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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/162/2014

ATA/588/2014 du 29.07.2014 ( AIDSO ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/162/2014-AIDSO ATA/588/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 juillet 2014

1ère section

 

dans la cause

 

Mme A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Mme A______, née le ______ 1958, divorcée et mère de deux fils nés respectivement le ______ 1986 et le ______ 1993, travaille depuis le mois d’avril 2011 pour le groupement intercommunal pour l’animation parascolaire (ci-après : le GIAP) à raison de 9,25 heures par semaine.

2) Elle a sollicité de l’hospice général (ci-après : l’hospice), le 19 juillet 2011, des prestations d’aide financière en complément de son salaire, et les a obtenues.

Le même jour, puis à nouveau le 21 septembre 2012, elle a signé un document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’hospice général », par lequel elle s’est notamment engagée à rembourser à l’hospice toute prestation exigible à teneur des art. 12 al. 2, ainsi que 36 et 41 de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04).

3) Depuis le début de l’année 2012, Mme A______ a reçu de l’hospice, sur son compte postal, le 12 février, CHF 74.10, le 28 février, CHF 2'253.15, le 28 mars, CHF 1'453.30, le 2 avril, CHF 185.-, le 2 mai, CHF 1'850.-, le 4 juin,
CHF 1'550.-, le 2 juillet, CHF 601.-, le 3 juillet, CHF 443.80, le 18 juillet,
CHF 1'653.25 et CHF 601.-, le 21 août, CHF 2'705.- (pour le mois de septembre suivant).

Parallèlement et la même année, Mme A______ a perçu du GIAP, sur le même compte, des revenus de CHF 1'211.85 le 27 février, CHF 1'271.70 le
26 mars, CHF 1'175.- les 26 avril et 29 mai, CHF 1'799.45 le 26 juin, CHF 1'175.- les 26 juillet et 27 août.

4) Par décision du 2 novembre 2012, l’hospice a demandé à la bénéficiaire le remboursement de CHF 1'175.10, part indûment perçue du dernier versement du 21 août 2012. À la suite d’une opposition de l’intéressée invoquant sa bonne foi, l’hospice a, le 26 novembre 2012, remis cette dette en totalité.

5) Mme A______ a encore reçu de l’hospice, en 2012, le 27 août, CHF 135.75, le 24 septembre, CHF 1'530.25, le 30 octobre, CHF 1'450.40, le 30 novembre, CHF 3'745.85, le 23 décembre, CHF 663.95.

Parallèlement et toujours en 2012, elle a perçu de son employeur les salaires de CHF 1'175.- les 26 septembre et 26 octobre, CHF 1'224.95 le 28 novembre et CHF 1'887.30 le 20 décembre.

6) Par décision du 14 février 2013, l’hospice a demandé à Mme A______ le remboursement de la somme de CHF 2'350.10, reçue en trop pour le mois de janvier 2013.

7) Mme A______ a formé opposition et sollicité l’exemption de cette restitution, le 24 février 2014, invoquant sa bonne foi et une impossibilité matérielle de restituer la somme réclamée, et produisant des bulletins de versement, dont l’un accompagnant un dernier rappel d’un hôpital genevois.

8) Par décision du 9 janvier 2014, l’hospice a rejeté la demande de remise et confirmé sa décision du 14 janvier 2013.

9) Par acte expédié le 20 janvier 2014 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), Mme A______ a formé recours contre cette décision et sollicité l’exemption de la restitution de la somme réclamée.

10) Dans sa réponse du 28 février 2014, l’hospice a conclu au rejet du recours.

11) La recourante n’ayant pas répliqué dans le délai imparti au 4 avril 2014, la cause a été gardée à juger depuis cette date.

12) Les arguments des parties, de même que certaines allégations seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 52 LIASI ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Aux termes de l’art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1) ; par décision écrite, l'hospice réclame au bénéficiaire, à sa succession ou à ses héritiers qui l'ont acceptée, le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2) ; le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3).

b. À teneur de l’art. 42 LIASI, le bénéficiaire qui était de bonne foi n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis, de ce fait, dans une situation difficile (al. 1) ; dans ce cas, il doit formuler par écrit une demande de remise dans un délai de 30 jours dès la notification de la demande de remboursement ; cette demande de remise est adressée à l'hospice (al. 2).

Les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/423/2014 du 12 juin 2014 consid. 8 ; ATA/265/2014 du
15 avril 2014 et les références citées).

c. Selon un arrêt récent de la chambre de céans, les rapports entre les art. 36 al. 2 et 3 et 42 al. 1 LIASI, qui font pourtant tous deux partie de la section 8 du deuxième titre de la loi, ne sont pas des plus clairs. En effet, s'il est évident que seules des personnes tenues de rembourser l'hospice au sens de l'art. 36 LIASI peuvent obtenir une remise au sens de l'art. 42 LIASI, il semble exclu qu'une personne de mauvaise foi au sens de l'art. 36 al. 3 LIASI puisse être de bonne foi au sens de l'art. 42 al. 1, et l'on peut se demander si l'administré qui commet une faute ou une négligence au sens de l'art. 36 al. 2 LIASI peut encore être de bonne foi. Une réponse totalement négative à cette question n'est toutefois logiquement pas envisageable, sans quoi plus aucune remise ne serait possible, rendant ainsi l'art. 42 LIASI lettre morte contrairement à l'intention du législateur (ATA/167/2014 du 18 mars 2014 consid. 8).

À ce dernier égard, l'exposé des motifs de la LIASI signale que les dispositions de la section 8 du titre II de la loi correspondent à celles résultant de la loi 8’867 entrée en vigueur le 1er juillet 2004 (MGC 2005-2006/I A 270). Pourtant, la disposition de la loi 8’867 concernant les prestations touchées indûment ne faisait pas référence à la notion de bonne foi (art. 23 al. 2 de la loi 8’867 : « est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit, indépendamment de la question d'une faute de la part du bénéficiaire », MGC 2002-2003/IV A 1’688), contrairement à la disposition concernant la remise (art. 24 al. 1 de la loi 8’867, semblable à celui de l'art. 42 LIASI actuel), laquelle était reprise de la législation cantonale sur les chômeurs en fin de droit (MGC 2002-2003/IV A 1’696).

Quoi qu’il en soit, il n'est pas douteux qu'en cas de violation volontaire, grave et manifeste du devoir d'information, l'administré ne saurait être de bonne foi (ATA/265/2014 précité consid. 13 ; ATA/102/2012 du 21 février 2012
consid. 11 ; ATA/174/2012 du 27 mars 2012 consid. 5).

3) L’hospice reproche à la recourante de ne pas avoir informé son assistante sociale qu’elle avait reçu sur son compte un montant anormalement élevé, de CHF 3'745.85. Ce n’était que lors de l’entretien mensuel du 29 janvier 2013 que l’assistante sociale s’est aperçue qu’en raison d’une erreur informatique, la recourante avait perçu la somme de CHF 3'745.85 pour le mois de décembre 2012 alors qu’elle n’avait droit pour ce mois qu’à une somme de CHF 1'395.75, ce qui représentait un trop-perçu de CHF 2'305.10.

La recourante allègue quant à elle qu’elle a effectué toute les démarches lui incombant de façon juste et minutieuse en délivrant ses fiches de salaire chaque mois, et qu’elle n’a en aucune manière cherché à abuser l’hospice ou à percevoir de sa part un montant indu. Elle se trouve actuellement « dans une situation financière extrêmement fragile où chaque franc compte » et a « les plus grandes peines à boucler les fins de mois », compte tenu notamment de son loyer très élevé (CHF 2'443.-). Elle a aussi de nombreux retards dans ses factures, afférentes en particulier au traitement médical de son fils, aux abonnements téléphoniques, à la carte de crédit, à la facture d’électricité et surtout à son assurance-vie
(CHF 3'600.-) ainsi qu’à la redevance Billag (CHF 462.40).

4) Cela étant, il est surprenant que la recourante, alors qu’elle avait déjà obtenu une remise le 26 novembre 2012, soit seulement quelques jours auparavant, pour un montant deux fois moins important, n’ait pas remarqué le caractère très particulier de la somme reçue le 30 novembre 2012 de CHF 3'745.85, plus de deux fois plus élevée que les autres versements de l’hospice, n’ait pas réagi rapidement et informé ladite autorité. C’est à cet égard de manière non convaincante que la recourante soutient que les « trous présents dans ses finances » étaient si importants qu’ils l’auraient empêchée de voir l’erreur commise par l’hospice.

Il faut toutefois déduire de l’allégation qui précède que la recourante fait valoir qu’elle n’a pas remarqué par elle-même que le montant en cause était trop élevé.

Il convient à cet égard de ne pas perdre de vue que selon l’expérience générale de la vie, les relevés postaux, s’ils sont mensuellement adressés au titulaire, ne sont pas envoyés immédiatement à celui-ci, mais, par exemple, à la fin du mois suivant celui sur lequel porte le relevé. Il est donc tout à fait possible que la recourante n’ait pu être informée du versement en cause qu’à la fin du mois de décembre 2012. Il n’est pas établi qu’elle ait remarqué ce montant de
CHF 3'745.85, étant relevé que le problème n’a été soulevé qu’environ un mois après la fin décembre 2012 par l’assistante sociale. Au demeurant, une deuxième erreur du même type que la première de la part de l’intimé en seulement trois mois pouvait être inattendue pour la recourante.

Certes, comme le fait valoir l’intimé, la recourante avait reçu de lui, les deux mois précédents, des montants de l’ordre de CHF 1'500.-, en complément de salaires de CHF 1'175.10. Il convient toutefois de relever qu’elle avait reçu de l’hospice durant l’année des montants pouvant varier de manière plus notable, bien que n’atteignant pas celui de CHF 3'745.85.

Enfin, le fait que la recourante ait effectué plusieurs virements en débit de son compte, de manière plus ample que pendant le reste de l’année 2012, durant les jours qui ont suivi le versement de CHF 3'745.85 ne signifie pas en tant que tel qu’elle ait voulu abuser d’une erreur de l’hospice. Ce dernier n’a du reste pas expliqué pour quels motifs et en quoi précisément une partie de cette somme avait été versée en trop.

5) Au vu des circonstances toutes particulières du présent cas, au regard notamment du fait que le trop-perçu a été causé par une erreur imputable au seul intimé ainsi que de l’absence d’autres éléments factuels à charge de la recourante que le défaut d’annonce à l’hospice de la réception d’un montant plus élevé que les autres, il n’y a pas lieu de remettre en cause la bonne foi de celle-ci.

En conséquence, la première condition pour l’octroi d’une remise est remplie.

6) La seconde condition posée par l’art. 42 LIASI doit aussi être considérée comme remplie, vu les allégations crédibles de la recourante et les pièces produites relativement à sa situation financière obérée.

7) En définitive, la remise sollicitée de la somme réclamée devant être admise pour l’entier, le recours sera admis et la décision querellée annulée.

Le présent arrêt ne préjuge en rien des solutions qui pourraient être apportées si des problèmes similaires survenaient à nouveau à l’avenir.

8) Vu la nature et l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87
al. 1 LPA et art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Il ne sera pas alloué d'indemnité à la recourante, celle-ci n'y ayant pas conclu et n'ayant pas exposé de frais pour sa défense, qu'elle a assumée elle-même (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 janvier 2014 par Mme A______ contre la décision de l’hospice général du 9 janvier 2014 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision de l’hospice général du 9 janvier 2014 ;

invite l’hospice général à procéder à la remise du trop-perçu reçu le 30 novembre 2012 par Mme A______ ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Mme A______, ainsi qu'à l'hospice général.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :