Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2665/2016

ATA/1240/2017 du 29.08.2017 ( AIDSO ) , REJETE

Descripteurs : ASSISTANCE PUBLIQUE ; BÉNÉFICIAIRE DE PRESTATIONS D'ASSISTANCE ; PRESTATION D'ASSISTANCE ; SUBSIDIARITÉ ; OBLIGATION D'ANNONCER(EN GÉNÉRAL) ; OBLIGATION DE RENSEIGNER ; DEVOIR DE COLLABORER ; INDEMNITÉ DE CHÔMAGE ; RESTITUTION(EN GÉNÉRAL) ; REMISE DE LA PRESTATION ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : Cst.12; LIASI.1,al1; LIASI.1.al2; LIASI.8; LIASI.9al.1; LIASI.9.al2; LIASI.11.al4.lete; RIASI.17; RIASI.19; LIASI.22.al1; LIASI.32.al1; LIASI.33.al1; LIASI.36; LIASI.42.al1
Résumé : La LIASI impose un devoir de collaboration et de renseignement. Le formulaire d'engagement signé lors de la demande de l'aide financière concrétise cette obligation en exigeant du demandeur de donner immédiatement et spontanément tout renseignement et toute pièce nécessaire à l'établissement de sa situation personnelle, familiale et économique. Cacher des informations à l'hospice général, comme l'existence d'un compte bancaire supplémentaire ou la perception d'indemnités de chômage, constitue une violation de cette obligation et les prestations obtenues dans ces conditions sont perçues indûment et peuvent faire l'objet d'un remboursement.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2665/2016-AIDSO ATA/1240/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 août 2017

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 1975, de nationalité bolivienne, mère de trois enfants et mariée avec Monsieur B______, également bolivien, a bénéficié avec ses deux premiers enfants, nés respectivement en 1990 et 2011, et son petit-fils, né en 2010, de l'aide financière exceptionnelle accordée aux personnes étrangères sans autorisation de séjour par l'Hospice général (ci-après : l'hospice) du 1er décembre 2006 au 31 mars 2013.

2) Dans ce cadre, elle a complété et signé, à plusieurs reprises, soit en décembre 2006, mars 2008, mars 2010, mai 2011 et septembre 2012, le formulaire de demande de prestations d'aide financière.

Elle indiquait en particulier être titulaire d'un seul compte bancaire
n° ______ auprès de la banque C______
(ci-après : C______).

3) Elle a également signé les documents intitulés « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » respectivement « Mon engagement en demandant une aide financière exceptionnelle à l'Hospice
général ».

Ceux-ci stipulaient notamment qu'elle avait pris acte du caractère subsidiaire des prestations d'aide financière et que « toute prestation financière touchée indument, à la suite notamment d'une déclaration fausse, tardive ou incomplète, fera l'objet d'une demande de remboursement immédiate [ ] » ; elle s'engageait en particulier à « donner immédiatement et spontanément à l'Hospice général tout renseignement et toute pièce nécessaire à l'établissement de [sa] situation personnelle, familiale et économique [ ] en particulier toute information sur toute forme de revenu » ainsi que de l'informer de « tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations allouées ou leur suppression [ ] », montant qui tenait également compte des ressources des personnes faisant ménage commun avec elle.

4) Les prestations d'aide financière de Mme A______ ont été calculées en prenant compte, dans ses ressources, les salaires versés par divers employeurs, soit D_______ (ci-après : D______),
« E______, une autre École » et la Fondation genevoise pour F______ (ci-après : F______) en fonction des déclarations et des justificatifs que l'intéressée avait présentés à l'hospice.

Plus précisément, de mars 2008 à juillet 2009, le calcul a été opéré en prenant en compte des salaires versés par D______selon les fiches de salaire transmises par l'intéressée, lesquelles faisaient état, pour l'année 2008, d'un montant net de CHF 534.05 en février, CHF 605.30 en mars, CHF 646.10 en avril, CHF 643.65 en mai, CHF 646.10 en juin, ainsi que CHF 605.30 en octobre et décembre. Pour l'année 2009, les fiches de salaires reportaient un salaire net de CHF 605.30 de mars à juin.

Pour les mois de septembre 2011 à juillet 2012 et d'octobre 2012 à
mars 2013, le calcul a été opéré en prenant en compte les salaires versés par
« E______, une autre école », selon les déclarations fournies par l'intéressée, référant des salaires nets variant entre CHF 351.15 et CHF 672.65CHF mensuels.

5) En date du 12 octobre 2011, l'hospice a demandé à l'intéressée un remboursement de CHF 1'424.20 pour le salaire qu'elle avait perçu en juillet 2011 par la F______.

6) Le 11 septembre 2012, Mme A______ a informé son assistance sociale qu'elle s'était mariée avec M. B______ le 5 mai 2010.

Elle expliquait que jusque-là son mariage n'avait pas été reconnu par les autorités suisses. Son mari ne participait ni au loyer ni à l'entretien de la famille, il exerçait un travail non déclaré dans le canton de Berne et venait irrégulièrement à Genève le week-end.

7) Le 12 mars 2013, le service des enquêtes de l'hospice a livré un rapport concernant la situation personnelle, familiale et économique de Mme A______, lequel rapportait les éléments suivants :

- Mme A______ et son mari avaient repris la vie commune à Genève, en novembre 2012. Avant cette date, le mari se rendait à Genève les week-ends dès qu'il pouvait ; il travaillait, sans être déclaré, comme
garde-malades chez un employeur privé hors canton, pour un salaire mensuel de CHF 1'500.-, sur lequel était opérée une retenue de salaire de CHF 1'000.- à titre de remboursement d'un prêt de CHF 10'000.- qui lui avait été octroyé par l'employeur ;

- l'intéressée avait bénéficié d'indemnités de chômage entre 2009 et 2011, pour un montant global net de CHF 36'352.80 ;

- du 1er septembre 2011 au 30 juin 2012 et du 27 août 2012 au 30 juin 2013, elle avait travaillé en qualité d'accompagnante aux repas de midi des enfants auprès de « E______, une autre école» ;

- depuis le 24 octobre 2011, elle était employée en qualité de femme de ménage à temps partiel (20 %) par la société G______(Hôtel G______) laquelle lui avait versé des salaires pour un total de CHF 8'007.70 ;

- outre le compte privé qu'elle avait déclaré à son nom à la C______, elle était titulaire de deux autres comptes bancaires : un compte privé H______
n° ______ à son nom, et un compte joint avec son mari n° ______ auprès de la C______, sur lesquels lui avaient été versées en particulier des indemnités de chômages, des allocations perte de gain et plusieurs salaires ; son compte privé H______ n° ______ faisait état en particulier de versements à titre d'allocations perte de gain pour un montant global net de CHF 8'373.70 (CHF 3'778.60 + CHF 2'296.85 + 1'185.40 + 1'112.85) ainsi que de plusieurs versements sur son propre compte pour des montants dépassant CHF 20'000.- entre le 15 juin 2011 et le 8 novembre 2012.

Son extrait du compte individuel de la caisse cantonale genevoise de compensation révélait plusieurs autres revenus versés notamment par
D______, I______, la F______, « E______, une autre école » et Hôtel G______ ainsi que le total des indemnités de chômage touchées.

Plus précisément, il résultait que : de février 2008 à juillet 2009,
Mme A______ avait travaillé pour D______pour un revenu global brut de CHF 27'193.- (CHF 14'503.- + CHF 12'690.-) ; de mai 2008 à
mars 2009, elle avait travaillé pour I______, pour un revenu total brut de CHF 16'998.- (CHF 8784.- + CHF 5'695.- + CHF 2519.-) ; en
novembre 2009, elle avait travaillé pour un employeur privé, pour un revenu brut de CHF 120.- ; de novembre 2009 à janvier 2011, elle avait touché des indemnités de chômage, pour un montant total net de CHF 36'352.- ; en juillet 2011, elle avait travaillé pour la F______, pour un revenu brut de CHF 1'934.- ; de septembre à décembre 2011, elle avait travaillé pour « E______, une autre école » pour un revenu brut de CHF 1'939.- ; de novembre à décembre 2011, elle avait travaillé pour Hôtel G______, pour un revenu brut de CHF 519.-.

8) En date du 5 avril 2013, Hôtel G______ a transmis à l'hospice les fiches de salaire de Mme A______ de novembre 2011 à février 2013.

9) Le 8 avril 2013, l'hospice a invité Mme A______ à fournir plusieurs documents, dont notamment ses relevés bancaires concernant les années 2011, 2012 et 2013, ses fiches de salaire de G______pour la période de
mai 2012 à mars 2013 et la fiche de salaire d'un employeur privé de novembre 2009. Un délai était fixé au 15 avril 2013, après quoi le montant perçu indûment serait calculé sur la base des éléments en possession de l'hospice.

10) À une date inconnue, M. B______ a signé un document attestant notamment qu'il donnait à sa femme « presque » CHF 150.- par mois.

11) Par décision du 30 avril 2013, déclarée exécutoire nonobstant opposition, l'hospice a mis un terme au droit aux prestations d'aide financière exceptionnelle de Mme A______ à compter du 1er avril 2013.

12) Le 30 juin (recte : mai) 2013, Mme A______ a fait opposition contre la décision précitée en demandant son annulation ainsi que la restitution de l'effet suspensif.

13) Par décision sur opposition du 10 janvier 2014, le directeur général de l'hospice a rejeté l'opposition et confirmé la décision du 30 avril 2013 mettant un terme au droit aux prestations de Mme A______. Cette décision est actuellement définitive.

14) Par décision du 14 juillet 2014, l'hospice a réclamé à Mme A______ le remboursement des prestations d'aide financière exceptionnelle qu'elle avait perçu indûment du 1er février 2008 au 28 février 2013, pour un montant total de CHF 79'128.60.

15) Le 9 septembre 2014, Mme A______ a formé opposition contre cette décision, sollicitant à titre subsidiaire l'octroi d'une remise.

L'hospice avait été informé de son emploi de nettoyeuse auprès de D______de 2008 à 2009. Elle n'avait pas indiqué toucher des indemnités de chômage car elle n'avait pas conscience de devoir le dire. Elle avait travaillé sur appel pour G______du 24 octobre 2011 à fin août 2013 pour un salaire mensuel net d'environ CHF 540.- et avait informé son assistante sociale du fait qu'elle effectuait des nettoyages quelques heures par mois. Son salaire mensuel net auprès de « E______, une autre école » était d'environ CHF 392.85 entre septembre 2011 et juillet 2014. Son assistante sociale était au courant du fait que son mari lui versait irrégulièrement entre CHF 100.- et CHF 150.- ou contribuait au ménage sous forme d'achat de lait, langes, etc. ;

16) Par décision sur opposition du 15 juin 2016, le directeur général de l'hospice a confirmé la demande de restitution à hauteur de CHF 73'804.25 et rejeté la demande de remise de Mme A______.

Cette dernière n'avait pas, en violation de son obligation de renseigner, transmis à l'hospice tous les éléments nécessaires à l'évaluation de son droit aux prestions. Elle avait en particulier dissimulé un autre compte bancaire à son nom sur lequel elle recevait des indemnités chômage, des allocations perte de gain ainsi que divers salaires. Elle avait également procédé à divers versements, dont le total, en l'espace de dix-sept mois, était supérieur à CHF 29'600.-, et donné de fausses informations concernant les revenus de son époux et le montant de sa contribution à l'entretien de la famille.

De ce fait, l'hospice lui avait versé des prestations d'un montant supérieur à celui auquel elle pouvait prétendre, justifiant la demande de remboursement.

Le montant demandé en remboursement avait été réduit à CHF 73'804.25. En effet, une partie des salaires versés par D______(de février 2008 à
juin 2009) ainsi que par « E______, une autre école » (de septembre 2011 à
février 2013) avait déjà été comptabilisée dans le calcul des prestations financières d'aide sociale des mois concernés.

L'intéressée ne pouvant pas se prévaloir de sa bonne foi, la demande de remise devait être rejetée.

17) Par acte posté le 12 août 2016, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition précitée, concluant principalement à son annulation et subsidiairement au renvoi de la cause à l'hospice pour nouvelle décision. Elle demandait également une remise totale, subsidiairement partielle.

Elle n'avait rien voulu cacher à l'hospice. Concernant la perception des indemnités de chômage, elle ne savait pas devoir l'annoncer, et son assistante sociale ne lui avait pas posé de questions à ce sujet. Elle ne parlait pas correctement le français et n'avait pas précisément apprécié la portée des documents signés, faute de n'avoir pas reçu des explications complètes et suffisantes en espagnol. Elle admettait avoir travaillé pour G______, mais contestait le montant de CHF 8'007.70 retenu par l'hospice.

Sa situation sans autorisation de séjour la mettait dans une situation sociale impossible, ne pouvant pas avoir de revenu régulier et se trouvant en état de pauvreté avec ses enfants. Elle était aux poursuites et elle faisait l'objet de plusieurs actes de défaut de biens.

La décision de l'hospice lui prescrivant le remboursement de CHF 73'804.25 était incompréhensible, tout comme le tableau avec la somme à rembourser, laquelle était totalement contestée.

18) Dans ses observations du 16 septembre 2016, l'hospice a conclu au rejet du recours.

Il produisait un nouveau tableau listant mois par mois les revenus déclarés et non déclarés par Mme A______ et précisait, documents à l'appui, sur quelle base et comment les montants des revenus non déclarés avaient été déterminés.

Les difficultés de compréhension de l'intéressée étaient contestées. Elle avait participé régulièrement aux entretiens sans le soutien d'un interprète, ainsi qu'à des cours de français et des stages d'entreprise, lors desquels aucun intervenant n'avait fait état de difficultés linguistiques.

Elle avait été informée oralement et pratiquement du caractère subsidiaire de l'aide sociale et du fait que tout revenu non déclaré ou déclaré tardivement lui serait demandé en remboursement. Elle avait d'ailleurs signé une reconnaissance de dette le 25 juin 2009 pour la restitution d'allocations familiales et avait déjà dû, a deux reprises, rembourser des prestations perçues indûment à la suite de la violation de ses obligations de déclarer.

Elle était parfaitement consciente de ses actes, dans la mesure où la majeure partie des revenus cachés avait transité sur un compte qu'elle n'avait déclaré ni dans ses diverses demandes de prestations, ni lors de son audition par le service des enquêtes. La bonne foi de l'intéressée ne pouvait en conséquence pas être admise.

19) Le 7 novembre 2016, Mme A______ a persisté dans ses conclusions.

20) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 52 de la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 - LIASI - J 4 04).

2) Le litige porte sur le bien-fondé de la demande de remboursement de CHF 73'804.25 versés par le hospice à Mme A______. Cette dernière demande à ne pas être obligée de restituer le montant litigieux, ou du moins la totalité de celui-ci, faisant implicitement valoir qu'en cas de remboursement, elle se trouverait dans une situation difficile, étant donné ses enfants à charge et plusieurs dettes à régler.

3) Aux termes de l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

Ce droit à des conditions minimales d’existence fonde une prétention des justiciables à des prestations positives de l’État. Il ne garantit toutefois pas un revenu minimum, mais uniquement la couverture des besoins élémentaires pour survivre d’une manière conforme aux exigences de la dignité humaine, tels que la nourriture, le logement, l’habillement et les soins médicaux de base. L’art. 12 Cst. se limite, autrement dit, à ce qui est nécessaire pour assurer une survie décente afin de ne pas être abandonné à la rue et réduit à la mendicité (ATF 142 I 1 consid. 7.2.1 ; 136 I 254 consid. 4.2 ; 135 I 119 consid. 5.3 ; 131 V 256 consid. 6.1 ; 131 I 166 consid. 3.1 ; 130 I 71 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_9/2013 du 16 mai 2013 consid. 5.1 ; ATA/457/2017 du 25 avril 2017
consid. 9a ; ATA/878/2016 du 18 octobre 2016 consid. 2 et les arrêts cités).

4) a. En droit genevois, la LIASI et le règlement d’exécution de la LIASI du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent l’art. 12 Cst. (ATA/457/2017 précité consid. 9b ; ATA/878/2016 précité consid. 3a et les arrêts cités), tout en allant plus que loin que ce dernier.

b. La LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI), ainsi que de soutenir les efforts des bénéficiaires de la loi à se réinsérer sur le marché du travail et dans la vie sociale en général. Elle vise aussi à garantir à ceux qui se trouvent dans la détresse matérielle et morale des conditions d’existence conformes à la dignité humaine (art. 1 al. 2 LIASI). Ses prestations sont fournies sous forme d’accompagnement social, de prestations financières et d’insertion professionnelle (art. 2 LIASI).

5) Aux termes de l’art. 8 LIASI, ont droit à des prestations d’aide financière les personnes majeures qui ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien ou à celui des membres de la famille dont ils ont la charge (al. 1). Ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 LIASI (al. 2).

6) La LIASI prévoit trois barèmes d’aide financière différents, soit l’aide financière ordinaire (art. 21 et ss LIASI ; chapitre I RIASI), l’aide financière exceptionnelle (art. 11 al. 4 LIASI ; chapitre II RIASI) et l’aide d’urgence (chapitre IV LIASI ; chapitre VI RIASI).

Le cercle des personnes étrangères sans autorisation de séjour peut bénéficier de l’aide financière exceptionnelle (art. 11 al. 4 let. e LIASI et
art. 17 RIASI). Pour y être mise au bénéfice, la personne étrangère non titulaire d’une autorisation de séjour doit s’être annoncée à l’OCPM et avoir obtenu une attestation l’autorisant à séjourner pendant le temps nécessaire à l’examen de sa demande, inclus le temps allant jusqu’à ce qu’il soit statué sur un éventuel recours de celle-ci (art. 17 RIASI). L'aide financière exceptionnelle est octroyée selon les modalités prévues à l'art. 19 RIASI.

7) À teneur de l’art. 22 al. 1 LIASI, sont pris en compte pour le calcul des prestations d’aide financière les revenus et les déductions sur le revenu tels que prévus aux art. 4 et 5 de la loi sur le revenu déterminant unifié, du 19 mai 2005 (LRDU - J  4 05), sous réserve de certaines déductions qui n’entrent pas en considération dans le présent cas. Sont pris en considération les revenus et déductions précités de chacun des membres du groupe familial au sens de l’art. 13 LIASI.

8) L’aide sociale est soumise au principe de subsidiarité, lequel est rappelé par l’art. 12 Cst. La personne dans le besoin doit avoir épuisé les possibilités
d’auto-prise en charge, les engagements de tiers et les prestations volontaires de tiers (ATA/290/2017 du 14 mars 2017 ; ATA/457/2017 précité consid. 9d ;
Félix WOLFFERS, Fondement du droit de l’aide sociale, 1995, p. 77). L’aide est subsidiaire, de manière absolue, à toute autre ressource, mais elle est aussi subsidiaire à tout revenu que le bénéficiaire pourrait acquérir par son insertion sociale ou professionnelle (MGC 2005-2006/I A p. 259 ; ATA/457/2017 précité consid. 9d ; ATA/878/2016 précité consid. 3d).

L’art. 9 al. 1 LIASI prévoit ainsi que les prestations d’aide financière versées sont subsidiaires à toute autre source de revenus, aux prestations découlant du droit de la famille ou de la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe du 18 juin 2004 (LPart - RS 211.231), ainsi qu’à toute autre prestation à laquelle le bénéficiaire et les membres du groupe familial ont droit, en particulier aux prestations d’assurances sociales fédérales et cantonales, et aux prestations communales, à l’exception des prestations occasionnelles. Le bénéficiaire doit faire valoir sans délai ses droits auxquels l’aide financière est subsidiaire et doit mettre tout en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière (art. 9 al. 2 LIASI).

9) Le bénéficiaire est tenu de fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d’aide financière
(art. 32 al. 1 LIASI). De même, il doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner une modification du montant des prestations d'aide financière qui lui sont allouées ou à les supprimer (art. 33 al. 1 LIASI). Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation personnelle, familiale et économique (ATA/306/2017 du 21 mars 2017
consid. 4c).

10) Toute prestation perçue indûment, soit touchée sans droit, peut faire l’objet d’une demande de remboursement (art. 36 al. 1 LIASI). Celui-ci peut être exigé du bénéficiaire d’aides financières s'il a agi par négligence ou fautivement, ou encore s'il n’est pas de bonne foi (art. 36 al. 2 et 3 LIASI). L'action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l’hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s'éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (36 al. 5 LIASI).

De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l’obligation de renseigner l’hospice est une prestation perçue indûment (ATA/419/2017 du 11 avril 2017 consid. 5a ; ATA/306/2017 du 21 mars 2017 consid. 5b). Il convient toutefois d’apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l’entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l’objet d’une demande de remboursement (ATA/419/2017 consid. 5a et ATA/411/2017 consid. 5 du 11 avril 2017).

11) Le bénéficiaire qui était de bonne foi n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis, de ce fait, dans une situation difficile (art. 42 al. 1 LIASI). Il peut, dans les trente jours, solliciter une remise. Les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/306/2017 précité consid. 6 ; ATA/72/2017 du 31 janvier 2017 consid. 6). Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, un assuré qui viole ses obligations d’informer l’hospice de sa situation financière ne peut être considéré de bonne foi (ATA/306/2017 précité consid. 6 ; ATA/1152/2015 du 27 octobre 2015 consid. 14). La bonne foi doit être niée quand l'enrichi pouvait, au moment du versement, s'attendre à son obligation de restituer, parce qu'il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l'attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 – CC – RS 210 ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_385/2011 du 13 février 2012 consid. 3 ; ATA/306/2017 précité
consid. 6). La condition de la bonne foi doit être réalisée dans la période où l'assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4.1 ; ATA/306/2017 précité consid. 6).

Le bénéficiaire de prestations de l'hospice général qui n'indique pas à ce dernier la totalité des comptes bancaires dont il est titulaire n'est pas de bonne foi et ne peut prétendre à la remise totale ou partielle de son obligation de rembourser l'hospice (ATA/644/2011 du 11 octobre 2011).

Celui qui a déjà encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI, qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l'enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d'une décision administrative mal fondée (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., Berne 2011, p. 168 ss), tout en tempérant l'obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire.

12) En l’espèce, la recourante a, à plusieurs reprises, signé les documents intitulés « Mon engagement en demandant une aide financière (exceptionnelle) à l’Hospice général » résumant ses obligations, notamment celle d’informer immédiatement et spontanément l’hospice de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière. Ayant eu des entretiens réguliers avec les assistants sociaux auprès de l’hospice, l'intéressée devait être en mesure de comprendre la portée des obligations qui lui incombaient ainsi que la teneur de son devoir de renseigner et rien ne laissait présumer des difficultés de compréhension.

En l'occurrence, il ressort de l’enquête menée par l’hospice en 2013 que la recourante n’avait pas déclaré un certain nombre d’éléments à l’autorité intimée ni en avait fait part à l’assistante sociale en charge de son dossier. Elle n’avait en particulier jamais fait état de l’existence d'un autre compte H______
n°______ ouvert à son nom, alors qu'elle avait toujours indiqué, dans les formulaires à destination de l’hospice, ne disposer que d'un compte auprès de la C______. En dissimulant ce compte, sur lequel étaient notamment versées ses indemnités de chômage, des allocations perte de gain ainsi que des salaires en grande partie non déclarés, l’intéressée a failli à son obligation de renseigner. Ces éléments permettaient par conséquent à l’hospice de retenir qu'elle disposait d’autres sources de revenus que les seules prestations financières versées. De ce fait, une partie des prestations d’aide sociale a été perçue indûment. Par conséquent, l'hospice était fondé à en requérir le remboursement.

13) Les circonstances particulières de l'espèce permettant d'écarter la bonne foi de la recourante au sens de l'art. 42 al. 1 LIASI, la deuxième condition, à savoir celle de la situation difficile que pourrait engendrer le remboursement, n'a pas à être traitée, les conditions posées par la disposition légale étant cumulatives.

14) Il s'agit maintenant de déterminer si les éléments non déclarés par l'intéressée permettaient à l'hospice de demander le remboursement d'un montant de CHF 73'804.25.

La recourante soutient que les tableaux récapitulatifs produits par l'autorité intimée sont incompréhensibles.

Le nouveau tableau (pièce 48) ainsi que les documents et explications fournis par l'autorité intimée dans sa réponse aident à la compréhension de ce montant, et détaillent mois par mois les revenus déclarés et non déclarés par l'intéressée. Ils précisent également sur quelle base et comment les montants des revenus non déclarés ont été déterminés et énoncent la méthode de calcul utilisée pour déterminer le montant perçu indûment. Il sied de relever que l'intimé a presque exclusivement pris en compte, dans son calcul, les éléments non déclarés dûment documentés. En effet, les indemnités de chômage touchées par la recourante découlent de manière claire de l'extrait du compte individuel de la caisse de compensation ainsi que des documents transmis par la caisse de chômage ; les allocations perte de gain perçues résultent du compte H______ de la recourante ; quant aux salaires perçus en plus de ceux déjà déclarés à l'hospice, ils procèdent de l'extrait de la caisse de compensation, des relevés bancaires des deux comptes au nom de l'intéressée ainsi que des fiches de salaires au dossier.

Il faut préciser que l'hospice était en possession de fiches de salaires de D______indiquant des montants nettement inférieurs à ceux rapportés par l'extrait du compte individuel de la caisse de compensation, lequel fait était d'un revenu mensuel à peu près double de celui déclaré. De ce dernier document résultent également les salaires non déclarés reçus par I______ ainsi que par un autre employeur privé. Concernant les salaires versés par Hôtel G______, les montants retenus découlent des fiches de salaires transmises par la société suite à l'enquête menée par l'hospice, du compte postal de la recourante et figurent également sur le document de la caisse de compensation.

Au sujet de la contribution d'entretien versée par le mari, il ressort du dossier que ce dernier a attesté par écrit avoir donné « presque » tous les mois un montant de CHF 150.- à sa femme. La recourante déclare également que son mari lui versait, de manière irrégulière, un soutien financier de CHF 100.- voire CHF 150.- ou il l'aidait, par le biais d'achat de lait, langes, etc.

Sur la base de ces déclarations, l'hospice a, à juste titre, pris en compte dans son calcul un montant régulier de CHF 150.- mensuels entre décembre 2010 et juillet 2012.

À titre superfétatoire, s'il est vrai que l'on ne peut pas prouver de manière précise que le mari aurait versé des paiements réguliers mensuels pendant la période susmentionnée, on peut tout de même considérer que l'hospice s'est déjà montré indulgent avec la recourante et que ces montants peuvent tout de même être confirmés. En effet, l'intimé n'a pas tenu compte, dans son calcul, de plusieurs éléments qu'il aurait pu considérer, soit en particulier la totalité des salaires non déclarés du mari, les revenus résultant du compte bancaire de ce dernier, ainsi que les nombreux versements de l'intéressée sur son propre compte d'origine inconnue. Partant, compte tenu de l’importance des violations de la recourante à ses obligations découlant de son devoir d’information et du flou qui subsiste au sujet de sa situation économique réelle, l'intimé aurait pu lui réclamer l'intégralité, et non pas seulement une partie, des prestations versées du 1er février 2008 au 28 février 2013, soit CHF 88'284.35 (ATA/127/2013 du 26 février 2013 consid. 11).

15) Le montant réclamé par l'hospice de CHF 73'804.25 sera par conséquent confirmé.

16) Il s'ensuit que le recours sera rejeté.

17) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 août 2016 par
Madame A______ contre la décision de l'Hospice général du 15 juin 2016 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Junod, présidente, MM. Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :