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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3370/2019

ATA/1752/2019 du 03.12.2019 ( AIDSO ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3370/2019-AIDSO ATA/1752/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 décembre 2019

2ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______
représentés par Me Nehanda Mauron-Mutambirwa, avocate

contre

HOSPICE GÉNÉRAL


EN FAIT

1) Monsieur A______, son épouse Madame A______ et leurs enfants B______, née le ______ 2015 et C______, né le ______ 2017, ont été mis au bénéfice de prestations d'aide de l'Hospice général (ci-après : l'hospice) à compter du 1er avril 2016, pour un montant mensuel de CHF 1'777,80.

2) a. En octobre 2016, M. A______ a informé son assistante sociale qu'il s'était inscrit à la Haute école d'ingénierie et de gestion du canton de Vaud à Yverdon.

b. Par décision du 26 octobre 2016, le Centre d'action sociale de Lancy (ci-après : CAS) a octroyé aux époux A______ une aide financière exceptionnelle prévue pour les étudiants et les personnes en formation, réduite et limitée à six mois et exceptionnellement reconductible. Cette aide devait leur permettre de surmonter des difficultés passagères et de terminer la formation en cours.

3) Par décision du 11 septembre 2017, déclarée exécutoire nonobstant opposition, le CAS a annoncé aux intéressés qu'il mettait fin aux prestations qui leur étaient versées à compter du 31 octobre 2017, en application de l'art. 11 de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04).

4) Le 30 septembre 2017, les époux A______ ont formé opposition contre cette décision auprès de la direction générale de l'hospice en concluant, préalablement, à l'octroi de l'effet suspensif, principalement, au renouvellement de l'aide accordée de manière exceptionnelle et, subsidiairement, au renouvellement d'une aide financière pour Mme A______ et les enfants du couple.

5) Par décision sur opposition sur le fond et sur effet suspensif du 3 novembre 2017, déclarée exécutoire nonobstant recours, le directeur général de l'hospice a rejeté l'opposition des époux A______ et la demande d'effet suspensif.

6) Par acte du 6 décembre 2017, Mme et M. A______ ont interjeté recours contre la décision précitée par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant, préalablement, à la restitution de l'effet suspensif et, principalement, au maintien de leur assistance et celle de leurs enfants.

7) a. Invité à se prononcer, l'hospice a indiqué, le 15 décembre 2017, qu'il s'en rapportait à justice s'agissant de la demande de restitution de l'effet suspensif, tout en rappelant que, dans un cas proche de celui des recourants, la chambre administrative avait rejeté le recours. Il précisait que les éventuelles prestations versées sur effet suspensif devraient être remboursées en cas de rejet du recours.

b. Le 5 janvier 2018, l'hospice a conclu au rejet du recours.

8) Par décision du 18 janvier 2018 (ATA/51/2018), la chambre administrative a octroyé les mesures provisionnelles sollicitées, indiquant que les prestations d'aide sociale devaient être versées à Mme et M. A______ jusqu'à ce que la cause soit tranchée au fond.

9) L'hospice a dès lors repris le versement des prestations aux intéressés.

10) Par arrêt du 8 mai 2018, la chambre administrative a rejeté le recours de Mme et M. A______.

11) Par courrier du 3 juillet 2018, le CAS a demandé à Mme et M. A______ le remboursement des montants indûment perçus, soit une somme totale de CHF 15'797.80, correspondant à la période du 1er novembre 2017 au 30 avril 2018, pendant laquelle l'hospice leur avait versé des prestations suite à l'effet suspensif octroyé par la chambre administrative dans le cadre de la procédure de recours.

12) Par courrier du 18 juillet 2018, Mme et M. A______ ont sollicité la remise totale de cette somme, en vertu de l'art. 42 LIASI. Ils avaient recouru contre la décision de suppression pour faire valoir leur droit à la couverture de leur minimum vital. Ils estimaient avoir tenté de se défendre, sans volonté d'abuser ou « dépendre sans vergogne » de l'État. Ils étaient de bonne foi en utilisant la possibilité de faire recours et n'avaient jamais tenté de cacher des faits. Depuis l'arrêt de la chambre administrative, ils avaient pris des mesures : M. A______ s'était ex-matriculé de la HEIG-VD et inscrit à l'HEPIA à Genève et Mme A______ avait retrouvé un emploi depuis le mois d'avril 2018 et elle subvenait pour l'essentiel aux besoins de la famille. Enfin, leurs charges étaient plus importantes qu'auparavant et l'arrivée d'un deuxième enfant représentait une charge financière supplémentaire, raison pour laquelle le remboursement des prestations les placerait dans une situation financière critique ; un seul salaire mensuel de CHF 3'640.80 pour quatre personnes était faible et leur budget très serré et ils ne parvenaient pas à faire des économies et ne pouvaient rembourser une quelconque somme. Ils ont produit divers documents.

13) Par décision du 18 juillet 2019, le directeur général de l'hospice a rejeté la demande de remise. Mme et M. A______ ne pouvaient se prévaloir de leur bonne foi, dans la mesure où ils avaient bénéficié d'une aide financière à titre dérogatoire dès le 1er novembre 2016 alors que M. A______ ne remplissait pas l'une des conditions de l'aide pour étudiants et qu'ils avaient été dûment informés, par courrier du 15 décembre 2017, qu'en cas de rejet de leur recours les prestations versées sur effet suspensif devraient être remboursées. Dès lors que la première condition de l'art. 42 LIASI n'était pas réalisée, point n'était besoin d'examiner la seconde condition relative à leur situation difficile.

14) Par acte déposé à la poste le 16 septembre 2019, Mme et M. A______ ont recouru contre cette décision à la chambre administrative, concluant, préalablement, à l'audition de la collaboratrice du centre social protestant qui les représentait dans la précédente procédure et, principalement, à ce que leur bonne foi soit constatée, à ce que la décision attaquée soit annulée, à ce qu'il soit dit que le remboursement de CHF 15'797.80 les placerait dans une situation difficile et à ce qu'ils ne soient pas tenus de rembourser cette somme et, enfin, à ce qu'il leur soit alloué une indemnité.

Ils sont revenus sur leur situation personnelle et leurs parcours de vie respectifs. Au moment des faits, ils n'avaient nullement violé leur devoir d'information et de collaboration et ne pouvaient savoir d'emblée que lesdites prestations étaient indues ; l'hospice aurait donc dû tenir compte de leur bonne foi et examiner si le remboursement des prestations litigieuses les placerait dans une situation difficile. Les recourants se sentaient « sanctionnés pour avoir, de bonne foi, tenté de défendre leurs droits et ceux de leurs enfants ». Après la décision de l'hospice leur annonçant la fin des prestations versées, Mme et M. A______ s'étaient trouvés sans revenus. Ils s'étaient opposés à la décision du CAS puis avaient recouru par-devant la chambre administrative, dans le but de sauvegarder les intérêts et droits de la famille. L'hospice s'en était rapporté à justice sur ce point et la chambre de céans avait octroyé les mesures provisionnelles sollicitées, précisant que les prestations devaient être versées jusqu'à ce que la cause soit tranchée au fond. Compte tenu des arguments qu'ils avaient invoqués, ils estimaient que leur recours était fondé et que les prestations étaient dues ; ainsi, ils n'avaient fait valoir que leurs droits en utilisant les moyens de droit prévus, sans cacher d'éléments essentiels au sujet de leur situation. Les prestations dont le remboursement était demandé avaient été versées dans le cadre d'une situation juridique incertaine, l'issue du recours n'étant connue d'aucune des parties. Dans ce contexte, ils ne pouvaient d'emblée savoir qu'ils devraient rembourser les prestations. L'hospice rattachait leur bonne ou mauvaise foi à l'issue du recours, raisonnement qui reviendrait à nier systématiquement la bonne foi de tout administré qui interjetait recours, ce qui était juridiquement insoutenable. Dans ces conditions, il y avait lieu d'admettre leur bonne foi et, au vu des informations figurant au dossier concernant leur situation financière, il ne faisait pas de doute que le remboursement les mettrait « dans une situation pour le moins difficile ».

15) Dans ses observations du 16 octobre 2019, l'hospice a conclu au rejet du recours, à la confirmation de la décision attaquée et à ce qu'il soit dit que Mme et M. A______ devaient, conjointement et solidairement, à l'hospice la somme de CHF 15'797.80. La question de la bonne foi des recourants revenait uniquement à se demander s'ils savaient qu'ils s'exposeraient à une demande de restitution en cas de rejet de leur recours. Or, en l'occurrence, les époux A______ avaient été dûment avertis, par courrier du 15 décembre 2017, qu'ils risquaient de devoir rembourser les prestations versées au cours de la procédure de recours ; ils ne sauraient donc se prévaloir de leur bonne foi au moment où ils avaient bénéficié desdites prestations. Dès lors que cette condition faisait défaut, point n'était besoin d'examiner celle de la situation difficile dans laquelle le remboursement placerait les recourants.

16) Dans leur réplique du 4 novembre 2019, Mme et M. A______ ont persisté dans leurs conclusions et soutenu, jurisprudence de la chambre administrative à l'appui, que l'interprétation de la condition de la bonne foi à laquelle se livrait l'hospice n'était pas conforme au droit.

17) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Dans leur recours, les recourants ont sollicité l'audition de leur précédente mandataire. Cette mesure d'instruction n'apparaît toutefois pas utile compte tenu de ce qui suit, la chambre administrative disposant en outre d'un dossier complet lui permettant de se prononcer sur les griefs soulevés.

3) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de refus de remise de l'hospice fondée sur l'art. 42 LIASI et en particulier sur la question de la bonne foi des recourants.

4) Les principes de base de la LIASI ont été rappelés dans les arrêts des 18 janvier et 8 mai 2018 de la chambre de céans opposant les mêmes parties.

Dans le premier arrêt, la chambre administrative a octroyé les mesures provisionnelles au motif qu'il était admis et établi que, si M. A______ avait repris une formation après avoir vainement cherché un emploi, son épouse faisait tout ce qui était en son pouvoir pour permettre à l'ensemble de sa famille d'être indépendante financièrement et que l'exécution immédiate de la décision contraindrait probablement M. A______ à interrompre sans délai sa formation, dont la reprise, en cas d'admission du recours, serait fortement prétéritée.

Dans le second arrêt au fond, la chambre de céans a rejeté le recours, retenant notamment que le recourant ne remplissait pas l'une des conditions cumulatives de l'art. 13 al. 1 let. a et let. b RIASI et que tout droit à des prestations d'aide sociale aurait en principe pu lui être refusé ; nonobstant, l'hospice avait alloué une aide financière exceptionnelle pour une durée de six mois, qu'il avait renouvelée pour six mois supplémentaires, en les informant qu'elle ne serait pas reconduite après le 31 octobre 2017. Même si les recourants ne bénéficiaient plus d'aucun revenu, en particulier d'aucune indemnité chômage, ni de prestations complémentaires familiales, ni de bourse d'études, cet état de fait était la conséquence directe de leur choix de favoriser la reprise d'études du recourant à la poursuite de recherches d'emploi, voire à des mesures d'insertion professionnelle. Si les aspirations du recourant, visant à se former pour tenter de décrocher un emploi qualifié dans le futur, étaient légitimes et méritoires, elles ne permettaient pas de déroger aux dispositions légales claires de la LIASI.

5) a. Conformément à l'art. 32 al. 1 LIASI, le bénéficiaire est tenu de fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière.

Aux termes de l'art. 33 LIASI, le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (al. 1). En outre, il doit signaler immédiatement à l'hospice les droits qui peuvent lui échoir, notamment par une part de succession, même non liquidée. La même obligation s'applique à tous les legs ou donations (al. 2). Ces obligations valent pour tous les membres du groupe familial (al. 3).

Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation économique (ATA/918/2019 du 21 mai 2019 consid. 2c ; ATA/1237/2018 précité consid. 2c ; ATA/306/2017 du 21 mars 2017 consid. 4c).

b. Selon l'art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l'hospice réclame au bénéficiaire le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3). L'action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l'hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s'éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (al. 5).

c. Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l'enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d'une décision administrative mal fondée (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 168 ss), tout en tempérant l'obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/590/2018 du 12 juin 2018 consid. 5b).

De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/1058/2018 du 9 octobre 2018 consid. 4b ; ATA/419/2017 du 11 avril 2017 consid. 5a). Les bénéficiaires des prestations d'assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l'administration, notamment en ce qui concerne l'obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d'abus de droit. Si le bénéficiaire n'agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu'il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/918/2019 précité consid. 2 ; ATA/1237/2018 précité consid. 2 ; ATA/265/2017 du 7 mars 2017 consid. 15b). Toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/918/2019 précité consid. 2 ; ATA/1237/2018 précité consid. 2 ; ATA/239/2015 du 3 mars 2015).

Il convient toutefois d'apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l'entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l'objet d'une demande de remboursement (ATA/947/2018 du 18 septembre 2018 consid. 3d ; ATA/72/2017 du 31 janvier 2017 consid. 5 ; ATA/127/2013 du 26 février 2013).

6) a. À teneur de l'art. 42 LIASI, afférent à la « remise », le bénéficiaire qui était de bonne foi n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis, de ce fait, dans une situation difficile (al. 1). Dans ce cas, il doit formuler par écrit une demande de remise dans un délai de trente jours dès la notification de la demande de remboursement ; cette demande de remise est adressée à l'hospice (al. 2).

b. De jurisprudence constante, les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/1154/2019 du 19 juillet 2019 ; ATA/419/2017 du 11 avril 2017 consid. 5b ; ATA/72/2017 du 31 janvier 2017 consid. 6). La condition de la bonne foi doit être réalisée dans la période où l'assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.1 ; ATA/306/2017 précité consid. 6).

Selon la jurisprudence de la chambre administrative, un assuré qui viole ses obligations d'informer l'hospice de sa situation financière ne peut être considéré de bonne foi (ATA/306/2017 précité consid. 6 ; ATA/1152/2015 du 27 octobre 2015 consid. 14). La bonne foi doit être niée quand l'enrichi pouvait, au moment du versement, s'attendre à son obligation de restituer, parce qu'il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l'attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210 ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_385/2011 du 13 février 2012 consid. 3 ; ATA/306/2017 précité consid. 6).

c. La juridiction de céans a déjà jugé que ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi l'administré qui avait contrevenu à son obligation d'information en n'annonçant qu'en juin un travail qu'il avait commencé en mars (ATA/102/2012 du 21 février 2012 consid. 11), ou qui n'indique pas la totalité des comptes bancaires dont il est titulaire (ATA/644/2011 du 11 octobre 2011) ou encore qui n'avait pas annoncé des aides financières versées par l'un de ses proches pendant plusieurs mois, état de fait découvert par un collaborateur de l'hospice (ATA/174/2012 du 27 mars 2012 consid. 5). N'était pas non plus de bonne foi l'administrée qui avait dépensé l'intégralité de la somme qui devait revenir de droit à l'hospice suite au versement par son mari du rétroactif de pensions alimentaires, alors qu'elle avait notamment signé un ordre de paiement destiné au service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires en faveur de l'hospice (ATA/825/2015 précité consid. 11). Il en va de même d'une bénéficiaire qui avait dissimulé pendant plusieurs années l'existence d'un compte postal sur lequel étaient notamment versées ses indemnités de chômage, des allocations perte de gain ainsi que des salaires en grande partie non déclarés, fait que l'hospice avait découverts suite à une enquête (ATA/1240/2017 du 29 août 2017).

La bonne foi de l'administré a en revanche été retenue dans un dossier où l'hospice savait que le recourant devait recevoir prochainement une rente AVS et des prestations complémentaires, mais n'avait pas établi un ordre de paiement afin de s'assurer du recouvrement des prestations d'aides sociales (ATA/306/2017 précité consid. 12), ainsi que dans un cas où il devait s'attendre à ce que la recourante reçoive rapidement les arriérés de contribution d'entretien mentionnés dans les courriers du SCARPA, correspondances qu'il avait reçues. L'hospice aurait dès lors pu s'informer auprès de la recourante et/ou du SCARPA (ATA/103/2012 du 21 février 2012 consid. 9). La bonne foi a de même été retenue dans un cas où le trop-perçu était exclusivement imputable à une erreur de l'hospice (ATA/588/2014 du 29 juillet 2014 consid. 5) ou dans une situation où tous les documents nécessaires avaient été régulièrement transmis à celui-ci (ATA/948/2016 du 8 novembre 2016 consid. 6).

7) En l'espèce, l'intimé soutient que les recourants n'étaient pas de bonne foi au moment où ils avaient bénéficié des prestations litigieuses, dans la mesure où ils avaient été dûment avertis par courrier qu'ils risquaient de devoir rembourser les prestations versées au cours de la procédure de recours et, ainsi, se savaient exposés à une demande de restitution en cas de rejet dudit recours.

Les recourants sont au bénéfice des prestations de l'hospice depuis le mois d'avril 2016, date depuis laquelle leur situation est prise en charge et suivie par les assistants sociaux du CAS de Lancy. Il ressort du dossier qu'ils se sont, depuis lors, toujours conformés aux prescriptions découlant de leur droit aux prestations, dont ils admettent d'ailleurs avoir connaissance, en particulier en matière d'obligation d'informer.

Il n'est pas contesté non plus que l'intimé a, le 15 décembre 2017, envoyé aux recourants un courrier parfaitement clair précisant que les éventuelles prestations versées sur effet suspensif devraient être remboursées en cas de rejet du recours. Ce courrier ne saurait toutefois suffire à conclure que les recourants n'étaient pas de bonne foi et, contrairement à ce que soutient l'hospice, cette question ne revient pas uniquement à se demander s'ils savaient qu'ils s'exposaient à une demande de restitution en cas de rejet de leur recours. Comme rappelé précédemment, il convient d'apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si les prestations ont été perçues indûment et peuvent faire l'objet d'une demande de remboursement.

Sur ces points, la chambre administrative constate que les recourants ont tout d'abord fait usage de leur droit de recours contre la décision du directeur de l'hospice confirmant qu'il mettait fin aux prestations ; ils ont préalablement conclu à l'octroi de l'effet suspensif et ont obtenu gain de cause auprès de la chambre de céans, laquelle a octroyé les mesures provisionnelles sollicitées par décision du 18 janvier 2018, ce après que l'intimé s'en soit rapporté à justice. Certes, par arrêt du 8 mai 2018, ladite chambre a rejeté leur recours. À la lecture de cet arrêt, il faut toutefois constater que les griefs soulevés étaient au nombre de quatre (considérants 4 à 7 de l'arrêt) et les problèmes juridiques soulevés sujets à discussion, mêmes si les arguments des recourants n'ont finalement pas été retenus. Ainsi, pendant la période litigieuse, située entre le moment de l'octroi des mesures provisionnelles et le jugement au fond, les parties, et en particulier les recourants, ne pouvaient pas savoir dans quel sens la chambre administrative allait trancher le litige et si elle allait confirmer ou non la décision de l'intimé de mettre fin aux prestations ; en conséquence, pendant cette période, seule pertinente pour examiner la bonne foi des intéressés, la situation juridique était incertaine et il ne peut être reproché à ces derniers de ne pas avoir été de bonne foi, dans la mesure où ils ne pouvaient savoir si les prestations étaient justifiées qu'à l'issue du litige. En d'autres termes, les prestations touchées entre le 1er novembre 2017 et le 30 avril 2018, ne pouvaient être qualifiés d'indues à ce moment, car ce n'est qu'à partir du prononcé de l'arrêt de la chambre administrative que les recourants ont su que les prestations étaient considérées comme injustifiées. Toute autre solution reviendrait à empêcher les bénéficiaires de prestations de faire valoir leurs arguments en utilisant les moyens de droit prévus à cet effet, sauf crainte de se voir reprocher postérieurement d'être de mauvaise foi, et donc de devoir rembourser des prestations objets du litige devant la juridiction administrative.

Ainsi, c'est en violation de la loi que l'intimé a retenu que les recourants ne respectaient pas la première condition de l'art. 42 LIASI.

8) Il s'ensuit que le recours sera partiellement admis.

Les deux conditions posées pour la remise par l'art. 42 LIASI étant cumulatives, la cause sera renvoyée à l'hospice pour examen de la seconde condition, soit pour examiner si les recourants sont effectivement en mesure de rembourser le montant litigieux sans être mis dans une situation difficile et pour nouvelle décision sur demande de remise.

9) Vu l'issue du litige et la matière concernée, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

Une indemnité de procédure de CHF 800.- (art. 87 al. 2 LPA) sera allouée aux recourants, à la charge de l'Hospice général.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 septembre 2019 par Madame et Monsieur A______ contre la décision de l'Hospice général du 18 juillet 2019 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision de l'Hospice général du 18 juillet 2019 ;

renvoie la cause à l'Hospice général au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Madame et Monsieur A______ une indemnité de CHF 800.- à la charge de l'Hospice général ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nehanda Mauron-Mutambirwa, avocate des recourants, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : M. Verniory, président, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :