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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1475/2018

ATA/1237/2018 du 20.11.2018 ( AIDSO ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1475/2018-AIDSO ATA/1237/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 novembre 2018

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Aleksandra Petrovska, avocate

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1. Madame A______, née le ______ 1957, a sollicité l’aide financière de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) le 10 février 2006. En remplissant le formulaire de demande d’aide, elle a répondu par la négative à la question de savoir si elle possédait un bien immobilier à Genève, en Suisse et/ou à l’étranger. Le formulaire comporte, en caractères gras, l’indication que la personne requérant des prestations atteste de ce que les renseignements donnés sont exacts et complets.

2. Aux termes du document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général », signé le 2 mars 2006, elle s’est engagée à donner immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l'établissement de sa situation personnelle et économique, tant en Suisse qu’à l’étranger, à informer immédiatement et spontanément l'hospice de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant de ses prestations d'aide financière, notamment de toute modification de sa situation personnelle et économique, de même qu'à rembourser à l’hospice toute prestation exigible perçue indûment.

3. L’hospice lui a versé des prestations financières dès le 1er mars 2006.

4. Dans les demandes de prestations subséquentes qu’elle a signées les 1er mars 2007, 28 janvier 2009, 2 février 2010, 4 mars 2011, 1er mars 2013, 27 avril 2015 et 9 février 2016, elle a toujours indiqué qu’elle n’était pas propriétaire d’un bien immobilier, que ce soit en Suisse ou à l’étranger.

Aux dates précitées, elle a également renouvelé sa signature au bas du document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général ».

5. Dans un courrier du 7 octobre 2016 adressé à tous les bénéficiaires de prestations sociales, le Conseiller d’État en charge du département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, devenu depuis lors le département de l’emploi et de la santé, les a informés de ce qu’à compter du 1er octobre 2016, le nouvel art. 148a du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), permettait de poursuivre toute personne qui obtenait de telles prestations soit en fournissant des informations fausses ou incomplètes, soit en dissimulant des informations, par exemple des biens mobiliers ou immobiliers en Suisse et/ou à l’étranger. À la même date, une nouvelle disposition était entrée en vigueur, imposant au juge de prononcer l’expulsion de Suisse de toute personne étrangère condamnée pour certaines infractions, dont celle précitée. Compte tenu de la gravité de ces conséquences, il était décidé de renoncer à poursuivre pénalement toute personne, qui avant le 31 décembre 2016, communiquait des éléments qui n’auraient pas été pris en considération dans le calcul des prestations.

6. Dans un courrier du 11 octobre 2016 au Conseiller d’État susmentionné, le Ministère public a autorisé les services concernés à renoncer d’eux-mêmes à lui dénoncer les bénéficiaires, « en cas d’annonce dans le délai […] et d’accord quant à des modalités raisonnables de remboursement des prestations perçues en trop ». Il allait de soi que si aucun accord n’était trouvé ou si celui-ci n’était pas respecté, les services étaient tenus de dénoncer.

À la demande du Ministère public, une copie de ce courrier a été adressée à chaque bénéficiaire.

7. Le 23 décembre 2016, Mme A______ a spontanément annoncé au service de l’assurance-maladie (ci-après : SAM) que « j’ai un petit bien immobilier à l’étranger et, de ce fait, je ne suis donc plus dans le droit de bénéficier du subside de l’assurance maladie ».

Cette annonce faisait suite au courrier précité du 7 octobre 2016 adressé à tous les bénéficiaires de prestations de l’hospice par le Conseiller d’État en charge du département de tutelle de celui-ci.

8. Informé par le SAM du courrier de Mme A______ du 23 décembre 2016, l’hospice l’a invitée à lui remettre toute pièce utile concernant des revenus ou de la fortune non déclarés afin qu’un nouvel examen de sa situation financière puisse être fait. En fonction des éléments apportés, une décision d’arrêt d’aide et/ou de demande de remboursement pouvait être rendue. Dans ce dernier cas, il lui serait demandé de proposer des modalités raisonnables de remboursement et de tenir ses engagements.

9. Lors d’un entretien le 8 mars 2017, Mme A______ a remis à son assistante sociale un document en portugais émanant des autorités fiscales dont il ressort qu’elle était propriétaire d’un bien immobilier estimé à EUR 51'280.-. Elle a expliqué qu’elle avait acquis ce bien treize ans auparavant à la demande de son fils.

10. Le 23 mars 2017, elle a fait don de ce bien à son fils.

11. Lors d’un nouvel entretien le 10 mai 2017, l’assistante sociale a expliqué à l’intéressée qu’une aide financière exceptionnelle pouvait lui être accordée pour trois mois, pour autant qu’elle vende le bien immobilier.

12. Par décision du 23 mai 2017, le centre d’action sociale des Clochetons (ci-après : CAS) a confirmé les modalités de l’aide financière et lui a réclamé le remboursement de CHF 346'655.- correspondant aux prestations perçues indûment du fait qu’elle n’avait pas annoncé l’existence du bien immobilier, élément au regard duquel elle n’aurait pas pu bénéficier d’une aide de l’hospice.

13. Mme A______ a formé opposition à cette décision.

14. Son assistante sociale lui a laissé, le 11 juillet 2017, un message téléphonique l’informant que, dans la mesure où elle n’était plus propriétaire du bien en question, le versement de l’aide ordinaire pouvait être repris, pour autant qu’elle remplisse les autres conditions. Elle était invitée à reprendre contact avec son assistante sociale, ce qu’elle n’a toutefois pas fait.

15. Par décision du 24 juillet 2017, le CAS a annulé sa décision du 15 mai 2017 en ce qui concernait les modalités d’aide financière et l’a maintenue pour le surplus. Le total des prestations perçues du 1er mars 2006 au 31 janvier 2017 s’élevait à CHF 358'490.20, de sorte que c’était ce montant dont le remboursement était réclamé.

16. Mme A______ a formé opposition contre cette décision, sollicitant subsidiairement la remise de la somme réclamée.

17. Par décision du 22 mars 2018, l’hospice a rejeté l’opposition et la demande de remise.

En cachant à l’hospice l’existence du bien immobilier au Portugal, la bénéficiaire avait gravement violé son obligation de renseigner. Les explications données après avoir annoncé, fin décembre 2016, qu’elle était propriétaire de ce bien, ne pouvaient être suivies. En effet, elle – et non son fils - apparaissait selon les documents et registres officiels comme propriétaire. N’étant pas de bonne foi, aucune remise ne pouvait lui être accordée.

18. Par acte expédié le 3 mai 2018 à la chambre administrative de la Cour de justice, Mme A______ a recouru contre cette décision, concluant à ce qu’elle soit annulée, qu’il soit dit qu’elle ne devait pas restituer la somme réclamée et que sa demande de remise soit admise.

En 1999, son fils avait souhaité acquérir un bien immobilier au Portugal. La banque ayant refusé de lui accorder un crédit, elle s’était adressée à une banque et avait obtenu le crédit nécessaire. Elle n’était devenue propriétaire « que sur le papier ». Elle n’avait jamais eu l’usage de ce bien. La décision était choquante, car elle l’exposait au dénuement le plus total. Son salaire de CHF 1'920.- était insuffisant pour couvrir ses besoins. Elle n’avait jamais cherché à cacher quoi que ce soit. La donation faite à son fils ne devait pas être considérée comme un dessaisissement ; elle n’avait fait que transférer le bien à son réel propriétaire. Pendant toute la période où elle avait bénéficié de l’aide de l’hospice, elle avait été dans l’indigence ; elle n’avait donc pas été enrichie.

19. L’hospice a conclu au rejet du recours.

20. Dans sa réplique, Mme A______ a insisté sur le fait qu’elle n’avait qu’aidé à obtenir le financement du bien immobilier ; son fils en était le véritable propriétaire. Ce dernier payait les mensualités à la banque. Elle avait toujours été de bonne foi.

21. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 61 al. 1 let. a et 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le litige porte sur le bienfondé de la demande de remboursement et du rejet de la demande de remise. La quotité du montant réclamé n’est pas litigieuse.

a. La loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1). Ont droit aux prestations d’aide financière les personnes dont le revenu mensuel déterminant n’atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d’État (art. 21 al. 1 LIASI).

b. L’art. 11 al. 1 LIASI décrit le cercle des bénéficiaires des prestations d’aide financière. Parmi les dispositions traitant des bénéficiaires de l’aide sociale, l’art. 12 LIASI est consacré aux cas exceptionnels. L’art. 12 al. 2 LIASI prévoit ainsi qu’exceptionnellement une aide financière peut être accordée à une personne propriétaire d’un bien immobilier, si ce bien lui sert de demeure permanente. Dans ce cas, l'aide financière accordée est remboursable. L'immeuble peut être grevé d'une hypothèque au profit de l'hospice.

De l’exposé des motifs relatifs à la LIASI et des débats ayant porté sur l’art. 12 al. 2 LIASI, il résulte que le législateur estimait nécessaire que l’hospice puisse aider une personne propriétaire de son logement pour éviter que celle-ci soit obligée de réaliser son bien et se retrouve sans toit. Il a été proposé qu’un amendement prévoie que les prestations ainsi accordées soient remboursables, l’hospice pouvant obtenir une hypothèque légale à titre de garantie sur l’immeuble, en contrepartie des prestations financières (MGC 2006-2007/V A - Séance 25 du 23 février 2007).

La ratio legis de la loi est que l’hospice puisse venir en aide à une personne propriétaire de son logement dans lequel elle demeure pour éviter que celle-ci ne se retrouve à la rue en cas de vente de l’immeuble. Ainsi, l’exception prévue à l’art. 12 al. 2 LIASI est celle du cas où le bien immobilier est la demeure permanente de la personne qui demande de l’aide à l’hospice. Le droit à des prestations n’est donc pas ouvert au propriétaire d’un bien immobilier qui n’est pas utilisé comme résidence permanente, l’exception voulue par le législateur n’étant en effet pas réalisée dans ce cas (ATA/1545/2017 du 28 novembre 2017 consid. 7b ; ATA/1010/2016 du 29 novembre 2016 consid. 5b ATA/1219/2015 du 10 novembre 2015 consid. 3b).

c. Le bénéficiaire est tenu de fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d’aide financière
(art. 32 al. 1 LIASI). De même, il doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner une modification du montant des prestations qui lui sont allouées (art. 33 al. 1 LIASI). Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation économique (ATA/306/2017 du 21 mars 2017 consid. 4c).

d. Selon l’art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l’hospice réclame au bénéficiaire le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3). L'action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l’hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s'éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (al. 5).

e. Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l'enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d'une décision administrative mal fondée (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 168 ss), tout en tempérant l'obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/590/2018 du 12 juin 2018 consid. 5b).

Les bénéficiaires des prestations d’assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l’administration, notamment en ce qui concerne l’obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d’abus de droit. Si le bénéficiaire n’agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu’il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/265/2017 du 7 mars 2017 consid. 15b ; ATA/1024/2014 du 16 décembre 2014). Toute prestation obtenue en violation de l’obligation de renseigner l’hospice est une prestation perçue indûment (ATA/239/2015 du 3 mars 2015 ; ATA/1024/2014 du 16 décembre 2014 ; ATA/864/2014 du 4 novembre 2014).

Seul le bénéficiaire qui était de bonne foi peut se prévaloir de ce que le remboursement, total ou partiel, pourrait le mettre dans une situation difficile et ainsi ne pas être tenu audit remboursement (art. 42 LIASI).

f. Le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) se compose traditionnellement des règles d'aptitude – qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés –, et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et sur le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 130 II 425 consid. 5.2 ; 128 II 292 consid. 5.1 ; 125 I 474 consid. 3).

g. Selon l’art. 146 CP, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Selon la jurisprudence, un bénéficiaire de prestations d’assurances sociales, qui fournit sciemment de fausses indications et tait des éléments pertinents pour l’octroi de prestations, commet une tromperie, qui doit être qualifiée d’astucieuse lorsque l’assureur ne dispose d’aucun élément propre à éveiller ses soupçons (ATF 121 IV 353 consid. 2b ; 120 IV 98 consid. 2c ; 117 IV 130 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_232/2013 du 13 décembre 2013 consid. 4).

Depuis l’introduction de l’art. 148a CP, le 1er janvier 2017, est punissable l’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale même en l’absence d’astuce (FF 2013 5373 ; Michel DUPUIS/Laurent MOREILLON et alii, Code pénal, petit commentaire, 2ème éd., n. 3 ad art. 148a).

3. a. En l’espèce, la recourante, en signant les formulaires de demande de prestations, a attesté de ce que les informations qu’elle avait fournies étaient exactes et complètes. Par sa signature réitérée du document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général », la recourante s’est, en outre, engagée à signaler immédiatement et spontanément à l’hospice toute modification dans sa situation financière.

Or, la recourante a coché la case « non » relative à la question de savoir si elle détenait un bien immobilier en Suisse ou à l’étranger. Par la suite, elle a, dans les demandes de prestations subséquentes, dont les formulaires posaient tous la question de savoir si elle était propriétaire d’un bien immobilier, également répondu par la négative. Elle n’a pas non plus signalé l’existence de celui-ci lors du renouvellement de son engagement, concurrent aux nouvelles demandes de prestations, à signaler toute modification de sa situation financière.

En tant qu’elle soutient qu’elle n’avait pas à déclarer l’existence de ce bien, car seul son fils en bénéficiait, la recourante ne peut être suivie. En effet, elle ne conteste pas qu’elle était propriétaire de ce bien, conformément à l’acte d’achat et de vente notarié qu’elle a produit. L’objection selon laquelle cette propriété n’existait « que sur le papier » n’est pas pertinente. Elle avait pris l’engagement de déclarer à l’hospice tout bien immobilier dont elle était propriétaire ; il lui appartenait de se conformer à cette obligation. Elle aurait ainsi dû signaler l’existence de ce bien, en précisant, si elle les estimait pertinentes, les circonstances dans lesquelles elle l’avait acquis. L’examen de l’éventuelle prise en compte de ce bien dans le calcul du droit aux prestations incombe à l’autorité intimée et non au bénéficiaire des prestations. La recourante doit donc se voir reprocher d’avoir violé son devoir de renseigner, ce d’autant plus qu’au moment des demandes de prestations, elle avait déclaré, à plusieurs reprises, que les informations données étaient complètes et correctes et qu’elle s’était expressément engagée à informer l’intimé sans retard de tout changement, notamment, de sa situation financière. La recourante était d’ailleurs consciente de son omission, dès lors qu’elle a elle-même indiqué dans son courrier signalant l’existence de ce bien qu’elle n’avait « de ce fait » plus droit de bénéficier des prestations du SAM.

Les circonstances du cas d’espèce ne permettent pas de retenir la bonne foi de la recourante, ce d’autant moins qu’à chaque nouvelle demande de prestations, elle avait déclaré que les informations données étaient complètes et correctes et qu’elle s’était expressément engagée à informer l’intimé sans retard de tout changement, notamment, de sa situation financière. Par ailleurs, dans la mesure où le bien immobilier se situait à l’étranger, l’autorité intimée n’avait aucun moyen de vérifier la fausse indication, régulièrement répétée, donnée par la recourante quant à l’absence de détention d’un tel bien. À juste titre, l’hospice a ainsi considéré la faute de la recourante comme grave.

b. En tant que propriétaire d’un bien immobilier qui n’a pas servi de demeure permanente à la recourante, celle-ci devait se voir refuser toute prestation, conformément à l’art. 12 al. 2 LIASI. La recourante ayant été propriétaire de ce bien pendant toute la période durant laquelle elle a bénéficié des prestations et ayant, chaque année, déclaré à nouveau faussement ne pas être propriétaire d’un bien immobilier, elle aurait dû se voir refuser toute prestation pendant toute cette période. Il s’ensuit que l’entier des prestations a été perçu indûment par la recourante.

Cette dernière ne conteste pas la quotité du montant réclamé, qui porte sur l’ensemble des prestations versées durant les dix ans précédant l’annonce faite par la recourante à l’hospice de l’existence du bien immobilier non déclaré.

Cela étant, il convient de tenir compte du contexte particulier dans lequel l’annonce précitée est intervenue. Celle-ci a été faite lorsque le Conseiller d’État en charge du département de tutelle de l’hospice a expressément encouragé les bénéficiaires de prestations sociales à communiquer les éléments qui n’auraient pas été pris en considération dans le calcul des prestations, en indiquant qu’il serait renoncé à toute poursuite pénale. Par ailleurs, le Ministère public, dans un courrier qui a également été adressé à tous les bénéficiaires d’aide et de prestations sociales, a autorisé les services concernés à renoncer à lui dénoncer lesdits bénéficiaires, si un accord était trouvé quant à des modalités raisonnables de remboursement des prestations perçues indûment. L’hospice a d’ailleurs, à la suite de l’annonce faite par la recourante, indiqué que dans l’hypothèse où, après réception des documents complémentaires qu’il requérait, une demande de remboursement devait avoir lieu, il serait demandé à la recourante de proposer des modalités raisonnables de remboursement.

Or, il ne ressort pas du dossier que des discussions auraient eu lieu entre l’autorité intimée et la recourante quant aux conditions et modalités du remboursement. En outre, au regard du contexte dans lequel les administrés ont été incités à se dénoncer, il convenait de tenir compte, de manière accrue, de leur situation personnelle, financière et des circonstances à l’origine de la perception indue des prestations. En l’espèce, l’autorité intimée ne pouvait ainsi procéder à la simple demande de remboursement de l’intégralité des prestations indûment perçues. Il lui appartenait de prendre en compte, notamment, la situation financière de la recourante, la réelle valeur du bien immobilier non déclaré détenu au Portugal, déduction faite de la dette hypothécaire le grevant, et le fait que la bénéficiaire a annoncé l’existence de ce bien dans le cadre d’assurances données quant à la manière dont son annonce serait traitée. Un tel examen, prenant en compte l’ensemble des circonstances d’espèce, mettant également en balance les montants indûment perçus et la faible valeur du bien immobilier non déclaré, s’imposait d’autant plus que la communication du Ministère public spécifiait expressément que les employés de l’hospice étaient autorisés à ne pas dénoncer les faits pour autant qu’un accord raisonnable soit trouvé quant au remboursement de prestations perçues en trop ; en l’absence d’accord ou si celui-ci n’était pas respecté, les services étaient tenus de dénoncer.

Partant, il y a lieu d’admettre partiellement le recours et de renvoyer la cause à l’autorité intimée afin qu’elle détermine le montant à rembourser par la recourante en fonction de l’ensemble des circonstances, y compris au regard de l’éventuelle prescription d’une partie de la créance, et tente de trouver avec celle-ci un accord raisonnable de remboursement.

4. Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée à la recourante, qui n’obtient que partiellement gain de cause (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 mai 2018 par Madame A______ contre la décision de l’Hospice général du 22 mars 2018 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule les décisions du 22 mars 2018 et du 15 mai 2017 de l’Hospice général ;

renvoie la cause à l’Hospice général pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Madame A______ une indemnité de procédure de CHF 500.- ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Aleksandra Petrovska, avocate de la recourante, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Thélin, Pagan, Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

 

Genève, le la greffière :