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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1561/2016

ATA/948/2016 du 08.11.2016 ( AIDSO ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1561/2016-AIDSO ATA/948/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 novembre 2016

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

 



EN FAIT

1. Madame A______ habite à Genève avec sa fille B______, née en 2008 ainsi qu’avec son fils C______, né en 2013.

2. a. L’intéressée a, le 14 novembre 2012, demandé des prestations complémentaires et familiales au service des prestations complémentaires (ci-après : SPC). Il ressortait de sa demande qu’elle était titulaire d’une assurance-vie. De plus, dans l’annexe intitulée « fortune mobilière », elle avait porté la mention « enfant est bénéficiaire sur un compte au nom du père ».

b. Des prestations familiales ont été versées par le SPC depuis l’année 2012, remplacées pendant quelques mois à la fin de l’année 2014 par des prestations d’assistance.

3. Le 11 mars 2015, le SPC a sollicité de Mme A______ la transmission d’un certain nombre de documents, dans le cadre de la révision périodique de son dossier.

L’intéressée devait notamment remettre une déclaration des avoirs bancaires et postaux pour ses enfants ainsi que la valeur de rachat de l’assurance-vie au 31 décembre 2013 et au 31 décembre 2014.

4. Le 13 mars 2014, le SPC a reçu le bordereau fiscal de Mme A______ pour l’année 2013, dont il ressortait que l’assurance-vie avait une valeur de CHF 5'073.- (pièce 150 intimée).

Le 20 mars, Mme A______ a transmis au SPC une liasse de documents parmi lesquels se trouvait le relevé du compte postal d’épargne de sa fille B______, sur lequel CHF 2’652.55 étaient déposés (pièce 159 intimée).

5. Un premier rappel a été adressé à l’intéressée le 11 avril 2015 et un second rappel lui a été communiqué le 11 mai 2015.

Ce dernier précisait que, parmi les documents déjà communiqués par l’intéressée, figuraient ceux concernant les avoirs bancaires et postaux de ses enfants. En revanche, parmi la liste des justificatifs non reçus, figurait le document justifiant de la valeur de rachat de l’assurance-vie de l’intéressée au 31 décembre 2013 et au 31 décembre 2014.

6. Le 20 mai 2015, Mme A______ a transmis un certain nombre de documents, s’étonnant toutefois de la demande dès lors que la totalité des pièces requises avait déjà été transmise.

Parmi les documents annexés à ce pli, se trouvait une attestation fiscale indiquant que la police d’assurance-vie avait une valeur de rachat au 31 décembre 2014 de CHF 6'652.-.

7. Par décision du 3 juin 2015, le SPC a rétroactivement établi le droit aux prestations d’aide sociale de Mme A______ pour la période du 1er janvier au 30 avril 2015. Il était nul, l’intéressée ayant plus de CHF 8’000.- de fortune. Elle devait rembourser CHF 1'160.- indûment versés par le service de l’assurance-maladie ainsi que CHF 6'544.- versés à tort par le SPC.

Le 10 juin 2015, le SPC a précisé que la demande de restitution de CHF 1'160.- n’était pas due. En revanche, celle concernant une somme de CHF 6'544.- restait due.

8. Le 1er juillet 2015, Mme A______ a formé opposition contre la décision lui réclamant le remboursement de CHF 6'544.-.

Elle a complété cette opposition le 9 juillet 2015. Elle avait dû diminuer son temps de travail pour des raisons familiales. Elle avait toujours pris son obligation de collaborer très au sérieux en produisant les documents demandés et en envoyant de nombreux courriers, lesquels étaient le plus souvent restés sans réponse.

9. a. Le 24 septembre 2015, le SPC a rendu une décision sur opposition.

Mme A______ avait transmis au mois de mars et de juin 2015 des documents dont il ressortait que sa fortune était de CHF 9'315.75, soit CHF 5.35 et CHF 5.85 sur des comptes postaux dont elle était titulaire, CHF 2'652.55 sur le compte postal au nom de B______ et CHF 6'652.- constitués par la valeur de rachat de l’assurance-vie.

Sa fortune étant supérieure à CHF 8'000.-, elle avait reçu des prestations en trop, soit CHF 6'544.-.

La question de la remise de cette somme serait traitée par une décision séparée lorsque la décision sur opposition serait définitive.

b. Cette décision est devenue définitive, n’ayant pas fait l’objet d’un recours.

10. Le 3 décembre 2015, le SPC a refusé la remise sollicitée.

Ce n’était qu’au mois de mars 2015 que le service avait découvert que B______ était titulaire d’un compte postal, qui n’avait jamais été déclaré auparavant. Il avait appris la valeur actuelle de rachat de la police d’assurance-vie. Cette dernière avait, lors de son annonce initiale le 31 décembre 2011, une valeur de CHF 2'989.10.

L’obligation de renseigner avait été violée et la condition de la bonne foi ne pouvait être retenue.

11. Le 23 décembre 2015, Mme A______ a formé opposition contre cette décision.

La valeur de rachat de l’assurance-vie avait été communiquée dans le délai où on le lui avait demandé, comme les informations concernant le compte de sa fille.

Toutes ces indications ressortaient de plus de sa déclaration fiscale.

12. Le 18 avril 2016, le SPC a rejeté l’opposition. reprenant les motifs figurant dans la décision initiale.

13. Par acte daté du 12 mai 2016, expédié le 14 mai 2016 et reçu le 16 mai 2016, Mme A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre la décision sur opposition précitée.

Elle avait dû baisser son taux d’activité entre les mois de novembre 2014 et octobre 2015, d’une part parce qu’elle avait entamé une procédure de validation de ses acquis en qualité d’assistante socio-éducative et, d’autre part, pour un problème de garde de ses enfants. Elle était passée, dès lors, pendant six mois au barème de l’aide sociale plutôt qu’à celui des prestations complémentaires familiales. À l’époque, elle possédait une assurance-vie d’une valeur de CHF 6'652.- au 31 décembre 2015 et sa fille B______ avait un compte à la Poste avec CHF 2'652.55. Ce compte avait été ouvert par le père de B______, lequel lui avait demandé de figurer sur ce compte sans qu’elle ne connaisse les implications de ce changement.

Dans cette situation, sa fortune dépassait de CHF 1'196.- le montant admis.

14. Le 29 juin 2016, le SPC a confirmé la position exprimée dans la décision sur opposition, renvoyant au surplus la chambre administrative à cette dernière. Il a transmis une copie du dossier, les pièces étant numérotées de 1 à 248.

15. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 52 de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 - LIASI - J 4 04, art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Bien que l’hospice soit l'organe d'exécution de la LIASI sous la surveillance du département de l'emploi, des affaires sociales et de la santé (ci-après : le département ; art. 3 al. 1 LIASI), le SPC gère et verse les prestations d'aide sociale notamment pour les personnes au bénéfice de prestations complémentaires familiales (ci-après : PCFam ; art. 3 al. 2 let. c LIASI).

Ce service reçoit et instruit les demandes de prestations visées par l'art. 3 al. 2 LIASI, procède aux calculs, rend les décisions et verse les prestations. Le versement de ces prestations émarge à son propre budget (art. 22 al. 1 du règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 - RIASI - J 4 04.01).

3. La recourante ne conteste pas le caractère remboursable des prestations qu’elle a perçues à tort. Elle demande à ne pas être obligée de les restituer car elle a toujours collaboré de bonne foi, et qu’en cas de remboursement, elle se trouverait dans une situation difficile.

4. Le bénéficiaire qui était de bonne foi lors de l’encaissement de prestations versées à tort n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis, de ce fait, dans une situation difficile (art. 42 al. 1 LIASI).

Les conditions de la bonne foi et de la situation financière difficile sont cumulatives (ATA/588/2014 du 29 juillet 2014 et les références).

Celui qui a déjà encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l'enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d'une décision administrative mal fondée (Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, p. 168 ss), tout en tempérant l'obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/1024/2014 du 16 décembre 2014).

5. La LIASI impose un devoir de collaboration et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI). Le seul fait de taire la propriété de biens, notamment immobiliers, constitue une violation des obligations de renseigner (ATA/1024/2014 précité). Il doit signaler immédiatement à l'hospice les droits qui peuvent lui échoir. Ces obligations valent pour tous les membres du groupe familial (art. 33 LIASI).

6. En l’espèce, la recourante a régulièrement transmis des documents au SPC, à tel point qu’il est difficile de trouver une pièce précise dans le volumineux carton remis par l’autorité à la chambre administrative.

Toutefois, et contrairement à ce qu’affirme l’autorité intimée, des informations concernant la fortune du groupe familial de l’intéressée ont été régulièrement communiquées. Ainsi, on trouve, dans le carton de documents, une attestation concernant le revenu déterminant le droit aux prestations sociales datée du 30 octobre 2013 et adressée à l’autorité le 13 janvier 2014 (pièce 54 de l’autorité), dont il ressort que la valeur de rachat de l’assurance-vie est de CHF 4'101.-.

Dans ces circonstances, selon la jurisprudence rappelée ci-dessus, il n’est pas possible de considérer que l’intéressée a violé son devoir d’information : les informations concernant le compte de B______, comme celles indiquant que la valeur de rachat de l’assurance-vie augmentait, figurent dans les pièces produites par le SPC.

Ainsi, la bonne foi de l’intéressée, au sens des dispositions précitées, doit être admise.

Au surplus, au vu des informations figurant au dossier concernant la situation financière de l’intéressée, il ne fait pas de doute que le remboursement demandé la mettrait dans une situation pour le moins difficile.

7. Au vu de ce qui précède, le recours, sera admis et la décision litigieuse sur opposition ainsi que la décision initiale de refus de remise seront annulées.

Le remboursement de CHF 6'544.- demandé à la recourante sera remis.

Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la recourante, qui n’y a pas conclu et n’a pas exposé de frais (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 mai 2016 par Madame A______ contre la décision sur opposition du service des prestations complémentaires du 18 avril 2016 ;

au fond :

l’admet ;

annule tant la décision sur opposition du service des prestations complémentaires du 18 avril 2016 que la décision de refus de remise du 3 décembre 2015 ;

dit que Madame A______ n’est pas tenue de rembourser CHF 6'544.- au service des prestations complémentaires ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'au service des prestations complémentaires.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :