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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1611/2023

JTAPI/249/2024 du 20.03.2024 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : CONSTRUCTION PROVISOIRE;CONFORMITÉ À LA ZONE;EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : LZIAM.4.al2; RDZIA.19.al1; LPN.18b.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1611/2023 LCI

JTAPI/249/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 mars 2024

 

dans la cause

 

A______, représentée par Me Nicolas WISARD, avocat, avec élection de domicile

 

contre

 

Monsieur B______, C______ et D______

E______ SA, représentée par Mes Arnaud CYWIE et Barbara POCHINU CARTA, avocats, avec élection de domicile

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC


EN FAIT

1.             À teneur du registre foncier, Messieurs B______, C______ et D______ sont propriétaires de la parcelle n° 1______ de la commune de A______ (ci-après : la commune).

2.             D’une surface de 3’575 m2, cette parcelle est située en zone d’affectation primaire agricole et en zone de développement industriel et artisanal (ci-après : ZDIA).

3.             Ladite parcelle est aussi comprise dans le périmètre du plan directeur n° 2______ de la ZDIA « G______ », adopté le ______ 2018 par le Conseil d’État (ci-après: PDZIA).

D’après la légende du PDZIA, la parcelle est entièrement colloquée en zone A2, dévolue à la localisation des constructions hors-sol et sous-sol pour les activités industrielles, artisanales et assimilées ainsi que pour l’équipement collectif en lien avec l’affectation industrielle et artisanale de la zone. Il n’est pas prévu d’y maintenir des arbres existants, de maintenir ou d’établir un cordon paysage ou de conserver un espace libre privé non constructible. Aucun arbre majeur, de type conifère ou feuillu, n’est supposé être conservé sur la parcelle. Le PDZIA prévoit la possibilité d’accueillir une station de transport public par câbles sur une moitié de la parcelle. En bordure d’une partie de la parcelle, il est également prévu une zone permettant l’implantation de rez-de-chaussée mixtes, composés de services, de bureaux et d’activité.

4.             Un règlement directeur relatif audit plan directeur n° 2______ (ci-après: RDZIA), adopté le 9 mai 2018 par le Conseil d’État, accompagne le PDZIA.

Selon l’art. 19 al. 1 RDZIA, si les circonstances le justifient et que cette mesure ne porte pas atteinte au but général visé, l’État peut, après consultation des communes, de la commission d’urbanisme et de la Fondation pour les terrains industriels de Genève (ci-après : FTI), et cas échéant d’autres services directement concernés et de la commission de G______, déroger aux dispositions des présents PDZIA et règlement, l’art. 13 al. 3 étant réservé.

5.             À teneur d’un courrier du Conseiller d’État en charge du département du territoire (ci-après : le département) du 7 juin 2021, les autorités communales et cantonales et la FTI se sont dotées d’une feuille de route pour l’analyse des demandes d’autorisation d’occupation temporaires des parcelles H______.

Il en résulte que l’occupation provisoire apparaissait pertinente pour amorcer la mutation de la ZDIA mais que pour limiter les impacts irréversibles sur l’aménage-ment qualitatif de la zone en situation définitive, des telles installations provisoires ne devaient être autorisées qu’aux conditions cumulatives suivantes :

-       elles ne devaient pas remettre en cause le concept d’aménagement décrit dans le PDZIA, notamment dans sa temporalité ;

-       elles ne devaient pas prétériter l’arborisation ou la végétation existante, laquelle pourrait être conservée par les futurs projets ;

-       leur emprise - accès compris - devait se limiter aux aires de localisation des constructions du PDZIA, à l’exclusion des secteurs destinés aux espaces publics ou verts ;

-       la qualité des sols devait être préservée, notamment par la limitation des autorisations provisoires à cinq ans, ce pour éviter un tassement du sol altérant ses caractéristiques ;

-       l’accessibilité et la sécurité devaient être assurées et compatibles avec le réseau viaire et les gabarits de desserte du périmètre.

6.             Le 13 juin 2022, E______ SA a déposé auprès du département, avec l’accord des propriétaires de la parcelle, une demande d’autorisation de construire par la voie de la procédure accélérée pour y édifier des aménagements extérieurs provisoires - durée de cinq ans - pour stockage (principalement des machines de chantier et des matériaux de constructions de type échafaudage), avec abattage d’arbres (quinze).

7.             Lors de l’instruction de cette demande, enregistrée sous la référence APA 3______, les préavis usuels ont été requis et émis :

-       le 27 juin 2022, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a préavisé favorablement ;

-       le 28 juin 2022, l’office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) a requis la modification du projet. Les noyers ainsi que l’ensemble des arbres fruitiers présentant un état sanitaire satisfaisant étaient à conserver. Le projet devait dès lors être adapté en conséquence. En cas d’abattages ponctuels de ces arbres, un plan d’aménagement paysager devait être fourni au dossier afin de compenser cette végétation ;

-       le même jour, la police du feu a préavisé favorablement, sans observations ;

-       le 30 juin 2022, l’office cantonal des transports (ci-après : OCT) a requis la fourniture de pièces complémentaires du fait que le I______ n’était pas dimensionné pour permettre l’intégration d’un projet de densification important ;

-       le 5 juillet 2022, le service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) a requis la production des pièces complémentaires ;

-       le 6 juillet 2022, l’office cantonal de l’eau (ci-après : OCEau) a émis un préavis favorable, sous conditions ;

-       le 8 juillet 2022, le service de géologie, sols et déchets (ci-après : GESDEC) a requis la production des pièces complémentaires ;

-       le même jour, l’office de l’urbanisme (ci-après : OU) a requis la modification du projet. Il a exigé, notamment, que toute l’arborisation existante présentant des conditions sanitaires satisfaisantes soit conservée, que le projet soit implanté à l’intérieur de l’aire de localisation future des bâtiments, sans empiéter sur les futurs espaces publics prévus par le PZDIA, et que l’usage soit dimensionné afin que les flux de circulation induis soient compatibles avec le gabarit des chantiers existants ;

-       le 18 juillet 2022, la FTI a préavisé favorablement, sous conditions. L’accès des véhicules à la parcelle en cause via le I______ devait être compatible avec le gabarit de la voie existante ; aucun empiètement sur le domaine privé ne serait toléré. Au vu du caractère provisoire de l’autorisation, aucune construction fixe ne pouvait être autorisée. La surface de stockage devait rester perméable. La FTI a par ailleurs souligné que cette demande de stockage provisoire ne prétéritait pas le futur du secteur si les conditions de son octroi étaient respectées ;

-       le 20 juillet 2022, la commune a préavisé défavorablement. Le projet de zone de stockage donnait un très mauvais signal pour le développement qualitatif qu’elle exigeait sur ces parcelles, en raison notamment des activités proposées (stockage de machines de chantier et de matériaux de construction), du caractère provisoire « qui durait toujours trop longtemps » et du nombre d’arbres devant être abattus ; elle souhaitait que le projet conserve le plus possible les aspects paysagers et environnementaux du site. Elle craignait également que ce projet engendre des mouvements de camions et provoque de la poussière dans un environnement non encore aménagé, sachant que le I______ n’était pas dimensionné pour accueillir un transit de poids lourds et camions. La proposition était contraire aux objectifs défendus jusqu’à ce jour pour un développement qualitatif de ce secteur (morphologies, activités à forte valeur ajoutées, respect du PDZIA). Les communiers auraient de la peine à comprendre que le premier objet construit sur l’ensemble du quartier soit constitué d’un lieu de stockage provisoire situé à proximité immédiate d’un milieu naturel exceptionnel et la résolution R 168 « Non à une occupation temporaire des surfaces dans le quartier », votée le 2 février 2021, l’enjoignait de préaviser défavorablement ce type d’installation.

8.             À fin août 2022, informée le 28 juillet 2022 que le projet devait être modifié pour se conformer à certains des préavis précités, E______ SA a soumis une nouvelle version du projet au département après avoir obtenu deux prolongations du délai pour ce faire. De nouveaux préavis ont alors été rendus sur cette seconde version du projet :

-       le 13 septembre 2022, la DAC a requis la modification du projet et l’OCT la fourniture de pièces complémentaires ;

-       le 14 septembre 2022, la police du feu a préavisé favorablement, sans observation ;

-       le 15 septembre 2022, l’OCAN a requis la production de pièces complémentaires tandis que l’OCEau a préavisé favorablement, sous conditions ;

-       le 19 septembre 2022, l’OU et le SABRA ont requis la production de pièces complémentaires ;

-       le 22 septembre 2022, la commune a préavisé défavorablement, pour les mêmes motifs que ceux exprimés dans son précédent préavis ;

-       le 22 septembre 2022, le GESDEC a requis la modification du projet.

9.             Le 28 novembre 2022, après avoir été informée le 4 octobre 2022 que le projet devait être modifié pour se conformer à certains des préavis précités et avoir obtenu à deux reprises une prolongation du délai pour se déterminer, E______ SA a soumis une troisième version au département et de nouveaux préavis ont été rendus :

-       le 6 décembre 2022, la DAC requis la fourniture de pièces complémentaires tandis que l’OCEau et le SABRA ainsi que la police du feu ont préavisé favorablement, les premiers sous conditions et la dernière sans observation ;

-       le 9 décembre 2022, l’OCT a préavisé favorablement, sous conditions. Seuls de petits véhicules de type camionnette pouvaient accéder à la zone de stockage et la fréquence d’usage devait être de l’ordre de cinq mouvements par jour ;

-       le 12 décembre 2022, l’OU a préavisé favorablement, sous condition de respecter le gabarit des véhicules indiqué (soit des camionnettes) à raison de cinq par matin et cinq par soir. L’usage proposé à titre provisoire (stockage d’engins) était compatible avec la zone industrielle et artisanale. Il dérogeait à la planification du PDZIA en force, mais s’agissant d’une durée provisoire jusqu’à ce que le développement soit effectif, cet usage était admis aux conditions cumulatives de la feuille de route. Le projet avait été modifié pour tenir compte de son premier préavis (« soit : conservation de plus de végétation, implantation à l’intérieur de la future aire d’implantation ») et avait été complété fin novembre, apportant les compléments sur les questions de mobilité ;

-       le 19 décembre 2022, le GESDEC a préavisé favorablement, sous conditions ;

-       le 20 décembre 2022, la FTI a préavisé favorablement, sous conditions et avec souhaits. Elle a encore requis que la durée maximale de cinq ans débute dès l’entrée en force de l’autorisation et que l’aménagement provisoire ne prétérite pas le futur développement du secteur de même que la réalisation des équipements prévus dans le PDZIA. La FTI a au surplus relevé que cette demande de stockage provisoire permettait de répondre aux besoins urgents en surface pour de l’activité de stockage et de marquer de manière harmonieuse la transition de la zone ;

-       le 21 décembre 2022, l’OCAN a émis un préavis liant relatif aux arbres hors forêt, autorisant l’abattage de quinze arbres selon le dossier n° 4______ sous conditions que des arbres pour un montant d’au moins CHF 49’400.- soient replantés et que le propriétaire soit d’accord avec les abattages ;

-       le même jour, il a préavisé favorablement au projet, sous conditions que le préavis liant précité soit respecté, que toutes les précautions nécessaires (barrières type MÜBA à poser à l’aplomb des couronnes, plus 1 m) pour protéger valablement les arbres maintenus à proximité des travaux soient prises et qu’une garantie bancaire de CHF 49’400.- soit fournie trente jours avant l’abattage des arbres et l’ouverture du chantier ;

-       le 12 janvier 2023, la commune a à nouveau préavisé défavorablement, pour les mêmes motifs que ceux exprimés précédemment.

10.         Le 19 janvier 2023, après avoir été informée deux jours auparavant que le projet devait être modifié pour se conformer au préavis de la DAC, E______ SA a soumis une quatrième version du projet au département et a sollicité qu’une décision soit prise. Elle s’est également déterminée sur le préavis défavorable de la commune.

11.         Le 24 janvier 2023, la DAC a préavisé favorablement, sans observations.

12.         Par décision globale du 20 mars 2023, publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du même jour, le département a délivré l’autorisation de construire APA 3______.

Cette décision se référait notamment au préavis liant de l’OCAN du 21 décembre 2022.

13.         Le même jour, le département en a informé la commune, indiquant que son préavis du 12 janvier 2023 allait être écarté au profit des préavis favorables, avec ou sans réserves, des autres instances de préavis consultées.

14.         Par acte du 3 mai 2023, sous la plume de son conseil, la commune a interjeté recours contre cette décision par devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal), concluant à l’annulation de ladite décision et du préavis liant du 21 décembre 2022, sous suite de frais et dépens.

Ainsi qu’il ressortait de ses préavis, elle se préoccupait du développement qualitatif du secteur faisant l’objet de l’autorisation querellée. Le RZDIA ne prévoyait pas expressément la possibilité d’implanter des aménagements du type de ceux envisagés à titre provisoire dans le périmètre qu’il régissait. Les plans et règlement directeurs prévoyaient dans ce périmètre des constructions pour des activités industrielles et non le simple aménagement d’une couche de grave afin de permettre le stockage de machines de chantier et de matériel de constructions comme des échafaudages. Le projet était dès lors contraire à l’affectation définitive prévue par les PZDIA et RZDIA et devait donc être annulé.

On pourrait tout au plus envisager d’admettre un projet pour une durée provisoire, dans l’attente de la construction des immeubles prévus dans les plans et règlements directeurs, pour autant qu’il n’ait pas d’incidence environnementale, contrairement à celui litigieux qui présentait un trop fort impact sur la végétation existante et entraînait une destruction de la valeur paysagère du quartier. La suppression complète de la végétation existante causait un préjudice irréversible qui ne pouvait pas être justifié par la perspective du développement définitif de la zone industrielle. En effet, l’implantation définitive précise des bâtiments n’était pas encore fixée à ce jour. Le PZDIA fixait une « aire de localisation des constructions hors-sol et sous-sol pour les activités industrielle, artisanales et assimilées », ce qui ne signifiait pas que le projet définitif d’activité industrielle qui serait développé sur cette parcelle occuperait l’intégralité de cette aire maximale d’implantation. Le futur projet de développement (définitif) de cette zone pourrait donc être configuré en tenant compte (à tout le moins en partie) de l’arborisation de cette zone et de la biodiversité à préserver. En fait, l’anticipation de plusieurs années par le projet litigieux de l’application des PZDIA et RZDIA était problématique dans la mesure où il impliquait l’abattage de nombreux arbres.

Le RZDIA ne prévoyant pas la possibilité d’implanter des aménagements du type de ceux envisagés à titre provisoire dans le périmètre en cause, le projet litigieux n’avait pu être autorisé qu’à titre dérogatoire, sur la base de l’art. 19 RZDIA. Or, l’octroi de l’autorisation dérogatoire ne respectait pas les enjeux identifiés dans l’art. 18b de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage du 1er juillet 1966 (LPN - RS 451) garantissant la protection des biotopes d’importance régionale et locale, dans la loi sur la biodiversité du 14 septembre 2012 (LBio - M 5 15) et dans les instruments cantonaux en matière de protection de la biodiversité, à savoir le plan climat cantonal 2030 - 2ème génération (ci-après : PCC 2030), la stratégie biodiversité Genève 2030 (ci-après : SBG-2030) et le plan d’action biodiversité 2020-2023 (ci-après : PBI). Il ne tenait pas non plus compte de la stratégie cantonale d’arborisation de l’aire urbaine. De ce fait, le département avait commis un excès de son pouvoir d’appréciation en octroyant l’autorisation dérogatoire litigieuse.

15.         Dans ses observations du 17 juillet 2023, par le biais de son conseil, E______ SA a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité et à la confirmation de la décision entreprise, le tout sous suite de frais et dépens.

Elle avait fait l’acquisition de la parcelle n° 1______ en date du 17 août 2022, ainsi qu’il résultait de l’extrait de la FAO du ______ 2022. Elle était propriétaire de la parcelle adjacente n° 6______, également implantée dans l’aire A2 du PDZIA et sur laquelle des aménagements provisoires de zones de stockage avec installation de containers avaient été autorisés, avec l’aval de la commune qui avait rendu le 18 juillet 2019 un préavis favorable sans conditions dans le cadre de l’APA 7______.

À teneur d’un rapport paysagiste du 8 juin 2022, les arbres sis sur la parcelle étaient peu, respectivement pas entretenus et les distances de plantations n’étaient pas respectées, ni entre plantes (beaucoup se touchaient) ni entre limites de propriété. Le choix de certaines essences n’était pas adapté aux latitudes genevoises et elles avaient ainsi peu de chances d’être viables et en bonne santé à terme. La végétation en cause ne revêtait aucun critère qualitatif particulier, tant en terme de biodiversité qu’en terme de qualité paysagère. En outre, les préavis positifs de l’OCAN avaient fait notamment suite à la visite sur place d’un collaborateur de cet office qui avait procédé à une analyse minutieuse de la végétation existante et défini les végétaux à conserver, de même que ceux pouvant faire l’objet d’un abattage. Treize parmi les quinze arbres à abattre étaient soit difformes, soit de croissance faible, soit légèrement endommagés par la taille ou endommagés. L’arborescence de la parcelle et la conservation de l’essentiel de celle-ci avait fait l’objet d’une analyse détaillée et circonstanciée de l’OCAN, autorité spécialisée et compétente en la matière, et des autres instances de préavis.

La feuille de route relative à l’occupation provisoire des surfaces dans le quartier H______, établie afin notamment que les aménagements provisoires n’entrent pas en contradiction avec les objectifs du projet pour le secteur, exposait qu’il était conforme à la ZDIA d’accepter des constructions provisoires permettant le stockage de matériaux ou d’engins de chantier. Elle définissait les conditions cumulatives auxquelles les activités de stockage devraient répondre pour faire l’objet d’une autorisation. Or, ces conditions étaient toutes réalisées. Pour ce faire, le projet avait dû être modifié en cours d’instruction et son envergure réduite, sur demande de l’OCAN qui avait imposé de conserver les noyers et l’ensemble des arbres fruitiers présentant un état sanitaire satisfaisant.

Le projet était conforme à la ZDIA. Les aménagements prévus par l’APA litigieuse entraient typiquement dans le cadre des activités admises en une telle zone et répondaient au besoin criant en zone de stockage pour matériel de chantier auquel faisait face le canton. De plus, l’art. 19 RZDIA n’était pas violé. Le maintien d’arbres isolés, pour la plupart en mauvaise santé et ne faisant pas partie d’un écosystème forestier, ne s’inscrivait pas dans les enjeux et mesures préconisés par la fiche 6.1 du PCC 2030. S’agissant du SBG-2030 et du PBI, les arbres en cause ne revêtaient aucune qualité paysagère particulière ni même une grande valeur biologique ; si tel avait été le cas, ils auraient été identifiés en tant qu’arbres à maintenir, arbres majeurs à conserver ou faisant partie intégrante du cordon paysager imposé dans le PDZIA. De plus, contrairement aux allégation de la recourante, le département avait procédé avec minutie à l’examen des circonstances lui permettant de faire usage de la dérogation, étant noté que le projet avait fait l’objet d’une longue instruction (plus de huit mois), avait dû être totalement modifié en fonction des différentes remarques émises et avait été limité à une durée provisoire de cinq ans pour n’induire aucun impact tant sur la qualité des sols que sur la mise en œuvre du futur PDZIA. Les cinq conditions figées par la feuille de route pour l’octroi de dérogation provisoire dans le secteur avaient constitué le fil rouge permettant l’examen des conditions relatives à la dérogation accordée. En fin de compte, les instances spécialisées avaient consciencieusement apprécié tous les éléments permettant l’usage de la voie dérogatoire. La recourante ne faisait que substituer sa propre appréciation de la qualité intrinsèque des arbres à celle de l’autorité compétente en la matière, composée de spécialistes de cette question.

16.         Dans ses observations du 10 août 2023, déposées dans le délai prolongé accordé par le tribunal, le département a conclu au rejet du recours, s’en rapportant à justice s’agissant de sa recevabilité.

Les aménagements extérieurs proposés n’étaient certes pas pleinement conformes au PDZIA, mais il n’en demeurait pas moins qu’ils se rapportaient à une activité conforme à l’affectation de la zone industrielle (activité liée à la construction) et qu’ils ne prétéritaient pas le développement du secteur mais permettaient au contraire une transition harmonieuse de la zone agricole à la zone industrielle et artisanale. Ces aménagements répondaient de plus au besoin de disposer rapidement de zones de stockage qui manquaient actuellement dans le canton et ils n’étaient autorisés que de manière temporaire. Il apparaissait ainsi que le but général visé par les PDZIA et RDZIA était préservé. Les conditions prévues par l’art. 19 al. 1 RDZIA permettant de déroger tant à ses dispositions qu’à celles du PDZIA étaient en l’occurrence satisfaites, de sorte que c’était à bon droit que l’autorisation de construire provisoire avait été délivrée. La recourante admettait d’ailleurs dans ses écritures qu’un projet provisoire à cinq ans était acceptable. La prétendue incidence environnementale qu’elle invoquait n’était pas justifiée.

Aucun excès du pouvoir d’appréciation n’avait été commis par le département qui avait pleinement tenu compte, dans la pondération des intérêts en présence, de ceux liés à la préservation des arbres et à la protection de la biodiversité et qui avait suivi les préavis favorables rendus par les instances de préavis spécialisées. La parcelle en cause était comprise dans le périmètre du PDZIA, un plan d’affectation du sol en force qui, à l’instar du projet autorisé, était conforme au plan directeur cantonal 2030 approuvé par la Confédération le 18 janvier 2021 (ci-après : PDCn 2030) et à son concept de l’aménagement cantonal, en particulier du point de vue de la végétation. Au stade de l’adoption du PDZIA, l’autorité de planification avait d’ores et déjà considéré que l’intérêt à la conservation des arbres présents dans l’aire A2 et sur la parcelle en cause devait céder le pas face à l’intérêt de pouvoir réaliser des constructions à cet emplacement. De plus, l’OU avait requis des compléments et son dernier préavis confirmait que le projet respectait les conditions prévues dans la feuille de route et les enjeux environnementaux et paysagers inscrits dans les PDZIA et RDZIA. Le projet autorisé permettait même la conservation d’arbres dont le maintien n’était pas prévu dans le PDZIA. En outre, l’abattage des arbres en cause ne remettait en cause ni la SBG-2030 ni le PCC puisque parmi les quinze arbres autorisés à l’abattage, trois seuls étaient sains, qu’aucun d’eux n’était qualifié de remarquable et que l’OCAN avait au surplus imposé la replantation d’arbres pour un montant d’au moins CHF 49’400.-. Enfin, il n’était pas démontré que la parcelle en cause accueillerait un biotope d’importance régionale ou locale ou qu’elle ferait l’objet d’une mesure de protection particulière.

17.         Par réplique du 12 septembre 2023, la commune a réitéré que les PZDIA et RZDIA prévoyaient dans ce périmètre la construction de bâtiments destinés à accueillir des activités industrielles, et non le simple aménagement d’une couche de grave afin de permettre le stockage de machines de chantier et de matériel de constructions, et que le RZDIA ne contenait aucune disposition prévoyant la possibilité d’implanter, à titre provisoire, de tels aménagements. Le projet litigieux était dès lors contraire à l’affectation définitive prévue par les PZDIA et RZDIA et devait donc être annulé. La feuille de route évoquée par les intimés n’était pas de rang règlementaire et ne saurait dès lors être invoquée pour légitimer la délivrance de l’APA 3______. Elle prévoyait de plus comme condition que des installations provisoires ne pouvaient être autorisées à l’avenir qu’à la condition, notamment, qu’elles ne prétéritaient pas l’arborisation ou la végétation existante, qui pourrait être conservée par les futurs projets. Or, le projet prétéritait manifestement l’arborisation ou la végétation existante. La végétation existant sur la parcelle voisine n’était pas comparable à celle présente sur la parcelle en cause, de sorte que les enjeux de protection de la végétation arborée de ces deux parcelles n’étaient pas comparables.

18.         Par duplique du 16 octobre 2023, le département a relevé que la recourante faisait fi des explications contenues dans ses observations du 10 août 2023 et n’exposait pas en quoi celles-ci ne seraient pas valables. Ce silence par rapport aux développements expliquant et justifiant l’application de la dérogation prévue à l’art. 19 al. 1 RZDIA était évocateur de la faiblesse de sa position initiale et confirmait que celle du département était pleinement justifiée.

19.         Par duplique du même jour, E______ SA a fait valoir que le fait que le RZDIA ne prévoyait pas expressément la dérogation portant sur un aménagement provisoire ne signifiait en aucune manière que cela était exclu. Une construction provisoire n’était d’ailleurs pas un type de construction à part entière. En réalité, les limitations dans le temps étaient des clauses accessoires qui accompagnaient certaines autorisations de construire, ne nécessitaient pas forcément une base légale expresse et pouvaient, le cas échéant, être justifiées par le but poursuivi de la loi applicable. Dans le cas d’espèce, la durée de cinq ans, raisonnable, lui permettait d’exploiter sa parcelle, dans un but compatible avec la ZDIA, tout en lui laissant le temps de développer en parallèle, avec d’autres intervenants, un projet complexe d’usine de valorisation de bois usagé. En définitive, l’autorisation de construire ne consacrait aucune violation des PDZIA et RZDIA.

La feuille de route, quelle que soit sa portée, avait le mérite d’imposer des conditions aux porteurs de projets pour garantir un développement qualitatif des demandes d’autorisation d’occupation temporaire. À la lecture du préavis favorable de l’OU du 12 décembre 2022, on constatait que le projet avait précisément été modifié pour permettre une meilleure implantation des installations et une préservation accrue de la végétation existante, dans l’esprit de la feuille de route. En définitive, la recourante ne faisait que substituer sa propre appréciation à celle de l’autorité technique en matière d’urbanisme.

La recourante revenait sur le fait que les abattages des arbres en cause étaient disproportionnés par rapport au caractère provisoire de l’installation, alors que l’OCAN avait préavisé favorablement le projet sous conditions. Le caractère disproportionné des abattages d’arbres ne reposait que sur l’appréciation subjective de la recourante. Par ailleurs, un important cordon boisé, préservé précisément en vue de l’aménagement futur des parcelles du secteur, demeurait sur la parcelle.

20.         Le 12 février 2024, faisant suite à une demande du tribunal, le registre foncier a transmis à ce dernier diverses pièces dont il résulte que la réquisition pour le transfert de la propriété de la parcelle n° 1______ à E______ SA était toujours en cours de traitement. Une note manuscrite laissait apparaître que cette suspension était liée à une problématique en lien avec la loi fédérale sur l’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger (LFAIE - RS 211.412.41).

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

En particulier, conformément l’art. 145 al. 2 LCI, la commune a qualité pour recourir du seul fait que le projet approuvé par l’autorisation contestée se trouve sur son territoire (ATA/860/2021 du 24 août 2021 consid. 2 ; ATA/1104/2020 du 3 novembre 2020 consid. 1).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Les arguments formulés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (ATF 145 IV 99 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2021 du 13 janvier 2022 consid. 2.1 et les références citées), étant rappelé que, saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office et que s’il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/84/2022 du 1er février 2022 consid. 3).

5.             En premier lieu, la recourante estime que la décision entreprise contrevient aux PZDIA et RZDIA, ceux-ci n’autorisant pas d’installations provisoires pour stocker des machines de chantier et des matériaux de constructions de type échafaudage. Selon elle, les PZDIA et RZDIA prévoient dans le périmètre en question des constructions pour des activités industrielles et non l’aménagement d’une couche de grave pour stocker des machines de chantier et des matériaux de constructions.

6.             En vertu de l’art. 14 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), les plans d’affectation règlent le mode d’utilisation du sol. Ils définissent en premier lieu les zones à bâtir, les zones agricoles et les zones à protéger.

À Genève, l’art. 12 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) précise que pour déterminer l’affectation du sol sur l’ensemble du territoire cantonal, celui-ci est réparti en zones (al. 1), lesquelles sont de trois types (al. 2), à savoir les zones ordinaires (let. a ; cf. art. 18 à 27), les zones de développement (let. b ; cf. art. 30 à 30B) et les zones protégées (let. c ; cf. art. 28).

L’art. 19 LaLAT détaille les zones à bâtir. Son alinéa 4 prévoit que les zones industrielles et artisanales sont destinées aux constructions industrielles, artisanales et ferroviaires. Ainsi, selon la systématique suivie par le législateur genevois, les zones industrielles font partie des zones à bâtir, qui sont elles-mêmes englobées dans les zones ordinaires au sens des art. 12 et 18 LaLAT (ATA/518/2010 du 3 août 2010 consid. 4b).

À teneur de l’art. 30 LaLAT, les zones de développement sont régies, selon leur affectation, par la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) et par la loi générale sur les zones de développement industriel ou d’activités mixtes du 13 décembre 1984 (LZIAM - L 1 45). On distingue ainsi les zones industrielles et artisanales « ordinaires » (art. 19 al. 4 LaLAT) et les zones de développement industriel et artisanal (art. 30 LaLAT et LZIAM).

7.             En l’espèce, la parcelle en cause est située en ZDIA et est ainsi soumise à la LZIAM ainsi qu’au règlement sur les zones industrielles et d’activités mixtes du 24 mai 2023 (RZIAM - L 1 45.01), entré en vigueur le 31 mai 2023 et qui a remplacé l’ancien RAZIDI (art. 31 LZIAM).

8.             Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente (art. 22 al. 1 LAT ; art. 1 al. 1 LCI).

9.             L’autorisation est délivrée si la construction ou l’installation est conforme à l’affectation de la zone (art. 22 al. 2 let. a LAT) et si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 let. b LAT). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d’autres conditions (art. 22 al. 3 LAT). Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l’autorisation de construire (art. 1 al. 5 LCI).

10.         La conformité à l’affectation de la zone implique que la fonction de la construction ou installation concorde avec celle de la zone. Il ne suffit pas qu’elle ne soit pas contraire à la destination de la zone (DFJP/OFAT, Étude relative à la LAT, 1981, p. 274 n. 29 ; ATA/822/2015 du 11 août 2015 consid. 12b). L’utilisation de la construction ou de l’installation est pertinente pour juger de la conformité à l’affectation de la zone, en particulier si elle est connue au moment de l’octroi de l’autorisation (ATA/822/2015 du 11 août 2015 consid. 12b ; ATA/1019/2014 du 16 décembre 2014 consid. 5a ; ATA/784/2013 du 26 novembre 2013 consid. 6a ; ATA/70/2013 du 6 février 2013 consid. 3a).

11.         La LZIAM a pour but de fixer les conditions applicables à l’aménagement et l’occupation rationnelle des zones de développement industriel, dévolues aux activités industrielles et artisanales (ci-après : activités du secteur secondaire), ainsi que des zones de développement d’activités mixtes, dévolues aux activités des secteurs secondaire et tertiaire, y compris les activités culturelles et festives (art. 1 al. 1 LZIAM). Les zones de développement d’activités mixtes comportent au minimum 60 % des surfaces brutes de plancher dévolues à des activités du secteur secondaire (art. 1 al. 2 LZIAM).

12.         Selon l’art. 4 al. 1 LZIAM, dans les zones de développement industriel et les zones de développement d’activités mixtes, le Conseil d’État peut, en vue de la délivrance de l’autorisation de construire, autoriser l’application des normes de la zone industrielle ou de la zone de développement d’activités mixtes au sens de la LaLAT. Cette décision est subordonnée à l’approbation préalable de certains éléments.

Si la demande porte sur une construction ou une installation de peu d’importance ou provisoire, le département peut délivrer d’emblée l’autorisation de construire après en avoir, si nécessaire, fixé les conditions particulières (art. 4 al. 2 LZIAM). Tel est par exemple le cas en cas de changement d’affectation d’une carrosserie en une épicerie de type « take away » (ATA/926/2016 du 1er novembre 2016 consid. 13).

13.         En vertu de l’art. 4 let. d RZIAM, sont notamment admissibles dans les zones industrielles à titre d’activités industrielles les entreprises de la construction.

14.         Selon la jurisprudence et la doctrine, les zones industrielles et artisanales regroupent traditionnellement des activités du secteur primaire et secondaire (ATA/1231/2017 du 29 août 2017 consid. 5 et les références citées). La notion de construction industrielle n’étant pas définie par la loi, il convient de se référer au sens large et commun de ce terme (RDAF 1983 p. 190). Or, une notion large et commune de l’industrie ne se limite pas au travail et à la transformation de la matière mais s’étend à l’ensemble des opérations qui concourent à la production et à la circulation des richesses (ATA/518/2010 du 3 août 2010 consid. 5 ; RDAF 1999 I p. 369).

Il ressort implicitement de la jurisprudence - ATA/1231/2017 du 29 août 2017 consid. 5 et les références citées - que la définition de l’« industrie » est identique dans les industrielles et artisanales « ordinaires » (art. 19 al. 4 LaLAT) et dans les zones de développement industriel et artisanal (art. 30 LaLAT et LZIAM).

15.         Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu’un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/462/2020 du 7 mai 2020 consid.18 et les références citées).

La délivrance des autorisations de construire demeure de la compétence exclusive du département à qui il appartient de statuer en tenant compte de tous les intérêts en présence (ATA/439/2021 du 20 avril 2021 ; ATA/318/2017 du 21 mars 2017).

16.         Selon une jurisprudence constante, les juridictions administratives observent une certaine retenue pour éviter de substituer leur propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l’autorité inférieure suive l’avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/1125/2020 du 10 novembre 2020 ; ATA/1279/2018 du 27 novembre 2018).

17.         En l’occurrence, s’il n’est pas contesté que le projet litigieux n’est pas, en soi, conforme à l’affectation définitive de la parcelle prévue par les PZDIA et RZDIA, cela ne justifie pas forcément qu’il doive être annulé. En effet, selon l’art. 4 al. 2 LZIAM, si la demande porte sur une installation provisoire, comme tel est le cas en l’espèce, le département peut délivrer d’emblée l’autorisation de construire après en avoir, si nécessaire, fixé les conditions particulières. De plus, l’art. 19 al. 1 RDZIA stipule que si les circonstances le justifient et que cette mesure ne porte pas atteinte au but général visé, l’État peut, après consultation de diverses instances, déroger aux dispositions des PDZIA et RDZIA.

Or, il résulte des derniers préavis de la FTI et de l’OU que le projet querellé, certes non entièrement conforme aux PDZIA et RDZIA, se rapporte néanmoins à une activité adaptée à l’affectation de la zone industrielle, d’une part, et qu’il ne prétérite pas le développement du secteur en cause, d’autre part, mais permet une transition harmonieuse de la zone agricole à celle industrielle. Le projet répond en outre au besoin urgent sur le plan cantonal de disposer de zones de stockage qui font défaut et n’est que temporaire. Dans ces circonstances et compte tenu du fait que les instances de préavis ont considéré que les conditions cumulatives de la feuille de route sont respectées, ce qui est effectivement le cas, il ne peut être reproché au département d’avoir retenu que le but général visé par le PDZIA et le RDZIA est préservé et d’avoir donc délivré l’autorisation litigieuse, laquelle est, faut-il encore le rappeler, temporaire.

Partant, ce grief sera écarté.

18.         En second lieu, la recourante reproche au département d’avoir excédé son pouvoir d’appréciation en octroyant l’autorisation litigieuse qui serait contraire à l’art. 18b LPN et qui ne respecterait pas les enjeux cantonaux en matière de protection de la biodiversité, à savoir le PCC 2030, la SBG-2030 et le PBI ainsi que la stratégie cantonale d’arborisation de l’aire urbaine.

19.         Selon l’art. 18b LPN, les cantons veillent à la protection et à l’entretien des biotopes d’importance régionale et locale (al. 1). Dans les régions où l’exploitation du sol est intensive à l’intérieur et à l’extérieur des localités, les cantons veillent à une compensation écologique sous forme de bosquets champêtres, de haies, de rives boisées ou de tout autre type de végétation naturelle adaptée à la station. Ce faisant, ils tiennent compte des besoins de l’agriculture (al. 2).

20.         À teneur de la synthèse présentée au début du document, le PCC 2030 est une feuille de route qui pose les bases nécessaires, au niveau institutionnel, aux transformations significatives qui devront être menées dans les années à venir au niveau des institutions, de l’économie et de la société dans son ensemble (p. 9). Il présente en premier lieu les objectifs qu’il poursuit et la stratégie nécessaire à l’atteinte de ces derniers et, en seconde partie, les mesures à mettre en œuvre sur la période 2021-2030, Il s’agit d’un document d’orientation qui a pour vocation de proposer une vision, de fixer un cap, de faciliter et d’accélérer la convergence des politiques publiques vers les nouveaux objectifs climatiques (p. 11). Les mesures qu’il préconise en matière d’aménagement du territoire s’inscrivent dans la vision du projet du territoire pour le canton décrit dans le PDCn 2030, étant précisé qu’une révision de ce dernier est nécessaire pour assurer la comptabilité avec la neutralité carbone à l’horizon 2050 (p. 59).

La SBG-2030 est une feuille de route opérationnelle qui vise à garantir le bien-être à long terme en conciliant le développement des activités sur le territoire genevois avec le maintien d’une biodiversité locale riche et apte à assurer les nombreux services fournis à la population. Pour relever ce défi, elle identifie trois axes stratégiques - connaître, enrichir et valoriser la biodiversité - et propose une vision assortie d’orientations pour douze domaines clés, comme la qualité du maillage écologique ou les enjeux liés à la formation.

Le PBI, qui découle de la SBG-2030, a pour objectif de fournier à l’État, au secteur privé, aux ONG et aux citoyens de disposer d’un plan d’action pour répondre à deux urgences : « climat » et « biodiversité ». Il souligne l’efficacité de certaines actions en cours, mais aussi les lacunes à combler, et identifie les améliorations et les nouvelles actions à prévoir pour matérialiser la vision de la SBG-2030. Cette stratégie définit les douze champs d’application ainsi que les orientations qui ont permis de formuler ce premier plan d’action.

Enfin, la stratégie d’arborisation de l’aire urbaine, qui vise un taux de canopée de 30% à l’horizon 2050, a pour objectif de faire croître de manière quantitative et qualitative le patrimoine arboré de l’aire urbaine.

21.         L’art. 11 al. 1 LaLAT prévoit que les autorités cantonales et communales appliquent les principes et les objectifs du plan directeur cantonal, notamment en veillant à ce que les plans d’affectation du sol soient conformes au plan directeur cantonal et à son concept de l’aménagement cantonal. L’adoption d’un plan d’affectation du sol n’est pas subordonnée à celle, préalable, d’un plan directeur localisé.

22.         En l’espèce, il ne résulte pas que la parcelle en cause accueillerait un biotope d’importance régionale ou locale ou qu’elle ferait l’objet d’une mesure de protection particulière. Partant, il ne peut être retenu que l’art. 18b al. 1 LPN soit violé.

En outre, les divers instruments évoqués par la recourante ont essentiellement pour vocation de servir de guide et feuille de route à l’administration sur le thème du climat et de l’environnement, de sorte qu’ils doivent être concrétisés par le biais de la planification, notamment par l’adoption de plans d’aménagement. Or, à cet égard, le PDZIA excluant que des arbres demeurent sur la parcelle en cause, il peut être retenu qu’il a déjà été considéré, lors de la concrétisation de ces instruments, que tous les arbres sur la parcelle en cause pouvaient disparaître sans que cela ne contredise les objectifs portés par les PCC 2030, PBI, SBG-2030 et la stratégie d’arborisation de l’aire urbaine.

Au surplus, il ne peut être reproché au département d’avoir excédé son pouvoir d’appréciation alors qu’il a suivi les préavis des instances spécialisées consultées. Les arguments de la recourante à ce sujet laisse apparaître que celle-ci ne fait que substituer sa propre appréciation à celle de ces instances, composées de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi.

En tout état, le tribunal doit constater que l’OU a considéré que le projet respecte les conditions prévues dans la feuille de route et les enjeux environnementaux et paysagers inscrits dans le PDZIA que le RDZIA. Il faut en outre relever que le projet autorisé concerne l’abattage d’arbres qui ne sont pas sains et donc pas durables, qu’il permet la conservation d’arbres supplémentaires dont le maintien n’est pas prévu dans le PDZIA et qu’il exige que des arbres soient replantés pour un montant de près de CHF 50’000.-. Dans ces circonstances, il ne peut être retenu que ledit projet heurte les objectifs fixés dans les instruments cantonaux en matière de protection de la biodiversité et de l’environnement.

23.         Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision entreprise confirmée.

24.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 1'000.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

25.         Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 900.-, à la charge de la recourante, sera allouée à E______ SA (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 3 mai 2023 par la commune de F______ contre la décision du département du territoire du 20 mars 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'000.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             condamne la recourante à verser à E______ SA une indemnité de procédure de CHF 900.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, Oleg CALAME et Damien BLANC, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

Le greffier