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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3690/2021

ATA/174/2022 du 17.02.2022 ( AIDSO ) , REJETE

Descripteurs : ASSISTANCE PUBLIQUE;PRESTATION D'ASSISTANCE;AIDE FINANCIÈRE;DEVOIR DE COLLABORER;ENQUÊTE(EN GÉNÉRAL);SOUS-LOCATION;ÉTAT DE SANTÉ
Normes : Cst.29.al2; Cst.12; LIASI.1.al1; LIASI.11.al1; LIASI.35.al1.leta; LIASI.35.al1.letd
Résumé : En n'ayant pas informé l'hospice des sous-locations de chambres dans son appartement, le recourant a failli gravement à son devoir de collaboration. Les omissions de l'intéressé ne sont pas dues à son état de santé psychique. L'intimé était donc en droit de mettre un terme à l'aide sociale versée au recourant. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3690/2021-AIDSO ATA/174/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 février 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Monica Kohler, avocate

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1979, a bénéficié des prestations de l’Hospice général (ci-après : hospice) du 1er avril 2002 au 31 juillet 2002, du 1er novembre 2003 au 30 avril 2013 en octobre 2013 et du 1er novembre 2015 au 31 août 2021. Pendant toutes ces périodes, il était domicilié au route de B______ à Vernier.

2) Les époux A______ n’ayant pas déclaré les revenus de l’épouse, ils ont fait l’objet d’une demande de restitution de CHF 13'088.10 le 4 juin 2014. M. A______ a par ailleurs été reconnu coupable, le 29 novembre 2016, d’escroquerie et faux dans les titres pour ces faits.

3) Il a signé, les 18 novembre 2015, 1er février 2017, 9 février 2018, 12 février 2019, 11 février 2020 et 10 décembre 2020, le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » par lequel il a pris acte du caractère subsidiaire de l'aide sociale et s'est engagé, notamment, à donner immédiatement et spontanément à celui-ci toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique, en particulier toute information sur toute forme de revenu ou de fortune, d’informer immédiatement et spontanément de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière, se soumettre en tout temps et sur simple demande de l’hospice à une enquête du service des enquêtes de celui-ci sur sa situation personnelle et économique et avoir été informé qu’en cas de violation de la loi et de ses engagements, l’hospice se réservait le droit de réduire ou supprimer les prestations accordées.

4) Lors de sa demande d’aide du 17 novembre 2015, il a indiqué être en instance de divorce, vivre avec son père et son frère dans un appartement de cinq pièces au route de B______ à Vernier et être titulaire d’un seul compte bancaire.

5) Lors du renouvellement de sa demande le 1er février 2017, il n’a signalé aucun changement dans sa situation personnelle et financière.

6) Lors de l’entretien du 20 février 2018, il a informé l’hospice que son père était hospitalisé. Il craignait qu’en cas de décès de son père, il ne pourrait plus s’acquitter du loyer. Son assistante sociale lui a conseillé de trouver des colocataires en attendant de trouver un appartement plus petit et moins cher. M. A______ a, en outre, indiqué qu’il avait obtenu un « diplôme » de technicien en informatique et qu’il cherchait un autre logement.

7) Lors de l’entretien du 30 avril 2018, il a informé l’assistante sociale du décès de son père. Le 26 septembre 2018, il lui a indiqué avoir reçu un avis de résiliation de bail pour le 30 juin 2019.

8) Le 12 décembre 2018, M. A______ a informé son assistante sociale qu’il sous-louait une partie de son appartement à Monsieur C______ depuis le 1er décembre 2018. Cette colocation a pris fin le 31 mars 2019 en raison d’un différend entre les deux hommes au sujet du paiement du loyer du mois de mars.

9) Par courrier du 30 janvier 2019, la régie en charge de l’appartement a fait savoir à M. A______ qu’elle ne lui accorderait aucune prolongation de délai de congé. Il n’avait pas donné suite à la proposition faite le 29 novembre 2018 pour un logement de deux pièces sis 14, route de B______. Un nouveau délai au 5 février 2019 lui était accordé pour se déterminer sur cette proposition.

10) Le 4 février 2019, M. A______ a informé son assistante sociale avoir refusé la proposition. Il avait demandé le transfert du bail à son seul nom.

11) Lors d’un entretien du 7 mai 2019, il a déclaré à l’assistante sociale que la régie ne pourrait pas l’expulser de son logement sans passer par une procédure judiciaire.

12) Le 13 août 2019, l’assistante sociale a été informée par un de ses collègues que M. A______ avait proposé à une bénéficiaire de l’hospice et sa fille de leur sous-louer une partie de l’appartement pour CHF 1'000.- dès le 1er septembre 2019. Il avait ensuite retiré sa proposition, ne souhaitant pas que ses prestations d’aide financière soient réduites.

13) Lors de sa nouvelle demande de soutien financier du 19 novembre 2019, M. A______ a indiqué qu’il vivait seul dans l’appartement, que le loyer était de CHF 1'855.- par mois, qu’il détenait un compte bancaire auprès de la D______ et disposait d’une pleine capacité de travail.

14) Lors de l’entretien du 12 février 2020 avec son assistante sociale, M. A______ l’a informée qu’il s’était inscrit comme bénévole auprès de l’université populaire (ci-après : UP) pour donner 150 heures de cours d’informatique. Il s’agissait selon lui d’un préalable pour pouvoir suivre la formation de formateur pour adultes. Lors de l’audience qui s’était tenue peu avant devant le Tribunal des baux et loyers, il avait exigé l’attribution d’un logement de trois pièces.

15) En raison de la pandémie, les entretiens périodiques des mois suivants ont été annulés et les prestations versées en fonction des pièces transmises par le bénéficiaire. Celui-ci a requis le 23 juillet 2020 le remboursement des frais d’acquisition d’un nouveau lave-linge, au motif que celui acheté aux frais de l’hospice l’année précédente était tombé en panne.

16) Lors d’un entretien téléphonique du 16 septembre 2020, M. A______ a déclaré qu’il était sans nouvelle du secrétariat des fondations immobilières de droit public (ci-après : SFIDP) concernant l’attribution d’un logement.

17) Lors d’un entretien du 5 octobre 2020, il a indiqué à l’assistante sociale qu’il avait négocié avec la régie l’échange de son appartement contre un appartement de quatre pièces.

18) Lors de la nouvelle demande de prestations, signée le 10 décembre 2020, M. A______ a signalé comme seul changement dans sa situation le fait qu’il occupait un poste d’enseignant à l’UP et au collège.

19) Selon le rapport de terrain établi par le service d’enquêtes de l’hospice le 3 août 2021, un inspecteur s’était rendu chez M. A______ le 29 juillet 2021. Ce dernier avait refusé qu’il visite son appartement, exposant qu’il était en arrêt de travail pour dépression et qu’il appartenait à l’enquêteur de prendre rendez-vous avec lui dans une ou deux semaines, afin qu’il puisse prendre ses dispositions. Selon le registre de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), Mesdames et Messieurs E______, F______, G______, H______, I______, J______, K______, L______ et M______ étaient ou avaient été domiciliés chez M. A______, les enregistrements étant fondés sur les attestations d’hébergement établies par celui-ci.

20) Par décision du 5 août 2021, déclarée exécutoire nonobstant opposition, l’hospice a mis un terme à ses prestations avec effet au 1er septembre 2021.

21) Dans son opposition, M. A______ a contesté avoir refusé la visite de l’inspecteur et hébergé les six personnes précitées. Il aidait uniquement une amie et ses deux enfants en mettant à leur disposition sa boîte aux lettres et son adresse. Il avait également accueilli en été son cousin venu d’Espagne pour le soutenir. Il se tenait à disposition pour une visite domiciliaire.

Il a ajouté dans un courrier ultérieur que le témoignage du concierge, les images de vidéosurveillance de l’immeuble et l’attestation d’une amie pourraient corroborer ses allégations.

22) Dans le cadre de l’instruction de l’opposition, le service d’enquêtes de l’hospice s’est rendu, les 23 et 26 août 2021 au domicile du bénéficiaire. Selon le rapport établi le 30 août 2021, le service a relevé que le concierge lui avait indiqué, le 23 août 2021, que M. A______ sous-louait régulièrement des chambres de son appartement ; parfois, des personnes venaient avec leurs meubles, et plusieurs noms avaient figuré sur la boîte aux lettres, sans qu’aucun emménagement ne soit signalé à la régie. Il ressort également du rapport que M. A______ avait accepté une visite impromptue le 26 août 2021. Lors de celle-ci, l’inspecteur avait constaté la présence de plusieurs frigos et congélateurs à la cuisine ; la salle à manger était meublée d’une étagère et d’un bureau et il s’y trouvait « de l’électronique de loisir » ainsi que des chaussures d’hommes et de femmes ; dans la salle de bains, il y avait des produits cosmétiques et plusieurs brosses à dent ; le salon était meublé d’un canapé recouvert d’un drap-housse et d’un téléviseur et il y avait également un coin bureau avec ordinateur ; dans la première chambre à coucher, désignée par M. A______ comme étant celle de son cousin Monsieur N______ et parfois de son frère, il y avait un lit simple, un téléviseur, deux commodes et des vêtements ; dans la deuxième chambre à coucher, désignée par l’opposant comme étant la sienne, se trouvaient un lit double, une armoire et des vêtements ; enfin, dans la troisième chambre, désignée par l’opposant comme étant également occupée par M. N______, se trouvaient un lit double avec la literie pour deux personnes, un téléviseur, une table à manger sur laquelle étaient posés des sets de table, une bouteille de tabasco et un pot de café soluble et diverses photos, notamment celle d’un couple et d’une personne âgée, étaient accrochées au mur.

Interrogé sur l’identité des occupants des première et troisième chambres, qui étaient aménagées en studio, M. A______ s’était mis en colère et s’était montré agressif, avant de se calmer et de laisser l’enquêteur quitter les lieux.

Enfin, le rapport relève que selon les données du registre informatique de l’office cantonal des véhicules, Madame O______, MM H______ et E______ avaient déclaré être domiciliés à l’adresse de M. A______.

23) Par décision du 27 septembre 2021, l’hospice a rejeté l’opposition, en maintenant sa position.

24) Par acte expédié le 27 octobre 2021 à la chambre administrative de la Cour de justice, M. A______ a recouru contre cette décision, dont il a demandé l’annulation. Préalablement, il a conclu à la restitution de l’effet suspensif et à l’ouverture d’enquêtes.

Il avait vécu avec son père et son frère depuis le 14 juin 1999. Après le décès de son père en mars 2018, son état dépressif s’était aggravé. Débordés par la situation, son frère et lui avaient répudié la succession, sans réaliser qu’ils avaient, ce faisant, résilié également le bail. Le litige relatif au bail était toujours pendant. Lorsqu’il avait réalisé au mois de juin 2021 qu’il risquait d’être expulsé de son logement, son état de santé s’était encore péjoré. Selon son médecin, il souffrait depuis juin 2021 d’une dépression réactionnelle sévère. Il avait ainsi fait l’objet d’un suivi pychiatrique intensif entre le 29 juin et le 14 octobre 2021. La visite de l’inspecteur de l’hospice avait eu lieu dans ce contexte. Se sentant incapable de gérer un entretien, il avait prié l’inspecteur de revenir, lui proposant de prévoir un rendez-vous, afin qu’il puisse se préparer émotionnellement. L’inspecteur s’était néanmoins présenté à nouveau de manière impromptue le 26 août 2021.

La situation était bien différente de celle retenue dans le rapport du service d’enquêtes. Messieurs F______, ancienne connaissance professionnelle du recourant, G______, E______ et H______ n’avaient qu’utilisé son adresse, sans loger chez lui. Il en allait de même de Mme O______ et de sa fille, la première ayant nécessité une adresse à Genève afin de pouvoir renouveler son autorisation de séjour et inscrire sa fille à l’université. Il avait également « prêté » son adresse à Monsieur I______, afin de lui faciliter la recherche d’emploi. Madame J______, qui était une amie, et son mari, Monsieur P______, avaient été inscrits cinq mois en 2019 comme étant domiciliés chez lui, car Mme J______ avait besoin de justifier d’un appartement disposant d’une chambre pour un enfant afin de faire venir sa fille du Maroc pour la faire soigner en Suisse. Il les avait hébergés pendant cinq mois sans contre-prestation. Il ne connaissait pas Monsieur Q______, qui était également inscrit à son adresse. Après quelques recherches, il avait appris qu’il s’agissait d’un ami de son frère ; le précité n’avait jamais logé chez lui. Madame M______ était son ex-épouse.

Déjà du vivant de son père, il y avait toujours eu deux frigos, un mini frigo et un congélateur à la cuisine. Enfin, Monsieur R______, un ami de la famille, avait attesté que ce que l’inspecteur avait pris pour un drap housse recouvrant le canapé était en réalité une couverture destinée à protéger le canapé.

En raison de son état de santé, il ne savait pas se protéger des tiers et acceptait trop rapidement de rendre service, même à des tiers avec lesquels il n’entretenait pas de liens d’amitié. Le fait de loger Mme J______, le mari et la fille de celle-ci relevait d’un échange de services : la précitée avait besoin de justifier d’un grand appartement et lui-même de régler son conflit avec la fondation HBM qui menaçait de résilier le bail pour sous-occupation.

Lors de sa visite, l’inspecteur n’avait rencontré personne d’autre au domicile du recourant, malgré l’heure matinale de celle-ci. Les constats du concierge relevaient de suppositions. Quand il avait sollicité l’audition du concierge, il avait oublié que quelques années auparavant, il avait co-signé une pétition adressée à la régie pour se plaindre de celui-ci ; le concierge ne l’avait sans doute pas oublié.

25) L’hospice a conclu au rejet du recours.

Il a relevé que l’intéressé n’avait jamais mentionné de problème de santé particulier l’empêchant d’appréhender sa situation personnelle ou financière. Il avait d’ailleurs régulièrement collaboré avec les différents intervenants de l’hospice et n’avait, en particulier, démontré aucune difficulté à gérer le suivi administratif, fournissant les justificatifs demandés et faisant valoir ses droits.

Il ressortait des justificatifs fournis que pour les mois de décembre 2020, janvier et juillet 2021, le montant des prestations de l’hospice était insuffisant pour couvrir le loyer de CHF 1'853 et les dépenses mensuelles. Ainsi par exemple, après perception de la prestation de l’hospice de CHF 2'250.55 pour le mois de décembre 2020 et le paiement du loyer de décembre 2020, le solde de son compte se montait à CHF 689.97 le 7 décembre et à CHF 345.92 le 17 décembre 2020.

Vu l’opacité de la situation financière du recourant, l’hospice s’opposait à la restitution de l’effet suspensif. L’aide d’urgence pouvait être octroyée à condition que le recourant établisse que ses conditions minimales d’existence n’étaient plus assurées.

Selon le certificat médical du 14 octobre 2021 de la Docteure S______, psychiatre, M. A______ était suivi pour une dépression sévère réactionnelle et son état de santé s’était péjoré en juin 2021 avec une recrudescence de crises d’angoisse. Cela avait nécessité dans un premier temps une prise en charge intensive bi-hebdomadaire au programme de crise du centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie intégrées (ci-après : CAPPI). Le Docteur T______, médecin interne, a attesté le 18 octobre 2021 que M. A______ avait bénéficié d’un suivi au CAPPI du 29 juin au 14 octobre 2021 pour un trouble anxio-dépressif.

26) Dans le délai de réplique, le recourant a répété qu’en raison de sa décompensation subie à la suite du décès de son père, il avait été empêché de s’occuper de ses affaires. Contrairement à ce que laissait entendre l’hospice, il n’avait pas cherché à l’escroquer en faisant valoir que le lave-linge était tombé en panne ; ce genre de choses pouvait arriver. Par ailleurs, il ne pouvait lui être reproché d’avoir collaboré avec l’hospice malgré son état de santé défaillant ; il avait fait tout son possible pour répondre aux demandes de l’hospice. Enfin, il n’y avait que trois mois, dont deux se suivaient, durant lesquels il s’était acquitté du loyer sans en avoir les moyens. Il avait alors été aidé par son frère.

L’inspecteur qui s’était présenté à lui l’avait « rudoyé » en ricanant à ses explications, se montrant insultant à son égard en le traitant comme un tricheur et ne l’ayant pas écouté. Les témoignages écrits comportaient tous l’indication de la relation que le recourant entretenait avec leur auteur. Enfin, une personne, qui était comme lui atteinte d’une grave dépression, n’avait plus la capacité de gérer les aspects administratifs.

Il a produit une déclaration écrite de son frère datée du 9 décembre 2021, indiquant que celui-ci était dans « un mauvais état émotionnel », « avait laissé tomber toutes ses affaires » et « était dépassé par les évènements ». Il avait ainsi décidé de l’aider en lui donnant CHF 800.- en décembre 2020 et CHF 900.- en janvier et juillet 2021.

27) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant sollicite son audition ainsi que celle de témoins. Il nomme à ce titre son frère, Mme J______ et M. P______.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour les parties de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 154 consid. 2.1 et 4.2 ; 132 II 485 consid. 3.2). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l’espèce, le recourant a pu exposer son point de vue dans son recours et sa réplique. Outre le fait qu’il ne dispose pas du droit d’être entendu oralement, il n’explique pas en quoi son audition serait susceptible d’apporter des éléments qu’il n’aurait pas encore exposés. Par ailleurs, l’audition de témoins ne s’avère pas non plus de nature à influer sur l’issue du litige. Les faits sur lesquels le recourant souhaite l’audition de son frère ne sont pas contestés, voire pas pertinents. Ainsi, il n’est pas contesté que les frères ont occupé le logement avec leur père, et il n’est pas pertinent de savoir si la répudiation de la succession a entraîné la résiliation du bail ni si le recourant avait du désordre chez lui. L’état psychique de celui-ci est documenté par les certificats médicaux produits. L’audition du frère du recourant invoquée par celui-ci à l’appui de ces faits n’est donc pas nécessaire. Par ailleurs, le recourant reconnaît avoir hébergé Mme J______ et M. P______, de sorte qu’il n’est pas non plus nécessaire d’entendre ces derniers à ce sujet.

Pour le surplus, le dossier, qui comporte les déclarations et allégations du recourant ainsi que les pièces produites par les parties, est complet et permet à la chambre de céans de trancher le litige sans procéder à d’autres actes d’instruction. Il ne sera donc pas donné suite à la demande d’actes d’instruction.

3) Est litigieux le bienfondé de la décision mettant fin à l'aide financière accordée au recourant.

a. Aux termes de l'art. 12 Cst., quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

b. En droit genevois, la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et son règlement d'exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) mettent en oeuvre ce principe constitutionnel.

À teneur de son art. 1 al. 1, la LIASI a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel. Conformément à l'art. 9 al. 1 in initio LIASI, les prestations d'aide financière sont subsidiaires à toute autre source de revenu.

c. À teneur de l'art. 11 al. 1 LIASI, ont droit à des prestations d'aide financière prévues par cette loi, les personnes qui : ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève (let. a) ; ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien (let. b) ; répondent aux autres conditions de la loi (let. c).

d. La LIASI impose un devoir de collaboration et de renseignement (ATA/768/2015 du 28 juillet 2015 consid. 7a ; ATA/1024/2014 du 16 décembre 2014 consid. 4 ; ATA/864/2014 du 4 novembre 2014 consid. 4).

Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » concrétise notamment l'obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il mette tout en oeuvre pour améliorer sa situation sociale et financière.

e. L'art. 35 LIASI décrit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées.

Tel est notamment le cas lorsque le bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la LIASI (art. 35 al. 1 let. a LIASI), lorsqu'il ne s'acquitte pas intentionnellement de son obligation de collaborer telle que prescrite par l'art. 32 LIASI ou lorsqu'il refuse de donner les informations requises, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (art. 35 al. 1 let. d LIASI).

f. De jurisprudence constante, en présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l'intéressé a données en premier lieu, alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 9C_728/2013 du 16 janvier 2014 consid. 4.1.2 ; ATA/195/2021 du 23 février 2021 consid. 7c et les références citées).

g. La suppression ou la réduction des prestations d'assistance doit au surplus être conforme au principe de la proportionnalité, imposant une pesée de l'ensemble des circonstances. Il faut alors prendre en considération la personnalité et la conduite du bénéficiaire des prestations, la gravité des fautes qui lui sont reprochées, les circonstances de la suppression des prestations ainsi que l'ensemble de la situation de la personne concernée (ATF 122 II 193 ; ATA/1271/2017 du 12 septembre 2017 consid. 6c ; ATA/357/2017 du 23 mars 2017 consid. 7c).

h. En l’espèce, le recourant a signé à plusieurs reprises le document « Mon engagement » et s’est ainsi engagé à donner immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique, de signaler spontanément tout fait nouveau de nature à modifier le montant des prestations d’aide financière et de se soumettre en tout temps à une enquête du service des enquêtes de l’hospice, notamment en autorisant en tout temps un contrôle à son domicile, avec ou sans préavis.

Le recourant a établi, à l’attention de l’OCPM, les attestations suivantes : le 1er janvier 2020 [recte : 2021], il a attesté « sur l’honneur héberger à durée indéterminée dans [s]on logement de 6P à loyer libre situé au route de B______, 1214 Vernier, depuis le 1er septembre 2020 Monsieur E______ » ; dans un document intitulé « confirmation de sous-location », daté du 1er novembre 2020, il a attesté « sur l’honneur héberger à durée indéterminée dans [s]on logement de 6P situé au route de B______, 1214 Vernier, à partir du 1er novembre 2020 Monsieur F______ » ; le 1er mars 2020, il a « attest[é] sur l’honneur héberger à durée indéterminée dans [s]on logement de 6P situé au route de B______, 1214 Vernier, à partir du 1er mars 2020 G______ » ; le 1er octobre 2020, dans un document intitulé « confirmation de co-location », il a attesté « sur l’honneur que H______ s’est installé chez [lui] au rte de B______, 1214 Vernier, depuis le 1er octobre 2020 pour une colocation à durée indéterminée » ; le 1er janvier 2020 également, il a attesté « sur l’honneur héberger à durée indéterminée dans [s]on logement de 6P situé au route de B______, 1214 Vernier, à partir du 1er janvier 2020 Monsieur I______ » ; le 28 juillet 2018, dans un document intitulé « confirmation de sous-location de mon appartement 6P », il a confirmé loger Mme J______ et Monsieur K______ (sic), « en qualité de sous-locataire » ; ils étaient arrivés le 27 décembre 2017, mais le recourant avait pris du retard pour annoncer ce changement à cause de la maladie de son père. Dans une « attestation de sous-location » établie le 4 septembre 2018 à l’intention de Monsieur L______, il attestait le « recevoir » chez lui depuis le 3 septembre 2018 « en qualité de sous-locataire » et que celui-ci pouvait résider chez lui indéfiniment jusqu’à ce que sa situation change.

Le recourant expose qu’il aurait établi ces attestations pour aider ces personnes, qui avaient besoin de disposer d’une adresse à Genève, mais que hormis Mme J______ et M. P______ qui avaient logé cinq mois chez lui, aucune des autres personnes n’auraient habité dans son appartement. Il ne conteste en revanche pas ne pas avoir informé l’hospice ni de l’hébergement de ces derniers ni des attestations d’hébergement et/ou de sous-location établies à l’adresse de l’OCPM. Or, en n’informant pas l’hospice de ces éléments, il a agi contrairement à l’engagement qu’il avait pris à l’égard de celui-ci.

Tant le fait d’avoir, comme il le reconnaît, hébergé deux personnes que d’avoir établi des attestations indiquant qu’il hébergeait d’autres personnes ou leur sous-louait une partie de son appartement sont des éléments susceptibles d’influer sur le montant des prestations versées au recourant. En effet, si l’hospice avait été tenu informé du fait que le recourant avait hébergé Mme J______ et M. P______, il aurait pu l’inciter à percevoir une participation au loyer, ce qui aurait été de nature à diminuer les prestations versées par l’hospice, d’une part. D’autre part, si l’hospice avait reçu copie des différentes attestations d’hébergement et de sous-location établies par le recourant, il aurait pu immédiatement vérifier si un loyer était exigé des personnes en faveur de qui le recourant avait établi ces attestations. En n’informant pas l’hospice des attestations établies et du fait qu’il avait hébergé Mme J______ et M. P______, le recourant a failli gravement à son devoir de collaboration.

En outre, dans la mesure où les attestations de sous-location précitées ont été établies avant la présente procédure, dans laquelle le recourant s’est en grande partie rétracté, il doit se voir opposer le contenu des attestations. En effet, en présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l'intéressé a données en premier lieu. Par ailleurs, le recourant ne pouvait ignorer l’importance que revêtaient les attestations qu’il établissait, toutes destinées à une autorité. Quatre de ces attestations mentionnent expressément les termes de sous-location. Les constats effectués par l’enquêteur lors de sa visite du 26 août 2021 corroborent le fait que le recourant partageait l’appartement avec d’autres personnes. L’enquêteur y avait vu des chaussures d’hommes et de femmes, plusieurs brosses à dents à la salle de bains ainsi qu’une pièce, la troisième chambre à coucher, aménagée en studio, avec un lit double avec la literie pour deux personnes, des vêtements, un téléviseur, une table à manger avec des sets de table, une bouteille de sauce tabasco et un bocal contenant du café soluble et des photos de famille accrochées au mur. Le recourant ne conteste pas ces constatations, notamment celles relatives à la troisième chambre à coucher, qui témoignent de la présence régulière d’autres personnes dans son appartement.

Par ailleurs, le recourant ne conteste pas non plus qu’il avait d’abord haussé le ton lorsque l’enquêteur s’était dirigé vers la troisième chambre à coucher, ni qu’il s’était emporté lorsque celui-ci lui avait fait remarquer qu’il se contredisait en affirmant d’abord que son cousin occupait la première chambre, puis en soutenant ensuite que ce dernier occupait la troisième chambre. Les questions de savoir si l’état d’énervement et le débordement langagier du recourant envers l’enquêteur (qu’il a tutoyé et traité de raciste), un certain désordre dans l’appartement dont font état différentes personnes dont le recourant a produit des déclarations écrites ainsi que le refus de laisser l’enquêteur entrer le 29 juillet 2021 peuvent être mis sur le compte de son état de santé peuvent demeurées indécises.

En effet, les autres manquements reprochés, qui justifient à eux seuls la décision querellée, sont sans lien avec l’état de santé du recourant. Les faits de ne pas avoir signalé à l’hospice ni l’existence des attestations susmentionnées ni l’hébergement de Mme J______ et M. P______ se sont produits bien avant la dépression pour laquelle il a été pris en charge en juin 2021. Par ailleurs, les certificats médicaux ne font pas état d’une incapacité du recourant à gérer ses affaires administratives, que ce soit avant sa prise en charge médicale du mois de juin 2021 ou par la suite. L’absence d’une telle difficulté ressort d’ailleurs du dossier, le recourant ayant toujours réagi rapidement et de manière circonstanciée, y compris en août 2021, aux courriers de l’hospice, et n’ayant eu aucune difficulté à faire valoir ses droits lorsqu’il s’y estimait fondé, comme par exemple pour réclamer, en juillet 2020, le remboursement des frais exposés pour l’achat d’un nouveau lave-linge. L’hospice a également allégué, sans être contredit, que le recourant produisait dans les délais les justificatifs demandés. En février 2020, le recourant a informé son assistante sociale qu’il s’était inscrit comme bénévole auprès de l’UP pour donner 150 heures de cours d’informatique et en décembre 2020, il l’a informée qu’il occupait un poste d’enseignant à l’UP et au collège. Il ressort également du dossier qu’il a entrepris les démarches nécessaires pour contester la résiliation de bail et s’inscrire auprès de la SFIDP.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il n’est pas établi ni même rendu vraisemblable que les omissions reprochées au recourant seraient dues à son état de santé psychique.

N’ayant, alors que rien ne l’y empêchait, pas informé l’hospice des attestations d’hébergement et de sous-location établies et du fait qu’il avait hébergé plusieurs personnes dans son logement, le recourant doit se voir reprocher d’avoir donné des indications fausses ou incomplètes ou caché des informations utiles au sens de l’art. 35 al. 1 let. d LIASI.

Le recourant savait l’importance que les attestations de sous-location et d’hébergement ainsi que le fait d’héberger Mme J______ et M. P______ avaient pour l’hospice. Il avait d’ailleurs dûment informé en décembre 2018 son assistante sociale qu’il sous-louait une partie de son appartement à M. C______ depuis le 1er décembre 2018. Il était, ainsi, conscient que la perception d’un sous-loyer était susceptible de diminuer les prestations versées par l’hospice. En outre, il présentait déjà un antécédent lors duquel des informations n’avaient pas été transmises à l’hospice, fait ayant au demeurant entraîné sa condamnation pénale.

Dans ces conditions, l’hospice était fondé à mettre un terme à l’aide sociale qu’il versait au recourant.

Entièrement mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

4) Le présent arrêt rend sans objet la demande de restitution d’effet suspensif.

5) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu. L’issue du litige s’oppose au versement d’une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours formé le 27 octobre 2021 par Monsieur A______ contre la décision de l’Hospice général du 27 septembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Monica Kohler, avocate du recourant, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Knupfer, Mme Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :