, les meurtrissures, les écorchures ou les griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (ATF 134 IV 189 consid. 1.1 p. 191 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1283/2018 du 14 février 2019 consid. 2.1).

L'art. 123 ch. 2 al. 1 CP prévoit que la poursuite a lieu d'office dans le cas aggravé où l'auteur fait usage d'une arme ou d'un objet dangereux.

2.4.1. L'art. 33 al. 1 let. a LArm sanctionne quiconque, intentionnellement et sans droit, offre, aliène, acquiert, possède, fabrique, modifie, transforme, porte, exporte vers un État Schengen ou introduit sur le territoire suisse des armes, des éléments essentiels d'armes, des composants d'armes spécialement conçus, des accessoires d'armes, des munitions ou des éléments de munitions, ou en fait le courtage.

Le terme "sans autorisation" signifie la manipulation d'engins absolument interdits par la loi, la remise d'armes au sens large à des tiers qui ne sont pas autorisés à les manipuler, ainsi que le maniement de telles armes sans les autorisations nécessaires (notamment permis de port d'armes ; N. FACINCANI / R. SUTTER [éds], Commentaire Stämpfli, Waffengesetz (WG), 2017, Zürich, n. 5 ad art. 33).

2.4.2. Selon l'art. 4 al. 1 let. g LArm, on entend par armes, notamment les armes soft air, lorsqu'elles peuvent être confondues avec de véritables armes à feu du fait de leur apparence.

2.4.3. À teneur de l'art. 6 de l'Ordonnance sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions [OArm], les armes soft air sont susceptibles d'être confondues avec des armes à feu si, à première vue, elles ressemblent à de véritables armes à feu, qu'un spécialiste ou toute autre personne soit en mesure de lever la confusion après un rapide examen ou non.

2.4.4. Les armes soft air lorsqu’elles peuvent être confondues avec de véritables armes à feu du fait de leur apparence ainsi que leurs éléments essentiels peuvent être acquis sans permis d’acquisition d’armes (art. 10 al. 1 let. e LArm).

L’aliénation d’une arme ou d’un élément essentiel d’arme ne nécessitant pas de permis d’acquisition d’armes (art. 10) doit être consignée dans un contrat écrit. Ce contrat doit être conservé par chaque partie pendant au moins dix ans (art. 11 al. 1 LArm).

2.4.5. Toute personne qui porte une arme dans un lieu accessible au public ou qui transporte une arme doit être titulaire d’un permis de port d’armes. Le titulaire de ce permis doit le conserver sur lui et le présenter sur demande aux organes de la police ou des douanes (art. 27 al. 1 LArm).

2.5.1. Quiconque, de manière contraire au droit, est attaqué ou menacé d'une attaque imminente a le droit de repousser l'attaque par des moyens proportionnés aux circonstances (art. 15 CP). Si l'auteur, en repoussant l'attaque, a excédé les limites de la légitime défense au sens de l'art. 15 CP, le juge atténue la peine (art. 16 al. 1 CP). Si cet excès provient d'un état excusable d'excitation ou de saisissement causé par l'attaque, l'auteur n'agit pas de manière coupable (art. 16 al. 2 CP).

La légitime défense suppose une attaque, c'est-à-dire un comportement visant à porter atteinte à un bien juridiquement protégé, ou la menace d'une attaque, soit le risque que l'atteinte se réalise. Il doit s'agir d'une attaque actuelle ou à tout le moins imminente, ce qui implique que l'atteinte soit effective ou qu'elle menace de se produire incessamment (ATF 106 IV 12 consid. 2a p. 14 ; 104 IV 232 consid. c
p. 236 s. ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_600/2014 du 23 janvier 2015 consid. 5.1 non publié in ATF 141 IV 61 ; 6B_632/2011 du 19 mars 2012 consid. 2.1).

2.5.2. Selon l'art. 13 CP, quiconque agit sous l'influence d'une appréciation erronée des faits est jugé d'après cette appréciation si elle lui est favorable (al. 1).

2.5.3. Selon l'art. 21 1ère ph. CP, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d'agir que son comportement est illicite n'agit pas de manière coupable. L'erreur sur l'illicéité vise le cas où l'auteur agit en ayant connaissance de tous les éléments constitutifs de l'infraction, et donc avec intention, mais en croyant par erreur agir de façon licite. La réglementation relative à l'erreur sur l'illicéité repose sur l'idée que le justiciable doit faire tout son possible pour connaître la loi et que son ignorance ne le protège que dans des cas exceptionnels. Pour exclure l'erreur de droit, il suffit que l'auteur ait eu le sentiment de faire quelque chose de contraire à ce qui se doit ou qu'il eût dû avoir ce sentiment. Toutefois, la possibilité théorique d'apprécier correctement la situation ne suffit pas à exclure l'application de l'art. 21 1ère ph. CP. Ce qui est déterminant est de savoir si l'erreur de l'auteur peut lui être reprochée (ATF 141 IV 336 consid. 2.4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_77/2019 du 11 février 2019
consid. 2.1 non publié in ATF 145 IV 17).

Seul celui qui a des "raisons suffisantes de se croire en droit d'agir" peut être mis au bénéfice de l'erreur sur l'illicéité. Une raison de se croire en droit d'agir est "suffisante" lorsqu'aucun reproche ne peut être adressé à l'auteur du fait de son erreur, parce qu'elle provient de circonstances qui auraient pu induire en erreur toute personne consciencieuse (ATF 128 IV 201 consid. 2 ; 98 IV 293 consid. 4a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_77/2019 du 11 février 2019 consid. 2.1 non publié in ATF 145 IV 17). Le fait que la détention d'arme fait l'objet d'une régulation dans la plupart des pays est notoire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_311/2020 du 12 octobre 2020
consid. 3.4).

2.5.4. Celui qui invoque un fait justificatif susceptible d'exclure sa culpabilité ou de l'amoindrir doit en rapporter la preuve, car il devient lui-même demandeur en opposant une exception à l'action publique. Si une preuve stricte n'est pas exigée, l'accusé doit rendre vraisemblable l'existence du fait justificatif. Il convient ainsi d'examiner si la version des faits invoquée par l'accusé pour justifier la licéité de ses actes apparaît crédible et plausible eu égard à l'ensemble des circonstances
(G. PIQUEREZ / A. MACALUSO, Procédure pénale suisse, 3ème éd., Genève 2011, n. 555, p. 189).

2.6. Le prévenu ne conteste plus, à juste titre, sa culpabilité, dûment établie par les éléments du dossier, en relation avec l'infraction à l'art. 19a LStup, laquelle est réprimée d'une amende.

2.7.1. La CPAR considère comme établi, sur la base des éléments de la procédure, que, le 10 juillet 2021, aux alentours de 05h00, l'appelant A______, qui portait dans son pantalon un pistolet soft air I______/1______ [marque, modèle], chargé de plusieurs billes de plomb, s'est rendu sur H______, où il a rejoint un petit groupe de personnes qu'il ne connaissait pas. Par la suite, les appelants ont eu un échange, au sujet duquel leur version des faits, qui fera l'objet d'un examen infra (voir ch. 2.7.2 et 2.7.3), diverge pour l'essentiel, la présence même du plaignant F______ étant contestée par le prévenu. Le plaignant D______ a notamment été blessé à l'œil, dont il a perdu l'usage, par un des projectiles de plomb tiré par l'appelant A______. Dans les environs de la gare R______, une ambulance a ensuite acheminé le blessé, ainsi que le second intimé, qui l'accompagnait, aux HUG, où le premier a été hospitalisé durant quatre jours.

2.7.2. Le récit du plaignant F______ comporte d'abord une incohérence sur la survenance d'une altercation entre les plaignants et le prévenu.

Il a en effet indiqué aux HUG, quelques jours après les faits, qu'ils avaient été agressés par le prévenu le 8 juillet 2021, alors qu'ils marchaient dans une rue, et que le plaignant D______ avait eu un "échange conflictuel" avec le précité, ce qu'il a, par la suite, contesté. Il convient de garder à l'esprit que ses propos peuvent avoir été mal interprétés par les soignants, dès lors qu'il ne ressort pas du constat des HUG que l'entretien se soit déroulé en présence d'un interprète. Dans tous les cas, cette contradiction et ces imprécisions doivent être relativisées, puisqu'une fois entendu par les autorités et rendu attentif aux conséquences pénales possibles d'une fausse déclaration, l'intimé F______ a affirmé, ce de manière constante, que son ami et lui-même avaient fait l'objet d'une attaque gratuite, le 10 juillet 2021, sur [la place] H______.

De même, le plaignant D______ a, d'abord, déclaré que le prévenu avait pointé l'arme dans sa direction, avant d'expliquer qu'il ne pouvait pas préciser s'il l'avait visé lui ou l'une des personnes de son groupe. Ces propos, qui révèlent avant tout la franchise de l'intéressé et la volonté de ne pas charger à tort l'accusé, ne s'excluent pas en réalité, puisqu'en voulant tirer sur un tiers, son agresseur a également pu le prendre pour cible.

Cela étant, la constance, la crédibilité et la concordance des déclarations des plaignants sur d'autres points doivent être soulignées, notamment quant à la chronologie des évènements, durant et après les tirs, les lésions subies, corroborées par les éléments objectifs du dossier, l'état d'intoxication à l'alcool et/ou à la drogue du prévenu, qu'il a fini par admettre s'agissant des stupéfiants, mais également leur incompréhension face à cet acte de violence gratuite, qui les a poussé, cinq jours plus tard, à se rendre à la police pour porter plainte, malgré leur statut administratif irrégulier, ainsi que leur consternation par rapport à cette agression, qui a eu des répercussions sur leur santé mentale à tous les deux.

Les déclarations des plaignants sont partant crédibles, nonobstant les incohérences précédemment discutées.

2.7.3. À l'inverse, les explications de l'appelant A______ ne sont ni constantes ni crédibles et procèdent d'une adaptation aux éléments du dossier, pour les besoins de la cause.

D'après lui, la personne qui se trouvait en compagnie de D______ le jour des faits n'était pas l'intimé, qu'il n'avait donc pas blessé, mais l'un de ses anciens codétenus. Or, les lésions du plaignant F______, qui entrent chronologiquement en relation avec les faits décrits par ce dernier, sont compatibles avec des impacts provoqués par une arme à air comprimé, lesquels ne sont, au demeurant, pas courants. À cela s'ajoute que c'est bien cet intimé qui a été pris en charge par une ambulance immédiatement après les faits, que c'est encore lui qui s'est rendu à la police pour porter plainte, quelques jours plus tard, en compagnie du plaignant D______ et a produit une photographie de leur agresseur prise par ses soins. Les explications de l'appelant quant à la présence d'un tiers qu'il aurait connu en détention sont, en tout état, totalement contradictoires et confuses, semblant n'être que le reflet d'un discours évoluant au gré de l'avancée du dossier. Ainsi, après avoir désigné "Monsieur F______" comme étant la personne qu'il avait connue en prison, il a fini par indiquer, interpellé par le procureur sur l'absence de détention du précité, que ce dernier, auquel il était confronté depuis près de deux heures, n'était pas celui qu'il avait connu à la prison de L______. Ce n'est qu'après un an de procédure qu'il se serait soudainement remémoré, devant le premier juge, le prénom de ce tiers. Il s'est par ailleurs contredit en mentionnant préalablement que l'individu connu en prison était seul lorsqu'il était allé à sa rencontre, puis qu'il était en compagnie de D______, avant de revenir une nouvelle fois sur ses déclarations.

Il a en outre indiqué avoir été agressé, vraisemblablement au couteau, par l'appelant D______ et l'autre individu au niveau de la jambe. Cette version est incompatible avec les seules blessures constatées par la police sur son bras et les lacérations sur son hoodie, étant précisé qu'aucun des profils ADN présent sur ce vêtement n'a été mis en relation avec celui des plaignants. Outre les impacts de balles, les plaignants, examinés après les faits, ne présentaient pas de lésions compatibles avec une bagarre, alors même, qu'à suivre le prévenu, ils en étaient venus aux mains. Il est par ailleurs surprenant qu'il n'ait pas ressenti le besoin de se faire examiner, ni même de porter plainte, alors qu'il venait de faire l'objet d'une attaque gratuite à l'arme blanche. La photographie prise par le plaignant F______ met également à mal les déclarations du prévenu, dans la mesure où l'état de ses vêtements après les faits n'est pas compatible avec sa version selon laquelle ils auraient été tachés de sang et déchirés. À nouveau, ses explications quant au fait que le cliché aurait été pris avant l'altercation ne convainquent pas puisque l'intimé n'avait alors encore aucune raison de le photographier, son attitude sur le cliché, immortalisé dans un espace-temps particulièrement bref, n'étant pas plus déterminante. On ne comprend pas non plus pourquoi il aurait précipitamment jeté son t-shirt abimé dans une poubelle mais conservé son hoodie lacéré et taché.

Il n'a par ailleurs su donner aucune explication au fait que les plaignants présentaient des lésions compatibles avec des tirs de face, bien que, selon lui, il avait tiré dans leur direction, alors qu'ils prenaient la fuite, soit de dos, ni sur les raisons qui auraient poussé D______ à l'agresser gratuitement ou encore sur l'emplacement de sa cicatrice.

Il s'est encore contredit sur plusieurs points, soit les motifs qui l'avaient poussé à se rendre tôt le matin, seul, sur H______, alors qu'a le suivre, il craignait de rencontrer les frères K______, s'il avait consommé de l'alcool et/ou de la drogue ou encore le nombre de balles tirées. S'il est vrai qu'il s'agit de détails périphériques, il demeure qu'additionnés, ils conduisent la CPAR à considérer que le prévenu a présenté une version incohérente des faits.

De manière générale, l'appelant a également passablement varié sur les circonstances exactes de l'attaque subie, mais surtout sur celles de sa riposte/défense, de sorte que l'on ne parvient pas à saisir, en particulier s'il a tiré en l'air ou dans le prolongement de son bras placé à l'horizontale et si, à cet instant, ses agresseurs avaient déjà pris la fuite ou s'il était toujours maintenu, voire s'il avait déjà chuté.

Au vu de leur absence de crédibilité, les déclarations de l'appelant A______ seront écartées. Il en résulte que les éléments au dossier constituent un faisceau d'indices suffisamment fort pour que les faits dénoncés par les plaignants et repris dans l'acte d'accusation soient retenus.

2.7.4. Il est dès lors établi que, tandis que le plaignant D______ se trouvait seul, le prévenu s'est placé face à lui et a tiré en direction de sa tête avec son pistolet à plombs, ce qui l'a blessé à l'œil. L'appelant A______ a ensuite continué à tirer, alors qu'entre-temps, le plaignant F______ était revenu et tentait de protéger son ami, de sorte que ce dernier a, à son tour, été touché à l'épaule, tout comme l'intimé.

L'appelant a agi intentionnellement s'agissant de l'infraction à l'art. 123 CP et, à tout le moins par dol éventuel, pour celle à l'art. 122 CP, ayant conscience de la gravité des lésions qu'il pouvait causer avec une telle arme et n'ignorant pas, même à supposer qu'il n'ait pas, dans un premier temps, visé le plaignant D______ mais un tiers, qu'il pouvait blesser le précité, assis à proximité.

À juste titre, l’appelant A______ ne conteste pas que ces faits correspondent à la qualification juridique de lésions corporelles graves, et de lésions corporelles simples avec un objet dangereux.

Dans ces conditions, le prévenu, qui n'a pas apporté la preuve de l'existence d'une attaque préalable, ne saurait invoquer un état de légitime défense, y compris putative.

Son appel doit partant être rejeté et le verdict de culpabilité confirmé.

2.8. À raison, l'appelant A______ ne conteste pas avoir détenu, entre les 21 mai (date d'achat) et 19 août 2021 (date d'interpellation), une arme au sens de la LArm (art. 4 al. 1 let. g LArm et art. 6 OArm).

Il argue néanmoins qu'aucun élément du dossier ne permettrait de confirmer que cette dernière n'avait en réalité pas été enregistrée ni déclarée, considérant que, dans tous les cas, il incombait au vendeur d'entreprendre ces démarches.

Il se méprend, dès lors que ce qui lui est reproché n'est pas d'avoir acquis une arme sans la déclaration nécessaire, puisqu'il a produit le contrat conclu en bonne et due forme avec le vendeur, mais d'avoir porté sur lui une telle arme, à réitérées reprises, dans des lieux accessibles au public sans être titulaire d'un permis de port d'armes, selon l'art. 27 al. 1 LArm.

L'erreur sur l'illicéité est exclue. Il a en effet signé un "contrat de vente d'arme, non arme à feu", de sorte qu'il ne peut valablement soutenir qu'il n'avait pas compris qu'il s'agissait d'une arme. Il avait, au contraire, bien saisi qu'il acquérait un objet pouvant porter atteinte à l'intégrité corporelle d'autrui, ayant concédé avoir conscience du type de lésions qu'il pouvait causer avec celui-ci, qu'il avait par ailleurs acheté pour se défendre d'une éventuelle attaque et qu'il portait, dissimulé sur lui, lorsqu'il se rendait sur des lieux publics. Lors de son interpellation par la police, l'appelant A______ a spontanément averti être en possession d'une arme factice, ce qui démontre qu'il savait que le port de cette arme était contraire à la loi, étant pour le surplus rappelé que l'existence d'une régulation afférente aux armes est notoire. Il n'est dès lors pas concevable de retenir que le prévenu s'est trouvé dans la situation d'une personne à laquelle aucun reproche ne pouvait être adressé, ni qu'il pouvait ignorer l'illicéité du port d'une telle arme en Suisse.

Ainsi, le verdict de culpabilité intentionnelle pour infraction à l'art. 33 al. 1 let. a LArm sera confirmé.

3. 3.1. Les lésions corporelles graves (art. 122 CP) sont punies d'une peine privative de liberté de six mois à dix ans, tandis que les lésions corporelles simples avec un objet dangereux (art. 123 ch. 1 et 2 CP) et l'infraction à la LArm (art. 33) sont punies d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

3.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

3.1.2. Bien que la récidive ne constitue plus un motif d'aggravation obligatoire de la peine (art. 67 aCP), les antécédents continuent de jouer un rôle très important dans la fixation de celle-ci (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht I : 1-110 StGB, Jugendstrafgesetz, Bâle 2019, n. 130 ad art. 47 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1202/2014 du 14 avril 2016 consid. 3.5). En général, la culpabilité de l'auteur est amplifiée du fait qu'il n'a pas tenu compte de l'avertissement constitué par la précédente condamnation, et sa rechute témoigne d'une énergie criminelle accrue (R. ROTH / L. MOREILLON (éds), Code pénal I : art. 1-100 CP, Bâle 2009, n. 55 ad art. 47). Une série d'infractions semblables pèse plus lourd que des actes de nature différente. Les antécédents judiciaires ne sauraient toutefois conduire à une augmentation massive de la peine, parce que cela reviendrait à condamner une deuxième fois pour des actes déjà jugés (ATF 120 IV 136
consid. 3b). En outre, les condamnations passées perdent de leur importance avec l'écoulement du temps (ATF 135 IV 87 consid. 2 p. 89).

3.1.3. D'après l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion.

Il y a plusieurs peines identiques lorsque le tribunal prononce dans le cas d'espèce, pour chaque norme violée, des peines du même genre (ATF 138 IV 120 consid. 5.2 p. 122 ss).

Pour satisfaire à cette règle, le juge, dans un premier temps, fixera la peine pour l'infraction la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il doit augmenter la peine de base pour tenir compte des autres infractions en application du principe de l'aggravation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1216/2017 du 11 juin 2018 consid. 1.1.1), en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives
(arrêt du Tribunal fédéral 6B_1175/2017 du 11 avril 2018 consid. 2.1 in medio). Une peine d'ensemble en application du principe de l'aggravation suppose, à la différence de l'absorption et du cumul des peines, que le tribunal ait fixé (au moins de manière théorique) les peines (hypothétiques) de tous les délits. Le prononcé d'une peine unique dans le sens d'un examen global de tous les délits à juger n'est pas possible (ATF 144 IV 217 consid. 3.5 p. 231).

3.1.4. À teneur de l'art. 49 al. 2 CP, si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l'auteur a commise avant d'avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement
(ATF 142 IV 329 consid. 1.4.1 p. 331 ; 142 IV 265 consid. 2.3.3 p. 268 ; 141 IV 61 consid. 6.1.2 p. 67 ; 138 IV 113 consid. 3.4.1 p. 115).

Concrètement, le juge doit se demander comment il aurait fixé la peine en cas de concours simultané, puis déduire de cette peine d'ensemble hypothétique la peine de base, soit celle qui a déjà été prononcée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_28/2008 du
10 avril 2008 consid. 3.3.1).

Le prononcé d'une peine complémentaire suppose que les conditions d'une peine d'ensemble au sens de l'art. 49 al. 1 CP sont réunies. Une peine additionnelle ne peut ainsi être infligée que lorsque la nouvelle peine et celle qui a déjà été prononcée sont du même genre. Des peines d'un genre différent doivent en revanche être infligées cumulativement car le principe d'absorption n'est alors pas applicable (ATF 142 IV 265 consid. 2.3.1-2.3.2 p. 267 s ; 137 IV 57 consid. 4.3.1).

3.1.5. Selon l'art. 44 al. 2 CP, le juge qui suspend l'exécution de la peine peut ordonner une assistance de probation et imposer des règles de conduite pour la durée du délai d'épreuve. La loi prévoit expressément que la règle de conduite peut porter sur des soins médicaux ou psychologiques (art. 94 CP ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1339/2016 du 23 mars 2017 consid. 1.1.2).

La règle de conduite doit être adaptée au but du sursis, qui est l'amendement durable du condamné. Elle ne doit pas avoir un rôle exclusivement punitif et son but ne saurait être de lui porter préjudice. Elle doit être conçue en premier lieu dans l'intérêt du condamné et de manière à ce qu'il puisse la respecter ; elle doit par ailleurs avoir un effet éducatif limitant le danger de récidive. Le choix et le contenu de la règle de conduite doivent s'inspirer de considérations pédagogiques, sociologiques et médicales (ATF 107 IV 88 consid. 3a p. 89 concernant l'art. 38 ch. 3 aCP). Ils relèvent du pouvoir d'appréciation de l'autorité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1227/2015 du 29 juillet 2016 consid. 1.2.2). Le principe de la proportionnalité commande qu'une règle de conduite raisonnable en soi n'impose pas au condamné, au vu de sa situation, un sacrifice excessif et qu'elle tienne compte de la nature de l'infraction commise et des infractions qu'il risque de commettre à nouveau, de la gravité de ces infractions ainsi que de l'importance du risque de récidive (ATF 130 IV 1 consid. 2.1 et 2.2 p. 2 s). Les règles de conduite imposées en même temps que le sursis et visant à prévenir un risque de récidive peuvent s'avérer déterminantes dans l'établissement du pronostic (ATF 128 IV 193 consid. 3c p. 200 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1339/2016 du 23 mars 2017 consid. 1.1.2).

3.1.6. Aux termes de l'art. 51 CP, le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée ou d'une autre procédure. Les mesures de substitution doivent être imputées sur la peine à l'instar de la détention avant jugement subie, la durée à imputer dépendant de l'ampleur de la limitation de la liberté personnelle en découlant pour l'intéressé, en comparaison avec la privation de liberté subie lors d'une détention avant jugement. Le juge dispose à cet égard d'un pouvoir d'appréciation important (ATF 140 IV 74 consid. 2.4 p. 79 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_352/2018 du 27 juillet 2018
consid. 5.1).

3.2.1. En l'espèce, la faute de l'appelant A______ est lourde. Il s'en est pris, sans aucune raison et avec une grande violence, à l'intégrité physique des plaignants qu'il ne connaissait pas, ce à maintes reprises, continuant à tirer sur les plaignants, alors qu'il venait d'éborgner le plaignant D______, lui occasionnant une lésion irrémédiable. Les autres infractions commises en matière de législation sur les stupéfiants et sur les armes dénotent, elles aussi, un mépris des règles de la vie en société.

Ses mobiles sont peu compréhensibles, sinon purement égoïstes, tenant vraisemblablement à des pulsions de colère et de violence, ainsi qu'à la convenance personnelle. Sa situation est sans particularité.

Il n'y a pas lieu de tenir compte d'une quelconque réduction de peine en lien avec une forme de légitime défense, faut d'attaque, ni même avec une émotion violente ou un état de profond désarroi (voir supra ch. 2.7.4 ; art. 48 let. c CP a contrario).

Sa collaboration à l'enquête a été mauvaise. L'appelant A______ a persisté à contester une part importante des faits reprochés, allant jusqu'à nier la simple présence de l'un des plaignants, et a passablement varié dans ses déclarations. Il n'a pas hésité non plus, même s'il admet les tirs, à minimiser ses actes et rejeter la faute sur les victimes, voire sur l'armurier, s'agissant de l'infraction à la LArm.

En outre, bien qu'il admette être à l'origine des lésions subies par le plaignant D______, il n'a montré aucune prise de conscience, évoquant un simple "concours de circonstances". Il n'a engagé aucune démarche pour bénéficier d'un suivi thérapeutique, et, de manière générale, la Cour ne note aucune modification positive dans sa vie et son état d'esprit. Pire, il continue d'acheter des armes, pour lesquelles il semble avoir une réelle fascination.

Contrairement à ce qu'il soutient, l'appelant A______ a des antécédents, dont un spécifique pour rixe, et il fait encore l'objet d'une procédure pénale en cours pour infraction à la LArm. Son comportement dénote ainsi un ancrage dans la délinquance, alors même qu'il n'est âgé que de 25 ans, et une imperméabilité aux sanctions prononcées, dont il n'a tiré aucun enseignement.

Au vu des éléments précédents et pour des motifs de prévention spéciale, seule une peine privative de liberté entre en considération.

3.2.2. Il y a concours d'infractions. L'appelant ayant été condamné postérieurement aux faits, la peine à prononcer en l'espèce est complémentaire à celle infligée le
8 décembre 2022 par la CPAR. L'infraction de lésions corporelles graves est abstraitement la plus grave. Elle emporte une peine privative de liberté de l'ordre de 24 mois, laquelle constitue la peine de base et doit être augmentée de six mois pour les lésions corporelles simples avec un objet dangereux (peine hypothétique :
huit mois) et de trois mois supplémentaires pour l'infraction à la LArm (peine hypothétique : quatre mois). La peine d'ensemble, pour ces infractions, serait ainsi de 33 mois, qu'il convient toutefois de ramener à 18 mois, compte tenu du principe de l'interdiction de la reformatio in pejus (art. 391 al. 2 CPP). Les faits visés par l'arrêt du 8 décembre 2022, s'ils étaient jugés en même temps, justifieraient le prononcé de cinq mois supplémentaire (peine hypothétique : six mois) pour sanctionner l'infraction de rixe, ce qui ramène la peine d'ensemble à 23 mois.

Le solde de peine à prononcer au titre de peine complémentaire est partant de
17 mois [23 - 6].

L'appel sera partant partiellement admis et le jugement réformé en ce sens.

3.2.3. L'octroi du sursis est acquis à l'appelant (art. 391 al. 2 CPP) et la fixation du délai d'épreuve à trois ans, non critiquable au vu de l'absence de prise de conscience de la faute (art. 44 al. 1 CP), sera également confirmé.

3.2.4. La détention avant jugement sera déduite de la peine infligée à l'appelant, à hauteur de 50 jours, correspondant à 19 jours de détention avant jugement et à
31 jours au titre des mesures de substitution, quotité que l'appelant A______ ne remet pas en cause.

3.2.5. Le prévenu s'oppose à l'assistance de probation et les règles de conduite.

La CPAR estime trop incertain de permettre à l'appelant A______ d'entamer un travail thérapeutique sur un mode volontaire, hors d'un cadre strict, compte tenu de ses déclarations variables à ce sujet et du fait qu'il semble, en l'état, incapable de prendre sa vie en mains. En outre, tel qu'observé précédemment (voir supra ch. 3.2.1), sa prise de conscience doit encore être sérieusement consolidée. Seul un travail thérapeutique peut permettre d'escompter un amendement durable. Vu les biens juridiques susceptibles d'être lésés en cas de récidive, une telle règle de conduite durant trois ans ne constitue pas un sacrifice excessif.

Par conséquent, la décision d'ordonner une assistance de probation, afin de permettre à l'appelant A______ de continuer à bénéficier de l'aide du Service de probation et d'insertion (SPI), et une règle de conduite, sous la forme d'un suivi psychologique (gestion de la colère, etc.), pendant la durée du délai d'épreuve de trois ans, était justifiée et sera confirmée.

L'appel du prévenu sera partant rejeté sur ce point.

4. 4.1. En qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale (art. 122 al. 1 CPP).

Conformément à l'art. 126 al. 1 let. a CPP, le Tribunal statue sur les conclusions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu.

4.2. Chacun est tenu de réparer le dommage qu'il cause à autrui d'une manière illicite, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence (art. 41 al. 1 de la loi fédérale complétant le code civil suisse [CO]). La preuve du dommage incombe au demandeur (art. 42 al. 1 CO).

4.3.1. Au terme de l'art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale. Les circonstances particulières évoquées dans la norme consistent dans l'importance de l'atteinte à la personnalité du lésé, l'art. 47 CO étant un cas d'application de l'art. 49 CO. Les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent donc en principe impliquer une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé. Parmi les circonstances qui peuvent, selon les cas, justifier l'application de
l'art. 47 CO, figurent avant tout le genre et la gravité de la lésion, l'intensité et la durée des répercussions sur la personnalité de la personne concernée, le degré de la faute de l'auteur ainsi que l'éventuelle faute concomitante du lésé. À titre d'exemple, une longue période de souffrance et d'incapacité de travail, de même que les préjudices psychiques importants sont des éléments déterminants (ATF 141 III 97 consid. 11.2 ; 132 II 117 consid. 2.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_768/2018 du
13 février 2019 consid. 3.1.2).

Il faut tenir pour importantes des atteintes qui privent la victime d'un organe ou rendent celui-ci impropre à sa fonction (cf. art. 122 ch. 1 al. 2 CP ; K. OFTINGER / E. W. STARK, Schweizerisches Haftpflichtrecht, Allgemeiner Teil, Band I, 1995,
p. 300). Le Tribunal fédéral en a fréquemment jugé ainsi à propos d'atteintes à la vue (ATF 110 II 163 consid. 2c).

4.3.2. En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage ne pouvant que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon les critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L'indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 141 III 97 consid. 11.2 ; 130 III 699 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_267/2016 du 15 février 2017 consid. 8.1 ; 6B_1066/2014 du
27 février 2014 consid. 6.1.2). Statuant selon les règles du droit et de l'équité
(art. 4 CC), le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 132 II 117
consid. 2.2.3 in limine ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_188/2010 du 4 octobre 2010).

4.3.3. En principe, le domicile du demandeur ne joue pas de rôle quant au montant de l’indemnité et il importe peu que le coût de la vie soit plus bas dans son pays de domicile qu'en Suisse. Mais on peut s’écarter de ce principe, dit le Tribunal fédéral, dans des cas particuliers, notamment quand les conditions économiques et sociales du demandeur sont telles qu’un montant normal conduirait à le favoriser de façon crasse ; l’indemnité irait alors au-delà de son but et procurerait à son bénéficiaire un enrichissement injustifié (ATF 123 III 10 consid. 4c aa et bb = SJ 1997 p. 402). Cette réduction ne doit pas être calculée de façon schématique, par exemple en se référant sans autre à la différence du coût de la vie, mais doit au contraire tenir compte de toutes les circonstances particulières du cas d’espèce, et notamment des liens qu’entretient le lésé avec la Suisse et la probabilité qu’il (re)vienne s’y établir un jour (ATF 125 II 554 consid. 4 = SJ 2000 I 189). Le Tribunal fédéral a ainsi admis des réductions de 75% fondées sur le fait que les requérants vivaient au Liban, respectivement en Bosnie-Herzégovine, et n’avaient aucun contact avec la Suisse (arrêts du Tribunal fédéral 1A.251/1999 du 30 mars 2000 ; 1A.299/2000 du
30 mai 2001 ; A. GUYAZ, Le tort moral en cas d'accident : une mise à jour, SJ 2013 II 215, p. 220-221).

4.3.4. L'indemnité due à titre de réparation du tort moral peut être fixée selon une méthode s'articulant en deux phases. La première consiste à déterminer une indemnité de base, de nature abstraite, tandis que la seconde implique une adaptation de cette somme aux circonstances du cas d'espèce. Si le Tribunal fédéral admet cette méthode, à condition qu'elle ne conduise pas à une standardisation ou une schématisation des montants alloués, il ne l'impose pas non plus (ATF 132 II 117 consid. 2.2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_118/2009 du 20 décembre 2011
consid. 9.1 non publié in ATF 138 I 97 ; 6B_1218/2013 du 3 juin 2014 consid.3.1.1 ; C. WIDMER LÜCHINGER / D. OSER [éds], Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 7ème éd., Bâle 2019, n. 20 ad art. 47).

Dans la première phase, le juge examine la gravité objective de l'atteinte pour fixer un montant de base indicatif selon le degré de l'atteinte à l'intégrité (invalidité médico-théorique ; F. WERRO, La responsabilité civile, 3ème éd., 2017, ch. 1445 ;
K. HÜTTE / P. DUCKSCH / A. GROSS / K. GUERRERO, Le tort moral, Tableaux de jurisprudence comprenant des décisions judiciaires rendues de 1990 à 2005,
3ème éd., 2005, p. I/63).

La détermination de ce montant peut être réalisée en appliquant par analogie l'art. 24 de la loi fédérale sur l'assurance-accidents (LAA), l'annexe 3 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents (OLAA) et les tabelles éditées par P______ (C. WIDMER LÜCHINGER / D. OSER [éds], op. cit., n. 20 ad art. 47 ; A. GUYAZ, op. cit., p. 242 s. et 247 ; K. HÜTTE et al., op. cit., p. I/63 ss). À teneur de l'art. 25 LAA, l'indemnité pour atteinte à l'intégrité (IpAI) est allouée sous forme de prestation en capital. Elle ne doit pas excéder le montant maximum du gain annuel assuré à l'époque de l'accident et est échelonnée selon la gravité de l'atteinte à l'intégrité. Selon l'art. 22 al. 1 OLAA, dans sa version en vigueur au 1er avril 2018, le montant maximum du gain assuré s'élève à CHF 148'200.- par an, soit CHF 406.- par jour. Dans la seconde phase, le juge adapte le montant de base, vers le haut ou vers le bas, pour prendre en compte tous les éléments propres au cas d'espèce. De la sorte, le montant finalement alloué tient compte de la souffrance effectivement ressentie par le demandeur (ATF 132 II 117 consid. 2.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1218/2013 du 3 juin 2014 consid. 3.1.1), ce qui revient à reconsidérer les éléments déterminants pour décider de l'octroi ou non d'une indemnité en réparation pour tort moral. La gravité objective de l’atteinte ayant déjà été prise en compte dans le cadre de la première phase, il s’agit ici de ne retenir que les éléments particuliers qui ne découlent en principe pas de l’atteinte objective telle que retenue dans la première étape du calcul. En d’autres termes, une majoration du montant de base au cours de la seconde phase n’est pas automatique, et ne doit intervenir que s’il existe des circonstances qui s’écartent considérablement des conséquences classiques d’un tel événement dommageable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_199/2007 du 13 mai 2008 consid. 6.2. ; A. GUYAZ, op. cit., p. 253).

4.3.5. L'opportunité de se référer au droit des assurances sociales est cependant sujette à caution en raison des finalités différentes poursuivies en comparaison à celles du droit de la responsabilité civile. À tout le moins, les montants obtenus ne doivent pas être employés tels quels. Pour obtenir un montant objectif, le juge compare plutôt les faits qui lui sont soumis aux différents cas d'espèce déjà jugés et, en particulier, se fonde sur les tables que la pratique a établies (F. WERRO, op. cit., ch. 1426 ss et 1446).

4.3.6. La Division médicale de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) a établi plusieurs tables d'indemnisation des atteintes à l'intégrité selon la LAA (disponibles sur www.P______.ch). Ces tables n'ont pas valeur de règles de droit et ne sauraient lier le juge. Toutefois, dans la mesure où il s'agit de valeurs indicatives, destinées à assurer autant que faire se peut l'égalité de traitement entre les assurés, elles sont compatibles avec l'annexe 3 de l'OLAA (ATF 132 II 117 consid. 2.2.3 ; 124 V 209 consid. 4.cc ; 116 V 156 consid. 3).

Selon la table 11 applicable aux atteintes à l'intégrité après lésions oculaires, le taux est de 30% pour une perte de la vision unilatérale (amaurose, cécité unilatérale). Toutefois, l'atteinte à l'intégrité est nettement plus importante lorsque la cécité unilatérale est accompagnée d'une perte du globe oculaire, d'une opthalmoplégie totale, d'un phtisis bulbi ou de toute autre altération esthétique importante de l'œil. Dans ce cas, le taux est de 35% (Table 11 ch. 1).

4.4.1. Toute comparaison avec d'autres affaires doit intervenir avec prudence, dès lors que le tort moral touche aux sentiments d'une personne déterminée dans une situation donnée et que chacun réagit différemment face au malheur qui le frappe. Il est ainsi particulièrement hasardeux de mettre en parallèle les souffrances vécues par des victimes d'infractions contre l'intégrité corporelle, même lorsque les circonstances peuvent apparaître à première vue semblables (arrêt du Tribunal fédéral 6B_128/2017 du 9 novembre 2017 consid. 5.5). Une comparaison avec d'autres cas similaires peut cependant, suivant les circonstances, constituer un élément d'orientation utile (ATF 138 III 337 consid. 6.3.3 p. 345 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_118/2016 du 20 mars 2017 consid. 6.1).

Le Tribunal fédéral a relevé qu'en principe, des montants dépassant CHF 50'000.- n'étaient alloués que si le lésé était totalement invalide, ou encore que des montants de CHF 40'000.- n'étaient alloués qu'aux lésés ayant perdu toute capacité de travail ou de gain (arrêts du Tribunal fédéral 4A_463/2008 du 20 avril 2010 consid. 5.2 ; 4A_481/2009 du 26 janvier 2010 consid. 6.2.1 ; cf. O. PELET, Le prix de la douleur, in C. CHAPPUIS / B. WINIGER [éds], Le tort moral en question, 2013, p. 152). D'autres cas documentés durant les années 2003 à 2005 font toutefois état d'indemnités de l'ordre de CHF 50'000.- en présence d'atteintes importantes à l'intégrité physique mais n'ayant pas occasionné d'invalidité permanente (arrêt du Tribunal fédéral 6B_546/2011 du 12 décembre 2011 consid. 2.4).

Le message du Conseil fédéral concernant la révision totale de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVi ; FF 2005 6683 ss, p. 6746) précise que les montants attribués aux victimes d'atteintes à l'intégrité corporelle devraient se situer entre CHF 20'000.- et CHF 40'000.- en cas de perte d'une fonction ou d'un organe importants (par ex. hémiplégie, perte d'un bras ou d'une jambe, atteinte très grave et douloureuse à la colonne vertébrale, perte des organes génitaux ou de la capacité de reproduction, grave défiguration) et moins de CHF 20'000.- en cas d'atteintes de gravité moindre (par ex. perte d'un doigt, de l'odorat ou du goût).

4.4.1.1. À Genève, un montant de CHF 15'000.- a été alloué à un homme ayant subi une cécité fonctionnelle totale, disparue un an après les faits, ainsi que des troubles anxieux, avec état dépressif (AARP/54/2017 du 10 février 2017). Dans une autre affaire, la CPAR a confirmé une réparation morale de CHF 5'000.-, laquelle tenait compte d'une faute concomitante, à un homme ayant subi trois interventions chirurgicales et qui présentait une altération importante de la vision de son œil gauche, sans possibilité d'amélioration (AARP/398/2015 du 15 septembre 2015).

D'une manière générale, la jurisprudence récente tend à allouer des montants de plus en plus importants au titre du tort moral (ATF 125 III 269 consid. 2a).

4.4.1.2. En ce qui concerne les lésions corporelles simples, la CPAR a notamment alloué à une victime de cette infraction, qui, à la suite de plusieurs coups, avait souffert d'une plaie à la lèvre inférieure, de douleurs à la palpation de la mâchoire et du scalp, d'un état de stress post-traumatique incluant des maux de tête, ainsi que de troubles psychiques, et avait subi une hospitalisation de deux nuits ainsi qu'un arrêt de travail de quatre jours, un tort moral de CHF 1'000.- (AARP /470/2015 du 12 novembre 2015 consid. 3.2.1).

Plus récemment, elle a octroyé un tort moral d'un montant similaire à une victime qui avait reçu, à tout le moins, un coup de poing au visage et chuté, ce qui avait eu pour conséquence une fracture de son nez et une tuméfaction du pavillon de l'oreille gauche avec hématome et plaie, constatant que les lésions subies étaient restées superficielles, n'avaient pas nécessité de séjour à l'hôpital et n'avait pas entraîné de séquelle durable, hormis une légère déviation du nez du plaignant (AARP/261/2018 du 30 août 2018 consid. 5.3).

La CPAR a encore alloué ce même montant à une victime qui avait reçu des coups, notamment dans le dos et au visage, lesquels avaient engendré des ecchymoses, gonflements et rougeurs, ainsi qu'un trouble de la vision persistant (AARP/324/2020 du 15 septembre 2020 consid. 5.2.2).

4.5.1. En l'espèce, l'attaque subie par le plaignant D______, le 10 juillet 2021, a engendré des souffrances physiques et morales importantes. Dès lors, le principe d'une indemnité pour tort moral lui est acquis. Reste à en déterminer le montant, puisque la victime sollicite qu'il soit porté à CHF 51'870.- et que le prévenu conteste celui alloué par le premier juge en CHF 20'000.-.

L'appelant D______ se réfère à la méthode dite des deux phases. Or, non seulement cette méthode ne s'impose pas, mais encore elle paraît d'autant plus inappropriée dans le cas d'espèce qu'on ignore quel serait le salaire de référence de la victime, laquelle, d'une part, ne réside pas en Suisse et, d'autre part, ne pratiquait aucune activité lucrative au moment de l'attaque, sa prétendue profession de boucher en Belgique avant son arrivée en Suisse n'ayant pas été documentée.

4.5.2. Outre le fait que le plaignant D______ a subi deux opérations chirurgicales en raison de sa lésion à l'œil, il ne fait nul doute qu'il souffre, à seulement 26 ans, de séquelles lourdes susceptibles de bouleverser durablement sa vie privée, étant précisé qu'il s'agit tant d'un handicap fonctionnel que physique. Il éprouve encore de fortes douleurs à l'œil et à la tête, ce qui, à le suivre, l'aurait plongé dans la consommation de médicaments, alcool et drogues, et se montre affecté psychologiquement, évoquant notamment des cauchemars et des complexes physiques, voire des idées suicidaires. De plus, il devra vraisemblablement subir à l'avenir une énucléation. Enfin, la faute du prévenu – qui doit entrer en ligne de compte dans l'appréciation du montant de l'indemnité – est très lourde (voir supra ch. 3.2.1).

Toutefois, le pronostic vital de la victime n'a pas été engagé et son hospitalisation n'a duré que quatre jours. Surtout, la victime ne démontre pas en quoi le traumatisme subi, outre le fait qu'elle n'a plus de vision en trois dimensions, l'entraverait dans son activité professionnelle alléguée de boucher. Quant à ses projets d'avenir en Belgique, ils semblent davantage avoir été mis à mal par son incarcération que par les conséquences de son agression.

4.5.3. Dans la mesure où il n'a pas été prouvé, ni même rendu vraisemblable, que le prévenu a fait l'objet d'une attaque du plaignant D______ (voir supra ch. 2.7.3 et 2.7.4), il n'y pas lieu d'examiner une éventuelle faute concomitante de ce dernier (art. 44 al. 1 CO).

4.5.4. Dans ces circonstances, le montant alloué par le premier juge paraît adéquat, dès lors qu'il tient compte de l'absence de domicile du plaignant en Suisse, tout en couvrant l'étendue de ses souffrances, dans le prolongement de la pratique jurisprudentielle.

Les appels seront partant rejetés et le jugement confirmé sur ce point.

4.6. Le plaignant F______ a également été victime de l'attaque violente du prévenu mais dans une moindre mesure, puisque ses douleurs physiques n'ont été que passagères et n'ont nécessité ni hospitalisation ni intervention, de sorte que l'octroi d'une réparation morale peut se justifier également sur le principe.

Il a été pris en charge à l'hôpital à deux reprises dans un intervalle de deux jours seulement, tant ses blessures à l'épaule lui faisaient mal, et prétend, sans toutefois en apporter la preuve, être encore suivi psychologiquement en raison du traumatisme engendré par cette agression gratuite, survenue alors qu'il venait en aide à son ami.

S'il doit être tenu compte de son domicile étranger dans la fixation de l'indemnité, tel n'est pas le cas d'une quelconque faute concomitante pour les motifs exposés ci-dessus.

Par conséquent, le montant du tort moral tel que fixé par le premier juge est de nature à prendre correctement en compte les désagréments subis par le plaignant F______.

L'appel du prévenu sera ainsi également rejeté sur ce point.

5. Au vu de la confirmation de la culpabilité du prévenu sur l'essentiel et de la peine prononcée, ses conclusions en indemnisation seront rejetées (art. 429 al. 1 let. c CPP a contrario).

6. Le prévenu, qui succombe quasi intégralement, hormis s'agissant de la quotité de la peine pour des motifs non plaidés d'ordre purement juridique, supportera trois quarts des frais de la procédure d'appel, comprenant un émolument d’arrêt de CHF 3'500.- (art. 428 al. 1 CPP et art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]), le solde restant à la charge de l'État, dès lors que le plaignant D______, bien que succombant lui aussi intégralement, se voit exonéré desdits frais, étant au bénéfice de l'assistance judiciaire (art. 136 al. 2 let. b CPP).

Vu l'issue de la procédure, il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de la procédure préliminaire et de première instance (art. 428 al. 3 CPP).

7. 7.1.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit (cf. art. 138 al. 1 CPP) est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire suivant, débours de l'étude inclus : avocat stagiaire CHF 110.- (let. a) ; collaborateur CHF 150.- (let. b) ; chef d'étude CHF 200.- (let. c).

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. M. REISER / B. CHAPPUIS /
F. BOHNET (éds), Commentaire romand, Loi sur les avocats : commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats (Loi sur les avocats, LLCA), 2ème éd. Bâle 2022, n. 257 ad art. 12). Dans le cadre des mandats d'office, l'État n'indemnise ainsi que les démarches nécessaires à la bonne conduite de la procédure pour la partie qui jouit d'une défense d'office ou de l'assistance judiciaire. Il ne saurait être question d'indemniser toutes les démarches souhaitables ou envisageables. Le mandataire d'office doit en effet gérer son mandat conformément au principe d'économie de procédure (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3). Par voie de conséquence, le temps consacré à la rédaction d'écritures inutiles ou reprenant une argumentation déjà développée, fût-ce devant une autorité précédente, ne saurait donner lieu à indemnisation ou à indemnisation supplémentaire (AARP/295/2015 du
12 juillet 2015 consid. 8.2.2.3, 8.2.2.6, 8.3.1.1 et 8.3.2.1).

7.1.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à 30 heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, et de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016
consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3). Il en va de même d'autres documents ne nécessitant pas ou peu de motivation ou autre investissement particulier en termes de travail juridique, telle l'annonce d'appel (AARP/184/2016 du 28 avril 2016 consid. 5.2.3.2 et 5.3.1; AARP/149/2016 du
20 avril 2016 consid. 5.3 et 5.4 ; AARP/146/2013 du 4 avril 2013) ou la déclaration d'appel (ordonnance de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2014.51 du 21 novembre 2014 consid. 2.1 ; décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.165 du 24 janvier 2014 consid. 4.1.3 et BB.2013.127 du
4 décembre 2013 consid. 4.2). Des exceptions demeurent possibles, charge à l'avocat de justifier l'ampleur d'opérations dont la couverture ne serait pas assurée par le forfait.

7.1.3. Le temps de déplacement de l'avocat est considéré comme nécessaire pour la défense d'office au sens de l'art. 135 CPP (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.33 du 28 juillet 2015 consid. 4.3). La rémunération forfaitaire de la vacation aller/retour au et du Palais de justice ou au et du bâtiment du Ministère public est arrêtée à CHF 55.- / CHF 75.- / CHF 100.- pour les stagiaires / collaborateurs / chefs d'étude, dite rémunération étant allouée d'office par la juridiction d'appel pour les débats devant elle.

7.2.1. En l'espèce, considéré globalement, l'état de frais produit par Me C______, défenseur d'office de A______, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale, hormis le temps consacré à la rédaction des conclusions en indemnisation, d'ores et déjà déposées en première instance, qui sera donc retranché, et celui consacré à l'audience d'appel, qui sera ramené à 3h00.

Sa rémunération sera partant arrêtée à CHF 6'268.10 correspondant à 26h00 d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 5'200.-) plus la majoration forfaitaire de 10% (CHF 520.-) [vu l'activité indemnisée en première instance], un déplacement à
CHF 100.- et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 448.10.

7.2.2. Il convient de retrancher de l'état de frais Me E______, conseil juridique gratuit de D______, le temps consacré par la cheffe d'étude pour la rédaction de la déclaration d'appel (10 minutes) et par la stagiaire à la conférence téléphonique du 20 octobre 2022 avec le client (15 minutes), activités couvertes par le forfait. En outre, le temps consacré par la stagiaire aux conférences avec le client sera ramené à 3h20, correspondant à trois entretiens, ce qui semble amplement suffisant, au vu du statut de plaignant de D______, qui n'a contesté que le montant du tort moral qui lui a été alloué. Une durée de 3h00 sera également ajoutée pour l'audience d'appel, à laquelle a participé la stagiaire.

En conclusion, la rémunération sera arrêtée à CHF 4'137.80 correspondant à 6h50 d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 1'366.70) et 12h40 à celui de
CHF 110.-/heure (CHF 1'393.30), plus la majoration forfaitaire de 20% (CHF 552.-), deux déplacements à CHF 55.-, la TVA au taux de 7.7% (CHF 263.50) et les frais d'interprète en CHF 452.35.

7.2.3. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me G______, conseil juridique gratuit de F______, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale. Il convient cependant de le compléter de 3h00 pour le temps consacré aux débats d'appel par la collaboratrice.

Sa rémunération sera partant arrêtée à CHF 1'243.90 correspondant à 6h00 d'activité au tarif de CHF 150.-/heure (CHF 300.-), plus la majoration forfaitaire de 20%
(CHF 180.-), un déplacement à CHF 75.- et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 88.90.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit les appels formés par A______ et D______ contre le jugement JTDP/973/2022 rendu le 10 août 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/16263/2021.

Admet partiellement l'appel de A______.

Rejette l'appel de D______.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de lésions corporelles graves (art. 122 CP), de lésions corporelles simples avec un objet dangereux (art. 123 ch. 1 et 2 CP), d'infraction à la loi sur les armes (art. 33 LArm) et de consommation de stupéfiants (art. 19a LStup).

Le condamne à une peine privative de liberté de 17 mois, sous déduction de 50 jours correspondant à 19 jours de détention avant jugement et 31 jours à titre d'imputation des mesures de substitution (art. 40 et 51 CP).

Dit que cette peine est complémentaire à celle prononcée le 8 décembre 2022 par la Chambre pénale d'appel et de révision (art. 49 al. 2 CP).

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).

Ordonne à A______, à titre de règle de conduite, de se soumettre à un suivi psychologique (gestion de la colère, etc.) pendant la durée du délai d'épreuve (art. 44 al. 2 et 94 CP).

Ordonne une assistance de probation pendant la durée du délai d'épreuve (art. 44 al. 2 et
93 al. 1 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions ou ne pas respecter les règles de conduite pendant la durée du délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 et 95 al. 5 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 100.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution d’un jour.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Lève les mesures de substitution ordonnées et prolongées par le Tribunal des mesures de contraintes, la dernière fois le 1er mars 2022.

Condamne A______ à payer à D______ CHF 20'000.-, avec intérêts à 5% l’an dès le 10 juillet 2021, à titre de réparation du tort moral (art. 47 et 49 CO).

Condamne A______ à payer à F______ CHF 1'000.-, avec intérêts à 5% l’an dès le 10 juillet 2021, à titre de réparation du tort moral (art. 47 et 49 CO).

Déboute D______ et F______ de leurs conclusions civiles pour le surplus.

Ordonne le séquestre, la confiscation et la destruction du pistolet soft air et de la drogue figurant sous chiffres 1 et 2 de l'inventaire n° 2______, ainsi que du holster sous chiffre 1 de l’inventaire n°3______ (art. 69 CP).

Ordonne la restitution à A______ des objets figurant sous chiffres 2 et 3 de l'inventaire n°3______ (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 al. 1 let. c CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent à CHF 9'485.95 (art. 426 al. 1 CPP).

Prend acte de ce que l'indemnité due à Me C______, défenseur d'office de A______, a été fixée à CHF 5'800.70 pour la procédure préliminaire et de première instance (art. 135 CPP).

Prend acte de ce que l'indemnité due à Me G______, conseil juridique gratuit de D______ et F______, a été fixée à CHF 5'066.50 pour la procédure préliminaire et de première instance (art. 138 CPP).

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 3'905.-, lesquels comprennent un émolument de décision de CHF 3'500.-.

Met trois quarts de ces frais, soit CHF 2'928.75 à la charge de A______ et en laisse le solde à la charge de l'État.

Arrête à CHF 6'268.10, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me C______, défenseur d'office de A______, pour la procédure d'appel.

Arrête à CHF 4'137.80, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me E______, conseil juridique gratuit de D______, pour la procédure d'appel.

Arrête à CHF 1'243.90, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me G______, conseil juridique gratuit de F______, pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, à l'Office fédéral de la police, à la Brigade des armes, de la sécurité privée et des explosifs, au Service de l'application des peines et mesures et au Service de probation et d'insertion.

 

La greffière :

Dagmara MORARJEE

 

La présidente :

Delphine GONSETH

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

9'485.95

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

200.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

130.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

3'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

3'905.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

13'390.95