Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/173/2018

ATA/947/2018 du 18.09.2018 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/173/2018-AIDSO ATA/947/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 septembre 2018

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

1. Monsieur A______, né le ______ 1982, a sollicité au mois d'avril 2014 des prestations d'aide financière de l'Hospice général (ci-après : l'hospice).

Dans ce contexte, il a signé les 14 avril 2014 et 18 mai 2015 le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général », attestant avoir pris connaissance des droits et obligations découlant de la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et son règlement d’exécution, et prenant acte que les prestations d’aide financière étaient subsidiaires à toute autre ressource provenant du travail, de la famille, de la fortune ou d’une prestation sociale. Il s’engageait notamment à respecter la loi, à donner immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu’à l’étranger, en particulier toute information sur toute forme de revenu ou de fortune, à informer immédiatement et spontanément l’hospice de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant de ses prestations d’aide financière, notamment de toute modification de sa situation personnelle, familiale et économique, tant en Suisse qu’à l’étranger, de même qu’à rembourser à l’hospice toute prestation exigible à teneur des dispositions applicables de la LIASI.

2. M. A______ a perçu des prestations d'aide financière de l'hospice entre le 1er juin 2014 et le 28 février 2017.

3. Dans le cadre d'une enquête complète menée « au besoin » par le service des enquêtes de l'hospice, M. A______ a été entendu le 8 juillet 2015. À cette occasion, il a notamment déclaré avoir réalisé des gains accessoires au mois de décembre 2014 chez B______, en qualité de vendeur papeterie et multimédia à temps partiel de 30 %. Le montant de son salaire, soit CHF 2'208.70, avait été versé sur le compte de son père, auquel il devait de l'argent pour une carte de crédit que ce dernier avait prise pour lui chez C______. M. A______ avait détruit ladite carte de crédit, mais devait encore de l'argent à son père, lequel avait toutefois décidé d'attendre qu'il retrouve un emploi et que sa situation financière s'améliore avant de lui réclamer le remboursement intégral de la carte de crédit.

L'enquête révélait également que M. A______ avait réalisé des gains intermédiaires au mois de juin 2014 auprès de D______.

4. Faisant suite au rapport d'enquête daté du 26 août 2015, l'hospice a, par courrier du 19 octobre 2015, invité M. A______ à produire ses fiches de salaire pour les mois de juin 2014 chez D______ et décembre 2014 chez B______.

5. Le 1er mars 2016, M. A______ a remis à son assistante sociale de l'hospice un extrait caviardé du compte Postfinance 1______, sur lequel un montant de CHF 2'208.70 avait été crédité par B______ le 7 janvier 2015. Selon ses déclarations, son père était titulaire de ce compte.

6. Le 24 mars 2016, l'hospice a adressé à M. A______ une décision de demande de restitution. Compte tenu de l'enquête dont il avait fait l'objet et des documents qu'il avait remis à l'hospice, il devait rembourser les montants indûment perçus. Il n'avait pas respecté son devoir d'information en omettant de déclarer à l'hospice ses salaires de juin et décembre 2014 et en ne produisant pas les fiches de salaire y relatives. Une introduction rétroactive de ses revenus dans son dossier générait un montant indûment perçu de CHF 3'008.25.

7. Le 20 avril 2016, M. A______ a formé opposition contre la demande de restitution précitée. Concernant son activité chez B______ en décembre 2014, il l'avait déclarée et avait remis en mains propres tous les documents y relatifs à l'inspecteur lors de son audition du 8 juillet 2015. Il n'avait rien caché à l'hospice à ce sujet. Sa seule erreur avait été d'estimer qu'il n'était pas nécessaire d'en informer sa conseillère, dès lors que cette entrée d'argent n'était pas pour lui, mais pour son père. S'agissant de son activité chez D______, il l'avait également déclarée et le montant de son salaire avait été déduit de ses prestations par l'hospice. Son employeur ne lui avait toutefois jamais remis sa fiche de salaire.

Un extrait du compte Postfinance 2______de M. A______ pour le mois de juin 2014 et un extrait caviardé du compte Postfinance 1______ de son père pour le mois de janvier 2015 étaient joints à son courrier.

8. Par décision du 18 décembre 2017, le directeur de l'hospice a partiellement rejeté l'opposition du 20 avril 2016 et confirmé la décision du 24 mars 2016 en tant qu'elle réclamait à M. A______ la somme en capital de CHF 2'364.50 à titre de prestations indûment perçues pour le mois de janvier 2015.

Il résultait de l'étude de son dossier que M. A______ avait déclaré l'intégralité des gains réalisés chez D______, ce dont il avait été tenu compte par l'hospice dans le calcul des prestations, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de lui réclamer la restitution de la somme de CHF 643.75 découlant de ces gains. En conséquence, cette question n'était désormais plus litigieuse.

En revanche, il n'avait jamais déclaré son salaire de CHF 2'208.70 réalisé chez B______ en décembre 2014. S'il l'avait fait en temps utile, ce montant aurait été intégré à titre de revenus dans ses prestations du mois de janvier 2015 et l'aurait placé hors des barèmes d'intervention de l'hospice, de sorte qu'il n'aurait pas perçu la somme de CHF 2'364.50. En déclarant ses revenus à l'hospice en juillet 2015 seulement, il avait violé son obligation de renseigner immédiatement, dont il avait connaissance puisqu'il avait signé son engagement. Enfin, le fait que M. A______ ait choisi de rembourser son père plutôt que d'affecter son salaire à son propre entretien constituait une violation du principe de subsidiarité.

9. Le 18 janvier 2018, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition précitée, concluant implicitement à son annulation.

Il confirmait n'avoir jamais perçu ni dépensé pour sa propre personne le salaire qu'il avait réalisé chez B______. Malgré une confusion par le directeur de l'hospice des numéros de comptes Postfinance dont étaient respectivement titulaires son père et lui, il avait démontré que la somme de CHF 2'208.70 créditée par B______ en janvier 2015 l'avait été sur le compte de son père et non le sien. Il admettait n'avoir pas fait les choses correctement en n'informant pas rapidement son assistante sociale de son gain accessoire. Il avait cru bien faire en voulant régler une dette auprès de son père ; les actions pour la famille dépassaient parfois toute bonne logique.

10. Le 9 mars 2018, l'hospice a répondu au recours et conclu à son rejet. Le recourant avait admis lui-même n'avoir pas déclaré en temps utile à son assistante sociale avoir réalisé un salaire auprès de B______ en décembre 2014. Des prestations lui avaient ainsi été indûment versées au mois de janvier 2015, de sorte que la demande de restitution était justifiée et devait être confirmée. Ni l'argumentation de M. A______, ni l'erreur de plume qui figurait dans la décision attaquée concernant les numéros de comptes Postfinance n'étaient de nature à modifier la détermination de l'hospice.

11. Le recourant n'ayant pas usé de son droit à la réplique, les parties ont été informées le 19 avril 2018 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 52 LIASI ; art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le litige porte sur la conformité au droit de la demande en restitution de la somme de CHF 2'364.50 – à titre de prestations indûment perçues pour le mois de janvier 2015 – formulée par l’hospice à l’encontre du recourant le 24 mars 2016, confirmée le 18 décembre 2017.

3. a. La LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Les prestations de l’aide sociale individuelle sont l’accompagnement social, les prestations financières et l’insertion professionnelle (art. 2 let. a à c LIASI). La personne majeure qui n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d’aide financière (art. 8 al. 1 LIASI). Ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve notamment des art. 36 à 41 LIASI (art. 8
al. 2 LIASI).

b. Les prestations d’aide financière versées en vertu de la LIASI sont subsidiaires, notamment, à toute autre source de revenu, aux prestations découlant du droit de la famille, ainsi qu’à toute autre prestation à laquelle le bénéficiaire et les membres du groupe familial ont droit (art. 9 al. 1 LIASI).

c. La LIASI impose un devoir de collaboration et de renseignement (ATA/590/2018 du 12 juin 2018 et les arrêts cités).

Selon l’art. 32 al. 1 LIASI, le demandeur ou son représentant légal doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d’aide financière.

Conformément à l’art. 33 al. 1 LIASI, le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression.

Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu’il donne immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu’à l’étranger (ATA/261/2018 du 20 mars 2018 ; ATA/768/2015 du 28 juillet 2015 et les arrêts cités).

d. Aux termes de l’art. 36 LIASI, afférent aux prestations perçues indûment, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1) ; par décision écrite, l’hospice réclame au bénéficiaire, à sa succession ou à ses héritiers qui l’ont acceptée, le remboursement de toute prestation d’aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2) ; le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n’est pas de bonne foi (al. 3).

Toute prestation obtenue en violation de l’obligation de renseigner l’hospice est une prestation perçue indûment (ATA/590/2018 précité et les arrêts cités).

Il convient toutefois d’apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l’entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l’objet d’une demande de remboursement (ATA/768/2015 précité consid. 7c ; ATA/239/2015 précité ; ATA/127/2013 du 26 février 2013).

4. En l’espèce, le montant dont le remboursement est sollicité n’a jamais été contesté par le recourant, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’y revenir ou de le remettre en question (ATA/803/2018 du 7 août 2018 et les arrêts cités).

5. Le recourant conteste en revanche devoir rembourser le montant de CHF 2'364.50 au motif qu'il n'a pas lui-même perçu ni dépensé le salaire qui lui a été versé par B______ pour le mois de décembre 2014, la somme ayant été directement versée en janvier 2015 sur le compte Postfinance de son père, auquel il devait rembourser des frais de carte de crédit.

Force est toutefois de constater que le recourant admet lui-même avoir commis l'erreur de ne pas avoir avisé son assistante sociale de ce qu'il avait réalisé un gain accessoire au mois de décembre 2014, ce qu'il savait pourtant devoir faire non seulement dans la mesure où il avait signé son engagement auprès de l'hospice, mais également puisqu'il l'avait fait six mois plus tôt pour les revenus perçus auprès de D______. Or, ce n'est que dans le cadre de l'enquête ouverte à son encontre qu'il a révélé, lors de son audition du 8 juillet 2015, avoir reçu un salaire de B______. Le recourant a par conséquent violé son devoir de renseigner immédiatement l'hospice de ce fait clairement de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui étaient allouées, voire leur suppression.

L'argument du recourant selon lequel l'argent a été versé à son père au titre de remboursement de ses dettes ne permet pas de remettre en cause ce qui précède, ce d'autant plus que ce procédé ne respecte pas le principe de subsidiarité de la LIASI dans la mesure où les prestations d'aide financière sont destinées à subvenir à l'entretien de leurs bénéficiaires, et non au règlement de leurs dettes.

C’est donc à juste titre que l’hospice a réclamé au recourant le remboursement de CHF 2'364.50, somme qu’il a perçue indûment en violation de son obligation de renseigner.

6. Les parties n’ont, dans le cadre de la présente procédure, pas abordé la question de la remise. Rien ne s’oppose toutefois à ce que celle-ci soit traitée postérieurement au prononcé du présent arrêt. En effet, la demande de remise ne peut être traitée sur le fond que si la décision de restitution est entrée en force, la remise et son étendue devant faire l’objet d’une procédure distincte. Logiquement, une remise de l’obligation de restituer n’a de sens que pour une personne tenue à restitution (ATA/1214/2017 du 22 août 2017). Dans le litige examiné dans l’ATA/1214/2017 précité, les parties avaient pu faire valoir leur point de vue concernant la remise de sorte que, par économie de procédure, la chambre de céans avait examiné la question de la remise. Dans le cas d’espèce, ni le recourant, ni l’intimé ne se sont déterminés à ce sujet, de sorte qu’il convient de retourner le dossier à l’hospice pour qu’il se prononce sur l’octroi ou non d’une remise sur le montant de CHF 2'364.50 dont il réclame le remboursement à juste titre.

7. Vu ce qui précède, le recours sera rejeté et le dossier retourné à l’hospice pour qu’il se prononce sur l’octroi d’une remise au sens de l’art. 42 LIASI.

Compte tenu de la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument
(art. 87 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA- E 5 10.03). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 janvier 2018 par Monsieur A______ contre la décision de l’Hospice général du 18 décembre 2017 ;

au fond :

le rejette ;

retourne le dossier à l’Hospice général pour l’examen d'une remise de la somme de CHF 2'364.50 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :