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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1278/2024

JTAPI/394/2024 du 29.04.2024 ( MC ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : INTERDICTION DE PÉNÉTRER DANS UNE ZONE;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.74
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1278/2024 MC

JTAPI/394/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 29 avril 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Raphaël ROUX, avocat avec élection de domicile

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


EN FAIT

1.            Par décision du 13 novembre 2008, l'office cantonal de la population de la République et canton de Genève (devenu depuis lors l'office cantonal de la population et des migrations, ci-après OCPM) a ordonné le renvoi de Suisse de Monsieur A______, né le ______ 1980, originaire d'Algérie.

2.            M. A______ n'a pas respecté cette décision.

3.            M. A______ a été condamné pénalement à de nombreuses reprises pour infractions à l’art. 115 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). A une reprise, en 2014, il a été condamné pour contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121). Il a également été condamnée à une reprise pour violence ou menace contre les autorités ou les fonctionnaires et lésions corporelles de peu de gravité en 2017, et incendie par négligence et exercice d’une activité lucrative sans autorisation en 2021.

Par ailleurs, il fait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse prononcée à son encontre le 16 août 2019 par le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) et valable jusqu'au 15 août 2024, laquelle lui a été notifiée le 1er octobre 2019, des mesures similaires ayant déjà été prononcées à son encontre du 25 mars 2010 au 24 mars 2013 et du 28 juillet 2014 au 27 juillet 2019.

4.            Le 5 avril 2024, M. A______ a été interpellé par la police pour de violation de domicile et dommages à la propriété, ayant sans droit pénétré dans la propriété d'un tiers et endommagé une porte-fenêtre du logement concerné.

5.            Lors de son audition par la police, il a reconnu les infractions reprochées, les ayant commises aux fins de lui permettre de trouver un endroit où dormir avec sa copine. Il a par ailleurs refusé de répondre à toutes les questions qui lui étaient posées.

6.            Par ordonnance pénale du Ministère public du 6 avril 2024, M. A______ a été reconnu coupable, notamment, de dommages à la propriété, violation de domicile et entrée et séjour illégaux, et condamné pour infractions aux art. 144 et 186 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et 115 al. 1, let. a et b LEI.

7.            Le 6 avril 2024 à 17h10, en application de l'art. 74 LEI, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de M. A______ une mesure d'interdiction de pénétrer dans l’ensemble du canton de Genève pour une durée de 24 mois.

8.            Par lettre du 16 avril 2024, M. A______ a formé opposition contre cette décision devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).

9.            M. A______ a été dûment convoqué pour l'audience du 26 avril 2024 le tribunal.

10.         Lors de l'audience du 26 avril 2024, M. A______ a indiqué que cela faisait 18 ans qu’il était en Suisse et qu’il n’avait pas d'autre endroit où aller. Il ne s’était pas conformé à la décision de renvoi ni aux interdictions d'entrée en Suisse dont il faisait l'objet et ne savait pas s’il allait le faire. Il a indiqué qu’il s’était opposé à l'ordonnance pénale du 6 avril 2024, notamment au vu de la peine qui lui avait été infligée. Il reconnaissait séjourner illégalement en Suisse et s'être introduit sans droit dans une propriété privée. Il habitait dans un ancien squat; ils étaient plusieurs à louer cette maison à la ville de Genève. Il bénéficiait des prestations de l'Hospice général depuis deux ans, soit l'aide d'urgence. Précédemment, il avait réalisé de petits boulots. Il avait un projet de mariage avec Madame B______ : ils étaient inscrits à la mairie de C______ mais ils n'avaient pas fait d'autres démarches car ils attendaient que la situation de Mme B______ s'améliorât, cette dernière étant sans travail actuellement. Il n’avait pas de document d'identité, son passeport était en mains « de l'office des migrations ». Il avait de la famille en Algérie mais n'avait plus de contact avec elle. Son frère et sa famille habitaient à D______. Il n’avait pas répondu à la police lors de son audition du 6 avril 2024 car c’était toujours les mêmes questions qui lui étaient posées. Il avait demandé aux autorités algériennes la délivrance d'un passeport en urgence afin de pouvoir se marier; il avait également réuni les documents nécessaires, notamment un acte de naissance. Il n’avait pas encore demandé d'autorisation de séjour en vue de mariage. Il était bénévole au E______ où des repas étaient servis; il y travaillait de 10h00 à 14h30. Après il jouait à la pétanque ou au ping-pong. Il n’avait pas de souci de consommation d'alcool. Il a déposé copie de la demande en vue de mariage.

Le conseil de l’intéressé a indiqué que son client avait proposé à la partie plaignante de rembourser les dégâts causés aux vitres de la villa. Il a conclu à l’annulation de la mesure d’interdiction de pénétrer dans le canton de Genève prononcée à l’encontre de son client le 6 avril 2024 pour une durée de 24 mois, subsidiairement à la réduction de la durée au minimum possible.

Le représentant du commissaire de police a demandé le rejet de l’opposition et la confirmation de la mesure d’interdiction de pénétrer dans l’ensemble du canton de Genève du 6 avril 2024 pour une durée de 24 mois.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner sur opposition la légalité et l’adéquation de l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prononcée par le commissaire de police à l'encontre d'un ressortissant étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. a de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             L'opposition ayant été formée dans le délai de dix jours courant dès la notification de la mesure querellée, elle est recevable sous l'angle de l'art. 8 al. 1 LaLEtr.

3.             Statuant ce jour, le tribunal respecte en outre le délai de vingt jours que lui impose l'art. 9 al. 1 let. b LaLEtr.

4.             Selon l'art. 74 al. 1 LEI, qui a repris l'art. 13e de l'ancienne loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931 (aLSEE- RS 142.20 ; cf. message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur les étrangers du 8 mars 2002 in FF 2002 3469, p. 3570), l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou de ne pas pénétrer dans une région déterminée dans les cas suivants :

a.       l'étranger n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement et trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics ; cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants ;

b.      l'étranger est frappé d'une décision de renvoi ou d'expulsion entrée en force et des éléments concrets font redouter qu'il ne quittera pas la Suisse dans le délai prescrit ou il n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire ;

c.       l'exécution du renvoi ou de l'expulsion a été reportée (art. 69 al. 3 LEI).

Conformément à l'art. 74 al. 2 LEI, la compétence d'ordonner ces mesures incombe au canton qui exécute le renvoi ou l'expulsion ; s'agissant de personnes séjournant dans un centre d'enregistrement ou dans un centre spécifique au sens de l'art. 26 al. 1bis de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31), cette compétence ressortit au canton sur le territoire duquel se trouve le centre ; l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée peut aussi être prononcée par le canton dans lequel est située cette région.

5.             De son côté, l'art. 6 al. 3 LaLEtr précise que l'étranger peut être contraint à ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou à ne pas pénétrer dans une région déterminée, aux conditions prévues à l'art. 74 LEI, notamment suite à une condamnation pour vol, brigandage, lésions corporelles intentionnelles, dommage à la propriété ou pour une infraction à la LStup.

6.             Les mesures d'assignation d'un lieu de séjour et d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée répondent à deux préoccupations. Elles permettent d'intervenir pour protéger la sécurité et l'ordre publics - plus particulièrement dans les domaines qui ne peuvent guère être couverts par le droit pénal - à l'encontre de ressortissants étrangers dont le départ ne peut pas être exigé en raison d'une demande d'asile pendante ou de l'absence de titre de voyage. En outre, elles peuvent être ordonnées à l'égard d'étrangers dont le renvoi est durablement entravé et pour lesquels il est nécessaire de les tenir éloignés d'un endroit déterminé ou de pouvoir les surveiller (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 rendu sous l'égide de l'art. 13 aLSEE, remplacé par l'art. 74 al. 1 LEI - cf. supra).

7.             L'étranger est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire s'il n'observe pas les mesures qui lui sont imposées dans ce cadre (cf. art. 119 LEI).

8.             Une mesure basée sur l’art. 74 al. 1 let. a LEI ne présuppose pas une condamnation pénale de l’intéressé (arrêts du Tribunal fédéral 2C_884/2020 précité consid. 3.3 ; 2C_123/2021 du 5 mars 2021).

9.             Les mesures d'assignation à un lieu de séjour et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée doivent respecter le principe de la proportionnalité énoncé à l'art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.- RS 101) (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4), lequel se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/3019/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

10.         Pour être conforme au principe de la proportionnalité, une restriction d'un droit fondamental, en l'occurrence la liberté de mouvement, doit être apte à atteindre le but visé, ce qui ne peut être obtenu par une mesure moins incisive. Il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; 136 I 197 consid. 4.4.4 : arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1).

11.         Les mesures d'assignation à un lieu de séjour et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée doivent ainsi être nécessaires et suffisantes pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés ; les moyens doivent être proportionnés au but poursuivi, au regard notamment de la délimitation géographique et de la durée de la mesure (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2002 consid. 2c).

12.         Le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles ; elles ne peuvent en outre pas être ordonnées pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1 ; 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3c). Cela étant, le périmètre d'interdiction peut inclure l'ensemble du territoire d'une ville (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.2 ; 2A.647/2006 du 12 février 2007 consid. 3.3 pour les villes d'Olten et de Soleure ; 2A.347/2003 du 24 novembre 2003 consid. 4.2 pour la ville de Berne).

13.         Les étrangers dépourvus d'autorisation de séjour n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement. S'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle, le seuil pour ordonner les mesures d'assignation d'un lieu de séjour et d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée n'a pas été placé très haut. Pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics, il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police. Des indices concrets de délits commis dans le milieu de la drogue suffisent, de même que la violation grossière des règles classiques de la cohabitation sociale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 et la référence citée ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 2b et les références citées ; ATA/45/2014 du 27 janvier 2014 ; ATA/778/2012 du 14 novembre 2012).

14.         Dans un jugement du 29 janvier 2024 (JTAPI/68/2024), le tribunal a procédé à une analyse de la jurisprudence de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), retenant que la jurisprudence est d'une lecture incertaine sous l'angle de la proportionnalité de la durée d'une mesure d'interdiction territoriale, mais qu’il s'avère en réalité, en comparant les arrêts rendus par cette juridiction en 2023, que c'est également, voire principalement la pratique du commissaire de police qui semble fluctuante, les durées d'interdiction prononcées pour l'ensemble du territoire cantonal étant tantôt de six, douze, 18 ou 24 mois, sans que l'on puisse clairement rattacher les cas de très peu de gravité uniquement aux durées les moins longues.

La chambre administrative a ainsi confirmé un jugement du tribunal réduisant de douze à neuf mois la durée d'interdiction de pénétrer sur l'ensemble du territoire cantonal prononcée à l'encontre d'une personne condamnée à une reprise pour vol, utilisation frauduleuse d'un ordinateur et infractions contre la LEI (ATA/5/2023 du 10 janvier 2023).

Elle confirmé un jugement du tribunal réduisant de 24 à douze mois la durée d'interdiction de pénétrer sur l'ensemble du territoire cantonal prononcée à l'encontre d'une personne condamnée à neuf reprises en Suisse entre avril 2020 et janvier 2023, notamment pour vol et recel, vol, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, ainsi que lésions corporelles simples (ATA/105/2023 du 31 janvier 2023).

Elle a confirmé un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction cantonale d'une durée de six mois prononcés contre une personne condamnée une première fois pour infractions contre la LEI puis une seconde fois pour délit et contravention contre la LStup (ATA/133/2023 du 8 février 2023).

Elle a confirmé un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction cantonale d'une durée de 18 mois prononcée contre une personne ayant fait l'objet d'une précédente interdiction cantonale d'une durée de douze mois, puis de deux condamnations pénales pour violation de cette injonction, d'une troisième pour contravention contre la LStup et enfin d'une quatrième pour utilisation frauduleuse ordinateur et délit contre la LStup (ATA/152/2023 du 14 février 2023).

Elle a confirmé un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction cantonale d'une durée de douze mois prononcée contre une personne condamnée pénalement une première fois pour délit contre la LStup et ayant fait l'objet suite à cette condamnation d'une interdiction cantonale d'une durée de six mois, puis condamnée une deuxième fois pour la violation de cette interdiction et une troisième fois pour délit contre la LStup (ATA/251/2023 du 14 mars 2023).

Elle a annulé un jugement du tribunal réduisant de douze à six mois une interdiction cantonale prononcée contre une personne condamnée une première fois notamment pour délit contre la LStup, et contre laquelle était en cours une seconde procédure pénale l'impliquant dans un trafic de drogue (ATA/337/2023 du 31 mars 2023).

Elle a confirmé un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction cantonale d'une durée de 18 mois prononcée contre une personne condamnée à douze reprises entre 2013 et 2022, essentiellement pour des vols et des infractions contre la LEI (ATA/607/2023 du 8 juin 2023).

Elle a annulé un jugement du tribunal réduisant de 24 à 18 mois une interdiction de périmètre prononcée à l'encontre d'une personne qui avait fait l'objet de onze condamnations pénales depuis 2019, notamment pour des infractions à la LStup, ainsi que d’une précédente décision d'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois (ATA/609/2023 du 9 juin 2023).

Elle a annulé un jugement du tribunal confirmant une interdiction de périmètre de six mois prononcée à l'encontre d'une ressortissante française qui avait volé différentes marchandises pour une valeur d'environ CHF 1'150.-, prononçant à la place un avertissement, au motif que l'interdiction de périmètre restreignait excessivement ses possibilités de recherche d'emploi dans le canton de Genève (ATA/709/2023 du 29 juin 2023).

Elle a confirmé un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction de périmètre prononcée pour une durée de six mois contre une personne condamnée à une reprise notamment pour délits et contraventions contre la LStup (ATA/1003/2023 du 14 septembre 2023).

Elle a confirmé un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction de périmètre prononcée pour une durée de douze mois contre une personne condamnée à cinq reprises, notamment pour délit contre la LStup (ATA/1263/2023 du 23 novembre 2023).

Elle a confirmé un jugement du tribunal confirmant lui-même une interdiction de périmètre prononcée pour une durée de douze mois contre une personne extra-européenne titulaire d'un titre de séjour espagnol, condamnée à cinq reprises depuis 2015, notamment pour exercice illicite de la prostitution et délits contre la LStup, sans attache à Genève (ATA/1264/2023 du 23 novembre 2023).

Elle a annulé un jugement du tribunal prononçant un avertissement au lieu de l'interdiction de périmètre prononcée par le commissaire de police pour une durée de douze mois à l'encontre d'une personne arrêtée et condamnée pour le vol de deux parfums d'une valeur totale de CHF 330.-, sans attache à Genève (ATA/1319/2023 du 8 décembre 2023).

Il résulte de cette revue de la jurisprudence que certains cas de très peu de gravité, c'est-à-dire n'impliquant qu'une seule condamnation pour un vol d'importance relative ou pour le trafic de quelques grammes de drogues dures, font l'objet, de la part du commissaire de police, d'interdictions territoriales pour une durée de six mois, tandis que le même type de situation peut parfois faire l'objet d'interdictions territoriales pour une durée de douze mois. Des cas plus graves, impliquant deux ou trois, voire plusieurs condamnations pénales, ainsi que des situations dans lesquelles des interdictions territoriales avaient déjà été prononcées une première fois (et dans certains cas violées) ont, quant à eux, fait parfois l'objet d'interdictions territoriales pour des durées de douze à 18 mois, et non pas systématiquement pour des durées de 24 mois.

15.         Le tribunal a plus récemment réduit de 18 à six mois une mesure d'éloignement du territoire du canton de Genève prise à l'encontre d'une personne condamnée à une seule reprise en Suisse, pour faux dans les certificats et infractions contre la LEI, et contre laquelle deux autres procédures pénales étaient en cours, dont l'une concernait une infraction contre la LStup (JTAPI/1453/2023 du 21 décembre 2023).

Dans l'affaire objet du JTAPI/68/2024 cité plus haut, le tribunal a à nouveau réduit de douze à six mois la durée de l'interdiction territoriale, constatant que l'on avait affaire à des troubles de très peu de gravité contre l'ordre public liés au vol d'une faible somme d'argent (CHF 60.-) et d'un téléphone portable usagé, ainsi qu'à l'obtention d'un prestation d'assurance sociale que le Tribunal de police avait qualifiée de peu de gravité. Sur recours du commissaire de police, la chambre administrative a confirmé ce jugement en relevant que « Cette réduction permet de tenir dûment compte des particularités du cas d’espèce. Contrairement aux exemples que cite le recourant, l’intimé n’a pas participé à un trafic de drogues ni acquis des stupéfiants pour sa propre consommation, soit des infractions susceptibles de porter une atteinte importante à la sécurité et l’ordre publics » (ATA/232/2024 du 20 février 2024 consid. 3.5).

16.         En lien également avec le principe de proportionnalité, la chambre administrative a confirmé une interdiction territoriale étendue à tout le canton pour une durée de douze mois prononcée contre un étranger qui avait des projets de mariage avec une ressortissante suisse. La chambre de céans a notamment considéré que la poursuite de sa relation de couple pouvait se faire à l'extérieur du canton, au demeurant exigu, voire depuis et dans le pays d'origine du recourant, via les moyens de communication modernes ou à l'occasion d'une visite de sa compagne (ATA/481/2022 du 5 mai 2022).

Elle a de même confirmé une interdiction de pénétrer dans l’ensemble du territoire genevois pour une durée de douze mois d’un étranger formant depuis trois ans une communauté de vie avec son amie à Genève, ayant notamment relevé que son amie pourrait le rencontrer dans un autre canton (ATA/1236/2021 du 16 novembre 2021).

17.         Dans le cas d'espèce, s'agissant des conditions d'application de l'art. 74 LEI, M. A______ a reconnu avoir cassé deux vitres d’une maison qui lui paraissait abandonnée dans le but d’y pénétrer et d’y dormir avec son amie. Quand bien même l'ordonnance pénale qui, pour ces motifs, l'a reconnu notamment coupable de dommage à la propriété, fait l'objet d'une opposition, il n'en demeure pas moins que ces éléments permettent à ce stade de soupçonner la commission de cette infraction. Conformément à la jurisprudence rappelée plus haut, un tel soupçon est suffisant pour légitimer une mesure d'éloignement au sens de l'art. 74 LEI et l'on peut ainsi retenir que, par son comportement, M. A______ a déjà troublé et est susceptible de troubler à nouveau l'ordre public, étant rappelé qu’il est déjà défavorablement connu des services de police.

Le fait que l’intéressé se dise disposé à rembourser les dégâts causés ne joue aucun rôle dans la présente procédure.

Par ailleurs, M. A______ ne dispose d’aucune autorisation de séjour et fait l’objet d’une décision de renvoi en force et d’une IES en cours.

Par conséquent, l'ensemble des conditions légales d'une mesure d'éloignement au sens de l'art. 74 al. 1 let. a LEI sont réalisées en l'espèce.

18.         S'agissant en revanche de la proportionnalité de cette mesure, le tribunal constate qu’on a affaire ici à des troubles de peu de gravité contre l'ordre public. L’intéressé a certes déjà fait l’objet de plusieurs condamnations mais elles se rapportent majoritairement à des infractions contre la LEI, la contravention à la LStup datant quant à elle de presque dix ans.

Si, certes, sa fiancée est domiciliée à Genève, il s’avère que le couple n’habite pas ensemble, que son projet de mariage ne s’est pas concrétisé depuis le dépôt de la demande de préparation au mariage du 23 mai 2023 – et qu’elle est suspendue selon les déclarations de M. A______ - et que rien ne s’oppose à ce que ce dernier poursuive sa relation avec sa fiancée en dehors de Genève. Il sied par ailleurs de rappeler que M. A______ ne vit que grâce à l’aide d’urgence de l’Hospice général et que son frère, selon ses déclarations, est domicilié à D______.

Par conséquent, eu égard aux circonstances du cas d’espèce et en référence à la pratique rappelée plus haut, le tribunal considère qu'il ne se justifie pas de prononcer une mesure s'étendant sur une durée de 24 mois et qu'une durée de six mois apparaît davantage conforme au principe de proportionnalité et à la jurisprudence exposée précédemment. Par contre, le fait que cette interdiction soit étendue à l’ensemble du canton apparaît proportionné et n’est, du reste, pas contesté par l’intéressé.

19.         Partant, l’opposition est ainsi partiellement admise et l'interdiction de pénétrer dans l’ensemble du canton de Genève prise à l'encontre de M. A______ est confirmée mais pour une durée réduite à six mois.

20.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

21.         Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 10 al. 1 LaLEtr).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable l'opposition formée le 16 avril 2024 par Monsieur A______ contre la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 6 avril 2024 pour une durée de 24 mois ;

2.             l’admet partiellement ;

3.             confirme la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée, soit l’ensemble du canton de Genève, prise par le commissaire de police le 6 avril 2024 à l'encontre de Monsieur A______ mais réduit sa durée à six mois ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

5.             dit qu’un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière