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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3527/2017

ATA/1599/2019 du 29.10.2019 sur JTAPI/621/2018 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : PERMIS DE CONSTRUIRE;AMENDE;REMISE EN L'ÉTAT;SOUS-SOL(TERRAIN);PROPORTIONNALITÉ;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : LCI.76; LCI.127; LCI.129; LCI.130
Résumé : Le département a fait une application correcte de l’art. 127 LCI en refusant d’accorder l’autorisation de construire complémentaire conformément au préavis de la commission d’architecture, le niveau général du sol avant les travaux se trouvant à 1,70m au-dessus du plancher de la cave à transformer. Pas de bonne foi des recourants, le projet réalisé illégalement ressemblant à un premier projet déjà refusé par le département. Travaux effectués en pleine connaissance de cause, l’intérêt public au respect des lois et des autorisations en force primant l’intérêt privé des propriétaires et des locataires, l’ordre de remise en état est confirmé. Amende de CHF 10.000.- confirmée, le déroulement des faits dénotant un mépris certain des règles en matière de police des constructions, faute revêtant une certaine gravité s’agissant d’un mandataire professionnellement qualifié.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3527/2017-LCI ATA/1599/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 octobre 2019

3ème section

 

dans la cause

 

Mme et M. A______
Mme et M. B______

représentés par Me Mark Muller, avocat

et

C______ SA
M. D______
représentés par Me Damien Bobillier, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC

_________

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 juin 2018 (JTAPI/621/2018)


EN FAIT

1) C______ SA (ci-après : C______) dont le siège est à Genève est propriétaire de la parcelle no 1______, feuillet 2______, de la commune de E______, d'une surface de 3'393 m2.

Sur cette parcelle sise en zone 4B, sont érigés trois immeubles d'habitations contigus, ayant respectivement pour adresse, ______, ______ et ______, chemin F______. Le bâtiment du no ______ est construit en limite de parcelle. Ces immeubles présentent la particularité d'être construits dans un terrain en pente, de sorte que l'arrière des immeubles est semi-enterré d'environ 1,70 m.

2) a. Le 16 juin 2015, le département devenu depuis lors celui du territoire
(ci-après : le département) a refusé l'entrée en matière sur une requête en autorisation définitive de construire, du 30 avril 2015 (DD 3______), déposée pour C______ par l'intermédiaire de M. D______, architecte, relative à un projet de transformation de deux logements sis au rez-de-chaussée des immeubles nos ______ et ______ par remplacement de deux caves, semi-enterrées, par trois chambres de 10 à 11,5 m2, avec création d'une terrasse attenante aux chambres, d'une profondeur de 2,74 m se prolongeant par un talus en pente permettant de rejoindre le niveau naturel du terrain et pourvue de deux murs latéraux de soutènement.

b. Le 12 janvier 2016, le département a délivré à C______ une autorisation définitive de construire selon projet no 2 du 2 novembre 2015 avec correction du mandataire du 17 décembre 2015 (ci-après : DD 4______/1), permettant la transformation des deux appartements situés au rez-de-chaussée des bâtiments sis aux nos ______ et ______ par la création, pour chaque appartement, d'une chambre de 15 m2 par transformation d'une cave semi-enterrée à l'angle des bâtiments et le maintien d'une autre cave de 17,5 m2 avec entrée depuis le hall de l'immeuble. S'agissant de l'extérieur, des travaux de terrassement étaient prévus sur les côtés et l'arrière du bâtiment ainsi que l'aménagement de talus de part et d'autre du dégagement créé devant les chambres. Le bas du talus serait situé à 4 m du départ de la pente rejoignant le terrain naturel, situé 1,1 m plus haut. Un couloir serait créé sur le côté du bâtiment no ______, rejoignant l'avant du bâtiment. Au no ______, des talus étaient prévus des trois côtés du dégagement créé à 4 m du bâtiment.

Le dossier d'autorisation contient le préavis favorable, sous condition, du service LDTR du 1er décembre 2015, lequel fixe le loyer des deux appartements de trois pièces, résultant des aménagements, à un maximum de CHF 54'270.- au total l'an pour une durée de cinq ans chacun.

3) Le 8 janvier 2017, une inspectrice du département a constaté lors d'une visite des travaux en cours que ceux-ci ne correspondaient pas à ceux qui avaient été autorisés par la DD 4______/1. Les appartements avaient été agrandis et le terrassement extérieur avait « doublé de surface ». Selon le rapport de visite établi le 20 janvier 2017, le loyer actuel était de CHF 54'270.- pour les deux appartements et le loyer ancien de CHF 33'840.- pour les deux studios avant transformation.

Dans le « rapport d'enquête LDTR pour ouverture d'infraction », établi le 20 janvier 2017, auquel étaient jointes des photographies des travaux extérieurs, prises depuis la cage d'escalier de l'immeuble, l'inspectrice mentionnait avoir ordonné sur place l'arrêt du chantier et demandé des explications à l'architecte par téléphone le 20 janvier 2017. Lors de cet entretien l'architecte avait annoncé une modification des travaux pour des raisons économiques et déclaré déposer au plus vite une demande de complément d'autorisation.

4) Le 2______ janvier 2017, C______ a déposé une demande de « modifications diverses du projet initial - agrandissement des appartements et des terrasses », enregistré sous DD 4______/2.

La cave existante était transformée pour chacun des deux appartements par la création de trois chambres de respectivement 10, 10,3 et 12,6 m2, dans le prolongement desquelles prenait place une terrasse attenante d'une surface utilisable de 32,9 m2 et d'une profondeur de 4 m pour l'une et de 4,06 m pour l'autre. De la terrasse située à l'altitude de 430,79 m, un talus en pente sur une distance de 2 m, permettait de rejoindre le niveau naturel du terrain à 432,19 m. Un couloir était prévu sur le côté des deux bâtiments et deux murs de soutènements latéraux sur les côtés des terrasses remplaçaient les deux talus autorisés au no ______ et le talus autorisé au no ______. Un seul talus face aux chambres était prévu.

5) a. Le 19 juin 2017, le département a refusé la demande d'autorisation de construire complémentaire DD 4______/2.

Le projet portait sur la légalisation de travaux déjà réalisés qui n'étaient pas conformes à l'autorisation délivrée « les appartements ayant été agrandis (deux caves ayant été remplacées par quatre chambres) et les terrassements extérieurs ayant doublé de surface afin de créer des ouvertures devant lesdites chambres ». Les locaux dont le plancher se trouvait au-dessous du niveau général du sol adjacent ne pouvaient pas servir à l'habitation. Les chambres créées se trouvaient à une altitude de 430,79 m, soit environ 1,7 m en-dessous du terrain naturel. Certes des terrasses relativement importantes avaient été aménagées devant les chambres, mais il ressortait du préavis défavorable de la commission d'architecture (ci-après : CA) du 16 mai 2018 que lesdites terrasses, et donc les murs de soutènement rendus nécessaires, avaient engendré des mouvements de terre importants, péjorant la situation du parc adjacent de manière inacceptable. Les murets limitaient fortement les dégagements visuels et n'offraient aucune qualité d'habitation. Les pièces n'avaient donc pas d'habitabilité suffisante et l'autorisation de construire était refusée en application de l'art. 76 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

b. Le même jour, le département a rendu une décision sur infraction
INF 5______, adressée à M. D______.

Le 8 janvier 2016 (sic), il avait été constaté que le projet soumis ne correspondait pas aux travaux autorisés par la DD 4______/1. Les éléments de construction réalisés sans droit ne pouvaient pas être maintenus en l'état et la remise en état était ordonnée dans un délai de nonante jours. Une amende de CHF 10'000.- était infligée, tenant compte de la gravité tant objective que subjective de l'infraction commise.

6) a. Par acte du 28 août 2017, C______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision de refus, concluant au renvoi du dossier au département pour complément d'instruction et délivrance de l'autorisation.

Le 28 septembre 2017, Mme et M. A______ ainsi que Mme et M. B______, locataires des appartements litigieux, sont intervenus dans la procédure dans le délai fixé par le TAPI. Leur bail respectif était conclu pour une durée initiale d'une année, renouvelable, dès le 1er août 2017, respectivement le 15 mai 2017.

b. Par acte du 28 août 2017, M. D______ a interjeté recours auprès du TAPI contre l'amende infligée, concluant à son annulation, subsidiairement à la réduction du montant de l'amende à CHF 1'000.- et à l'octroi d'un délai supplémentaire de trois mois pour procéder à la remise en état des appartements.

c. Le 16 octobre 2017, les époux A______ et B______ (ci-après : les locataires) ont été appelés en cause.

7) Par jugement du 26 juin 2018, le TAPI, après avoir procédé à un double échange d'écriture, a rejeté les deux recours après les avoir joints.

Le refus d'octroi de l'autorisation de construire était fondé ainsi que l'ordre de remise en état et l'amende, dans son principe et son montant.

8) Par acte mis à la poste le 3 septembre 2018, les locataires ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI en concluant à son annulation ainsi qu'à celle de la décision du département du 19 juin 2017 refusant l'autorisation de construire complémentaire et celle d'infraction INF 5______ ordonnant la remise en état des locaux selon la DD 4______/1. Cela fait, le département devait accorder l'autorisation de construire complémentaire. Subsidiairement ils concluaient à ce que l'exécution de la décision de remise en état soit différée jusqu'au départ des locataires. Préalablement, ils sollicitaient un transport sur place.

La décision violait l'art. 127 al. 1 LCI. Les chambres litigieuses n'étaient pas situées au-dessous du niveau général du sol adjacent, dès lors que ce niveau était identique à celui du sol de l'avant des immeubles concernés. En outre, par la DD 4______/1, le département avait considéré que le niveau du terrain ne s'opposait pas à la création de pièces habitables supplémentaires en raison de l'excavation des passages et des dégagements à l'arrière des immeubles. L'aménagement réalisé ne compromettait pas le but de la norme, à savoir assurer la salubrité des locaux, la sécurité des habitants mais également la qualité de vie. En effet, les larges portes-fenêtres, donnant sur les terrasses qui offraient un dégagement visuel de plus de 4 m permettaient aux recourants et à leur famille de disposer d'une luminosité suffisante et de laisser circuler l'air sans entrave.

L'ordre de remise en état était invalide. De bonne foi, après des entretiens avec le département qui leur avait assuré qu'une mise à niveau général du sol engendrerait une acceptation de la demande en autorisation de construire, ils avaient procédé aux travaux litigieux. Il n'y avait pas d'intérêt public à une remise en état et l'intérêt privé des locataires qui ne pourraient pas vivre dans un trois pièces devait primer.

En application de la jurisprudence en la matière l'exécution de l'ordre de remise en état devait être différée au départ des locataires.

9) Par acte commun, mis à la poste le 3 septembre 2018, C______ et M. D______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI en concluant à son annulation ainsi qu'à l'annulation des deux décisions du département. Cela fait, le département devait reprendre l'instruction du dossier d'autorisation de construire et délivrer l'autorisation DD 4______/2.

Le département avait une marge d'appréciation dans l'application de l'art. 127 LCI. Cette disposition n'avait pas changé depuis 1940 et la notion de niveau général du sol adjacent n'était pas claire. Le principal risque pour la santé était l'humidité mais les techniques de constructions avaient évolué de même que les matériaux utilisés. Cette disposition n'interdisait pas de niveler le terrain autour d'un immeuble existant afin que le niveau du rez-de-chaussée correspondant à l'entrée soit uniforme sur tous les côtés de l'immeuble. Il n'existait aucune interdiction générale de niveler le sol. Un couloir avait d'ailleurs été autorisé pour l'appartement sis au no ______ dans la DD 4______/1 pour laquelle le département avait fait un usage correct de son pouvoir d'appréciation.

Le préavis de la CA sur lequel s'était fondé le département était critiquable sur plusieurs points. Les chambres n'étaient pas entourées de murs de soutènement, un côté était constitué d'un talus. Le dégagement était suffisant puisqu'il avait été jugé comme tel dans l'autorisation délivrée. L'habitabilité n'avait pas été évaluée in situ. Les locataires eux-mêmes avaient choisi d'intervenir dans la procédure. Le projet complémentaire nécessitait moins de mouvements de terre. La colline sise à la droite (nord-est) du bâtiment no ______ avait été préservée conformément à l'état initial par la création du couloir de nivellement, alors qu'elle aurait dû être rasée selon les plans autorisés. Plusieurs dizaines de mètres cubes de terre avaient été conservés à leur emplacement sans oublier le maintien des arbres et celui de la végétation existante. Le couloir de nivellement était identique à celui créé à gauche (sud-ouest) de l'immeuble no ______. L'argument des mouvements de terre découlait d'une mauvaise lecture des plans. Il n'existait aucun parc sur la parcelle et la colline restait accessible à tout un chacun.

Le niveau du terrain adjacent avait déjà été modifié par la DD 4______/1 et l'art. 127 al. 1 LCI ne trouvait plus application.

Ils rejoignaient les griefs soulevés par les locataires, s'agissant de l'ordre de remise en état. Si la chambre administrative devait considérer que les pièces ne pouvaient être destinées à l'habitation, demeurerait ouverte la question de permettre le maintien de celles-ci à un autre titre (dressing, bureau, salle de jeu, bibliothèque, etc.). Il était démontré que les loyers correspondaient à ceux autorisés sans les deux pièces supplémentaires, soit pour un trois pièces. L'ordre de remise en état pourrait être différé au départ des locataires, cas échéant être assorti de conditions de façon à leur permettre de se reloger sans précipitation.

Il était établi que les travaux complémentaires avaient été réalisés dans la foulée pour des raisons économiques et pratiques. L'architecte n'avait pas agi en vue d'obtenir ce qui lui avait été refusé mais en pensant qu'en se calquant sur les exigences connues du département ayant permis la délivrance de l'autorisation, soit le dégagement plus grand en face des chambres et le nivellement autour de l'immeuble, les chambres supplémentaires seraient désormais autorisables. La sanction pour une première faute était sévère par rapport à celle donnée à un propriétaire multirécidiviste.

10) Le 18 septembre 2018, le TAPI a transmis son dossier, renonçant à formuler des observations.

11) Le 12 octobre 2018, le département a répondu aux recours, concluant à leur rejet.

12) Le 15 octobre 2018, C______ et M. D______ ont déposé des observations. Ils se joignaient aux locataires pour demander un transport sur place permettant de pallier les lacunes d'instruction du TAPI pour constater la qualité d'habitabilité des logements déniée par le département mais approuvée par les locataires.

13) Le 2______ novembre 2018, lors d'un transport sur place des photographies des travaux entrepris ont été prises.

Les terrasses étaient entourées de deux murs et d'un talus en pente pourvu d'escalier d'une dizaine de marches aboutissant sur le terrain herbeux entourant l'immeuble.

Le représentant du département a rectifié la date de la visite mentionnée dans le rapport d'enquête qui devait être le 8 janvier 2017 et non pas le 8 janvier 2016.

M. G______ D______, fils de M. D______ destinataire de la décision et travaillant dans le même bureau, avait élaboré le projet en décembre 2016 mais la demande complémentaire avait été déposée en janvier 2017. Le 8 janvier 2017, le gros oeuvre extérieur était terminé ainsi que le montage des cloisons mais il restait tout le second oeuvre à faire. Ni lui, ni son père n'avaient souvenir d'avoir reçu un ordre d'arrêt de chantier. L'inspectrice n'avait pas pu entrer dans les appartements. Dans le projet exécuté, les pentes sur les côtés avaient été annulées et remplacées par des murs de soutènements en béton. Sur le projet autorisé, à teneur des plans, la pente faisait 2,5 m tandis que sur le projet exécuté elle faisait 2 m. Au no ______, un mur de soutènement avait été autorisé sur le côté. L'avantage du projet exécuté était qu'il y avait moins de mouvements de terre puisqu'il y avait un mur de soutènement à la place d'une pente. Les normes s'agissant des risques d'inondation étaient respectées. Il y avait du drainage au bout de la terrasse en bas de la pente, et à côté des murs de soutènement.

Le département a souligné que dans le plan autorisé, il n'y avait qu'un mur de soutènement d'un côté. Tandis que dans le projet exécuté, il y avait des murs de soutènement sur chaque côté, donc partout sauf face aux chambres. La vue s'arrêtait sur la bande de terre du talus. La hauteur des murs était de 1,70 m d'après les plans. Le mur de soutènement était à environ 70 cm d'un arbre. Entre les deux terrasses, sous la terre se trouvait l'abri PC. Il n'y avait pas lieu d'interdire l'occupation des locaux en l'absence de problèmes de sécurité.

Les locataires ont réitéré leur volonté de pouvoir rester dans les appartements dont ils étaient très satisfaits et pour lesquels ils payaient un loyer mensuel de CHF 2'200.-. Il n'y avait notamment aucun problème d'humidité ou de luminosité.

14) Le 19 mars 2019, le département a formulé des observations.

Le transport sur place et les photographies prises à cette occasion permettaient de démontrer que les travaux non autorisés entrepris l'avaient été avant le dépôt de la demande complémentaire. Si l'un des murs de soutènement au no ______ remplaçait une pente du projet autorisé, les autres déplacements de terre étaient importants.

La position subjective des locataires ne changeait rien au fait qu'il était interdit d'utiliser pour l'habitation des locaux dont le plancher était situé
au-dessous du niveau général du sol adjacent. En l'espèce, le sol était à 1,7 m en dessous du niveau du sol naturel.

La création de talus pourrait permettre d'excaver artificiellement autour de n'importe quel immeuble une forme de tranchée qui permettrait de créer des logements en sous-sol, de façon à contourner l'interdiction d'aménager des pièces habitables en-dessous du niveau général du sol adjacent. Cette pratique ne saurait être tolérée et constituait une fraude à la loi.

15) Le 21 mars 2019, les locataires ont formulé des observations, persistant dans les conclusions prises.

La différence entre le projet exécuté et le projet autorisé était un élargissement des terrasses pour chaque appartement ; la création d'un mur de soutènement des deux côtés des terrasses ; l'excavation d'un seul couloir du côté de l'immeuble no ______, identique à celui autorisé du côté du no ______, permettant d'éviter d'importants mouvements de terre et la conservation de la végétation ; la création de deux chambres supplémentaires avec un accès à la terrasse pour chaque appartement en lieu et place de grandes caves.

Le transport sur place avait permis de constater que la CA avait mal interprété les plans, ce qui avait engendré une appréciation erronée des faits. En sus du dégagement visuel, les larges portes-fenêtres permettaient aux locataires de disposer d'une meilleur aération et luminosité dans les appartements. De nombreuses voies de secours tant par l'intérieur que par la terrasse existaient.

L'autorisation en force permettait déjà la création de pièces habitables supplémentaires en raison de l'excavation des passages et des dégagements à l'arrière des immeubles.

16) Le 21 mars 2019, C______

et M. D______ ont formulé des observations, persistant dans leurs conclusions.

Il fallait distinguer la notion de terrain naturel de celle de « niveau général du sol adjacent ». L'autorisation DD 3______/1 avait été accordée à la condition que le niveau du terrain adjacent soit identique tout autour du bâtiment. Cette condition avait pu être respectée par la création d'un couloir le long du bâtiment du côté du no ______, lequel avait été autorisé. Le département n'expliquait pas pourquoi ce couloir autorisé d'un côté deviendrait illégal de l'autre côté. La position de la CA et du département n'était pas cohérente.

Le transport sur place avait permis de constater l'habitabilité des locaux de tous les points de vue.

Ils reprenaient en détail l'argumentation tendant à prouver que les aménagements étaient conformes à l'art. 127 LCI, notamment en indiquant que la loi genevoise ne contenait pas d'interdiction générale d'excaver les
rez-de-chaussée. Il fallait distinguer les excavations de rez-de-chaussée des constructions en sous-sol.

Les travaux objets de la demande complémentaire avaient été réalisés sur la base des conditions posées par le département pour l'obtention de l'autorisation principale, en reprenant notamment la distance de dégagement de 4 m et le principe du couloir latéral.

Il n'était pas possible de conclure que les architectes auraient voulu obtenir exactement ce qui leur avait été refusé, ni qu'ils auraient passé outre un éventuel ordre d'arrêt de chantier.

17) Le 5 avril 2019, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige concerne une décision de refus d'autorisation de construire complémentaire, un ordre de remise en état ainsi qu'une amende.

3) S'agissant de la décision de refus d'autorisation de construire, les recourants font grief au département d'avoir fait une mauvaise application de l'art. 127 al.1 LCI et de s'être fondé sur un préavis critiquable de la CA.

4) Conformément à l'art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (al. 1 let. a), et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

5) Selon une jurisprudence bien établie, la chambre de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de
celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi. De même, s'agissant des jugements rendus par le TAPI, la chambre administrative exerce son pouvoir d'examen avec retenue car celui-ci se compose pour partie de personnes possédant des compétences techniques spécifiques (
ATA/166/2018 consid. 7b du 20 février 2018 et les références citées).

6) L'art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) prévoit qu'aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente.

Sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé : a) élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail ; b) modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation ; c) démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation ; d) modifier la configuration du terrain (art. 1 al. 1 LCI). Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire (art. 1 al. 6 LCI).

7) La décision de refus de délivrer l'autorisation de construire est fondée sur l'interdiction d'utiliser, pour l'habitation, des locaux dont le plancher est situé
au-dessous du niveau général du sol adjacent, qui figure dans la LCI dans deux dispositions, l'une applicable aux projets situés dans la 5ème zone de construction, l'art. 76 LCI auquel la décision de refus se réfère par erreur, et l'art. 127 al. 1 LCI figurant dans le chapitre général intitulé : « sécurité des constructions et installations » qui prévoit qu'il est interdit d'utiliser, pour l'habitation, des locaux dont le plancher est situé au-dessous du niveau général du sol adjacent (art. 127 al. 1 LCI) et que les logements en sous-sol doivent être supprimés sur demande du département (art. 127 al. 2 LCI).

Il convient de préciser, s'agissant de la portée de l'art. 127 LCI - que les recourants relativisent en raison de l'ancienneté de l'adoption de cette interdiction ou de l'existence de réglementation différentes dans le droit d'autres cantons - qu'il n'appartient pas à la chambre de céans de procéder à une interprétation du texte clair de la disposition (ou de l'art. 76 LCI), dont l'application par le département a déjà été confirmée à plusieurs reprises (ATA/1334/2015 du
15 décembre 2015 ; ATA/811/2012 du 27 novembre 2012).

La question théorique, qui ressort de l'argumentation des recourants, de savoir si par des déplacements de terre plus ou moins importants, créant des dégagements qui permettent de considérer que le sol adjacent a été modifié, de façon à ce que les locaux ne doivent plus être considérés comme ayant un plancher en sous-sol et impliquant de ne pas faire application de l'interdiction, souffrira de rester ouverte, dans la mesure où le département a estimé, dans les circonstances du cas d'espèce qui sont les seules devant être examinées ici, notamment en se fondant sur un préavis circonstancié de la CA relevant l'absence d'habitabilité des pièces, que l'interdiction de l'art. 127 LCI s'appliquait au projet litigieux.

Dans une argumentation qui tombe à faux, les recourants estiment aussi qu'en raison de l'excavation déjà autorisée, le plancher de la cave qu'ils entendent transformer en deux chambres, soit des pièces d'habitation, n'est plus situé
au-dessous du niveau général du sol adjacent. Or, à teneur des plans visés ne variatur de l'autorisation délivrée, l'excavation autorisée, créé certes un certain dégagement mais qui ne s'étend pas à l'espace situé devant la cave, lequel serait occupé par des talus.

C'est en effet la demande complémentaire elle-même qui prévoit l'excavation sur une profondeur d'environ 1,70 m par rapport au niveau du terrain existant, permettant de créer un « sol adjacent » au niveau du plancher de la cave. C'est donc bien l'ensemble des travaux, y compris l'excavation qui devaient être examinés par le département en vue de la délivrance ou non d'une autorisation de construire, ce qui a été fait en l'espèce.

Il est acquis que le niveau général du sol adjacent avant les travaux requis se trouve à environ 1,7 m au-dessus du plancher de la cave à transformer. Les travaux envisagés, créant une terrasse devant les pièces et un couloir le long du bâtiment, ont été soumis à la CA qui les a préavisés défavorablement, relevant l'absence d'habitabilité suffisante des pièces à créer.

Cette constatation ne peut pas être valablement mise en doute par les dires des locataires ou du propriétaire et de son mandataire, s'agissant uniquement d'opposer leur avis subjectif à celui de spécialistes, qu'il s'agisse de la CA ou du TAPI, unanimes sur la question.

En conséquence, conformément à la jurisprudence susmentionnée, la chambre de céans considère que la décision de refus d'autorisation de construire est fondée et qu'aucun excès ou abus du pouvoir d'appréciation du département ne saurait être retenu. Les griefs des recourants sont écartés.

8) Le recours a été déposé contre la mesure prononcée par le département le
19 juin 2017 qui prévoit la remise en état selon la DD 4______/1 initiale dans un délai de nonante jours.

a. Lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la LCI, le département peut notamment en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e et 130 LCI).

Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneures et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

b. De jurisprudence constante, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit respecter cinq conditions cumulatives. L'ordre doit être dirigé contre le perturbateur. Les installations en cause ne doivent pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation. Un délai de plus de trente ans ne doit pas s'être écoulé depuis l'exécution des travaux litigieux. L'autorité ne doit pas avoir créé chez l'administré concerné - par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement - des expectatives, dans des conditions telles qu'elle serait liée par le principe de la bonne foi. En particulier, les installations litigieuses ne doivent pas avoir été tolérées par l'autorité d'une façon qui serait constitutive d'une autorisation tacite ou d'une renonciation à faire respecter les dispositions transgressées (RDAF 1982 p. 450; ATA L. du 23 février 1993). L'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/213/2018 du 6 mars 2018 et les références citées).

c. L'autorité renonce à un ordre de démolition si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle.

9) Les recourants estiment d'abord que le département est lié par la bonne foi en raison de l'autorisation délivrée et des entretiens avec le département qui leur aurait assuré qu'une mise à niveau général du sol engendrerait une acceptation de la demande en autorisation de construire.

Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_534/2009 du 2 juin 2010 consid. 2.2 ; ATA/700/2014 du 2 septembre 2014).

Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_151/2012 du 5 juillet 2012 consid. 4.2.1 et 2C_1023/2011 du 10 mai 2012 consid. 5). Conformément au principe de la confiance, qui s'applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent recevoir le sens que l'administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 2P.170/2004 du 14 octobre 2004 consid. 2.2.1 = RDAF 2005 I 71). Le principe de la confiance est toutefois un élément à prendre en considération et non un facteur donnant en tant que tel naissance à un droit. La protection de la bonne foi ne s'applique pas si l'intéressé connaissait l'inexactitude de l'indication ou aurait pu la connaître en consultant simplement les dispositions légales pertinentes (ATF 135 III 489 consid. 4.4 ; 134 I 199 consid. 1.3.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 193 s n. 568 s).

En l'espèce, les recourants font grand cas de l'autorisation déjà délivrée qui leur aurait permis, de bonne foi, d'être assurés que les travaux entrepris allaient être autorisés et que l'autorité renoncerait à appliquer l'art. 127 LCI ou l'appliquerait de façon différente.

Cet argument est toutefois contredit par le fait qu'une première requête, portant sur la création de trois nouvelles pièces habitables avec une excavation d'une profondeur moins grande que celle finalement réalisée, avait déjà été refusée.

Ainsi, même si le département a pu, en délivrant l'autorisation de construire pour la deuxième requête laisser croire que le nivellement artificiel du sol adjacent pouvait permettre, dans certaines circonstances, d'autoriser des pièces habitables dans les appartements concernés, rien ne permettait aux recourants d'anticiper l'examen des circonstances concrètes de leur nouveau projet qui différaient nettement de celui autorisé, quoiqu'ils en disent, puisqu'il portait sur deux pièces supplémentaires par appartement et des déplacements de terre différents.

En effet, ce n'est pas le même projet qui a été autorisé même s'il comporte quelques similitudes, dont notamment une modification du niveau du terrain, laquelle est singulièrement relativisée par les recourants qui omettent de tenir compte de son ampleur dans les travaux réalisés illégalement. De surcroît, les travaux tels qu'ils ont été réalisés se rapprochent bien plus du projet refusé par le département lors de la première requête. En effet, les terrasses sont notamment délimitées par des murs de soutènement, même si elles sont plus petites dans le premier projet refusé.

Il convient de retenir également que l'éventuelle application du principe de l'égalité dans l'illégalité, que sous-entend l'argumentation des recourants, n'est possible que si l'autorité refuse de revenir sur la pratique illégale et qu'aucun intérêt public prédominant ne s'y oppose, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence. L'attitude de l'autorité est déterminante. (ATA/194/2004 du 9 mars 2004). À cet égard, le département a indiqué dans ses écritures produites devant le TAPI, le
30 novembre 2017, qu'il regrettait rétrospectivement être entré en matière s'agissant de l'autorisation délivrée et dans une autre écriture du même jour que cette autorisation avait été accordée en faisant preuve de souplesse et en usant de son pouvoir d'appréciation au vu de la déclivité naturelle du terrain, aux angles des bâtiments ; les modifications du terrain naturel dans le projet autorisé étaient ainsi amplement suffisantes.

En conséquence, il n'est pas possible de retenir que l'autorité aurait donné des assurances au propriétaire et à son mandataire, permettant d'éviter le prononcé d'une mesure de remise en état.

10) Les recourants invoquent également la proportionnalité de la mesure de remise en état.

a. Le principe de la proportionnalité exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 2019 consid. 2c et les références citées). Même un constructeur qui n'est pas de bonne foi peut invoquer le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_114/2011 du 8 juin 2011
consid. 4.1 et les références citées).

b. Un ordre de démolir une construction ou un ouvrage édifié sans permis de construire et pour lequel une autorisation ne pouvait être accordée, n'est pas contraire au principe de la proportionnalité. Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce qu'elle se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit, que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATF 108 Ia 216 consid. 4 ; ATA/321/2018 du 10 avril 2018).

Dans la jurisprudence rendue par la chambre de céans concernant la proportionnalité d'une mesure de remise en état figure l'annulation d'une décision de mise en conformité visant deux ouvertures en toiture non autorisées : le refus d'autorisation pour des raisons d'esthétique par le département ne se justifiait pas et exiger une remise en état des lieux s'avérait disproportionné (ATA/258/1999 du 4 mai 1999). Dans une autre espèce, l'intérêt public était également principalement d'ordre esthétique et il n'a pas été considéré comme prépondérant par rapport à l'intérêt privé du recourant (ATA/875/2003 du 2 décembre 2003). Dans le cas d'une transformation sans droit d'un immeuble de quatre appartements en un logement unique de douze pièces, il a été constaté une absence de soustraction aux besoins prépondérants de la population, les appartements n'ayant jamais été loués mais une violation de la LCI et de la loi cantonale sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du
25 janvier 1996 - LDTR - L 5 20). Il a été jugé disproportionné et contraire à l'intérêt public digne de protection d'exiger la remise en l'état antérieur. La remise en état ne permettait pas le retour à la situation du status quo ante mais créerait des pastiches, et le retour à la typologie d'origine des appartements devait être exigée au moment de la vente (ATA/966/2004 du 14 décembre 2004).

Il a encore été jugé par le Tribunal fédéral qu'une atteinte portée à la LDTR par un changement d'affectation illicite minime, qui revenait à soustraire au marché locatif deux appartements de six pièces réunis en un seul, dont il n'était pas établi qu'ils auraient effectivement été affectés à la location parce qu'utilisés pour leur étude d'avocats par les propriétaires, ne devait pas donner lieu à une remise en état, les propriétaires n'étant pas auteurs des travaux litigieux (arrêt du Tribunal fédéral 1P/273/2006 du 28 juillet 2006 consid. 3.5).

Il a été considéré que l'aménagement d'un local en studio habitable par les anciens propriétaires n'est pas compatible avec la zone agricole. Toutefois, la parcelle ayant été déclarée impropre à l'agriculture et le studio n'étant plus habité mais utilisé comme dépôt par le propriétaire actuel, il convenait de renoncer à la remise du local dans son état antérieur et prononcer, en lieu et place, l'interdiction de l'utiliser à des fins d'habitation (ATA/678/2006 du 19 décembre 2006).

La chambre administrative a également admis que la remise en état consistant à intégrer les cheneaux et des descentes d'eau pluviale dans le volume d'une surélévation, ne respectait pas le principe de la proportionnalité. La mesure que les recourants avaient d'ores et déjà accepté d'exécuter, soit de peindre l'ensemble de la surélévation - y compris les chéneaux et les descentes - en gris zinc titane, si elle n'était certes pas totalement satisfaisante d'un point de vue esthétique, devait être préférée. Lors d'un transport sur place, la chambre administrative avait constaté que de nombreux immeubles édifiés dans le voisinage du bâtiment litigieux disposaient de chéneaux et de descentes qui n'étaient pas intégrées dans le corps du bâtiment (ATA/323/2018 du 10 avril 2018).

In casu, la situation diffère nettement de celles ayant donné lieu à l'annulation des mesures de remise en état pour des raisons de proportionnalité. Les travaux ont été effectués en connaissance de cause, par le propriétaire actuel, et les intérêts à prendre en compte ne relèvent pas de l'esthétique mais sont celui du respect des décisions administratives en force ainsi que celui de la mise en oeuvre de la législation relative à la sécurité et à la salubrité des locaux d'habitation.

Face à ces intérêts publics, gravement touchés, celui de la propriétaire, de son mandataire et des locataires, de nature économique, doit céder le pas. Il n'est dès lors pas possible de retenir que la mesure porte une atteinte excessive aux intérêts des recourants par rapport aux intérêts publics qu'il s'agit de préserver.

11) S'agissant du délai d'exécution de la remise en état, les recourants font grand cas de l'ATA/181/2006 du 28 mars 2006, concernant les propriétaires d'un bâtiment dans lequel des transformations avaient été effectuées sans autorisation près de dix ans avant qu'il ne l'acquièrent et qui ne pouvaient, de bonne foi, connaître cette situation. La remise en état impliquait l'abandon des bureaux dans lesquels ils exerçaient leur profession d'avocat. Cette situation permettait de tolérer le report de la remise en état, et même l'annulation de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 1Pl273/2006 du 28 juillet 2006, dans lequel le fait que ce ne sont pas les propriétaires actuels qui sont les auteurs de l'affectation illicite apparaît comme central).

En l'espèce, la propriétaire a mandaté un architecte pour effectuer les travaux litigieux sans autorisation. Les locataires seront touchés par les travaux de remise en état, qui feront passer le logement de cinq pièces qu'ils louent (au prix fixé par le service LDTR pour un trois pièces) à un trois pièces, tel que résultant de l'autorisation délivrée. La situation n'est donc en aucun cas comparable à celle évoquée ci-dessus. S'agissant du délai de nonante jours, il est suffisant dans la mesure où, le département considère, sans être contredit, que les travaux peuvent être exécutés en la présence des locataires.

Quant à un éventuel maintien à titre précaire, il est exorbitant au litige, la procédure prévue par l'art. 139 al. 1 LCI suppose une requête et une décision du Conseil d'État, absentes en l'espèce (ATA/945/2018 du 19 septembre 2018).

En conséquence, le délai d'exécution contenu dans la décision sera également confirmé.

12) Le recours porte également sur l'amende de CHF 10'000.- infligée au mandataire.

a. À teneur de l'art. 137 al. 1 LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la LCI (let. a), aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la LCI (let. b) et aux ordres donnés par le département dans les limites de la LCI et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (let. c). Le montant maximum de l'amende est de CHF 20'000.- lorsqu'une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales
(art. 137 al. 2 LCI). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction ; constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité, les cas de récidive et l'établissement, par le mandataire professionnellement qualifié ou le requérant, d'une attestation, au sens de l'art. 7 LCI, non conforme à la réalité. (art. 137 al. 3 LCI).

b. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/1411/2017 précité consid. 6b ; ATA/319/2017 du 21 mars 2017 consid. 3c et les références citées).

c. En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du Code pénal suisse du
21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/319/2017 précité consid. 3d et les références citées).

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès ou d'abus. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/829/2016 du 4 octobre 2016 consid. 15c et les références citées).

d. L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47
al. 2 CP ; ATA/319/2017 précité consid. 3d et les références citées).

En l'espèce, il est établi que les travaux, tels qu'ils ont été réalisés, l'ont été sans qu'une autorisation n'ait été délivrée par le département et qu'ils correspondent presque exactement à des travaux qui ont été refusés par le département antérieurement. Il est également établi que l'autorisation complémentaire requise pour régulariser les travaux a été refusée par le département, décision qui a été confirmée dans le présent arrêt. Comme analysé ci-dessus, le recourant ne peut pas se prévaloir du principe de la bonne foi ni du fait que l'ordre de mise en conformité serait disproportionné. Ainsi, le recourant peut être qualifié de contrevenant à la LCI au sens de l'art. 137 al. 1 LCI et l'amende apparaît ainsi fondée dans son principe.

13) S'agissant de la quotité de l'amende, il convient de retenir que le déroulement des faits dénote un mépris certain des règles prévalant en matière de police des constructions et la faute revêt ainsi une certaine gravité, s'agissant d'un mandataire professionnellement qualifié. Les travaux ont été effectués uniquement pour des raisons pratiques et économiques afin de permettre la création de deux pièces supplémentaires par appartement à louer, non autorisées, mettant les autorités devant le fait accompli.

Le recourant ne fait en outre pas valoir de difficultés pécuniaires qui l'empêcherait de s'acquitter de l'amende.

Au vu de ce qui précède, le département n'a pas excédé ni abusé de son pouvoir d'appréciation en infligeant au recourant une amende de CHF 10'000.-.

14) Mal fondé, le recours est rejeté.

15) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge conjointe et solidaire des recourants propriétaire et mandataire qui sont à l'origine des travaux litigieux (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera alloué aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable les recours interjetés le 3 septembre 2018 par Mme et M. A______, Mme et M. B______, C______ SA et M. D______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 juin 2018 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge conjointe et solidaire de C______ SA et de M. D______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mark Muller, avocat de Mme et M. A______, Mme et M. B______, à Me Damien Bobillier, avocat de C______ SA et de M. D______, au département du territoire - OAC, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :