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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/103/2023

ATA/152/2023 du 14.02.2023 sur JTAPI/115/2023 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/103/2023-MC ATA/152/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 février 2023

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Géraldine Vonmoos, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 janvier 2023 (JTAPI/115/2023)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1997, est originaire du Nigéria.

Il est en possession d’un passeport nigérian valable jusqu’au 7 novembre 2027 et d’une carte d’identité italienne.

2) Le 18 juillet 2020, le Commissaire de police a prononcé à son encontre une interdiction de pénétrer sur le territoire cantonal genevois pour une durée de 12 mois, après qu'il avait été mis en cause pour avoir vendu une boulette de cocaïne de 0,4 g en échange de CHF 35.- à un toxicomane.

3) M. A______ a été condamné les 6 août 2020 et 22 novembre 2021, respectivement par le Ministère public (ci-après : MP) et le Tribunal de police genevois pour avoir violé cette injonction, du chef d'infraction à l'art. 119 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Il a en sus, à teneur de son casier judiciaire, été condamnée le 1er octobre 2020 pour une contravention selon l’art. 19a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et exercice d’une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. c LEI).

4) a. Le 11 janvier 2023, les forces de l'ordre ont observé un individu de type africain, identifié par la suite comme étant M. A______, prendre contact avec un homme à l'angle du bâtiment universitaire Uni Mail, du côté du boulevard Carl-Vogt. Suspectant une transaction de drogue, la police a décidé de procéder à l'interpellation des deux protagonistes. Le toxicomane a remis à la police une boulette de cocaïne de 1 g, expliquant l’avoir achetée en contrepartie de CHF 100.- à M. A______, qu’il a reconnu sur photographie, dont il venait de se séparer. M. A______ était son dealer depuis 2 ans, à qui il achetait 2 g de cocaïne par mois.

b. Le même jour, M. A______ a été interpellé à sa sortie du restaurant McDonald's de Plainpalais. Il était en possession d'une autorisation de séjour italienne échue depuis le 9 décembre 2022 et d'une carte bancaire de débit BCGE au nom de Madame B______. Contactée par la police, cette dernière a expliqué avoir dû égarer sa carte à la fin du mois d'octobre 2022. Sur vérification de son relevé bancaire, elle a constaté de très nombreux paiements frauduleux variant entre CHF 10.- et CHF 20.- depuis le 26 octobre 2022, dans des établissements genevois. Le dernier paiement était intervenu le jour même dans le McDonald's de Plainpalais.

c. Devant la police, M. A______ a nié avoir vendu de la drogue. La carte bancaire lui avait été donnée par son amie C______, pour ensuite dire qu’il s’agissait d’une femme, dont il ignorait le nom et l'adresse, afin qu'il achète de la nourriture. Il se trouvait à Annemasse depuis trois ou quatre jours et était venu à Genève le jour de son interpellation. Il travaillait comme mécanicien sur automobiles en Sicile pour un salaire mensuel d'EUR 1'800.-. Il n'avait pas de liens particuliers avec Genève. Sa compagne et son enfant de 4 ans résidaient en Italie.

5) M. A______ a été condamné en raison de ces faits par ordonnance pénale du MP du 12 janvier 2023, à une peine privative de liberté de 150 jours des chefs d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur au sens de l'art. 147 du Code pénal suisse 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et d’infractions aux art. 19 al. 1 let. c LStup et 115 al. 1 let. b LEI. Il a été remis en mains de la police.

6) Le 12 janvier 2023 à 15h20, le commissaire de police a, en application de l'art. 74 LEI, prononcé une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée (interdiction d'accès au canton de Genève), à son encontre pour une durée de 18 mois.

La durée et l’étendue de la mesure s’inscrivaient dans le cadre de la jurisprudence et se justifiaient au regard de son activité délictuelle. L’étendue géographique tenait compte du fait que M. A______ était susceptible de reproduire ses agissements coupables dans tout le canton de Genève, avec lequel il n’avait aucun lien particulier.

7) M. A______ a formé immédiatement opposition contre cette décision.

8) Devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), le 26 janvier 2023 :

a. M. A______ a confirmé son opposition. Son amie, dont il n’était pas en mesure d'indiquer l'identité exacte ni l'adresse, avec laquelle il était en relation depuis 18 mois, vivait à Genève. Cette dernière n’avait pas pu se présenter devant le TAPI en raison de son travail. Elle avait toutefois rédigé une lettre. La décision querellée aurait des conséquences néfastes pour son couple, étant précisé qu'il souhaitait se marier avec son amie, qui faisait des ménages. Il n’était pas en mesure de donner le nom de famille ni la date de naissance de D______, en raison des difficultés que rencontrait leur couple. De plus, elle ne souhaitait pas être mêlée à cette affaire. Il vivait le reste du temps à Annemasse. Après l'audience, il avait l'intention de se rendre en Sicile, où il avait un travail, pour voir son fils de 4 ans. Son permis de séjour italien était échu, mais il retournerait en Italie pour renouveler ses documents.

Il contestait les faits ayant conduit à son interpellation le 11 janvier 2023. Il avait formé opposition à l'ordonnance pénale.

La durée de la mesure était beaucoup trop importante.

b. Le représentant du commissaire de police a relevé que M. A______ avait été condamné à trois reprises. S'agissant de sa dernière arrestation, les indices étaient suffisants pour justifier la mesure prise à son encontre. Ses déclarations concernant une relation n’étaient pas crédibles, dès lors qu'il ne connaissait même pas l'identité et l'adresse de son amie.

c. Le conseil de M. A______ a indiqué que son mandant ne s'opposait pas au principe de la mesure d'éloignement. Celle-ci était toutefois disproportionnée tant dans la durée que dans l'étendue géographique. M. A______ n’était pas un grand criminel et n'avait jamais été condamné pour trafic de stupéfiants. Il convenait ainsi de réduire la mesure au centre-ville de Genève afin qu'il puisse venir rendre visite à son amie lorsque ses documents d'identité italiens seraient renouvelés.

d. Il ressort de la lettre manuscrite, non datée, rédigée en anglais et signée par « D______ », sans indication de domicile, que M. A______ était son petit ami et vivait à la rue F______. Ils étaient ensemble depuis une année et six mois et il venait à Genève pour lui rendre visite quand il était autorisé légalement à le faire. Leur histoire ne pouvait pas se terminer ainsi. « E______ » était une personne qu’elle aimait beaucoup et dont elle était très proche. Ils avaient pour volonté de poursuivre cette forte relation et « how knows maybe we will get married if we legally can and if we are still together ». Lorsqu’il était en Italie, tous deux gardaient contact chaque jour par téléphone et FaceTime. Elle comprenait bien sûr une mesure d’éloignement (« ban »), mais cela « casserait leur amour ». Après le renouvellement de son permis de séjour en Italie et si elle y était autorisée, elle irait parfois le voir pendant une semaine, s’il n’était pas lui-même en train de travailler. Il était demandé de permettre à M. A______ de venir à Carouge une fois qu’il aurait ses documents italiens en règle et de lui permettre de voyager, car elle l’aimait vraiment. Elle restait à disposition si l’on voulait la voir.

9) Par jugement du 30 janvier 2023, le TAPI a rejeté l’opposition.

M. A______ n'était pas au bénéfice d'une autorisation de courte durée, de séjour ou d'établissement.

Il y avait des indices concrets de la commission de délits dans le milieu de la drogue le 11 janvier 2023, nonobstant ses dénégations. Il pouvait effectivement être perçu comme une menace pour l'ordre et la sécurité publics et il apparaissait clairement, notamment eu égard à sa situation économique très précaire, qu'il pourrait encore commettre des infractions de même nature que celles pour lesquelles il avait été condamné s'il était autorisé à pouvoir encore se rendre à Genève.

Il ne démontrait nullement les éventuels besoins ou affaires urgentes qui l’amèneraient à se rendre à Genève malgré l’absence d’autorisation. Dans ces conditions, son intérêt privé à venir rencontrer son amie, la relation avec celle-ci fût-elle réelle, stable et durable, ne saurait entraîner une éventuelle adaptation du périmètre interdit.

La durée de la mesure s’inscrivait dans le cadre de la jurisprudence et tenait compte du fait qu’il s’était, à nouveau, trouvé impliqué dans une affaire de stupéfiants.

10) M. A______ a formé recours contre ce jugement par acte déposé le 7 février 2023. Il a conclu que la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) annule ledit jugement et réduise tant la durée, qui devait être ramenée à 6 mois, que l’étendue de la mesure d’éloignement, qui devait être limitée au centre-ville.

Le TAPI avait violé le principe de la proportionnalité.

L’ordonnance pénale du 12 janvier 2023 n’était pas encore définitive puisqu’il y avait formé opposition, contestant les infractions retenues. Au courant toutefois de ce qu’il n’était pas besoin d’une condamnation définitive, il ne contestait pas la mesure prononcée quant à son principe.

Il n’avait jamais fait l’objet d’une condamnation pour délit à la LStup, mais uniquement pour contravention, le 1er octobre 2020. Il n’était donc pas un récidiviste en matière de LStup. La première interdiction prononcée le 18 juillet 2020 n’était donc pas fondée et sa durée de 12 mois était disproportionnée, puisqu’il s’était avéré qu’il était innocent dans l’affaire de stupéfiants en cause. En retenant désormais une durée de 18 mois, le TAPI le sanctionnait une fois de plus pour un comportement que l’on n’avait finalement jamais pu lui reprocher en 2020.

La femme avec laquelle il était en relation se prénommait D______ et avait le 26 janvier 2023 décrit leur relation à l’intention du TAPI. On y lisait qu’elle était domiciliée au ______, rue F______ à 1227 Carouge, que leur relation était intense et qu’ils avaient des perspectives de mariage à moyen terme, que durant la période la première interdiction prononcée à son encontre, il était parti vivre à Alma, à proximité de Turin, afin de permettre à D______ de venir lui rendre visite plus facilement et enfin que cette dernière se tenait à disposition des autorités pour si nécessaire confirmer son écrit. D______ n’avait jamais pu venir le voir en Sicile, son travail et ses moyens financiers ne lui permettant pas de faire un tel déplacement. Depuis la levée de l’interdiction prononcée à son encontre, il était venu régulièrement à Genève pour lui rendre visite, en possession de ses documents italiens l’autorisant à entrer et à séjourner en Suisse. Il avait donc un intérêt privé à pouvoir rendre visite à sa « proche amie », pour de très courtes durées, s’il le souhaitait, tout en étant établi en Italie. Cette dernière ne pouvait pas se déplacer régulièrement faute de moyens financiers et de temps.

Une interdiction de pénétrer à l’intérieur du seul centre-ville aurait le mérite de lui permettre de venir rendre visite à D______, à Carouge, uniquement et après le renouvellement de son permis de séjour, tout en sauvegardant l’intérêt public visé par la mesure.

11) Le commissaire de police a conclu le 9 février 2023 au rejet du recours.

Il a produit le rapport d’arrestation du 17 juillet 2020.

12) M. A______ n’a pas fait usage de son droit à la réplique dans le délai imparti à cet effet.

13) Les parties ont été informées le 13 février 2023 que la cause était gardée à juger.

14) La teneur des pièces versées à la procédure sera pour le surplus reprise ci-dessous dans la mesure nécessaire au traitement du recours.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Selon l'art. 10 al. 2 1ère phr. de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les 10 jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 7 février 2023 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

2) La chambre administrative est compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 2ème phr. LaLEtr).

3) a. Aux termes de l'art. 74 al. 1 let. a LEI, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas pénétrer dans une région déterminée si celui-ci n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement et trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics. Cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants. L'art. 6 al. 3 LaLEtr prévoit que l'étranger peut être contraint à ne pas pénétrer dans une région déterminée, aux conditions prévues à l'art. 74 LEI, notamment à la suite d'une condamnation pour vol, brigandage, lésions corporelles intentionnelles, dommages à la propriété ou pour une infraction à la LStup.

b. L'interdiction de pénétrer dans une région déterminée ne constitue pas une mesure équivalant à une privation de liberté au sens de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et n'a donc pas à satisfaire aux conditions du premier alinéa de cette disposition (Tarkan GÖKSU, in Martina CARONI/ Thomas GÄCHTER/Daniela TURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer, Berne, 2010 ; Andreas ZÜND in Marc SPESCHA/Hanspeter THÜR/Peter BOLZLI, Migrationsrecht, 2ème éd., 2013, ad art. 74, p. 204 n. 1).

Selon le message du Conseil fédéral du 22 décembre 1993 (FF 1994 I 325), les étrangers dépourvus d'autorisation de séjour et d'établissement n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement ; s'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle de l'étranger concerné, « le seuil, pour l'ordonner, n'a pas été placé très haut » ; il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics.

Le recourant ne conteste à juste titre pas le principe de l'interdiction de périmètre, étant relevé l’absence de titre de séjour en Suisse et le soupçon d’une participation à un trafic de cocaïne. Il remet en cause uniquement la proportionnalité de cette mesure d’éloignement, sous l’angle de sa durée et de son étendue géographique.

4) a. L'art. 74 LEI ne précise ni la durée ni l'étendue de la mesure. Selon le Tribunal fédéral, celle-ci doit dans tous les cas répondre au principe de proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), soit être adéquate au but visé et rester dans un rapport raisonnable avec celui-ci (ATF 142 II 1 consid. 2.3). Ainsi, la mesure ne peut pas être ordonnée pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3). Des durées inférieures à 6 mois ne sont guère efficaces (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 précité consid. 4.2) ; des mesures d'une durée d'une année (arrêt du Tribunal fédéral 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 3.2 ; ATA/1347/2018 du 13 décembre 2018 consid. 6), voire de 2 ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.5) ont été admises.

b. La jurisprudence fédérale admet que la mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prévue à l'art. 74 LEI peut s'appliquer à l'entier du territoire d'un canton (arrêts du Tribunal fédéral 2A.253/2006 du 12 mai 2006 ; 2C_231/2007 du 13 novembre 2007), même si la doctrine relève que le prononcé d'une telle mesure peut paraître problématique au regard du but assigné à celle-ci (Tarkan GÖKSU, op. cit., p. 725 n. 7). La portée de l'art. 6 al. 3 LaLEtr, qui se réfère à cette disposition et en reprend les termes, ne peut être interprétée de manière plus restrictive. C'est en réalité lors de l'examen du respect par la mesure du principe de la proportionnalité que la question de l'étendue de la zone géographique à laquelle elle s'applique doit être examinée.

Le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1044/2012 précité consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1 ; 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3c ; ATA/304/2020 du 20 mars 2020 consid. 4b ; ATA/748/2018 du18 juillet 2018 consid. 4b).

c. La mesure d'interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé vise en particulier à combattre le trafic de stupéfiants, ainsi qu'à maintenir les requérants d'asile éloignés des scènes de la drogue (arrêts du Tribunal fédéral 6B_808/2011 du 24 mai 2012 consid. 1.2 ; 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1). Des indices concrets de délits commis dans le milieu de la drogue ou des contacts avec des extrémistes suffisent à justifier une telle mesure, de même que la violation grossière des règles tacites de la cohabitation sociale (ATA/607/2013 du 12 septembre 2013 consid. 4 ; ATA/46/2013 du 25 janvier 2013 consid. 3 et les références citées).

d. La chambre de céans a confirmé une interdiction territoriale étendue à tout le canton de Genève pour une durée de 18 mois notifiée à un étranger sans titre, travail, lieu de séjour précis ni attaches à Genève, plusieurs fois condamné pour infractions à la LStup, objet de décisions de renvoi et traité sans succès pour une dépendance aux stupéfiants (ATA/411/2022 du 14 avril 2022 ; cf. aussi ATA/536/2022 du 20 mai 2022).

5) En l'espèce, le recourant admet ne bénéficier d'aucune autorisation de séjour en Suisse, qu'elle soit de courte ou de longue durée.

Le 11 janvier 2023 dans l’après-midi, la police dit avoir observé un contact entre M. A______ et un toxicomane, lequel a admis lui avoir acheté une boulette de cocaïne, une drogue dure, en contrepartie de CHF 100.-. L’échange s’est produit à la hauteur du ______, boulevard du G______, sur l’esplanade d’Uni Mail, à proximité de la plaine de Plainpalais, lieu notoirement fréquenté par des toxicomanes. Lors de son audition devant la police, le toxicomane a indiqué qu’il contactait son fournisseur de cocaïne, qu’il a formellement reconnu sur photo en la personne du recourant, sur un raccordement anglais. Il lui avait acheté 1 g de cocaïne deux fois par mois depuis deux ans, soit un total d’une cinquantaine de grammes.

Le recourant a été pris en filature par la police et interpellé à la sortie du restaurant McDonald’s de Rive. Il a cherché à se débarrasser de plus de CHF 300.- avant l’arrivée au poste de police. Malgré son refus de communiquer le code « patterns » de son téléphone portable, la police a pu y trouver le message du jour avec le toxicomane, lui permettant de certifier que le numéro anglais révélé par le toxicomane était dévié sur son téléphone portable, malgré l’insertion de cartes SIM suisse et italienne.

Le recourant a de plus été interpellé en possession d’une carte bancaire d’une femme domiciliée dans le Jura qui pensait l’avoir égarée en octobre 2022, chez ses parents à Genève. En consultant son relevé à la demande de la police, elle a remarqué plusieurs paiements frauduleux pour un montant total de plus de CHF 1'500.-, en particulier depuis le 26 octobre 2022, notamment dans des établissements de la place, le dernier datant de l’après-midi même, dans l’établissement que le recourant venait de quitter et où il a indiqué avoir mangé. Certes le recourant conteste l’intégralité de ces faits et a formé opposition à l’ordonnance pénale du MP du 12 janvier 2023. Il a expliqué que les espèces suisses provenaient de son travail en Italie comme mécanicien sur automobiles et que c’était sa petite amie, prénommé C______, qui lui avait remis la carte saisie sur sa personne pour qu’il puisse manger, avant de dire que c’était une femme qu’il avait croisée dans la rue la veille.

Au vu de ces éléments et de la situation précaire du recourant en Suisse, le soupçon existe qu'il puisse à l'avenir commettre des infractions du type de celles pour lesquelles il est actuellement mis en cause. Sa situation personnelle n'est pas établie, de même que les raisons de sa présence à Genève. Il a prétendu dormir à Annemasse depuis trois ou quatre jours, en provenance d’Italie où il aurait un revenu mensuel de l’ordre d’EUR 1800.-. Cet élément n’est nullement étayé. Ses ressources sont donc inconnues.

Le recourant n'a aucune attache dans le canton de Genève, si ce n’est une femme avec laquelle il dit avoir des projets de mariage. Il sera sur ce point relevé qu’il n’a fourni aucune donnée concernant cette personne, si ce n’est qu’elle se prénommait tantôt C______, tantôt D______, et qu’elle habiterait à Carouge. La valeur probante des éléments figurant dans le courrier produit devant le TAPI est dès lors moindre. En tout état, il ressort tant des déclarations du recourant que de la personne qui a rédigé ce courrier que si cette petite amie existe, tous deux ne se voient que sporadiquement et dans le plus strict respect des interdictions de périmètre notifiées au recourant. Le recourant ne prétend pas qu'une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève le priverait d'un accès à des ressources élémentaires pas plus que de contacts sociaux. Il ne soutient, ni a fortiori n'étaye, qu'il serait sensiblement entravé dans l'exercice de ses droits les plus élémentaires, à savoir se loger et se nourrir dans des conditions dignes. Au contraire, il indique séjourner à Annemasse, lorsque ce n’est pas en Italie auprès de son enfant âgé de 4 ans.

La durée de la mesure ne prête pas le flanc à la critique. Celle-ci se justifie au regard des éléments à prendre en considération, à savoir la nature de l’infraction dont le recourant est soupçonné, ses condamnations en août et octobre 2020, puis en novembre 2021, par deux fois pour infractions à l’art. 119 LEI (pour violations de l’interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de 12 mois prononcée le 18 juillet 2020 ) et à l’art. 115 LEI, sa présence sur un lieu où le trafic de stupéfiants a notoirement lieu et les circonstances de son interpellation du 11 janvier 2023, tout comme de celles du 17 juillet 2020, à la plaine de Plainpalais également. Il était alors en possession notamment de plus de CHF 320.- de provenance douteuse. Il n’a aucun emploi, ni titre de séjour en Suisse et ni de lien avéré avec ce pays. Au vu de ces circonstances, la durée de 18 mois paraît apte et nécessaire pour protéger l'ordre et la sécurité publics dans le canton de Genève du risque de nouvelles commissions d’infractions sur le territoire cantonal par le recourant. Il n’y a donc aucun motif pour réduire ladite mesure, que ce soit sa durée ou son périmètre.

Enfin, il convient de relever que l’interdiction de périmètre ne comporte qu’une atteinte à la liberté personnelle relativement légère.

Partant, le recours sera rejeté et la décision du commissaire de police confirmée.

6) Vu la nature de la cause, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 février 2023 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 janvier 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Géraldine Vonmoos, avocate du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Michel

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :