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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/26850/2020

ACJC/1062/2024 du 03.09.2024 sur JTBL/464/2023 ( OBL ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 07.10.2024, 4A_531/24
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/26850/2020 ACJC/1062/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MARDI 3 SEPTEMBRE 2024

 

Entre

 

Madame A______, domiciliée ______ et

Madame B______ domiciliée ______, Monaco et

Monsieur C______, domicilié ______,

appelants d'un jugement du Tribunal des baux et loyers rendu le 7 juin 2023, représentés par Me Nicolas CUENOUD, avocat, rue De-Candolle 17, case postale 166,
1211 Genève 12,

 

et

 

Monsieur D______, intimé, représenté par Me Olivier FAIVRE, avocat, rue de la Rôtisserie 2, 1204 Genève.

 

 


EN FAIT

A. a.a Par jugement JTBL/464/2023 du 7 juin 2023, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a validé le congé notifié le 27 novembre 2020 pour le 31 mars 2021 à A______, B______ et C______ concernant l'appartement de 3.5 pièces situé rue 1______ no. ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), n'a accordé aucune prolongation de bail (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

a.b En substance, le Tribunal a d'abord admis que A______, B______ et C______ étaient devenus de plein droit titulaires du bail litigieux suite au décès de E______ en leur qualité d'héritiers de ce dernier.

S'agissant ensuite de la validité du congé, le Tribunal a concentré son examen sur la question de savoir si A______ avait fait ménage commun avec E______ dans le logement litigieux avant le décès de celui-ci. Il a ainsi, d'une part, constaté que E______ avait quitté le logement – et la Suisse – en 2008, voire à tout le moins en 2017 et, d'autre part, qu'à ces dates il était dès lors impossible que A______ ait fait ménage commun avec lui.

Le Tribunal a estimé que le congé litigieux ne pouvait être considéré comme abusif, dans la mesure où il avait été notifié pour la prochaine échéance ordinaire de bail et que le bailleur s'était fondé sur le fait que le locataire n'occupait plus l'appartement dans lequel il souhaitait désormais effectuer des travaux.

Malgré la proximité temporelle entre la connaissance de l'occupation réelle du logement et la notification du congé, le bailleur gardait le droit de résilier le bail afin d'en conclure un nouveau avec un locataire de son choix.

En termes de prolongation de bail, le Tribunal a estimé que les moyens financiers de A______ rendaient peu probable le fait qu'elle ait habité dans le logement litigieux – comportant seulement trois pièces – avec ses deux filles et son époux, avant leur divorce. Qui plus est, A______ était propriétaire, par le biais de sa société, d'un appartement en France voisine et n'avait pas été en mesure de démontrer avoir entrepris une quelconque démarche en vue de trouver une solution de relogement.

Finalement, le Tribunal a constaté que A______, B______ et C______ avaient en réalité bénéficié d'une prolongation de bail de deux ans, compte tenu de la durée de la procédure, et n'a dès lors accordé aucune prolongation de bail supplémentaire.

b.a Par acte déposé au greffe de la Cour de Justice le 12 juillet 2023, A______, B______ et C______ (ci-après : les locataires ou les appelants) ont formé appel du jugement précité et conclu principalement à son annulation et, cela fait, statuant à nouveau, à l'annulation de la résiliation du bail litigieuse du 27 novembre 2020, à la condamnation de D______ en tous les frais et dépens ainsi qu'à son déboutement de toutes autres, contraires, ou plus amples conclusions.

Subsidiairement, ils ont conclu à ce que le jugement entrepris soit annulé et mis à néant, à ce qu'une prolongation de bail de quatre ans leur soit accordée, à ce que D______ soit condamné en tous les frais et dépens et à ce qu'il soit débouté de toutes autres, contraires, ou plus amples conclusions.

b.b Les appelants ont reproché au Tribunal d'avoir constaté les faits de manière inexacte d'une part, et violé le droit, d'autre part. 

Le Tribunal aurait tout d'abord erré en considérant que A______ n'habitait pas le logement litigieux à titre principal. Cette dernière s'y serait en réalité installée définitivement depuis sa séparation en 2005 et, depuis lors, se serait acquittée de l'intégralité des factures y relatives. Elle aurait également obtenu la modification du nom figurant sur la plaquette nominative de l'immeuble.

Par ailleurs, c'est à tort que le Tribunal aurait retenu que le motif du congé, communiqué par D______ un an après la notification de la résiliation du bail, était véridique. Selon les appelants, le réel motif du congé avait été construit de toutes pièces sur la base d'un rapport commandé en vue de la présente procédure.

Concernant la violation du droit, les appelants ont fait grief au Tribunal d'avoir nié à A______ la protection conférée par l'art. 271a al. 1 let. f CO. Ils soutiennent que c'est à tort que les premiers juges ont retenu qu'une condition nécessaire pour pouvoir bénéficier de la protection de l'article précité était celle d'avoir fait ménage commun avec le défunt.

Par ailleurs, les appelants reprochent au Tribunal d'avoir violé l'art. 271 CO en lien avec le motif du congé communiqué en cours de procédure. Le motif invoqué, consistant à dire que l'appartement n'était pas occupé par le locataire depuis plusieurs années et que personne n'y habitait à titre principal, trouverait son origine dans un rapport établi plus d'une année après la notification du congé. Ils considèrent, en somme, que le motif communiqué ne correspond pas au motif réel.

Finalement, ils argumentent à titre subsidiaire au sujet de l'octroi d'une prolongation de bail qui devrait être – compte tenu de la durée du bail et du fait que A______ et ses filles y habitent à titre principal – de quatre ans. Ils considèrent également que c'est à tort que le Tribunal leur a reproché de ne pas avoir entrepris de démarches en vue de trouver une solution de relogement, dans la mesure où ils avaient contesté le congé.

c.a Par réponse expédiée le 24 août 2023, D______ (ci-après : le bailleur ou l'intimé) a conclu à la validation du congé, au refus de toute prolongation de bail ainsi qu'au déboutement des appelants de toutes autres conclusions.

c.b S'agissant du grief de la constatation inexacte des faits, l'intimé soutient que les pièces produites par les appelants ne permettaient pas de conclure que A______ avait toujours habité le logement litigieux. En effet, le paiement allégué de factures ainsi que le changement de nom sur la plaquette nominative n'étaient pas propres à démontrer l'existence d'une résidence à titre principal. Par ailleurs, à l'appui de ce qui précède, l'intimé relève qu'il est improbable que A______ ait pu vivre dans le logement litigieux de 3.5 pièces, avec ses deux filles et ses deux parents.

En droit, l'intimé soutient la position du Tribunal en considérant que la protection conférée par l'art. 271a al. 1 let. f CO est réservée à l'héritier qui faisait ménage commun – à titre principal – avec le de cujus dans le logement litigieux avant son décès. Le fait d'avoir fait ménage commun avec le défunt serait dès lors une condition sine qua non de l'annulation du congé.

L'intimé relève également que le logement serait en tout état suroccupé, dans la mesure où il ressortirait de la procédure que trois adultes y seraient domiciliés, alors qu'il ne comporterait qu'une seule chambre, ce qui constitue pour lui un inconvénient majeur.

Pour le surplus, l'intimé a constaté que les appelants n'avaient entrepris aucune démarche en vue de trouver une solution de relogement, ce qui justifierait – déjà – qu'aucune prolongation de bail ne leur soit accordée.

d. Les appelants ont répliqué en date du 2 octobre 2023 et l'intimé a dupliqué
par acte expédié le 8 novembre 2023. Tous ont persisté dans leurs conclusions et développements juridiques.

Par courrier du 24 novembre 2023, les appelants ont contesté les éléments contenus dans la duplique de l'intimé et persisté dans leurs écritures.

e. Les parties ont été informées par plis séparés du 19 décembre 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents de la cause sont les suivants :

a. Le 10 mars 1976, E______ a pris à bail un appartement de 3.5 pièces situé rue 1______ no. ______ à Genève.

Le bail a été conclu pour une durée initiale d'un an, du 1er avril 1976 au 31 mars 1977, renouvelable ensuite tacitement d'année en année sauf résiliation respectant un préavis de trois mois.

Le loyer a été fixé en dernier lieu à 1'131 fr. par mois, charges comprises.

L'immeuble est géré par la régie F______ (ci-après : la régie).

b. E______ s'est marié à B______.

Le couple a eu deux enfants, C______ et A______.

c. E______ et son épouse ont officiellement quitté la Suisse le 15 juillet 2017 pour s'établir à Monaco.

Toutefois, depuis 2003, ils ont vécu en alternance entre Monaco et Genève et se sont établis à Monaco dès 2008, année au cours de laquelle ils ont pris à bail un appartement sur place.

d. E______ est décédé le ______ 2019 à Monaco, laissant pour héritiers son épouse et ses deux enfants.

e. Le 29 octobre 2020, le conseil de A______ a averti la régie du décès de E______ en l'informant que sa mandante vivait dans l'appartement et qu'elle avait acquis de plein droit les droits et obligations résultant du bail conclu avec son défunt père. Il était ainsi demandé à la régie de rédiger un contrat de bail au nom de A______.

f. Le 19 novembre 2020, le conseil du bailleur a répondu avoir été surpris d'apprendre le décès de E______ une année après sa survenance et a précisé que le contrat de bail s'était poursuivi avec la communauté héréditaire.

g. Par avis officiels du 27 novembre 2020 notifiés aux héritiers de feu E______, le bailleur a résilié le bail pour le 31 mars 2021.

h. Par requête déposée le 23 décembre 2020 par-devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, déclarée non conciliée lors de l'audience du 21 septembre 2021 et portée devant le Tribunal le 20 octobre 2021, A______, B______ et C______ ont conclu, principalement, à l'annulation du congé et, subsidiairement, à l'octroi d'une prolongation de bail de quatre ans.

A______, B______ et C______ ont notamment produit des factures G______ [opérateur téléphonique] du 1er janvier 2018 au 31 août 2021, des SIG du 26 octobre 2017 au 26 août 2021 et de SERAFE du 1er janvier 2019 au 28 février 2022, établies au nom de A______ à l'adresse de l'appartement et démontrant selon eux, au vu de leur teneur et de leur montant, que l'appartement était occupé de façon régulière.

i. Par mémoire réponse du 13 décembre 2021, D______ a conclu à la validité du congé et au refus de l'octroi d'une prolongation de bail.

Il a notamment soutenu qu'aucun des héritiers ne cohabitait avec le titulaire du bail avant le décès de celui-ci, ce dernier ayant au surplus quitté la Suisse deux ans avant sa mort. A titre subsidiaire, il a allégué que le motif du congé résidait dans le fait que l'appartement n'était plus occupé par le locataire depuis plusieurs années, que depuis son départ, l'appartement semblait occupé aléatoirement et qu'il souhaitait entreprendre des travaux d'entretien dans le logement afin de pouvoir le remettre en location à des personnes qui y séjourneraient réellement et à un loyer abordable. Au surplus, l'appartement apparaissait comme sur-occupé puisqu'il serait habité par trois adultes alors qu'il ne disposait que d'une seule chambre, ce qui constituait un inconvénient majeur selon lui.

A l'appui de ses allégations, le bailleur a produit un rapport de l'agence de détectives H______ établi le 14 juillet 2021 duquel il ressort notamment que :

-       A______ s'était mariée le ______ 1995, avait eu deux filles et avait divorcé le 2 mai 2017 à I______ [France];

-       Elle avait été domiciliée à la rue 1______ no. ______ du 25 mars 1976 au 15 août 2002, à la rue 2______ no. ______ du 16 août 2002 au 30 juillet 2003, et à nouveau à la rue 1______ no. ______ depuis le 1er août 2003, au même titre que ses deux filles;

-       Depuis le 6 juillet 2017, elle était la seule titulaire de l'abonnement SIG de l'appartement litigieux;

-       A______, sa mère, ses filles, son ex-mari et J______ recevaient du courrier à l'adresse litigieuse;

-       Seul le nom de A______ apparaissait sur la plaquette de la boîte aux lettres et de la porte palière;

-       A______ était propriétaire à travers sa société d'un appartement situé à K______ (France);

-       Elle était administratrice de plusieurs sociétés et réaliserait des revenus bruts annuels en 2019 de 240'000 fr.

j. Des audiences se sont tenues les 3 mai 2022, 13 décembre 2022, 7 février 2023 et 21 mars 2023 devant le Tribunal.

Les locataires ont déposé des pièces complémentaires dont des preuves de paiement du loyer par A______ depuis à tout le moins le mois de janvier 2019, un contrat de bail de 2008 pour la location d'un appartement à Monaco par feu E______, des échanges de courriels de mars 2015 entre A______ et la régie au sujet du changement du nom sur la plaquette de la boîte aux lettres afin d'y faire figurer le nom de A______ aux côtés de ceux de ses parents, des échanges de courriels entre A______ et la régie de 2018 et 2019 au sujet de travaux à entreprendre dans l'appartement et une demande de A______ à la régie de juin 2020 de changer la plaquette de la boite aux lettres afin que seul son nom y apparaisse.

A______ a déclaré qu'elle avait vécu dans l'appartement depuis 1976. Elle s'était mariée en 1995 mais était restée "plus ou moins" dans l'appartement. Son mari possédait deux appartements à Genève et ils vivaient ensemble à la rue 3______ mais elle avait toujours gardé son adresse à la rue 1______ no. ______. En 2004 ou 2005, elle et son époux avaient déménagé à P______ puis s'étaient séparés en 2005. Depuis lors, elle habitait à la rue 1______ no. ______. Ses filles avaient habité avec elle jusqu'en 2012 ou 2013 puis étaient revenues vivre avec elle. Ses filles, son ex-mari et elle-même recevaient du courrier à l'adresse de la rue 1______. Elle a confirmé qu'entre 2003 et 2017, il était arrivé que cinq personnes occupent l'appartement qui était composé de deux chambres à coucher, d'une grande cuisine, d'un grand séjour et d'une grande entrée. Elle a encore déclaré se rendre dans l'appartement situé à K______ pendant le week-end, étant précisé qu'elle travaillait pour L______ SA, société ayant son siège à M______ [GE].

N______, habitant également l'immeuble sis rue 1______ no. ______, a déclaré qu'il connaissait A______ en tant que voisine, qu'il la croisait de temps en temps depuis plusieurs années. Il croisait également E______ avant son décès et avait vu B______ deux fois en l'espace de six mois.

O______, détective auprès de l'agence H______, a déclaré qu'il avait observé les allées et venues de deux jeunes filles dans l'appartement – à l'exclusion de toute autre personne – durant ses pointages qui avaient été effectués aléatoirement à des heures différentes entre le 15 juin et le 12 juillet 2021, pendant environ 30 minutes. Il n'avait jamais vu quelqu'un de l'âge de A______, tout en précisant qu'il ne savait pas à quoi celle-ci ressemblait. L'appartement de K______, propriété de la société de A______, avait été acquis à l'usage d'habitation en décembre 2015 et comportait 6 pièces.

k. Par mémoires de plaidoiries finales des 5 et 15 mai 2023, les parties ont persisté dans leurs conclusions, les locataires produisant de nouvelles factures G______, SERAFE et SIG pour les années 2021, 2022 et 2023 ainsi que la preuve du paiement du loyer par A______.

Les parties ont déposé des observations complémentaires le 1er juin 2023, après quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.              1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC ; Jeandin in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2e éd., 2019, N 13 ad art. 308 CPC ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1 ; 136 III 196 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

1.2 En l'espèce, le loyer annuel relatif à l'appartement litigieux s'élève à 13'572 fr. La valeur litigieuse s'élève dès lors à 40'716 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte dans la mesure où la valeur minimale de 10'000 fr. nécessaire est atteinte.

1.3 Interjeté contre une décision finale de première instance, dans le délai utile de 30 jours et selon la forme prescrite par la loi, l'appel est recevable (art. 130, 131, 142ss, 145 al. 1 let. b, 308 al. 2 et 311 al. 1 CPC).

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1) ; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. Dans un premier grief, les appelants reprochent au Tribunal d'avoir constaté les faits pertinents de la cause de façon inexacte.

2.1 La "constatation inexacte des faits" mentionnée à l'art. 310 let. b CPC habilite l'instance supérieure à revoir les faits sans restriction, ce qui découle de la nature ordinaire de la voie de l'appel, en vertu de laquelle le litige se continue pour ainsi dire devant l'instance supérieure (Jeandin, op. cit., N 6 ad art. 310).

2.2 En l'espèce, les éléments soulevés par les appelants ne tendent pas à critiquer une constatation inexacte des faits retenus, puisque ces éléments ont été pris en considération par le Tribunal dans le jugement attaqué.

En effet, les faits mentionnés sous lettres H à J du jugement entrepris – et repris au considérant 6.d) EN DROIT dudit jugement, ainsi que dans la partie EN FAIT du présent arrêt – reprennent l'intégralité des déclarations des appelants au sujet des diverses adresses de domicile de A______ ainsi que de la date à laquelle celle-ci a officiellement communiqué aux autorités cantonales sa domiciliation à la rue 1______ no. ______. Par ailleurs, les démarches entreprises par A______ afin d'obtenir le changement du nom sur les plaquettes des boîtes aux lettres de l'immeuble et l'exécution de travaux ont été prouvées. Finalement, le Tribunal a également constaté le fait que les loyers et factures des SIG, SERAFE ainsi que de téléphonie étaient acquittés par A______.

Compte tenu de ce qui précède, les appelants se plaignent en réalité d'une appréciation erronée des preuves laquelle sera examinée ci-après.

Par ailleurs, s'agissant du motif invoqué à la base du congé litigieux, les appelants soutiennent que celui-ci n'était pas connu par l'intimé au moment de la notification du congé et dès lors qu'il n'était pas apte à fonder la résiliation du bail. En définitive, les appelants reprochent au Tribunal d'avoir erré dans l'examen de la validité du congé (cf. infra consid. 3) et non d'avoir constaté les faits de manière inexacte.

3. Les appelants reprochent au Tribunal d'avoir violé le droit, en tant que celui-ci aurait constaté la validité du motif du congé communiqué à l'appui de la résiliation du bail, sur la base de faits qui étaient alors inconnus du bailleur.

S'agissant de la question de la validité du congé au regard de l'art. 271 CO, les appelants soutiennent que le motif invoqué par l'intimé ne correspondrait pas au motif réel.

3.1
3.1.1
Lorsque le bail est de durée indéterminée, chaque partie est en principe libre de résilier le contrat pour la prochaine échéance convenue en respectant le délai de congé prévu (cf. art. 266a al. 1 CO ; ATF 140 III 496 consid. 4.1 ; 138 III 59 consid. 2.1). La résiliation ordinaire du bail ne suppose donc pas l'existence d'un motif de résiliation particulier (art. 266a al. 1 CO), et ce même si elle entraîne des conséquences pénibles pour le locataire (ATF 141 III 496 consid. 4.1 ; 138 III 59 consid. 2.1).

La seule limite à la liberté contractuelle des parties découle des règles de la bonne foi : lorsque le bail porte sur une habitation ou un local commercial, le congé est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO ; cf. également art. 271a CO ; ATF 140 III 496 consid. 4.1 ; 138 III 59 consid. 2.1).

3.1.2 Aux termes de l'art. 271 CO, le congé est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne foi.

La protection accordée par l'art. 271 al. 1 CO procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC), tant il est vrai qu'une distinction rigoureuse ne se justifie pas en cette matière (ATF 120 II 31 ; arrêt du Tribunal fédéral 4C_170/2004 du 27 août 2004). Les cas typiques d'abus de droit (absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, disproportion grossière des intérêts en présence, exercice d'un droit sans ménagement, attitude contradictoire) justifient l'annulation du congé ; à cet égard, il n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de l'auteur du congé puisse être qualifiée d'abus de droit « manifeste » au sens de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 120 II 105 ; arrêt du Tribunal fédéral 4C_170/2004 précité).

Le but de la réglementation des art. 271 et 271a CO est uniquement de protéger le locataire contre des résiliations abusives et n'exclut pas un congé même si l'intérêt du locataire au maintien du bail paraît plus important que celui du bailleur à ce qu'il prenne fin ; seule une disproportion manifeste des intérêts en jeu, due au défaut d'intérêt digne de protection du bailleur, peut rendre une résiliation abusive (ATF 136 III 190 consid. 2 ; 132 III 737 consid. 3.4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_414/2009 du 9 décembre 2009 consid. 3.1 et 4A_322/2007 du 12 novembre 2007 consid. 6 ; ACJC/1292/2008 du 3 novembre 2008).

Le congé doit être considéré comme abusif s'il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection. Est abusif le congé purement chicanier dont le motif n'est manifestement qu'un prétexte (ATF 135 III 112 consid. 4.1 ; 120 II 31 consid. 4a ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_735/2011 du 16 janvier 2012 consid. 2.2 et 4C_411/2006 du 9 février 2007 consid. 2.1).

3.1.3 La loi prévoit que le congé doit être motivé si l'autre partie le demande (art. 271 al. 2 CO). La motivation du congé ne constitue donc pas une condition de sa validité.

L'absence de motivation véridique ou complète peut toutefois constituer un indice que le motif réel du congé est contraire à la bonne foi (ATF 125 III 231 consid. 4b). S'il est par contre admis que le motif réel de résiliation - qui seul entre en considération - était légitime, le congé ne peut être annulé, puisque seul le mensonge qui masque un dessein abusif justifie l'application de l'art. 271 al. 1 CO (arrêt du Tribunal fédéral 4C_85/2006 du 24 juillet 2006 consid. 2.1.2).

Le caractère abusif ou non de la résiliation s'apprécie au moment où l'auteur du congé manifeste sa volonté de mettre un terme au contrat. Le motif avancé pour résilier le bail ne peut ainsi pas devenir contraire aux règles de la bonne foi parce qu'il cesserait d'exister par la suite (ACJC/1410/2023 du 23 octobre 2023 consid. 5.1.3 ; Lachat, op. cit., N 12 ad art. 271 CO).

Lorsqu'il doit déterminer le motif réel d'un congé, le juge doit procéder à une appréciation de toutes les preuves qui lui sont apportées. Des faits postérieurs au congé peuvent éclairer la volonté du bailleur au moment où il a résilié le bail. Il n'existe aucun principe juridique qui interdirait de prendre en compte des faits postérieurs en vue de reconstituer ce que devait être la volonté réelle au moment déterminant (ATF 133 III 61 consid. 2.2.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_241/2010 du 10 août 2010 consid. 2.1.6 et 4A_518/2010 du 16 décembre 2010 consid. 2.4.1).

Le bailleur peut invoquer plusieurs motifs à l'appui de la résiliation, pour autant que ces motivations multiples soient compatibles les unes avec les autres. Il suffit que l'un des motifs ne soit pas contraire à la bonne foi pour que le congé soit validé (arrêt du Tribunal fédéral 4C_365/2006 du 16 janvier 2007 consid. 3.2 ; Conod, in Commentaire pratique du droit du bail à loyer et à ferme, 2ème édition, 2017, N 44 ad art. 271 CO).

La partie qui demande l'annulation du congé doit rendre à tout le moins vraisemblable la mauvaise foi de la partie adverse. Il n'appartient pas au bailleur de démontrer sa bonne foi car cela reviendrait à renverser le fardeau de la preuve (ATF 135 III 112 consid. 4.1 ; 120 II 105 consid. 3c). Contrairement à ce qui prévaut lorsque le bailleur résilie le bail de manière anticipée – cas dans lequel le fardeau de la preuve de son besoin propre incombe au bailleur, – il appartient au locataire, qui est le destinataire de la résiliation, de supporter les conséquences de l'absence de preuve d'un congé contraire aux règles de la bonne foi. Le bailleur qui résilie et qui doit motiver le congé a toutefois le devoir de collaborer loyalement à la manifestation de la vérité en fournissant tous les éléments en sa possession nécessaires à la vérification du motif invoqué par lui (arrêt du Tribunal fédéral 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid 4.4.2).

3.1.4 Chaque partie doit, si la loi ne prescrit pas le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC). Un fait n'est établi que si le juge en est convaincu (arrêts du Tribunal fédéral 4A_491/2008 du 4 février 2009 consid. 3 ; 5C.63/2002 du 13 mai 2002 consid. 2). Le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC). Ce faisant, le tribunal décide d'après sa conviction subjective personnelle si les faits se sont produits ou non, c'est-à-dire s'ils sont prouvés ou non (Hohl, Procédure civile, Tome I, 2001, n. 1105). Le juge forge sa conviction sur la base de sa seule appréciation de toutes les preuves qui auront été réunies au cours de la phase probatoire (ATF 132 III 109 consid. 2 ; Jeandin, L'administration des preuves, in Le Code de procédure civile, aspects choisis, 2011, p. 93).

L'appréciation des preuves par le juge consiste, en tenant compte du degré de la preuve exigé, à soupeser le résultat des différents moyens de preuves administrés et à décider s'il est intimement convaincu que le fait s'est produit, et partant, s'il peut le retenir comme prouvé (arrêt du Tribunal fédéral 5A_812/2015 du 6 septembre 2015 consid. 5.2).

En tant que règle sur la répartition du fardeau de la preuve, l'art. 8 CC détermine laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve d'un fait pertinent. Lorsque le juge ne parvient pas à constater un fait dont dépend le droit litigieux, il doit alors statuer au détriment de la partie qui aurait dû prouver ce fait (ATF 132 III 689 consid. 4.5; 129 III 189 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_566/2015 du 8 février 2016 consid. 4.3).

3.1.5 Selon l'art. 271a al. 1 let. f CO, le congé d'un bail d'habitation est notamment annulable lorsqu'il est signifié par le bailleur au locataire en raison de changements dans la situation familiale de celui-ci, sans que ces changements n'entraînent d'inconvénients majeurs pour celui-là.

En cas de décès du locataire, cette protection contre le congé est conférée aux membres de sa famille qui habitaient avec lui et qui lui succèdent dans la relation contractuelle (Conod, op. cit., N 54 ad art. 271a CO ; Favre / Burkhalter, Le droit suisse du bail à loyer, 2011, N 62-64 ad art. 271a CO). Dans le cas d'un enfant adulte succédant au locataire décédé, le bénéfice de cette protection est donc réservé à une personne habitant le logement à titre principal, et refusé à celle qui ne séjournait que de manière intermittente avec le défunt ou qui ne séjourne pas ou plus avec ce dernier (arrêt du Tribunal fédéral 4A_34/2017 du 18 avril 2017 consid. 5).

La protection du locataire est ainsi réservée à la personne qui faisait ménage commun avec le défunt et continue d'habiter ledit logement (arrêts du Tribunal fédéral 4A_282/2021 du 29 novembre 2021 consid. 4.4 et les références citées ; 4A_141/2018 du 4 septembre 2018 consid. 4.1 ; 4A_689/2016 du 28 août 2017 consid. 4.1 ; 4A_516/2016 du 28 août 2017 consid. 8.1 ; 4A_347/2017 du 21 décembre 2017 consid. 3.1 ; 4A_34/2017 du 18 avril 2017 consid. 5 ; 4A_195/2016 du 9 septembre 2016 consid. 1.2).

La Cour, dans une jurisprudence récente, a retenu qu'un héritier de la défunte locataire, qui s'était beaucoup occupé de sa mère jusqu'à la veille de son décès y compris en logeant chez celle-ci deux ou trois nuits par semaine tout en ayant continué de disposer d'un autre logement et en faisant régulièrement la navette entre les deux logements, ne faisait pas ménage commun avec la défunte avant le décès de celle-ci ; la situation était celle d'un héritier qui ne séjournait que de manière intermittente avec la défunte et qui ne bénéficiait pas de la protection accordée par l'art. 271a al. 1 let. f CO (ACJC/258/2019 du 25 février 2019 consid. 2.1, 2.2 et 3.1).

C'est au locataire de prouver le lien de causalité entre la modification de la situation familiale et le congé et au bailleur d'établir les inconvénients majeurs (Conod, op. cit., N 59 ad art. 271a CO).

Dans un arrêt récent, la Cour a confirmé que la condition du ménage commun avec le défunt avant son décès était nécessaire à l'octroi de la protection conférée par l'art. 271a al. 1 let. f CO. L'habitation seule et à titre principal n'étant, en soi, pas suffisante sans que l'héritier qui se prévaut de l'article précité n'ait fait ménage commun avec le défunt, titulaire du bail (ACJC/44/2023 du 16 janvier 2023 consid. 3.3).

3.2.1 Dans le cas d'espèce, le congé notifié aux appelants le 27 novembre 2020, pour le 31 mars 2021, ne comportait pas l'indication du motif fondant la résiliation du bail.

A réception de l'avis de résiliation, les appelants n'ont pas sollicité la motivation du congé de la part du bailleur. Cependant, plusieurs motifs ont été indiqués dans le mémoire de réponse de l'intimé du 13 décembre 2021. Ce procédé étant admissible, la communication du motif fondant la résiliation du bail ne prête pas le flanc à la critique.

Le bailleur a indiqué plusieurs motifs qui ne sont manifestement pas contradictoires entre eux, à savoir d'une part le fait que feu E______ avait quitté la Suisse deux ans avant son décès et, d'autre part, qu'il souhaitait entreprendre des travaux dans l'appartement litigieux.

Ainsi, si le logement n'était pas occupé par le titulaire du contrat de bail depuis près de deux ans, il était impossible qu'un héritier ait pu faire ménage commun avec lui ou son épouse – également titulaire du bail litigieux – avant son décès.

En effet, les dates pertinentes suivantes permettent de confirmer la véracité du motif de congé invoqué, ainsi que sa validité. Le Tribunal a constaté que feu E______ et son épouse – titulaires du bail litigieux – avaient vécu en alternance entre Genève et Monaco depuis 2003, s'étaient établis à Monaco dès 2008, avaient pris à bail un appartement sur place et avaient officialisé leur départ de Genève le 15 juillet 2017, soit plus de deux ans avant le décès de E______ en décembre 2019.

Les pièces versées à la procédure ainsi que les déclarations des parties, qui n'ont pas été contestées, ont permis de démontrer ces éléments. Tout d'abord, le courrier du 29 octobre 2020, par lequel les appelants ont informé le bailleur du décès de E______, se réfère expressément à un départ de celui-ci à Monaco où il résidait officiellement.

Ce point en particulier est corroboré par les enquêtes menées par l'agence H______ qui a sollicité une attestation de l'Office cantonal de la population et des migrations qui confirme le départ officiel de E______ pour l'étranger en 2017.

Partant, si E______ n'était pas domicilié et ne résidait pas à Genève le jour de son décès, la Cour de céans ne peut que constater que les appelants ne peuvent nullement se prévaloir de la protection de l'art. 271a al. 1 let. f CO.

Au sujet de la domiciliation à titre principal de A______, il convient de relever qu'il a été retenu que depuis sa séparation en 2005 – alors que ses parents vivaient en alternance entre Genève et Monaco – elle avait obtenu le changement de nom sur la plaquette nominative de l'immeuble et s'acquittait seule de toutes les factures relatives à l'appartement, dont celles afférentes aux loyers. Les appelants soutiennent que le Tribunal ne pouvait en aucun cas retenir qu'elle habitait en réalité dans l'appartement sis en France voisine que sa société détenait, car celui-ci se situait bien trop loin du lieu de son travail.

Toutefois, l'intimé a relevé les contradictions auxquelles se sont livrés les appelants, dans la mesure où il a été démontré que A______ avait en réalité officiellement habité en plusieurs lieux entre 1995 et 2005, alors qu'elle avait conservé son adresse à la rue 1______ no. ______.

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal n'a pas erré dans son appréciation des preuves au sujet de la question de la domiciliation à titre principal de A______. En effet, bien que les éléments versés à la procédure aient été admis par le Tribunal, celui-ci ne pouvait que constater que A______ n'avait pas toujours effectivement résidé à la rue 1______ no. ______, alors qu'elle y était officiellement domiciliée.

Or, la jurisprudence constante du Tribunal fédéral exige la réalisation de deux conditions cumulatives nécessaires à l'application de l'art. 271a al. 1 let. f CO. Ce dernier article est applicable dans l'hypothèse où l'héritier du de cujus a vécu à titre principal dans le logement litigieux qu'il partageait avec le défunt avant son décès, à savoir qu'ils avaient fait durablement ménage commun.

Comme déjà relevé, feu E______ avait officiellement quitté la Suisse le 15 juillet 2017.

Aussi, lors de la notification du congé, feu E______ avait officiellement quitté la Suisse depuis trois ans déjà.

Il ne peut dès lors être valablement soutenu que A______ aurait fait ménage commun avec les titulaires du bail depuis le 15 juillet 2017 à tout le moins – voire auparavant à bien comprendre les déclarations des appelants.

Lorsque A______ a sollicité que le bail soit mis à son nom en octobre 2020, E______ était décédé depuis presque une année et n'occupait de surcroît plus l'appartement litigieux depuis son départ pour Monaco le 15 juillet 2017.

Conformément aux principes rappelés supra, la condition du ménage commun du vivant du de cujus est nécessaire à l'application de l'art. 271a al. 1 let. f CO. C'est dès lors à juste titre que le Tribunal a retenu que les appelants ne pouvaient pas se prévaloir de cette disposition in casu.

Partant, le jugement sera confirmé sur ce point.

5. Concernant la prolongation du bail, les appelants soutiennent que le fait qu'ils n'ont procédé à aucune recherche de logement ne peut leur être reproché, dans la mesure où la procédure a été introduite en vue de faire annuler le congé.

5.1 Aux termes de l'art. 272 al. 1 CO, le locataire peut demander une prolongation de bail lorsque la fin du bail aurait pour lui ou sa famille des conséquences pénibles, sans que les intérêts du bailleur le justifient.

A teneur de l'art. 272b al. 1 CO, le bail d'habitation peut être prolongé de quatre ans au maximum et celui des locaux commerciaux de six ans. Dans ces limites, une ou deux prolongations peuvent être accordées.

Le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), s'il y a lieu de prolonger le bail et, dans l'affirmative, pour quelle durée. Il doit procéder à la pesée des intérêts en présence et tenir compte du but d'une prolongation, consistant à donner du temps au locataire pour trouver des locaux de remplacement (ATF 125 III 226 consid. 4b) ou à tout le moins pour adoucir les conséquences pénibles résultant d'une extinction du contrat (ATF 116 II 446 consid. 3b). Il lui incombe de prendre en considération tous les éléments du cas particulier, tels que la durée du bail, la situation personnelle et financière de chaque partie, leur comportement, de même que la situation sur le marché locatif local (art. 272 al. 2 CO ; ATF 136 III 190 consid. 6 et les arrêts cités ; 135 III 121 consid. 2 ; 125 III 226 consid. 4b).

L'absence de recherche pour trouver un nouveau logement est un facteur qui entre en ligne de compte dans la pesée des intérêts (ATF 125 III 226 consid. 4c ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_159/2018 du 11 juillet 2018 consid. 3.1 ; Conod, op. cit., N 12 ad art. 272 CO).

Une situation de pénurie ne suffit notamment pas pour dispenser le locataire d'entreprendre des démarches assidues et persistantes (DB 1992 N 26 ; Conod, op.cit., N 39 ad art. 272 CO).

5.2 En l'espèce, il est constant que le bail litigieux avait été conclu avec feu E______ et B______ en 1976, soit il y a 48 ans environ. Il peut dès lors être considéré que le bail a été en vigueur pendant une longue durée.

Cependant, le fait que les appelants n'ont procédé à aucune démarche en vue de trouver une solution de relogement ne peut pas être justifié. En effet, ceux-ci se sont vu notifier le congé en date du 27 novembre 2020 et ont bénéficié d'une prolongation de fait de plus de trois ans pour entreprendre des démarches en vue de tenter de trouver une solution de remplacement. Ce qu'ils n'ont manifestement pas fait.

Cette absence de recherche, au motif qu'ils plaident l'annulation du congé, est dès lors injustifiée et doit être prise en compte dans le cadre de la pesée des intérêts.

Par ailleurs, les appelants font valoir qu'il ne saurait être retenu que A______ pouvait en réalité habiter dans l'appartement sis en France voisine, détenu par sa société. Cela au motif que cet appartement se situerait loin du lieu de travail de la précitée, ce qui l'obligerait à effectuer des trajets quotidiens conséquents. Cependant, cet argument ne convainc pas la Cour, également au vu du fait qu'il apparaît vraisemblable que A______ n'habite pas les locaux litigieux de manière constante et que son intérêt à y demeurer paraît douteux.

En effet, devant le Tribunal, celle-ci a admis occuper l'appartement de K______ à tout le moins durant les week-ends. Rien n'indique dès lors qu'elle ne pourrait l'occuper plus largement. A ce sujet, les arguments développés concernant la durée excessive des trajets que devrait effectuer A______ pour se rendre sur son lieu de travail ne peuvent être suivis. Il s'agit en effet d'une réalité commune à de nombreuses personnes travaillant en Suisse et logeant en France (ou vice-versa) qui ne peut dès lors être retenue en vue de l'octroi d'une prolongation de bail.

Pour le surplus, comme relevé ci-avant, les appelants ont bénéficié d'une prolongation de bail de plus de trois ans compte tenu de la durée de la présente procédure.

Il ne leur sera dès lors pas accordé de prolongation supplémentaire pour les motifs qui ont été exposés ci-dessus.

Compte tenu de ce qui précède, le jugement entrepris sera entièrement confirmé.

6. En application de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,

La Chambre des baux et loyers :


A la forme
 :

Déclare recevable l'appel interjeté le 12 juillet 2023 par A______, B______ et C______ contre le jugement JTBL/464/2023 rendu le 7 juin 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/26850/2020.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente ; Mesdames Pauline ERARD et Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges ; Madame Sibel UZUN et Monsieur Serge PATEK, juges assesseurs ; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours : 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à
15'000 fr.