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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4827/2017

ATA/51/2018 du 18.01.2018 ( AIDSO ) , ACCORDE

En fait
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4827/2017-AIDSO ATA/51/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 18 janvier 2018

sur mesures provisionnelles

 

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1) Monsieur B______, ressortissant du Rwanda et son épouse, Madame A______, ressortissante suisse, sont les parents de C______, née le ______2015 ainsi que de D______, né le ______2017. Ces derniers sont suisses.

M. B______ est au bénéfice d’un permis de séjour au titre du regroupement familial. Il a obtenu un diplôme d’électricien au Rwanda, diplôme que le secrétariat d'État à la formation, à la recherche et à l'innovation du département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche a reconnu comme étant d’un niveau équivalent à celui d’un certificat fédéral de capacité d’électricien.

Mme A______ est titulaire d’une maîtrise en psychologie obtenue à l’Université de Genève.

2) Le 18 mars 2016, Mme A______ a déposé à l’Hospice général (ci-après : l’hospice) une demande de prestations d’aide sociale financière, contresignée par elle-même et par son époux.

Les deux époux ont de plus signé à cette occasion le document intitulé « mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général ».

3) Suite à cette demande, les époux B______ et leurs enfants ont été mis au bénéfice de prestations d’aide de l’hospice.

Mme A______ a trouvé un emploi temporaire en qualité d’assistante socio-éducative remplaçante, au bénéfice d’un contrat renouvelable de mois en mois, depuis le mois d’octobre 2016, au plus tard jusqu’au 29 septembre 2017.

De son côté, M. B______, qui ne trouvait pas d’emploi, a informé son assistante sociale qu’il s’était inscrit afin de suivre une formation à la E______ (ci-après : E______), le semestre préparatoire étant prévu du 31 octobre 2016 au 14 mai 2017.

4) Par décision du 26 octobre 2016, le centre d’action sociale de Lancy (ci-après : CAS) a décidé d’octroyer aux époux B______ une aide financière exceptionnelle prévue pour les étudiants et les personnes en formation, réduite et limitée à six mois au maximum. Ils devaient exposer au CAS, par écrit, ce qu’ils envisageaient de mettre en place afin de s’en sortir financièrement et socialement pendant les études de M. B______.

5) Le ______ 2017 Mme A______ a donné naissance à D______.

6) Le 11 septembre 2017, le CAS a décidé de mettre fin aux prestations versées aux époux B______ à compter du 31 octobre 2017. Cette décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

7) Saisi d’une opposition, le directeur général de l’hospice a confirmé la décision initiale le 3 novembre 2017, rappelant le cadre exceptionnel de l’aide financière prévue pour les étudiants, laquelle avait déjà été accordée pendant douze mois alors que M. B______ n’en remplissait pas les conditions d’octroi.

8) Par courrier mis à la poste le 6 décembre 2017, les époux B______ ont saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre la décision sur opposition précitée, concluant à ce qu’il soit mis au bénéfice d’une assistance ordinaire avec effet rétroactif au 1er  novembre 2017, subsidiairement à ce que l’hospice assiste d’une part M. B______ au regard de l’art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et Mme A______ et ses enfants au barème d’assistance ordinaire avec effet rétroactif au 1er novembre 2017, et à ce que, préliminairement, l’effet suspensif soit accordé au recours et à ce qu’il soit dit que l’hospice devait assister les recourants et leurs deux enfants selon le barème de l’assistance ordinaire depuis le 1er novembre 2017 pendant le cours de la procédure.

En substance, M. B______ avait pris la décision de se former dès lors qu’il ne trouvait pas d’emploi avec sa formation antérieure, malgré les nombreuses recherches faites. Il n’avait pas obtenu d’autres sources de revenus publics ou privés et il dépendait uniquement de l’aide sociale aussi longtemps que Mme A______ n’aurait pas trouvé un emploi.

La demande d’aide visait uniquement à ce que la famille soit soutenue pendant la période nécessaire, à ce que Mme A______ trouve un emploi, et non pendant toute la formation de M. B______.

Un refus d’assistance violerait les normes tant de la Constitution fédérale que de la Constitution genevoise et les dispositions légales cantonales.

9) Le 5 janvier 2018, l’hospice a conclu, au fond, au rejet du recours, s’en rapportant à justice sur la question de l’effet suspensif.

Les conditions permettant à ce qu’une aide financière soit octroyée à une personne en formation n’étaient pas remplies en l’espèce, qu’il s’agisse d’une aide au barème exceptionnel ou d’une aide au barème ordinaire, dès lors que M. B______ ne bénéficiait ni d’une bourse ni d’un prêt d’études. Une aide avait toutefois été octroyée pendant douze mois et les époux B______ avaient été clairement informés qu’ils leur appartenaient de trouver d’autres sources de financement.

Il n’était pas possible d’octroyer des aides financières différenciées, selon les dispositions de la législation genevoise. De plus, s’agissant des dispositions de la Constitution fédérale, M. B______ avait volontairement opté pour une formation l’éloignant pour quatre ans au mois du marché du travail et pour des mesures d’insertion professionnelle mises en place par l’État.

En dernier lieu, les normes de la conférence suisse des institutions d’actions sociales (ci-après : normes CSIAS) mises en avant par les recourants n’étaient pas applicables au cas d’espèce dès lors que les époux B______ n’avaient pas sollicité de mesures protectrices de l’union conjugale ni demandé ou obtenu le divorce.

10) Exerçant leur droit à la réplique sur effet suspensif, les recourants ont précisé, le 8 janvier 2018, que Mme A______ n’avait à ce jour pas trouvé d’emploi. Vu la situation particulière de M. B______, le droit de Mme A______ et de leurs deux enfants à des prestations de l’aide sociale devait être reconnu même si M. B______ en était exclu.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1) Les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par le président, respectivement par le vice-président, ou en cas d’empêchement de ceux-ci, par un juge (art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 septembre 2017).

2) a. Aux termes de l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

À teneur de l’art. 21 LPA, l’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (al. 1) ; ces mesures sont ordonnées par le président s’il s’agit d’une autorité collégiale ou d’une juridiction administrative (al. 2).

b. Selon la jurisprudence constante, les mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l’effet suspensif – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis, et ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/884/2016 du 10 octobre 2016 consid. 1 ; ATA/658/2016 du 28 juillet 2016 consid. 1). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HAENER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

3) L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

Le prononcé de telles mesures ne saurait, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif, ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HAENER, Vorsogliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, p. 265 ; Cléa BOUCHAT, l’effet suspensif en procédure administrative, 2015, p. 21 n. 50).

4) a. Une décision déclarée immédiatement exécutoire par l’autorité fait courir le risque de rendre totalement illusoire la protection juridique que devraient offrir les voies de droit à celui qui veut la contester (Cléa BOUCHAT, op. cit. p. 299 n.  797). Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

5) En l’espèce, il est admis et établi par la procédure que, si M. B______ a repris une formation après avoir vainement cherché un emploi, son épouse fait tout ce qui est en son possible pour permettre à l’ensemble de sa famille d’être indépendante financièrement.

En outre, la cause devrait rapidement pouvoir être jugée au fond, l’hospice ayant d’ores et déjà produit sa réponse. Il n’est pas exclu qu’une audience de comparution personnelle soit nécessaire, mais la procédure devrait en tout état pouvoir être tranchée rapidement.

L’exécution immédiate de la décision contraindrait probablement M. B______ à interrompre sans délai sa formation, dont la reprise, en cas d’admission du recours, serait fortement prétéritée.

En dernier lieu, l’autorité intimée s’en est rapportée à justice quant à l’éventuel octroi de mesures provisionnelles.

6) Dans ces circonstances, les mesures provisionnelles sollicitées seront octroyées, et l’hospice devra continuer à verser des prestations d’aide sociale aux recourants, identiques à celles versées avant le prononcé de la décision litigieuse, jusqu’à ce que la présente affaire soit tranchée au fond.

vu l’art. 66 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ;

vu l’art. 7 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 21 décembre 2010 ;

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

octroie les mesures provisionnelles sollicitées ;

dit que les prestations d’aide sociale devront être versées à Madame A______ et à Monsieur B______ jusqu’à ce que la présente cause soit tranchée au fond ;

impartit à Madame A______ et à Monsieur B______ un délai au 2 février 2018 pour exercer leur éventuel droit à la réplique ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Madame A______ et à Monsieur B______, ainsi qu'à l'Hospice général.

 

La présidente :

 

F. Payot Zen-Ruffinen

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :