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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1098/2020

ATA/860/2021 du 24.08.2021 sur JTAPI/1112/2020 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 04.10.2021, rendu le 28.07.2022, REJETE, 1C_594/2021
Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION;AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;CONSTRUCTION PROVISOIRE;PERMIS DE CONSTRUIRE;PROCÉDURE D'AUTORISATION;AUTORISATION OU APPROBATION(EN GÉNÉRAL);LAC LÉMAN;OBJET DU LITIGE;PESÉE DES INTÉRÊTS;POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : OAT.3; LFSP.8; LEaux.15; LAT.22; LAT.24; LCI.15
Résumé : Recours d’une commune contre des autorisations d’installer des corps-morts et des barges dans et sur le lac au large de son territoire. La pesée des intérêts en présence et la mise en œuvre des dispositions légales pertinentes étant conforme au droit, le recours est rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1098/2020-LCI ATA/860/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 août 2021

3ème section

 

dans la cause

COMMUNE DE A______
représentée par Me Xavier Latour, avocat

contre

B______ & CIE SA

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

et

M. C______
représenté par Me Yves Bonard, avocat

_________

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
10 décembre 2020 (JTAPI/1112/2020)


EN FAIT

1) a. M. C______ (ci-après : le propriétaire) est propriétaire de la parcelle n° 1______, feuille 2______ de la commune de A______ (ci-après : la commune), à l’adresse route de D______ ______, au bas de E______, au bord du lac Léman (ci-après : le lac).

Cette parcelle, sise en 5ème zone, jouxte la parcelle n° 3______, sise hors zone, affectée au domaine public cantonal et constituée du lac, de F______ au lieu-dit du sauvetage de G______, de la rive jusqu’à environ la moitié du lac.

b. La parcelle n° 3______ est propriété de la commune. Elle est incluse dans un périmètre défini par le plan directeur cantonal 2030 (ci-après : PDCn 2030), lequel renvoie à la fiche C08 qui traite de la consolidation des espaces naturels protégés, comme site naturel et paysager protégé.

c. Selon le plan n° 4______, adopté par le Grand Conseil le 4 décembre 1992, ces deux parcelles sont incluses dans le périmètre de protection instauré par la loi sur la protection générale des rives du lac du 4 décembre 1992
(LPRLac - L 4 10).

2) B______ & Cie S.A. (ci-après : B______) a pour but la réalisation de tous travaux, étude, création, direction de chantiers, exploitation et entretien dans le domaine de la construction.

Dans le cadre de son activité lacustre, elle utilise des barges qui sont amarrées sur le lac grâce à des corps-morts, à savoir une dalle de béton reliée par une chaîne à une bouée, posés au fond du lac. La base de son exploitation lacustre se situe au quai marchand H______.

3) a. Dans un arrêt ATA/61/2011 du 1er février 2011, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a notamment établi qu’au printemps 2009, M. C______ avait interpellé le département des constructions et des technologies de l'information, devenu depuis lors le département du territoire (ci-après : DT ou le département), du fait que des
corps-morts et des barges étaient présents sur la parcelle n° 3______, entre le sauvetage de G______ et sa parcelle n° 1______. Il avait déposé auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission), devenue depuis lors le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), une action en constatation d’assujettissement à autorisation de construire avec requête de mesures provisionnelles urgentes concernant l’aménagement d’une zone d'entreprises dans le secteur de A______-G______, y compris l’installation de corps-morts et l’amarrage de barges à vocation industrielle, ainsi que la pose de containers sur le quai.

b. La chambre administrative a retenu que les corps-morts, qu’ils soient immergés ou entreposés au pied du mur de soutènement de E______, de même que les barges et les containers utilisés en lien avec les installations précitées étaient soumis à autorisation de construire en raison de leur caractère non provisoire et de leur impact sur l’environnement et le paysage Elle a ainsi confirmé la décision DCCR/5______/2010 rendue par la commission le 23 septembre 2010.

4) a. Dans un arrêt ATA/526/2016 du 21 juin 2016, la chambre administrative a entre autres établi que, le 12 novembre 2013, le DT, se référant à l’ATA/61/2011 précité, avait ordonné à B______ de déposer dans un délai de trente jours une requête en autorisation de construire ayant pour objet ses barges immatriculées GE 6______, GE 7______, GE 8______, GE 9______ et GE 10______ et les corps-morts répertoriés nos BE 11______, BE 12______, BE 13______ et BE 14______. Par décision du 13 novembre 2013, se référant également à l’ATA/61/2011, la capitainerie cantonale du service du lac, de la renaturation des cours d’eau et de la pêche (ci-après : SLRP) rattaché à la direction générale de l’eau (DGEau), devenue le 1er juin 2018 l’office cantonal de l’eau (ci-après : OCEau), transférée depuis lors au sein du DT, avait ordonné à B______ de déposer dans un délai de trente jours une requête en autorisation tendant à l’octroi de l’autorisation spéciale relevant du droit de la pêche pour lesdits corps-morts et barges, précisant qu’il statuerait ultérieurement sur les demandes d’occupation du domaine public et d’amarrage.

b. Sur le fond, la chambre administrative a rejeté le recours que B______ avait formé contre un jugement du TAPI du 28 mai 2014 (JTAPI/578/2014) et confirmé les deux décisions précitées lui ordonnant de déposer, pour quatre corps-morts et cinq barges lui appartenant, des requêtes en autorisation de construire et en autorisation spéciale relevant du droit de la pêche.

5) Le 30 janvier 2017, B______ a déposé cinq demandes d’autorisation de construire (ci-après : DD) concernant la parcelle n° 3______ :

- DD 15______, visant le « Positionnement du système d’amarrage du bateau pousseur GE 16______ » ;

- DD 17______, visant le « Positionnement du système d’amarrage de la barge 35______ GE 6______ » ;

- DD 18______, visant le « Positionnement du système d’amarrage des barges jumelées 33______ GE 8______ et GE 10______ » ;

- DD 19______, visant le « Positionnement du système d’amarrage de la barge 34______ GE 9______ ».

B______ a également déposé la DD 20______. À teneur d’un jugement du TAPI du 16 août 2018 (JTAPI/778/2018), une autorisation de construire avait été délivrée par le département, le 19 avril 2018, pour cette DD. Cette autorisation avait fait l’objet d’un recours par devant le TAPI en date du 17 mai 2018, dont la cause, enregistrée sous le n° A/1732/2018, a été rayée du rôle, suite à la renonciation par B______ à définitivement s’en prévaloir. Le 21 janvier 2019, B______ a déposé une DD 21______ destinée à remplacer la DD 20______ et visant la « Régularisation de corps-morts et stationnement d’un chaland noyeur ».

À l’appui des DD précitées, B______ a notamment expliqué, dans un « exposé des motifs », que les travaux lacustres étaient l’une de ses spécialités et qu’elle disposait d’un équipement complet amarré dans le secteur de G______. Elle déposait ses demandes d’autorisation suite à l’ATA/526/2016. Elle soulignait que « le système d’amarrage en place et notamment le positionnement, le nombre et le poids des corps-morts installés résultent d’observations et de modifications au fur et à mesure des tempêtes. L’emplacement des lests d’amarrage a été étudié de manière à assurer le maintien de la barge à un emplacement fixe évitant ainsi tous dégâts sur les bateaux alentours. Voilà plusieurs années que nous constatons la fiabilité de ces installations qui malgré la soudaineté et la violence des tempêtes ainsi que la modification des orientations du vent, n’ont subi aucun déplacement ou dommage. Ces corps-morts sont maintenus partiellement enfouis dans les sédiments lacustres et assurent un excellent ancrage dans le fond du lac ».

Dans un courrier du 30 octobre 2017 à l’office des autorisations de construire (ci-après : OAC), B______ a expliqué que la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) lui avait demandé d’utiliser des vis d’ancrage à la place des blocs en béton. Ses demandes visant une mise en conformité du système d’amarrage dont l’installation était bien antérieure aux exigences de vis d’ancrage, il serait disproportionné d’exiger la suppression des blocs pour les remplacer par des vis.

Les plans cadastraux et de positionnement du système d’amarrage étaient joints à chaque DD et indiquaient les coordonnées géographiques des corps-morts concernés au fond du lac ainsi que des bateau pousseur, barges et chaland noyeur y amarrés. Le dossier contenait également des fiches techniques mentionnant les dimensions et caractéristiques desdits objets. Il sera en particulier fait référence à ces différentes pièces dans la partie en droit du présent arrêt.

6) Parallèlement, B______ a déposé cinq requêtes en autorisation pour procéder à des travaux au sens de l’art. 8 de la loi fédérale sur la pêche du 21 juin 1991 (LFSP - RS 923.0), enregistrées sous les n° LRC 22______, 23______, 24______, 25______, 26______, ainsi que cinq requêtes d’autorisation d’occupation du domaine public.

7) Par décision du 8 mai 2018, le département a délivré l’autorisation de construire DD 18______ pour la « mise en place de quatre corps-morts pour amarrage de barges jumelées ». Simultanément, l’OCEau a accordé à B______ l’autorisation spéciale LCR 23______ pour travaux selon l’art. 8 LFSP.

Ces deux décisions ont été publiées dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton M______ (ci-après : FAO) du 8 mai 2018.

8) Par acte du 7 juin 2018, M. C______ a interjeté recours auprès du TAPI contre ces deux décisions, concluant principalement à leur annulation.

9) Par jugement du 11 avril 2019 (JTAPI/346/2019), en force, le TAPI a admis le recours de M. C______. La DD 18______ n’avait pas été instruite et traitée correctement : non seulement la procédure dérogatoire prévue par la loi n’avait pas été suivie, mais l’autorisation avait été délivrée sur la base d’un dossier lacunaire, insuffisamment instruit et sur la base d’un préavis incomplet et vicié. De telles irrégularités apparaissaient suffisamment graves pour entraîner l’annulation des autorisations querellées et le renvoi de la cause à l’autorité de décision pour nouvel examen du dossier dans le sens des considérants.

a. Le TAPI a précisé l’objet du litige et retenu que la requête DD 18______ avait été adressée au département sous l’intitulé « positionnement du système d’amarrage des barges jumelées 33______ GE 8______ et GE 10______ », remplacé ensuite par « mise en place de quatre corps morts pour amarrage de barges jumelées ». Si ces deux descriptifs n’étaient pas très clairs s’agissant de savoir si les barges jumelées étaient englobées dans la demande, les pièces figurant dans le dossier d’autorisation, soit en particulier l’exposé des motifs, les plans produits sur lesquels figuraient les coordonnées géographiques des barges ainsi que la fiche technique avec leurs dimensions sollicitée par la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC), démontraient que la procédure de régularisation visait aussi bien l’immersion des corps-morts que l’amarrage des barges jumelées, comme l’avait confirmé l’autorité intimée dans ses écritures, sans être contestée. Il n’y aurait d’ailleurs aucun sens de traiter séparément la mise en conformité du système d’amarrage des barges jumelées des embarcations elles-mêmes. Cette procédure de régularisation était intervenue suite à l’ATA/526/2016 du 21 juin 2016, arrêt dans lequel la chambre administrative avait confirmé la décision du département ordonnant à B______ de requérir une autorisation de construire pour les corps-morts et barges lui appartenant. Dans son arrêt ATA/61/2011 du 1er février 2011, la chambre administrative avait en effet considéré que ce type d’installations était soumis à autorisation de construire. Il convenait donc d’admettre que l’autorisation DD 18______ portait tant sur les
corps-morts répertoriés BE27______, BE28______, BE29______ et BE30______ que sur les barges jumelées 33______ GE 8______ et GE 10______ qui y étaient amarrées.

b. La loi sur les eaux du 5 juillet 1961 (LEaux-GE - L 2 05) et la LPRLac étaient applicables au projet litigieux, implanté sur la parcelle n° 3______ de la commune, située sur le lac et incluse, tout au moins pour la partie concernée par le projet, dans le périmètre protégé selon le plan n° 36______ annexé à la LPRLac.

Ces deux lois définissaient le régime d’affectation du lac et de ses rives, étant souligné à ce propos que la zone protégée concernée par le projet ne se superposait à aucune autre zone définie par le droit cantonal. Or, la LEaux-GE, dont l’objectif essentiel consistait à assurer la protection des eaux et de leurs rives contre les atteintes nuisibles, ne prévoyait aucune affectation particulière au lac, ni ne prévoyait qu’il puisse y être édifié, sur une base ordinaire, d’autres constructions que celles permettant d’atteindre les buts de protection visés à
l’art. 1 al. 1 LEaux-GE. Toute autre construction ne pouvait s’approcher de la limite du plan d’eau qu’en réalisant certaines conditions et devait alors faire l’objet d’une autorisation dérogatoire selon l’art. 15 al. 3 LEaux-GE. Une telle affectation ne pouvait pas non plus être déduite de la LPRLac, qui ne faisait qu’instaurer un certain nombre de restrictions aux constructions qui pouvaient être érigées dans le périmètre à protéger, sans toutefois attribuer aux rives du lac une affectation ou une fonction particulière. La parcelle n° 3______ - à savoir le lac -, où les installations litigieuses étaient implantées, devait dès lors être considérée comme inconstructible en tant qu’elle était incluse en zone protégée et qualifiée comme telle par le droit cantonal, sans qu’aucun plan d’aménagement ni aucune norme légale ne permette de lui attribuer une affectation spécifiquement destinée à des constructions. En conséquence, les installations en cause ne pouvaient être considérées comme conforme à la zone au sens de l’art. 22 al. 2 let. a de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) et seule une autorisation dérogatoire au sens des art. 24 LAT, respectivement de l’art. 15 al. 3 LEaux-GE, pouvait entrer en ligne de compte. Dans ces circonstances, une autorisation dérogatoire était nécessaire et les préavis de la commune ainsi que de la CMNS obligatoires en application de la LEaux-GE (art. 15 al. 4 LEaux-GE). Par ailleurs, en présence d’un projet sis en zone protégée, la CMNS devait également se déterminer sur l’impact potentiel de ce dernier sur le site (art. 5 al. 1 let. f du règlement d’exécution de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 novembre 1976 ; RPMNS - L 4 05.01).

La CMNS avait de plus, à tort, limité son examen du projet aux seules questions relatives aux corps-morts et à leur impact sur le fond lacustre. Elle n’avait ainsi en particulier pas examiné les questions relatives à l’impact des barges sur l’environnement et le paysage lacustre alors même que, tout comme les corps-morts auxquels elles étaient amarrées, les barges étaient implantées dans une zone protégée et étaient donc également susceptibles de porter atteinte au site, qu’elles fussent rattachées ou non à la rive. Au regard des buts de protection poursuivis par la LPMNS et la législation sur les eaux, la CMNS ne pouvait donc pas se prononcer sur le projet sans examiner également l’impact que représentaient ces dernières, étant relevé qu’aucune autre instance de préavis ne semblait s’être préoccupée de cet aspect.

Enfin, il ressortait des enquêtes que la CMNS s’était basée sur des informations erronées et incertaines pour établir son préavis. Ainsi, son représentant, qui avait notamment expliqué que le caractère temporaire de l’installation avait été essentiel au moment de délivrer leur préavis et que sans la réalisation future du nouveau port I______ celui-ci aurait sans doute été différent, avait précisé que la CMNS s’était basée sur l’engagement de la requérante du 27 novembre 2017 de retirer les corps-morts dès la mise en exploitation du futur port I______ et sur les indications du département évoquant un délai de réalisation d’environ trois ans. Or, en se référant aux explications du département et au document produit en audience, il apparaissait en réalité que ce terme de trois ans correspondait, au mieux, à la durée probable de la procédure d’adoption en cours du projet de modification des limites de zones du site I______, actuellement à mi-parcours. Au terme de celle-ci, le projet de port au I______ devrait toutefois encore faire l’objet d’une procédure d’autorisation de construire et d’une procédure de marchés publics avant que les travaux ne puissent démarrer. Ainsi, même en admettant, comme le soutenait le département, que le projet avançait correctement, la réalisation et la mise en exploitation du nouveau port n’interviendraient pas avant encore plusieurs années, reportant ainsi d’autant le déplacement des installations litigieuses au I______. La CMNS avait ainsi préavisé un projet avec une condition temporelle totalement incertaine, alors même qu’il s’agissait d’une condition essentielle.

10) Par décisions publiées dans la FAO du 20 février 2020, le département a octroyé à B______ les autorisations de construire DD 15______, DD 17______,
DD 18______, DD 19______ et DD 21______.

11) L'autorisation DD 15______ portait sur la « Régularisation I-32______ - mise en place d’un corps-morts pour amarrage d’un bateau pousseur - durée provisoire
5 ans », soit, concrètement, sur l'immersion d’un corps-mort composé d’un bloc de béton mesurant 2 m x 2 m x 0.25 m et pesant 2'500 kg posé au fond du lac. Les dimensions du bateau pousseur, embarcation à fond plat conçue pour le poussage des barges, étaient les suivantes : 2,2 m de large sur 7,28 m de long, soit une surface de 16,016 m2.

L'autorisation, qui avait nécessité une autorisation spéciale en vertu de
l'art. 8 LFSP et mentionnait des dérogations aux art. 15 LEaux-GE, 24 LAT et
8 LFSP, se fondait sur les préavis suivants :

- pour suite d’instruction, le 23 mars 2017, de la DAC qui a sollicité la production de documents complémentaires et notamment demandé que la description du projet faisant l'objet de l'autorisation soit libellée comme suit
« Mise en conformité du système d'amarrage (un corps-mort) du bateau pousseur GE 16______ » plutôt que la description contenue initialement sur le formulaire de demande d'autorisation de construire, à savoir « Positionnement du système d'amarrage du bateau pousseur GE 16______ ». La description de la demande a ainsi été précisée comme suit : « Régularisation 1-32______ - mise en place d’un
corps-mort pour amarrage d’un bateau pousseur - durée provisoire 5 ans » ;

- favorable, le 8 décembre 2017, de la commission consultative de la diversité biologique (CCDB) à une dérogation au sens des art. 13 et 6 LPRLac et sous réserve du transfert de l’installation lors de la mise en service du futur port I______ ;

- favorable, le 12 décembre 2017, de la direction générale de l’agriculture et de la nature (ci-après : DGAN), sous conditions que les corps-morts soient déplacés dans le port industriel I______, lors de sa mise en service, conformément à la planification lacustre ;

- favorable avec dérogations, le 11 juillet 2019, de la DAC en application des art. 15 LEaux-GE et 24 LAT ;

- favorable avec dérogations, le 19 juillet 2019, de la direction de la planification directrice cantonale et régionale (ci-après : SPI), en application de
l'art. 24 LAT et au vu de la nature provisoire du projet (durée limitée à cinq ans) ;

- défavorable, le 25 juillet 2019, de la commune, aux motifs qu'elle était opposée au stationnement de barges le long de cette rive et que cette zone n’était pas dédiée à l’amarrage de navires professionnels. Ce préavis faisait suite à un premier préavis défavorable, pour les mêmes motifs, du 20 décembre 2017 ;

- favorable, le 2 août 2019, de l’OCEau, aux dérogations des
art. 15 al. 3 LEaux et 41c al. 1 de l’ordonnance sur la protection des eaux du
28 octobre 1998 (OEaux - RS 814.201), à condition que la barge concernée soit transférée dès la mise en service du port prévu au I______ ; ce préavis faisait suite à un premier préavis du 13 mars 2019 ;

- favorable avec dérogations et sous conditions, le 6 août 2019, de la CMNS : « Vu le jugement du TAPI du 11 avril 2019, la commission réitère son préavis du 11 décembre 2018 et n'est pas opposée à l'usage de la dérogation de l'art. 15 al. 3 sous condition, à savoir : " Vu le poids de l'embarcation et l'engagement de retrait complet des corps-morts à la mise en exploitation du futur port I______, la commission ne s'oppose plus à cette mise en conformité à condition que les chaînes d'attache au corps-morts n'arrachent pas les herbiers des fonds lacustres, par un système de bouées intermédiaires par exemple " ». Ce préavis faisait suite à trois préavis des 5 avril 2017, 11 décembre 2018 et 5 février 2019. Il était ainsi renoncé à l’exigence initiale que les amarrages soient fixés sur des vis au fond du lac, en admettant la pose de corps-morts en béton.

12) L'autorisation DD 17______ portait sur la « Régularisation I-32______ - mise en place de six corps-morts pour amarrage d’une barge - durée provisoire 5 ans », soit, concrètement, sur l'immersion de six corps-morts, composés chacun d’un bloc de béton mesurant 2 m x 2 m x 0.25 m et pesant 2'500 kg, posés au fond du lac. Les dimensions de la barge, embarcation à fond plat servant de radeau pour le transport et le support d’exploitation des machines de chantier requises pour les travaux lacustres et fluviaux, étaient les suivantes : 2,9 m de large sur 5,88 m de long, soit une surface de 17,052 m2.

L'autorisation avait nécessité une autorisation spéciale en vertu de
l'art. 8 LFSP et mentionnait des dérogations aux art. 15 LEaux-GE, 24 LAT et
8 LFSP.

Dans le cadre de l’instruction du dossier, les préavis déterminants ont été émis par les instances spécialisées à la même date que ceux précités (DD 15______) et leur contenu est strictement identique.

13) L'autorisation DD 18______, qui avait fait l’objet de la procédure ayant mené au prononcé par le TAPI du jugement JTAPI/346/2019, portait sur la « Mise en place de quatre corps-morts pour amarrage de barges jumelées - durée provisoire 5 ans », soit concrètement, sur l'immersion de quatre corps-morts, composés chacun d’un bloc de béton mesurant 2 m x 2 m x 0.25 m et pesant 2'500 kg, posés au fond du lac. Les dimensions des barges jumelées étaient les suivantes : 8,14 m de large sur 10,39 m de long, soit une surface de 84,57 m2 et 6 m de large sur
11 m de long, soit une surface de 66 m2. Le maintien des installations autorisées à titre provisoire était limité à cinq ans (ch. 7 de l’autorisation).

L'autorisation avait nécessité une autorisation spéciale en vertu de
l'art. 8 LFSP et mentionnait des dérogations aux art. 15 LEaux-GE, 24 LAT et
8 LFSP.

Les préavis émis postérieurement au jugement du TAPI JTAPI/346/2019 du 11 avril 2019 avaient la même teneur que ceux précités (DD 15______). Il sera fait référence, en tant que de besoin, à d’autres préavis émis avant cette date dans la partie en droit du présent arrêt.

14) L'autorisation DD 19______ portait sur la « Régularisation 1-32______ - mise en place de cinq corps-morts pour amarrage d'une barge - durée provisoire 5 ans », soit concrètement, sur l'immersion de cinq corps-morts, composés chacun d’un bloc de béton mesurant 2 m x 2 m x 0.25 m et pesant 2'500 kg, posés au fond du lac. Les dimensions de la barge étaient les suivantes : 6,85 m de large sur 20,50 m de long, soit une surface de 140,425 m2.

L'autorisation avait nécessité une autorisation spéciale en vertu de
l'art. 8 LFSP et mentionnait des dérogations aux art. 15 LEaux-GE, 24 LAT et
8 LFSP.

Dans le cadre de l’instruction de ce dossier, les préavis déterminants ont été émis par les instances spécialisées à la même date que ceux précités (DD 15______) et leur contenu est strictement identique.

15) L'autorisation DD 21______ portait sur la « Régularisation 1-32______ - mise en place de corps-morts pour amarrage d'un chaland noyeur - durée provisoire
5 ans », soit concrètement, sur l'immersion d’un corps-mort, composé de cinq blocs de béton mesurant 2 m x 2 m x 0.25 m chacun et pesant 2'500 kg, posés au fond du lac et reliés par une chaîne d’une longueur de 50 mètres. Les dimensions du chaland noyeur, destiné à transporter des matériaux inertes, sédiments de dragage ou enrochement, sont les suivantes : 7,2 m de large sur 37 m de long, soit une surface de 266,4 m2.

L'autorisation, qui avait nécessité une autorisation spéciale en vertu de
l'art. 8 LFSP et mentionnait des dérogations aux art. 15 LEaux-GE, 24 LAT et
8 LFSP, se fondait sur les préavis suivants :

- favorable sous conditions et dérogations, le 1er février 2019, de la DAC qui a notamment demandé que la description du projet faisant l'objet de l'autorisation soit libellée comme suit « Mise en place de corps-morts pour amarrage d’un chaland noyeur (régularisation) » plutôt que la description contenue initialement sur le formulaire de demande d'autorisation de construire ;

- favorable, le 11 mars 2019, de la DGAN, sous conditions que les
corps-morts soient déplacés dans le port industriel I______, lors de sa mise en service, conformément à la planification lacustre ;

- favorable, le 6 août 2019, de l'OCEau à la dérogation prévue à l'art. 15
al. 3 LEaux, précisant que l'amarrage de la barge de largage n'aurait pas d'impact majeur sur la densité des herbiers aquatiques et ne se situait pas dans une zone à plantes aquatiques sensibles. Elle exigeait toutefois que le chaland noyeur soit transféré dès la mise en service du port prévu au I______. Ce préavis faisait suite à un premier préavis favorable du 21 mai 2019 ;

- favorable avec dérogations et sous conditions, le 6 août 2019, de la CMNS. Ce préavis a la même teneur que ceux précités de cette instance ;

- défavorable, le 12 septembre 2019, de la commune aux motifs qu'elle était opposée au stationnement de barges le long de cette rive et qu'elle ne souhaitait pas voir pérenniser une situation provisoire. Ce préavis faisait suite à un premier préavis défavorable du 28 février 2019 dans lequel elle indiquait être opposée à toute installation liée à un port industriel.

16) Par courrier du 20 février 2020, le département a informé le conseil administratif de la commune que l'amarrage des installations lacustres n'était prévu que pour une durée déterminée, soit jusqu'au déplacement des barges au futur port I______, raison pour laquelle l'autorisation était limitée à cinq ans.

17) Le même jour, le département a par ailleurs infligé une amende administrative de CHF 8'000.- à B______, considérant que les travaux visés par les autorisations précitées avaient été engagés sans autorisation.

18) Le même jour encore, l’OCEau a délivré à B______ cinq autorisations spéciales au sens de l'art. 8 LFSP nos LRC 22______, LRC 23______, LRC 24______ LRC 25______ et LRC 26______, dans le cadre des procédures d'autorisation précitées.

Ces autorisations spéciales portaient sur les mises en place de corps-morts pour les amarrages d'un bateau pousseur (DD 15______ ; régularisation), de deux barges (DD 17______ et DD 19______ ; régularisations), de barges jumelées
(DD 18______) et d'un chaland noyeur (DD 21______ ; régularisation) pour une durée provisoire de cinq ans dans le secteur de G______, étant précisé que ces installations seraient déplacées au port I______ lorsque celui-ci serait créé.

Elles étaient délivrées sous trois conditions :

- les travaux réalisés dans le lac devaient être effectués en dehors de la période allant du 1er avril au 31 mai ;

- toutes les mesures nécessaires devaient être prises durant les travaux afin d'éviter les atteintes au milieu aquatique du lac (pollution de l'eau, colmatage des fonds, dégâts sur la végétation aquatique et les rives etc.) ;

- l'OCEau devait être avertie au moins trois semaines avant le début des travaux.

19) Par cinq actes séparés datés du 23 mars 2020, M. C______ a recouru à l’encontre des décisions précitées (DD et autorisations spéciales) auprès du TAPI, concluant principalement à leur annulation, sous suite de frais et dépens. Préalablement, il a sollicité l’apport d’autres procédures, la tenue d’un transport sur place, l’audition des membres de la CMNS ayant statué lors de la séance ayant abouti au préavis du 6 août 2019, l’audition de la commune et à ce qu’il lui soit donné acte de ce qu’il se réservait le droit de déposer des pièces complémentaires et de compléter ses écritures ensuite des auditions requises.

a. Les griefs invoqués à l’appui des cinq recours étaient identiques. En substance, la CMNS n’avait pas suivi les directives et exigences contenues dans le jugement du TAPI du 11 avril 2019 au moment de rendre son préavis. En particulier, elle ne s'était pas prononcée sur la question de la pollution des eaux et des risques de chavirage des embarcations de B______, réels dangers pour l'environnement lacustre. Elle avait par ailleurs rendu ce dernier sans même avoir évoqué, ni pris en compte l'ensemble des autorisations de construire déposées par B______ et qui s'inscrivaient dans un même projet, n’appréciant ainsi pas la globalité et l'ampleur de la zone industrielle implantée sur le lac. Aussi son audition s’avérait indispensable. Le département avait quant à lui mésusé de son pouvoir d'appréciation en octroyant les autorisations de construire litigieuses en dépit des manquements de la CMNS lors de son examen du dossier et du préavis défavorable de la commune. Les autorisations querellées, vu les caractéristiques de leurs objets, violaient les art. 14 et 15 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) dès lors qu’il verrait sa vue sur le lac considérablement restreinte pour n'apercevoir qu'une zone industrielle flottante, sans compter l'atteinte auditive au vu du mouvement des barges qui venaient s'amarrer devant sa parcelle grâce auxdits corps-morts, ce d'autant plus que B______ s'était vu autoriser ses cinq demandes, similaires, sur la même parcelle, laquelle accueillerait ainsi à tout le moins vingt-et-un corps-morts, ce qui représentait une soixantaine de barges et une surface industrielle de 10'500 m2. Les barges hébergeaient des produits et matériaux polluants et dangereux pour la nature et la faune et le risque de chavirage des barges avait été constaté à plusieurs reprises. Le fait que l'autorisation était délivrée pour une durée provisoire de cinq ans n’y changeait rien et aucune garantie n’avait été donnée que l'intimée retire effectivement à l'échéance de ce délai ses barges et corps-morts. Un renouvellement des demandes n’était enfin pas exclu.

b. De même, les autorisations violaient des dispositions de la LAT et de la LEaux-GE. Le département ne pouvait en tout état pas faire sans autre prévaloir le préavis incomplet et vicié de la CMNS sur celui de la commune. Le projet n'était notamment pas conforme aux conditions de dérogation prévues aux art. 17 LAT ou 15 LEaux-GE.

c. Le projet portait également atteinte à l’environnement, violant en particulier des dispositions de la LFSP, de la LPRLac et de l'ordonnance sur les réserves d’oiseaux d’eau et de migrateurs d’importance internationale et nationale (OROEM - RS 922.32). Il violait de même les art. 22 et 24 LAT en l’absence de planification préalable dès lors que la parcelle n° 3______ se situait dans une zone protégée et dans une réserve naturelle d'oiseaux d'eau d'importance nationale et internationale.

d. S’agissant du bateau pousseur, des barges et du chaland noyeur, aucune demande d'autorisation n'avait clairement été formulée bien qu’il s’agissait d'installations au sens de l'art. 22 al. 1 LAT. Les autorisations allaient également à l'encontre des objectifs du PDCn 2030.

Ces recours ont été ouverts sous les nos de cause A/1098/2020
(DD 21______), A/1099/2020 (DD 15______), A/1100/2020 (DD 19______), A/1101/2020 (DD 17______) et A/1102/2020 (DD 18______).

20) Par cinq actes séparés du 23 mars 2020, la commune, sous la plume de son conseil, a également interjeté recours auprès du TAPI contre les autorisations
DD 15______, 17______, 18______, 19______ et 21______, concluant principalement à leur annulation, sous suite de frais et dépens. Préalablement, elle a sollicité la jonction des causes, le dépôt, par le département, de l’intégralité des dossiers relatifs auxdites DD, la tenue d’un transport sur place, la comparution des membres de la CMNS ayant formulé le préavis et la production du dossier relatif à la sanction prononcée contre B______.

Les griefs invoqués à l’appui des cinq recours étaient identiques. En substance, le département n'avait pas respecté la procédure prévue à l'art. 3 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1) puisqu'il n'avait pas procédé à une analyse et à une pondération des intérêts déterminants, les autorisations querellées se contentant de constater qu'une demande avait été déposée et que les dérogations des divers services concernés avaient été obtenues. Une telle façon de faire devait conduire à l'annulation des décisions querellées.

Le département avait pour le surplus commis un excès de son pouvoir d’appréciation en délivrant les autorisations de construire alors que les conditions d’octroi n’étaient pas remplies et que de nombreux intérêts publics et privés s'opposaient à leur délivrance, uniquement motivée par l’intérêt économique de B______. En particulier, les installations litigieuses auraient un impact important et négatif sur l'environnement et portaient en outre préjudice aux riverains et aux genevois jouissant du site de G______ et du quai de A______, en particulier durant la belle saison.

Les autorisations querellées violaient enfin les art. 15 LEaux-GE et 15 LCI. Malgré le renvoi du TAPI dans ce sens (JTAPI/346/2019), il ne ressortait absolument pas du préavis de la CMNS que cette dernière avait analysé la question des risques d'atteinte au site que représentaient les barges, que ce soit du point de vue environnemental ou esthétique. Les conditions de l'octroi de la dérogation n’étaient ainsi pas remplies et la pesée des intérêts en présence n’avait de plus pas été effectuée.

Ces recours ont été ouverts sous les nos de causes A/1103/2020
(DD 19______), A/1104/2020 (DD 15______), A/1105/2020 (DD 17______), A/1106/2020 (DD 18______) et A/1107/2020 (DD 21______).

21) Dans ses observations du 2 juillet 2020, identiques pour les dix causes, le département a conclu au rejet des recours de M. C______ et de la commune et à la confirmation de ses décisions du 20 février 2020.

22) Par écritures séparées du même jour, B______ a conclu au rejet des recours de M. C______ et de la commune et à la confirmation des décisions et autorisations spéciales querellées.

23) Le 3 juillet 2020, l’OCEau a conclu au rejet des recours, relevant que ses observations se limitaient à la contestation concernant les autorisations spéciales fondées sur l'art. 8 LFSP, invitant pour le surplus le TAPI à se référer aux observations et conclusions de l’OAC.

24) Invitée à répliquer dans les causes A/1103/2020, A/1104/2020, A/1105/2020, A/1106/2020 et A/1107/2020, la commune n’a pas donné suite.

25) M. C______ a répliqué par cinq écritures séparées au contenu pour l’essentiel identique.

26) B______ a dupliqué par cinq écritures séparées au contenu pour l’essentiel identique.

27) Par dupliques des 23 septembre et 8 octobre 2020, l’OCEau et le département ont persisté dans leurs conclusions et observations.

28) Par jugement du 10 décembre 2020, le TAPI a joint les procédures sous la cause n° A/1098/2020 et rejeté les recours de la commune et de M. C______.

a. Dans la partie en fait de ce jugement, le TAPI a notamment rappelé ce qui suit concernant la planification directrice cantonale et port I______.

Le Plan directeur cantonal 2015 identifiait, dans les « principes d'aménagement et de localisation », l'idée de « réorganiser le positionnement des entreprises lacustres » (Fiche C09 adoptée le 20 septembre 2013, p. 249). Il donnait mandat au canton d'établir une image directrice des développements attendus sur les eaux publiques. La Fiche C09 mentionnait en conclusion, dans la synthèse des projets en cours, que le déplacement des entreprises de travaux lacustres en était au stade de l'information préalable (au sens de l'art. 5 al. 2
let. c OAT).

Le 8 octobre 2014, le Conseil d’État a adopté le schéma de protection d'aménagement et de gestion des eaux du lac (ci-après : SPAGE)
J______, lequel constitue une planification directrice fondée sur les
art. 13 LEaux-GE et 13 du règlement d'exécution de la loi sur les eaux
(REaux-GE - L 2 05 01). Dans le plan de mesures prévues par le SPAGE se trouve une fiche relative à la gestion des places d'amarrage et de la batellerie
(cf. p. 109), qui indique que les embarcations des entreprises de travaux lacustres, sises dans la rade, pourraient être déplacées sur des sites plus adéquats, tels le quai de A______ en améliorant l'impact paysager et au I______ en aménageant une infrastructure appropriée afin de stocker une part importante du parc. Une carte illustre les actions prévues dans le domaine lacustre. Elle permet notamment de localiser l'emplacement des sites actuels des entreprises de travaux lacustres. Par ailleurs, il ressort de cette carte que le quai de A______ et le I______ sont des sites retenus pour des activités professionnelles à venir.

La version révisée du PDCn 2030 (fiche C09, version mise en enquête publique en 2017) prend acte de la réalisation de l'étude des rives du lac et opte pour la réalisation de la zone portuaire au I______, en vue de libérer le quai marchand H______ des entreprises de travaux lacustres (projet en état de coordination « en cours »). Ce port est désormais localisé sur la cartographie du PDCn (voir la carte n° 4).

Il ressort du rapport du Conseil d'État au Grand Conseil sur le 6ème programme de renaturation des cours d'eau 2019-2023 du 27 mars 2019
(RD 1273), que les travaux de réalisation d'un port, de la renaturation I______ et d'une zone de loisirs devraient débuter en 2021 pour s'achever en 2024 (pp. 36 in fine et 37) et le chef de la capitainerie cantonale avait indiqué qu'aucun accident, chavirage ou autre problème avec les barges concernées n'avait été constaté par la capitainerie depuis ces dix dernières années.

Une première enquête publique relative à la procédure de modification des limites de zones (MZ) N° 31______ K______ et L______ – « Le I______ » (création d’une zone industrielle et artisanale, d’une zone sportive et d’une zone de verdure, destinées à un port pour les embarcations professionnelles et à l’aménagement d’une zone de délassement, et modifiant partiellement la loi de protection générale des rives du lac) a enfin été ouverte le 18 octobre 2018, suivie d’une deuxième du 13 décembre 2019 au 18 janvier 2020, suite à l’évolution du plan pour améliorer la sécurité du port et son utilisation. Le
10 mars 2020, le conseil municipal de la commune de K______ a préavisé favorablement le projet de MZ N° 31______. Le 23 juin 2020, le conseil municipal de L______ a renvoyé à la commission aménagement et environnement le projet de délibération relative au projet de MZ N° 31______, Projet préavisé défavorablement lors de sa séance du 15 septembre 2020 .

b. Sur le fond, le TAPI a rappelé que dans son jugement du 11 avril 2019 (JTAPI/346/2019), il avait notamment retenu que la CMNS ne pouvait limiter son examen du projet aux seules questions relatives aux corps-morts et à leur impact sur le fond lacustre mais devait également examiner l’impact des barges sur l’environnement et le paysage lacustre. Il lui reprochait par ailleurs d’avoir préavisé un projet avec une condition temporelle totalement incertaine, alors même qu’il s’agissait d’une condition essentielle.

Depuis lors, la CMNS avait rendu cinq nouveaux préavis favorables le
6 août 2019 (DD 15______ à DD 19______ et DD 21______), avec dérogation au sens de l'art. 15 al. 3 LEaux-GE et sous condition : « Vu le poids de l'embarcation et l'engagement de retrait complet des corps-morts à la mise en exploitation du futur port I______, la commission ne s'oppose plus à cette mise en conformité à condition que les chaînes d'attache au corps-morts n'arrachent pas les herbiers des fonds lacustres, par un système de bouées intermédiaires par exemple ». Ce préavis faisait suite à trois précédents préavis des 5 avril 2017, 11 décembre 2018 et 5 février 2019. Il était renoncé à l’exigence initiale que les amarrages soient fixés sur des vis au fond du lac, en admettant la pose de corps-morts en béton.

L’instruction des requêtes s’était par ailleurs poursuivie avec la délivrance des préavis de la DAC (DD 21______), de la DGAN (DD 21______), de la SPI, de l'OCEau et de la commune, tous favorables aux projets sous conditions que les installations soient transférées dès la mise en service du port prévu au I______ et/ou à la dérogation prévue à l'art. 15 al. 3 LEaux-GE, à l’exception de la commune. L’OCEau avait notamment précisé que l'amarrage de la barge de largage n'aurait pas d'impact majeur sur la densité des herbiers aquatiques et ne se situait pas dans une zone à plantes aquatiques sensibles. Quant à la commune, elle était opposée au stationnement de barges le long de cette rive et ne souhaitait pas voir pérenniser une situation provisoire.

S’agissant des préavis favorables des DAC, CCDB et DGAN délivrés en 2017 dans le cadre des DD 15______, DD 17______, DD 18______, DD 19______, ils étaient également conditionnés au déplacement des corps-morts dans le port industriel I______, lors de sa mise en service.

Les autorisations querellées renvoyaient auxdits préavis, dont le préavis liant de l’OCEau, aux autorisations spéciales en vertu de l'art. 8 LFSP et mentionnaient des dérogations aux art. 15 LEaux-GE et 24 LAT. Il devait ainsi être admis que l’instruction des autorisations querellées s’était faite de manière complète.

Les craintes d’un maintien des installations querellées au-delà de la durée de cinq ans autorisée étaient sans fondement et en tout état largement prématurées, les autorisations de construire indiquant, sans équivoque, une durée de cinq ans et toute prolongation de celles-ci nécessiterait, si elle était requise, l’octroi de nouvelles autorisations de construire.

c. L’instruction des requêtes en autorisations querellées s’était faite de manière complète et en tenant compte des exigences posées dans le JTAPI/346/2019, notamment s’agissant de l’impact du projet sur les fonds lacustres, l’environnement et le site concerné. Dans le cadre de la pesée des intérêts en présence, les préoccupations liées à la préservation de la flore, de la faune et du site avaient ainsi été dûment prises en compte par la CMNS dont les conditions du préavis étaient reprises dans l'autorisation de construire. De même la CCDB et l’OCAN, également compétents en matière de préservation de la flore aquatique, avaient considéré que l'impact sur le fond lacustre ne posait pas de problème, tout en demandant un transfert de ces amarrages au I______, une fois ce nouveau port réalisé. L’office de l'urbanisme s’était enfin également prononcé en faveur d'une dérogation au sens de l’art. 24 LAT. Il n’était pour le surplus pas contesté que l’amarrage des barges dans le lac était imposé par sa destination.

Rien ne permettait de considérer que les installations litigieuses auraient des effets importants sur l'environnement, le paysage ou l'aménagement du territoire. Il n’était pas démontré qu’elles portaient atteinte au fond lacustre, qu’elles seraient instables avec risque de pollution, étant rappelé que B______ était spécialisée dans les travaux lacustres, disposait d'un équipement complet et adéquat aux travaux aquatiques et que la fiabilité de ses installations était éprouvée.

d. L'art. 15 LEaux-GE, dont les conditions procédurales étaient satisfaites, n'appelait pas une autre analyse. La CMNS avait dûment pris en considération l'existence de l’ensemble des demandes concernées, qu’elle avait préavisées lors d’une même séance, soit le 6 août 2019. Il découlait pour le surplus de sa référence au jugement du TAPI (JTAPI/346/2019 précité) qu’elle avait procédé aux examens requis et pris en considération la présence des embarcations qui étaient amarrées aux corps-morts, étant rappelé qu’un préavis favorable n'avait pas à être motivé. L’opposition de la commune, dont le préavis était consultatif, au projet ne saurait faire obstacle à ce dernier alors même que les conditions de l’art. 15 LEaux-GE étaient remplies et que les intérêts en présence avaient été dûment pris en compte.

e. Les considérations qui précédaient rendaient pour le surplus sans substance les griefs de violations des art. 14 et 15 LCI. Les corps-morts étaient totalement immergés au fond du lac et se trouvaient à plus de septante mètres au sud-ouest de la parcelle de M. C______, ne lui causant ainsi aucune atteinte visuelle ou auditive en tant que telle. Quant aux bateau pousseur, chaland noyeur et barges, les photographies versées au dossier montraient qu’il s’agissait d’installations de tailles raisonnables. De loin, le bateau pousseur, d’une surface de 16,016 m2 et le chaland noyeur, d’une surface de 266,4 m2, étaient tout à fait comparables à des bateaux de plaisance ou de la Compagnie générale de navigation (CGN). Quant aux barges, au nombre de quatre, elles étaient sises au raz de l’eau et leur surface totale était de 223.477 m2 (17,052 + 66 + 140,425). Ces installations n’étaient pour le surplus visibles que lorsqu'elles n’étaient pas utilisées sur des chantiers, ailleurs sur le lac. B______ avait pour le surplus précisé, sans être contredite, que le « trafic » dû au déplacement des barges et autres embarcations amarrées aux corps-morts était faible et n’était pas susceptible d'entraîner une quelconque atteinte auditive.

f. Le TAPI a pour le reste rejeté les griefs en lien avec les violations de l’OROEM, de l’obligation de planifier, de non prise en considération des objectifs imposés par le PDCn 2030. Il a enfin confirmé les autorisations spéciales délivrées sur la base de l’art. 8 LFSP.

29) Par acte du 1er février 2021, la commune a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative. Elle a conclu, sous suite de frais et dépens, à son annulation ainsi qu’à l’annulation des autorisations de construire DD 15______ à DD 19______ et DD 21______.

a. L’art. 3 OAT avait été violé.

Dans le cadre de son analyse des griefs, le TAPI avait détaillé la chronologie et le contenu des préavis délivrés par les diverses entités administratives concernées avant d’indiquer que les autorisations querellées renvoyaient auxdits préavis, dont le préavis liant de l’OCEau, aux autorisations spéciales en vertu de l’art. 8 LFSP et mentionnait des dérogations aux art. 15 LEaux-GE et 24 LAT. Il fallait selon le TAPI admettre que l’instruction des autorisations querellées s’était faite de manière complète. En d’autres termes, le TAPI avait reconnu que le département s’était contenté de réunir les préavis requis, sans procéder à la pesée globale des intérêts en présence imposée par la jurisprudence, l’ensemble des avis exprimés par les divers services concernés ne constituant pas encore une telle pesée. C’était en effet à l’autorité compétente, ici l’OAC, qu’il incombait de pondérer et d’évaluer les intérêts déterminants. Celui-ci n’était pas une simple chambre d’enregistrement qui pourrait se contenter de constater que le projet n’avait pas suscité d’opposition dirimante. Il devait procéder à la pesée des intérêts en présence et exposer de façon suffisante, dans son autorisation, les éléments pris en compte et le résultat de sa démarche. Cela n’avait pas été fait dans le cas présent.

b. Les conditions d’octroi de l’autorisation de construire avaient été violées, l’autorité avait commis un excès de son pouvoir d’appréciation et son droit d’être entendue avait été violé.

Le TAPI avait à juste titre retenu que les autorisations querellées ne portaient pas sur des constructions ou installations conformes à la zone et qu’une dérogation au sens de l’art. 24 LAT était nécessaire. Il n’avait toutefois pas fait une application correcte de cette disposition. S’agissant de la première condition, à savoir que la construction ou l’installation devait être conforme à sa destination, il n’était pas contesté que tel était le cas avec l’amarrage de barges dans le lac. Mais il fallait en outre démontrer, concrètement, pour quelle raison les autorisations sollicitées étaient nécessaires pour atteindre le but visé, notamment s’agissant de l’ampleur de la dérogation sollicitée. Des solutions alternatives et des emplacements alternatifs devaient être débattus.

Il devait donc être démontré pour quelles raisons l’implantation d’autant de corps-morts serait nécessaire pour atteindre le but visé ce qui n’avait été fait ni par le département ni par le TAPI. Si B______ prétendait que les corps-morts demandés étaient nécessaires à l’exploitation des barges et à l’exécution de projets d’intérêt public, elle n’exposait pas de manière détaillée ce qui permettrait de parvenir à de telles conclusions, ni ne détaillait les raisons pour lesquelles des éventuels projets d’intérêt public nécessitant des barges pour leur réalisation seraient menacés par le rejet des demandes d’autorisations contestées.

La problématique des solutions et emplacements alternatifs n’avait pas été débattue suffisamment ce qui n’était pas acceptable. Le département n’avait en particulier pas exposé pour quelle raison les corps-morts devraient être regroupés plutôt que d’être éparpillés sur le lac ce qui permettrait de minimiser, respectivement de diffuser les atteintes. Le TAPI s’était pour sa part contenté de retenir que le fait qu’un autre emplacement serait envisageable ne signifiait aucunement que les autorisations devraient être refusées pour ce seul motif.

Le TAPI n’avait pas fait de distinction entre les différentes autorisations de construire. Or, il semblait acquis que si quatre d’entre elles concernaient la régularisation de corps-morts déjà immergés, la cinquième portait sur l’immersion de nouveaux corps-morts. Ces deux situations appelaient deux pesées des intérêts distinctes. A minima, le TAPI aurait dû exposer les raisons pour lesquelles il jugeait pertinent d’immerger quatre corps-morts, d’un poids total de 10'000 kg, destinés à n’être utilisés que durant cinq ans.

Il était possible que B______ ait immergé illégalement les quatre
corps-morts en mai 2018. Soit tel n’était pas le cas et il ne se justifiait pas d’autoriser, pour un usage limité à cinq ans l’immersion de dix tonnes de béton dans le lac et la destruction des fonds lacustres qui en serait le corollaire, soit ces corps-morts avaient été immergés illégalement et le comportement de B______ devait être sanctionné par un ordre de remise en l’état, une telle manière de procéder ne pouvant être ratifiée. Malgré l’importance de cette question soulevée par la commune, le TAPI n’avait pas cherché à savoir si de nouveaux corps-morts allaient être immergés à la suite de son jugement. Il n’y avait pas consacré une ligne et avait rejeté la demande de transport sur place qui lui aurait permis de se prononcer en connaissance de cause. Ce faisant, il avait violé son droit d’être entendue en écartant sans motif valable une offre de preuve pertinente.

Au surplus, en effectuant la pesée des intérêts, il aurait été utile de se demander s’il n’était pas souhaitable d’implanter les corps-morts non pas dans une même zone mais en différents endroits. L’installation de ces corps-morts, en particulier des barges, immenses plateformes industrielles composées de métal rouillé soutenant des machines de chantier ou des matériaux de construction portait atteinte aux riverains et à la beauté du site.

c. L’art. 15 LCI avait été violé et l’autorité avait commis un abus de son pouvoir d’appréciation.

Il était notoire que le quai de A______, par le dégagement sur le lac et la Ville M______ qu’il offrait, était l’un des plus beaux sites du canton. Il était également notoire que ce lieu n’était a priori pas destiné à accueillir des activités artisanales ou industrielles. Aucune zone de ce type ne se trouvait à proximité. Le législateur genevois avait accordé au site de multiples degrés de protection. Le rivage de la parcelle en cause était notamment colloqué en zone de protection de la nature et paysage, élément qui devait être pris en compte dans le cadre de l’application de l’art. 15 LCI.

La présence de bateaux pousseurs, de chalands noyeurs et de barges soutenant des machines de chantier ou des matériaux de construction détonnerait dans ce paysage. Pourtant, le TAPI s’était contenté d’une analyse succincte en retenant que les photographies versées au dossier montraient qu’il s’agissait d’installations de tailles raisonnables, visibles que lorsqu’elles n’étaient pas utilisées sur des chantiers, ailleurs sur le lac. Le TAPI avait en outre précisé que le bateau pousseur et le chaland noyeur étaient comparables à des bateaux de plaisance ou de la CGN. Or, les bateaux parfaitement restaurés et entretenus de la CGN étaient « Belle Époque », réputés pour leur beauté, alors que ceux de B______ étaient des embarcations à usage industriel. La comparaison de ces deux éléments incomparables effectuée par le TAPI était insatisfaisante puisqu’elle ne permettait pas de répondre à la question de savoir si l’aspect extérieur des installations nuirait au caractère, à l’intérêt ou à l’accessibilité du site. En esquivant la question, le TAPI avait évité de devoir constater que tel était le cas. Cela était d’autant plus vrai que ce dernier avait relevé que le trafic des embarcations serait faible ce qui signifiait qu’elles étaient susceptibles, ce qui se confirmait en pratique, de stationner durant de longues périodes sur le littoral du quai de A______ et de porter ainsi atteinte à ce site.

30) Le TAPI a transmis son dossier sans formuler d’observations.

31) Le 8 mars 2021, B______ a conclu au rejet du recours de la commune.

a. La retenue dont devaient faire preuve les autorités de recours était importante, le projet de construction contesté ayant fait l’objet d’un examen attentif de la part de la CMNS et des autres services consultés. Le TAPI avait examiné de manière approfondie les installations querellées, en particulier sous les angles techniques. Il avait en outre clairement opéré une distinction entre les différentes autorisations de construire et précisé le contenu des préavis rendus dans le cadre de la DD 15______ et de la DD 21______. Le jugement contesté avait donc été rendu ensuite d’une procédure d’instruction complète et minutieuse.

b. Le choix de l’emplacement résultait d’un critère fonctionnel objectif dont faisait état le SPAGE. Les embarcations des entreprises de travaux lacustres, sises dans la rade, pourraient être déplacées sur des sites plus adéquats, tels le quai de A______ en améliorant l’impact paysager et au I______ en aménageant une infrastructure appropriée afin de stocker une part importante du parc. Aussi longtemps que le regroupement des embarcations de chantier ne serait pas possible au port I______, il était logique que ces embarcations stationnent à proximité du point de chargement et déchargement pour les travaux lacustres. Or, c’était l’esplanade en contrebas du quai de A______ qui servait régulièrement, en l’état, à ces opérations. Le site de G______ était privilégié pour le mouillage des barges de chantier et de nombreuses embarcations de plaisance du fait qu’il était bien abrité des vents dominants et des vagues.

Le TAPI avait pour le reste dûment constaté que le nombre de corps-morts immergés se justifiait pour préserver au mieux les herbiers lacustres, la technique d’amarrage ayant au surplus l’avantage que leurs chaînes ne raclaient pas le fond du lac.

La commune tentait de faire passer le comportement de B______ pour illégal. Or, si l’autorisation de construire faisait l’objet d’une procédure de régularisation, ce n’était pas en raison d’un comportement préalable illégal, les barges mouillées au large de G______ ayant toujours fait l’objet d’une annonce auprès des autorités compétentes qui leur avaient accordé les autorisations considérées nécessaires au regard du droit en vigueur. La procédure de régularisation sous l’angle de la LCI avait été rendue nécessaire par un changement du cadre juridique découlant de l’ATA/526/2016 qui avait imposé, outre les autorisations relevant de l’usage accru du domaine public, que soit suivie une procédure d’autorisation de construire. La présence des barges était constatée dans cet arrêt par la chambre administrative.

On ne pouvait déduire du seul descriptif de la DD 18______ qu’elle portait sur l’immersion de nouveaux corps-morts. La DAC avait parfaitement compris qu’il s’agissait uniquement de régulariser la situation de corps-morts déjà immergés.

c. Les corps-morts n’étaient pas destinés à être installés de manière pérenne et elle se conformerait dès que possible à la condition posée lui imposant de démonter le mouillage dès que le port I______ serait mis en exploitation.

32) Le même jour, le département a conclu au rejet du recours.

a. Le département avait procédé à une pesée globale des intérêts. Il en avait informé la commune à l’époque de la délivrance des autorisations en cause. Le caractère provisoire le démontrait par ailleurs implicitement, cet élément ayant permis de relativiser le poids de certains intérêts.

b. Une dérogation selon l’art. 24 LAT pouvait être accordée aux installations litigieuses.

La nécessité d’un emplacement pour les installations lacustres en cause s’avérait démontrée du seul fait de la planification en cours au I______. C’était précisément en l’absence d’alternative, le temps que soit réalisé le projet I______, que l’emplacement litigieux avait été choisi.

Vu la dimension des barges, une certaine protection physique naturelle du site contre le courant lacustre était nécessaire. Certains lieux protégés pour des raisons esthétiques (plan de site de P______) ou environnementales (par exemple la N______) devaient être exclus. Il convenait en outre de prendre en considération les voies de navigation (CGN notamment). Ainsi, au vu de ces limitations, il n’existait que trois sites dans le lac pouvant accueillir les installations litigieuses : O______, écarté car déjà saturé de bateaux, G______, écarté en raison d’un conflit avec l’activité de pêche professionnelle et le quai de A______, retenu. Ce dernier avait également pour avantage d’être aisément accessible par la route, permettant d’effectuer sans contraintes d’éventuels chargements.

Les réflexions de la commune sur l’éparpillement des installations tout au long du lac devaient être rejetées.

Tout d’abord, en matière esthétique, la proposition de la commune signifierait que l’ensemble du pourtour du lac subirait les conséquences, ce qui était absurde. Ensuite, ce pourtour étant soumis à de multiples contraintes (environnementales, circulation sur le lac, ports de secours), une dispersion des installations était impossible pour d’autres motifs qu’esthétique. Enfin, un regroupement devait être privilégié pour des raisons fonctionnelles, puisqu’il permettait une diminution du trafic routier et lacustre.

Ainsi, c’était précisément en prenant en considération l’ensemble des contraintes du lac que le département avait considéré, après pesée des intérêts en présence, que la localisation choisie s’avérait être la plus opportune, dans l’attente de l’aménagement I______. Pour le surplus, une planification formelle en amont, pour exclure l’existence d’un autre site d’accueil, s’avérait inutile et disproportionnée sachant qu’il s’agissait d’une autorisation provisoire et qu’une partie des installations se trouvait déjà à cet endroit. Il s’avérait opportun de laisser les corps-morts déjà immergés à leur emplacement, la végétation s’y étant adaptée, plutôt que de les déplacer.

La commune n’indiquait pas quel intérêt prépondérant empêcherait la délivrance des autorisations en cause. Elle était la seule à s’opposer aux autorisations, défendant un intérêt idéal qu’était la préservation du paysage de son territoire alors qu’aucun riverain du site litigieux ne se plaignait d’une perte de vue. Les arguments de la commune tenaient plus de l’action populaire que de la défense de ses droits.

c. Le département n’avait pas à interdire les requêtes litigieuses sur la base de l’art. 15 LCI.

Aucune partie du lac n’était destinée à accueillir des activités artisanales ou industrielles tant que la modification de zone en cours de planification au I______ ne serait pas adoptée et mise en œuvre. Quoi qu’il en soit, les installations en cause devaient servir à des chantiers ailleurs sur le lac, soit à l’entreposage de barges lorsqu’elles n’étaient pas utilisées. La commune estimait que ces installations détonnaient dans le paysage. Il s’agissait d’une appréciation personnelle, au final seule véritable critique qu’elle formulait. Vu la vocation utilitaire des barges et les contraintes navales, il était difficile d’en modifier les gabarits ou, comme déjà exposé plus haut, de les implanter ailleurs. Finalement, c’était à juste titre que le TAPI avait cherché à visualiser ce que représenterait un bateau de la CGN. De manière très pertinente, il avait constaté que si certaines barges pouvaient atteindre des surfaces au sol comparables à ces bateaux, ces plateformes flottaient au raz de l’eau et ne mesuraient pas plusieurs étages de haut.

Dès lors que tant la CMNS, le département puis le TAPI s’étaient prononcés favorablement en motivant leurs décisions, la chambre administrative devait faire preuve d’une certaine retenue dans l’appréciation de la mise en œuvre de
l’art. 15 LCI.

33) Le 8 mars 2021 également, l’OCEau a renoncé à déposer des observations. Il a renvoyé à celles déposées par le département.

34) Le même jour, M. C______ a informé la chambre administrative qu’il n’avait aucune observation à formuler. Il s’en rapportait à justice.

35) Le 12 avril 2021, la commune a persisté dans ses conclusions.

a. Elle avait la suspicion que des corps-morts avaient pu être immergés le
3 mai 2018, cet élément de fait étant évoqué dans le jugement du TAPI. De plus, l’autorisation DD 18______ était la seule, parmi celles contestées, dont la description n’était pas modifiée à la suite de son dépôt par l’ajout de la mention « régularisation I-32______ ». Dans ces conditions, il apparaissait important de s’assurer qu’aucune des autorisations de construire ne portait sur des corps-morts qui auraient été immergés en 2018 seulement.

b. Elle ne passait pas sous silence le caractère provisoire des autorisations de construire querellées. Elle soulignait toutefois que le projet de nouveau port I______ n’était qu’au stade embryonnaire et que rien ne laissait supposer qu’il serait réalisé dans le délai indiqué par B______. Le projet avait été préavisé défavorablement pas le conseil municipal de L______, le processus serait long en raison de la modification de zone et une contestation judiciaire était probable.

36) Le 3 mai 2021, B______ a persisté dans ses conclusions et développements.

a. Un fait nouveau méritait d’être signalé. Il ressortait du point presse du Conseil d’État du 28 avril 2021, que ce dernier avait adopté à l’attention du Grand Conseil un projet de loi modifiant les limites de zones sur des terrains situés au lieu-dit « Le I______ ». Le nouveau projet n’était donc pas au stade embryonnaire.

b. La commune avait une nouvelle fois tenté de laisser entendre que de nouveaux corps-morts avaient été immergés en 2018 en se référant à la partie en droit du jugement contesté. Or, le TAPI n’avait que reproduit un fait allégué par M. C______ dans son recours du 7 juin 2018 à l’encontre de la DD 18______.

37) Le 5 mai 2021, le département a signalé à son tour le point presse du Conseil d’État du 28 avril 2021. Il a, le 27 mai 2021, informé la chambre administrative qu’il n’avait pas d’observations supplémentaires à formuler.

38) Le 27 mai 2021, la commune a répliqué.

L’adoption par le Conseil d’État du projet de loi mentionné par B______ et le département ne signifiait pas la réalisation rapide du projet de port au I______. Au vu des nombreuses étapes à surmonter, le délai de cinq ans annoncé ne pourrait pas être respecté et le caractère provisoire des installations litigieuses n’était pas prouvé.

39) Les parties ont été informées, le 2 juin 2021, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La parcelle n° 3______ se situant sur le territoire de la recourante, cette dernière a la qualité pour recourir (art. 145 al. 2 LCI).

3) La recourante se plaint d’une violation de son droit d’être entendue, le TAPI ayant écarté son offre de transport sur place.

a. Elle reproche au TAPI de ne pas avoir fait la distinction entre les différentes autorisations de construire en cause. S’il lui semblait acquis que quatre d’entre elles concernaient la régularisation de corps-morts déjà immergés, la cinquième portait sur l’immersion de nouveaux corps-morts. Le transport sur place aurait permis de vérifier si, comme elle en émettait l’hypothèse, la société intimée avait ou non immergé quatre corps-morts en mai 2018. Soit tel n’était pas le cas et il ne se justifiait pas d’autoriser, pour un usage limité à cinq ans l’immersion de dix tonnes de béton dans le lac et la destruction des fonds lacustres qui en serait le corollaire, soit ces corps-morts avaient été immergés illégalement et le comportement de la société intimée devait être sanctionné par un ordre de remise en l’état, une telle manière de procéder ne pouvant être ratifiée. La recourante a précisé, dans son écriture du 12 avril 2021, qu’elle avait la suspicion que des corps-morts avaient pu être immergés le 3 mai 2018, cet élément de fait étant évoqué dans le JTAPI/346/2019. De plus, l’autorisation DD 18______ était la seule, parmi celles contestées, dont la description n’était pas modifiée à la suite de son dépôt par l’ajout de la mention « Régularisation I-32______ ». Dans ces conditions, il apparaissait important de s’assurer qu’aucune des autorisations de construire ne portait sur des corps-morts qui auraient été immergés en 2018 seulement.

b. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2014 du 13 février 2015 consid. 4.1).

Le droit de faire administrer des preuves découlant du droit d'être entendu n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_635/2016 du 3 août 2017 consid. 4.2).

c. L’objet du litige est principalement défini par l’objet de la contestation, les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2)

d. En l’espèce, il apparaît que dans son jugement JTAPI/346/2019, entré en force, le TAPI a précisément tranché un litige concernant la conformité au droit de la première autorisation de construire DD 18______ délivrée par le département le
8 mai 2018. Comme le souligne la recourante, qui n’était pas partie à cette procédure, le TAPI y mentionne l’immersion, le 3 mai 2018, de corps-morts sans autorisation. Cette mention figure toutefois dans la partie en fait dudit jugement, le TAPI s’étant contenté de reproduire les allégués de la partie recourante sans que ce fait soit tenu pour établi.

Dans la partie en droit de ce jugement, le TAPI retient que les pièces figurant dans le dossier d’autorisation DD 18______, soit en particulier l’exposé des motifs rédigé par la société intimée, les plans produits sur lesquels figurent les coordonnées géographiques des barges ainsi que la fiche technique avec leurs dimensions sollicitée par la DAC dans son préavis du 23 mars 2017, démontrent que la procédure de régularisation vise aussi bien l’immersion des corps-morts que l’amarrage des barges jumelées. Il relève qu’il n’aurait fait aucun sens de traiter séparément la mise en conformité du système d’amarrage des barges jumelées des embarcations elles-mêmes. Les premiers juges retiennent que l’autorisation querellée porte ainsi tant sur les corps-morts répertoriés BE27______, BE28______, BE29______ et BE30______ que sur les barges jumelées 33______ GE 8______ et GE 10______ qui y sont amarrées. Les pièces auxquelles se réfère le TAPI, ainsi que les extraits du système d’information du territoire à Genève (SITG) figurant au dossier du département relatif à l’autorisation DD 18______, attestent en effet que cette dernière porte bien sur ces installations, leur localisation sur le lac étant au surplus établie en 2017 déjà.

Le fait que l’intitulé de l’objet de l’autorisation DD 18______ soit le seul à ne pas porter la mention « Régularisation I-32______ ( ) » mais la mention « Mise en place ( ) » n’est pas de nature à remettre en cause ce qui précède. Le dossier du département relatif à cette demande contient en effet, entre autres, les préavis émis le 23 mars 2017 puis le 22 décembre 2017 par la DAC et l’OAC. L’une et l’autre ont, dans leur préavis respectif, demandé que le libellé de la description de l’objet soit modifié et rédigé comme suit : « Mise en conformité du système d’amarrage (quatre corps-morts) des barges jumelées 33______ GE 8______ et GE 10______ ». Les préavis de la DGEau, de la SPI et de la SCNS émis en 2017, de même que celui de la CMNS en 2019, portent tous sur la « Mise en conformité ( ) ». Dans un courrier à l’OAC du 30 octobre 2017, la société recourante a du reste expliqué pourquoi, dès lors qu’il s’agissait de mettre en conformité le système d’amarrage, il ne fallait pas retirer les blocs en béton pour les remplacer par des vis d’ancrage.

Il découle de ce qui précède que le TAPI n’était pas tenu de donner une suite favorable à la requête de transport sur place formulée par la recourante, l’objet du litige, s’agissant de la DD 18______, étant circonscrit aux corps-morts répertoriés BE27______, BE28______, BE29______ et BE30______ et aux barges jumelées 33______ GE 8______ et GE 10______ qui y sont amarrées, ces objets ayant été identifiés en 2017 déjà. La recourante ne conclut pas, devant la chambre de céans, à des mesures d’instruction complémentaires, notamment à un transport sur place. Si tel avait été le cas, la chambre de céans aurait écarté cette requête pour les mêmes motifs.

e. Pour le reste, la question de savoir si d’autres barges ou corps-morts ont été installés sans autorisation est exorbitante à la présente cause.

4) Le litige porte sur la conformité au droit des autorisations de construire
DD 15______, 17______, 18______, 19______ et 21______.

5) La recourante fait grief au département de ne pas avoir procédé à la pesée des intérêts en présence que lui impose l’art. 3 OAT.

a. La recourante retient que, dans le cadre de son analyse, le TAPI se serait contenté de détailler la chronologie et le contenu des préavis délivrés par les diverses entités administratives, d’indiquer que les autorisations querellées renvoyaient auxdits préavis puis d’admettre que l’instruction des autorisations querellées s’était faite de manière complète. Toujours selon la recourante, le département se serait contenté de réunir les préavis requis, sans procéder à la pesée globale des intérêts en présence, l’ensemble des avis exprimés par les divers services concernés ne constituant pas encore une telle pesée. C’était en effet à l’autorité compétente qu’il incombait de pondérer et d’évaluer les intérêts déterminants. Celle-ci n’était pas une simple chambre d’enregistrement qui pouvait se contenter de constater que le projet n’avait pas suscité d’opposition dirimante. Elle devait procéder à la pesée des intérêts en présence et exposer de façon suffisante, dans son autorisation, les éléments pris en compte et le résultat de sa démarche. Cela n’aurait, selon la recourante, pas été fait dans le cas présent.

b. L’art. 3 al. 1 OAT prévoit que lorsque, dans l’accomplissement et la coordination de tâches ayant des effets sur l’organisation du territoire, les autorités disposent d’un pouvoir d’appréciation, elles sont tenues de peser les intérêts en présence. Ce faisant, elles : déterminent les intérêts concernés (let. a) ; apprécient ces intérêts notamment en fonction du développement spatial souhaité et des implications qui en résultent (al. 2) ; fondent leur décision sur cette appréciation, en veillant à prendre en considération, dans la mesure du possible, l’ensemble des intérêts concernés (al. 3). Elles exposent leur pondération dans la motivation de leur décision (al. 2).

Selon l’art. 8 LFSP, toute intervention sur les eaux, leur régime ou leur cours, ou encore sur les rives ou le fond des eaux est soumise à une autorisation de l’autorité cantonale compétente en matière de pêche (autorisation relevant du droit de la pêche), si elle est de nature à compromettre la pêche (al. 1). Sont notamment soumis à autorisation le curage mécanique des eaux, l’exploitation et le lavage de gravier, de sable ou d’autres matériaux dans les eaux ou encore la construction d’ouvrages destinés aux transports et qui sont de nature à compromettre la pêche (al. 2 let. f, g et l). Les installations qui sont agrandies ou remises en état sont considérées comme de nouvelles installations (al. 5).

L’art. 15 LEaux-GE prévoit qu’aucune construction ou installation, tant en sous-sol qu’en élévation, ne peut être édifiée à une distance de moins de 10, 30 et 50 m de la limite du cours d’eau, selon la carte des surfaces inconstructibles annexée à la LEaux-Ge (al. 1). Dans le cadre de projets de construction, le département peut accorder des dérogations, pour autant que celles-ci ne portent atteinte aux fonctions écologiques du cours d’eau et de ses rives ou à la sécurité de personnes et des biens pour des constructions ou installations d'intérêt général dont l'emplacement est imposé par leur destination (al. 2 let. a) ; des constructions ou installations en relation avec le cours d'eau (al. 2 let. b).

c. Dans le cas d’espèce, dans le processus qui a conduit à la délivrance des autorisations litigieuses, le département a fait usage de son pouvoir d’appréciation, lesdites autorisations appelant notamment l’application des
art. 8 LFSP et 15 LEaux. À la seule lecture de ces autorisations, il est difficile de distinguer comment l’autorité a pesé les intérêts en présence au sens de
l’art. 3 OAT. Les décisions litigieuses renvoient toutefois à des préavis favorables, qui n’ont en principe pas besoin d’être motivés (ATA/653/2021 du 22 juin 2021 consid. 7 et les arrêts cités), lesquels mentionnent les bases légales précises sur lesquels ils reposent. Les dérogations et éventuelles conditions posées sont également énoncées clairement. Celui de la CMNS du 16 août 2019, par exemple, se préoccupe des herbiers des fonds lacustres et des mesures qui doivent être prises pour en éviter l’arrachement. Par ailleurs, les dossiers de l’autorité contiennent notamment un « exposé des motifs » dans lequel la société intimée explique entre autres que les travaux lacustres sont l’une de ses spécialités et le sens de sa démarche. Les dossiers du département révèlent également que, par courrier du 20 février 2020, l’autorité a informé la recourante de ce que les autorisations en cause seraient délivrées. Ce courrier met en évidence le caractère provisoire desdites autorisations. Tant la chambre de céans que le TAPI ont au surplus rendu plusieurs arrêts en lien avec les barges et corps-morts mis en cause. Dans le cadre des procédures qui ont conduit aux prononcés de ces arrêts, l’autorité a, à plusieurs reprises, été amenée à motiver ses décisions, en particulier sous l’angle de la pesée des intérêts. Dans la présente procédure, devant le TAPI, l’autorité a ainsi souligné que la pesée des intérêts en jeu avait été aisée, toutes les autorités appelées à donner un préavis l’ayant fait positivement, à l’exception de la recourante. L’autorité n’avait ainsi dû écarter aucun intérêt de politique publique. Devant le TAPI, l’autorité insiste à nouveau, répondant à une crainte de la recourante de voir la situation se pérenniser, sur le caractère provisoire des autorisations délivrées. Elle y expose également avoir retenu à la suite du préavis de l’OCEau que les amarrages n’auraient pas un impact majeur sur la densité des herbiers aquatiques et que les installations ne se situaient pas dans une zone à plantes aquatiques sensibles. Enfin et surtout, les premiers juges rappellent dans leur jugement litigieux qu’ils avaient précédemment (JTAPI/346/2019) retourné le dossier à l’autorité, la CMNS ne pouvant se limiter à l’examen du projet aux seules questions relatives aux corps-morts et à leur impact sur le fond lacustre mais devant également examiner l’impact des barges sur l’environnement et le paysage lacustre. Les premiers juges font état des nouveaux préavis rendus par la CMNS en 2019 suite à cet arrêt et à la prise en compte par cette dernière de nouveaux intérêts environnementaux en lien avec les chaînes d’attache et le respect des herbiers des fonds lacustres. Les premiers juges insistent eux aussi sur le caractère provisoire des autorisations délivrées, celles-ci étant conditionnées au déplacement des installations dans le port I______.

Il faut ainsi admettre que l’autorité intimée a correctement estimé que les installations litigieuses nécessaires aux travaux qui doivent être effectués sur le lac se justifiaient au regard des intérêts privés et environnementaux mis en balance. Il sera pour le reste démontré plus bas que la chambre de céans est en mesure d’identifier les intérêts pris en compte et la pondération effectuée par l’autorité dans la mise en œuvre des art. 24 LAT et 15 LCI. On ne peut en conséquence pas suivre la recourante lorsqu’elle soutient que l’autorité n’aurait pas correctement procédé à la pesée des intérêts en présence.

Ce grief sera en conséquence écarté.

6) La recourante soulève ensuite le grief de violations des conditions d’octroi de l’autorisation de construire et de l’excès du pouvoir d’appréciation de l’autorité en lien avec l’art. 24 LAT.

a. La recourante soutient que l’intimée, le département et le TAPI ont, en violation de l’art. 24 LAT, échoué à démontrer concrètement que l’implantation d’autant de corps-morts seraient nécessaires pour atteindre le but visé. Ils ne détaillaient pas les raisons pour lesquelles des éventuels projets d’intérêt public nécessitant des barges pour leur réalisation seraient menacés par le rejet des demandes d’autorisation en cause. La problématique des solutions et des emplacements alternatifs n’avait pas été suffisamment débattue. La raison pour laquelle les corps-morts devaient être regroupés plutôt qu’éparpillés sur le lac, ce qui permettrait de minimiser, respectivement de diffuser les atteintes, n’était pas explicitée. L’installation de barges et de corps-morts portait préjudice aux riverains et aux genevois jouissant du site de G______ et du quai de A______, en particulier durant la belle saison. L’autorité précédente n’avait pas pris en compte cet élément dans son analyse.

b. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

L'autorité administrative jouit d'un large pouvoir d'appréciation dans l'octroi de dérogations. Cependant, celles-ci ne peuvent être accordées ni refusées d'une manière arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l'équité et se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs. Quant aux autorités de recours, elles doivent examiner avec retenue les décisions par lesquelles l'administration accorde ou refuse une dérogation. L'intervention des autorités de recours n'est admissible que dans les cas où le département s'est laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle. Les autorités de recours sont toutefois tenues de contrôler si une situation exceptionnelle justifie l'octroi de ladite dérogation, notamment si celle-ci répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu'elle est commandée par l'intérêt public ou d'autres intérêts privés prépondérants ou encore lorsqu'elle est exigée par le principe de l'égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid 4d et l’arrêt cité).

Selon une jurisprudence bien établie, la chambre de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis, pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'est pas écarté sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/86/2015 précité consid. 5d ; ATA/581/2014 du 29 juillet 2014 consid. 5b ; ATA/126/2013 précité ; ATA/720/2012 du 30 octobre 2012 consid. 9a). De même, s'agissant des jugements rendus par le TAPI, la chambre administrative exerce son pouvoir d'examen avec retenue car celui-ci se compose pour partie de personnes possédant des compétences techniques spécifiques (ATA/86/2015 précité consid. 5d ; ATA/1019/2014 du 16 décembre 2014 consid. 11b ; ATA/719/2013 du 29 octobre 2013 consid. 6c ; ATA/539/2009 du 27 octobre 2009 consid. 4b).

c. Constitue un abus du pouvoir d’appréciation le cas où l’autorité reste dans le cadre fixé par la loi, mais se fonde toutefois sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 ; ATA/1276/2018 du 27 novembre 2018 consid. 4d ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 515). Il y a excès du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité dépasse le cadre de ses pouvoirs. En outre, celle-ci doit exercer son libre pouvoir d’appréciation conformément au droit, ce qui signifie qu’elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité. Si elle ne respecte pas ces principes, elle abuse de son pouvoir (ATA/827/2018 précité consid. 2b ; ATA/845/2015 précité consid. 2b ; Pierre MOOR/ Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, p. 743 ss et les références citées).

d. À teneur de l’art. 22 LAT, aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente (al. 1). L’autorisation est délivrée si : la construction ou l’installation est conforme à l’affectation de la zone (al. 2 let. a) ; le terrain est équipé (al. 2 let. b). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d’autres conditions (al. 3).

L’art. 24 LAT prévoit qu’en dérogation à l’art. 22 al. 2 let. a des autorisations peuvent être délivrées pour de nouvelles constructions ou installations ou pour tout changement d’affectation si : l’implantation de ces constructions ou installations hors de la zone à bâtir est imposée par leur destination (let. a) ; aucun intérêt prépondérant ne s’y oppose (let. b).

e. En l’espèce, la recourante estime que la nécessité d’implanter autant de corps-morts pour permettre à la société intimée d’exploiter ses barges et ainsi de réaliser des travaux d’intérêt public n’est pas démontrée. On distingue tout d’abord mal pourquoi la société intimée disposerait des installations contestées dans le seul but de les entretenir, à fonds perdu, sans devoir les engager pour des travaux lacustres. Pour l’essentiel, la recourante perd surtout de vue que c’est en connaissance du nombre des installations en cause, ce pour chacune des demandes d’autorisation, que les instances compétentes ont délivré leurs préavis favorables, notamment ceux dérogatoires en application de l’art. 24 LAT, délivré par la DAC le 11 juillet 2019 et par la SPI le 19 juillet 2019.

Pour le reste, il apparaît que l’installation des entreprises de travaux lacustres au niveau du quai de A______ est conforme au SPAGE et au PDCn 2030. Le département précise sans être contredit qu’au vu de la dimension des barges, une protection physique naturelle du site contre le courant lacustre est nécessaire. Dès lors que certains lieux protégés, comme la N______, doivent être exclus et que les voies de navigation doivent être prises en compte, le département précise qu’en conséquence seuls trois sites auraient pu accueillir les installations litigieuses : celui de O______, qui doit être écarté car saturé de bateaux, celui de G______, qui doit être écarté du fait d’un conflit avec l’activité de la pêche professionnelle et celui du quai de A______, facilement accessible par la route et permettant sans contrainte de procéder aux chargements de matériaux, qui a été retenu.

Le département met ensuite en évidence que l’éparpillement des installations tout au long du lac, tel que suggéré par la recourante, se heurte à trois objections. La première, esthétique, puisque cette solution reviendrait à faire subir à l’ensemble du pourtour du lac des désagréments qui peuvent être limités à un seul lieu. La deuxième du fait des contraintes liées à la protection de certaines zones, de la navigation sur le lac et des courants lacustres. Et enfin, un regroupement est souhaitable pour des raisons logistiques puisqu’il permet une diminution du trafic routier et lacustre.

Il découle de ce qui précède que les autorisations en cause ont été délivrées dans le respect de l’art. 24 LAT et que le département a fait un usage correct de son pouvoir d’appréciation. Il a exposé les arguments qui justifiaient de retenir le site en cause pour une période limitée en tenant compte des intérêts logistiques, naturels, privés (la pêche professionnelles) ou sécuritaires (voies de navigation) en jeu. La solution alternative proposée par la recourante, soit l’éparpillement des installations, ne résiste pas à l’examen, en ce qu’elle contredit notamment les impératifs.

Ce grief sera en conséquence lui aussi écarté.

7) La recourante soulève enfin le grief de violation de l’art. 15 LCI et de l’excès du pouvoir d’appréciation de l’autorité.

a. La recourante souligne que le quai de A______ offre l’un des plus beaux sites du canton et que ce lieu n’était a priori pas destiné accueillir des activités artisanales ou industrielles. Le site bénéficiait de multiples degrés de protection, le rivage de la parcelle en cause était notamment colloqué en zone de protection de la nature et paysage. Elle soutient que la présence de bateaux pousseurs, de chalands noyeurs et de barges soutenant des machines de chantier ou des matériaux de construction détonneraient dans ce paysage, l’un des plus beaux sites du canton. Pourtant, le TAPI s’était contenté d’une analyse succincte en retenant que les photographies versées au dossier montraient qu’il s’agissait d’installations de tailles raisonnables, visibles que lorsqu’elles n’étaient pas utilisées sur des chantiers, ailleurs sur le lac. Le TAPI avait à tort comparé le chaland noyeur et le bateau pousseur à des bateaux de plaisance ou de la CGN. Les premiers juges auraient esquivé la question.

b. Selon l’art. 15 al. 1 LCI, le département peut interdire ou n’autoriser que sous réserve de modification toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur nuirait au caractère ou à l’intérêt d’un quartier, d’une rue ou d’un chemin, d’un site naturel ou de points de vue accessibles au public. Cette disposition légale renferme une clause d’esthétique, qui constitue une notion juridique indéterminée, laissant ainsi un certain pouvoir d’appréciation à l’administration, celle-ci n’étant limitée que par l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (ATA/86/2015 du 20 janvier 2015 consid. 5c ; ATA/778/2014 du 30 septembre 2014 ; ATA/126/2013 du 26 février 2013 ; ATA/453/2011 du 26 juillet 2011 ; ATA/760/2012 du 6 novembre 2012).

c. En l’espèce, la commune se réfère à « l’un des plus beaux sites du canton » très apprécié des Genevois, sans toutefois dire en quoi ses droits ou ses intérêts seraient menacés par l’octroi des autorisations qu’elle conteste. Cela étant, à teneur des préavis favorables émis dans le cadre de la délivrance des autorisations de construire contestées, la question de la protection de l’environnement, en particulier des fonds lacustres et des rives du lac, a été examinée par les instances compétentes, notamment de la DGEau, la CMNS ou la DGAN. Le site en cause n’est pour le reste pas destiné à accueillir des activités artisanales ou industrielles. Il accueille en effet des installations qui permettent d’assurer des chantiers en cours ailleurs sur le lac. Comme l’a retenu le TAPI, sans être sur ce point contesté par la recourante, les corps-morts sont totalement immergés au fond du lac et les barges se situent au ras de l’eau. Certes, les bateaux pousseurs, les chalands noyeurs ou les barges soutenant des machines de chantier ou des matériaux de construction ont un impact visuel. Outre que la recourante ne prétend pas que les gabarits de ces installations pourraient être modifiés, il a été vu plus haut que leur implantation temporaire se justifie en ce lieu. Quant à la comparaison faite par le TAPI s’agissant du bateau pousseur et du chaland noyeur avec un bateau de la CGN ou des bateaux de plaisance, elle demeure pertinente en ce sens qu’elle permet de retenir que, de loin, les uns et les autres ont des surfaces comparables.

Ce grief sera en conséquence également écarté, le département n’ayant ni excédé ni abusé de son pouvoir d’appréciation en délivrant, dans le respect des préavis émis par les instances compétentes, les autorisations contestées en application de l’art. 15 LCI.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

8) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la commune, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de
CHF 1'500.- sera allouée à B______, qui a agi par le biais d’un avocat, à la charge de la commune (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2021 par la commune de A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 décembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de la commune de A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à B______ et Cie SA, à la charge de la commune ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Xavier Latour, avocat de la recourante, à
B______ & Cie SA, au département du territoire-oac, à Me Yves Bonard, avocat de
M. C______, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l'office fédéral du développement territorial.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :