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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/547/2015

ATA/1305/2015 du 08.12.2015 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/547/2015-EXPLOI ATA/1305/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 décembre 2015

1ère section

 

dans la cause

 

A______ SÀRL

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL



EN FAIT

1. A______ Sàrl (ci-après : A______ ou la société) est une société à responsabilité limitée créée en octobre 2012, sise à Genève et ayant pour but : « exploitation d'un institut de beauté, soins d'esthétique pour le visage et le corps, de bien être, de remise en forme, d'esthétique dentaire, manucure et beauté des pieds ; exploitation d'un salon de coiffure ; commerce et diffusion de produits de beauté, produits cosmétiques et tous articles analogues; commerce, importation, exportation de vêtements et textiles, notamment de maillots de bains ».

2. Par courrier du 15 janvier 2014, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT ou l’office) a informé différents centres de soins esthétiques, dont A______, d’un contrôle actuel systématique des conditions de travail des entreprises de ce secteur d’activité, ayant pour but de vérifier le respect des salaires minimaux obligatoires selon le contrat-type de travail des esthéticiennes (CTT-Esthé - J 1 50.16) entré en vigueur le 1er janvier 2013. Il a imparti aux destinataires de sa lettre un délai au 15 février 2014 au plus tard pour lui faire parvenir plusieurs documents et renseignements.

3. Par pli signé par son associée gérante Mme B______ du 30 janvier 2014, la société a adressé à l’office ce qu’elle considérait être « tous les documents demandés » et précisé que les collaboratrices travaillaient sur la base de 40h00 par semaine, étaient rétribuées au salaire horaire et étaient toutes intéressées aux chiffres d’affaires mensuel et annuel si l’entreprise faisait des bénéfices.

4. Par lettre du 11 mars 2014, l’OCIRT a demandé à A______ de lui fournir d’ici au 26 mars 2014, à titre de documents et informations complémentaires, la liste de l’ensemble du personnel actif depuis le 1er janvier 2013 à ce jour, ainsi que les fiches de salaire de l’ensemble du personnel des mois de janvier à décembre 2013, et l’a rendue attentive à son obligation de collaborer sous peine de sanctions.

5. Par courriel du 14 mars 2014, M. C______, personne désignée comme assurant le suivi des activités administratives de la société, a donné suite à cette demande et envoyé en attaché (format PDF) des fiches de salaires et autres documents relatifs aux salaires, concernant les collaboratrices, indiquant ne pas être en possession de certaines fiches de salaire mais précisant que les salaires des fiches manquantes étaient équivalents à ceux attestés par les fiches jointes.

6. Par lettre du 25 avril 2014, l’OCIRT a fait part à A______ que celle-ci n’avait pas respecté les obligations du CTT-Esthé à l’égard de Mmes D______, E______, F______ et G______. Pour certains mois de 2013, différents selon les employées, la société n’avait pas payé l’indemnité pour les vacances de 8,33 % ou avait versé un salaire inférieur au salaire minimum. L’office demandait par conséquent de corriger les salaires des employées concernées avec effet rétroactif au mois de janvier 2013 et de lui faire parvenir les justificatifs permettant d’établir cette mise en conformité, à savoir les fiches de salaires du mois d’avril 2014, contresignées par les employées concernées, indiquant le montant du rattrapage salarial dû depuis le 1er janvier 2013 ainsi que le montant du nouveau salaire conforme au CTT-Esthé ou, pour Mmes E______, G______, H______ et D______, l’avis de versement bancaire.

Par ailleurs, les montants annoncés comme participation au chiffre d’affaires pour Mme G______ n’apparaissait ni dans le journal de salaires de l’entreprise ni dans l’attestation de salaire annoncée à l’AVS pour l’année 2013. Sur ce point aussi étaient requis des documents. L’ensemble des documents devaient parvenir à l’OCIRT le 15 mai 2014 au plus tard, délai dans lequel la société pouvait aussi formuler des observations écrites. Celle-ci était enfin rendue attentive au fait que si elle procédait aux rattrapages salariaux demandés, l’amende administrative de CHF 5'000.- au plus par infraction prévue à l’art. 9
al. 2 let. c de loi fédérale sur les mesures d’accompagnement applicables aux travailleurs détachés et aux contrôles des salaires minimaux prévus par les contrats-types de travail du 8 octobre 1999 (LDét - RS 823.20) pourrait être réduite.

7. Par courrier du 5 mai 2014, A______ a contesté tous les reproches formulés par l’OCIRT, contestant en particulier n’avoir pas respecté les obligations du CTT-Esthé. Toutes les employées mentionnées par l’office avaient bénéficié de leurs vacances qu’elles étaient en droit d’avoir par rapport aux jours travaillés dans l’entreprise. Il n’y avait aucune obligation de mentionner les jours de vacances sur les fiches de salaire. Toutes les personnes ayant travaillé pour la société avaient signé un contrat de travail en bonne et due forme. Généralement pendant les trois mois d’essai, les salariés avaient un salaire fixe, négocié avant toute signature de contrat, et le complément de salaire était obtenu par les primes sur le chiffre d’affaires. De plus, toutes les employées bénéficiaient de formations complémentaires très onéreuses et totalement à la charge de la société. Aucune participation n’était demandée pour celles-ci aux employées.

8. Par pli du 30 mai 2014, l’office a requis de A______ la transmission de plusieurs documents et informations avec délai au 30 juin 2014.

9. Le 27 juin 2014, la société a adressé à l’office les documents qu’elle considérait comme demandés.

10. Par lettre du 12 septembre 2014, l’OCIRT a indiqué rester en attente de certains documents dont un confirmant les heures effectuées chaque mois pour toutes les travailleuses du 1er janvier 2013 à ce jour contresigné par celles-ci.

11. Par pli du 16 septembre 2014, A______ a répondu avoir trouvé les fiches d’heures mensuelles réalisées par les employées, qu’elle joignait audit courrier, mais être dans l’impossibilité de pouvoir faire signer ces fiches aux employées qui ne travaillaient plus pour elle, certaines ayant quitté le territoire, d’autres ayant déménagé.

12. Le 24 septembre 2014, l’office a écrit à la société que le document concernant le nombre d’heures mensuelles ne correspondait pas à sa demande « dans la mesure où le nombre d’heures travaillées [n’était] pas clairement établi pour les employées mensualisées » ; de plus, les pièces qu’il contenait n’avaient pas été signées par les travailleuses, qu’elles soient à ce jour employées par l’entreprise ou qu’elles l’aient quittée.

13. Un entretien a eu lieu le 13 octobre 2014 dans les locaux de A______ en présence de l’associée gérante de celle-ci et de la personne désignée comme assurant le suivi des activités administratives de la société.

14. Par courriel du même jour, l’OCIRT a, comme convenu, adressé à la société le modèle de relevé des heures ainsi que le document mis à jour concernant
Mme G______. L’office restait dans l’attente des documents demandés d’ici au 1er décembre 2014.

15. Par courrier du 16 décembre 2014, l’OCIRT se référant à l’entretien du
13 octobre 2014 et à son courriel du même jour, a constaté que A______ n’avait pas donné suite à sa demande de produire la preuve des rattrapages salariaux pour l’ensemble du personnel (fiches de salaire contresignées par les travailleuses et avis bancaires ou postaux), rattrapages à effectuer sur la base des décomptes datés du 26 septembre 2014 remis lors de l’entretien, ainsi que pour Mme G______ l’explication détaillée de la relation de travail et de la fin des rapports de travail indiquant les raisons qui avaient conduit à la non-application des conditions ressortant du CTT-Esthé, cette explication devant être contresignée par Mme G______.

Un délai au 9 janvier 2015 « plus tard » (sic) était imparti à la société pour faire parvenir les documents et renseignements demandés, sous peine de sanctions.

16. Par lettre du 14 janvier 2015 et courrier du 15 janvier 2015, A______ a informé l’OCIRT de ce qu’elle avait mandaté la fiduciaire I______ SA à Carouge (GE) pour traiter avec lui les différents dossiers en cause. Elle donnait le droit à I______ SA d’obtenir auprès de l’OCIRT toutes les informations utiles sur ces dossiers. Il était donc demandé à l’office de s’adresser dès ce jour à I______ SA pour le suivi des dossiers.

Ni preuve des rattrapages salariaux, ni une confirmation écrite de la durée des relations de travail entre l’entreprise et Mme G______ étaient jointes à ce courrier.

17. Par décision du 16 janvier 2015, l’OCIRT a prononcé, à l’encontre de A______, une amende de CHF 5'000.- et mis à la charge de celle-ci un émolument de sanction de CHF 100.-, les actions civiles des travailleurs concernés étant réservées.

L’office avait en effet constaté que la société ne respectait pas les salaires minimaux prévus à l’art. 6 CTT-Esthé pour quatre de ses employées, les différences de salaire constatées étant les suivantes :

CHF 777.48 pour la période allant du 19 mars 2013 au 19 juin 2013 pour
Mme G______ ;

CHF 159.84 pour la période allant du 1er janvier 2013 au 31 mars 2013 pour Mme E______ ;

CHF 3'461.- pour la période allant du 1er janvier 2013 au 31 mars 2013 pour Mme F______ ;

CHF 467.52 pour la période allant du 1er janvier 2013 au 31 août 2013 pour Mme D______.

Par rapport au salaire obligatoire, la sous-enchère salariale pratiquée par l’entreprise était importante car elle concernait quatre employées.

18. Par acte expédié le 12 février 2015 à l’OCIRT, I______ SA a, pour le compte de A______, formé opposition contre cette amende et sollicité un entretien avec lui.

L’OCIRT a transmis cet acte le 17 février 2015 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

19. Par lettre du 19 février 2015, la chambre administrative a notamment imparti à A______, c/o I______ SA, un délai au 2 mars 2015 pour formuler les raisons pour lesquelles elle saisissait la chambre administrative ainsi que ses prétentions exactes.

20. Par acte du 20 mars 2015, reçu le 25 mars 2015, A______, agissant elle-même et par la signature de son associée gérante, a précisé les motifs de son recours et a conclu à ce qu’il soit constaté qu’il n’y avait pas de sous-enchère salariale envers les quatre employées citées dans la décision de l’OCIRT du 16 janvier 2015, à l’annulation de la décision du 16 janvier 2015 dudit office et donc à l’annulation de l’amende, ainsi que de l’émolument. Les frais devaient être mis à la charge de l’intimé et celui-ci devait être débouté de toutes autres conclusions.

21. Dans sa réponse du 30 avril 2015, l’OCIRT a conclu au rejet du recours de A______ et à la confirmation de sa décision du 16 janvier 2015, la recourante devant être condamnée aux dépens de l’instance.

22. La recourante n’ayant pas formulé d’observation dans le délai imparti, la chambre administrative a, par lettre du 17 juillet 2015, informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

23. Pour le reste, les arguments des parties et certains faits seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile puis transmis à la juridiction compétente, le recours est recevable sous ces angles (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du
26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 64 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Les conclusions du complément de recours du 20 mars 2015 ne faisant que confirmer les conclusions de l’acte initial du 12 février 2015, le recours est recevable sous cet angle également (art. 65 al. 1 LPA).

2. a. Vu les décisions des 24 novembre 2006 et 8 juin 2007 du Conseil de surveillance du marché de l’emploi (ci-après : CSME) agissant en tant que commission tripartite cantonale au sens de l’art. 360b al. 1 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220) constatant dans le secteur de l’esthétique une
sous-enchère abusive et répétée au sens de l’art. 360b al. 3 CO, la Chambre des relations collectives de travail (ci-après : CRCT) a adopté le 28 août 2007 l’ancien contrat-type de travail, valable jusqu’au 30 septembre 2011, pour les travailleuses et travailleurs du secteur de l’esthétique (J 1 50.16).

b. Par décision du 23 septembre 2011, le CSME a constaté, dans le secteur de l’esthétique, une persistance d’une sous-enchère salariale abusive et répétée au sens de l’art. 360b al. 3 CO, proposé en conséquence à la CRCT de proroger, pour une durée de quatre ans, et en application de l’art. 360a CO, l’ancien contrat-type de travail pour les travailleuses et travailleurs de l’esthétique fixant des salaires minimaux impératifs et recommandé à la CRCT un barème salarial de
CHF 3'450.- par mois pour un horaire hebdomadaire de quarante heures.

c. Le 18 décembre 2012, la CRCT a adopté le CTT-Esthé entré en vigueur le
1er janvier 2013 (J 1 50.16).

À teneur de son art. 1, sont considérés comme travailleuses et travailleurs du secteur de l’esthétique, au sens du présent contrat-type, les esthéticiennes et/ou les prothésistes ongulaires exerçant dans des instituts de beauté (al. 1) ; le présent contrat-type ne s’applique pas aux travailleurs du secteur de l’esthétique soumis à une convention collective de travail (al. 3).

En vertu de l’art. 6 CTT-Esthé, le salaire minimum est de CHF 3'466.- par mois (al. 1) ; le salaire minimum prévu à l’al. 1 a une caractère impératif au sens de l’art. 360a CO pour une durée de travail hebdomadaire de quarante heures (al. 2) ; en cas de travail à temps partiel, le salaire minimum est calculé prorata temporis (al. 3) ; le caractère impératif du salaire minimum est prorogé jusqu’au 31 décembre 2015 (al. 4).

À teneur de l’art. 15 CTT-Esthé, l’OCIRT est l’organe de surveillance (al. 1) ; il est chargé notamment de contrôler le respect des salaires minimaux, les conditions de travail des jeunes gens et des personnes en formation ainsi que la sécurité des installations (al. 2).

d. Selon l’art. 9 al. 2 let. c LDét, l’autorité cantonale visée à l’art. 7 al. 1
let. d LDét peut, en cas d’infraction aux dispositions relatives au salaire minimal d’un contrat-type de travail au sens l’art. 360a CO par l’employeur qui engage des travailleurs en Suisse, prononcer une sanction administrative prévoyant le paiement d’un montant de CHF 5'000.- au plus ; l’art. 7 de la loi fédérale sur le droit pénal administratif du 22 mars 1974 (DPA - RS 313.0) est applicable.

L’art. 9 al. 2 let. d LDét permet à ladite autorité de mettre tout ou partie des frais du contrôle à la charge de l’entreprise ou de la personne fautive.

e. Conformément à son art. 1 al. 2, la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05) précise la mise en œuvre, dans le canton de Genève, de la LDét.

En vertu de l’art. 35 LIRT, l’OCIRT est l'autorité compétente au sens de l'art. 7 al. 1 let. d LDét (al. 1) ; le prononcé des sanctions et mesures administratives prévues par l'article 9 de la LDét est du ressort de l'office (al. 3).

3. En l’occurrence, la recourante reproche tout d’abord à l’OCIRT de ne pas avoir tenu compte, avant de prononcer sa décision du 16 janvier 2015, de la procuration qu’elle a signée en faveur de I______ SA, mandat qu’elle avait déjà annoncé alors qu’il y aurait déjà eu un premier contact entre les représentants de l’OCIRT et les représentants de la fiduciaire, le premier ne reconnaissant toutefois pas la qualité de représentante de la fiduciaire au motif qu’elle n’avait pas de procuration. Cette façon de procéder laissait penser, selon la recourante, que l’intimé s’est très rapidement positionné dans le seul but de mettre la fiduciaire devant le fait accompli sans lui donner la possibilité d’examiner le dossier et de présenter sa réponse. Ceci démontrerait la partialité de l’office et le fait qu’il ne serait aucunement question de donner une vraie chance à la recourante de se faire assister pour justifier sa position.

Toutefois, comme le relève l’intimé, celui-ci a, par lettre du 16 décembre 2014, imparti à la recourante un délai au 9 janvier 2015 pour faire parvenir les documents et renseignements demandés, sous peine de sanctions. C’est après l’échéance de ce délai que la société a fait part à l’intimé de la procuration en faveur de I______ SA, sans qu’il y ait du reste élection de domicile.

Dans ces conditions, l’intimé était en droit de rendre la décision présentement querellée.

4. Selon la recourante, les employées visées par la décision de l’OCIRT n’étaient pas titulaires d’un CFC d’esthéticienne, n’étaient que très peu ou pas expérimentées, et s’étaient formées ou devaient être formées aux frais d’elle-même avec des cours payés par elle, frais dont l’intimé ne tenait pas compte dans ses calculs. Selon la société, dans n’importe quelle branche professionnelle, des différences notables étaient faites entre les ouvriers au bénéfice d’un CFC et des manœuvres ou des apprentis.

Ce faisant, elle perd de vue, comme le relève l’intimé, que le CTT-Esthé ne prévoit aucune distinction selon les qualifications, formations ou l’expérience de l’employé pour ce qui est du salaire minimal, alors que, par exemple, l’art. 10 du contrat-type de travail de l’économie domestique (CTT-EDom - J 1 50.03), l’art. 9 du contrat-type de la floriculture (CTT-Flor - J 1 50.10), et l’art. 2 du contrat-type de travail pour le transport de choses pour le compte de tiers (CTT-TCCT -
J 1 50.18), tous adoptés par la CRCT, font de telles distinctions.

En outre, l’art. 360a al. 1 CO précise que le contrat-type de travail d’une durée limitée prévoit des salaires minimaux différenciés selon les régions et, le cas échéant, selon les localités, et n’exige ainsi pas, sans toutefois l’exclure, la prise en compte des qualifications, formations et expérience.

Enfin, conformément à l’art. 360d al. 2 CO, il ne peut être dérogé à un contrat-type de travail au sens de l’art. 360a CO en défaveur du travailleur.

Ce grief est donc infondé.

5. La recourante fait valoir que Mme F______ ne peut pas avoir été sous-payée pour la période du 1er janvier 2013 au 31 mars 2013 parce qu’elle ne travaillait pas encore pour elle, n’ayant commencé à travailler qu’à partir du 1er juillet 2013.

L’intimé admet une erreur de date concernant les rapports de travail. Cependant, selon l’office, le calcul du rattrapage salarial était correct et concernait bel et bien la période du 1er juillet au 30 septembre 2014 comme mentionné dans le décompte remis en mains propres à la recourante le 13 octobre 2014.

Bien qu’elle en ait eu la possibilité de le faire dans le délai imparti par la chambre de céans pour l’exercice de son droit de réplique, la recourante n’a pas contesté ces assertions de l’OCIRT, qu’il convient donc de considérer comme établies.

6. La recourante se prévaut en outre d’une lettre du 9 mars 2015 de
Mme F______ écrivant que pendant les trois mois d’essai, elle aurait bénéficié d’un salaire fixe fixé avec l’employeur, plus des pourcentages qui seraient assez élevés dans le but de réaliser de bons revenus, plus élevés mêmes que ce qu’elle touchait avec son salaire fixe.

Toutefois, comme indiqué par l’OCIRT, de telles circonstances ne sont pas pertinentes et ne permettent pas à un employeur de se soustraire aux dispositions impératives du CTT-Esthé.

7. Pour les trois autres employées, la recourante admet les différences entre le salaire effectivement versé et le salaire minimal retenues par l’office.

8. La recourante reproche par ailleurs à l’OCIRT de n’avoir pris en considération que les salaires versés et non l’ensemble des prestations fournies par elle, ayant été au bénéfice de formations sur l’utilisation du laser payées par la société elle-même alors qu’elle n’était pas obligée de le faire, ce qui compenserait les différences et leur serait même supérieur.

Ces prises en charge de formation ne constituaient toutefois pas des montants de salaire et ne pouvaient donc pas exempter la recourante du paiement du salaire minimal prévu par le CTT-Esthé.

9. Pour les mêmes motifs, c’est en vain que la recourante invoque, concernant Mme G______, la compensation selon les art. 120 ss CO pour éteindre toute obligation de versement de salaire supplémentaire à celui déjà versé, au motif que cette employée aurait causé un accident qui aurait pu avoir des conséquences graves en violation de son devoir d’employée et qui aurait causé un dommage de CHF 1'529.80 à la société.

10. La recourante fait valoir que, Mme G______ ayant donné son congé le 19 juin 2013 sans respecter le délai légal de congé, un quart de mois de salaire à CHF 750.- devrait être déduit selon l’art. 337d al. 1 CO. Ce montant, même s’il n’était pas réclamé dans le délai de trente jours prévu par l’art. 337d
al. 3 CO, devrait être compensé selon l’art. 120 CO, la société déclarant invoquer la compensation selon l’art. 124 CO.

La question d’une éventuelle compensation, traitée en droit du travail par
l’art. 323b al. 2 CO, n’est en tout état de cause pas du ressort de la chambre administrative, devant laquelle Mme G______ n’est au surplus pas partie.

Au demeurant, une telle compensation apparaît en tout état de cause tardive puisque la recourante aurait pu la faire valoir bien avant le prononcé de la décision litigieuse. La recourante ne démontre pas avoir fait connaître à Mme G______ son intention d’invoquer la compensation comme l’exige l’art. 124 al. 1 CO, de sorte que ladite compensation n’a en tout état de cause pas pu avoir lieu. Au contraire, il apparaît à la lecture de la lettre qu’elle a adressée le 24 juin 2013 à son employée, la société s’est déclarée disposée et à bien plaire à ne pas tenir compte des délais légaux et de permettre ainsi à celle-ci de la quitter avant terme, renonçant ainsi à toute compensation.

11. En définitive, les différences entre les salaires effectivement versés aux quatre employées de la recourante et le salaire minimum constatées par l’intimé dans sa décision querellée sont établies et violent le CTT-Esthé.

12. a. Ni la LDét, ni le message du Conseil fédéral du 23 juin 1999 relatif à l’approbation des accords sectoriels entre la Suisse et la CE (FF 1999 p. 5440 ss, spéc. 5696 ss) ne contiennent des précisions concernant les principes afférents au principe du prononcé de l’amende administrative et à sa quotité selon l’art. 9 al. 2 let. c LDét.

Cela étant, il n’y a aucun motif de s’écarter des règles générales en la matière.

b. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/74/2013 du 6 février 2013 et les arrêts cités).

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 2010, n. 1’179). Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende (ATA/74/2013 précité et les arrêts cités). La chambre de céans ne le censure qu’en cas d’excès ou d’abus (ATA/160/2009 du 31 mars 2009). Enfin, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/61/2014 du 4 février 2014 ; ATA/74/2013 précité et les arrêts cités).

L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur, et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/74/2013 précité).

13. En l’espèce, l’OCIRT a déterminé le montant total de l’amende en fonction de l’importance de la sous-enchère et du nombre d’infractions commises –
quatre –, à savoir selon le nombre de collaborateurs concernés.

Une faute a été indéniablement commise par la recourante par le non-respect du salaire minimal prescrit par le CTT-Esthé. Cela étant, la violation de ce contrat-type de travail a été limitée dans le temps puisqu’elle a porté sur trois mois en 2013 pour chacune des quatre employées concernées, pour un montant total de CHF 4'865.80. Il s’agit enfin de la première infraction commise par la recourante en cette matière. Enfin, la société a partiellement collaboré.

Dans ces conditions, l’amende administrative de CHF 5'000.- infligée à la recourante est disproportionnée et doit être ramenée à CHF 3'000.-.

14. Enfin et en tout état de cause, l’émolument de sanction de CHF 100.- entre dans le cadre de l’art. 66A let. a du règlement d'application de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 23 février 2005 (RIRT - J 1 05.01).

15. Vu ce qui précède, le recours est admis partiellement.

Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe concernant le principe de l’amende (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’absence de représentation de celle-ci après le dépôt de l’acte de recours très succinct, aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 février 2015 par A______ Sàrl contre la décision de l’office cantonal de l'inspection et des relations du travail du 16 janvier 2015 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision de l’office de l’inspection et des relations du travail du 16 janvier 2015 concernant seulement le montant de l’amende ;

réduit le montant de l’amende à CHF 3'000.- ;

confirme la décision querellée pour le surplus ;

met à la charge de A______ Sàrl un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ Sàrl, à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail, ainsi qu’au secrétariat d’État à l’économie SECO.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

 

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :