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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/16444/2019

ACJC/44/2023 du 16.01.2023 sur JTBL/985/2021 ( OBL ) , JUGE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16444/2019 ACJC/44/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 16 JANVIER 2023

 

Entre

FONDATION DE LA COMMUNE DE A______ POUR LE LOGEMENT, ayant son siège c/o Mairie de A______, ______, appelante, comparant par
Me Zena GOOSSENS-BADRAN, avocate, avenue Léon-Gaud 5, case postale,
1211 Genève 12, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile,

 

et

 

1) Madame B______, domiciliée ______,
2) Monsieur C______, domicilié ______, intimés, tous deux représentés par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle ils ont fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/985/2021 du 25 novembre 2021, notifié aux parties le 26 novembre 2021, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a annulé le congé notifié par la FONDATION DE LA COMMUNE DE A______ POUR LE LOGEMENT à B______ et à C______ concernant l'appartement de 2 pièces situé au 3ème étage de l'immeuble sis no. ______, rue 1______, à A______ [GE] (ch. 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3, recte ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4, recte ch. 3).

B. a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 14 janvier 2022, la FONDATION DE LA COMMUNE DE A______ POUR LE LOGEMENT (ci-après, la bailleresse ou l'appelante) a formé appel contre ce jugement. Elle a conclu à l'annulation du jugement entrepris, à la validité du congé donné le 19 juin 2019 pour le 31 décembre 2019 et à ce que toute prolongation du contrat de bail soit refusée. Elle a également pris des conclusions visant à ce que B______ et C______ soient condamnés à restituer immédiatement le studio situé au 3ème étage de l'immeuble sis no. ______, rue 1______, à A______, et à ce qu'elle soit autorisée à requérir immédiatement leur évacuation et celle de tout tiers dont ils seraient responsables par la force publique. A titre subsidiaire, elle a conclu à l'annulation du jugement et au renvoi de la cause au Tribunal.

Elle a allégué des faits nouveaux en indiquant que B______ était devenue propriétaire, aux côtés de son père, de l'appartement sis no. ______, avenue 2______ à G______ [GE] et produit deux pièces nouvelles (pièces 21 et 22 app.), à savoir un extrait du Registre foncier daté du 14 janvier 2022 et une publication de la Feuille d'avis officielle du ______ août 2021 confirmant cette acquisition en communauté héréditaire.

b. Dans leur réponse à l'appel du 17 février 2022, B______ et C______ (ci-après, les locataires ou les intimés) ont conclu au déboutement de l'appelante de ses conclusions et à la confirmation du jugement entrepris.

B______ a contesté être propriétaire de l'appartement sis à l'avenue 2______, précisant n'en être que nue-propriétaire, son père en ayant l'usufruit à teneur des dispositions testamentaires rédigées par feu D______ le 22 avril 2015 et produites (pièce 23 int.) à l'appui de sa réponse.

c. Le 14 mars 2022, la bailleresse a répliqué et conclu à l'irrecevabilité de cette dernière pièce, produite tardivement ; elle a contesté la valeur probante de celle-ci et l'existence d'un usufruit sur cet appartement. Elle a persisté dans ses précédentes conclusions.

d. Par duplique du 4 avril 2022, les intimés ont confirmé la validité du testament produit le 17 février 2022 en produisant le certificat d'héritiers établi par Me E______, notaire, le 22 juillet 2019 (pièce 24 int.), toute en persistant dans leurs précédentes conclusions.

e. Le 14 avril 2022, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

f. Par détermination du 19 avril 2022, la bailleresse a conclu à l'irrecevabilité de la pièce 24 int., produite hors délai.

C. Les éléments suivants ressortent de la procédure :

a. La FONDATION DE LA COMMUNE DE A______ POUR LE LOGEMENT (ci-après : la FONDATION) est propriétaire de l'immeuble sis no. ______, rue 3______, à A______ depuis le ______ décembre 2008. Elle a pour but statutaire de mettre ou d'aider à mettre à disposition de la population de A______ des logements confortables à loyers correspondant aux besoins de la population, notamment au bénéfice des législations cantonales et fédérales à but social.

A teneur de l'article 3 du Règlement du 18 juin 2009, modifié le 19 juin 2012, concernant l'attribution et la gestion des logements de la FONDATION (ci-après : le Règlement), les critères d'attribution d'un logement sont notamment les suivants : a) mauvaises conditions de logement au jour de l'attribution, eu égard notamment au nombre d'enfants et de personnes à charge, ainsi qu'à l'âge ou à un handicap, ou à la situation économique du demandeur, b) situation personnelle d'urgence, c) locataire actuel d'un logement de la FONDATION (rocades), d) domicile actuel de longue date dans la commune, e) personne ayant quitté la commune après un séjour prolongé (min. 10 ans) ou ayant habité la commune pendant la période de scolarité obligatoire, personne originaire de la commune, f) parenté directe domiciliée dans la commune ou domicile professionnel sur la commune, g) implication dans les activités communales à titre bénévole.

La durée de validité d'une inscription auprès de la FONDATION est d'une année, les personnes susceptibles de louer un logement étant invitées à maintenir leur inscription ou à le mettre à jour (art. 2 du Règlement).

b. Selon contrat daté du 26 avril 1995, l'ancienne bailleresse, puis en dernier lieu la FONDATION DE LA COMMUNE DE A______ POUR LE LOGEMENT à compter du 23 décembre 2008, était liée par un bail avec D______ portant sur un logement - qualifié alternativement de studio ou d'appartement de 2 pièces - au 3ème étage de l'immeuble sis no. ______, rue 3______, à A______.

Les locaux étaient destinés à l'habitation exclusivement. Le bail était conclu pour une durée initiale d'une année débutant le 1er mai 1995 et se terminant le 31 mai 1996. Il s'est ensuite tacitement renouvelé, d'année en année, puis un bail à loyer indexé de cinq ans a été conclu à compter du 1er janvier 2004, renouvelé pour une période de 5 ans, dès le 1er janvier 2009, selon avis de majoration de loyer du 2 septembre 2008.

Cet avis a fixé le loyer annuel à 10'680 fr., plus 1'200 fr. de provisions pour charges dès le 1er janvier 2019 et prévoit une clause de reconduction du bail annuelle à l'issue de l'indexation.

c. Le 8 août 2018, D______ s'est officiellement domiciliée à l'avenue 2______, no. ______, à G______, où elle apparaissait en qualité de copropriétaire d'un logement aux côtés de son mari, C______, à teneur de l'extrait du Registre foncier versé à la procédure.

d. Par courrier adressé à la Commune de A______ le 21 octobre 2018, D______ a sollicité que le bail de l'appartement puisse être mis au nom de sa fille ou en qualité de colocataire, expliquant cette requête qu'en raison de sa santé et son âge, elle était susceptible de devoir quitter l'appartement. Elle relevait que sa fille était de plus en plus présente pour l'aider, était attachée à ce logement et souhaitait le reprendre.

Le Conseil de fondation a refusé cette demande lors de sa séance du 20 novembre 2018 au motif que le Règlement devait trouver application dans le présent cas au départ de la locataire.

La bailleresse a informé D______ du rejet de sa demande le 10 janvier 2019; elle invitait cette dernière à renouveler l'inscription de sa fille au fichier des demandes d'appartements de la FONDATION pour qu'elle demeure prioritaire au regard des critères d'attribution des logements par le Conseil de fondation, et à mettre à jour sa domiciliation, qui se trouvait sur la Commune de G______. H______, président du Conseil de Fondation de la bailleresse, a exposé que la priorité évoquée dans ce courrier n'avait pas trait au logement litigieux mais à un autre logement d'utilité publique, susceptible d'être proposé dans un autre immeuble de la FONDATION.

Le 22 janvier 2019, D______ a informé la bailleresse qu'elle se domiciliait à nouveau à A______.

e. D______ est décédée le ______ 2019, laissant pour seuls héritiers légaux son époux, C______, et sa fille, B______, selon certificat d'héritiers établi par notaire le 22 juillet 2019.

La régie en a été informée par courrier de B______ du 5 mai 2019; cette dernière y indiquait faire ménage commun avec sa mère et sollicitait le transfert du bail à son nom.

f. En réponse à la demande de la régie du 14 mai 2019 sollicitant l'envoi d'un certificat d'héritiers, B______ a renouvelé, le 22 mai 2019, sa demande de reprendre le bail à son nom, expliquant vivre avec sa mère depuis de nombreuses années à A______ et n'avoir pas pensé devoir changer sa domiciliation d'enfance sise au no. ______, avenue 2______ à G______; elle rappelait son attachement à la commune de A______ et n'avoir pas d'autre solution de logement.

Etaient joints à son envoi un acte de décès, un courrier du notaire confirmant les démarches en cours pour l'établissement d'un certificat d'héritiers, le livret de famille et une attestation de l'Office cantonal de la population et des migrations confirmant sa domiciliation au no. ______, avenue 2______ à G______, depuis sa naissance.

g. Par avis officiel du 19 juin 2019, la bailleresse a résilié le bail du logement pour la prochaine échéance contractuelle du 31 décembre 2019. Le courrier accompagnant cet avis précisait qu'elle souhaitait reprendre possession du bien jadis occupé par feu D______.

Le courrier et l'avis officiel ont été notifiés séparément à C______ et à B______ à l'adresse des locaux loués, sis no. ______, rue 3______, à A______, ainsi qu'à l'avenue 2______, no. ______, à G______.

Le 11 septembre 2019, la régie a précisé que la bailleresse souhaitait attribuer le logement à un locataire de son choix, parmi les nombreuses demandes de logement qu'elle recevait et figurant sur une liste d'attente.

I______, secrétaire auprès de la bailleresse, a adressé à la régie deux courriels les 28 mai et 31 mai 2019 dans lesquels il a exprimé la volonté de la bailleresse de pouvoir attribuer les logements au décès d'un locataire, selon les critères d'attribution que cette dernière avait définis, B______ n'étant pas prioritaire et ne figurant qu'en douzième position dans son listing.

H______ a précisé que ce rang dans la liste d'attente s'examinait à l'aune des critères d'attribution fixés par le Règlement dont le premier point était celui d'être domicilié sur la commune; la date de la demande ne comptait pas, mais un non-renouvellement de la demande était pris en considération.

h. Dans un courrier adressé à la FONDATION le 4 juillet 2019, B______ a exposé que sa mère vivait sur la commune de A______ depuis 25 ans et que depuis les problèmes de santé de cette dernière rencontrés il y avait quelques années, elle s'était installée provisoirement avec elle dans l'appartement litigieux pour l'aider et la soutenir, installation devenue ensuite définitive; sa mère, pour des raisons de mobilité et de santé, avait dû quitter le logement pour passer sa dernière année à l'Hôpital J______; en accord avec sa mère, elle prenait en charge le paiement du loyer; il était essentiel que son logement se situe à proximité de celui de son père, âge de 87 ans; ce dernier ne pouvait l'aider financièrement, car il devait couvrir des frais hospitaliers conséquents liés au séjour en hôpital de sa femme, envisageant de vendre son appartement sis à l'avenue 2______, no. ______, à G______.

Lors de son audition, B______ a indiqué qu'elle s'était installée dans le logement objet du litige de manière permanente depuis en tous cas 10 ans.

i. Le 23 juillet 2019, la FONDATION a répondu négativement à la demande de soutien de C______ de la candidature de sa fille; elle a exposé que la FONDATION, afin d'éviter toute pression ou passe-droit et d'éviter toute confiscation d'un appartement par le locataire initial, avait édicté un règlement fixant les critères d'attribution des logements et permettant de donner la priorité aux candidats inscrits en liste d'attente; sa fille figurait sur cette liste mais était placée après d'autres candidats habitant officiellement sur la Commune depuis plus de 20 ans et impliqués dans les activités communales.

j. B______ a refusé une proposition de relogement d'un appartement d'utilité publique de 2,5 pièces à la rue 3______ pour un loyer de 641 fr. 50 par mois, plus 80 fr. de charges, faite par le service social de la Commune de A______, selon une note du 25 septembre 2019, dont le contenu a été confirmé par K______, signataire de cette note, lors de son audition comme témoin.

k. Par requête déposée auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers le 16 juillet 2019, B______ et C______ ont contesté le congé. La tentative de conciliation du 4 février 2020 ayant échoué, ils ont saisi le Tribunal le 5 mars 2020. A l'appui de leur requête, ils ont conclu, principalement, à l'annulation du congé notifié le 19 juin 2019 pour le 31 décembre 2019 et, subsidiairement, à l'octroi d'une prolongation de bail de quatre ans échéant le 31 décembre 2023, à ce qu'ils soient autorisés à restituer les locaux en tout temps, moyennant un préavis de quinze jours pour le 15 ou la fin d'un mois.

Ils ont allégué que B______ était venue s'établir au domicile de sa mère pour s'en occuper au quotidien depuis une dizaine d'années environ, l'état de santé de sa mère, née en 1937, justifiant la présence d'un proche-aidant; si elle avait conservé son adresse officielle auprès du logement de son père sis à l'avenue 2______, no. ______ à G______, c'était par inadvertance; elle s'était depuis lors domiciliée officiellement à la rue 3______, no. ______, à A______, ce qui résultait d'une attestation de l'Office cantonal de la population du 25 septembre 2019; sa situation financière était difficile, étant bénéficiaire de l'Hospice général dont elle percevait des prestations mensuelles d'un montant de 2'656 fr. par mois dont 400 fr. à titre de prime versée directement à l'assureur maladie et 990 fr. couvrant le loyer et les charges.

Le congé donné était contraire à la bonne foi dès lors que B______ était résidente de la commune de A______ de longue date, depuis plus de 10 ans et que sa situation répondait au but inscrit de la bailleresse ; il consacrait également une disproportion des intérêts en présence.

l. Dans sa réponse du 8 juin 2020, la FONDATION a conclu, sur demande principale, à la validité du congé, au refus de toute prolongation de bail et, sur demande reconventionnelle, à la condamnation des locataires à la restitution immédiate du studio situé au 3ème étage de l'immeuble sis rue 3______, no. ______, à A______ et à ce qu'elle soit autorisée à requérir leur évacuation immédiate par la force publique.

Elle a soutenu que B______ avait changé de domicile à compter du 1er juillet 2019 et était officiellement devenue résidente de la Commune de A______ depuis le 25 septembre 2019; à teneur du Registre foncier, C______ était propriétaire de son logement sis à l'avenue 2______, no. ______, à G______.

Le congé ne consacrait aucune disproportion des intérêts en présence, dès lors qu'elle souhaitait mettre à disposition le logement à un locataire de son choix, en tenant compte de la liste des attributions qu'elle détenait et selon un processus entériné en 2009 dans un règlement interne; ce dernier prévoyait un traitement par ordre de priorité qui plaçait B______ en 12ème position sur la liste d'attente, cette dernière n'étant pas domiciliée dans la Commune au décès de sa mère; C______ était propriétaire du logement familial.

Aucune prolongation de bail ne devait être accordée : il ne pouvait être retenu que B______ avait vécu avec sa mère dans le studio depuis de nombreuses années n'y étant pas domiciliée; cette dernière avait refusé une proposition de logement à un loyer plus bas en septembre 2019.

m. Dans leur réponse sur demande reconventionnelle du 27 juillet 2020, les locataires ont allégué que la domiciliation de D______ résultait d'une erreur administrative intervenue durant la période pendant laquelle elle était hospitalisée et en fin de vie. Ils ont conclu, à titre subsidiaire, à l'irrecevabilité des mesures d'exécution, la composition du Tribunal n'étant pas conforme à celle prévue à l'art. 30 al. 2 et al. 3 LaCC.

n. Lors de l'audience du Tribunal du 6 octobre 2020, B______ a déclaré que le choix des mots figurant dans le courrier signé de la main de sa mère, rédigé le 21 octobre 2018, avait été fait à deux. Si sa mère avait indiqué qu'elle était de « de plus en plus présente » dans le logement, c'est en raison du fait qu'elle n'avait peut-être pas osé dire que sa fille était présente au vu des éventuelles conséquences possibles. En réalité, cela faisait une dizaine d'années qu'elle résidait de façon permanente dans le logement; elle avait commencé à s'occuper petit à petit de sa mère, puis de plus en plus jusqu'à s'établir complètement chez elle.

Elle avait procédé à son changement d'adresse après la notification du congé, ce qui démontrait qu'elle avait agi par inadvertance puisqu'elle était bien domiciliée dans la commune; cela s'expliquait aussi parce qu'elle vivait seule dans l'appartement au départ de sa mère. Elle ne s'expliquait pas pourquoi elle n'avait pas procédé à son changement d'adresse auparavant.

Elle a expliqué être très intégrée à la vie du village et auprès des commerçants, A______ étant son centre de vie; elle appréciait les avantages de se trouver à la campagne, à quelques minutes du centre-ville.

Le studio étant spacieux et disposant d'une mezzanine, elle y avait installé son lit où elle dormait, sa mère occupant le futon du bas; elle aidait sa mère en effectuant les courses, le ménage, en l'aidant par rapport à sa mobilité réduite et en la soutenant moralement dès lors qu'elle souffrait de problèmes psychologiques. Avec l'âge, les séquelles au niveau de la hanche d'un ancien accident de voiture avaient empiré. Les quelques années avant qu'elle ne soit hospitalisée, sa mère ne sortait pratiquement plus, les montées d'escaliers étant très difficiles. Les toutes dernières années, elle vivait seule dans l'appartement. Lors des trois dernières années, elle avait dû cesser d'aider sa mère en raison d'un licenciement moralement difficile.

C______ a indiqué que les trois dernières années, son ex-épouse était revenue vivre chez lui et faisait des allers-retours entre l'hôpital et son domicile, ne pouvant plus loger chez elle, situation qui a perduré jusqu'à son hospitalisation de longue durée; elle disposait d'une chambre pour elle-même et il s'occupait d'elle avec le soutien des Services d'aide et de maintien à domicile. Sa fille habitait avant avec lui, cette dernière n'ayant jamais eu d'autre logement que le sien ou celui de feu sa mère.

Les locataires ont déposé des pièces complémentaires, à savoir un certificat médical daté du 30 septembre 2020 établi par M______, psychiatre, ce dernier estimant que l'état psychologique de B______ ne devait plus être exposé aux séparations évitables et qu'un déménagement devait être évité à tout prix au risque d'une décompensation psychologique sévère, des attestations de poste restante convenue par B______ avec l'Office de poste de A______ de 2012 à 2017 et 2019, et divers courriers postaux (N______ [opérateur téléphonie], O______ [opérateur téléphonie mobile], bulletins de salaire, P______ [carte de crédit], Fondation de libre passage Q______) expédiés au chemin 3______, no. ______ en 2013, 2016, 2017, 2019, à l'attention de B______.

o. Trois témoins ont été entendus le 19 janvier 2021.

R______, locataire dans l'immeuble depuis 40 ans logeant au 2ème étage, a déclaré avoir eu l'occasion de croiser dans les escaliers ou aux boîtes-aux-lettres feue D______. Elle croisait très régulièrement et de la même manière que sa mère B______ depuis de nombreuses années, mais également à l'épicerie du village. Il était clair que cette dernière vivait dans cet appartement depuis 10 à 15 ans. B______ avait vécu avec sa mère et elle les croisait l'une ou l'autre, sans avoir le souvenir de les avoir vues ensemble. Lors des 10-15 dernières années, elle avait beaucoup croisé B______, ayant moins vu sa mère qui était malade.

I______, secrétaire externe du Conseil de fondation de la bailleresse depuis 2008, a confirmé être notamment chargé de l'attribution des logements auprès de la FONDATION.

Le premier critère d'attribution fixé dans le Règlement était celui de la domiciliation sur la Commune; le registre de l'Office cantonal de la population et de la migration faisait foi, s'agissant notamment de la durée effective de résidence sur la Commune; le critère de domiciliation s'inscrivait en droite ligne du but de la FONDATION consistant à fournir des logements à loyers raisonnables à ses habitants; une personne qui n'était pas domiciliée sur la Commune pouvait s'inscrire sur le registre, mais n'était pas prioritaire. B______ n'était donc pas prioritaire lors de son inscription sur la liste à la fin 2018, n'étant pas résidente de la Commune; elle l'était devenue en juillet 2019.

Le second critère était le cas d'une mauvaise attribution d'un logement ou d'une situation financière difficile; le troisième critère prenait en compte la durée du séjour sur la Commune, avec une priorité à l'ancienneté. En quatrième position figuraient les personnes ayant suivi leur scolarité à A______ désirant revenir s'y établir avec leur famille, les proches de résidents souhaitant se rapprocher de leur famille et les personnes investies dans des activités communales comme bénévoles.

Lors de l'attribution d'un logement, il a expliqué qu'une première épure permettait d'écarter de la liste les inscriptions ayant dépassé une année et non renouvelées. Une première distinction intervenait ensuite sur la base de la domiciliation sur la Commune permettant de créer deux groupes. B______ figurait dans le deuxième groupe au sein duquel la même hiérarchie de critères s'appliquait et devenait prioritaire au regard des deux premiers critères dès lors que le loyer était pris en charge par l'Hospice général. Il était très rare qu'un appartement ne soit pas attribué à un candidat du premier groupe. Depuis son inscription, B______ avait reçu deux propositions de logements d'utilité publique pour un 2,5 pièces et un 3 pièces; le deuxième logement avait été proposé en octobre ou novembre 2020, situé dans le même quartier au chemin 4______ distant de cent mètres environ du logement litigieux. Le motif du refus était l'inadéquation du moment pour déménager. Si le logement litigieux n'avait pu lui être attribué, c'était que B______ ne remplissait pas les critères à ce moment-là et qu'elle l'avait occupé illégitimement bien que les critères fussent remplis à ce jour; l'idée était d'éviter un précédent. Il n'existait aucune pratique dans le cas de personnes faisant ménage commun avec une personne ensuite décédée, mais le Conseil de fondation résiliait le bail pour permettre l'application des critères d'attribution selon le Règlement.

K______, secrétaire-générale adjointe à la Commune de A______ et active depuis 2010-2011 au Service social de cette dernière, a confirmé qu'elle avait été en contact avec B______ pour lui proposer, sur demande de la FONDATION, un logement d'intérêt public de 2,5 pièces à hauteur de ses moyens sis à la rue 3______, à un loyer mensuel de 641 fr. 50 plus 80 fr. de charges, et lui avait suggéré de s'inscrire auprès de l'OCLPF et de la régie S______. B______ avait refusé cette proposition en raison de la procédure en cours et du fait qu'elle attendait une décision. Le dossier de cette dernière était passé par elle dès lors qu'il s'agissait d'une situation sociale, B______ étant assistée par l'Hospice général. Elle n'avait pas proposé d'autres logements.

p. Estimant sa conviction forgée et par appréciation anticipée des preuves, le Tribunal a, par ordonnance du 1er avril 2021, refusé l'audition de témoins supplémentaires et clôturé les débats principaux.

q. Dans leurs plaidoiries finales du 31 mai 2021, les locataires ont relevé que B______ faisait ménage commun avec sa mère depuis que l'état de santé de celle-ci s'était détérioré, il y a 10-15 ans, et que son centre de vie se trouvait bien à A______, malgré l'absence de domicile officiel dans la commune. Le congé devait donc être annulé dès lors qu'il était donné en raison d'un changement dans la situation familiale du locataire.

Le congé devait en outre être considéré comme contraire à la bonne foi, faute d'intérêt objectif et sérieux de la FONDATION : le maintien de B______ dans le logement correspondait en tous points à ses buts, la prévalence du critère du domicile ne résultant nullement du Règlement. La seule volonté d'éviter un précédent ne constituait pas un intérêt digne de protection. Il existait également une disproportion des intérêts en présence : B______ menait une vie de quartier à A______ depuis de nombreuses années et était très attachée au quartier et au studio qu'elle occupait à la rue 3______, emprunt du souvenir des moments partagés avec sa mère; sa situation financière était délicate et un déménagement, à teneur des certificats médicaux produits constituait un risque de décompensation sévère.

A titre subsidiaire, les locataires ont conclu à l'octroi d'une prolongation de bail de quatre ans en raison de l'absence d'urgence du besoin de la bailleresse, de la situation financière délicate de B______ et de la longue durée de bail de 26 ans.

Dans ses plaidoiries finales, la bailleresse a rappelé qu'en raison de son but d'utilité publique, elle souhaitait remettre le logement litigieux à un locataire de son choix, en tenant compte de la liste des attributions qu'elle détenait et selon un processus entériné en 2009 dans le Règlement qu'elle appliquait scrupuleusement. La condition de domiciliation étant nécessaire et prioritaire, B______ savait, en ne la respectant pas, qu'elle ne pouvait prétendre à une attribution; lors de son changement de domiciliation dans la Commune en juillet 2019, elle se positionnait en douzième position, d'autres personnes nécessiteuses domiciliées sur la Commune la précédant. Le fait que son père soit copropriétaire, à ses côtés, du logement familial de G______ qui disposait d'une chambre pour sa fille et le refus de cette dernière d'accepter deux propositions de relogement dans le quartier permettaient d'écarter toute disproportion des intérêts en présence, la FONDATION se devant d'être scrupuleuse et juste dans l'examen des critères d'attribution qu'elle avait définis.

B______ n'avait en outre pas démontré résider dans l'appartement depuis de nombreuses années avec sa mère, faute d'avoir été enregistrée comme habitante de l'appartement. Le refus des propositions de relogement faites et l'absence de toute recherche pour trouver à se reloger justifiaient qu'aucune prolongation de bail ne soit accordée.

r. Depuis le 6 août 2021, B______ est devenue propriétaire aux côtés de son père, en communauté héréditaire, de l'appartement sis à l'avenue 2______, no. ______ à G______.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ; il faut prendre en considération, s'il y a lieu, la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; ATF
136 III 196 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_35/2019 du 25 février 2019 consid. 6).

En l'espèce, les intimés, dans leurs dernières conclusions prises devant le Tribunal, ont conclu à l'annulation du congé et, subsidiairement, à l'octroi d'une prolongation de bail de quatre ans. Quant à l'appelante, elle a conclu, sur demande principale, à la validité du congé, au refus de toute prolongation de bail et au déboutement des locataires, et, sur demande reconventionnelle, à la condamnation des locataires à la restitution immédiate du studio.

Le loyer annuel a été fixé à 10'680 fr, charges non comprises. La valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (10'680 fr. x 3 ans = 32'040 fr.). La voie de l'appel est donc ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai prescrit et selon la forme requise par la loi, l'appel est recevable (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC).

1.3 Dans la mesure où l'instance d'appel assure la continuation du procès de première instance, elle doit user du même type de procédure et des mêmes maximes que celles applicables devant la juridiction précédente (ATF 138 III 252 consid. 2.1; JEANDIN, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 6 ad art. 316 CPC). En l'espèce, la procédure simplifiée s'applique (art. 243 al. 2 let. c CPC), s'agissant d'une procédure en contestation de congé.

La maxime inquisitoire sociale régit la procédure (art. 247 al. 2 let. a CPC).

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit et/ou constatation inexacte des faits (art. 310 CPC). Le juge d'appel dispose d'un pouvoir de cognition complet et revoit librement les questions de fait comme les questions de droit. En particulier, il contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF
138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3).

2. L'appelante et les intimés ont allégué des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles en appel.

2.1 Aux termes de l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (JEANDIN, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 6 ad art. 317 CPC).

Il ressort de cette disposition que les allégations et moyens de preuve nouveaux ne sont en principe pas recevables en appel, sauf si, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise, ces allégations et moyens de preuve ne pouvaient pas être introduits en première instance. Cette règle signifie que le procès doit en principe se conduire entièrement devant les juges du premier degré; l'appel est ensuite disponible, mais il est destiné à permettre la rectification des erreurs intervenues dans le jugement, plutôt qu'à fournir aux parties une occasion de réparer leurs propres carences (arrêt du Tribunal fédéral 4A_569/2013 du 24 mars 2014 consid. 2.3 et les références citées).

S'agissant des vrais novas, soit les faits et moyens de preuve postérieurs à la fin des débats principaux de première instance (cf. art. 229 CPC), ils sont en principe toujours admissibles en appel, pourvu qu'ils soient invoqués sans retard dès leur découverte. Quant aux pseudo nova, soit les faits et moyens de preuve qui existaient déjà au début des délibérations de première instance, leur admissibilité est largement limitée en appel: ils sont irrecevables lorsque le plaideur aurait déjà pu les introduire dans la procédure de première instance s'il avait été diligent (ATF 143 III 42 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_508/2016 du 16 juin 2017 consid. 4.1). Le plaideur qui fait valoir des pseudo nova devant l'instance d'appel doit exposer précisément les raisons pour lesquelles il ne les a pas invoqués en première instance (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1 p. 351).

Selon la jurisprudence, les faits notoires, qu'il n'est pas nécessaire d'alléguer ni de prouver (ATF 130 III 113 consid. 3.4 et les arrêts cités), sont ceux dont l'existence est certaine au point d'emporter la conviction du juge, qu'il s'agisse de faits connus de manière générale du public ou seulement du juge; il suffit qu'ils puissent être contrôlés par des publications officielles et dans la presse écrite, accessibles à chacun (ATF 137 III 623 consid. 3; 135 III 88 consid. 4.1).

A titre d'exemples, constituent des faits notoires un extrait de la Feuille d'avis officielle, les tabelles d'évolution du taux de référence applicables aux contrats de bail, des relevés météorologiques de l'Office fédéral de météorologie et les statistiques officielles de l'Office cantonal de la statistique concernant les loyers des logements, documents issus pour la plupart de publications officielles et tous accessibles à chacun (ACJC/1845/2020 consid. 2.2).

2.2.1 En l'espèce, l'appelante a produit le 14 janvier 2022 un extrait du Registre foncier et une publication dans la Feuille d'avis officielle (FAO) et allégué que l'intimée était, depuis le 6 août 2021, devenue propriétaire aux côtés de son père, en communauté héréditaire, de l'appartement sis à l'avenue 2______, no. ______ à G______.

Ces faits résultent directement de publications accessibles à tous. Il s'agit donc de faits notoires ne nécessitant pas d'être prouvés. Ils sont en outre survenus postérieurement au dépôt des plaidoiries finales de première instance et ne pouvaient donc être allégués auparavant. Ces allégués nouveaux sont donc recevables.

2.2.2 Les intimés ont produit en appel un testament olographe de D______ du 22 avril 2015 (pièce 23 int.), ainsi qu'un certificat d'héritier du 22 juillet 2019 (pièce 24 int.) dont ils déduisent que l'intimée ne serait que nu-propriétaire de l'appartement sis à l'avenue 2______, no. ______, à G______, son père en ayant obtenu l'usufruit par disposition testamentaire. Bien que ces pièces aient été produites en réponse aux allégués nouveaux évoqués en appel par l'appelante, l'usufruit dont se prévaut l'intimé sur le logement ne résulte pas de manière certaine des pièces 23 et 24 int., un doute subsistant sur le respect de la forme authentique liée à la constitution de cet usufruit.

Cela étant, la question de la recevabilité de ces pièces nouvelles et l'existence d'un usufruit en faveur de l'intimé peuvent demeurer indécis, ce dernier élément n'apparaissant pas décisif, ni déterminant pour la résolution du litige.

3. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir constaté les faits de manière inexacte en retenant que B______ vivait depuis une dizaine d'années dans le logement litigieux auprès de sa mère sans que cela ne soit contesté et qu'elle y avait vécu à titre principal durant une dizaine d'années dont la majeure partie avec feu sa mère. Il devait au contraire être retenu qu'elle n'y avait séjourné que de manière intermittente avec cette dernière, avant de s'y installer en l'absence de celle-ci, si bien qu'elle ne devait pas être mise au bénéfice de la protection de l'art. 271a al. 1 let. f CO.

3.1 Chaque partie doit, si la loi ne prescrit pas le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC). Un fait n'est établi que si le juge en est convaincu (arrêts du Tribunal fédéral 4A_491/2008 du 4 février 2009 consid. 3; 5C.63/2002 du 13 mai 2002 consid. 2). Le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC). Ce faisant, le tribunal décide d'après sa conviction subjective personnelle si les faits se sont produits ou non, c'est-à-dire s'ils sont prouvés ou non (HOHL, Procédure civile, Tome I, 2001, n. 1105). Le juge forge sa conviction sur la base de sa seule appréciation de toutes les preuves qui auront été réunies au cours de la phase probatoire (ATF 132 III 109 consid. 2; JEANDIN, L'administration des preuves, in Le Code de procédure civile, aspects choisis, 2011, p. 93).

L'appréciation des preuves par le juge consiste, en tenant compte du degré de la preuve exigé, à soupeser le résultat des différents moyens de preuves administrés et à décider s'il est intimement convaincu que le fait s'est produit, et partant, s'il peut le retenir comme prouvé (arrêt du Tribunal fédéral 5A_812/2015 du 6 septembre 2015 consid. 5.2).

En tant que règle sur la répartition du fardeau de la preuve, l'art. 8 CC détermine laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve d'un fait pertinent. Lorsque le juge ne parvient pas à constater un fait dont dépend le droit litigieux, il doit alors statuer au détriment de la partie qui aurait dû prouver ce fait (ATF 132 III 689, consid. 4.5; 129 III 189 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_566/2015 du 8 février 2016 consid. 4.3).

3.2 Selon l'art. 271a al. 1 let. f CO, le congé d'un bail d'habitation est notamment annulable lorsqu'il est signifié par le bailleur au locataire en raison de changements dans la situation familiale de celui-ci, sans que ces changements n'entraînent d'inconvénients majeurs pour celui-là. En cas de décès du locataire, cette protection contre le congé est conférée aux membres de sa famille qui habitaient avec lui et qui lui succèdent dans la relation contractuelle (CONOD, Commentaire pratique, Droit du bail à loyer et à ferme, 2017, n. 54 ad art. 271a CO; FAVRE/BURKHALTER, Le droit suisse du bail à loyer, 2011, n. 62 à 64 ad art. 271a CO). Dans le cas d'un enfant adulte succédant au locataire décédé, le bénéfice de cette protection est donc réservé à une personne habitant le logement à titre principal, et refusé à celle qui ne séjournait que de manière intermittente avec le défunt ou qui ne séjourne pas ou plus avec ce dernier (arrêt du Tribunal fédéral 4A_34/2017 du 18 avril 2017 consid. 5). La protection du locataire est ainsi réservée à la personne qui faisait ménage commun avec le défunt et continue d'habiter ledit logement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_282/2021 du 29 novembre 2021 consid. 4.4 et références citées).

La Cour, dans une jurisprudence récente, a retenu qu'un héritier de la défunte locataire, qui s'était beaucoup occupé de sa mère jusqu'à la veille de son décès y compris en logeant chez celle-ci deux ou trois nuits par semaine tout en ayant continué de disposer d'un autre logement et en faisant régulièrement la navette entre les deux logements - ne faisait pas ménage commun avec la défunte avant le décès de celle-ci; la situation était celle d'un héritier qui ne séjournait que de manière intermittente avec la défunte, dépourvu de la protection accordée par l'art. 271a al. 1 let. f CO (ACJC/258/2019 du 25 février 2019 consid. 2.1, 2.2 et 3.1).

C'est au locataire de prouver le lien de causalité entre la modification de la situation familiale et le congé et au bailleur d'établir les inconvénients majeurs (CONOD, op.cit., n. 59 ad art. 271a CO).

3.3 En l'espèce, contrairement à ce que le Tribunal a retenu, l'appelante a contesté au chiffre ad. 5 de sa réponse que B______ faisait ménage commun avec sa mère depuis 10 ans. A ce sujet, les enquêtes ont établi que B______ vivait au domicile de son père sis à la rue 2______, no. ______, qu'elle s'était ensuite installée progressivement au domicile de sa mère, puis de manière permanente lors des dix dernières années, sans toutefois procéder à un changement de domicile auprès de l'Office cantonal de la population et de la migration. Elle y avait assisté sa mère pour effectuer des courses, le ménage et l'aider en raison de sa mobilité réduite. Le témoin R______ a confirmé qu'elle vivait avec sa mère depuis 10 à 15 ans, les croisant alternativement et très régulièrement dans les escaliers ou aux boîtes-aux-lettres. Ainsi, il doit être retenu qu'il y a bien eu ménage commun.

Toutefois, lors des trois dernières années, feu D______ avait réintégré le domicile familial de la rue 2______, no. ______, ne pouvant plus loger dans l'appartement de la rue 3______ et faisant des allers-retours entre l'hôpital et la rue 2______. L'intimée a confirmé vivre seule dans l'appartement de la rue 3______ et n'avoir pu, durant ces trois dernières années, porter une aide suffisante à sa mère. D______ a alors bénéficié de l'aide de l'intimé et des Services d'aide et de maintien à domicile. Ce déplacement définitif à la rue 2______, no. ______ s'est matérialisé par un changement officiel de domicile effectué au mois d'août 2018. Dans son courrier à la régie du 21 octobre 2018, D______ a sollicité que le bail de l'appartement puisse être mis au nom de sa fille ou en qualité de colocataire. Or, à cette date, il est établi que D______ n'occupait plus le logement querellé. Ainsi, trois ans avant le congé notifié, l'intimée et sa mère ne faisaient plus ménage commun. La situation était plutôt celle d'un transfert de bail en faveur de l'intimée, un retour de D______ à son domicile de la rue 3______ n'étant plus possible pour des raisons de santé de l'aveu même des intimés. L'habitation seule et à titre principal d'un logement sans le partager avec la locataire défunte pendant une durée de trois ans avant son décès, ne saurait répondre aux critères de l'existence d'un ménage commun au sens des jurisprudences citées ci-dessus.

Partant, c'est à tort que le Tribunal a retenu que l'intimée devait bénéficier de la protection accordée par l'art. 271a al. 1 let. f CO et a annulé le congé.

4. 4.1 Lorsque le bail est de durée indéterminée, chaque partie est en principe libre de résilier le contrat pour la prochaine échéance convenue en respectant le délai de congé prévu. Le bail est en effet un contrat qui n'oblige les parties que jusqu'à l'expiration de la période convenue; au terme du contrat, la liberté contractuelle renaît et chacune a la faculté de conclure ou non un nouveau contrat et de choisir son cocontractant. La résiliation ordinaire du bail ne suppose pas l'existence d'un motif de résiliation particulier et ce même si elle entraîne des conséquences pénibles pour le locataire (ATF 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1 p. 62).

En principe, le bailleur est libre de résilier le bail, notamment dans le but d'adapter la manière d'exploiter son bien selon ce qu'il juge le plus conforme à ses intérêts (ATF 136 III 190 consid. 3) ou encore pour utiliser les locaux lui-même ou en faveur de ses proches parents ou alliés (arrêts du Tribunal fédéral 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid. 4.3 et 4.5; 4A_18/2016 du 26 août 2016 consid. 3.3 et 4). La seule limite à la liberté contractuelle des parties découle des règles de la bonne foi : lorsque le bail porte sur une habitation ou un local commercial, le congé est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 et 271a CO).

La protection conférée par les art. 271 et 271a CO procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC).

Les cas typiques d'abus de droit, à savoir l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion grossière des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement et l'attitude contradictoire, permettent de dire si le congé contrevient aux règles de la bonne foi au sens de l'art. 271 al. 1 CO. Il n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de la partie donnant congé à l'autre constitue un abus de droit "manifeste" au sens de l'art. 2 al. 2 CC. Ainsi, le congé doit être considéré comme abusif lorsqu'il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection. Tel est le cas lorsque le congé apparaît purement chicanier, lorsqu'il est fondé sur un motif qui ne constitue manifestement qu'un prétexte ou lorsque sa motivation est lacunaire ou fausse (arrêt du Tribunal fédéral 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.2).

Pour statuer sur la validité d'un congé, il faut examiner l'intérêt qu'a le bailleur à récupérer son bien, et non pas procéder à une pesée entre l'intérêt du bailleur et celui du locataire à rester dans les locaux; cette pesée des intérêts n'intervient que dans l'examen de la prolongation du bail (arrêt du Tribunal fédéral 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.2).

4.2 L'appelante, par le biais de I______, secrétaire du conseil de Fondation de l'appelante, et de H______, président, a exposé de manière convaincante que la FONDATION souhaitait récupérer le logement de l'intimée pour l'attribuer à un locataire de son choix, parmi une liste de candidats dûment inscrits et habitant officiellement sur la Commune depuis plus de 20 ans et impliqués dans les activités communales.

Les précités ont expliqué que le critère de la domiciliation sur la Commune était déterminant, qu'il donnait une priorité d'attribution. Or, l'intimée n'était domiciliée sur la Commune qu'à compter du mois juillet 2019. La domiciliation officielle auprès de l'OCPM faisait foi et s'inscrivait dans la droite ligne du but statutaire de la FONDATION - qui est effectivement d'attribuer des logements à loyers raisonnables à disposition de la population de A______. Il existait une volonté de la FONDATION d'appliquer scrupuleusement ces divers critères tirés du Règlement pour éviter tout passe-droit ou précédent et que ce faisant le logement litigieux était destiné à l'une des personnes prioritaires portée sur la liste de candidats qu'elle détenait, l'intimée n'y figurant qu'en douzième position à l'aune des divers critères d'attribution figurant dans le Règlement. Ces motivations apparaissent légitimes et relèvent de la liberté de l'appelante de définir des critères d'attribution qui lui sont propres.

Dès lors que l'appelante était libre de résilier le bail, notamment dans le but d'adapter la manière d'exploiter son bien selon ce qu'elle jugeait le plus conforme à ses intérêts, et que l'intérêt poursuivi tel qu'exposé ci-dessus consistait à appliquer scrupuleusement les critères d'attribution définis dans le Règlement, on ne décèle pas en quoi le congé notifié aux intimés pour la prochaine échéance contractuelle serait contraire à la bonne foi. La Cour a déjà retenu de longue date le principe que le bailleur n'a pas à se prévaloir d'un besoin particulier de disposer de la chose louée et que l'objectif de remettre les locaux à un autre locataire de son choix, au même loyer ou à un loyer supérieur mais non abusif ne permet pas de conclure que la bailleresse poursuive un dessein illégitime en mettant fin au bail (cf. à ce propos, ACJC/448/2005 du 11 avril 2005 consid. 3.3 et ATF 136 III 190 consid. 3).

Il n'existe en outre aucune disproportion manifeste des intérêts en présence. Le motif du congé a été retenu, pour les divers motifs exposés ci-dessus, comme répondant à un besoin digne de protection. Les représentants de l'appelante ont également confirmé que son service social, via le témoin K______, a été en mesure de proposer à l'intimée un logement d'utilité publique (LUP) au mois de septembre 2019 au sein de son parc immobilier à des conditions de loyer plus avantageuses, dans la même rue que l'appartement querellé, qui a été refusée au motif de la procédure de contestation de congé en cours qui visait à conserver le logement de sa mère. Malgré une situation financière la conduisant à bénéficier de l'aide de l'Hospice général et une atteinte à sa santé, B______ est devenue propriétaire aux côtés de son père, en communauté héréditaire, de l'appartement sis à l'avenue 2______, no. ______ à G______. Le seul attachement au logement et les souvenirs partagés dans celui-ci avec sa mère ne peuvent constituer un déséquilibre suffisamment important faisant obstacle au congé. Pour l'ensemble de ces motifs, la situation de B______ ne tombe pas dans les cas de rigueur admis par la jurisprudence permettant d'admettre une disproportion des intérêts en présence justifiant l'annulation du congé.

5. 5.1 Lorsque le tribunal supérieur annule le congé et admet la validité de la résiliation - comme en l'espèce -, il lui incombe d'examiner d'office si le bail peut être prolongé (arrêts du Tribunal fédéral 4A_386/2014 du 11 novembre 2014 consid. 4.1 et 4A_414/2009 du 9 décembre 2009 consid. 4). Il s'agit d'une exception du droit civil au principe de disposition qui prévaut normalement en matière de bail (art. 58 al. 1 CPC ; HURNI, in Berner Kommentar ZPO, no 82 ad art. 58); le juge d'appel n'est donc pas lié par les conclusions des parties sur ce point.

5.2 En l'occurrence, les intimés ont pris des conclusions subsidiaires en prolongation de bail et ont conclu à l'octroi d'une durée de prolongation de quatre ans. Au regard de la jurisprudence précitée, la Cour examine d'office cette question (ACJC/745/2015 du 22 juin 2015 consid. 3.3.1).

5.3 Aux termes de l'art. 272 al. 1 CO, le locataire peut demander une prolongation de bail lorsque la fin du bail aurait pour lui ou sa famille des conséquences pénibles, sans que les intérêts du bailleur le justifient.

A teneur de l'art. 272b al. 1 CO, le bail d'habitations peut être prolongé de quatre ans au maximum et celui des locaux commerciaux de six ans. Dans ces limites, une ou deux prolongations peuvent être accordées.

Le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité, s'il y a lieu de prolonger le bail et, dans l'affirmative, pour quelle durée. Il doit procéder à la pesée des intérêts en présence et tenir compte du but d'une prolongation, consistant à donner du temps au locataire pour trouver des locaux de remplacement. Il lui incombe de prendre en considération tous les éléments du cas particulier, tels que la durée du bail, la situation personnelle et financière de chaque partie, leur comportement, de même que la situation sur le marché locatif local (art. 272 al. 2 CO; ATF 136 III 190 consid. 6; 135 III 121 consid. 2;
125 III 226 consid. 4b).

5.4 En l'espèce, la durée du bail, dont la conclusion remonte à près de 27 ans, doit être qualifiée de longue. B______ l'occupait depuis plus de 10 ans; cette durée d'occupation peut donc être qualifiée de moyenne.

Agée de 57 ans, elle vit seule dans le logement; sa situation de revenus, à teneur des éléments versés à la procédure, semble difficile, étant bénéficiaire de l'Hospice général dont elle perçoit des prestations mensuelles d'un montant de 2'656 fr. par mois dont 400 fr. à titre de prime versée directement à l'assureur maladie et 990 fr. couvrant le loyer et les charges. Il est établi qu'ensuite du décès de sa mère, elle a hérité de la part de copropriété de cette dernière sur le logement de la rue 2______, no. ______ aux côtés de son père. Quant à son état de santé, hormis la production d'une attestation de son psychiatre - qui préavise défavorablement un changement de domicile et qui ne permet pas de déterminer la nature précise du suivi thérapeutique effectué, ni de l'affection traitée -, aucun élément du dossier ne permet de retenir qu'il serait mauvais au point d'empêcher, à terme, tout déménagement.

Il y a lieu de tenir compte des deux propositions de relogement faites par l'appelante, dont l'une par son service social qui aurait permis à l'appelante de se reloger peu de temps après le congé dans la même rue, dans un logement d'utilité publique à un loyer plus bas d'un peu plus de 250 fr. par mois adapté à sa situation financière. De son côté, l'intimée n'a pas procédé à des recherches de relogement, depuis la notification du congé qui remonte à près de 3 ans.

S'agissant du besoin de l'appelante, il ne peut être qualifié d'urgent. Certes, sa volonté d'appliquer scrupuleusement les critères d'attribution définis dans le Règlement a été considérée comme digne de protection. Toutefois, la situation personnelle et financière de l'intimée correspond, depuis sa domiciliation sur la commune au mois de juillet 2019, aux profils des candidats éligibles à l'attribution d'un logement dans la Commune. Le besoin de récupérer le logement querellé apparaît moins important que celui de l'intimée à pouvoir se maintenir dans le logement pour pallier les conséquences pénibles du congé, eu égard à son état de santé et à sa mauvaise situation financière.

Eu égard à l'ensemble des motifs exposés ci-dessus, la pesée des intérêts en présence, en particulier l'ancienneté du bail, la situation personnelle et financière de l'intimée et l'absence de toute urgence pour la bailleresse de récupérer le logement querellé, justifie que soit accordée aux intimés une prolongation de bail de quatre ans venant à échéance le 31 décembre 2023.

L'appelante sera déboutée de ses conclusions en évacuation, dès lors que l'obligation de restituer le logement, conformément à l'art. 267 al. 1 CO, n'est pas réalisée, le bail prolongé n'ayant pas expiré.

6. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme
:

Déclare recevable l'appel formé le 14 janvier 2022 par la FONDATION DE LA COMMUNE DE A______ POUR LE LOGEMENT contre le jugement JTBL/985/2021 rendu le 25 novembre 2021 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/16444/2019.

Au fond :

Annule le jugement entrepris.

Et, statuant à nouveau :

Admet la validité du congé donné le 19 juin 2019 pour le 31 décembre 2019 par la FONDATION DE LA COMMUNE DE A______ POUR LE LOGEMENT à B______ et C______ concernant le studio/appartement de 2 pièces au 3ème étage de l'immeuble sis no. ______, rue 3______, à A______ (Genève).

Accorde à B______ et C______ une prolongation de bail de quatre ans, échéant le 31 décembre 2023.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Grégoire CHAMBAZ et Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ, juges assesseurs; Maïté VALENTE, greffière.

 

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 


 

Indication des voies et délais de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss. de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF: RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure à 15'000 fr.