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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3057/2022

JTAPI/703/2023 du 22.06.2023 ( LCI ) , REJETE

REJETE par ATA/111/2024

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;MOTIVATION DE LA DÉCISION;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;MODIFICATION DU TERRAIN;VITICULTURE;EXPERTISE;REMISE EN L'ÉTAT;RÉTABLISSEMENT DE L'ÉTAT ANTÉRIEUR;PROPORTIONNALITÉ;PROTECTION DU SOL;GARANTIE DE LA PROPRIÉTÉ
Normes : LCI.1; LAT.22.al1; LAT.16a.al1; OAT.34.al4.leta; LaLAT.20.al1.letc; LPE.33; OSol.2; OSol.7; RSol.2; LCI.129; LCI.130; Cst.5.al2; Cst.26
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3057/2022 et A/3325/2022 LCI

JTAPI/703/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 22 juin 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Guillaume FRANCIOLI, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

Monsieur B______

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, agriculteur, est propriétaire de la parcelle ° 1______ de la commune de E______, sise en zone agricole et comprise en majeure partie dans le cadastre viticole, en zone viticole protégée.

2.             Monsieur B______ est propriétaire de la parcelle adjacente au nord N° 2______ ; Monsieur F______ est propriétaire de la parcelle adjacente au sud N° 3______.

3.             Ces parcelles longent à l’ouest la parcelle N° 4______, soit le chemin des C______, appartenant au domaine public communal. Le terrain est en pente (environ 20°) en direction de la rivière de l’D______, située en aval à l’ouest des parcelles précitées.

4.             Par courrier du 18 juin 2021 (I-5______) adressé à M. A______, le département du territoire (ci-après : DT ou le département) l’a informé que, suite à une dénonciation, il ressortait qu’un ou plusieurs éléments potentiellement soumis à l’art. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) auraient été réalisés sur la parcelle N° 1______ sans autorisation, s’agissant notamment :

-          de la modification de la configuration du terrain, en particulier sur sa partie supérieure ;

-          de la modification du drainage superficiel préexistant.

Il invitait M. A______ a lui faire part de ses explications et/ou observations éventuelles dans un délai de dix jours.

5.             Le 28 juin 2021, M. A______ s’est déterminé. En 2012, dans le but, d’une part, de combler des creux formés par l’érosion de la terre végétale en place et, d’autre part, d’harmoniser topographiquement la parcelle N° 1______ avec les parcelles voisines, un ajout de matériaux terreux avait été effectué sur une épaisseur maximale de 2.20 m et directement sur la terre végétale existante. Suite à cet apport, le réseau de drainage agricole préexistant, implanté au début des années 1980, n’avait pas été reconstitué immédiatement et la vigne n’avait pas été replantée afin de permettre la consolidation naturelle des matériaux ajoutés. Les mouvements du terrain s’étaient poursuivis et une partie de la couche de matériaux d’apport avait été enlevée en 2014. En 2021, les mouvements de terrain semblaient se stabiliser. Toutefois, une niche d’arrachement était encore visible et faiblement active. Afin de stopper les mouvements de terrain résiduels, la mise en œuvre d’un réseau de drainage était indispensable. Il avait mandaté un bureau d’études en 2020 pour définir un projet de drainage sur sa parcelle et cette adjacente N° 2______ et une demande d’autorisation de construire serait bientôt déposée. Il précisait enfin que des discussions étaient en cours avec l’office cantonal de l’environnement (ci-après : GESDEC) qui était informé de la situation.

6.             Par décision du 9 juillet 2021, le département a ordonné à M. A______ de déposer une requête en autorisation de construire pour tenter de régulariser la situation ou de procéder à la remise en conformité des lieux dans un délai de trente jours, délai qu’il a accepté de prolonger à deux reprises à la demande de l’intéressé.

7.             Le 22 octobre 2021, M. A______ a déposé une demande d’autorisation de construire, enregistrée sous la référence APA 6______, visant la régularisation de l’infraction I-5______ et portant sur la mise en place d’un système de drainage sur les parcelles No 2______, N° 1______ et N° 4______.

Était notamment joint à cette requête le rapport technique établi le 14 avril 2021 par G______ SA (ci-après : G______) relatif à la « mise en place d’un réseau de drainage agricole à E______ – parcelles N° 2______ et N° 1______ », dont le contenu sera repris et discuté dans la partie en droit ci-après, en tant que de besoin.

8.             Dans le cadre de l’instruction de la requête précitée, plusieurs instances de préavis ont été sollicitées, notamment :

-          le 22 novembre 2021, l’office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) a rendu un préavis défavorable. Il relevait que le projet sis en zone agricole avait pour but l’installation d’un système de drainage suite à un remblayage non autorisé et non adapté à une activité viticole durable. De ce fait, le projet n’était pas conforme à la zone d’affectation dans lequel il s’inscrivait (art. 16a de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT - RS 700 ; art. 34 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 - OAT - RS 700.1) ;

-          le 29 novembre 2021, le GESDEC a rendu un préavis défavorable, considérant que le remblayage effectué en 2012 avait été réalisé sans autorisation et en violation de l’art. 7 de l’ordonnance sur les atteintes portées aux sols du 1er juillet 1998 (OSol - RS 814.12) (pas de décapage, pas de séparations des horizons, terre végétale enterrée sous les remblais), ayant eu pour conséquence de provoquer une atteinte au sol naturel de la parcelle N° 1______. Ce dépôt de remblais était également contraire à la législation applicable en matière de gestion des déchets (art. 10 de la loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 - LGD - L 1 20). Le remblayage avait par ailleurs provoqué des mouvements de terrains et la solution proposée ne permettait pas de retrouver des conditions de stabilité comparables à celles prévalant avant la mise en place dudit remblai. Enfin, le projet se situait dans le périmètre d’influence d’une zone sujette à des instabilités de terrains naturels de type glissement superficiel et était ainsi contraire à la législation applicable en matière de protection contre les catastrophes naturelles (art. 25 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 - LForêts - M 5 10).

Était notamment joint en annexe de son préavis un rapport établi le 30 avril 2021 par le bureau d’études H______, mandaté par l’État de Genève, soit pour lui le GESDEC, qui souhaitait disposer d’une expertise tierce s’agissant du glissement de terrain touchant les parcelles No 1______ et N° 3______. La zone d’étude du rapport concernait un flanc de coteau agricole dont la partie supérieure avait fait l’objet d’un dépôt de remblai au début de l’année 2012 par M. A______, lequel aurait entraîné un glissement de terrain affectant la bordure de la parcelle voisine N° 3______. Le mouvement de terrain étant aujourd’hui toujours actif, les propriétaires avaient chacun mandaté un bureau d’études afin de définir des solutions de traitement de l’instabilité. Malheureusement, leurs conclusions divergeaient sur les moyens à mettre en œuvre : le bureau d’études I______ SA (ci-après : I______), mandaté par le propriétaire de la parcelle N° 3______, préconisait un retrait du remblai déposé en 2012, alors que le bureau d’études G______, mandaté par M. A______ ayant procédé au dépôt du remblai, préconisait la mise en place d’un drainage agricole. C’était dans ce contexte que le GESDEC avait souhaité disposer d’une opinion tierce de spécialistes sur ces deux rapports et les documents les accompagnant.

Dans son rapport, H______ s’écarte de la solution proposée par G______, exposant notamment qu’afin de retrouver des conditions de stabilité comparables à celles d’avant 2012, il convenait de retirer définitivement le remblai déposé dans la partie supérieure de la parcelle N° 1______, tout en procédant à une remise en état du drainage superficiel préexistant, celui-ci ayant probablement été détérioré par le mouvement du terrain. H______ évoque également la possibilité d’envisager une solution intermédiaire consistant à ne retirer qu’une partie des matériaux de remblai, moyennant des mesures d’accompagnement, des investigations et une étude de stabilité complémentaires (rapport pp. 23 et 24).

9.             Le 29 mars 2022, une rencontre a eu lieu entre le GESDEC et G______, M. A______ souhaitant savoir si une solution technique intermédiaire consistant à ne retirer qu’une partie des matériaux de remblais était envisageable. À l’issue de la discussion, le représentant du GESDEC a indiqué que, compte tenu du contexte environnemental et géologique ainsi que des aspects légaux, il restait sur sa position initiale et se déclarait défavorable à la solution intermédiaire, même sur la base d’investigations et d’une étude de stabilité complémentaires. Il a précisé à ce sujet qu’il s’appuyait sur le fait que des matériaux terreux issus du décapage du sol avaient été maniés de façon non compatible avec les prescriptions environnementales de l’art. 7 OSol, que le remblayage avait été effectué sans autorisation préalable, que le remblai était situé sur le périmètre d’influence d’une zone sujette à des instabilités de terrains naturels de type glissement superficiel et que la solution proposée ne permettait pas de retrouver des conditions de stabilité comparables à celles prévalant avant la mise en place du remblai.

10.         En date des 17 et 22 juin 2022, le GESDEC et l’OCAN ont confirmé leurs préavis défavorables précédents.

11.         Par décision du 16 août 2022, sur la base des préavis précités, le département a refusé l’autorisation de construire APA 6______ sollicitée.

Le projet n’était pas conforme à la zone à laquelle il était rattaché (art. 16a LAT et 34 OAT) et ne résolvait pas les atteintes physiques apportées au sol à travers l’instabilité et l’altération de la fertilité du sol créées par le remblayage intervenu sans autorisation en 2012 (art. 33 al. 2 LPE et 2 al. 4 OSol).

12.         Par décision du 9 septembre 2022, au vu du refus d’autorisation susmentionné, le département a ordonné à M. A______ de rétablir une situation conforme au droit en procédant à la remise en état du terrain naturel sur la parcelle N° 1______, notamment sur la parte supérieure remblayée sans autorisation en 2012, ainsi que du drainage superficiel préexistant, ceci dans un délai de soixante jours.

13.         Par acte du 16 septembre 2022, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre la décision de refus d’autorisation en concluant à son annulation et à l’octroi de l’autorisation de construire sollicitée, subsidiairement, au renvoi du dossier au département pour nouvelle décision dans le sens des considérants, le tout sous suite de frais et dépens. Cette cause a été enregistrée sous le numéro A/3057/2022.

La décision querellée, qui reposait essentiellement sur le préavis du GESDEC, n’était pas suffisamment motivée. Ni le département, ni le GESDEC n’exposait ce qui justifiait de s’écarter de la solution retenue dans le rapport de G______ et qui permettait de conserver le remblai de 2012. Dite solution reposait pourtant sur l’expertise d’ingénieurs suisses qui connaissaient parfaitement les particularités et caractéristiques du sol du canton et qui bénéficiaient d’une excellente réputation. Ce défaut de motivation était d’autant plus grave que des discussions avaient eu lieu avec le GESDEC au moment d’élaborer le projet de drainage et que le directeur dudit service avait reconnu lui-même la compétence de G______ dans une lettre qu’il lui avait adressée le 24 novembre 2020.

L’administration l’avait trompé et s’était comportée de manière contradictoire, en violation du principe de la bonne foi. En effet, entre 2012 et 2022, l’État de Genève, et en particulier le GESDEC qui était parfaitement au courant de la situation, n’avait jamais indiqué qu’en réalisant le remblai litigieux sans autorisation de construire le droit applicable avait été violé, semblant plutôt enclins à l’accompagner dans la recherche de solutions pour pallier aux problématiques de mouvement de terrain. Avant la dénonciation de juin 2021, l’État de Genève n’avait jamais imposé la remise en état du remblai litigieux, ni exigé le dépôt d’une autorisation de construire. C’était au contraire lui qui avait pris les devants en sollicitant l’avis du GESDEC afin d’élaborer un projet de drainage adapté et en mandatant des ingénieurs suisses pour ce faire. Le département avait lui-même considéré dans son courrier du 9 juillet 2021 que les aménagements réalisés en 2012 pouvaient faire l’objet d’une régularisation. Avant le rapport d’H______, le GESDEC n’avait également jamais soutenu que, pour des raisons liées à la protection des sols, la remise en état du remblai s’imposait. Enfin, le département ne pouvait suivre aveuglément le préavis de l’OCAN, lequel se basait exclusivement sur le préavis du GESDEC, lui-même basé sur l’expertise d’H______, sans plus ample développement ou analyse propre.

Le principe de la proportionnalité était violé en regard de la jurisprudence relative aux constructions illicites réalisées en dehors de la zone à bâtir. La décision de remise en état et la décision de refus n’avaient pas été émises simultanément. De plus, de l’avis même de l’expert sur lequel se fondait le département pour exiger la remise en état complète du remblai, il serait possible d’envisager une solution intermédiaire, plus proportionnée au droit de propriété, consistant en une remise en état partielle dudit remblai.

À l’appui de son recours, il a produit plusieurs pièces et notamment une correspondance du GESDEC du 24 novembre 2020, faisant suite à une rencontre entre un représentant de ce service et M. A______ et aux discussions engagées sur la mise en œuvre d’un système de drainage sur la parcelle de ce dernier.

14.         Le 10 octobre 2022, M. A______ a recouru auprès du tribunal contre l’ordre de remise en état en concluant, préalablement, à la suspension de l’instruction du recours jusqu’à droit connu dans la procédure A/3057/2022 et à l’octroi d’un délai pour compléter son recours une fois connue l’issue de cette dernière, principalement, à l’annulation de la décision entreprise et, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause au département pour nouvelle décision dans le sens des considérants, le tout sous suite de frais et dépens. Cette cause a été enregistrée sous le numéro A/3325/2022.

L’ordre de remise en état violait le principe de la proportionnalité, plus particulièrement les conditions de l’aptitude et de la subsidiarité, étant vu qu’il existait des chances sérieuses de faire reconnaître les installations comme conformes au droit, à tout le moins une partie d’entre elles. La mesure querellée ne remplissait pas la condition de l’aptitude puisque la prétendue violation de l’intérêt public, soit celle de la protection du sol et de l’environnement en général, n’était encore nullement avérée compte tenu de la procédure de recours actuellement pendante dans la cause A/3057/2022. Par ailleurs, la solution d’H______ que le département reprenait à son compte n’était pas satisfaisante sous l’angle de la stabilité du sol, dès lors qu’elle ne réglerait pas les problèmes de stabilité apparus dans les années 2000 et qui avaient justement justifié le remblayage litigieux. De plus, si la totalité du remblai devait être évacuée, il en résulterait une différence de niveau altimétrique entre la parcelle N° 1______ et la parcelle N° 3______, différence qui renforcerait l’instabilité du sol.

Si le refus d’autorisation de construire devait être confirmé, alors l’ordre de remise en état ne respecterait pas la condition de la subsidiarité, dès lors que le rapport d’H______ faisait état d’une solution intermédiaire, consistant à ne retirer qu’une partie des matériaux de remblai, mesure moins restrictive que celle consistant à supprimer complétement le remblai. Le fait de ne pas opter pour cette solution intermédiaire était d’autant plus incompréhensible qu’en 2020, des discussions avaient eu lieu avec le GESDEC afin d’élaborer un projet de drainage qui convienne et qu’avant la dénonciation en 2021 et le rapport d’H______, ledit service n’avait jamais soutenu que, pour des raisons liées à la protection des sols, le remblai litigieux devait absolument être supprimé et encore moins qu’une remise en état partielle ne serait pas respectueuse du sol. Lors de la rencontre du 29 mars 2022, le GESDEC n’a pas expliqué les raisons qui l’avaient conduit à changer complètement d’avis et à écarter d’un « revers de main », la solution intermédiaire. Il n’avait pas non plus jugé nécessaire de faire preuve de prudence et de confronter sa position à des investigations complémentaires, comme le suggérait pourtant le rapport d’H______.

L’ordre de remise en état, qui ne respectait pas les conditions de l’art. 36 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), portait également gravement atteinte à son droit de propriété, dès lors qu’à ce stade, la violation de l’intérêt public à la protection des sols et de l’environnement en général n’était pas avérée et qu’une mesure alternative plus proportionnée existait.

15.         Le 24 octobre 2022, le département s’est opposé à la suspension de la cause A/3325/2022 dans l’attente de l’issue de la cause A/3057/2022 et a sollicité la jonction des procédures.

16.         Par courrier du 7 novembre 2022, le recourant a donné son accord à la jonction des deux procédures.

17.         Par décision du 10 novembre 2022 (DITAI/500/2022), les procédures A/3057/2022 et A/3325/2022 ont été jointes sous le numéro de cause A/3057/2022.

18.         Le 16 janvier 2023, le département s’est déterminé sur les deux recours, concluant à leur rejet. Il a produit son dossier.

Du refus d’autorisation de construire

Concernant le prétendu défaut de motivation de la décision querellée, la seule lecture du recours suffisait à démontrer que le recourant en avait saisi la portée. Cela découlait également du fait qu’il avait pu s’exprimer sur la situation avant le dépôt de son recours. De surcroît, le dépôt de la requête de régularisation venait confirmer cette appréciation. Qui plus est, dans le cadre de l’instruction de cette dernière, le département avait récolté les préavis de l’ensemble des instances pertinentes et s’était fondé notamment sur ceux-ci pour rendre sa décision de refus. Concernant les rapports émis par G______ et I______, le GESDEC avait souhaité disposer d’une expertise tierce, laquelle avait notamment relevé que l’hypothèse de calcul de G______ reposant sur une nappe sub-affleurante sur la totalité du coteau était largement discutable pour des raisons qu’il avait détaillées. Il apparaissait ainsi que les instances de préavis avaient consciencieusement examiné le dossier et rendu des préavis circonstanciés fondés sur les bases légales pertinentes. Rien ne justifiait donc qu’il s’en écarte. Si par impossible une violation du droit d’être entendu devait toutefois être admise, ce vice était réparé dans le cadre de la présente procédure, le recourant ayant pu pleinement se prononcer sur les faits retenus et la mesure ordonnée.

Il était manifeste que l’autorité n’avait donné aucune assurance au recourant. Au contraire, elle avait été mise devant le fait accompli par ce dernier qui avait procédé à un remblayage conséquent de sa parcelle de façon non conforme notamment au droit de l’environnement. Le recourant était par ailleurs malvenu de soutenir que la bonne foi de l’autorité serait engagée, dans la mesure où il reconnaissait pleinement avoir réalisé en 2012 un remblai et modifié son réseau de drainage, ce sans aucune autorisation. Le courrier du GESDEC du 24 novembre 2020 n’avait pas la portée que le recourant tentait de lui donner. Ce service avait clairement indiqué qu’il avait besoin de connaître les aboutissants de l’étude de G______ dans le but d’entrevoir un avis préalable à la demande d’autorisation qu’il souhaitait déposer. Aucune inaction de l’autorité ne pouvait lui être reprochée. Au contraire, celle-ci l’accompagnait dans ses démarches et le recourant était parfaitement au courant qu’une autorisation de construire était nécessaire. Ce dernier interprétait également de façon erronée le courrier du département du 9 juillet 2021. En effet, le dépôt et l’instruction d’une requête en autorisation de construire visait justement à analyser si la construction réalisée en infraction pouvait être régularisée. Le département avait d’ailleurs clairement précisé dans son courrier qu’il s’agissait de tenter de régulariser la situation. En outre, dans le cadre de la séance du 29 mars 2022, le représentant du GESDEC avait clairement exposé les raisons pour lesquelles la solution intermédiaire ne pouvait être retenue. Enfin, l’OCAN ne s’était pas basé sur le préavis du GESDEC pour établir son propre préavis, qui était d’ailleurs postérieur, mais avait effectué sa propre analyse en regard des art. 16a LAT et 34 OAT.

Rien n’imposait de rendre une décision au fond préalablement à un ordre de remise en état. Cette question ne se posait toutefois plus dès lors que les deux causes avaient été jointes. Quant à la solution intermédiaire, il ne s’agissait pas de l’objet de la décision de refus et il n’avait donc pas à se prononcer à cet égard dans ce cadre.

De l’ordre de remise en état

Il n’était pas contesté que les trois premières conditions pour ordonner la remise en état étaient respectées. De plus, le département n’avait pas créé des expectatives ou assuré que le remblayage réalisé était légal, toléré ou ne nécessitait pas d’autorisation. Par conséquent, il ne s’avérait pas lié par le principe de la bonne foi. Enfin, la remise en état d’une situation conforme au droit devait l’emporter sur l’intérêt privé de l’intéressé. S’agissant de l’aptitude, rien n’imposait de rendre une décision au fond préalablement à l’ordre de remise en état, étant rappelé que les deux causes ayant été jointes, le jugement porterait simultanément sur ces deux décisions. Par ailleurs, la parcelle litigieuse étant située en zone agricole, qui plus est en zone viticole, l’intérêt d’en protéger ses caractéristiques originelles, notamment du point de vue de son sol, apparaissait être important. Pour ce motif déjà l’intérêt privé du recourant, du reste nullement démontré, ne pouvait l’emporter sur l’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit. En l’occurence, le GESDEC avait relevé que l’intervention réalisée avait eu pour conséquence de provoquer une atteinte physique au sol naturel. Le rapport d’H______ avait également relevé que le remblayage avait occasionné des mouvements de terrain en majeure partie sur la parcelle du recourant et pour partie sur la parcelle voisine et que la zone de glissement n’était pas stabilisée. Le GESDEC avait ainsi constaté que le projet ne permettrait pas de retrouver les conditions de stabilité comparables à celles existantes avant la mise en place du remblai, qu’il préconisait de retirer intégralement, tout en remettant en état le dispositif de drainage initial. Cette instance avait également précisé que les parcelles concernées se situaient dans un périmètre d’influence d’une zone sujette à des instabilités de terrains naturels de type glissement superficiel.

Quant au critère de subsidiarité et s’agissant de la solution intermédiaire écartée par le GESDEC, sa prise de position intervenait après une analyse minutieuse de la situation litigieuse et se basait sur plusieurs rapports. Qui plus est, la solution intermédiaire avait été discutée lors de la séance du 29 mars 2022 et le GESDEC avait exposé les raisons de sa prise de position en défaveur de celle-ci.

Enfin, l’ordre de remise en état, respectivement l’atteinte à la garantie de la propriété du recourant, se fondaient sur plusieurs bases légales claires et précises, respectant ainsi l’art. 36 al. 1 Cst. La condition de l’intérêt public était également réalisée dans la mesure où la jurisprudence avait déjà eu l’occasion de relever que l’intérêt public à la préservation des terres agricoles et au rétablissement d’une situation conforme au droit devait l’emporter sur l’intérêt privé de l’intéressé. Par ailleurs, contrairement à ce qu’avançait le recourant, la violation de l’intérêt public était avérée puisque le GESDEC avait considéré que le remblai avait contrevenu à la LPE et à l’OSol notamment. La condition de la proportionnalité était également réalisée dans la mesure où l’ordre de remise en état était apte à produire le résultat escompté et ne pouvait pas être atteint par une mesure moins incisive. Enfin, le recourant ne démontrait pas que la remise en état constituerait une restriction grave ou une atteinte particulière, patrimoniale ou non, à son droit de propriété.

19.         Le recourant a répliqué le 10 février 2023, persistant dans les conclusions prises à l’appui de ses deux recours.

L’autorité intimée n’apportait aucune motivation supplémentaire qui permettait de comprendre le choix d’opter pour la solution préconisée par H______, de sorte que l’échange d’écritures n’avait pas permis de réparer la violation de son droit d’être entendu. Par ailleurs, ni l’autorité intimée ni le GESDEC n’indiquait clairement les raisons pour lesquelles la solution intermédiaire, également préconisée par le bureau d’étude I______, n’avait pas été retenue. Dans ce contexte, il ne comprenait pas pourquoi l’autorité intimée n’avait pas procédé à des investigations complémentaires et à une étude de stabilité, comme le préconisait les experts d’H______. Enfin, aucune investigation particulière n’avait été effectuée par rapport à la prétendue violation de l’art. 7 OSol. En particulier, il n’avait pas été examiné si les travaux litigieux avaient été réalisés conformément aux prescriptions de cette disposition, ni si l’écoulement du temps avait permis de remettre la terre en place.

20.         L’autorité intimée a dupliqué le 8 mars 2023, persistant dans ses précédentes observations et ses conclusions. Elle a produit un courriel de Monsieur J______, directeur et géologue cantonal auprès du GESDEC, du 10 janvier 2023, confirmant que la solution technique intermédiaire proposée par le bureau H______ n’était pas envisageable sur les parcelles en cause, ainsi que précisé lors de la séance du 20 mars 2022.

Son argumentation ainsi que le contenu de cette pièce seront repris et discutés dans la mesure utile dans la partie en droit.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjetés en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, les recours sont recevables au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

Du refus d’autorisation de construire APA 6______

4.             Le recourant invoque un défaut de motivation de la décision querellée et partant une violation de son droit d’être entendu.

5.             Garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 et les références).

Il implique notamment, pour l'autorité, l'obligation de motiver sa décision. Selon une jurisprudence constante, l'obligation de motiver n'impose pas à l'autorité d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_298/2017 du 30 avril 2018 consid. 2.1). Il suffit, au regard de ce droit, qu'elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que les intéressés puissent se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 139 IV 179 consid. 2.2 ; 138 I 232 consid. 5.1). La portée de l'obligation de motiver dépend des circonstances concrètes, telles que la nature de la procédure, la complexité des questions de fait ou de droit, ainsi que la gravité de l'atteinte portée à la situation juridique des parties. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée. En outre, la motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 IV consid. 3.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_415/2019 du 27 mars 2020 consid. 2.1 et les arrêts cités ; 1C_298/2017 du 30 avril 2018 consid. 2.1). En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 139 IV 179 consid. 2.2 ; 138 I 232 consid. 5.1).

6.             La jurisprudence admet qu'une violation du droit d'être entendu en instance inférieure peut être réparée lorsque l'intéressé a eu la faculté de se faire entendre en instance supérieure par une autorité disposant d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 134 I 331 consid. 3.1 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; 130 II 530 consid. 7.3 et les arrêts cités). Une telle réparation dépend de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 126 I 68 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_819/2018 du 25 janvier 2019 consid. 3.8). Elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C/72/2019 du 13 mai 2019 consid. 3. 1 ; ATA/779/2021 du 27 juillet 2021 consid. 4b ; ATA/1194/2019 du 30 juillet 2019 consid. 3c et les arrêts cités). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/779/2021 du 27 juillet 2021 consid. 4b ; ATA/1108/2019 du 27 juin 2019 consid. 4c et les arrêts cités).

7.             Selon le système prévu par la LCI, les préavis des communes, des départements et organismes intéressés n'ont qu'un caractère consultatif. Le département, qui n’est pas lié par ces préavis, reste libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur (art. 3 al. 3 LCI ; ATA/659/2017 du 13 juin 2017 consid. 4b ; ATA/318/2017 du 21 mars 2017 consid. 8c ; ATA/699/2015 du 30 juin 2015 ; ATA/51/2013 du 21 janvier 2013 ; ATA/719/2011 du 22 novembre 2011 et les références citées).

Néanmoins, lorsque la consultation d'une instance de préavis est imposée par la loi, le préavis de celle-ci a un poids certain dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours et il convient de ne pas le minimiser (ATA/1274/2017 du 12 septembre 2017 ; ATA/659/2017 du 13 juin 2017 ; ATA/534/2016 du 21 juin 2016 ; ATA/442/2015 du 12 mai 2015 ; ATA/634/2014 du 19 août 2014).

8.             Chaque fois que l’autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, les juridictions de recours observent une certaine retenue, lorsqu’il s’agit de tenir compte des circonstances locales ou de trancher de pures questions d’appréciation (cf. ATF 136 I 265 consid. 2.3 ; 135 I 302 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_579/2015 du 4 juillet consid. 5.1 ; ATA/537/2017 du 9 mai 2017). Elles se limitent à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (arrêts du Tribunal fédéral 1C_891/2013 du 29 mars 2015 consid. 8.2 ; 1C_582/2012 du 9 juillet 2013 consid. 5.2 ; ATA/537/2017 du 9 mai 2017 ; ATA/284/2016 du 5 avril 2016 ; ATA/246/2016 du 15 mars 2016 et les arrêts cités).

9.             En l’espèce, pour rendre sa décision de refus, l’autorité intimée s’est fondée notamment sur les préavis de l’OCAN et du GESDEC, en précisant les bases légales pertinentes,. Le préavis du GESDEC s’appuie lui-même sur le rapport émis par le bureau H______ du 30 avril 2021, mandaté par l’État de Genève pour trancher entre l’analyse de I______ et celle de G______, lequel expose en particulier les raisons pour lesquelles la solution préconisée par G______ n’a pas été retenue. Qui plus est, la solution intermédiaire proposée par H______ a été discutée lors de la séance du 20 mars 2022 et le représentant du GESDEC a exposé à cette occasion au recourant pourquoi cette solution n’était pas envisageable.

Enfin, la lecture des écritures du recourant, assisté d’un conseil, permet de retenir que celui-ci a compris le sens et la portée de la décision qu’il a contestée en toute connaissance de cause.

Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la décision litigieuse ne souffre pas d’un défaut de motivation et que le droit d’être entendu du recourant, lequel aurait d’ailleurs été, en tout état, réparé devant le tribunal de céans, n’a pas été violé.

10.         Le recourant reproche ensuite au département d’avoir violé le principe de la bonne foi. Il estime que l’administration l’aurait trompée et qu’elle se serait comportée de façon contradictoire.

11.         Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 7.1).

À certaines conditions, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_626/2019 du 8 octobre 2020 consid. 3.1 ; 2C_136/2018 du 24 septembre 2018 consid. 3.2). Conformément au principe de la confiance, qui s'applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent recevoir le sens que l'administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 1P.292/2004 du 29 juillet 2004 consid. 2.1 ; ATA/1299/2019 du 27 août 2019 consid. 3d).

Le droit à la protection de la bonne foi peut également être invoqué en présence simplement d'un comportement de l'administration, notamment en cas de silence de l'autorité dans une situation de fait contraire au droit, susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 361 consid. 7.1). Entre autres conditions, l'autorité doit être intervenue à l'égard du citoyen dans une situation concrète et celui-ci doit avoir pris, en se fondant sur les promesses ou le comportement de l'administration, des dispositions qu'il ne saurait modifier sans subir de préjudice (arrêt du Tribunal fédéral 9C_628/2017 du 9 mai 2018 consid. 2.2).

12.         Sur tout le territoire du canton, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment, élever en tout ou partie une construction ou une installation notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a), modifier même partiellement le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation (let. b), démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation (let. c), modifier la configuration du terrain (let. d) (art. 1 al. 1 LCI).

L'autorisation est délivrée notamment si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone (art. 22 al. 1 et al. 2 let. a LAT). Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire (art. 1 al. 6 LCI). Aucun travail ne doit toutefois être entrepris avant que l'autorisation n'ait été délivrée (art. 1 al. 7 LCI).

13.         Par constructions ou installations, on entend toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires (art. 1 al. 1 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 - RCI - L 5 05.01).

14.         De jurisprudence constante, sont considérés comme des constructions ou installations au sens de l’art. 22 al. 1 LAT tous les aménagements durables et fixes créés par la main de l’homme, exerçant une incidence sur l’affectation du sol, soit parce qu’ils modifient sensiblement l’espace extérieur, soit parce qu’ils chargent l’infrastructure d’équipement ou soit encore parce qu’ils sont susceptibles de porter atteinte à l’environnement (ATF 140 II 473 consid. 3.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_114/2011 du 8 juin 2011 consid. 3 ; ATA/583/2022 du 31 mai 2022 consid. 5b).

15.         La procédure d’autorisation doit permettre à l’autorité de contrôle, avant la réalisation du projet, sa conformité aux plans d'affectation et aux diverses réglementations applicables (ATF 139 II 134 consid. 5.2 ; 123 II 256 consid. 3 ; 119 Ib 222 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_50/2020 du 8 octobre 2020 consid. 6.1).

16.         Lorsque le département constate qu'une construction a été érigée sans droit, il peut inviter l'intéressé à déposer une autorisation de construire, ce qui peut constituer une alternative à une remise en état. Cela ne présuppose toutefois pas que l'autorisation de construire sera délivrée (ATA/1258/2015 du 24 novembre 2015 consid. 3 et ATA/544/2014 du 17 juillet 2014).

17.         En l’espèce, il sied d’emblée de relever qu’à teneur des éléments du dossier, le département n’a à aucun moment donné une quelconque assurance au recourant quant au fait que le remblayage et les travaux de drainage réalisés en 2012 étaient légaux, tolérés ou ne nécessitaient pas d’autorisation, étant précisé qu’il n’est pas contesté que les aménagements litigieux sont assujettis à autorisation de construire.

Aucune inaction de la part du département ne peut par ailleurs lui être reprochée, dès lors que le recourant a admis avoir procédé auxdits travaux sans autorisation, mettant ainsi les autorités devant le fait accompli.

S’agissant du GESDEC, que ce soit avant le dépôt de la demande de régularisation ou durant l’instruction du projet, il n’a pas plus donné d’assurance ou adopté de comportement susceptible de laisser à penser au recourant que les aménagements litigieux étaient conformes aux prescriptions légales. Au contraire, dans son courrier du 24 novembre 2020, cette instance a d’emblée relevé que le remblai effectué en 2012 se situait sur une zone instable et qu’afin de pouvoir se prononcer sur le projet de drainage que le recourant souhaitait prochainement déposer, elle souhaitait obtenir le rapport technique de G______. Le seul fait d’avoir accompagné le recourant dans ses démarches ne pouvait, de toute évidence, être interprété comme une garantie que les éléments réalisés sans droit en 2012 pourraient être maintenus en l’état. De plus, en sa qualité d’instance de préavis, le GESDEC ne pouvait engager le département quant à la délivrance d’une autorisation de construire régularisant les travaux litigieux.

En l’occurrence, le projet présenté a été examiné attentivement par le GESDEC, lequel, sur la base notamment de plusieurs rapports, a émis un premier préavis défavorable, considérant que le remblai effectué en 2012 contrevenait à la LPE et à l’OSol notamment et que le projet querellé ne permettait pas de retrouver les conditions de stabilité comparables à celles existantes avant la mise en place dudit remblai. Par ailleurs, la solution intermédiaire suggérée par H______ a été discutée lors de la séance du 29 mars 2022, à l’issue de laquelle le représentant du GESDEC, après avoir exposé au recourant les raisons pour lesquelles cette solution ne pouvait être retenue, a confirmé sa position initiale et s’est déclaré en défaveur de celle-ci. Le 17 juin 2022, cette instance a réitéré son préavis défavorable.

Quant à l’OCAN, contrairement à ce que soutient le recourant, on ne saurait retenir que cette instance aurait suivi « aveuglément » le préavis du GESDEC pour rendre son préavis du 22 novembre 2021, lequel est d’ailleurs antérieur à celui de GESDEC du 29 novembre 2021, cette instance ayant au contraire effectué sa propre analyse en regard des art. 16a LAT et 34 OAT.

Enfin, le courrier du département du 9 juillet 2021 n’a pas la portée que le recourant lui prête. En effet, comme le relève l’autorité intimée, le dépôt et l’instruction d’une requête en autorisation de construire vise justement à analyser, dans ce cadre, si la construction entreprise sans autorisation peut être régularisée. Il est d’ailleurs clairement mentionné dans ce courrier qu’il s’agit de « tenter de régulariser la situation », sans qu’aucune assurance ou promesse qu’une telle autorisation puisse être délivrée ne soit donnée.

Il apparaît ainsi que ni le département, ni les instances de préavis n’ont agi de manière à créer des attentes légitimes pour le recourant.

Partant, une violation du principe de la bonne foi ne peut être reprochée à l’autorité intimée.

18.         Le recourant estime ensuite que le refus d’autorisation viole le principe de la proportionnalité. Il invoque à cet égard la jurisprudence relative aux constructions illicites réalisées en dehors de la zone à bâtir, le fait que la décision de remise en état n’a pas été rendue en même temps que la décision de refus et qu’une solution intermédiaire plus proportionnée à son droit de propriété existerait. Il reproche également au département de ne pas avoir effectué d’investigation particulière par rapport à la violation de l’art. 7 OSol qui lui est reprochée.

19.         Aux termes des art. 16a al. 1 LAT, 34 al. 4 let. a OAT et 20 al. 1 let. c LaLAT, ne sont autorisées en zone agricole que les constructions et les installations qui sont conformes à l’affectation de la zone agricole, c’est-à-dire qui sont nécessaires à l’exploitation agricole.

20.         À teneur de l'art. 82 LCI, les constructions édifiées dans la zone agricole au sens des art. 20 à 22 LaLAT sont soumises à ces dispositions et à celles applicables à la 5ème zone au sens de la LCI (al. 1). En cas d’application des art. 34 à 38 et 40 OAT, le département ne peut délivrer une autorisation qu’avec l’accord, exprimé sous forme d’un préavis, de l'OCAN (al. 2).

21.         La protection des sols est un principe ancré à l’art. 33 LPE, qui prévoit la conservation à long terme de la fertilité des sols en les protégeant des atteintes chimiques et biologiques (al. 1) et qui ne permet de porter atteinte physiquement à un sol que dans la mesure où sa fertilité n'en est pas altérée durablement (al. 2).

Ces objectifs sont concrétisés par l’OSol, qui régit l'observation, la surveillance et l'évaluation des atteintes chimiques, biologiques et physiques portées aux sols (let. a), les mesures destinées à prévenir les compactions persistantes et l'érosion (let. b), les mesures à prendre pour la manipulation des matériaux terreux issus du décapage du sol (let. c) et, enfin, les mesures supplémentaires que les cantons prennent pour des sols atteints (let. d) (art. 1 OSol).

Par atteintes physiques aux sols, on entend les atteintes à la structure, à la succession des couches pédologiques ou à l’épaisseur des sols résultant d’interventions humaines (art. 2 al. 4 OSol).

L'art. 2 al. 1 OSol expose qu’un sol est considéré comme fertile notamment s'il présente, pour sa station, une biocénose biologiquement active, une structure, une succession et une épaisseur typiques et qu'il dispose d'une capacité de décomposition intacte (al. 1 let. a) et s'il permet aux plantes et aux associations végétales naturelles ou cultivées de croître et de se développer normalement et ne nuit pas à leurs propriétés (al. 1 let. b).

Concernant le maniement des matériaux terreux issus du décapage du sol, l’art. 7 al. 1 OSol précise que quiconque décape un sol doit procéder de telle façon que le sol puisse être réutilisé en tant que tel ; en particulier, la couche supérieure du sol et la couche sous-jacente du sol seront décapées et entreposées séparément.

Si des matériaux terreux issus du décapage de la couche supérieure et de la couche sous-jacente du sol sont utilisés pour reconstituer un sol (p. ex. en vue de la remise en état ou du remodelage d’un terrain), ils doivent être mis en place de sorte que la fertilité du sol en place et celle du sol reconstitué ou intégré ne soient que provisoirement perturbées par des atteintes physiques (let. a) et que le sol en place ne subisse pas d’atteintes chimiques et biologiques supplémentaires (let. b) (art. 7 al. 2 OSol).

22.         Le GESDEC est le service spécialisé de la protection de l'environnement, chargé de l’exécution de la législation et des directives fédérales en matière de protection des sols (art. 2 al. 2 du règlement sur la protection des sols du 16 janvier 2008 - RSol - K 1 70.13 ; directive d’application du règlement sur la protection des sols, établie par le GESDEC du département de l’environnement, des transports et de l’agriculture (DETA), le 24 janvier 2014, version du 3 août 2022).

23.         En l’occurrence, le département s’est fondé notamment sur les préavis de l’OCAN et du GESDEC pour rendre la décision de refus d’autorisation litigieuse.

Le GESDEC est le service spécialisé du canton qui a notamment pour mission de protéger, gérer et exploiter durablement les sols, le sous-sol et les eaux souterraines. Le service est composé de spécialistes qui ont les connaissances techniques nécessaires. Aucun élément du dossier ne permet de retenir qu’ils ne bénéficieraient pas de la formation ou des connaissances techniques adéquates pour apprécier le contexte géologique, hydrogéologique et pédologique des parcelles concernées. Le recourant ne le soutient d’ailleurs pas. Enfin, le GESDEC a une garantie d'objectivité importante en tant que service public (arrêt du Tribunal fédéral 1C_273/2021 précité consid. 2.2.3).

Or, il ressort du dossier que ce service a examiné avec soin le projet. Au terme de son analyse, il a émis par deux fois un préavis défavorable, constatant, sur la base du rapport d’H______, que le projet querellé ne permet pas de retrouver les conditions de stabilité comparables à celles existantes avant la mise en place du remblai litigieux. S’agissant du rapport précité, le GESDEC a souhaité disposer d’une expertise tierce sur le glissement de terrain touchant les parcelles N° 1______ et N° 3______, vu les conclusions divergentes des études I______ et G______ sur les moyens à mettre en œuvre. Donnant son avis sur les solutions proposées, H______ expose en particulier les raisons justifiant d’écarter la solution de G______. Concernant le non-respect de l’art. 7 OSol, contrairement à ce que soutient le recourant, le GESDEC s’est basé sur des sondages effectués en mars 2013 sur le terrain en question pour constater que le remblai litigieux avait provoqué une atteinte au sol naturel de la parcelle, en violation de cette disposition. Cette violation consiste spécifiquement dans l'atteinte portée à tout le moins aux propriétés physiques du sol (et sans doute également à ses propriétés chimiques et biologiques), puisqu'il s'avère que les remblais litigieux ont été déposés par-dessus la couche supérieure et la couche sous-jacente du sol en place, contrairement au déplacement préalable de ces deux couches imposé par l'art. 7 OSol. L'atteinte aux propriétés physiques du sol s'est d'ailleurs traduite, peu de temps après le dépôt des remblais, par les mouvements de terrains auxquels il s'agit à présent de mettre fin.

Dans son préavis défavorable du 22 novembre 2021, l’OCAN relève quant à lui que le projet sis en zone agricole a pour but l’installation d’un système de drainage suite à un remblayage non autorisé et non adapté à une activité viticole durable. De ce fait, il considère le projet non conforme à la zone.

Les préavis de l'OCAN et du GESDEC, qui bénéficient en soi d'un poids particulier, dans la mesure où ils sont requis par la loi, apparaissent déterminants et rien ne laisse supposer que ces autorités spécialisées auraient pris en compte des éléments sans pertinence pour forger leur point de vue ou qu'elles n'y auraient pas procédé avec soin et diligence. Il apparaît au contraire qu'elles ont consciencieusement examiné le dossier.

Pour sa part, le recourant, qui se contente d’évoquer une prétendue absence de motivation de la décision querellée, n’apporte aucun élément permettant de conclure que le département aurait dû s’écarter des préavis de ces instances spécialisées. En particulier, il ne démontre, ni même n’allègue, que les travaux de remblayage réalisés en 2012 n’auraient pas porté atteinte au sol.

Quant à la solution intermédiaire, comme le relève à juste titre l’autorité intimée, il ne s’agit pas de l’objet de la décision de refus, de sorte que le département n’avait pas à examiner cette question dans ce cadre.

En suivant les préavis défavorables des instances spécialisées dans les domaines de l’agriculture et du sol, il n’apparait donc pas que le département aurait excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant de délivrer l’autorisation de construire sollicitée.

Il résulte de ce qui précède que le refus qui a été opposé au recourant est conforme au droit, étant relevé que le principe de la proportionnalité ne peut ici être pris en considération, cette problématique ne pouvant être appréhendée que dans le cadre de la procédure de remise en état, dont il sera question ci-après.

Au surplus, et tel que relevé par l’autorité intimée, rien n’oblige le département à rendre simultanément les décisions de refus et de remise en état, de sorte que la critique du recourant à cet égard est mal fondée. Ceci étant, dès lors que les deux procédures ont été jointes, cette question ne se pose plus en l’espèce.

Le grief tiré de la violation du principe de proportionnalité doit donc être écarté.

De l’ordre de remise en état I-5______

24.         Le recourant conteste l’ordre de remise en état qu’il estime contraire au principe de proportionnalité.

25.         Lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires, le département peut notamment ordonner, à l'égard des constructions, des installations ou d'autres choses, la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. a et 130 LCI).

26.         De jurisprudence constante, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions. Premièrement, il doit être dirigé contre le perturbateur. Les installations en cause ne doivent ensuite pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation. Un délai de plus de trente ans ne doit par ailleurs pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux ; les constructions illégales hors de la zone à bâtir ne bénéficient cependant pas de ce délai de péremption (ATF 147 II 309 consid. 5.7). L'autorité ne doit en outre pas avoir créé chez l'administré concerné, par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement, des conditions telles qu'elle serait liée par la bonne foi. En particulier, les installations litigieuses ne doivent pas avoir été tolérées par l'autorité d'une façon qui serait constitutive d'une autorisation tacite ou d'une renonciation à faire respecter les dispositions transgressées. Finalement, l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (cf. ATA/1599/2019 du 29 octobre 2019 consid. 8b ; ATA/213/2018 du 6 mars 2018 consid. 11 ; ATA/1411/2017 du 17 octobre 2017 consid. 4a et les références citées).

27.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées ; ATA/738/2017 du 3 octobre 2017 consid. 8).

28.         Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d'aptitude - qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 consid. 24c ; ATA/700/2014 du 2 septembre 2014 consid. 5a ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

29.         Un ordre de démolir une construction ou un ouvrage édifié sans permis de construire et pour lequel une autorisation ne pouvait être accordée, n'est pas contraire au principe de la proportionnalité. Celui qui place l'autorité devant le fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (arrêt 1C_60/2021 précité consid. 3.1 ; ATF 123 II 248 consid. 4a ; ATA/213/2018 du 6 mars 2018 consid. 11 ; ATA/738/2017 précité consid. 8 ; ATA/829/2016 du 4 octobre 2016). Même un constructeur qui n'est pas de bonne foi peut invoquer le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_114/2011 du 8 juin 2011 consid. 4.1 et les références citées).

30.         L’autorité peut renoncer à un ordre de démolition, conformément au principe de proportionnalité, si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit (arrêt 1C_60/2021 précité consid. 3.1, ATF 132 II 21 consid. 6 ; 123 II 248 consid. 3a/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.1 ; ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 consid. 3c).

Sous l'angle de la proportionnalité, on peut prendre en compte le fait que les frais de démolition et de remise en état des lieux engendreraient des charges excessives que l'intéressé ne serait pas en mesure de prendre en charge (arrêts du Tribunal fédéral 1C_370/2015 du 16 février 2016 consid. 4.4 ; 1C_537/2011 du 26 avril 2012). Néanmoins, un intérêt purement économique ne saurait avoir le pas sur l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit (arrêt du Tribunal fédéral 1C_544/2014 du 1er avril 2015 consid. 4.2). Donner de l'importance aux frais dans la pesée des intérêts impliquerait de protéger davantage les graves violations et mènerait à une forte et inadmissible relativisation du droit de la construction. C'est pourquoi il n'est habituellement pas accordé de poids particulier à l'aspect financier de la remise en état (Vincent JOBIN, Construire sans autorisation - Analyse des arrêts du Tribunal fédéral de 2010 à 2016, VLP-ASPAN, Février 1/2018, p. 16 et les références citées).

31.         En l'espèce, il n’est pas contesté que l’ordre de remise en état est dirigé contre le propriétaire de la parcelle qui est le perturbateur tant par comportement que par situation, que le remblai n’a pas été autorisé et que les travaux n’ont pas été réalisés il y a plus de trente ans. Par ailleurs, comme vu plus haut, le département n’a pas créé, par son comportement ou des informations, des attentes protégées par le principe de la bonne foi. En outre, il existe un intérêt public certain au rétablissement d'une situation conforme au droit, en tant qu'il porte sur la préservation des terres agricoles, qui plus est en zone viticole protégée, soit l'intérêt d'en protéger ses caractéristiques originelles du point de vue de son sol. Cet intérêt, doit l’emporter sur l’intérêt privé du recourant, au demeurant nullement démontré, sinon sous un angle purement économique qui, comme vu plus haut, ne saurait en principe l'emporter sur l'intérêt public, en particulier dans un cas comme la présente espèce.

S’agissant du principe de la proportionnalité et plus particulièrement du critère de l’aptitude, dans son préavis du 17 juin 2022, le GESDEC, qui dispose des connaissances et compétences utiles pour évaluer les impacts du projet sur le site, a relevé que l’intervention réalisée en 2012 avait eu pour conséquence de provoquer une atteinte physique au sol naturel de la parcelle N° 1______ sans justification, en violation de l’art. 7 OSol (pas de décapage, pas de séparations des horizons, terre végétale enterrée sous le remblai). Le rapport d’H______ a également relevé que le remblayage avait occasionné des mouvements de terrain affectant en majeure partie la parcelle du recourant et pour partie les parcelles voisines, précisant que si la zone de glissement paraissait peu active, elle n’était cependant pas stabilisée. Afin de retrouver une stabilité comparable à celle d’avant le glissement de terrain, le rapport préconisait de retirer en intégralité le remblai mis en place en 2012 et de remettre en état le dispositif de drainage initial, solution également portée par le bureau d’étude I______.

S’agissant du critère de subsidiarité, le GESDEC a clairement expliqué les raisons pour lesquelles la solution intermédiaire consistant à ne retirer qu’une partie des matériaux de remblai n’était pas envisageable en l’espèce. Comme exposé lors de la séance du 29 mars 2022 et dans son courriel du 10 janvier 2023, cette instance a en effet considéré qu’au vu du contexte environnemental et géologique (remblai situé sur le périmètre d’influence d’une zone sujette à des instabilités de terrains naturels de type glissement superficiel) et légal (maniement de matériaux terreux issus du décapage du sol non compatible avec les prescriptions environnementales définies à l’art. 7 OSol et remblayage effectué sans autorisation préalable), cette solution ne permettait pas de garantir les conditions de stabilité comparables à celles qui prévalaient avant la mise en place du remblai et ne réglait pas les aspects liés aux atteintes portées au sol. Contrairement à ce que soutient le recourant, le GESDEC n’a pas « changé complétement d’avis » et écarté « d’un revers de main » la solution intermédiaire. C’est au contraire après un examen minutieux du dossier et sur la base des différents rapports en présence que cette instance a confirmé sa position initiale et s’est déclarée défavorable à la solution intermédiaire. Quant à la solution proposée par G______ et permettant de conserver le remblai de 2012, le rapport d’H______ expose les raisons qui justifient de l’écarter. Ce rapport relève notamment que la solution proposée se fonde sur des calculs simplifiés, peu représentatifs du contexte géologique du site (pente et épaisseur de remblai homogène, deux couches de sol, nappe sub-affleurante, etc.). Toujours selon ce rapport, l’hypothèse de calcul de G______ reposant sur une nappe sub-affleurante sur la totalité du coteau est largement discutable pour des raisons qu’il détaille. Le drainage agricole en faible profondeur ne parait donc pas apporter l’effet escompté.

Au surplus, le tribunal ne voit pas quelle mesure moins incisive permettrait de protéger les intérêts publics compromis et le recourant ne démontre pas que la remise en état consistant à restituer la parcelle à son état d'origine serait impossible ou qu'elle entraînerait des surcoûts disproportionnés. L'intérêt privé du recourant, ainsi purement économique, ne saurait l'emporter sur cet intérêt public, étant rappelé qu'il a placé l'autorité devant le fait accompli.

L'ordre de remise en état apparaît ainsi constituer une mesure adéquate, apte à atteindre le but visé, et portant à la propriété du recourant une atteinte limitée à la réalisation du but d'intérêt public. Il est ainsi conforme au principe de la proportionnalité.

Le grief doit donc être écarté.

32.         Dans un dernier grief, le recourant se plaint d’une violation de la garantie de la propriété.

33.         Aux termes de l’art. 26 Cst., la propriété est garantie. Dans sa dimension institutionnelle, qui concerne au premier chef le législateur, la garantie de la propriété protège l’existence même de la propriété privée, comprise comme une institution fondamentale de l’ordre juridique suisse, soit la possibilité d’acquérir tous éléments patrimoniaux – les droits réels, dont la propriété mobilière et immobilière au sens étroit du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), les droits personnels ou obligationnels, les droits immatériels, les droits acquis –, d’en jouir et de les aliéner. Dans sa fonction individuelle, elle protège les droits patrimoniaux concrets du propriétaire, d’une part leur existence, s’étendant à leur conservation, leur jouissance et leur aliénation, et d’autre part leur valeur, sous la forme, à certaines conditions, d’un droit à une compensation en cas de réduction ou de suppression (ATF 119 Ia 348 consid. 2a ; 113 Ia 126 consid. 6 ; 88 I 248 consid. II.3 ; Jacques DUBEY, in Vincent MARTENET/Jacques DUBEY [éd.], op. cit., n. 23 ss ad art. 26 Cst. ; Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER/Maya HERTIG RANDALL/Alexandre FLÜCKIGER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 2021, n. 885 ss et 888 ss ; Klaus A. VALLENDER/ Peter HETTICH, in Bernhard EHRENZELLER et al. [éd.], Die Schweizerische Bundesverfassung, St. Galler Kommentar, 3ème éd., 2014, p. 569 ss et 575 ss ad art. 26 Cst.).

34.         Selon l’art. 36 Cst., toute restriction d’un droit fondamental doit être fondée sur une base légale. Les restrictions graves doivent être prévues par une loi. Les cas de danger sérieux, direct et imminent sont réservés (al. 1). Toute restriction d’un droit fondamental doit être justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2). Toute restriction d’un droit fondamental doit être proportionnée au but visé (al. 3).

35.         En l’espèce, l’atteinte portée au droit de propriété du recourant repose sur une base légale – soit les art. 16a al. 1 LAT, 34 al. 4 let. a OAT, 20 al. 1 let. c LaLAT, 33 LPE et 2 et 7 OSol, ainsi que les art. 129 ss LCI –, poursuit un intérêt public et est proportionnée ainsi qu’il a été vu plus haut. Aucune mesure moins incisive que l’ordre de remise en état n’est à même d’atteindre l’objectif de préservation des terres agricoles et le recourant ne soutient pas que la remise en état engendrerait des coûts disproportionnés.

Le grief sera donc également écarté.

36.         Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

37.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'500.- ; il est partiellement couvert par les avances de frais versées à la suite du dépôt des recours et totalisant CHF 1'400.-. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable les recours interjetés les 16 septembre et 10 octobre 2022 par Monsieur A______ contre les décisions du département du territoire des 16 août 2022 (APA 6______) et 9 septembre 2022 (I-5______) ;

2.             les rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'500.-, lequel est partiellement couvert par les avances de frais totalisant CHF 1'400.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Diane SCHASCA et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’à l’office fédéral de l’environnement.

 

Genève, le

 

La greffière