Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/935/2024 du 12.08.2024 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3261/2023-EXPLOI ATA/935/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 12 août 2024 2ème section |
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dans la cause
A______ SA recourante
contre
OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL intimé
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A. a. L’A______ SA (ci-après : l’institut) est une société inscrite en mars 1986 au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Genève, où se situe son siège. Son but social est notamment l’exploitation d’un ou plusieurs instituts médicaux et toute activité dans le domaine médical (achat/vente de produits médicaux, services de soins à domicile, centre de fécondation in vitro, bloc opératoire, centres de bien-être, thermaux et hôteliers en Suisse et à l’étranger, plantes médicinales, consulting dans le domaine médical).
b. B______ est l’administrateur unique de cette société, avec signature individuelle, depuis le début du mois d'août 2023. L'ont précédé dans cette fonction, également avec signature individuelle, D______ entre mars 2018 et début août 2023 et C______ entre janvier 2010 et mars 2018.
B. a. Depuis le 1er novembre 2020, un salaire horaire minimum est applicable dans le canton de Genève. Il s’élève à CHF 23.- depuis le 1er novembre 2020, à CHF 23.14 depuis le 1er janvier 2021, à CHF 23.27 dès le 1er janvier 2022 et à CHF 24.- dès le 1er janvier 2023 conformément aux arrêtés y relatifs du Conseil d’État (J 1 05.03 : ArSML en 2020 et 2021 et ArSMC dès 2022).
C. a. Le 2 juin 2022, l’office cantonal de l’inspection et des relations de travail
(ci-après : OCIRT) a informé l’institut procéder à un contrôle systématique du respect du salaire minimum, dans la mesure où ses employés accomplissaient habituellement leur travail dans le canton de Genève. Il lui a demandé de lui transmettre dans un délai fixé au 23 juin 2022 les documents suivants : les contrats de l’ensemble du personnel étant ou ayant été actif au sein de son entreprise depuis le 1er janvier 2020, leurs fiches de salaire, l’attestation des salaires AVS de l’ensemble du personnel pour 2020 et 2021, le mode de calcul des salaires annuels (salaires versés sur 12 ou 13 mois, salaires horaires ou mensuels, commissions) et tout autre renseignement utile en lien avec le système de rémunération, ainsi que le mode d’enregistrement de la durée du travail de son personnel.
b. Après le premier envoi de documents effectué par l’institut au début du mois de juillet 2022, l’OCIRT lui a demandé, le 21 novembre 2022, de lui faire parvenir, jusqu’au 9 décembre 2022, les fiches de salaires et les contrats de certains collaborateurs ainsi que les fiches de salaires de l’ensemble du personnel depuis juin 2022. L’institut y a répondu le 16 décembre 2022.
D. a. Le 13 janvier 2023, l’OCIRT a informé l’institut que, vu les documents remis, il ne respectait pas le salaire minimum prévu dans la loi genevoise à l’égard de 7 personnes pour 2020, de 15 personnes pour 2021 et de 24 personnes pour 2022. Les différences salariales dues pour ces trois années s’élevaient respectivement à un montant total de CHF 30'645.48, CHF 253'050.31 et CHF 247'445.67, conformément aux trois tableaux récapitulatifs annexés. Cela concernait en particulier les employés engagés avec des contrats dits « stage formation » ou « temporaires », dans la mesure où aucun élément remis lors du contrôle ne permettait de constater que les conditions de l’art. 39J let. b de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05) étaient remplies, de sorte qu’ils étaient soumis au salaire minimum cantonal. Il en allait de même d’autres employés pour des raisons différentes explicitées.
L’OCIRT a demandé à l’institut de corriger les salaires des employés concernés avec effet rétroactif au mois de novembre 2020 en leur versant les différences salariales dues, et de lui transmettre, à titre de preuve de mise en conformité et dans un délai fixé au 10 février 2023, plusieurs justificatifs dont les fiches de salaires contresignées par les employés concernés (avec indication du montant correspondant au rattrapage salarial dû depuis le 1er novembre 2020), les justificatifs de paiement des rattrapages salariaux (avis de débit bancaire ou postal) et les avenants contractuels pour les employés toujours en poste relatifs au montant de leur salaire. L’OCIRT l’a également invité, dans ce même délai, à exercer son droit d’être entendu et à produire d’éventuelles observations.
Enfin, l’OCIRT a attiré l’attention de l’institut sur le fait qu’il était passible d’une amende administrative pouvant s’élever jusqu’à CHF 30'000.-, montant susceptible d’être doublé en cas de récidive, et qu’une liste, accessible au public, énumérait les employeurs faisant l’objet d’une décision exécutoire. S’il procédait aux rattrapages salariaux demandés, le montant de l’amende serait alors réduit.
b. Entre les 9 février et 31 mai 2023, plusieurs échanges ont eu lieu entre l’OCIRT et l’institut au sujet de la mise en conformité salariale des personnes signalées dans les trois tableaux précités.
Le 28 février 2023, l’OCIRT a demandé à l’institut de lui transmettre, pour les personnes concernées, les conventions de stages validées par les institutions de formation (convention tripartite) et les éventuels contrats d’apprentissage non encore transmis, attirant son attention sur le fait qu’en l’absence de ces documents, susceptibles de justifier l’application de l’art. 39J let. b LIRT, les employés étaient soumis au salaire minimum cantonal. Les pièces justificatives attestant des rattrapages salariaux invoqués étaient également requises de l’institut, auquel il était rappelé les sanctions susmentionnées. Le 4 avril 2023, l’OCIRT a réitéré sa demande de justificatifs, lui répétant que seuls les stages requis pour l’obtention d’un diplôme n’étaient pas soumis au salaire minimum ; il lui a octroyé un dernier délai au 28 avril 2023 pour qu’il lui fasse parvenir les fiches de salaires mentionnant les rattrapages salariaux contresignées par les travailleurs, les avis de débit bancaires démontrant l’exécution du paiement desdits rattrapages et toute convention de stage ou contrat d’apprentissage non encore transmis, les sanctions administratives susmentionnées lui étant rappelées. Le 27 avril 2023, l’institut a transmis différentes pièces à l’OCIRT, en particulier certaines fiches de salaire contresignées par les employées, des avis de débit bancaire attestant de rattrapages salariaux, quelques certificats de salaire et des documents en lien avec la formation de certains employés.
Le 12 mai 2023, l’OCIRT a adressé un ultime avertissement à l’institut, assorti d’un délai au 31 mai 2023 pour qu’il lui remette les fiches de salaires et les avis de débit bancaires susévoqués. L’OCIRT lui a également indiqué que les attestations de suivi de formation transmises ne permettaient pas d’établir que la période d’activité dans son entreprise pouvait être considérée comme un stage non soumis au salaire minimum. Il lui rappelait que seuls les stages s’inscrivant dans une formation scolaire ou professionnelle prévue par la législation fédérale et cantonale, et requis pour l’obtention d’un diplôme, n’étaient pas soumis au salaire minimum. À titre d’exemple, il lui signalait que la formation proposée par « Culture et Formation » ne prévoyait pas de stages obligatoires dans le cadre de la formation, de sorte que pour ses employés (anciens ou actuels) parallèlement inscrits à cette formation, le salaire minimum cantonal s’appliquait. Si certes l’institut avait procédé à des rattrapages salariaux (entiers ou partiels) pour plusieurs employés, il demeurait, comme cela était précisé dans les tableaux récapitulatifs actualisés, des différences salariales dues à certains employés qu’il était invité à corriger. Les sanctions administratives précitées étaient à nouveau rappelées.
Le 31 mai 2023, l’institut a répondu à l’OCIRT s’être conformé à ses obligations et avoir déjà fourni tous les justificatifs requis.
c. Par courrier du 27 juillet 2023, l’institut a, par l’intermédiaire de C______ qui reprenait sa gestion, informé l’OCIRT du changement d’administrateur et demandé un délai supplémentaire.
d. Le 8 août 2023, l’OCIRT a transmis à l’institut copie des échanges intervenus depuis le 4 avril 2023 et lui a accordé un ultime délai au 30 août 2023 pour l’envoi des pièces demandées le 12 mai 2023 ; à l’échéance de ce délai, il statuerait sur la base des pièces en sa possession. L’OCIRT a maintenu ce délai et la conséquence y afférente, par courrier du 25 août 2023.
E. a. Par décision du 4 septembre 2023, notifiée par courrier A+, l’OCIRT a infligé à l’institut une amende administrative de CHF 27'400.- en application de l’art. 39N al. 1 LIRT et mis à sa charge un émolument de CHF 100.- en vertu des art. 42 LIRT et 66A du règlement d'application de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 23 février 2005 (RIRT - J 1 05.01). Il a réservé les procédures de contrôle et de mise en conformité au droit public. L’amende et l’émolument étaient payables dans les 30 jours dès la notification de cette décision.
L’institut n’avait régularisé sa situation que partiellement. Il n’avait procédé à aucun rattrapage salarial depuis sa demande de mise en conformité du 12 mai 2023, de sorte que demeurait une violation des dispositions relatives au salaire minimum. Cette décision était accompagnée de nouveaux tableaux récapitulatifs, qui intégraient la correction d’une erreur concernant une personne bénéficiant d’un contrat tripartite de formation et partant non soumise au salaire minimum.
Dans le cadre de son contrôle, l’OCIRT avait constaté que l’institut, occupant habituellement des travailleurs dans le canton de Genève, ne respectait pas le salaire minimum prévu à l’art. 39K al. 1 LIRT à l’égard des employés listés dans les trois tableaux figurant dans l’annexe et concernant les années 2020, 2021 et 2022. Ces tableaux indiquaient l’identité des employés concernés par des rattrapages encore pendants, leur fonction, la durée de leur contrat, le temps contractuel hebdomadaire de travail, le salaire minimum mensuel pour l’année concernée, ainsi que le total du salaire minimum et le total des salaires touchés avec la différence salariale encore due (montant brut). L’institut devait payer en 2020 la somme totale de CHF 30'352.30 répartie entre 6 personnes, en 2021 la somme totale de CHF 245'863.69 répartie entre 11 personnes et en 2022 la somme totale de CHF 195'475.58 répartie entre 17 personnes.
L’institut n’avait apporté aucun justificatif confirmant son allégation selon laquelle ces personnes étaient en formation et tombaient dans les exceptions au salaire minimum figurant à l’art. 39J let. b LIRT, malgré les demandes répétées de l’OCIRT. En dépit des divers courriers de ce dernier, l’institut ne s’était que partiellement mis en conformité, une violation des dispositions relatives au salaire minimum persistant. Dès lors, il se justifiait de prononcer à son encontre une amende administrative pour non-respect du salaire minimum.
Pour fixer le montant de l’amende, dont le maximum était de CHF 30'000.-, montant pouvant être doublé en cas de récidive, l’OCIRT prenait en compte la durée des faits litigieux (du 1er novembre 2020 au 30 novembre 2022), le nombre de travailleurs concernés (à savoir 28 sur les 67 personnes occupées pendant ladite période) et la gravité des infractions commises vu le nombre élevé d’employés touchés et l’importance de la sous-enchère. En outre, malgré les demandes de mise en conformité adressées les 13 janvier et 12 mai 2023, l’institut n’avait corrigé la situation que de manière partielle, à savoir en faveur de 6 personnes (dont une partiellement) pour un montant total de CHF 46'396.02. Il n’avait toujours pas procédé aux rattrapages salariaux à hauteur de CHF 471'691.57 concernant 24 travailleurs, comme cela était détaillé dans les tableaux annexés.
L’institut était informé qu’une fois la sanction entrée en force, son nom figurerait sur la liste publiquement accessible des entreprises sanctionnées par l’OCIRT, conformément à l’art. 39N al. 4 LIRT.
F. a. Le 5 septembre 2023, l’OCIRT a répondu, par courrier A+, à l’institut au sujet de sa demande d’accès au dossier du 30 août 2023. Les parties pouvaient consulter les pièces du dossier dans leurs locaux moyennant la prise d’un rendez-vous préalable. Les copies étaient facturées. La décision litigieuse était maintenue.
b. De septembre à novembre 2023, divers échanges ont eu lieu entre l’OCIRT et C______ au sujet de la consultation du dossier de l’institut. Celui-ci a été invité à remettre à l’OCIRT copie d’une procuration signée en faveur de la personne consultant le dossier. C______ a consulté le dossier le 9 novembre 2023 dans les locaux de l’OCIRT, qui lui a confirmé que la décision litigieuse était fondée uniquement sur les documents transmis par l’institut.
G. a. Par acte expédié le 5 octobre 2023, l’institut, sous la plume de C______ et de B______, a formé recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de l’OCIRT, en concluant à son annulation et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l’autorité intimée pour nouvelle décision. Il a pris plusieurs conclusions préalables, tendant notamment à la production de l’intégralité des dossiers concernant les procédures ouvertes à son encontre, à la tenue d’une audience publique des parties au sens de l’art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et à l’octroi de l’effet suspensif. C______ était le directeur et président de l’institut, ce qui ne ressortait pas du RC, tandis que B______ y figurait comme son administrateur disposant de la signature individuelle.
L’institut se plaignait de ne pas avoir bénéficié d’un accès complet au dossier avant la décision litigieuse, du délai trop court octroyé par l’OCIRT et de l’application incorrecte de l’exception légale concernant les personnes en formation en matière de salaire minimum. Il exposait sa situation liée à la gestion du précédent administrateur et signalait des erreurs dans les tableaux annexés, qui seront reprises en tant que de besoin dans la partie en droit.
Le principe de la bonne foi, au sens des art. 5 al. 3 et 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), était violé en lien avec l’application de l’exception aux personnes en formation, rappelant la situation d’une personne considérée en 2018 comme stagiaire alors que ce statut était refusé par la décision litigieuse à une autre personne étant dans une situation similaire. Avait de même été violé son droit d’être entendu, sous l’angle du droit de s’exprimer et d’accéder au dossier, au sens des art. 29 al. 2 Cst. et 6 CEDH, en raison de sa situation particulière liée à la gestion du précédent administrateur et à sa reprise par de nouvelles personnes peu de temps avant le prononcé de la décision litigieuse. Le montant de l’amende était enfin disproportionné, notamment par rapport à une affaire jugée en 2016, car il correspondait presque au maximum légal alors que la grande majorité des différences salariales en cause concernait 17 personnes considérées de bonne foi comme stagiaires inscrits dans une formation certifiante, aucun de ses partenaires (écoles, Hospice général ou assurance-invalidité) ne lui ayant signalé la non-conformité des stages. Il contestait les tableaux annexés, sans autre indication hormis les erreurs susévoquées, et invoquait sa bonne foi ainsi que le fait qu’aucune conciliation auprès du Conseil de surveillance du marché de l’emploi (ci-après : CSME) ne lui avait été proposée.
b. Dans une nouvelle écriture du 27 octobre 2023, C______ a complété le recours, en développant ses griefs relatifs à l’art. 6 CEDH, reprenant ses précédents arguments et remettant en cause l’instruction de la cause par l’OCIRT. Il y a joint une copie, peu lisible, d’une procuration du 20 octobre 2023 signé par B______, administrateur de l’institut, en sa faveur pour représenter celui-ci dans la présente cause.
c. L’OCIRT a conclu au rejet du recours et produit son dossier, en particulier cinq classeurs contenant tous les documents transmis par l’institut à l’OCIRT les 1er juillet et 9 décembre 2022 ainsi que le 20 mars 2023.
d. L’institut a répliqué et maintenu sa position.
e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 47 al. 1 LIRT ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. Dans son grief tiré de la violation de son droit d’être entendu, l’institut semble perdre de vue qu’il jouit de la personnalité juridique et est de ce fait partie à la présente procédure en tant que société anonyme (art. 643 al. 1 et 2 CO), indépendamment de l’identité de ses organes et de la gestion menée par ceux-ci, étant précisé qu’il y a lieu de ne pas confondre les rapports internes de la société anonyme avec ses rapports externes (art. 718 et 718a CO). Seuls ces derniers sont déterminants à l’égard de l’OCIRT.
Quelle que soit la situation interne de l’institut, celui-ci a été non seulement informé dès le 2 juin 2022 du contrôle effectué par l’OCIRT concernant le respect du salaire minimum cantonal mais également invité à collaborer à ce sujet à plusieurs reprises entre le 2 juin 2022 et le 8 août 2023 ainsi qu’à régulariser sa situation, comme cela découle des différents courriers susmentionnés envoyés par l’OCIRT à l’institut pendant cette période. En particulier, l’OCIRT, dans son courrier du 13 janvier 2023, a invité l’institut à exercer son droit d’être entendu et a attiré son attention sur les sanctions qu’il encourait du fait du non-respect du salaire minimum cantonal concernant les membres de son personnel répertorié, de manière détaillée, dans les trois tableaux annexés audit courrier afférents aux années 2020, 2021 et 2022. L’institut a ensuite été invité à collaborer au contrôle mené par l’OCIRT en date des 28 février, 4 avril et 12 mai 2023. Un ultime délai a été accordé à l’institut au début du mois d'août 2023 en raison du changement interne survenu alors. Le droit d’être entendu de l’institut a donc bien été respecté par l’OCIRT.
Il en va de même sous l’angle de l’accès au dossier. En effet, outre le fait que les pièces constituant le dossier de l’OCIRT proviennent de l’institut, C______, autorisé à représenter l’institut par procuration du nouvel administrateur, a été informé des modalités d’accès audit dossier par courrier du 5 septembre 2023 de l’OCIRT. Il a par ailleurs confirmé, dans son courriel du 13 novembre 2023 adressé à l’OCIRT, avoir eu accès au dossier le 9 novembre 2023. Aucune critique ne peut donc être émise à l’égard de l’instruction de la cause par l’OCIRT sous l’angle du droit d’être entendu.
Par conséquent, le grief tiré d’une violation de ce droit doit être écarté.
3. La conclusion tendant à l’octroi de l’effet suspensif n’a pas d'objet, dans la mesure où la décision litigieuse n’a pas été déclaré exécutoire nonobstant recours et que le recours a effet suspensif de par la loi (art. 66 al. 1 LPA). Elle est donc irrecevable.
4. L’institut sollicite la tenue d’une audience publique au sens de l’art. 6 CEDH.
4.1 Selon l'art. 6 par. 1 CEDH, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.
4.2 Même si elles peuvent relever du volet pénal de l'art. 6 CEDH, les procédures qui ne relèvent pas des catégories traditionnelles du droit pénal stricto sensu (notamment les contraventions administratives, les infractions douanières et les amendes infligées par des juridictions financières) peuvent être traitées différemment. En particulier, dans les domaines relevant du volet pénal de l'art. 6 CEDH, l'obligation de tenir une audience publique n'est pas absolue. Il peut y être renoncé dans les affaires ne soulevant pas de question de crédibilité ou ne suscitant pas de controverse sur les faits qui auraient requis une audience, et pour lesquelles les tribunaux peuvent se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et d'autres pièces (ATF 140 I 68 consid. 9.2). Une telle renonciation est ainsi admissible lorsque la cause peut être jugée exclusivement sur la base du dossier et des écritures des parties, notamment lorsque l'issue du litige ne dépend pas d'une appréciation des preuves ou d'impressions personnelles, mais uniquement de questions de droit (ATF 147 I 153 consid. 3.5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral du 21 mars 2022 consid. 3.1.1 au sujet du prononcé d’une amende administrative infligée par une autorité administrative genevoise).
4.3 En l’espèce, il n’y a pas lieu de trancher la question de savoir si la présente cause tombe dans le champ d’application de l’art. 6 § 1 CEDH. En effet, même à supposer que cela soit le cas, la recourante se limite à invoquer les « conséquences graves » de la décision litigieuse pour elle, « ses employés et pour la possibilité future d’offrir des stages formateurs aux étudiants », sans autre explication. Or, comme déjà évoqué, l’OCIRT a attiré l’attention de l’institut, à plusieurs reprises entre janvier et mai 2023, sur les conséquences de l’absence de documents justifiant la dérogation alléguée au salaire minimum. On ne voit dès lors pas, faute de tels justificatifs qui pouvaient être produits sous forme d'écrits, la pertinence d’ordonner in casu une audience publique, ce d’autant plus qu’il s’agit d’une amende administrative soumise aux règles mentionnées plus bas en matière d’établissement des faits et de fardeau de la preuve. Il ne sera donc pas donné suite à la requête précitée.
5. Sur le fond, l’institut invoque l’application de l’exception figurant à l’art. 39J let. b LIRT pour s’opposer au remboursement des différences salariales litigieuses, en raison essentiellement du fait que les personnes en cause seraient en formation.
5.1 Le chapitre IV B de la LIRT (art. 39I ss) règle le salaire minimum. Les relations de travail des travailleurs accomplissant habituellement leur travail dans le canton sont soumises à ces dispositions (art. 39I LIRT). Ce principe et les montants applicables du salaire minimum pour 2020 à 2022 ne sont en l’espèce pas remis en cause.
Il existe des exceptions à l’application du salaire minimum genevois, prévues à l’art. 39J LIRT, notamment celle de la let. b concernant les « contrats de stage s'inscrivant dans une formation scolaire ou professionnelle prévue par la législation cantonale ou fédérale. Le Conseil de surveillance du marché de l'emploi (ci-après : CSME) statue en cas de litige relatif à l'admission d'une exception au sens de la présente lettre ».
5.1.1 L’art. 56E du règlement d’application de la LIRT du 23 février 2005 (RIRT -
J 1 05.01) précise l’exception de l’art. 39J let. b LIRT. Les critères que doivent remplir les contrats de stage au sens de cette disposition sont déterminés par le CSME, statuant à l'unanimité (al. 1). Le CSME peut également, à l'unanimité, admettre à titre d'exception au sens de cette même norme d'autres dispositifs assimilables, notamment dans le domaine de l'insertion professionnelle ou sociale (al. 2). L'OCIRT publie, sous forme de directives, les critères propres aux stages et aux dispositifs assimilés sur le site internet de l'Etat de Genève (al. 3).
5.1.2 Selon le site Internet de l’OCIRT (https://www.ge.ch/appliquer-salaire-minimum-genevois/qui-n-est-pas-soumis-au-salaire-minimum, consulté le 6 août 2024), le salaire minimum cantonal ne s’applique notamment pas aux mesures/stages d’insertion sociale ou professionnelle prévus par la législation cantonale ou fédérale (par exemple : assurance-invalidité, assurance-chômage, aide sociale) et aux stages s’inscrivant dans une formation scolaire ou professionnelle prévue par la législation cantonale ou fédérale (par exemple : maturité professionnelle, école supérieure, HES, université). Il ne s’applique pas non plus aux stages et activités qui sont mentionnés sur ledit site Internet et qui respectent les conditions fixées par le CSME.
Le site Internet répertorie ainsi quatre catégories générales (formation académique, formation professionnelle, insertion socioprofessionnelle et « jobs d’été »), subdivisées en des sous-catégories pour deux d’entre elles. Pour la formation académique, on distingue les stages requis dans le cadre d’une formation supérieure non prévue par la législation cantonale ou fédérale et les stages requis pour l’entrée dans une Haute école spécialisée (ci-après : HES). Pour l’insertion socioprofessionnelle, on distingue les stages d’insertion professionnelle, les activités d’insertion sociale avec accompagnement et les activités ponctuelles d’insertion sociale avec accompagnement. Sous la formation professionnelle, on trouve uniquement les stages de pré-qualification (pré-apprentissage), tandis que les « jobs d’été » visent les activités occasionnelles des étudiants en périodes de vacances scolaires ou académiques.
Pour chacune de ces situations, le site Internet énumère les conditions obligatoirement requises, fixées par le CSME. S’agissant de la formation académique, pour les stages requis dans le cadre d’une formation supérieure non prévue par la législation cantonale ou fédérale, onze conditions doivent être remplies. À titre d’exemples, on peut citer : le stage est nécessaire à l’obtention du diplôme, prévu dans le cursus d’études et validé par l’attribution de crédits d’études (ECTS ou équivalents) ; il fait l’objet d’une convention tripartite et est d’une durée maximale d’une année ; les objectifs pédagogiques du stage sont précisés dans la convention ; le stagiaire fait l’objet d’un encadrement adapté ; le temps de travail est défini entre les parties en fonction des objectifs de la formation. En outre, cinq de sept autres conditions indiquées dans ledit site internet sont requises, comme par exemple : le stagiaire déploie une activité non essentielle à l’entreprise ; le travail effectué par le stagiaire n’est pas répétitif et doit permettre à ce dernier d’acquérir le plus de connaissances possibles dans le temps imparti ; l’activité du stagiaire dans l’entreprise ne doit pas avoir un but lucratif pour l’employeur. Certaines de ces conditions sont également exigées pour les stages requis pour l’entrée dans une HES, contrairement à d’autres qui y sont spécifiques, comme par exemple que le stage est sanctionné par une attestation de la HES.
En matière de formation professionnelle, quatre conditions doivent être remplies pour les stages de pré-qualification (ou de pré-apprentissage). Par exemple, le stage doit faire l’objet d’une convention tripartite entre l’employeur, le stagiaire et l’office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue (OFPC). Il est d’une durée maximale de dix mois. À son terme, l’employeur délivre au stagiaire un certificat avec les objectifs atteints et le détail des différentes étapes d’apprentissage.
5.2 Selon l'art. 19 LPA, l'autorité établit les faits d'office. Elle n'est pas limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. À teneur de l'art. 20 al. 1 LPA, l'autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties. Elle recourt s'il y a lieu aux moyens de preuve énumérés à l'art. 20 al. 2 LPA, notamment les documents (let. a) et les renseignements des parties (let. b). L'autorité peut inviter les parties à la renseigner, notamment en produisant les pièces en leur possession ou à se prononcer sur les faits constatés ou allégués et leur fixer un délai à cet effet (art. 24 al. 1 LPA). En vertu de l'art. 24 al. 2 LPA, l'autorité apprécie librement l'attitude d'une partie qui refuse de produire une pièce ou d'indiquer où celle-ci se trouve. Elle peut ainsi le cas échéant déclarer irrecevables les conclusions de parties qui refusent de produire les pièces et autres renseignements indispensables pour que l'autorité puisse prendre sa décision.
5.2.1 Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d'office l'ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits. Il leur incombe d'étayer leurs propres thèses, de renseigner l'autorité sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître. En l'absence de collaboration de la partie concernée par de tels faits et d'éléments probants au dossier, l'autorité qui met fin à l'instruction du dossier en considérant qu'un fait ne peut être considéré comme établi, ne tombe ni dans l'arbitraire ni ne viole les règles régissant le fardeau de la preuve (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_80/2018 du 23 mai 2019 consid. 4.1 ; ATA/1192/2015 du 3 novembre 2015 consid. 2b).
5.2.2 La portée de la maxime inquisitoire est ainsi restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Ce devoir comprend en particulier l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2. ; ATA/874/2020 du 8 septembre 2020 consid. 5a ; ATA/871/2015 du 25 août 2015 consid. 3c et les références citées). La jurisprudence considère que le devoir de collaboration des parties à l'établissement des faits est spécialement élevé s'agissant de faits que la partie connaît mieux que quiconque (arrêts du Tribunal fédéral 2C_284/2019 du 16 septembre 2019 consid. 4.3 ; 1C_426/2017 du 11 mars 2019 consid. 5.3 et les références citées).
Lorsque les preuves font défaut, ou si l’on ne peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, la règle de l’art. 8 du code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) est applicable par analogie. Ainsi, pour les faits constitutifs d’un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (art. 8 CC ; ATF 112 Ib 65 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_170/2011 du 18 août 2011 consid. 3.2 ; ATA/597/2024 du 14 mai 2024 consid. 4.9).
5.2.3 En procédure administrative, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 phr. 2 LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/874/2020 précité consid. 5a ; ATA/659/2017 du 13 juin 2017 consid. 2b et les références citées). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/874/2020 précité consid. 5a ; ATA/659/2017 précité consid. 2b et les références citées).
De jurisprudence constante, en présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l'intéressé a données en premier lieu, alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 9C_728/2013 du 16 janvier 2014 consid. 4.1.2 ; ATA/597/2024 du 14 mai 2024 consid. 4.10 ; ATA/174/2022 du 17 février 2022 consid. 3f).
5.3 En l’espèce, la position de la recourante est particulière en raison de différends internes, évoqués dans ses écritures, à la suite du changement de ses dirigeants, survenu début août 2023. Ses nouveaux dirigeants tentent de remettre en cause la décision litigieuse, alors que celle-ci est fondée sur les documents fournis par son précédent administrateur, constitués essentiellement de fiches de salaires et de quelques contrats, comme le démontrent les classeurs n° 2 à 4 produits par l’OCIRT. Ceux-ci exposent la situation salariale de 67 personnes employées par l’institut de 2020 à 2022, période faisant l’objet du contrôle opéré par l’OCIRT. Lesdites fiches indiquent le salaire mensuel brut et les déductions sociales, avec généralement la mention du taux d’activité de l’employé(e).
Ces données permettent ainsi indubitablement de déterminer si l’institut a respecté, pour chacun de ses employés, le salaire minimum genevois applicable depuis novembre 2020. À cela s’ajoutent les documents, clairement répertoriés par l’OCIRT pour chaque employé concerné dans ses classeurs nos 6 et 7, que l’institut lui a transmis après ses demandes de complément effectuées les 21 novembre 2022 et 28 février 2023. L’OCIRT a donc correctement mené l’instruction de la cause et établi son dossier, constitué de plusieurs classeurs, dans le respect de la maxime inquisitoire et sur la base du devoir de collaboration incombant à l’institut, détenteur des pièces pertinentes et nécessaires pour vérifier le respect du salaire minimum genevois.
Dans ces circonstances, en appuyant son argumentation sur des déclarations écrites de certains employés, postérieures à la période de contrôle, datant par exemple de septembre 2023 ou de février 2024, la recourante ne parvient pas à remettre en cause la fiabilité des données répertoriées par l’OCIRT dans les trois tableaux annexés à la décision litigieuse et fixant le montant des rattrapages salariaux encore dus par l’institut à ses employés pour les années 2020 à 2022. De plus, on peine à comprendre l’intérêt, pour l’institut, de contester certains éléments de la situation professionnelle de deux employées (KOMSIC et RHEXA) alors qu’il a réglé les rattrapages salariaux qui leur étaient dus, conformément aux tableaux annexés à la décision querellée. En outre et compte tenu des exigences posées sur le site Internet susmentionné de l’OCIRT, de concert avec le CSME, pour admettre l’exception au salaire minimum pour les « jobs d’été », la seule déclaration de l’employée concernée (soit Laetitia FRANCISCO), datant au surplus de janvier 2024, accompagnée d’un certificat de scolarité, n’est pas suffisante pour établir une dérogation au salaire minimum conforme à la réglementation topique.
Enfin, la recourante ne démontre pas non plus l’existence de cas de formation, conforme aux dispositions susmentionnées et aux conditions fixées par le CSME et publiées sur le site Internet susmentionné. En particulier, la comparaison avec un ancien cas de 2018 n’est pas pertinente, dans la mesure où il s’agit d’une autre période que celle visée par le contrôle de l’OCIRT et que la réglementation du salaire minimum en cause a été introduite en novembre 2020, ce qui explique de manière objective et sans devoir procéder à d’autres investigations une potentielle différence de traitement. On ne voit par ailleurs pas de raison pour l’OCIRT de s’écarter des exigences clairement indiquées sur le site Internet précité et fixées en concertation avec le CSME, conformément à l’art. 56E RIRT. L’argument tiré de l’absence d’une concertation auprès du CSME tombe donc à faux.
Par conséquent, la société échoue à démontrer l’existence d’une quelconque erreur dans les tableaux annexés à la décision litigieuse, ou d’une exception avérée au sens de l’art. 39J let. b LIRT. Elle ne peut pas non plus tirer un quelconque avantage d’une prétendue violation du principe de la bonne foi, faute de démontrer que l’OCIRT a concrètement admis ladite exception dans le cas particulier d’une des 23 personnes employées entre 2020 et 2022 par l’institut et pour lesquelles des rattrapages salariaux, identifiés dans lesdits tableaux, sont encore dus. Elle ne respecte dès lors pas, pour ces personnes, le salaire minimum correspondant à l’année concernée, introduit à Genève en novembre 2020. Elle manque donc à ses obligations légales, en tant qu’employeur occupant des travailleurs accomplissant habituellement leur travail dans le canton, au sens des art. 39I ss LIRT, et fait de la sous-enchère salariale pour un montant total de CHF 471'691.57 entre novembre 2020 et novembre 2022. Cette somme concerne 23 employés distincts, et ce sur deux de ces années pour neuf d’entre eux et sur ces trois années pour une employée.
6. L’institut soutient enfin que le montant de l’amende est disproportionné. Hormis le grief écarté pour les raisons précitées, il ne la conteste, à raison, pas sur son principe. En effet, lorsque, comme en l’espèce, un employeur ne respecte pas le salaire minimum prévu à l’art. 39K LIRT, l’OCIRT peut prononcer une amende administrative de CHF 30'000.- au plus. Ce montant maximal de l’amende administrative peut être doublé en cas de récidive (art. 39N al. 1 LIRT).
6.1 S’agissant de la quotité de l’amende, hormis la disposition susmentionnée, il n’existe aucune norme particulière y afférente dans la LIRT. Dès lors, les règles générales en la matière s’appliquent.
6.1.1 Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions, pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. La quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/1308/2020 du 15 décembre 2020 consid. 9b ; ATA/1305/2015 du 8 décembre 2015 consid. 12b et les références citées).
L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur, et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/1447/2017 du 31 octobre 2017 consid. 7 ; ATA/1305/2015 précité consid. 12b).
Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 8ème éd., 2020, n. 1493). Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La chambre administrative ne la censure qu'en cas d'excès ou d'abus dudit pouvoir. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (ATA/894/2022 du 6 septembre 2022 consid. 8g ; ATA/319/2018 du 10 avril 2018 consid. 11b).
6.1.2 Sous le droit antérieur à l’introduction du salaire minimum genevois, la chambre administrative a confirmé l'amende de CHF 2'000.- infligée par l'OCIRT, l’amende maximale s’élevant alors à CHF 5'000.-, dans une affaire dans laquelle un employeur avait affecté pendant près d'une année son employé à des activités domestiques traditionnelles, sans respecter les salaires minimaux impératifs prévus par le contrat-type de l'économie domestique, impliquant un rattrapage salarial brut de CHF 19'750.- (ATA/1057/2017 du 4 juillet 2017 consid. 8).
Elle en a fait de même s'agissant d'une affaire de violation des salaires minimaux prévus par la convention collective cadre dans le commerce de détail dans laquelle l'OCIRT avait fixé l'amende au maximum, soit CHF 5'000.-, compte tenu de l’importance de la sous-enchère salariale (CHF 329'120.60), de sa durée (plus de deux ans et demi) et du nombre de collaborateurs concernés (septante-neuf), soit la totalité des employés soumis à la convention collective (ATA/647/2016 du 26 juillet 2016 consid. 10).
La chambre administrative a, en revanche, réduit à CHF 3'500.- l'amende, initialement fixée à CHF 5'000.-, pour un employeur n'ayant pas respecté les salaires minimaux impératifs prévus pour deux esthéticiennes, pendant plusieurs mois, entraînant un rattrapage de CHF 10'175.84. Il s'agissait de la première infraction commise par l'employeur, qui avait collaboré à l'établissement des faits (ATA/126/2016 du 9 février 2016 consid. 6c).
6.1.3 Sous le nouveau droit, la chambre administrative a réduit de CHF 28'000.- à CHF 14'000.- l’amende infligée à un employeur pour une sous-enchère salariale de CHF 381'701.18 dans le domaine de l’économie domestique, ayant eu lieu pendant quatre ans au préjudice de cinq employées successives. La collaboration de l’employeur à l’établissement des faits devait être qualifiée de moyenne, et non de faible, et il n’avait pas d’antécédents (ATA/894/2022 du 6 septembre 2022).
Dans une autre affaire concernant le domaine de la communication et du marketing, la chambre administrative a réduit de CHF 28'000.- à CHF 12'000.- l’amende infligée à un employeur, sans antécédents, pour une sous-enchère salariale d’au minimum CHF 105'080.-, estimée par l’OCIRT à CHF 203'045.91, concernant cinq employés, qui s’était déroulée de novembre 2020 à mai 2022. La collaboration de l’employeur à l’établissement des faits avait été jugée faible en raison de la production tardive et lacunaire de documents (ATA/1253/2022 du 13 décembre 2022).
6.2 Dans la décision litigieuse, l’OCIRT explique tenir en général compte de la taille de l’entreprise, du pourcentage de salariés concernés par les infractions, de la gravité des infractions, de la durée des infractions reprochées, de la collaboration de l’entreprise, d’une éventuelle mise en conformité et d’une éventuelle récidive, lorsqu’elle fixe le montant des sanctions en cas de violation du salaire minimum.
Alors que la recourante invoque deux affaires datant de 2016, dont l’ATA/647/2016 précité dans lequel l’amende alors maximale a été confirmée, l’OCIRT motive le montant de l’amende litigieuse fixée à CHF 27'400.- en relevant les différences de la présente cause avec celle faisant l’objet de l’ATA/1253/2022 précité, dans lequel l’amende est passée de CHF 28'000.- à 12'000.-. Selon l’OCIRT, la présente cause concerne des infractions au salaire minimum pour 28 personnes employées par l’institut sur les 67 personnes qui y sont engagées pendant la procédure de contrôle, soit entre les 1er novembre 2020 et le 30 novembre 2022. Cela correspond à plus du quintuple s’agissant du nombre d’employés concernés et à plus du quadruple s’agissant du montant total de la sous-enchère qui s’élève in casu à CHF 471'691.67. L’OCIRT souligne également la persistance de l’institut à vouloir minimiser sa propre responsabilité en rejetant la faute tantôt sur elle, autorité intimée, tantôt sur des tiers (l’hospice général ou l’office de l’assurance-invalidité) au motif qu’ils l’auraient conforté dans son erreur, alors qu’il est, en sa qualité d’employeur, seul responsable du respect du salaire minimum. Ces éléments confirment, selon l’OCIRT, la proportionnalité de l’amende litigieuse
6.3 En l’espèce, le montant de la sous-enchère salariale litigieuse (CHF 471'691.67) est important. Il concerne en outre 23 des 67 employés répertoriés par l’OCIRT, dont dix d’entre eux à deux, voire trois reprises. Cela représente un tiers des personnes engagées pendant la période de contrôle d’une durée de 25 mois (novembre 2020 à novembre 2022) et 34 rattrapages salariaux dus par l’institut. Il s’agit ainsi d’une infraction grave. L’institut, qui n’a pas d’antécédents au regard du dossier, a certes collaboré, entre juillet et décembre 2022, au contrôle opéré par l’OCIRT en lui transmettant des documents justifiant du respect de ses obligations et en procédant à quelques mises en conformité.
Son comportement dès janvier 2023 a en revanche eu pour effet de retarder l’instruction et la prise de décision correspondante de l’OCIRT, puis il est devenu contreproductif, alors que le seul but de la procédure de contrôle est de vérifier le respect du salaire minimum genevois par l’institut à l’égard de ses employés, obligation légale incombant à l’OCIRT (art. 39M al 1 LIRT). Sa collaboration ne peut ainsi qu’être qualifiée de faible, l’art. 39M al. 2 LIRT imposant à tout employeur de fournir en tout temps à l’OCIRT un état détaillé des salaires versés à chaque travailleur et du nombre correspondant d’heures de travail effectuées.
Cela étant, le montant de l’amende litigieuse est fixé à CHF 27'400.-, c’est-à-dire presque à son maximum, alors qu’à teneur du dossier, il s’agit de la première infraction constatée par l’OCIRT qui soit imputée à l’institut en matière de non-respect du salaire minimum. Ce montant apparaît ainsi légèrement disproportionné.
Vu les circonstances de la présente espèce et la liberté d’appréciation de l’autorité intimée, seule une réduction limitée peut entrer en ligne de compte afin de tenir principalement compte de l’absence d’antécédents et des quelques mises en conformité effectuées par l’institut au cours de l’instruction. La chambre administrative réduira donc l’amende querellée à CHF 25'000.-.
Par conséquent, le recours est admis très partiellement. La décision querellée sera annulée en ce sens que le montant de l’amende est réduit à CHF 25'000.-. Elle est confirmée pour le surplus.
7. Vu l’issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 500.- sera mis à la charge de la société recourante (art. 87 al. 1 LPA). Il n’y a pas lieu d’allouer une indemnité de procédure, la recourante plaidant en personne et n'ayant pas allégué avoir exposé des frais pour assurer sa défense (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 5 octobre 2023 par l’A______ SA contre la décision de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 4 septembre 2023 ;
au fond :
l’admet partiellement ;
annule la décision précitée en ce qui concerne le montant de l’amende et ramène celui-ci à CHF 25'000.- ;
confirme la décision querellée pour le surplus ;
met un émolument de CHF 500.- à la charge de l’A______ SA ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal-Fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à l’A______ SA ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.
Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Patrick CHENAUX, Jean-Marc VERNIORY, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière :
S. CROCI TORTI
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| la présidente siégeant :
F. KRAUSKOPF |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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