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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4894/2017

ATA/918/2019 du 21.05.2019 ( AIDSO ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4894/2017-AIDSO ATA/918/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 mai 2019

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL



EN FAIT

1. Madame A______, née le ______ 1969, a sollicité l’aide financière de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) une première fois en août 2012. En remplissant le formulaire de demande d’aide, elle a répondu par la négative à la question de savoir si elle possédait un bien immobilier à Genève, en Suisse et/ou à l’étranger. Le formulaire comporte, en caractères gras, l’indication que la personne requérant des prestations atteste de ce que les renseignements donnés sont exacts et complets.

Aux termes du document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général », signé le 2 août 2012, elle s’est engagée à donner immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l'établissement de sa situation personnelle et économique, tant en Suisse qu’à l’étranger, à informer immédiatement et spontanément l'hospice de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant de ses prestations d'aide financière, notamment de toute modification de sa situation personnelle et économique, de même qu'à rembourser à l’hospice toute prestation exigible perçue indûment.

2. Dans les demandes de prestations subséquentes qu’elle a signées les 1er septembre 2014 et 31 août 2016, elle a toujours indiqué qu’elle n’était pas propriétaire d’un bien immobilier, que ce soit en Suisse ou à l’étranger. Elle a également renouvelé sa signature au bas du document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général ».

3. L’hospice lui a versé des prestations financières du 1er septembre 2012 au 30 juin 2017 (sous réserve de quelques périodes d'interruption). Pour la période du 1er septembre 2014 au 30 juin 2017, l'hospice lui a versé un montant de CHF 62'955,70.

4. Dans un courrier du 7 octobre 2016 adressé à tous les bénéficiaires de prestations sociales, le Conseiller d’État en charge du département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé, devenu depuis lors le département de l’emploi et de la santé, les a informés de ce qu’à compter du 1er octobre 2016, le nouvel art. 148a du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), permettait de poursuivre toute personne qui obtenait de telles prestations soit en fournissant des informations fausses ou incomplètes, soit en dissimulant des informations, par exemple des biens mobiliers ou immobiliers en Suisse et/ou à l’étranger. À la même date, une nouvelle disposition était entrée en vigueur, imposant au juge de prononcer l’expulsion de Suisse de toute personne étrangère condamnée pour certaines infractions, dont celle précitée. Compte tenu de la gravité de ces conséquences, il était décidé de renoncer à poursuivre pénalement toute personne, qui avant le 31 décembre 2016, communiquait des éléments qui n’auraient pas été pris en considération dans le calcul des prestations.

5. Dans un courrier du 11 octobre 2016 au Conseiller d’État susmentionné, le Ministère public a autorisé les services concernés à renoncer d’eux-mêmes à lui dénoncer les bénéficiaires, « en cas d’annonce dans le délai […] et d’accord quant à des modalités raisonnables de remboursement des prestations perçues en trop ». Il allait de soi que si aucun accord n’était trouvé ou si celui-ci n’était pas respecté, les services étaient tenus de dénoncer.

À la demande du Ministère public, une copie de ce courrier a été adressée à chaque bénéficiaire.

6. Lors d’un entretien le 12 décembre 2016 au Centre d'action sociale des Avanchets (ci-après : CAS), Mme A______ a informé son assistante sociale du fait qu'elle était copropriétaire d'un bien immobilier sis en Italie, suite au décès de sa mère.

7. Lors d’un nouvel entretien le 16 janvier 2017, elle a précisé être copropriétaire du bien uniquement « sur le papier ». En effet, il avait été convenu au sein de sa famille que la maison revenait entièrement à son frère. Il lui a été demandé de produire tous les documents relatifs à la succession de sa mère.

8. Par courrier non daté, Mme A______ a transmis à son assistante sociale du CAS une confirmation écrite du fait qu'elle était « propriétaire de 1/3 d'une maison familiale à C______ à l'adresse : Via B______ ».

Cette annonce faisait suite au courrier précité du 7 octobre 2016 adressé à tous les bénéficiaires de prestations de l’hospice par le Conseiller d’État en charge du département de tutelle de celui-ci. Mme A______ précisait qu'elle ne pensait pas que cette succession allait poser problème. Elle a fourni les pièces suivantes :

- un extrait du service cadastral de la direction de la province de C______ - état au 23 décembre 2016, attestant qu'elle était inscrite, depuis le 18 septembre 2014, suite à l'annonce du décès de sa mère, comme copropriétaire avec son frère et sa sœur - à raison d'un tiers chacun - d'un appartement de six pièces (136 m²) sis à l'adresse précitée.

- une attestation de M. Mario A______, son frère, rédigée en italien, confirmant qu'il était « le futur propriétaire de la maison d'C______ » et qu'il n'était pas en mesure de payer « la propriété de A______» (traduction libre).

9. Sur la base de ces documents, que l'hospice considérait comme incomplets, ce dernier a estimé la valeur du bien immobilier à CHF 60'000.-, après consultation des annonces de ventes immobilières dans la région de C______ publiées sur Internet. Cette estimation n'a pas été contestée par Mme A______.

10. Le 31 mai 2017, l'assistante sociale a rappelé à Mme A______ le principe selon lequel les propriétaires de biens immobiliers ne leur servant pas de demeure permanente n'avaient pas droit aux prestations financières. Elle lui a expliqué qu'elle avait la faculté de vendre sa part de copropriété ou de demander la vente du bien. Au vu de la situation, l'assistante sociale lui a signifié la fin de son droit aux prestations d'aide sociale au 1er juillet 2017, étant précisé que les prestations du mois de juin lui seraient versées à titre exceptionnel afin qu'elle puisse disposer d'un délai de réflexion et trouver une solution.

11. Lors de son entretien au CAS du 11 juillet 2017, Mme A______ a déclaré que ni son frère ni sa sœur n'avaient les moyens financiers de racheter sa part, précisant que son frère, qui occupait l'appartement et jouissait de toute autorité sur celui-ci, ne serait jamais d'accord de vendre le bien.

12. Par décision du 24 juillet 2017, l'hospice a confirmé mettre un terme aux prestations d'aide financière, à partir du 1er août 2017. Cette décision était motivée par le fait que Mme A______ possédait un bien immobilier à C______ résultant d'un héritage obtenu le 18 septembre 2014, la valeur de sa part ayant été estimée à CHF 20'000.- par l'Hospice, estimation qu'elle n'avait pas contestée.

Parallèlement, il lui a demandé la restitution de la somme de CHF 62'955.70 correspondant au montant des prestations qu'elle avait perçues indûment de l'hospice général du 1er septembre 2014 au 30 juin 2017, dès lors qu'elle était copropriétaire d'un bien immobilier en Italie qu'elle n'avait pas déclaré lors de son acquisition par succession.

13. Mme A______ a formé opposition à cette décision en demandant la remise de cette créance. Elle a déclaré être « tout à fait consciente » du fait qu'elle était redevable de la somme de CHF 62'955.70 mais expliquait se trouver dans une situation qui ne lui permettait absolument pas de s'acquitter de cette créance.

14. Par décision du 5 décembre 2017, l’hospice général a rejeté l’opposition et la demande de remise.

Il constatait que Mme A______ ne contestait ni les faits ni le montant de la restitution qui lui était réclamé en remboursement, se bornant à indiquer que sa situation financière ne permettait pas de le rembourser. Pour le surplus, en cachant à l’hospice l’existence du bien immobilier en Italie, la bénéficiaire avait gravement violé son obligation de renseigner. N’étant pas de bonne foi, aucune remise ne pouvait lui être accordée. Il était précisé que, lorsque le service du recouvrement lui réclamerait par écrit le paiement de la somme due, elle aurait la possibilité – en cas de difficultés – de contacter ledit service pour négocier la mise en place d'un plan de remboursement qui tienne compte de sa situation économique.

15. Par acte expédié le 11 décembre 2017 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), Mme A______ a recouru contre cette décision, concluant à la non-restitution de la somme réclamée et à l'admission de sa demande de remise.

Elle avait fait preuve de bonne foi concernant la copropriété de la maison en Italie, car cette dernière appartenait à son frère et non pas à elle-même. Sans connaître les lois, elle ne pouvait pas savoir qu'elle avait le droit de renoncer à cette copropriété. Ce n'était qu'après le courrier du Conseiller d’État du 7 octobre 2016 qu'elle s'était rendu compte de cela. Elle voulait bien rembourser la somme en question mais était actuellement sans aide financière et sans travail.

16. L’hospice a conclu au rejet du recours, pour les mêmes motifs que précédemment évoqués. Il ajoutait que les explications de la recourante concernant l'appartenance de la maison à son frère ne sauraient être admises puisqu'elle savait parfaitement qu'elle lui appartenait à raison d'un tiers. Enfin, le frère de la recourante avait indiqué dans son attestation être le « futur » propriétaire de la maison et ne pas avoir les moyens de « racheter la part de sa sœur ».

17. Dans sa réplique, Mme A______ a, à nouveau, indiqué être d'accord avec la demande de remboursement mais être dans l'impossibilité de l’exécuter vu sa situation financière inchangée.

18. Sur ce la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 61 al. 1 let. a et 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 LPA E 5 10).

2. Le litige porte sur le bien-fondé de la demande de remboursement et du rejet de la demande de remise. La quotité du montant réclamé n’est pas litigieuse.

a. La loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1). Ont droit aux prestations d’aide financière les personnes dont le revenu mensuel déterminant n’atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d’État (art. 21 al. 1 LIASI).

b. L’art. 11 al. 1 LIASI décrit le cercle des bénéficiaires des prestations d’aide financière. Parmi les dispositions traitant des bénéficiaires de l’aide sociale, l’art. 12 LIASI est consacré aux cas exceptionnels. L’art. 12 al. 2 LIASI prévoit ainsi qu’exceptionnellement une aide financière peut être accordée à une personne propriétaire d’un bien immobilier, si ce bien lui sert de demeure permanente. Dans ce cas, l'aide financière accordée est remboursable. L'immeuble peut être grevé d'une hypothèque au profit de l'hospice.

De l’exposé des motifs relatifs à la LIASI et des débats ayant porté sur l’art. 12 al. 2 LIASI, il résulte que le législateur estimait nécessaire que l’hospice puisse aider une personne propriétaire de son logement pour éviter que celle-ci soit obligée de réaliser son bien et se retrouve sans toit. Il a été proposé qu’un amendement prévoie que les prestations ainsi accordées soient remboursables, l’hospice pouvant obtenir une hypothèque légale à titre de garantie sur l’immeuble, en contrepartie des prestations financières (MGC 2006-2007/V A - Séance 25 du 23 février 2007).

La ratio legis de la loi est que l’hospice puisse venir en aide à une personne propriétaire de son logement dans lequel elle demeure pour éviter que celle-ci ne se retrouve à la rue en cas de vente de l’immeuble. Ainsi, l’exception prévue à l’art. 12 al. 2 LIASI est celle du cas où le bien immobilier est la demeure permanente de la personne qui demande de l’aide à l’hospice. Le droit à des prestations n’est donc pas ouvert au propriétaire d’un bien immobilier qui n’est pas utilisé comme résidence permanente, l’exception voulue par le législateur n’étant en effet pas réalisée dans ce cas (ATA/1545/2017 du 28 novembre 2017 consid. 7b ; ATA/1010/2016 du 29 novembre 2016 consid. 5b ATA/1219/2015 du 10 novembre 2015 consid. 3b).

c. Le bénéficiaire est tenu de fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d’aide financière (art. 32 al. 1 LIASI). De même, il doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner une modification du montant des prestations qui lui sont allouées (art. 33 al. 1 LIASI). Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation économique (ATA/306/2017 du 21 mars 2017 consid. 4c).

d. Selon l’art. 36 LIASI, est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l’hospice réclame au bénéficiaire le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3). L'action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l’hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s'éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (al. 5).

e. Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l'enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d'une décision administrative mal fondée (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 168 ss), tout en tempérant l'obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/590/2018 du 12 juin 2018 consid. 5b).

Les bénéficiaires des prestations d’assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l’administration, notamment en ce qui concerne l’obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d’abus de droit. Si le bénéficiaire n’agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu’il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/265/2017 du 7 mars 2017 consid. 15b ; ATA/1024/2014 du 16 décembre 2014). Toute prestation obtenue en violation de l’obligation de renseigner l’hospice est une prestation perçue indûment (ATA/239/2015 du 3 mars 2015 ; ATA/1024/2014 du 16 décembre 2014 ; ATA/864/2014 du 4 novembre 2014).

Seul le bénéficiaire qui était de bonne foi peut se prévaloir de ce que le remboursement, total ou partiel, pourrait le mettre dans une situation difficile et ainsi ne pas être tenu audit remboursement (art. 42 LIASI).

f. Le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) se compose traditionnellement des règles d'aptitude – qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés –, et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et sur le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 130 II 425 consid. 5.2 ; 128 II 292 consid. 5.1 ; 125 I 474 consid. 3).

g. Selon l’art. 146 CP, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Selon la jurisprudence, un bénéficiaire de prestations d’assurances sociales, qui fournit sciemment de fausses indications et tait des éléments pertinents pour l’octroi de prestations, commet une tromperie, qui doit être qualifiée d’astucieuse lorsque l’assureur ne dispose d’aucun élément propre à éveiller ses soupçons (ATF 121 IV 353 consid. 2b ; 120 IV 98 consid. 2c ; 117 IV 130 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_232/2013 du 13 décembre 2013 consid. 4).

Depuis l’introduction de l’art. 148a CP, le 1er janvier 2017, est punissable l’obtention illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale même en l’absence d’astuce (FF 2013 5373 ; Michel DUPUIS/Laurent MOREILLON et alii, Code pénal, petit commentaire, 2ème éd., n. 3 ad art. 148a).

3. a. En l’espèce, la recourante, en signant les formulaires de demande de prestations, a attesté de ce que les informations qu’elle avait fournies étaient exactes et complètes. Par sa signature réitérée du document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général », la recourante s’est, en outre, engagée à signaler immédiatement et spontanément à l’hospice toute modification dans sa situation financière.

Or, la recourante a coché la case « non » relative à la question de savoir si elle détenait un bien immobilier en Suisse ou à l’étranger. Par la suite, elle a, dans les demandes de prestations subséquentes, dont les formulaires posaient tous la question de savoir si elle était propriétaire d’un bien immobilier, également répondu par la négative. Elle n’a pas non plus signalé l’existence de celui-ci lors du renouvellement de son engagement, concurrent aux nouvelles demandes de prestations, à signaler toute modification de sa situation financière.

En tant qu’elle soutient qu’elle n’avait pas à déclarer l’existence de ce bien, car il appartenait en réalité à son frère, la recourante ne peut être suivie. En effet, il apparaît clairement qu'elle était copropriétaire de ce bien à raison d'un tiers, conformément à l'extrait du service cadastral qu’elle a produit. L’objection selon laquelle cette propriété n’existait « que sur le papier » n’est pas pertinente. Elle avait pris l’engagement de déclarer à l’hospice tout bien immobilier dont elle était propriétaire ; il lui appartenait de se conformer à cette obligation. Elle aurait ainsi dû signaler l’existence de ce bien, en précisant, si elle les estimait pertinentes, les circonstances dans lesquelles elle l’avait acquis. L’examen de l’éventuelle prise en compte de ce bien dans le calcul du droit aux prestations incombe à l’autorité intimée et non au bénéficiaire des prestations. La recourante doit donc se voir reprocher d’avoir violé son devoir de renseigner, ce d’autant plus qu’au moment des demandes de prestations, elle avait déclaré, à plusieurs reprises, que les informations données étaient complètes et correctes et qu’elle s’était expressément engagée à informer l’intimé sans retard de tout changement, notamment, de sa situation financière.

Les circonstances du cas d’espèce ne permettent pas de retenir la bonne foi de la recourante, ce d’autant moins qu’à chaque nouvelle demande de prestations, elle avait déclaré que les informations données étaient complètes et correctes et qu’elle s’était expressément engagée à informer l’intimé sans retard de tout changement, notamment, de sa situation financière. Par ailleurs, dans la mesure où le bien immobilier se situait à l’étranger, l’autorité intimée n’avait aucun moyen de vérifier la fausse indication, régulièrement répétée, donnée par la recourante quant à l’absence de détention d’un tel bien. À juste titre, l’hospice a ainsi considéré la faute de la recourante comme grave.

b. En tant que propriétaire d’un bien immobilier qui n’a pas servi de demeure permanente à la recourante, celle-ci devait se voir refuser toute prestation, conformément à l’art. 12 al. 2 LIASI. La recourante ayant été propriétaire de ce bien pendant toute la période visée dans la décision, soit du 1er septembre 2014 au 30 juin 2017, durant laquelle elle a bénéficié de prestations pour le montant de CHF 62'955,70 et ayant, à plusieurs reprises, déclaré faussement ne pas être propriétaire d’un bien immobilier, elle aurait dû se voir refuser toute prestation pendant toute cette période. Il s’ensuit que l’entier des prestations a été perçu indûment par la recourante.

Cette dernière ne conteste pas la quotité du montant réclamé, qui porte sur l’ensemble des prestations versées durant la période susrappelée, précédant l’annonce faite par la recourante à l’hospice de l’existence du bien immobilier non déclaré.

Cela étant, il convient de tenir compte du contexte particulier dans lequel l’annonce précitée est intervenue. Celle-ci a été faite lorsque le Conseiller d’État en charge du département de tutelle de l’hospice a expressément encouragé les bénéficiaires de prestations sociales à communiquer les éléments qui n’auraient pas été pris en considération dans le calcul des prestations, en indiquant qu’il serait renoncé à toute poursuite pénale. Par ailleurs, le Ministère public, dans un courrier qui a également été adressé à tous les bénéficiaires d’aide et de prestations sociales, a autorisé les services concernés à renoncer à lui dénoncer lesdits bénéficiaires, si un accord était trouvé quant à des modalités raisonnables de remboursement des prestations perçues indûment. L’hospice a d’ailleurs indiqué à la recourante qu'il lui était possible de proposer de négocier la mise en place d'un plan de remboursement qui tienne compte de sa situation économique.

Or, il ne ressort pas du dossier que des discussions auraient eu lieu entre l’autorité intimée et la recourante quant aux conditions et modalités du remboursement. En outre, au regard du contexte dans lequel les administrés ont été incités à se dénoncer, il convenait de tenir compte, de manière accrue, de leur situation personnelle, financière et des circonstances à l’origine de la perception indue des prestations. En l’espèce, l’autorité intimée ne pouvait ainsi procéder à la simple demande de remboursement de l’intégralité des prestations indûment perçues. Il lui appartenait de prendre en compte, notamment, la situation financière de la recourante, la réelle valeur du bien immobilier non déclaré détenu en Italie et le fait que la bénéficiaire a annoncé l’existence de ce bien dans le cadre d’assurances données quant à la manière dont son annonce serait traitée. Un tel examen, prenant en compte l’ensemble des circonstances d’espèce, mettant également en balance les montants indûment perçus et la faible valeur du bien immobilier non déclaré, s’imposait d’autant plus que la communication du Ministère public spécifiait expressément que les employés de l’hospice étaient autorisés à ne pas dénoncer les faits pour autant qu’un accord raisonnable soit trouvé quant au remboursement de prestations perçues en trop ; en l’absence d’accord ou si celui-ci n’était pas respecté, les services étaient tenus de dénoncer.

Partant, il y a lieu d’admettre partiellement le recours et de renvoyer la cause à l’autorité intimée afin qu’elle détermine le montant à rembourser par la recourante en fonction de l’ensemble des circonstances, et tente de trouver avec celle-ci un accord raisonnable de remboursement.

4. Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). La recourante n’ayant pas d’avocat et n’ayant pas allégué des frais pour sa défense, il ne sera pas alloué d’indemnité (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 décembre 2017 par Madame A______ contre la décision de l’Hospice général du 5 décembre 2017 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision du 5 décembre 2017 de l’Hospice général ;

renvoie la cause à l’Hospice général pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Cuendet, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Husler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :