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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4140/2022

ATA/5/2023 du 10.01.2023 sur JTAPI/1431/2022 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4140/2022-MC ATA/5/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 janvier 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Léonard Micheli-Jeannet, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 décembre 2022 (JTAPI/1431/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______, prétendument né le ______ 1985 en Algérie, est démuni de toute pièce d'identité.

2) Les 8 juin et 22 juillet 2022, il a été condamné par ordonnances pénales du Ministère public genevois (ci-après : MP) pour des infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

3) Le 24 novembre 2022, objet d'un avis de recherche en raison de son implication potentielle dans un vol commis en date du 2 septembre 2022, il a été interpellé au B______ Geneva, sis rue C______ 2, 1202 Genève, où il vivait depuis environ deux mois.

Monsieur D______ avait dénoncé le vol de son sac à dos au « E______ » aux Eaux-Vives le 2 septembre 2022. Il avait constaté différents paiements frauduleux effectués avec sa carte dans différents commerces des Eaux-Vives pour un préjudice total de CHF 195.-.

Selon le rapport de police du 24 novembre 2022, les images de vidéosurveillance prélevées chez « F______ », au 6, rue de la G______, ainsi qu'au « Tabac I______ », au 10, rue M______, montraient deux individus effectuant des achats au moyen de la carte du plaignant.

Entendu dans les locaux de la police, M. A______ a indiqué ne pas être en mesure de se rappeler s'il se trouvait au « E______ Genève » au moment du vol mais il a reconnu s'y rendre régulièrement. Il a nié avoir volé le sac du lésé et avoir utilisé ses cartes de crédit. Il a admis se reconnaître sur les images du communiqué de recherche et avoir été présent lorsque les cartes ont été utilisées par un Arabe nommé « H______ », dont il ne connaissait pas le nom et qui était parti de Genève depuis, et qui lui avait acheté des cigarettes. S'agissant de sa situation personnelle, M. A______ a déclaré être arrivé pour la première fois à Genève une année auparavant, depuis l'Espagne où il se trouvait dans un premier temps, être placé dans des foyers depuis lors, être démuni de moyens de subsistance et n'avoir aucun lien particulier avec la Suisse.

4) Le 25 novembre 2022, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse de M. A______. Un délai au 2 décembre 2022 lui était imparti pour quitter le territoire suisse, ainsi que le territoire des États-membres de l'Union européenne et des États associés à Schengen. La décision était immédiatement exécutoire.

5) Le même jour, le MP a condamné par ordonnance pénale M. A______ à une peine privative de liberté de nonante jours pour vol (art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937- CP - RS 311.0), utilisation frauduleuse d’un ordinateur (art. 147 al. 1 CP) et entrée et séjour illégal en Suisse (art. 115 al. 1 let. a et b LEI).

Les faits reprochés étaient établis à teneur du dossier, notamment par les constatations de la police et les images de vidéosurveillance produites par le kiosque « Tabac I______ », nonobstant les explications du prévenu qui n'emportaient pas conviction. En effet, sur lesdites images de vidéosurveillance, on pouvait apercevoir le prévenu et son complice faire des achats de produits de première nécessité.

6) Le 25 novembre 2022, en application de l'art. 74 LEI, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de M. A______ une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée (interdiction d'accès au canton de Genève) pour une durée de douze mois.

7) Le 5 décembre 2022, M. A______ a formé opposition auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision.

8) Le même jour, entendu par le TAPI, il a confirmé son opposition à la mesure d'éloignement querellée.

Il avait quitté son pays pour être en Suisse et avoir une vie meilleure, ainsi que pour chercher un « petit travail » pour vivre. Il avait eu beaucoup de problèmes qui l'avaient poussé à quitter l'Algérie. Il n'avait pas trouvé de travail et vivait toujours au B______ Geneva. Il ne percevait aucun revenu à Genève et il se nourrissait par exemple au « J______ » ou au « E______ », et le B______ Geneva lui donnait de la nourriture pour se faire à manger. Il était conscient qu'il faisait l'objet d'une décision de renvoi exécutoire lui ordonnant de quitter le pays avant le 2 décembre 2022, mais il ne savait pas où se rendre. En quittant son pays, il était directement venu ici où il s'était fait des amis.

Il a produit des pièces s'agissant de sa situation médicale : un certificat médical du docteur K______, médecin auprès des hôpitaux universitaires genevois (ci-après : HUG) du 12 décembre 2022 indiquant qu’il était suivi à l'Unité des dépendances du Service de médecine de premier recours (ci-après : UDMPR) depuis le 2 septembre 2022 à raison d'environ une fois toutes les semaines et demie ; une fiche de rendez-vous le 22 décembre 2022 pour une consultation avec la docteure L______, généraliste au sein du Service de médecine de premier recours, faisant également état d'autres rendez-vous fixés auprès des HUG, soit le 15 décembre 2022 pour une consultation « psy » et le 19 décembre 2022 également à l'UDMPR ; un bon permettant l'accès aux premières consultations au CAAP Grand-Pré auquel il avait été adressé par le Dr K______.

M. A______ a exposé qu'il était dépendant au médicament Lyrica, qui avait pour but de lui « enlever le stress ». L'année précédente, il avait consulté également pour des problèmes de « virus à l'estomac » et une tension élevée ; il n'avait entre-temps plus ces problèmes mais avait mal au dos.

Son conseil a produit le communiqué de police qui a mené à son interpellation, montrant M. A______ sur la photographie du bas et un autre homme sur la photo du haut. On pouvait également y lire que l'un des commerçants qui avait fourni des images des voleurs leur avaient indiqué qu'ils étaient repartis à bord d'une Audi A4 immatriculée en France. Le conseil de M. A______ a également produit une image de la vidéosurveillance et indiqué que l'on voyait que c'était l’autre homme qui payait avec la carte dérobée. Son client contestait les faits qui avaient mené à sa condamnation pénale et ils avaient formé opposition à l’ordonnance pénale. Au niveau pénal, il n'y avait pas d'autre suite prévue à ce jour si ce n'était la consultation qu'il avait pu effectuer des pièces. Il avait été mandaté par M. A______ au moment où il avait formé opposition contre l'ordonnance pénale.

Il a conclu à l'annulation de la mesure d'interdiction, subsidiairement à la réduction de la durée à six mois, ainsi qu'à celle du périmètre, limitée au centre-ville et incluant des autorisations dans la carte lui permettant de se rendre à ses consultations médicales et chez lui.

La représentante de la commissaire de police a conclu à la confirmation de la mesure.

9) Par jugement du 20 décembre 2022, le TAPI a partiellement admis l’opposition et réduit à neuf mois la durée de l’interdiction territoriale.

M. A______ n’était au bénéfice d’aucun titre de séjour ou d’établissement. Il avait été condamné pour vol, soit pour un crime. Il avait été filmé avec son comparse en train d’utiliser la carte volée pour effectuer des achats de première nécessité. Le fait que son comparse avait payé ne changeait rien au fait qu’il était impliqué dans le vol. Le MP, qui disposait de l’intégralité des vidéosurveillances et du dossier de police, l’avait condamné pour vol, alors que la procédure était soumise au principe de la présomption d’innocence, non applicable à la procédure d’interdiction d’accès, qui avait une visée préventive et non punitive et où de simples soupçons suffisaient pour retenir une menace pour la sécurité et l’ordre publics. Eu égard à sa situation financière très précaire reposant essentiellement sur l’aide des services sociaux et communautaires, les soupçons qu’il puisse commettre d’autres infractions étaient justifiés.

La mesure était fondée dans son principe. L’étendue territoriale était justifiée. La durée de la mesure devait en revanche être réduite à neuf mois compte tenu qu’il s’agissait de la première arrestation de M. A______, pour un vol portant sur des montants de peu d’importance.

10) Par acte remis à la poste le 30 décembre 2022 et reçu le 3 janvier 2023, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à ce qu’il soit libéré de toute mesure d’interdiction de périmètre. Subsidiairement, il devait être assigné pour une durée de six mois au centre-ville de Genève et autorisé à se rendre à ses rendez-vous médicaux pour le cas où ils se trouveraient en-dehors du périmètre d’assignation.

Le MP avait relevé dans son ordonnance pénale qu’un des deux individus apparaissant dans les images de vidéosurveillance portait un casque audio de marque « Marshall » identique à celui dont M. D______ avait également dénoncé le vol. Or, c’était l’autre individu qui était porteur du casque.

Il avait formé opposition à sa condamnation et une audience d’instruction devant le MP avait été appointée au 14 février 2023.

Il n’existait pas de soupçons suffisants pour justifier une mesure de l’art. 74 LEI.

Alternativement, la mesure était disproportionnée. Sa durée devait être réduite à six mois et il devait être assigné au centre-ville de Genève.

M. A______ produisait notamment un extrait de quelques secondes de l’enregistrement de vidéosurveillance d’un magasin montrant un homme portant un casque audio et une casquette blanche en train de payer des produits d’hygiène corporelle, à côté duquel se tiennent un second homme portant un sac à dos et, à l’écart, un personnage de petite taille.

11) Le 5 janvier 2023, le commissaire de police a conclu au rejet du recours.

Le soupçon de commission d’infractions était suffisant et des infractions à la LEI pouvaient être prises en compte.

12) Le 6 janvier 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il ne faisait l’objet que de soupçons. L’ordonnance pénale n’était qu’une proposition de condamnation. Le MP ne l’avait même pas entendu. Sa culpabilité n’avait pas été examinée par un tribunal indépendant et impartial. La police n’indiquait pas que le sac aurait été volé par deux individus. Aucun objet de provenance douteuse n’avait été saisi à son domicile. Il n’était pas porteur du casque audio et n’avait lui-même pas utilisé la carte volée. La vidéosurveillance constituait le seul indice et ne le montrait qu’en présence de l’auteur matériel probable des infractions.

La mesure le contraignait à quitter son logement et à dormir dans la rue en plein hiver.

Il produisait une attestation des HUG du 5 janvier 2023 indiquant qu’il était régulièrement suivi depuis janvier 2022 par les médecins et infirmières du service de médecine de premier recours.

13) Le 6 janvier 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 3 janvier 2023 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3) Est litigieuse l’interdiction de pénétrer dans tout le territoire cantonal pendant neuf mois.

a. À teneur de l’art. 10 al. 2 2ème phr. LaLEtr, la chambre de céans est compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle en cette matière.

b. Au terme de l'art. 74 al. 1 LEI, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas pénétrer dans une région déterminée notamment lorsque l'étranger est frappé d'une décision de renvoi ou d'expulsion entrée en force et que des éléments concrets font redouter qu'il ne quittera pas la Suisse dans le délai prescrit ou qu'il n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire (let. b). L’assignation à un territoire ou l’interdiction de pénétrer un territoire peut également être prononcée lorsque l’étranger n’est pas titulaire d’une autorisation de courte durée, d’une autorisation de séjour ou d’une autorisation d’établissement et trouble ou menace la sécurité et l’ordre publics; cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants (let. a).

c. Si le législateur a expressément fait référence aux infractions en lien avec le trafic de stupéfiants (art. 74 al. 1 let. a LEI), cela n'exclut toutefois pas d'autres troubles ou menaces à la sécurité et l'ordre publics (ATF 142 II 1 consid. 2.2 et les références), telle par exemple la violation des dispositions de police des étrangers (arrêts du Tribunal fédéral 2C_123/2021 du 5 mars 2021 consid. 3.1 ; 2C_884/2021 du 5 août 2021 consid. 3.1.). Le simple soupçon qu'un étranger puisse commettre des infractions dans le milieu de la drogue justifie une mesure prise en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI ; de tels soupçons peuvent découler du seul fait de la possession de stupéfiants destinés à sa propre consommation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_123/2021 du 5 mars 2021 et les arrêts cités).

d. La mesure doit en outre respecter le principe de la proportionnalité. Tel que garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), il exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6 et les références citées).

e. L'art. 74 LEI ne précise ni la durée ni l'étendue de la mesure. Selon le Tribunal fédéral, celle-ci doit dans tous les cas répondre au principe de proportionnalité, soit être adéquate au but visé et rester dans un rapport raisonnable avec celui-ci (ATF 142 II 1 consid. 2.3). Elle ne peut donc pas être ordonnée pour une durée indéterminée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1). Des durées inférieures à six mois ne sont guère efficaces (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 précité consid. 4.2) ; des mesures d'une durée d'une année (arrêt du Tribunal fédéral 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 3.2), voire de deux ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.5) ont été admises.

L'interdiction de pénétrer peut s'appliquer à l'entier du territoire d'un canton (arrêts du Tribunal fédéral 2C_231/2007 du 13 novembre 2007 ; 2A.253/2006 du 12 mai 2006), même si la doctrine relève que le prononcé d'une telle mesure peut paraître problématique au regard du but assigné à celle-ci (Tarkan GÖKSU, op. cit., p. 725 n. 7). La portée de l'art. 6 al. 3 LaLEtr, qui se réfère à cette disposition et en reprend les termes, ne peut être interprétée de manière plus restrictive. C'est en réalité lors de l'examen du respect par la mesure du principe de la proportionnalité que la question de l'étendue de la zone géographique à laquelle elle s'applique doit être examinée.

f. La chambre de céans a confirmé l’interdiction de tout le territoire du canton pour une durée de douze mois pour un recourant vivant illégalement en Suisse depuis trente ans, initialement assigné au canton de Vaud dans le cadre d’une procédure d’asile, qui faisait valoir une relation avec son amie à Genève et des projets de mariage, qui était sans domicile fixe et avait récemment à nouveau commis un vol, précisant qu’il ne formait pas de communauté conjugale et pourrait voir son amie dans un autre canton (ATA/1236/2021 du 16 novembre 2021).

Elle a confirmé le jugement du TAPI réduisant l’interdiction territoriale infligée à une ressortissante roumaine de douze à neuf mois et, géographiquement, de manière qu’elle puisse accompagner à l’école sa fille mineure avec laquelle elle vivait (ATA/871/2021 du 27 août 2021).

Elle a confirmé l’interdiction de tout le territoire du canton pour une durée de douze mois infligée à un recourant initialement attribué au canton de Genève dans le cadre de la procédure d’asile mais objet d’une décision de renvoi définitive et dépourvu de titre de séjour en Suisse, en raison du risque de réitération d’infractions à la LStup (ATA/1371/2020 du 30 décembre 2020).

Elle a admis le caractère disproportionné d’une interdiction de territoire privant un recourant d’accès au domicile de son amie, chez laquelle il était effectivement domicilié et avec laquelle des démarches en vue du mariage étaient en cours (dépôt d’une demande d’autorisation de séjour en vue de mariage ; ATA/668/2020 du 13 juillet 2020).

De même, elle a jugé contraire au droit l’interdiction de tout le canton de Genève notifiée à un recourant qui avait entamé des démarches auprès de l’OCPM pour l’obtention d’un titre de séjour en vue de mariage et auprès de l’état civil pour reconnaître sa fille, et dont la réalité de la relation n’avait pas été mise en cause par le TAPI (ATA/1171/2019 du 22 juillet 2019).

Elle a confirmé, dans le cas d’un ressortissant français qui avait fait l’objet d’une condamnation pour le vol d’un téléphone portable non encore entrée en force, qui n’avait pas d’antécédents judiciaires et disposait de très faibles moyens, mais avait pris un emploi de boulanger et avait produit une attestation d’annonce de cette prise d’emploi, sans avoir toutefois obtenu encore de réponse de l’OCPM, une interdiction de périmètre étendue à tout le canton, mais assortie sur opposition par le TAPI d’une exception devant permettre au recourant de se rendre à son travail et réduite de douze à trois mois. Il ne s'agissait pas d'infractions en lien avec le trafic de stupéfiants, ni de brigandage, de lésions corporelles intentionnelles ou de dommages à la propriété, l'intéressé était au bénéfice d'un emploi dans le canton et ne présentait pas d'antécédents judiciaires en Suisse. Bien que d'une durée relativement courte, la mesure paraissait apte et suffisante pour protéger l'ordre et la sécurité publics dans le périmètre déterminé par le TAPI (ATA/1566/2019 du 24 octobre 2019).

4) a. En l'espèce, le principe d’une mesure d’interdiction de périmètre est fondé au vu de l’absence de titre de séjour du recourant et de sa condamnation pénale pour vol et usage abusif d’un ordinateur, soit deux crimes au sens de l’art. 10 al. 2 CP.

Le recourant fait valoir que sa condamnation n’est pas encore entrée en force et qu’il a formé opposition contre l’ordonnance de condamnation. Il n’est toutefois pas déterminant que la condamnation ne soit pas encore entrée en force s’agissant de déterminer le risque de commission d’infractions, dès lors que l’autorité est en présence de soupçons fondés sur des indices concrets.

Le recourant conteste tout lien avec le vol du sac à dos et soutient qu’il n’était que présent lorsqu’un individu a payé avec la carte volée. La chambre de céans observe que les achats ont eu lieu dans le quartier des Eaux-Vives attenant au lieu où le vol a été commis et peu après celui-ci. À la police, le recourant s’est reconnu sur les images de vidéosurveillance. Il a admis fréquenter régulièrement le « E______ Genève ». Lorsque l’image du dénommé « H______ » lui a été présentée, il a admis le connaître, précisant qu’il « était parti de Genève actuellement » et ajoutant : « Vous me demandez si j’étais avec lui sur le E______, je vous réponds qu’il m’est arrivé d’être avec lui à cet endroit effectivement. Je ne connais pas son nom. J’étais avec lui dans un foyer à Plan-les-Ouates en septembre. » Il a encore indiqué que celui-ci lui avait acheté des cigarettes. Le MP semble avoir retenu la coactivité voire la complicité à l’endroit du recourant, quand bien même ce dernier n’aurait pas lui-même soustrait le sac, effectué le geste de payer avec la carte volée ni porté lui-même le casque audio.

L’ensemble de ces circonstances suffisait ainsi pour permettre au commissaire de police de retenir un risque de commission d’infractions.

b. Le recourant fait valoir qu’il est domicilié à Genève depuis un an. Il perd de vue qu’il ne possède aucun titre lui permettant de demeurer sur le territoire du canton et qu’il fait l’objet d’une décision de renvoi immédiatement exécutoire lui impartissant un délai au 2 décembre 2022 pour quitter la Suisse, à laquelle il n’a pas donné suite.

Il est par ailleurs seul à Genève, sans ressources, et dépend de l’aide sociale. Il ne soutient pas avoir des attaches familiales ou amicales à Genève. Il a certes expliqué devant le TAPI s’être à Genève « fait des amis » mais sans plus de précisions. Il expose être suivi notamment par le service des dépendances et être dépendant de la prescription de « Lyrica » en lien avec ses angoisses.

Ainsi que l’a justement observé le TAPI, la réduction du périmètre d’interdiction par une assignation à résidence au centre-ville de Genève n’aurait pas de portée compte tenu de la décision de renvoi de Suisse ayant produit ses effets le 2 décembre 2022. À cela s’ajoute que son efficacité serait douteuse, le recourant étant poursuivi pour des agissements commis au centre-ville et la mesure ayant précisément pour but d’éviter qu’il les y réitère, s’agissant d’infractions contre le patrimoine et non de trafic de stupéfiants, souvent lié à des zones déterminées (arrêt du Tribunal fédéral 2C_793/2018 du 13 mars 2019 consid. 3.5.3).

Lorsqu’il devra comparaître devant le MP et s’il lui fallait consulter un médecin à Genève, il sera loisible au recourant de demander un sauf-conduit.

Dans ces conditions, l’extension à tout le territoire du canton de la mesure d’interdiction territoriale apparaît adéquate et nécessaire pour atteindre le but de protection de l’ordre et de la sécurité publics, et proportionnée au sens étroit.

c. La durée de la mesure paraît enfin apte et nécessaire pour protéger l'ordre et la sécurité publics dans le canton de Genève du risque de commission d’infractions sur le territoire cantonal par le recourant, et ce nonobstant le fait qu’il n’a été condamné qu’une fois à ce jour et que sa condamnation n’est pas définitive. L’interdiction de périmètre ne comporte qu’une atteinte à la liberté personnelle relativement légère. Il n’y a pas lieu de la réduire en l’espèce, à peine de la priver de son effet dissuasif, étant rappelé qu’une durée de six mois a été considérée comme un minimum (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.2).

Partant, le recours sera rejeté et la décision du commissaire de police confirmée.

5) La procédure étant gratuite, aucun émolument de procédure ne sera prélevé (art. 87 al. 1 LPA). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 décembre 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 décembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Léonard Micheli-Jeannet, avocat du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :