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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2780/2016

ATA/72/2017 du 31.01.2017 ( AIDSO ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2780/2016-AIDSO ATA/72/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 janvier 2017

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

1. Entre le 1er novembre 2010 et le 31 mai 2014, Madame A______, née le ______ 1984, a bénéficié de prestations d’aide sociale de l’Hospice général (ci-après : l’hospice). Du 1er décembre 2010 au 31 mai 2011, le dossier de Mme A______ était intégré à celui de Monsieur B______, né le ______ 1984, avec lequel elle faisait ménage commun.

2. Mme A______ n’a pas indiqué dans sa demande de prestations d’aide financière et de subside de l’assurance-maladie du 7 octobre 2010 si elle disposait d’un « autre élément de revenu ». Elle a en revanche indiqué dans ses demandes de prestations d’aide sociale financière des 9 décembre 2011 et 20 juin 2013 qu’elle ne bénéficiait pas d’« autres éléments de revenus ».

3. En signant les documents « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général » datés des 3 novembre 2010, 9 décembre 2011,
27 mars 2013, 6 juin 2013 et 11 octobre 2013, Mme A______ a déclaré avoir pris connaissance de ce document et du fait que les prestations d’aide financière étaient subsidiaires à toute autre ressource provenant du travail, de la famille, de la fortune ou d’une prestation sociale. Elle s’est également engagée d’une part à donner immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique, en particulier toute information sur toute forme de revenu ou de fortune, et d’autre part à informer immédiatement et spontanément l’hospice de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant de ses prestations d’aide financière, notamment de toute modification de sa situation personnelle, familiale et économique. Enfin, elle s’est engagée à rembourser à l’hospice toute prestation exigible, notamment en cas de prestation indûment perçue.

4. En 2012, Mme A______ a perçu un salaire brut total de CHF 826.-, soit CHF 774.- net, pour son travail auprès du jardin d’enfants « C______ ». Il ressort par ailleurs des relevés bancaires de Mme A______ que celle-ci a effectué un versement de CHF 120.- au guichet automatique le 3 mars 2014.

5. Suite à la découverte de ce versement, l’hospice a auditionné Mme A______ le 9 juillet 2014 à son domicile, sis D______, Genève, dans le cadre d’une enquête générale. Elle habitait à cette adresse depuis octobre 2010 et partageait ce logement avec son concubin, M. B______, qui faisait l’objet d’une curatelle. Elle a tout d’abord indiqué qu’elle ne recevait aucune aide financière de la part d’un membre de sa famille, puis a admis que sa mère lui fournissait une aide financière mensuelle d’environ CHF 400.- pour pouvoir boucler ses fins de mois.

6. Mme A______ n’a plus sollicité de prestations d’aide financière auprès de l’hospice à compter du 31 mai 2014.

7. Par courrier du 22 septembre 2014, l’hospice a demandé à Mme A______ de bien vouloir lui transmettre ses fiches de salaire du jardin d’enfants « C_____ » pour les mois de février, mars et décembre 2012 ainsi que ses relevés bancaires pour les mois de mars et mai 2013, et de lui indiquer depuis quand elle recevait une aide financière de sa famille.

8. Par courrier du 7 octobre 2014, Mme A______ a fourni à l’hospice la copie des relevés bancaires qu’il avait demandés et son certificat de salaire du jardin d’enfants « C______ » pour l’année 2012. Ses parents avaient toujours payé ses primes d’assurance-maladie et d’assurance complémentaire, ses cotisations à l’AVS et ses factures médicales. Depuis juin 2014, ils réglaient également ses factures téléphoniques et participaient, si nécessaire, à ses frais alimentaires.

9. Par décision du 13 novembre 2014, le Centre d’action sociale de la Servette a demandé à Mme A______ la restitution des montants qu’il considérait avoir été indûment perçus, soit CHF 14'809.45.

Ce montant tenait compte de deux éléments non déclarés à l’hospice. Le premier concernait les revenus perçus des remplacements effectués par Mme A______ au jardin d’enfant « C______ » en janvier, février, mars et novembre 2012, soit CHF 603.80. Le second visait l’aide financière des parents de Mme A______ : celle-ci avait en effet informé le service des enquêtes que sa mère lui apportait une aide financière mensuelle et régulière de CHF 400.- et avait confirmé dans son courrier que cette aide avait toujours existé. Un arriéré était ainsi calculé sur plus de trente mois.

10. Par courrier du 8 décembre 2014, Mme A______ a formé opposition contre la décision précitée de l’hospice. Les salaires que celui-ci lui reprochait d'avoir omis de déclarer avaient tous été versés sur son compte bancaire, au sujet duquel l’hospice disposait des relevés bancaires, et elle contestait le montant des versements effectués sur ce compte. Elle sollicitait par ailleurs un entretien.

11. Par courrier du 9 décembre 2014, l’hospice a refusé d’entendre
Mme A______ et lui a accordé un délai au 7 janvier 2015 pour compléter son opposition.

12. Par observations du 22 décembre 2014, Mme A______ a complété son opposition. L’aide financière de ses parents n’avait pas commencé au début de son inscription à l’hospice, ladite inscription étant intervenue après que ses parents lui avaient coupé les vivres, hormis le paiement de ses primes d’assurance-maladie dont ils s’étaient toujours acquittés jusqu’à ce que l’hospice les prenne en charge. Depuis février 2012, ses parents avaient payé le « surplus » de son assurance-maladie non couvert par les prestations de l’hospice, soit CHF 40.- en 2012 et CHF 50.- en 2013. Depuis septembre 2013, ceux-ci avaient payé ses cotisations à l’AVS, soit CHF 123.55 trimestriellement, ainsi que sa franchise d’assurance-maladie de CHF 300.- et la quote-part de 10 %. Elle n’avait toutefois jamais reçu de ses parents CHF 400.- par mois en liquide, a fortiori quand ils n’étaient pas en bons termes en 2011-2012. Ses parents lui avaient par la suite offert quelques denrées alimentaires quand elle n’avait plus les moyens de s’acheter à manger et ils la dédommageaient quand elle gardait leur chien, soit une à deux fois par an depuis 2013. Elle subvenait seule à ses besoins alimentaires et à ceux de M. B______, quand bien même celui-ci mangeait bien plus qu’elle et qu’il lui arrivait de beaucoup manger lorsqu’il se relevait la nuit. Elle ne parvenait ainsi parfois pas à subvenir à ses besoins malgré l’aide de l’hospice. De plus, les prestations reçues ne correspondaient pas au montant auquel elle avait droit. Enfin, elle n’avait aucune activité fixe ni aucune fortune, et il lui était dès lors impossible de rembourser quoi que ce soit à l’hospice.

13. Par décision sur opposition du 5 août 2016, le directeur de l’hospice a rejeté l’opposition de Mme A______ et confirmé la décision du 13 novembre 2014 en tant qu’elle réclamait à celle-ci CHF 14'809.45. Concernant les salaires versés par le jardin d’enfants « C______ », il n’incombait pas aux collaborateurs de l’hospice d’examiner attentivement les relevés bancaires, le bénéficiaire devant annoncer spontanément et immédiatement tous ses revenus. Quant au soutien financier des parents de Mme A______, les déclarations de celle-ci avaient fluctué et l'hospice avait ainsi retenu, sur la base des premières déclarations de Mme A______, un montant mensuel de CHF 400.- depuis le début de l’aide financière par l’hospice. Au sujet de la différence entre les prestations auxquelles Mme A______ avait droit et celles effectivement perçues, l’hospice avait versé une partie de la prestation directement à des tiers et, comme elle en avait été informée, il avait payé rétroactivement au service de protection de l’adulte la moitié du loyer pour le logement sis D______ dans lequel elle résidait avec son compagnon. L’hospice détaillait sur trois pages neuf des mois concernés en reprenant en détail tous les montants pertinents. Mme A______ ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi et ne remplissait dès lors pas les conditions de la remise au sens de l’art. 42 de la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04).

14. Par courrier du 23 août 2016, Mme A______ a recouru contre la décision sur opposition du 5 août 2016 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Le tableau récapitulatif des prestations établi par l’hospice était erroné et elle contestait avoir été informée du versement rétroactif du loyer du logement partagé avec M. B______. Les montants payés par ses parents ne constituaient pas des revenus mais des paiements de factures que l’hospice ne prenait pas en charge. Elle acceptait de rembourser à l’hospice les salaires versés par le jardin d’enfants « C______ », soit CHF 603.80, et de s’acquitter d’une éventuelle pénalité.

15. Dans sa réponse du 22 septembre 2016, l’hospice a conclu au rejet du recours. Il reprenait l’historique du dossier, y compris la description d’entretiens entre Mme A______ et ses assistants sociaux, dès l’ouverture du dossier, soit les entretiens de novembre 2009, août 2010, novembre 2010, 18 avril 2013, 16 mai 2013, 16 juillet 2013, 10 mars 2014, 7 et 29 avril 2014, 6 mai 2014. Leur contenu sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt, à l’instar des arguments de l’intimé.

16. Dans sa réplique du 24 octobre 2016, Mme A______ a soutenu que les contributions financières de ses parents étaient « irrégulières et non ponctuelles » et que cette aide avait débuté en février 2012, pour un total de CHF 10'800.-. Il fallait déduire de ce montant l’aide reçue durant les mois où elle avait perçu une prestation de l’hospice inférieure à CHF 800.-. Elle concluait que seul un montant final de CHF 8'400.- pouvait faire l’objet du litige.

17. Au cours de l’audience de comparution personnelle du 17 novembre 2016, Mme A______ a déclaré que ses parents l’avaient aidée uniquement à partir de février 2012 à hauteur de CHF 100.- maximum par semaine si elle avait des difficultés et à condition qu’elle leur rende visite, sous réserve du paiement de certaines factures et notamment des primes d’assurance-maladie. Elle n’avait jamais voulu cacher à l’hospice l’aide reçue de ses parents, qui la soutenaient. Elle aurait dû comprendre qu’il s’agissait d’autres revenus extérieurs et qu’elle aurait dû les annoncer.

Monsieur E______, père de Mme A______, entendu à titre de renseignement, a confirmé que son épouse et lui-même n’avaient pas aidé leur fille jusqu’en février 2012 environ, la situation avec celle-ci étant à l’époque conflictuelle. Ils l’avaient ensuite soutenue irrégulièrement sur une période de vingt-six mois. Il estimait l’aide totale fournie à environ CHF 8'000.-. Ils s’étaient toujours acquittés de la prime d’assurance-maladie complémentaire de leur fille et, jusqu’à ce que l’hospice la prenne en charge, de la prime de l’assurance-maladie de base.

À l’issue de l’audience, un délai au 15 décembre 2016 a été imparti aux parties pour produire d’éventuelles observations complémentaires.

18. Dans son courrier du 14 décembre 2016, l’hospice a rappelé que les déclarations de Mme A______ étaient fluctuantes et que ses premières déterminations étaient dès lors déterminantes, en application de la jurisprudence.

Mme A______ n’a pas produit d’observations complémentaires.

19. Le 19 décembre 2016, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 52 LIASI, art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le recours porte sur la demande de restitution de prestations financières d’aide sociale d’un montant de CHF 14'809.45.

3. a. La LIASI est entrée en vigueur le 19 juin 2007 sous l’intitulé « Loi sur l’aide sociale individuelle (LASI) ». Le titre a été modifié le 1er février 2012.

b. La LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel
(art. 1 al. 1).

c. Les prestations de l’aide sociale individuelle sont l’accompagnement social, les prestations financières et l’insertion professionnelle (art. 2 LIASI).

d. La personne majeure qui n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d’aide financière. Celles-ci ne sont pas remboursables sous réserve notamment de la perception indue des prestations (art. 8 al. 1 et 2 LIASI).

e. Les prestations d’aide financière sont subsidiaires à toute autre source de revenu, aux prestations découlant du droit de la famille ou de la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe du 18 juin 2004 (loi sur le partenariat, LPart - RS 211.231), ainsi qu’à toute autre prestation à laquelle le bénéficiaire et les membres du groupe familial ont droit, en particulier aux prestations d’assurances sociales fédérales et cantonales, et aux prestations communales, à l’exception des prestations occasionnelles (art. 9 al. 1 LIASI).

L’Hospice général est légalement subrogé (art. 10 al. 1 let. a LIASI) aux droits du créancier, notamment, de la dette alimentaire instituée par l’art. 328 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210). Celui-ci n’est toutefois pas pertinent en l’espèce, l’intimé n’alléguant pas que les parents de la recourante seraient « dans l’aisance ».

f. Les ressources du mois en cours sont déterminantes pour la fixation des prestations (art. 27 al. 1 let. a LIASI). Sur la base de cette disposition, la chambre administrative a retenu que les montants versés par la sœur d’une bénéficiaire devaient être annoncés, puisque ceux-ci avaient une incidence sur le montant des prestations financières auxquelles la bénéficiaire et son époux pouvaient prétendre de la part de l’hospice, et cela même si les versements avaient été effectués par la sœur de la recourante au titre de la solidarité familiale (ATA/174/2012 du 27 mars 2012).

4. La LIASI impose un devoir de collaboration et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI).

Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu’il donne immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique (ATA/239/2015 du 3 mars 2015 ; ATA/368/2010 du 1er juin 2010).

5. Selon l’art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l’hospice réclame au bénéficiaire, à sa succession ou à ses héritiers qui l’ont acceptée, le remboursement de toute prestation d’aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n’est pas de bonne foi (al. 3). Si la restitution de l’indû donne lieu à compensation, le minimum vital du bénéficiaire, calculé selon les normes d’insaisissabilité de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1), doit être respecté (al. 6).

De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l’obligation de renseigner l’hospice est une prestation perçue indûment (ATA/239/2015 du 3 mars 2015 ; ATA/1024/2014 du 16 décembre 2014 ; ATA/864/2014 du 4 novembre 2014).

Il convient toutefois d’apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l’entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l’objet d’une demande de remboursement (ATA/127/2013 du 26 février 2013).

6. Le bénéficiaire qui était de bonne foi n’est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis, de ce fait, dans une situation difficile (art. 42 al. 1 LIASI).

Les conditions de la bonne foi et de la situation financière difficile sont cumulatives (ATA/588/2014 du 29 juillet 2014 et les références).

7. En l’espèce, il incombait à la recourante, conformément à l’art. 33 al. 1 LIASI, d’informer l’intimé de l’existence et du montant des revenus perçus de son activité auprès du jardin d’enfants « C______ ». En ne le faisant pas, la recourante n’a pas respecté son obligation d’information et a dès lors perçu indûment des prestations de la part de l’intimé. Le montant reçu comme salaire du jardin d’enfants, soit CHF 603.80, n’est par ailleurs pas litigieux.

8. a. En ce qui concerne l’aide financière versée par les parents de la recourante, il convient tout d’abord de constater que celle-ci aurait dû l’annoncer auprès de l’intimé. En effet, cette aide fait partie des ressources dont disposait la recourante et celles-ci sont déterminantes pour la fixation du montant des prestations (art. 27 al. 1 let. a LIASI).

b. Selon la recourante, l’aide fournie par ses parents ressortait plutôt de l’aide « gratuite » à des proches, dans une période de difficultés, en l’absence de travail rémunérateur, à l’instar de cadeaux.

Aux termes de l’art. 22 al. 2 let. c LIASI, ne font pas partie du revenu pris en compte, notamment, les prestations ponctuelles provenant de personnes, d’institutions publiques ou d’institutions privées ayant manifestement le caractère d’aide occasionnelle (art. 22 al. 2 let. c LIASI).

Les travaux préparatoires donnent comme exemple « un coup de pouce pour permettre à un enfant de partir en camp de vacances. Il paraît difficile de réduire d’autant la prestation de l’Hospice général, d’une part, pour éviter l'effet confiscatoire et, d’autre part, pour ne pas devoir recalculer à chaque fois des prestations » (MGC 2006-2007/V A - Séance 25 du 23 février 2007 PL 9676-A ; P 1573-A ad. art. 21).

En l’espèce, tant la recourante que son père, ont confirmé que l’aide fournie par les parents était régulière. Ils s’accordent pour la chiffrer, respectivement, à CHF 400.- par mois ou CHF 100.- par semaine. En conséquence, les sommes versées par les parents de la recourante à celle-ci n’étant pas occasionnelles, l’art. 22 al. 2 let. c LIASI ne trouve pas application.

Cet argument n’est pas fondé.

9. Les parties divergent sur le dies a quo du début des versements. L’hospice retient novembre 2010, date du début de son intervention, alors que la recourante soutient qu’il s’agit de février 2012, date de la reprise de contact avec ses parents.

Il ressort de la première audition de l’intéressée, à l’ouverture de son dossier en novembre 2009, qu’elle avait des relations difficiles avec ses parents. Ils l’aidaient à payer ses cotisations d’assurance-maladie. Elle effectuait des remplacements dans des crèches et gardait des enfants dans leur famille. À cette époque, aucune aide financière n’avait été allouée à l’intéressée au vu de son ménage commun avec son compagnon.

Lors d’une audition en 2010, l’intéressée a expliqué à son assistante sociale rencontrer des difficultés avec ses parents, lesquels s’acquittaient néanmoins de sa prime d’assurance-maladie. Elle a précisé, lors de sa comparution devant la chambre de céans, que lesdites factures arrivaient à l’adresse de ses parents, lesquels s’en acquittaient sans qu’il ne soit nécessaire qu’elle les rencontre pour leur transmettre les documents.

La recourante a expliqué que les tensions avec ses parents résultaient principalement de sa relation avec son compagnon, ce que son père a confirmé lors de son audition. Il n’est pas contesté par l’intimé que le compagnon de la recourante rencontrait des difficultés personnelles. Il était sous curatelle et était suivi par le service de protection de l’adulte. Il bénéficiait de prestations de l’hospice. Des tensions entre la recourante et ses parents à ce propos sont en conséquence compatibles avec les pièces du dossier, ce d’autant plus que l’intéressée a régulièrement fait part de ses difficultés de couple à l’hospice, y compris de ses séparations avec son compagnon et de ses déménagements, ce qui a impliqué « qu’au vu de l’instabilité de [son] couple ». les dossiers des deux protagonistes soient séparés au sein de l’hospice.

La recourante et son père confirment que les versements n’ont commencé qu’à partir de février 2012, date à compter de laquelle la recourante et ses parents ont rétabli le contact. Tous deux précisent que les versements étaient conditionnés à ce que les parents voient leur fille. « À partir de 2012, mes parents m’ont donné de l’argent en mains propres, quand je passais les voir. Ce qui était convenu avec mes parents était qu’ils voulaient bien m’aider, par tranche de CHF 100.- maximum par semaine, si j’avais des difficultés, à la condition que je vienne les voir ». Au vu des difficultés rencontrées par la famille, cette condition posée par les parents est crédible. Aucune pièce du dossier ne vient d’ailleurs contredire ce point. Les versements ont toujours été effectués de la main à la main.

Ainsi, il sera retenu que les liens entre la recourante et ses parents ont été coupés jusqu’en février 2012, date à partir de laquelle l’intéressée a régulièrement vu ses parents. Par voie de conséquence la recourante a bénéficié, dès cette date, de CHF 100.- par semaine environ, ce qu’elle ne conteste plus.

Contrairement à la position de l’intimé, le dies a quo des versements est fixé au 1er février 2012.

10. L’intimé allègue que la recourante s’est régulièrement contredite dans ses allégations.

Lors de son audition le 9 juillet 2014, la recourante a tout d’abord déclaré qu’elle recevait une aide mensuelle de CHF 400.- de sa mère pour finir les mois. À l’occasion de sa dernière détermination dans le cadre de l’audience de comparution personnelle du 17 novembre 2016, la recourante a précisé que, depuis février 2012, ses parents lui donnaient de l’argent en mains propres à hauteur de CHF 100.- maximum par semaine si elle avait des difficultés et à condition qu’elle leur rende visite.

L’intimé considère que les déclarations de la recourante sont fluctuantes et a dès lors retenu un montant mensuel de CHF 400.- sur toute la période durant laquelle la recourante a bénéficié de prestations.

Au contraire de ce qu’a retenu l’intimé, les déclarations de la recourante n’apparaissent pas contradictoires. En effet, celle-ci n’a pas reconnu lors de son audition du 9 juillet 2014 avoir perçu une aide de la part de ses parents sur toute la période durant laquelle elle a perçu des prestations ni que le montant de CHF 400.- lui aurait été remis tous les mois. À aucun moment la recourante n’a fait de déclarations dans ce sens.

Il n’y a pas non plus lieu de mettre en doute les déclarations du père de la recourante, qui admet avoir fourni à sa fille une aide totale de CHF 8'000.- et en a détaillé les raisons. Par ailleurs les déclarations de la recourante, dès le dépôt de son dossier auprès de l’hospice, sont cohérentes avec les événements tels qu’ils se sont déroulés entre 2009 et 2016.

Cet argument sera écarté.

11. L’intéressée et son père établissent le montant total ainsi perçu par la recourante à CHF 8’000.- environ. Toutefois, à imputer des CHF 14'809.45 réclamés, les neuf mensualités de CHF 400.- retenues, à tort, par l’hospice entre le 1er novembre 2010, début de l’aide, et le 31 janvier 2012, le total encore dû s’élève à CHF 11'209.45.

Aux questions posées par le juge délégué par la chambre administrative en audience sur les calculs effectués par la recourante, celle-ci a indiqué ne pas être en mesure de répondre, cette problématique étant habituellement gérée par ses parents. Aucun document ne détaille clairement les chiffres que la recourante contesterait sur les CHF 11'209.45 précités. Par ailleurs l’hospice a fourni des explications détaillées dans la décision querellée. Il semble toutefois que la recourante parvienne à CHF 8'000.- en considérant que les mois pour lesquels l’hospice lui versait moins que CHF 800.- n’avaient pas à être remboursés, au motif que l’aide des parents était indispensable pour pouvoir vivre. Cette approche n’est pas fondée dès lors que la diminution de l’aide de l’hospice certains mois était liée à l’obtention, par la recourante, de revenus pour la même période, à l’instar de salaires, conformément au principe de la subsidiarité prévu par la LIASI (art. 9 LIASI).

Il n’y a en conséquence pas lieu de s’écarter du montant de CHF 11'209.45 en l’absence d’autres pièces au dossier, ce d’autant moins au vu des particularités de ce dossier où tous les paiements se sont faits de la main à la main et où la recourante ne conteste pas que ses parents se sont acquittés de montants supplémentaires, à l’instar des primes d’assurance-maladie, de frais de téléphone ou de cotisations AVS.

12. Partant, le montant total des prestations indûment perçues par la recourante s’élève à CHF 11'209.45.

13. La recourante se prévaut de sa bonne foi.

a. Les rapports entre les art. 36 al. 2 et 3 et 42 al. 1 LIASI ne sont pas des plus clairs. Ils ont fait l’objet d’une analyse dans l’ATA/167/2014 du 18 mars 2014 (consid. 8).

b. La juridiction de céans a déjà jugé que ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi l'administré qui avait contrevenu à son obligation d'information en n'annonçant qu'en juin un travail qu'il avait commencé en mars (ATA/102/2012 du 21 février 2012 consid. 11), ou qui n'avait pas annoncé des aides financières versées par l'un de ses proches pendant plusieurs mois, état de fait découvert par un collaborateur de l'hospice (ATA/174/2012 précité consid. 5). Ce dernier cas concernait une femme, mère de trois enfants en Suisse et de cinq en Afrique, aidée par sa sœur, pour un total de CHF 13'972.60 en l’espace de dix-sept mois. Il s’agissait de « pure solidarité familiale », l’intéressée n’ayant jamais imaginé que ces virements, qui leur permettaient de « maintenir la tête hors de l’eau », puissent entrer dans le calcul des prestations octroyées par l’hospice. La bonne foi avait été écartée.

c. La bonne foi de l’administré a par contre été retenue dans un dossier où l’hospice devait s’attendre à ce que la recourante reçoive rapidement les arriérés de contribution d’entretien mentionnés dans les courriers du service cantonal d’avance et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après : SCARPA), correspondances qu’il avait reçues. L’hospice aurait dès lors pu s’informer auprès de la recourante et/ou du SCARPA (ATA/103/2012 du 21 février 2012 consid. 9). Elle a de même été retenue dans un cas où le trop-perçu était exclusivement imputable à une erreur de l’hospice (ATA/588/2014 du 29 juillet 2014 consid. 5) ou dans une situation où tous les documents nécessaires avaient été régulièrement transmis à l’intimé (ATA/948/2016 consid. 6).

14. a. En ce qui concerne les revenus tirés de son activité auprès du jardin d’enfants « C______ », la recourante ne pouvait ignorer qu’il s’agissait de revenus dont elle devait tenir l’intimé informé. Elle ne le conteste d’ailleurs pas.

b. Pour ce qui est de l’aide financière apportée par les parents de la recourante, celle-ci fait valoir qu’elle n’avait, de bonne foi, pas compris qu’il s’agissait de revenus qu’elle devait déclarer.

Il est vrai que la recourante n’a jamais nié obtenir de l’aide de ses parents et en a versé une partie sur le compte bancaire dont elle communiquait les relevés à l’intimé. Dès 2009, elle a indiqué à l’hospice que ses parents payaient ses primes d’assurance maladie et, en conséquence, lui fournissaient de l’aide. La situation était identique lorsqu’elle a informé l’hospice que son père sous-louait l’appartement dans lequel elle logeait, avant qu’elle ne précise quelques mois plus tard que son parent ne parvenait plus à acquitter lesdits loyers. Elle avait de même informé l’intimé le 18 avril 2013 qu’elle avait l’opportunité de partir en vacances, ses parents finançant ce séjour à hauteur de CHF 1'314.-. La présence de son père, par exemple lors de l’entretien à l’hospice le 13 juillet 2013, devait conforter l’hospice dans la réalité du soutien que les parents de la recourante lui fournissaient et aurait pu permettre à l’hospice de poser des questions directement à l’intéressé.

De même, la formulation du questionnaire de l’hospice n’est pas très explicite, quand bien même elle est générale. La rubrique « autres éléments de revenus » après les questions relatives aux prestations sociales, aux revenus de biens mobiliers ou immobiliers, au revenu d’un contrat viager, aux droits d’auteur ou revenu d’une activité artistique n’incite pas à imaginer qu’il peut s’agir de l’aide apportée en cash par ses parents, à l’issue d’une visite à leur domicile alors que ceux-ci sont en souci quant aux moyens d’existence de leur enfant.

À ce titre, l’art. 22 LIASI prouve que la réflexion de la recourante sur l’aide à des proches n’est pas dénuée de tout fondement.

Toutefois, avant d’être interpellée sur cette problématique dans le cadre de l’enquête diligentée à son encontre par l’hospice, la recourante n’a jamais fait mention de versements en espèces de ses parents en sa faveur, ni sur le formulaire précité, ni même à son assistante sociale, lors des entretiens. Or, entre février 2012 et juillet 2014, elle a reçu, régulièrement, chaque semaine, de la main à la main, de l’argent de ses parents. Sur cette durée, il s’est agi de plus de cent versements. Conformément au formulaire « mon engagement », dûment signé à trois reprises en 2013 notamment, il lui appartenait de donner immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement nécessaire à l’établissement de sa situation économique, en particulier toute information sur toute forme de revenu, les prestations d’aide financière étant subsidiaires à toute autre ressource provenant notamment « de la famille ». Dans ces conditions, il peut être reproché à la recourante de ne pas avoir averti l’hospice de ces versements, ce qu’elle a d’ailleurs reconnu en audience.

En taisant ces versements, la recourante a contrevenu à son engagement, plusieurs fois renouvelé auprès de l’hospice, de sorte que sa bonne foi ne peut être admise.

La première condition de l’art. 42 al. 1 LIASI n’étant pas réalisée, une demande de remise ne pourrait qu’être rejetée.

15. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision sur opposition rendue par l’intimé le 5 août 2016 annulée, la recourante étant condamnée à rembourser le montant de CHF 11'209.45.

16. Conformément à ce qu’indiquait l’hospice dans sa décision, la recourante conserve la possibilité, en cas de difficultés financières documentées, de contacter le service du recouvrement de l’hospice pour négocier la mise en place d’un plan de remboursement qui tienne compte de sa situation.

17. Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA et art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). En l’absence de requête de la recourante en ce sens, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée, celle-ci n’ayant par ailleurs encouru aucun frais pour sa défense (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 août 2016 par Madame A______ contre la décision de l’Hospice général du 5 août 2016 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule la décision attaquée ;

condamne Madame A______ à rembourser à l’Hospice général la somme de
CHF 11'209.45 en capital ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu’à l’Hospice général.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :