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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/23856/2016

ACJC/258/2019 du 25.02.2019 sur JTBL/117/2018 ( OBL ) , MODIFIE

Descripteurs : BAIL À LOYER; RÉSILIATION; CONSTATATION DES FAITS; FARDEAU DE LA PREUVE; PROTECTION DES LOCATAIRES; MORT ; PROLONGATION DU BAIL À LOYER
Normes : CO.271a.al1.letf; CO.272
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

C/23856/2016 ACJC/258/2019

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 25 FEVRIER 2019

 

Entre

1) Madame A______, domiciliée rue ______ Genève,

2) Monsieur B______, domicilié chemin ______ Genève, appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 6 février 2018, représentés tous deux par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle ils font élection de domicile,

et

C______ SA, sise route ______ (GE), intimée, comparant par Me Serge PATEK, avocat, boulevard Helvétique 6, case postale, 1211 Genève 12, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. Par jugement JTBL/117/2018 rendu le 6 février 2018 et notifié aux parties le 7 février 2018, le Tribunal des baux et loyers a notamment déclaré valable le congé notifié par C______ SA (ci-après : la bailleresse) à
A______ et B______ (ci-après : les locataires) le 1er novembre 2016 pour l’appartement de 4 pièces situé au 3ème étage de l’immeuble ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), a reporté les effets de ce congé au 31 décembre 2017 (ch. 2), a octroyé à A______ et B______ une unique prolongation de bail de six mois, échéant le 30 juin 2018 (ch. 3) et a autorisé ceux-ci à quitter les locaux en tout temps, moyennant un préavis de quinze jours pour le 15 ou la fin d’un mois (ch. 4).

b. Par acte déposé au greffe de la Cour le 12 mars 2018 A______ et B______ ont formé appel de ce jugement, concluant principalement à l’annulation du congé du 1er novembre 2016 et, subsidiairement, à l’octroi d’une prolongation unique de quatre ans, échéant au 31 décembre 2021, les locataires étant autorisés à quitter l’appartement en tout temps, moyennant un préavis de quinze jours pour le 15 ou la fin d’un mois. Ils ont joint à leur appel une procuration et une copie du jugement attaqué.

c. Par mémoire de réponse du 26 avril 2018, C______ SA a conclu à la confirmation du jugement querellé. Elle a joint une copie de la procuration en faveur de son conseil.

d. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

e. Par avis du 1er juin 2018, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger.

B. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. D______ était locataire d’un appartement de 4 pièces situé au 3ème étage d’un immeuble dont l’adresse est aujourd’hui ______ à Genève.

Conclu pour une durée initiale de trois ans, jusqu’au 31 décembre 1976, le bail était renouvelable tacitement d’année en année, sauf résiliation moyennant un préavis de trois mois.

b. Décédé en 1984, le locataire D______ a laissé plusieurs héritiers, soit son épouse E______ et ses enfants, A______ et B______.

c. Selon un avenant au bail du 9 octobre 1984, E______ est devenue la seule locataire de ce logement.

d. Le 10 mars 2008, un avis de majoration de loyer lui a été envoyé, portant
celui-ci à 555 fr. par mois, hors charges.

e. E______ est décédée le ______ 2016.

f. A une date indéterminée mais antérieure à 2016, C______ SA est devenue propriétaire de l’immeuble.

g. Jusque dans le courant 2016, B______ était sous-locataire d’un logement à ______ [GE] où il habitait.

h. Le 14 juin 2016, A______ et B______ ont écrit à la régie afin de l’informer du décès de leur mère. Ils lui demandaient d’établir un avenant au bail afin que leurs deux noms apparaissent comme locataires, précisant que B______ avait emménagé dans l’appartement plusieurs semaines auparavant pour s’occuper de sa mère et pour y constituer son domicile principal.

A______ était disposée à demeurer sur le bail mais ne s’opposait pas à ce que son frère y figure seul.

i. Par attestation datée du 29 septembre 2016, l’Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a indiqué à la bailleresse que, selon les renseignements figurant dans le Registre de la population, B______ était domicilié à une autre adresse que le logement ici en cause, soit au chemin _____, à ______ [GE].

j. Par avis officiel du 1er novembre 2016, adressé séparément à B______ et à A______, la bailleresse a résilié le bail pour le 30 juin 2017. Dans la lettre d’accompagnement, elle précisait souhaiter reprendre possession du logement en cause, afin de le relouer à un candidat de son choix.

k. Les locataires ont contesté en temps utile la résiliation auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers.

Faute de conciliation, ils ont saisi le Tribunal d’une requête du 28 février 2017 concluant à l’annulation du congé, subsidiairement à l'octroi d'une prolongation du bail.

Par mémoire de réponse du 25 avril 2017, la bailleresse a conclu à la validité du congé.

l. A l’audience du 5 juin 2017 devant le Tribunal, B______ a notamment déclaré que, depuis la fin 2015, il passait deux ou trois nuits par semaine au domicile de sa mère. Dès le mois de mars 2016, il avait abandonné la sous-location de son appartement à ______ [GE] et était venu s’installer chez celle-ci. Il avait voulu quitter cet appartement plus tôt mais la propriétaire avait refusé de le libérer avant fin mars 2016.

m. Concernant sa situation personnelle, B______ a indiqué être aidé par l’Hospice général. Sans emploi depuis plusieurs années à la suite d’un accident de travail, il avait, depuis février 2017, trouvé un poste à mi-temps, adapté à son état de santé, mais sans disposer de moyens financiers sensiblement plus importants. Il habitait seul le logement litigieux.

n. Le 27 juin 2017, les locataires ont produit au Tribunal un courrier daté du 24 février 2016, confirmant la résiliation du bail de sous-location de B______ à ______ [GE] et un document démontrant que la garantie bancaire concernant cette sous-location avait été libérée le 31 mai 2016.

o. A l’audience du 26 septembre 2017, les locataires ont produit un extrait du système informatique de l’Administration cantonale («F______»), duquel il ressort que B______ était domicilié au ______ [GE] depuis le 24 mars 2016.

Entendu comme témoin, G______ a déclaré que B______ venait souvent au chemin ______ pour s’occuper de sa mère, pour laquelle il faisait des courses et qu’il emmenait chez le médecin. Après le décès de l’intéressée, le témoin pensait que B______ s’était installé dans l’appartement. Avant, celui-ci faisait des allers-retours, aux dires de ce témoin.

p. La fille du locataire, H______, née en 1999, a notamment déclaré au Tribunal : «à mon souvenir, cela fait depuis avril 2016 qu’il habite réellement au ch. ______. En revanche, cela fait des années qu’il s’en occupait beaucoup et passait environ 2/3 nuits par semaine chez elle».

q. Entendue à la même audience, I______, ex-compagne de B______, a déclaré qu’elle s’était séparée de ce dernier en 2010. L’intéressé lui avait indiqué au début 2016 qu’il souhaitait aller vivre chez sa mère. Elle avait donc appelé la propriétaire de l’appartement situé à ______ [GE], qui avait refusé de le libérer du loyer avant mai 2016. Selon elle, depuis février 2016, B______ passait 2 à 3 nuits par semaine chez sa mère. Faisant des navettes entre ______ [GE] et le chemin ______ au printemps 2016, il avait liquidé l’appartement de ______ [GE] et s’était débarrassé des meubles, ceci entre mars et mai 2016, sans qu’elle puisse dire de date plus précise.

r. Le Tribunal a entendu d’autres témoins à son audience du 14 novembre 2017, dont J______ et K______. A cette audience, L______, directeur de l’intimée, a notamment déclaré qu’un appartement de quatre pièces était destiné en principe aux familles. Selon lui, si un héritier habitait dans l’appartement au décès du locataire, la procédure à suivre dépendrait de la situation, en tenant compte également d’autres critères tels que la vétusté du logement et la nécessité d’entreprendre des travaux de rénovation.

s. Avec leurs plaidoiries finales écrites du 12 décembre 2017, les locataires ont produit trois pièces démontrant que B______ était inscrit en vue d’obtenir un logement auprès de trois institutions officielles.

t. Le Tribunal a tout d’abord constaté, s’agissant de la titularité du bail, que seule E______ devait être considérée comme locataire après le décès de son mari. Sous l’angle de la protection de la situation familiale du locataire, les premiers juges ont considéré qu’au décès de E______, l’instruction de la cause n’avait pas permis d’établir que B______ vivait en ménage commun avec sa mère. Selon l’appréciation des juges, les témoins entendus avaient certes confirmé l’intensité des liens unissant l’intéressé à sa mère, mais aucun n’avait été en mesure d’affirmer que ce dernier avait déménagé dans l’appartement avant le décès. Au contraire, plusieurs éléments conduisaient à retenir que le changement de domicile avait été opéré par la suite. Le motif de résiliation indiqué par la bailleresse consistait à récupérer les locaux pour y mettre un locataire de son choix. La réalité de ce motif pouvait être retenue, faute d’éléments pertinents allant en sens contraire. En particulier, le fait que deux représentants de la régie chargée de la gestion de l’immeuble, entendus comme témoins, aient déclaré ne pas avoir su que B______ habitait l’appartement avant la résiliation ne changeait rien à la réalité du motif susmentionné. Dès lors, la validité du congé pouvait être confirmée, étant précisé que son échéance devait être reportée au 31 décembre 2017, correspondant à l’échéance contractuelle. Concernant la prolongation du bail, le Tribunal a considéré que B______ n’avait pas suffisamment démontré avoir entrepris des démarches pour se reloger. De plus, l’échéance du congé avait été repoussée à fin décembre 2017, de sorte que l’intéressé avait disposé de davantage de temps pour se reloger. Une unique prolongation de bail de 6 mois, échéant le 30 juin 2018, conciliait de manière équitable les intérêts opposés des parties.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4C.310/1996 du 16 avril 1997 = SJ 1997 p. 493 consid. 1).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 et 136 III 196 consid. 1.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_367/2010 du 4 octobre 2010 consid. 1.1, 4A_127/2008 du 2 juin 2008 consid. 1.1 et 4A_516/2007 du 6 mars 2008 consid. 1.1).

En l'espèce, le loyer mensuel du logement s'élève à 550 fr. sans les charges, soit 6'600 fr. par an.

En prenant en compte uniquement la durée de protection de trois ans et le montant du loyer, charges non comprises, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (6’600 fr. x 3 ans = 19’800 fr.).

La voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.2 Selon l’art. 311 CPC, l’appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l’instance d’appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier d’appel. Si le dernier jour est un samedi, un dimanche ou un jour férié reconnu par le droit fédéral ou le droit cantonal du siège du tribunal, le délai expire le premier jour ouvrable qui suit (art. 142 al. 3 CPC).

En l’espèce, le jugement attaqué a été reçu au domicile élu des appelants le 8 février 2018, de sorte que le trentième jour à compter de la notification correspond au samedi 10 mars 2018. Déposé au greffe de la cour le lundi 12 mars 2018, l’appel a dès lors été formé en temps utile. Il respecte également la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC) et est ainsi recevable sous cet angle.

1.3 Dans la mesure où l'instance d'appel assure la continuation du procès de première instance, elle doit user du même type de procédure et des mêmes maximes que celles applicables devant la juridiction précédente (ATF 138 III 252 consid. 2.1; JEANDIN, Code de procédure civile commenté, n. 6 ad art. 316 CPC). En l'espèce, la procédure simplifiée s'applique (art. 243 al. 2 let. c CPC), s'agissant d'une procédure en contestation de congé.

La maxime inquisitoire sociale régit la procédure (art. 247 al. 2 let. a CPC).

1.4 L’appel peut être formé pour violation du droit et/ou constatation inexacte des faits (art. 310 CPC). Le juge d’appel dispose d’un pouvoir de cognition complet et revoit librement les questions de fait comme les questions de droit. En particulier, il contrôle librement l’appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu’il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3).

A teneur de l’art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu’elle allègue pour en déduire son droit. En tant que règle sur la répartition du fardeau de la preuve, l’art. 8 CC détermine laquelle des parties doit assumer les conséquences de l’échec de la preuve d’un fait pertinent. Lorsque le juge ne parvient pas à constater un fait dont dépend le droit litigieux, il doit alors statuer au détriment de la partie qui aurait dû prouver ce fait (ATF 132 III 689, consid. 4.5; 129 III 189 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_566/2015 du 8 février 2016 consid. 4.3).

2. Les appelants se plaignent d’une constatation inexacte des faits. Ils soutiennent que les premiers juges auraient omis le contenu des déclarations de B______, selon lesquelles il aurait abandonné la sous-location de son logement à ______ [GE] dès le mois de mars 2016. Les propos de plusieurs témoins ayant indiqué que l’intéressé faisait des allers-retours entre ______ [GE] et le domicile de sa mère, au printemps 2016, n’auraient pas été correctement pris en compte. Pour appuyer leurs griefs, ils reprennent certains passages des procès-verbaux d’audience établis par le Tribunal. Selon les appelants, les juges n’auraient pas non plus tenu compte des recherches de relogement qui auraient été effectuées. En définitive, ils reprochent au jugement de ne pas avoir retenu que l’intéressé faisait ménage commun avec sa mère «plusieurs mois avant le décès» de celle-ci.

2.1 En réalité, le jugement attaqué mentionne explicitement la plupart des déclarations citées par les appelants dans leurs écritures d’appel. Il en est notamment ainsi des propos des témoins H______ et I______ selon lesquelles l’appelant s’était beaucoup occupé de sa mère jusqu’au printemps 2016, y compris en logeant chez celle-ci deux ou trois nuits par semaine. Durant cette période, et aux dires de ces témoins, il avait continué d’avoir à sa disposition son logement à ______ [GE], ceci jusqu’à fin mai 2016, de sorte qu’il faisait régulièrement la navette entre les deux logements.

Pour le surplus, les juges n’ont pas à reprendre, dans leur jugement, l’intégralité des déclarations faites devant eux par les parties ou par les témoins. Dans la mesure où les propos visés par les appelants en relation avec leurs griefs ressortent tous des procès-verbaux d’audience, il faut en principe considérer qu’ils ont été pris en compte par le Tribunal au moment d’établir les faits pertinents.

Il est de même des pièces produites en première instance par les parties. Ainsi, le jugement attaqué mentionne que B______ a produit «quelques documents démontrant les démarches entreprises pour se reloger» (page 10/11, deuxième paragraphe.). Les quelques efforts entrepris par l’intéressé pour trouver à se reloger n’ont ainsi pas été négligés.

Par ailleurs, le Tribunal a mentionné dans son jugement aussi bien l’attestation du 29 septembre de l’OCPM, que l’extrait du système informatique «F______», produit par les appelants à l’audience du 26 septembre 2017. Sous cet angle, le jugement n’a dès lors pas omis un élément de preuve déterminant ou susceptible de l’être.

2.2 A l’examen de l’ensemble des éléments pertinents, ainsi que des déclarations expressément visées par l’appel, l’appréciation du Tribunal sur l’élément visé par les appelants n’est pas critiquable. En effet, aucun des témoins entendus n’a confirmé que B______ passait toutes ses nuits au domicile de sa mère, et qu’il y avait transféré son nouveau centre de vie «plusieurs mois» avant le décès de E______, comme le prétendent les appelants. H______, de même que I______, ont certes évoqué l’implication de plus en plus forte de l’intéressé auprès de sa mère, dans les premiers mois de 2016, mais en précisant qu’il continuait à habiter dans son appartement de ______ [GE], qu’il avait progressivement débarrassé de ses propres affaires entre mars et mai 2016. Dans ses déclarations au Tribunal, l’appelant a lui-même indiqué avoir abandonné son appartement de ______ [GE] dès mars 2016, la propriétaire ayant refusé de le libérer de cette sous-location « avant fin mars 2016 ». L’attestation de l’OCPM de septembre 2016, selon laquelle B______ figure toujours avec une adresse à ______ [GE], vient confirmer ce qui précède. Dans ce contexte, la production d’un extrait du système informatique «F______» ne permet pas de retenir, à elle seule, la création d’un nouveau domicile dans le logement ici en cause, faute d’autres éléments probants et convaincants allant dans ce sens.

En conclusion, la Cour retient, comme les juges de première instance, que les appelants n’ont pas démontré que B______ faisait ménage commun avec sa mère avant le décès de celle-ci.

3. Les appelants se plaignent d’une mauvaise application de l’art. 271a al. 1
let. f CO, en soutenant que B______ aurait constitué son domicile principal dans le logement litigieux. Le congé ayant été donné en raison du décès de la mère de celui-ci, il aurait dû, à suivre les appelants, être annulé. Les appelants affirment également que la résiliation serait fondée sur un motif économique, dans le but d’augmenter le loyer à l’occasion d’un changement de locataire.

3.1 L’art. 271a al. 1 let. f CO confère une protection contre le congé aux membres de la famille du locataire décédé qui habitaient avec lui et qui lui succèdent dans la relation contractuelle. Dans le cas d’un enfant adulte succédant au locataire décédé, le bénéfice de cette protection est donc réservé à une personne habitant le logement à titre principal et refusé à celle qui ne séjournerait que de manière intermittente avec le défunt (arrêt du Tribunal fédéral du 18 avril 2017 dans la cause 4A_34/2017 consid. 5).

Comme déjà constaté ci-dessus, les éléments de preuves réunis en première instance ne permettent pas de retenir que B______ avait constitué son domicile principal dans le logement litigieux, au moment du décès de la locataire précédente. L’intéressé se trouvait donc dans la situation d’un héritier qui ne séjournait que de manière intermittente avec la défunte. En conséquence, et pour autant que le congé ait été véritablement motivé par le décès de E______, ce qui ne résulte pas des explications de la bailleresse, les appelants ne sauraient bénéficier de la protection tirée de l’art. 271a al. 1 let. f CO.

S’agissant de la prétendue motivation d’ordre économique, elle ne résulte d’aucun élément du dossier. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, et en l’absence d’autres éléments pertinents, la volonté exprimée par la bailleresse de relouer à un nouveau locataire de son choix, cas échéant après la réalisation de travaux de rénovation, ne permet pas, en tant que telle, d’en déduire que le congé avait pour objectif une majoration du loyer. Le grief articulé sous cet angle par les appelants est dès lors mal fondé.

Dès lors, la validité du congé sera confirmée, pour l’échéance du 31 décembre 2017.

4. Les appelants se plaignent ensuite de la durée de la prolongation qui leur a été accordée. Ils font valoir que le terme fixé au 30 juin 2018 serait trop court pour permettre à B______ de trouver un nouveau logement, compte tenu également de ses revenus modestes. Selon eux, l’intimée n’aurait pas un besoin urgent de récupérer l’appartement litigieux.

4.1 L’art. 272 al. 1 CO permet au locataire de demander une prolongation de bail lorsque la fin du bail aurait pour lui ou sa famille des conséquences pénibles sans que les intérêts du bailleur le justifient. Dans la pesée des intérêts, le juge se fonde sur les circonstances de la conclusion du bail et le contenu du contrat, la durée du bail, la situation familiale et financière des parties ainsi que leur comportement, le besoin du bailleur ou de ses proches parents ou alliés et l’urgence de ce besoin, et la situation sur le marché local du logement (art. 272 al. 2 CO). L’octroi d’une prolongation suppose également que le locataire ait entrepris ce que l’on pouvait attendre de lui pour remédier aux conséquences pénibles du congé, et cela même lorsqu’il sollicite une première prolongation de son bail, le juge se montrant toutefois moins rigoureux à ce stade qu’à celui de la seconde prolongation (not. ATF135 III 121 et ATF 142 III 336).

4.2 En l’occurrence, les appelants n’ont démontré l’existence que de quelques démarches en vue de reloger B______. Même si l’intéressé dispose de peu de moyens financiers, il était en mesure d’effectuer des recherches plus intenses dans le but de trouver un autre appartement. Il s’ajoute à cela qu’il n’a déménagé dans le logement litigieux que dans le courant du printemps 2016, soit depuis relativement peu de temps au moment où le congé a été notifié. De son côté, l’intimée n’a pas un besoin urgent de reprendre possession de la chose louée. En définitive, en présence d’un bail valablement résilié pour l’échéance du 31 décembre 2017, une unique prolongation de six mois apparaît comme excessivement courte. L’ensemble des éléments pertinents, et en particulier les difficultés de l’appelant à retrouver un nouveau logement compte tenu de ses faibles revenus, doit conduire à lui accorder une unique prolongation de bail d’une durée plus longue, jusqu’au 30 juin 2019.

4.3 Le chiffre 3 du dispositif du jugement attaqué sera dès lors annulé et réformé dans le sens susmentionné.

5. A teneur de l’art. 22 al.1 LaCC, il n’est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l’appel interjeté le 12 mars 2018 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/117/2017 rendu le 6 février 2018 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/23856/2016-1-OSB.

Au fond :

Annule le chiffre 3 du dispositif de ce jugement.

Cela fait et statuant à nouveau sur ce point :

Accorde une unique prolongation de bail à A______ et B______ jusqu’au 30 juin 2019.

Confirme le jugement pour le surplus.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Alain MAUNOIR et Monsieur Grégoire CHAMBAZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005
(LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.