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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1012/2017

ATA/1058/2018 du 09.10.2018 ( AIDSO ) , REJETE

Descripteurs : ASSISTANCE PUBLIQUE ; BÉNÉFICIAIRE DE PRESTATIONS D'ASSISTANCE ; RÉDUCTION(EN GÉNÉRAL) ; OBLIGATION D'ANNONCER(EN GÉNÉRAL) ; DEVOIR DE COLLABORER ; DROIT À DES CONDITIONS MINIMALES D'EXISTENCE
Normes : Cst.12; LIASI.9; LIASI.35; LIASI.36; RIASI.9; RIASI.35
Résumé : La décision de réduction du forfait d'entretien à hauteur du barème d'aide financière exceptionnelle et la suppression de certaines prestations circonstancielles pendant une durée de six mois est conforme au droit et proportionnée vu les manquements graves imputables au comportement de la recourante. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1012/2017-AIDSO ATA/1058/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 octobre 2018

1ère section

 

dans la cause

 

Mme A______
représentée par Me Maurizio Locciola, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1. Mme A______, née en 1964, au Portugal, est venue en Suisse en 1988.

2. Le ______ 1983, elle a épousé M. A______.

3. De cette union est née I_____, le ______ 1990.

4. Les époux se sont séparés judiciairement en septembre 2005 et ont divorcés en novembre 2008.

5. Mme A______ a bénéficié d’une aide financière de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) depuis le 1er mai 2005.

6. Le 28 juillet 2005, elle a rempli le formulaire « Demande de prestations d’aide financière » (ci-après : demande de prestations) sur lequel elle a indiqué être titulaire d’un seul compte bancaire, soit le compte B______
n° 1______ (ci-après : compte n° 1).

Elle a aussi signé le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général » (ci-après : mon engagement) par lequel elle s’est engagée à informer immédiatement et spontanément l’hospice de tout fait nouveau, de nature à entraîner la modification du montant de ses prestations d’aide financière, notamment de toute modification de sa situation personnelle, familiale et économique, tant en Suisse qu’à l’étranger.

7. Le 31 mars 2006, un rapport d’enquête a été établi et a fait apparaître que Mme A______ était titulaire d’un compte C______ n° 2______
(ci-après : compte n° 2). Elle ne l’avait déclaré ni dans sa demande de prestations, ni à l’inspectrice lors de son audition.

8. De 2006 à 2012, Mme A______ a renouvelé chaque année sa signature au bas du document « mon engagement » et a rempli chaque année une nouvelle demande de prestations sur laquelle elle a, à chaque fois, indiqué n’être titulaire que du compte n° 1.

9. De 2006 à 2012, Mme A______ a présenté plusieurs certificats médicaux à son assistante sociale. Elle souffrait de divers problèmes de santé : fibromyalgie, arthrose et psoriasis.

10. Du 11 au 25 mai 2012, Mme A______ a séjourné à la Clinique genevoise de Montana.

Le diagnostic principal était un trouble bipolaire de type II, en phase hypomane.

11. Le 31 mars 2014, le Dr D______ a établi un rapport au sujet de Mme A______, à l’attention du médecin conseil de l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OCAI).

La patiente était suivie depuis le 14 novembre 2011 auprès du cabinet. Un épisode dépressif sévère avait été constaté en novembre 2011, sans symptômes psychotiques, et ensuite deux épisodes hypomanes ; un nécessitant une prise en charge hospitalière à la Clinique genevoise de Montana du 11 au 25 mai 2012 et un deuxième épisode hypomane en octobre 2012, nécessitant une prise en charge dans un hôpital de jour psychiatrique. Après une rechute dépressive, une rémission totale de l’épisode dépressif et sans rechute hypomane du 1er février au 30 juin 2013 avait été constatée. Sa capacité de travail médico-théorique avait été rétablie durant cette période. Elle avait, malgré les traitements mis en place, présenté une troisième rechute hypomane en juillet 2013 et sa capacité de travail était à nouveau nulle depuis le 1er juillet. Une nouvelle rechute dépressive sévère était constatée depuis janvier 2014, sans symptômes psychotiques, qui faisait suite à un état mixte évoluant avec des hauts et des bas depuis novembre 2013. Dans ce contexte de troubles bipolaires de type II, une capacité de travail
médico-théorique nulle était retenue du 11 mai 2012 au 31 janvier 2013, de 50 % du 1er au 14 février 2013, de 100 % du 15 février au 30 juin 2013, et à nouveau nulle du 1er juillet 2013 jusqu’à présent et ce malgré un traitement adéquat et une bonne compliance.

12. Du 7 au 28 octobre 2014, Mme A______ a séjourné à la Clinique genevoise de Montana.

Le diagnostic principal était un trouble bipolaire de type II, l’épisode actuel étant mixte.

13. Par décision du 26 novembre 2015, une demande de restitution de
CHF 1’297.50 et une sanction ont été adressées à Mme A______ au motif qu’elle n’avait pas communiqué à l’hospice qu’elle partageait son logement avec une étudiante depuis le 9 septembre 2015 et n’avait pas mentionné celle-ci comme cohabitante dans la demande de prestations qu’elle avait signée le 17 septembre 2015.

14. Le 24 mars 2016, le service des enquêtes de l’hospice a établi un rapport d’enquête « complète » concernant Mme A______.

Selon son compte de rassemblement des cotisations AVS, elle avait été au service de diverses entreprises de nettoyage entre 2006 et 2012. Elle avait travaillé de janvier 2006 à mars 2008 pour E______ SA, d’août à décembre 2010 pour F______ SA, et de janvier 2011 à décembre 2012, pour G______ SA.

Elle était titulaire d’un second compte B______ n° 3______
(ci-après : compte n° 3), dont elle n’avait jamais déclaré l’existence à l’hospice. Elle avait perçu sur ce compte, un montant de CHF 339.70 le 3 novembre 2014, à titre de remboursement des frais de chauffage de sa régie, pour l’année
2013-2014. Elle avait tu l’existence de cette ressource à son assistante sociale.

15. Par courrier du 30 mars 2016, afin de procéder au calcul de l’indûment perçu, l’hospice a invité Mme A______ à produire, d’ici au 29 avril 2016, divers documents. Elle était avertie que si elle ne produisait pas ces documents dans le délai imparti, l’intégralité des prestations versées par l’hospice lui serait réclamée.

16. Le 19 avril 2016, lors d’un entretien avec son assistante sociale,
Mme A______ a admis avoir travaillé durant des périodes d’aide financière sans le déclarer. Elle avait agi de la sorte afin de pouvoir rembourser des dettes, sans avoir à prendre l’argent sur son minimum vital.

Lors de cet entretien, Mme A______ a transmis une partie des documents demandés, soit :

·         un extrait des mouvements du compte n° 2, du 1er janvier 2014 au 5 avril 2016, avec un solde en sa faveur de CHF 56.90 ;

·         un extrait du compte n° 3, du 17 décembre 2010 au 7 avril 2016, dont il ressort qu’elle avait perçu un salaire de CHF 1’431.05 de F______ SA le
10 janvier 2011, CHF 10’913.45 d’G______ SA de février 2011 à janvier 2013, et des remboursements de sa régie soit de CHF 390.- le 26 mars 2015, CHF1’500.- le 2 octobre 2015 et CHF 792.40 le 23 décembre 2015 ;

·         un extrait du compte n° 1 du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, dont il ressort qu’elle avait perçu des salaires de F______ SA les mois de septembre, novembre et décembre 2010 pour un total de CHF 2’555.40 ;

·         une copie de ses contrats de travail avec F______ SA signés durant l’année 2010, ainsi que ses fiches de salaire des mois d’août, octobre, novembre et décembre 2010 et le certificat de salaire pour la période allant du 2 août 2010 au 31 décembre 2010 ;

·         une copie du décompte de chauffage daté du 30 octobre 2014 de sa régie, qui mentionne un solde en sa faveur de CHF 339.70.

17. Par courrier du 25 avril 2016, Mme A______ a informé l’hospice ne pas avoir pu obtenir tous les documents demandés dans le courrier du 30 mars 2016, en particulier ceux provenant d’G______ SA et de E______ SA. Elle sollicitait l’octroi d’un délai supplémentaire pour les produire.

18. Du 12 au 30 mai 2016, Mme A______ a séjourné à la Clinique genevoise de Montana.

Le diagnostic principal était un trouble bipolaire de type II, l’épisode étant mixte.

19. Le 1er juin 2016, Mme A______ a remis à son assistante sociale les documents suivants : une copie des contrats de nettoyeuse qu’elle avait conclus pour une durée indéterminée avec G______ SA, le 22 décembre 2010 et le 1er janvier 2012, une copie des certificats annuels de salaire établis par G______ SA pour les années 2011 et 2012, une copie d’un courrier de
E______ SA indiquant ne pas être en mesure de fournir les documents demandés car les archives n’étaient pas conservées au-delà d’une durée de cinq ans.

20. Le 17 juin 2016, l’hospice a adressé une demande de restitution de
CHF 182’622.30 à Mme A______, soit la somme de l’intégralité des prestations qui lui avaient été versées du 1er juin 2006 au 31 décembre 2012, faute d’avoir fourni l’intégralité des documents demandés dans le délai imparti.

21. Le 27 juin 2016, une décision de réduction de prestations d’aide sociale au barème de l’aide financière exceptionnelle durant six mois dès le 1er juillet 2016 a été notifiée à Mme A______, avec une suppression des prestations circonstancielles, à l’exception d’éventuelles participations aux frais médicaux et dentaires.

Elle avait dissimulé à l’hospice avoir travaillé comme nettoyeuse auprès de plusieurs entreprises du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2012. Elle n’avait pas non plus mentionné l’existence des comptes bancaires n° 2 et n° 3 sur lesquels des versements, représentant un total de CHF 16’529.70.-, avaient été effectués.

22. Par pli recommandé du 17 août 2016, Mme A______ a, sous la plume de son conseil, formé opposition à l’encontre des décisions des 17 et 27 juin 2016.

Elle souffrait depuis de nombreuses années de graves problèmes de santé qui affectaient sa capacité à gérer convenablement ses affaires. Il fallait s’interroger sur le degré de diligence que l’on pouvait exiger de sa part, et l’hospice, dans le cadre de son suivi, aurait dû l’aider à gérer ses affaires.

Elle avait toujours collaboré, notamment en donnant suite sans tarder à la demande de renseignements du 30 mars 2016.

Elle avait toujours fait preuve de bonne foi et de la diligence qu’on pouvait attendre d’elle ; l’art. 36 de la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) ne trouvait pas application. La somme sollicitée par l’hospice ne pouvait pas lui être réclamée.

Il lui était reproché d’avoir été titulaire de deux comptes bancaires non déclarés. Or, à teneur du rapport du 31 mars 2006, il apparaissait que l’hospice avait eu connaissance du compte n° 2. Un quelconque reproche quant à ce compte était infondé en vertu de l’art. 36 al. 2 LIASI. Il en était de même pour le compte n° 1, sur lequel était crédité les montants reçus de F______ SA puisque ce compte avait été déclaré à l’hospice, et, si celui-ci l’avait sérieusement accompagnée, le versement de ses salaires n’aurait pas été ignoré.

Le remboursement total exigé par la décision aurait pour conséquence que Mme A______ aurait été contrainte, en effectuant un calcul rétrospectif, à vivre uniquement grâce aux montants mentionnés dans les rapports d’enquête, soit CHF 110’771.- de juin 2006 à décembre 2014, ce qui représentait
CHF 13’320.- annuel. Ce montant était inférieur au minimum vital et la décision était contraire à l’art. 36 al. 6 LIASI.

Subsidiairement, elle concluait à l’octroi d’une remise.

La décision de sanction était infondée pour les mêmes motifs que l’était la demande de restitution, et était disproportionnée. Elle n’avait pas manqué de diligence et c’était en raison de ses problèmes de santé que les informations n’avaient pas été communiquées.

Elle sollicitait la restitution de l’effet suspensif à son opposition.

Plusieurs courriers rédigés par des médecins ayant examiné
Mme A______ étaient annexés à l’opposition.

23. Le 25 août 2016, l’effet suspensif a été restitué.

24. Par courrier du 30 novembre 2016, faisant suite à une demande de documents de l’hospice, Mme A______ a expliqué n’avoir pu obtenir aucun document de la part de E______ SA car la société ne gardait pas les archives de ses employés pour une durée supérieure à cinq ans ; la société confirmait avoir payé par chèques certains employés durant la période 2006 à 2008.

25. Par pli de l’hospice du 2 décembre 2016, Mme A______ a été informée que son opposition serait jugée en l’état.

26. Par décision du 20 février 2017, le directeur général de l’hospice a partiellement admis l’opposition, confirmant la décision du 17 juin 2016 mais à hauteur de CHF 55’348.60.- en capital quant à la restitution, rejetant la demande de remise, et confirmant la décision du 27 juin 2016 relative à la sanction.

Mme A______ avait gravement failli à son obligation de renseigner. Elle n’avait jamais déclaré à l’hospice les salaires réalisés auprès de E______ SA, F______ SA et G______ SA. Elle ne l’avait jamais informé être titulaire du compte n° 3 sur lequel les salaires d’G______ SA lui avaient été versés, ainsi que le remboursement de chauffage de sa régie, qu’elle avait tu à son assistance sociale.

S’il était avéré que Mme A______ souffrait de plusieurs problèmes de santé, ceux-ci ne justifiaient en rien ses manquements. Elle ne pouvait pas soutenir s’être retrouvée en même temps en incapacité de travailler tout en étant en incapacité de transmettre les informations relatives à sa situation financière à son assistante sociale. Elle avait d’ailleurs signé le document « mon
engagement » à réitérées reprises et ne pouvait ignorer être tenue de transmettre tout changement relatif à sa situation à l’hospice. Elle avait fait verser une partie des salaires dissimulés à l’hospice sur le compte n° 3 dont elle avait tu l’existence. Cela démontrait une volonté délibérée de tromper l’hospice et non une négligence due à un état de santé fragile.

La quotité et la durée de la sanction étaient proportionnées à la gravité des manquements de Mme A______ et à l’ensemble de la situation. Il s’agissait de la deuxième sanction à son encontre, les manquements qui lui étaient reprochés devant être qualifiés de graves au vu de leur caractère intentionnel, répété, et de l’importance des montants en cause.

Quant au bien-fondé de la décision de demande de restitution de
CHF 182’622.30, Mme A______ avait gravement failli à son obligation de renseigner en ne déclarant pas à l’hospice le compte n° 3, les différents salaires réalisés auprès de E______ SA, F______ SA et G______ SA, ainsi que le remboursement de chauffage reçu de sa régie le 3 novembre 2014.

Cependant, l’instruction de l’opposition avait permis d’établir qu’il était impossible pour Mme A______ de se procurer certains documents, en particulier le détail des salaires réalisés auprès de E______ SA. Il fallait revoir le montant de l’indûment perçu et le calculer en tenant compte des éléments figurant au dossier. Après nouveau calcul, le montant qu’il y avait lieu de réclamer en remboursement était de CHF 55’348.60, correspondant à l’indûment perçu.

Mme A______ ayant violé à diverses reprises et de manière intentionnelle son devoir d’information, elle ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi.

27. Par acte du 21 mars 2017, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition rendue par la direction générale de l’hospice du 20 février 2017, en tant qu’elle confirmait la décision du 27 juin 2016 réduisant le forfait d’entretien au barème d’aide financière exceptionnelle et supprimant les prestations circonstancielles. Elle a conclu, au préalable, à l’octroi de l’effet suspensif, principalement, à l’annulation de la décision du
20 février 2017 en tant qu’elle confirmait la décision du 27 juin 2016, à la suppression de toute réduction de prestations, à la condamnation de l’intimé en tous les dépens de la procédure, y compris une participation aux honoraires de son conseil, au déboutement de l’intimé de toutes autres ou contraires conclusions.

Elle a précisé renoncer à recourir contre la décision en tant qu’elle rejetait sa demande de remise, puisqu’elle reconnaissait avoir perçu de l’intimé des montants indus et devoir la somme réclamée.

Son droit fondamental, soit d’être aidée et assistée et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine (art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101), était violé par la décision de réduction de prestations. Le principe de la proportionnalité n’avait pas été observé (art. 36 al. 3 et al. 4 Cst.). L’hospice n’avait pas réduit la sanction en proportion avec la réduction de la somme à restituer, ni pris en considération que les faits reprochés avaient eu lieu entre 2006 et 2012, et en grande partie, entre 2008 et 2010. L’hospice voulait la punir pour les faits survenus plusieurs années auparavant. La sanction ne tenait pas compte du temps écoulé, ni du fait que durant la période où elle avait contrevenu à ses obligations, elle était déjà malade et en conséquence n’avait aucune responsabilité concernant ses actes ou pour le moins restreinte. L’intimé ne prenait pas non plus en considération le fait qu’aujourd’hui, et à l’avenir, elle souffrirait d’importants problèmes psychiques. Il n’était pas proportionné de vouloir contraindre une personne malade, habitant à Genève, à devoir vivre pendant six mois avec un montant de CHF 1’800.- par mois, alors que le loyer à payer était de CHF 1’335.-. La sanction, si elle devait être maintenue, ne lui permettait pas de se nourrir correctement.

28. Dans ses observations du 3 avril 2017, l’intimé a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif, au rejet du recours, à la confirmation de la décision du 20 février 2017 et au déboutement de toute autre ou contraire conclusion.

L’ancienneté des faits n’était pas un motif de réduction de la sanction, sauf à admettre que l’on veuille traiter de manière plus favorable les bénéficiaires qui avaient réussi à cacher durablement des informations importantes à l’hospice que ceux qui n’avaient réussi à les cacher que durant un court laps de temps.

Le montant de la prestation d’aide financière pour la recourante une fois la sanction appliquée était de CHF 2’319.45 et non pas CHF 1’800.-, étant précisé que l’intimé prenait en charge le paiement de sa prime d’assurance-maladie, motif pour lequel la recourante ne percevait que la somme de CHF 1’885.65.

La recourante n’apportait pas la preuve que le prononcé d’une sanction aurait considérablement aggravé son trouble.

29. Par décision du 18 avril 2017 (ATA/433/2017), la chambre administrative a partiellement restitué l’effet suspensif au recours.

Le forfait pour l’entretien de la recourante n’était pas réduit et la suppression des prestations circonstancielles était maintenue, à l’exception de la participation aux frais médicaux et dentaires, jusqu’à droit jugé au fond.

30. Le 16 mai 2017, à la demande de la chambre administrative, l’hospice a fourni les décomptes de virements définitifs pour les mois de janvier à mai 2017.

Au mois de janvier 2017, la recourante avait bénéficié des prestations d’aide ordinaire, soit d’un forfait d’entretien de CHF 977.-, d’un loyer pris en charge à hauteur de CHF 1’100.- et d’une prise en charge de sa prime
d’assurance-maladie de CHF 433.80, déduction faite du subside de CHF 90.-. Elle avait bénéficié d’une prestation circonstancielle de CHF 175.- à titre d’allocation de régime ainsi que d’une prestation incitative, soit un supplément d’intégration de CHF 225.-. Une retenue mensuelle de restitution de CHF 100.- a été opérée à titre de compensation sur ses prestations au sens de l’art. 36 al. 6 LIASI, à la suite de l’indûment perçu constaté dans la décision du 26 novembre 2015.

Au mois de février 2017, elle avait bénéficié des mêmes prestations, et en sus, à titre de prestations circonstancielles, notamment CHF 298.70 au titre de la prise en charge de son assurance RC-ménage et CHF 121.50 de remboursement des cotisations AVS/AI pour l’année 2016 dont elle s’était acquittée et que l’hospice devait prendre à sa charge.

La sanction prononcée dans la décision sur opposition du 20 février 2017 avait été appliquée à la recourante sur les prestations qui lui avaient été versées pour le mois de mars 2017. Son forfait d’entretien avait été réduit à celui du barème de l’aide exceptionnelle et elle avait ainsi reçu un montant de
CHF 509.50. Elle avait aussi bénéficié du supplément d’intégration de
CHF 225.-, cette prestation incitative n’étant pas touchée par la sanction prononcée. Il en était allé de même au mois d’avril 2017.

Au mois de mai 2017, conformément à l’ATA/433/2017, soit la décision du 18 avril 2017 concernant la restitution de l’effet suspensif, la recourante a bénéficié de prestations d’aide financière de CHF 977.- et n’a pas eu droit à l’allocation de régime du fait que la suppression des prestations circonstancielles, à l’exception de la participation aux frais médicaux et dentaires, avait été maintenue.

31. Dans son écriture complémentaire du 17 mai 2017, la recourante a détaillé le budget afférant à sa situation. Ses frais fixes mensuels se composant ainsi :

Assurance-ménage CHF 24.89

Billag CHF 38.25

OCAS (cotisations sociales) CHF 41.83

Swisscom CHF 133.-

SIG CHF 39.20

Loyer CHF 1’335.-

Assurance complémentaire Mutuel CHF 16.95

Assurance complémentaire Visana CHF 45.05

Le total de ses frais fixes s’élevaient à CHF 1’674.17.

Un certificat médical établi le 31 mars 2017 par le Dr H______, indiquant qu’elle présentait un syndrome bipolaire de type II, qui avait nécessité trois hospitalisations à la Clinique genevoise de Montana, du
11 au 25 mai 2012, du 7 au 28 octobre 2014 et du 12 au 30 mai 2016, était annexé.

Ce trouble bipolaire l’avait considérablement entravée dans la gestion de ses affaires, ce qui pouvait expliquer qu’elle n’avait pas toujours informé l’hospice des changements dans sa situation financière.

Elle sollicitait l’audition du Dr H______ et de sa fille I______. Celle-ci pouvait attester qu’elle avait eu beaucoup de difficulté à gérer ses affaires lors de la période en cause. Actuellement, elle aidait sa mère dans cette gestion financière et administrative.

32. Le 30 mai 2017 s’est tenu une audience de comparution personnelle des parties.

En raison de son trouble psychique et du grand stress que lui causait la présente procédure, Mme A______ a préféré que d’une manière générale, ce soit son conseil qui réponde à sa place. Elle interviendrait si celle-ci disait quelque chose qui ne correspondait pas à ce qu’elle pensait.

Son conseil a expliqué, qu’en raison de son trouble bipolaire, elle ne savait pas, entre 2006 et 2012, qu’à l’égard de l’hospice, elle n’avait pas le droit de travailler et ne se rendait pas compte qu’elle devait l’annoncer ainsi que ses revenus. Dans les phases hautes de son trouble bipolaire, elle était en phase d’excitation et avait besoin de reconnaissance sociale, de sorte qu’elle souhaitait travailler. Elle avait également des besoins compulsifs de faire des achats. Pour ce faire, elle avait besoin de revenus, qui pourraient aussi lui permettre d’éponger ses dettes.

L’intimé a contesté avoir été informé de l’existence des comptes nos 2 et 3 de Mme A______. Ceux-ci n’avaient été découverts que dans le cadre de la deuxième enquête. Elle aurait dû déclarer l’intégralité de ses comptes bancaires dans ses demandes de prestations.

Selon ses propres déclarations, Mme A______ n’avait jamais eu l’intention ou le sentiment de cacher quelque chose qu’elle aurait dû dire à l’hospice. Elle remplissait les formulaires selon ce qu’elle comprenait. Elle reconnaissait avoir reçu de ses employeurs les revenus non déclarés qui figuraient dans le tableau annexé à la décision sur opposition.

Selon l’hospice, l’assistante sociale avait proposé à Mme A______ de sous-louer une des pièces de son appartement afin d’en réduire le loyer.

L’hospice n’était pas lié par les normes d’insaisissabilité LP dans le cadre de réductions de prestations. Les prestations versées au bénéficiaire pouvaient ainsi être inférieures. C’était l’aide d’urgence qui visait la survie. L’aide financière exceptionnelle allait au-delà de la survie.

Pour le conseil de Mme A______, que celle-ci vive avec un
sous-locataire serait en tout état de cause non souhaitable, vu son trouble psychologique et le fait qu’elle accueillait sa petite-fille dans la chambre. Elle contestait un manquement au sens de l’art. 35 al. 2 et al. 3 RIASI. Si la chambre administrative devait le retenir, le principe de la proportionnalité excluait le manquement grave au sens de l’al. 3, une réduction de 15 % du forfait d’entretien pouvant tout au plus être prononcée dans un tel cas. L’art. 35
al. 4 RIASI était violé par le fait de la suppression de la prestation de CHF 175.- pour le régime alimentaire particulier de sa mandante en raison de son diabète. La sanction lui laissait peu de moyens pour vivre.

L’intimé a accepté, au vu des problèmes particuliers de santé de la recourante, d’exclure de la sanction les prestations circonstancielles d’allocation de régime de CHF 175.- par mois, pour autant qu’une sanction soit maintenue pour le forfait d’entretien, que ce soit la réduction à l’aide financière exceptionnelle ou la réduction de 15 %.

33. Par pli recommandé du 12 juin 2017, Mme A______ a indiqué que la sanction restait disproportionnée, malgré l’engagement de l’hospice, et persistait dans ses conclusions.

34. Le 6 février 2018, après un report dû à une absence d’un des témoins, une audience de comparution personnelle et d’enquêtes s’est tenue en présence des parties.

a. La fille de la recourante, Madame I______, née en 1990, a été entendue à titre de renseignement. Elle n’habitait plus avec sa mère depuis six ou sept ans et la voyait presque tous les jours.

Certains jours, sa mère allait très bien et faisait beaucoup de choses, et d’autres jours, elle s’enfermait dans sa chambre et ne voulait pas en sortir. Elle avait toujours connu sa mère ainsi. Son état de santé s’aggravait d’année en année. Quand elle allait bien, elle communiquait de façon normale. Quand elle allait mal, elle était très froide et ne voulait parler avec personne, même pas avec elle. Sa mère ne parlait pas de ses sentiments quand elle n’allait pas bien, ni d’ailleurs quand elle allait bien. Elle était plutôt renfermée, elle ne se souvenait pas de l’évolution de la santé de sa mère dans les années 2000. Elle avait travaillé quand elle était bébé, mais elle avait arrêté après. Mme A______ n’avait fait, depuis longtemps, que des ménages au titre d’activité lucrative.

Depuis environ quatre ans, sa mère, pour des raisons psychiques et physiques, n’arrivait plus à faire le ménage seule chez elle de sorte qu’elle l’aidait. Psychiquement, sa mère était fatiguée, notamment car elle restait tout le temps enfermée chez elle et ne voyait personne. Depuis environ six à sept mois, elle n’allait pas bien du tout ; elle dégageait une image très triste. Sa fille constatait l’aggravation de l’état de sa mère car il y avait de moins en moins de période où celle-ci allait bien. Sa mère pouvait oublier des choses lorsqu’elle allait bien, mais encore plus lorsqu’elle n’allait pas bien.

Mme I______ s’occupait depuis sept ou huit ans des affaires administratives de sa mère, y compris le paiement des factures, et faisait les courses avec elle. Elle s’occupait pleinement depuis un an de son budget et de toutes ses affaires administratives. Sa mère ne faisait plus rien en la matière. Celle-ci peinait à « joindre les deux bouts » mais sa fille ne l’aidait pas financièrement. Depuis l’exécution de la sanction, lorsqu’elle avait payé toutes ses factures et ses charges mensuelles, il ne lui restait plus rien. Avant l’exécution de la sanction, il lui restait un peu plus d’argent mais sa fille ne pouvait pas s’en rendre compte précisément car elle l’aidait un peu moins à cette époque. Sans pouvoir l’expliquer, elle pensait que l’état de sa mère avait empiré à cause de la sanction de l’hospice.

Pendant son adolescence, sa mère faisait des achats compulsifs portant sur des choses non nécessaires. Elle ne savait pas si elle avait l’argent nécessaire pour cela, ni si elle avait des dettes. Elle ne lui avait pas expliqué pourquoi elle travaillait comme femme de ménage. Elle pensait que sa mère ne se rendait pas compte de ce qu’elle faisait pendant les périodes où elle travaillait ; elle n’allait pas bien durant ces périodes. Par exemple, elle pouvait laisser un plat sur le feu et le laisser brûler car elle était retournée dans sa chambre. Elle oubliait beaucoup de choses dans sa vie quotidienne, y compris ses affaires administratives, par exemple le paiement de factures. Elle ignorait si sa mère allait chez un médecin avant 2011.

b. Le Dr H______, médecin psychiatre-psychothérapeute, a été entendu en qualité de témoin, après avoir été délié du secret médical par la recourante.

Il suivait Mme A______ depuis le 1er avril 2014. Auparavant, c’était le Dr D______, du même centre médical, qui la suivait. À sa connaissance, elle n’avait pas eu de suivi psychiatrique avant.

Le Dr D______ et lui-même avaient retenus le diagnostic de trouble bipolaire de type II, qui était confirmé dans les lettres de sortie des hospitalisations. Elle souffrait de ce trouble depuis le début de sa prise en charge. Le Dr D______ avait estimé le début de ce trouble bipolaire au début de l’année 2012, sachant qu’un tel trouble était souvent difficile à diagnostiquer. C’était souvent en regardant une trajectoire passée que l’on pouvait diagnostiquer un tel trouble. La patiente avait des phases d’exaltation et d’autres dépressives, avec abattement, désintérêt et perte d’énergie intense. Son état n’était pas stabilisé. Durant la dernière année, il avait été plus marqué par le versant dépressif avec notamment une inhibition, perte d’énergie et de motivation. Il ne pouvait pas répondre pour l’évolution future. Il ne voyait pas de problème de compréhension des choses chez la patiente, mais sa gestion de la vie quotidienne devenait de plus en plus difficile. Il pensait notamment aux affaires administratives ; sans l’aide de sa fille, il y aurait beaucoup de soucis à se faire à ce sujet. Cela était dû à un manque d’énergie et de motivation, pas à un manque de compréhension. La capacité de travail de Mme A______ était nulle depuis qu’il la suivait. Elle prenait actuellement un régulateur d’humeur appelé Dépakine, 500 mg, trois fois par jour. Il y avait des périodes où l’humeur de la patiente était normale.

Le Dr H______ ne pouvait pas se prononcer sur l’état de santé et la situation de la recourante avant le début de sa prise en charge par le centre médical, le 14 novembre 2011. Le Dr D______ et lui-même n’avaient pas de documents permettant d’objectiver la période où aurait démarré son trouble bipolaire. Elle avait eu un accident en 1985, qui avait causé un coma et des troubles mnésiques pendant sept ans ; elle avait subi une fausse-couche au moment de l’accident, enceinte de cinq mois. Elle ne s’en était pas rappelée pendant sept ans. Depuis qu’il suivait la patiente, elle comprenait bien ses questions, mais elle avait de très grandes difficultés à indiquer des éléments du passé, que ce soit les dernières heures ou les dernières années. Ses réponses étaient alors très évasives en général. Ses problèmes de mémoire allaient en s’aggravant.

Dans les périodes d’exaltation, la personne atteinte d’un trouble bipolaire avait beaucoup d’énergie pour le travail, même trop, ce qui pouvait parfois rendre son travail brouillon. Durant les périodes d’humeur normale, elle pouvait le cas échéant travailler. Pour répondre à la question de savoir si elle avait travaillé entre 2006 et 2012 sans en informer l’hospice alors qu’elle le devait, selon son ressenti, la recourante était une personne fondamentalement honnête et il n’y avait en tout état de cause rien de calculé. Il ajoutait qu’elle souffrait d’un psoriasis articulaire très important, qui causait de la fatigue et augmentait encore l’invalidité. Il était possible que son trouble de mémoire l’ait conduite à ne pas indiquer, entre 2006 et 2012, à l’hospice, qu’elle travaillait.

Il arrivait qu’un trouble bipolaire survienne tardivement. C’était en principe dans une éclosion brusque que ce trouble apparaissait. Ce trouble conduisait souvent à une relecture de la trajectoire passée et permettait d’expliquer sous un jour nouveau des événements passés et le cas échéant montrer l’existence de prémices à ce trouble déjà, avant son éclosion. Au stade des prémices, il était impossible de diagnostiquer un trouble bipolaire.

Il était fréquent qu’un trouble dépressif grave s’accompagne de troubles de la mémoire récente. C’était le cas de Mme A______, qui souffrait d’une pathologie psychiatrique lourde. L’aggravation de ces troubles mnésiques pouvait être mise en relation avec la persistance de son trouble dépressif. Dans une phase euphorique d’un trouble bipolaire, il pouvait y avoir des oublis car dans une exaltation, les pensées allaient dans tous les sens.

c. Mme A______ a expliqué qu’elle ne savait plus si son travail auprès des entreprises de nettoyage entre 2006 et 2012 était sur appel, ni s’il avait lieu de manière régulière ou non. Depuis l’audience du mois de mai 2017, les charges de la recourante n’avaient pas évolué.

Après l’audience du 30 mai 2017, l’hospice avait maintenu sa volonté de supprimer les prestations circonstancielles sauf pour l’allocation de régime alimentaire, les cotisations AVS/AI à hauteur de CHF 125.- par trimestre, et l’assurance-ménage, quel que soit le dispositif au fond.

35. Le 5 mars 2018, l’hospice a présenté des observations complémentaires tout en indiquant persister dans ses conclusions du 30 avril 2017.

Le Dr H______ n’avait pas eu connaissance de l’état de santé de la recourante durant la période litigieuse allant de 2006 à 2012 ; son témoignage n’éclairait en rien la procédure.

La recourante disposait d’une capacité de travail entière selon une décision de l’assurance-invalidité (ci-après : AI) du 26 octobre 2017.

36. Le 6 mars 2018, la recourante a formulé des observations, persistant dans ses conclusions.

Le Dr H______ et sa fille avaient mis en exergue sa mémoire défaillante. Sa capacité de compréhension était entière, mais elle avait des difficultés à indiquer des éléments du passé, que ce soit les dernières heures ou les dernières années. Elle ne pouvait dès lors pas se rendre compte qu’elle cachait quelque chose à l’hospice.

Si par impossible une faute devait être retenue, le principe de la proportionnalité devrait pondérer la sanction.

Même en maintenant les prestations circonstancielles, son minimum vital n’était pas préservé dès lors que ses dépenses mensuelles avoisinaient les
CHF 1’674.17.-. Si la sanction était maintenue, elle ne lui permettrait pas de vivre dignement. La décision de l’intimé violait de façon crasse le principe de la proportionnalité, dans la mesure où il n’avait pas pris en considération toutes les circonstances susmentionnées.

37. Le 27 avril 2018, l’intéressée a transmis des renseignements et documents demandés par la chambre administrative.

Un recours était déposé contre la décision de l’AI du 26 octobre 2017, rejetant sa demande de prestations ; la procédure y afférente était toujours pendante. Le refus d’une rente AI par l’OCAI ne pourrait pas lui porter préjudice, dès lors qu’elle n’avait pas le même but que la présente procédure portant uniquement sur sa faute. Il était incontestable qu’elle présentait de sérieux troubles l’ayant empêchée de comprendre ou de se souvenir qu’elle devait informer l’hospice.

Il ressortait en particulier des documents produits ce qui suit :

a. Le 6 septembre 2016, une expertise avait été réalisée par le Dr J______, médecin psychiatre et psychothérapeute FMH, à la demande de l’OCAI.

Il avait retenu tout au plus une cyclothymie chez l’assurée, qui présentait aussi une personnalité dépendante. Les périodes de dépression ou d’élation légère n’étaient pas assez sévères ou prolongées pour poser le diagnostic d’épisode dépressif ou d’un trouble bipolaire. Il n’avait pas objectivé au moment de l’entretien les signes et symptômes d’un trouble bipolaire.

Dans une activité adaptée à ses douleurs, l’assurée était capable de travailler à 100 %.

b. Le 6 juin 2017, un expertise avait été réalisée par le Dr K______, médecin psychiatre et psychothérapeute FMH, à la demande de l’OCAI.

L’observation n’avait pas permis de retenir avec certitude un trouble bipolaire, mais on pouvait admettre que ce diagnostic était possible. En plus d’une personnalité dépendante, l’assurée présentait lors de l’entrevue un épisode dépressif léger, mais qui ne justifiait pas une incapacité de travail.

c. Le 23 octobre 2017, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a rendu un avis médical, suite à la quatrième demande de
Mme A______ quant à l’octroi d’une rente invalidité.

Le SMR concluait, sur la base de deux expertises, réalisées le 6 septembre 2016 et le 6 juin 2017, à l’absence d’affections psychiques incapacitantes. La capacité de travail de l’intéressée était entière dans toute activité.

38. La cause a été gardée à juger le 19 mai 2018.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 52 LIASI ; art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Sont litigieuses, non la restitution de la somme réclamée par l’hospice et le refus de remise, mais la réduction du forfait d’entretien à hauteur du barème d’aide financière exceptionnelle et la suppression de toutes les prestations circonstancielles, hormis l’allocation de régime alimentaire, le paiement des cotisations AVS/AI et le paiement de l’assurance-ménage, selon l’engagement de l’intimé, ainsi que la participation aux frais médicaux et dentaires, pendant une durée de six mois.

3. a. Aux termes de l’art. 12 Cst., quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

Le droit constitutionnel fédéral ne garantit toutefois que le principe du droit à des conditions minimales d’existence ; il appartient ainsi au législateur fédéral, cantonal et communal d’adopter des règles en matière de sécurité sociale qui ne descendent pas en dessous du seuil minimum découlant de l’art. 12 Cst. mais qui peuvent aller au-delà (arrêts du Tribunal fédéral 2P.318/2004 du 18 mars 2005 consid. 3 ; 2P.115/2001 du 11 septembre 2001 consid. 2a ; ATA/724/2013 du
29 octobre 2013). L’art. 39 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) reprend ce principe : « toute personne a droit à la couverture de ses besoins vitaux afin de favoriser son intégration sociale et professionnelle ».

b. En droit genevois, la LIASI, entrée en vigueur le 19 juin 2007, et le règlement d’exécution de la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle du
25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) mettent en œuvre ce principe constitutionnel.

c. À teneur de son art. 1 al. 1, la LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel.

d. Selon l’art. 2 LIASI, ses prestations sont fournies sous forme d’accompagnement social, de prestations financières et d’insertion professionnelle. Conformément à l’art. 9 al. 1 in initio LIASI, les prestations d’aide financière versées en vertu de ladite loi sont subsidiaires à toute autre source de revenu.

e. Le bénéficiaire est tenu de fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d’aide financière (art. 32
al. 1 LIASI). De même, il doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI). Le document intitulé
« Mon engagement » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu’il donne immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique (ATA/306/2017 du 21 mars 2017
consid. 4c).

4. a. L’art. 35 al. 1 LIASI décrit les cas dans lesquels les prestations d’aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées, soit notamment lorsque le bénéficiaire ne s’acquitte pas intentionnellement de son obligation de collaborer telle que prescrite par l’art. 32 LIASI (let. c) ou qu’il donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (let. d).

En cas de réduction ou suppression des prestations d’aide financière, l’hospice rend une décision motivée. La réduction est fixée pour une durée déterminée à l’échéance de laquelle la situation est réexaminée. Le Conseil d’État précise, par règlement, les taux de réduction applicables. Dans tous les cas, le bénéficiaire doit disposer d’un montant correspondant à l’aide financière versée aux étrangers non titulaires d’une autorisation de séjour régulière (art. 35 al. 2
à 4 LIASI).

b. Selon l’art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l’hospice réclame au bénéficiaire le remboursement de toute prestation d’aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n’est pas de bonne foi (al. 3).

De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l’obligation de renseigner l’hospice est une prestation perçue indûment (ATA/419/2017 du 11 avril 2017 consid. 5a ; ATA/306/2017 du 21 mars 2017 consid. 5b). Le bénéficiaire des prestations est tenu de se conformer au principe de la bonne foi dans ses relations avec l’administration, notamment en ce qui concerne l’obligation de renseigner. Si le bénéficiaire n’agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/265/2017 du 7 mars 2017 consid. 15b ; ATA/1024/2014 du
16 décembre 2014). Le bénéficiaire de prestations de l’hospice qui n’indique pas à ce dernier la totalité des comptes bancaires dont il est titulaire n’est pas de bonne foi (ATA/644/2011 du 11 octobre 2011).

Seul le bénéficiaire qui était de bonne foi peut se prévaloir de ce que le remboursement, total ou partiel, pourrait le mettre dans une situation difficile et ainsi ne pas être tenu audit remboursement (art. 42 LIASI).

c. Selon l’art. 35 RIASI, les prestations d’aide financière peuvent être réduites dans les cas visés par l’art. 35 LIASI, pendant une durée maximale de douze mois (al. 1). En cas de manquement aux devoirs imposés par la loi, le forfait pour l’entretien de la personne fautive est réduit de 15 % et toutes ses prestations circonstancielles sont supprimées, à l’exception de la participation aux frais médicaux et aux frais dentaires, au sens de l’art. 9 al. 2 à 4 RIASI (al. 2). En cas de manquement grave, le forfait pour l’entretien de la personne fautive est réduit aux montants définis par l’art. 19 RIASI et toutes ses prestations circonstancielles sont supprimées, à l’exception de la participation aux frais médicaux et aux frais dentaires (al. 3). Le degré de réduction est fixé en tenant compte des circonstances du cas d’espèce (al. 4).

La suppression ou la réduction des prestations d’assistance doit être conforme au principe de la proportionnalité, imposant une pesée de l’ensemble des circonstances. Il faut prendre en considération la personnalité et la conduite du bénéficiaire des prestations, la gravité des fautes reprochées, les circonstances de la suppression des prestations ainsi que l’ensemble de la situation de la personne concernée (ATF 122 II 193 ; ATA/357/2017 du 28 mars 2017 consid. 7c).

5. a. En l’espèce, il ressort des éléments figurant au dossier, et des déclarations des parties durant les audiences de comparution personnelle et d’enquêtes, que la recourante n’a pas respecté les obligations de collaborer et de renseigner prévues aux art. 32 et 33 LIASI. Elle n’a en effet pas déclaré à l’hospice les salaires perçus auprès des diverses entreprises où elle a exercé en qualité de nettoyeuse pendant environ sept ans (2006-2012), ni mentionné spontanément l’existence des comptes n° 2 et n° 3 lui appartenant, comptes sur lesquels étaient notamment versés lesdits salaires, ni mentionné le remboursement de chauffage de sa régie, qu’elle a encaissé sans en avertir son assistante sociale.

Objectivement, il s’agit de manquements graves, vu la dissimulation de faits très importants pour quiconque, à savoir emplois et salaires, pendant une relativement longue période et pour des sommes non négligeables.

b. Cependant, il se pose la question de savoir si, comme le soutient la recourante, son état de santé au moment des faits s’oppose au prononcé d’une sanction.

Dans ses rapports avec l’intimé, la recourante a présenté plusieurs certificats médicaux à son assistante sociale attestant qu’elle souffrait de divers problèmes de santé : fibromyalgie, arthrose et psoriasis. Ce n’est que lors de l’opposition de l’intéressée aux décisions des 17 et 27 juin 2016, que l’intimé a pris connaissance de l’existence des troubles psychiques de la recourante.

Dans le cadre de l’instruction du recours, le médecin de l’intéressée a été auditionné. Il a expliqué que sa patiente souffrait d’une pathologie psychiatrique lourde. Elle souffrait de ce trouble depuis le début de sa prise en charge à ses côtés, soit en 2014. Son précédent médecin avait estimé le début de ce trouble bipolaire au début de l’année 2012, sachant qu’un tel trouble était souvent difficile à diagnostiquer, car c’était souvent en regardant une trajectoire passée que l’on pouvait diagnostiquer un tel trouble. La recourante prenait un régulateur d’humeur appelé Dépakine, 500 mg, trois fois par jour. Ses problèmes de mémoire allaient en s’aggravant. Selon lui, il était possible que son trouble de mémoire l’ait conduite à ne pas indiquer à l’intimé, entre 2006 et 2012, qu’elle travaillait.

Néanmoins, l’audition du médecin et les pièces versées à la procédure ne permettent pas de retenir que la recourante souffrait déjà d’un trouble bipolaire pour la période allant de 2006 à 2012. Il y a en revanche lieu de considérer, notamment du fait qu’elle s’occupait à cette époque à tout le moins en partie de ses affaires administratives comme l’a déclaré sa fille à l’audience du 6 février 2018, qu’elle était en tout état de cause en mesure de connaître son obligation de renseigner et de la respecter.

c. De plus, il convient d’examiner si la décision de sanction est conforme au principe de la proportionnalité, qui impose de procéder à une pesée de l’ensemble des circonstances.

L’intéressée est bénéficiaire de l’aide sociale depuis le 1er mai 2005, soit depuis plus de treize années. Par décision du 26 novembre 2015, une demande de restitution de CHF 1’297.50 et de sanction lui a été adressée par l’intimé au motif qu’elle n’avait pas communiqué partager son logement avec une étudiante depuis le 9 septembre 2015. Il faut dès lors tenir compte du fait que la recourante ne s’est pas toujours conformée à ses obligations à l’égard de l’intimé en plus des faits présentement en cause, en particulier à son obligation de renseigner.

Selon l’art. 35 al. 1 RIASI, les prestations d’aide financière peuvent être réduites pendant une durée maximale de douze mois. L’intimé a prononcé une sanction d’une durée de six mois et a de surcroît, lors de l’audience tenue le
6 février 2018, maintenu sa volonté de ne pas supprimer les prestations circonstancielles relatives à l’allocation de régime alimentaire, aux cotisations AVS/AI et à l’assurance-ménage, quel que soit le dispositif au fond.

Le loyer restera pris en charge par l’intimé à hauteur du montant maximal prévu par le RIASI, de même que l’entier de son assurance-maladie et des prestations circonstancielles non impactées par la présente décision. L’incapacité de travail et les maladies invalidantes ne sont pas démontrées, notamment vu les expertises produites dans le cadre de la procédure de l’AI. Quoi qu’il en soit, indépendamment de sa situation médicale, l’art. 35 al. 3 RIASI en lien avec
l’art. 19 RIASI, ne saurait être considéré comme portant atteinte à ses moyens minimaux d’existence, ce d’autant moins que certaines prestations circonstancielles ont été maintenues.

Partant, vu les manquements graves imputables au comportement de la recourante et le manquement ayant donné lieu à la sanction du 26 novembre 2015, l’intimé n’a pas violé le principe de la proportionnalité découlant de l’art. 36
al. 3 et 4 Cst.

L’hospice n’a pas excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation (art. 61
al. 1 let. a LPA) en infligeant à la recourante la sanction litigieuse.

6. En définitive, la décision sur opposition querellée est conforme au droit et le recours, infondé, doit être rejeté.

En matière d’assistance sociale, la procédure est gratuite pour la recourante (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure au sens de l’art. 87 al. 2 LPA ne lui sera allouée.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 mars 2017 par Mme A______ contre la décision sur opposition du 20 février 2017 rendue par l’Hospice général ;

au fond :

le rejette ;

donne acte à l’Hospice général de son engagement de ne pas supprimer les prestations circonstancielles relatives à l’allocation de régime alimentaire, aux cotisations AVS/AI et à l’assurance-ménage ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Maurizio Locciola, avocat de la recourante, ainsi qu’à l’Hospice général.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :