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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2732/2010

ATA/544/2014 du 17.07.2014 sur DCCR/138/2011 ( LCI ) , REJETE

Parties : PRO NATURA GENEVE, ASTRAG SA / ASTRAG SA, PRO NATURA GENEVE, DEPARTEMENT DE L'URBANISME
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2732/2010-LCI ATA/544/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 juillet 2014

1ère section

 

dans la cause

 

PRO NATURA GENÈVE
représenté par Me Alain Maunoir, avocat

contre

ASTRAG SA, en liquidation
représenté par Me Philippe Gobet, avocat

et

DÉPARTEMENT DE L'URBANISME

et

ASTRAG SA, en liquidation
représenté par Me Philippe Gobet, avocat

contre

PRO NATURA GENÈVE
représenté par Me Alain Maunoir, avocat

et

DÉPARTEMENT DE L’URBANISME

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 février 2011 (DCCR/138/2011)


EN FAIT

1) L’Association Pro Natura Genève (ci-après : Pro Natura) est propriétaire de la parcelle n° 2503, feuille 31 de la commune de Cartigny sise 35, route de Vorpillaz, au lieu-dit La Petite Grave. La parcelle, d’une surface de 23'308 m2, est située en zone agricole, adjacente à une zone de bois et forêt. Pro Natura est devenue propriétaire de la parcelle par adjudication le 23 mars 2009.

2) Par courrier du 27 avril 2010 adressé au département de l’aménagement, du logement et de l’énergie (auparavant Département des constructions et des technologies de l’information et devenu depuis lors le département de l’urbanisme (ci-après : le département), le conseil de Pro Natura a indiqué que les sociétés Astrag SA et Astrag Transports SA utilisaient plusieurs constructions et installations édifiées sans autorisation sur la parcelle n° 2503, à savoir les bâtiments suivants :

-         un hangar n° 494 de 256 m2 ;

-         un dépôt n° 495 de 127 m2 ;

-         un dépôt n° 496 de 226 m2 ;

-         un bâtiment n° 497 de 36 m2 ;

-         un bâtiment n° 498 de 63 m2 ;

-         un bâtiment n° 499 de 10 m2 ;

-         un atelier n° 800 de 192 m2.

3) Par courrier du 19 mai 2010 adressé à l’entreprise Astrag SA (ci-après : Astrag SA), le département l’a informée qu’un contrôle effectué le 17 mai 2010 sur la parcelle lui avait permis de constater que des bâtiments cadastrés sous n° 494, 495, 496 et 800 et une installation de lavage de matériaux criblés avaient été érigés sans autorisation, en violation de l’art. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Les installations de criblage cadastrées sous les n° 497 et 498 avaient été autorisées à bien plaire selon le dossier DD 29'861 du 23 novembre 1954. Le département a imparti à Astrag SA un délai de dix jours pour lui communiquer des explications et notamment la date de construction des bâtiments en cause. Astrag SA n’a donné aucune suite à ce courrier.

4) Par décision du 9 juillet 2010, le département a ordonné à Astrag SA « soit de rétablir une situation conforme au droit dans un délai de trente jours, soit de requérir une autorisation de construire relative aux bâtiments litigieux. »

5) Le 9 août 2010, Astrag SA a recouru contre la décision du département du 9 juillet 2010 auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la CCRA), dont les compétences ont été reprises le 1er janvier 2011 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI), en concluant à son annulation sous suite de frais et dépens. Elle était locataire de l’installation de lavage et de triage de graviers jusqu’au 31 décembre 2015. La propriétaire avait fait inscrire au cadastre les installations de criblage de gravier depuis 1954 et avait érigé quatre bâtiments et une installation de lavage et de triage de gravier entre 1965 et 1975, à la connaissance du département. Lors de la vente aux enchères de la parcelle à la suite de la faillite de la propriétaire, les bâtiments n° 494, 495, 496, 497, 498, 499 et 800 avaient été indiqués dans les conditions de vente, ainsi que leur affectation. Astrag SA invoquait la garantie de la situation acquise de l’art. 24c de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), la protection de la bonne foi, la prescription trentenaire et la violation du principe de l’égalité de traitement.

6) Le 8 octobre 2010, Pro Natura a formé recours contre la décision du département du 9 juillet 2010 qui lui avait été communiquée à sa demande par la CCRA. Elle concluait, avec suite de dépens, à la constatation de l’illégalité des bâtiments et installations sis sur la parcelle dont elle était propriétaire, à savoir les bâtiments n° 494, 495, 496, 497, 498 et 800 ainsi qu’une installation de lavage des matériaux criblés, à ce qu’Astrag SA n’ait pas la possibilité de déposer une requête en autorisation de construire pour régulariser sa situation et à ce qu’il soit ordonné à Astrag SA, ainsi qu’à ses administrateurs, de démolir, de supprimer et d’évacuer, à leurs frais les installations litigieuses.

7) Le 30 septembre 2010, le département a persisté dans les termes de sa décision.

8) Les parties ont présenté des observations en date des 30 septembre 2010, 15 octobre 2010, 23 octobre 2010, 3 novembre 2010, 4 novembre 2010 et 8 novembre 2010.

9) La CCRA a entendu les parties le 11 novembre 2010 et a ordonné la jonction des recours le 17 novembre 2010.

10) Les parties ont derechef présenté des observations en date du 2 décembre 2010.

11) Par jugement du 8 février 2011, le TAPI a rejeté les recours formés par Astrag SA et Pro Natura et a confirmé la décision attaquée. Le département n’avait pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en ordonnant à Astrag SA de rétablir une situation conforme au droit ou de requérir une autorisation de construire relative. Il était confirmé que les bâtiments cadastrés sous numéros 494, 495, 496 et 800 avaient été érigés sans droit, Astrag SA n’ayant pas apporté la preuve de la prescription trentenaire.

12) Le 10 mars 2011, Pro Natura a formé recours contre le jugement du TAPI auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à sa modification et à ce qu’il soit constaté qu’Astrag SA n’a pas la possibilité de déposer une requête en autorisation de construire en vue de régulariser sa situation et à ce que la démolition de toutes les installations sur la parcelle n° 2503 de la commune de Cartigny soit ordonnée. L’autorisation à bien plaire délivrée en novembre 1954 était caduque et aucune autorisation de construire ne pouvait être délivrée pour régulariser la présence des installations litigieuses. La prescription trentenaire ne pouvait pas être invoquée par Astrag SA.

13) Par acte du 14 mars 2011, Astrag SA a également recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement rendu par le TAPI en concluant à son annulation. Le droit d’être entendu d’Astrag SA avait été violé en raison du refus du TAPI de renoncer à l’audition de deux personnes pouvant attester de l’existence de longue date des installations litigieuses. Le TAPI avait constaté de manière inexacte que la preuve de la péremption trentenaire n’avait pas été rapportée. Le département était déchu de son droit d’ordonner toute mesure administrative. Le principe de l’égalité dans l’illégalité était violé. Subsidiairement, Astrag SA devait être admise à déposer une requête en autorisation de construire auprès du département.

14) Pro Natura a répondu au recours d’Astrag SA en date du 30 mai 2011 en reprenant les arguments qu’elle avait déjà soulevés dans son propre recours et en relevant que les constructions sur la parcelle n° 2503 de la commune de Cartigny avaient régulièrement été agrandies et transformées dans les trente dernières années.

15) Astrag SA a répondu au recours de Pro Natura le 31 mai 2011. Les conclusions formées par Pro Natura étaient nouvelles et partant irrecevables. Le département devait être en mesure de statuer sur la requête d’autorisation de construire qu’Astrag SA devait pouvoir être invitée à déposer.

16) Le même jour, le département a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée.

17) Le 8 juin 2011, Pro Natura a communiqué à la chambre administrative un arrêté du Conseil d’État du 2 février 2011 créant une réserve naturelle dénommée « La Petite Grave » sur le territoire de la commune de Cartigny, comprenant la parcelle n° 2503 en application de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage du 1er juillet 1966 (LPN - RS 451), de la loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 (LFo - RS 921.0), de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 14 juin 1976 (LPMNS - L 4 05), et de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10).

18) Le 15 juin 2011, Astrag SA a demandé à ce que le courrier de Pro Natura et son annexe soient écartés de la procédure.

19) Par courrier du lendemain, Astrag SA a répliqué en persistant dans son argumentation.

20) Le 17 octobre 2011, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite d’Astrag SA, celle-ci devenant Astrag SA, en liquidation.

21) Par courrier du 30 novembre 2011, le mandataire d’Astrag SA, en liquidation, a transmis à la chambre administrative les baux portant sur les installations sises sur la parcelle n° 2503. Il demandait également que la procédure devant la chambre administrative ne soit pas suspendue en raison de la faillite d’Astrag SA.

22) La procédure a été suspendue le 5 décembre 2011 et sa reprise a été ordonnée le 6 décembre 2012.

23) Par courrier de son conseil du 21 décembre 2012, Astrag SA, en liquidation a conclu à ce que la procédure soit rayée du rôle en raison de la faillite prononcée le 17 octobre 2011. La décision du département était devenue sans objet car Astrag SA, en liquidation n’exploitait plus les installations sur la parcelle n° 2305.

24) Par courrier du 11 avril 2013, l’office des faillites, agissant pour le compte de la masse en faillite d’Astrag SA, a indiqué à la chambre administrative ne pas être concernée par la procédure pendante devant elle et que le mandataire d’Astrag SA n’agissait ni pour le compte de la masse, ni pour le compte de l’office des faillites.

25) Le conseil d’Astrag SA, en liquidation, s’est déterminé le 23 avril 2013. Astrag SA en liquidation devait pouvoir continuer la procédure, d’une part, et ladite procédure était devenue sans objet en raison de la disparition de la société destinataire de la décision querellée du département, d’autre part.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours de Pro Natura est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

2) Il s’agit en revanche d’apprécier si Astrag SA a la qualité pour recourir.

3) a. A teneur de l’art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/343/2012 du 5 juin 2012 consid. 2 et références citées). La chambre administrative a déjà jugé que les lettres a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/281/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/5/2009 du 13 janvier 2009 et les références citées).

Cette notion de l’intérêt digne de protection correspond aux critères exposés à l’art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d’unité de la procédure qui figure à l’art. 111 al. 1 LTF (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1 ;  Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l’organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 pp. 4126 ss et 4146 ss).

b. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 p. 44 ; 137 I 23 p. 24-25 consid. 1.3 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_892/2011 du 17 mars 2012 consid. 1.2 ; 2C_811/2011 du 5 janvier 2012 consid. 1 ; ATA/245/2012 du 24 avril 2012 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 748 n. 5.7.2.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 449, n. 1367). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2 ; 136 II 101 consid. 1.1).

c. Le recourant doit être touché dans une mesure et avec une intensité plus grande que la généralité des administrés et l’intérêt invoqué - qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait - doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération. Il faut donc que l’admission du recours procure au recourant un avantage pratique et non seulement théorique, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 137 II 40 consid. 2.3). En d’autres termes, pour lui reconnaître un intérêt digne de protection, il faut que l’admission du recours soit apte à éliminer le préjudice que subirait le recourant (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.70/2005 du 22 avril 2005 consid. 3.3.3).

4) a. La faillite d’une société anonyme entraîne sa dissolution (art. 736 ch. 2 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations (CO - RS 220)) et elle entre en liquidation (art. 738 CO). La société en liquidation garde sa personnalité juridique aussi longtemps que la répartition entre actionnaires n'est pas terminée (art. 739 al. 1 CO). Le but de la société est alors sa liquidation aux meilleures conditions possibles. Il s'agit de terminer les affaires courantes, de recouvrer les créances, de réaliser les actifs, de payer les dettes, de rembourser les apports des associés et de répartir entre eux le bénéfice ou la perte de liquidation (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_446/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2.3 in RDAF 2013 II 27).

b. La faillite opère par ailleurs le dessaisissement du failli (Pierre-Robert GILLIERON, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 4ème éd., 2005, p. 316), lequel ne peut plus disposer (art. 204 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1). C’est l’administration de la masse qui pourvoit à la liquidation (art. 240 LP). Dans cette activité, la masse doit effectuer les actes nécessaires à la liquidation (Pierre-Robert GILLIERON,
op. cit., p. 362), et se contenter de ceux-ci.

5) Dans le contentieux administratif genevois, une cause est rayée du rôle en cas de retrait du recours ou lorsque l’autorité décisionnaire a retiré ou reconsidéré sa décision au cours de la procédure de recours et que le recours n’a plus d’objet. À défaut, le juge doit purger sa saisine en statuant sur le contentieux (ATA/34/2013 du 22 janvier 2013 consid. 4).

6) En l’espèce, la faillite d’Astrag SA a été prononcée le 17 octobre 2011, soit en cours de procédure. Suite à cette faillite, Astrag SA a modifié ses conclusions initiales tendant à l’annulation du jugement du TAPI et a demandé que la procédure soit rayée du rôle. Le département n’a ni retiré ni reconsidéré sa décision ordonnant le rétablissement d’une situation conforme au droit et le dépôt d’une requête en autorisation de construire, mais a au contraire conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision. La masse en faillite a indiqué ne pas être concernée par la procédure. Partant, la chambre de céans ne peut pas rayer la cause du rôle. Elle doit statuer dans la présente procédure. Dans ces circonstances, les conclusions modifiées d’Astrag SA demandant que la cause soit rayée du rôle sont irrecevables. Au demeurant, en modifiant ses conclusions et en demandant - même improprement - que la cause soit rayée du rôle, Astrag SA fait la démonstration que l’admission du recours ne lui procurerait aucun avantage pratique : selon la recourante, la cause devrait être rayée du rôle car la décision du département lui ordonnant de rétablir une situation conforme au droit et de déposer une requête en autorisation de construire serait sans objet puisqu’Astrag SA a cessé toute activité. Aussi, de l’aveu même de la recourante, celle-ci ne pourrait donc pas profiter du droit de maintenir les installations litigieuses sur la parcelle n° 2503 si elle obtenait gain de cause. Dans ces circonstances, le recours - que la décision querellée soit déclarée sans objet ou annulée - ne confère à Astrag SA aucun avantage pratique. Il n’est au surplus nul besoin de s’interroger sur les conséquences du dessaisissement et sur les prérogatives de la masse, respectivement des organes de la société en liquidation, dans les procédures relatives aux décisions administratives non entrées en force.

7) Pour ce motif, le recours d’Astrag SA doit être déclaré irrecevable.

8) Pro Natura fait grief au TAPI d’avoir confirmé la décision du département en tant qu’elle ordonne à Astrag SA de requérir une autorisation de construire.

Selon l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions au sens de l’art. 1, les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet : a) de créer, de modifier ou d’annuler des droits ou des obligations; b) de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits; c) de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations. Par ailleurs, dans les limites des dispositions de l’art. 130 LCI, le département peut ordonner, à l’égard des constructions, des installations ou d’autres choses les mesures suivantes : a) la suspension des travaux ; b) l’évacuation ; c) le retrait du permis d’occupation ; d) l’interdiction d’utiliser ou d’exploiter ; e) la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 LCI). Ces mesures sont dispensées de la procédure d’autorisation (art. 132 al. 2 LCI).

Lorsque le département invite au dépôt d’une autorisation de construire, il ne statue pas par voie de décision. Il s’agit d’une démarche tendant à poser un cadre formel en initiant une procédure après constatation qu’une construction a été érigée sans droit. Cela ne présuppose pas encore que l’autorisation de construire sera délivrée. Autrement dit, il s’agit d’une étape menant par la suite à la prise d’une décision. Ni le destinataire, ni un tiers ne voient leurs droits touchés par cette invite. Faute d’effet juridique rattaché à celle-ci, elle ne constitue donc pas une décision contre laquelle son destinataire et encore moins un tiers pourraient recourir. Au demeurant, l’invitation à déposer une autorisation de construire ne fait pas partie des mesures administratives énumérées par l’art. 129 LCI contre lesquelles un recours est admis. Il ne serait d’ailleurs pas conforme à la systématique de la LCI de faire figurer l’invitation à requérir une autorisation de construire parmi le catalogue des mesures administratives puisque celles-ci sont justement dispensées de la procédure d’autorisation.

S’il est vrai que la doctrine considère qu’il ne sert à rien de demander une autorisation de construire en vue de régularisation lorsque la construction viole gravement le droit (Piermarco ZEN-RUFFINEN / Christine GUY-ECABERT, Aménagement, construction, expropriation, 2001, p. 425), cela ne signifie pas encore que le département aurait l’interdiction de procéder de la sorte. Au contraire, passer par une procédure en autorisation de construire en bonne et due forme est la meilleure manière de garantir les droits du détenteur de la construction et des tiers puisqu’elle mène à une décision dont la publicité est assurée au début puis au terme de la procédure.

Au vu de ce qui précède, Pro Natura ne peut par conséquent pas conclure à l’annulation de la décision du département du 9 juillet 2010 en tant qu’elle ordonne à Astrag SA de requérir une autorisation de construire.

9) Pro Natura conclut à ce qu’il soit ordonné à Astrag SA de démolir, supprimer et évacuer, définitivement et à ses frais, l’ensemble des constructions et installations se trouvant sur la parcelle n° 2305 de la commune de Cartigny, soit les bâtiments cadastrés sous numéros 494, 495, 496, 497, 498, 800, une installation de lavage, des engins de chantier et des dépôts de terre, gravier et verre. De manière implicite, elle fait grief au département de n’avoir pas compris dans sa décision l’ensemble des constructions sur la parcelle.

La décision du département ordonne à Astrag SA de rétablir une situation conforme au droit dans un délai de trente jours. Elle porte sur les bâtiments cadastrés sous numéros 494, 495, 496 et 800 ainsi que sur l’installation de lavage. Bien que rédigée de manière plus sommaire que l’énoncé des conclusions de Pro Natura, la décision du département a le même objet. Il s’agit d’un ordre de mise en conformité visant à libérer la parcelle n° 2305 des constructions érigées sans droit. Cet ordre ne porte pas sur les bâtiments cadastrés sous numéros 498, 498. Comme cela a été exposé ci-dessus, la décision querellée du département précédait d’autres décisions à venir. Il ne saurait lui être fait grief de n’avoir pas compris dans l’ordre de remise en état l’intégralité des bâtiments sur la parcelle
n° 2305 et d’avoir, pour certains d’entre eux, donné à Astrag SA l’occasion de déposer une requête en autorisation de construire, même si un tel dépôt paraît illusoire au vu du litige opposant Astrag SA, en liquidation, et Pro Natura, propriétaire de la parcelle.

Partant, ce grief de Pro Natura doit également être écarté.

10) Le recours interjeté par Pro Natura sera dès lors rejeté.

11) Un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge d’Astrag SA, en liquidation, et un émolument de CHF 1’000.- à la charge de Pro Natura, qui toutes deux succombent.

 

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 mars 2011 par Pro Natura Genève contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 février 2011 ;

déclare irrecevable le recours interjeté par Astrag SA, en liquidation, le 14 mars 2011 contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 février 2011 ;

au fond :

rejette le recours interjeté le 10 mars 2011 par Pro Natura Genève contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 février 2011 ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge d’Astrag SA, en liquidation ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge de Pro Natura Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt (la présente décision) et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alain Maunoir, avocat de Pro Natura Genève et à Me Philippe Gobet, avocat d’Astrag SA, en liquidation, au département de l’urbanisme ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.


 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Sudre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :