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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3956/2014

ATA/126/2016 du 09.02.2016 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : CONTRAT-TYPE DE TRAVAIL ; SALAIRE MINIMUM ; STAGE ; AMENDE ; FAUTE
Normes : LIRT.33 ; LIRT.34.al1 ; LIRT.35 ; RIRT.66A.leta ; CO.360a ; CO.360b.al1 ; CO.360b.al3 ; LDét.9 ; CTT-Esthé
Résumé : Le salaire minimum prévu par le CTT-Esthé doit être respecté pour toute employée exerçant en qualité d'esthéticienne ou de prothésiste ongulaire, nonobstant l'absence de diplôme ou d'expérience ou encore le fait que l'employée ait été engagée en qualité de stagiaire. Confirmation du principe de l'amende mais réduction de celle-ci à CHF 3'500.-.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3956/2014-EXPLOI ATA/126/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 février 2016

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______, Institut de beauté B______

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

 



EN FAIT

1. La société en nom collectif « Institut de Beauté "B______", A______ & C______ », sise______ avenue de G ______ à Genève, a été inscrite le 8 novembre 2011. Elle avait pour but social l'exploitation d'un institut de beauté. Elle a été dissoute et radiée le 1er octobre 2013 suite à la sortie de l'associé Monsieur C______.

Madame A______, jusqu'ici associée, en a continué les affaires sous la raison individuelle « Institut de Beauté "B______", A______ » (ci-après : l'institut).

2. Le 15 janvier 2014, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a adressé un courrier-type aux entreprises travaillant dans le secteur de l’esthétique, parmi lesquels figurait l'institut. Lesdites entreprises étaient informées que l’OCIRT procédait à un contrôle systématique des conditions de travail des entreprises de leur secteur d’activité. Le but était de vérifier le respect des salaires minimaux obligatoires en vigueur selon le contrat-type de travail des esthéticiennes (ci-après : CTT-Esthé; J 1 50.16) en vigueur depuis le 1er janvier 2013. L’OCIRT demandait à chacune des entreprises de transmettre d’ici au 15 février 2014 un certain nombre d’informations en rapport avec le personnel actif employé, les fiches de salaire de ce personnel de janvier 2013 à janvier 2014, la liste des salaires déclarés à l’assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS) pour l’année 2013, les horaires d’ouverture de l’entreprise et la durée hebdomadaire de travail pour un poste à plein temps, le mode de calcul des salaires annuels ainsi que tout autre renseignement en lien avec le système de rémunération. Les entreprises étaient rendues attentives à la nécessité de collaborer à ce contrôle sous peine de sanctions.

3. Mme A______ n’a pas donné suite au courrier de l’OCIRT du 15 janvier 2014 et a reçu un courrier-type de rappel daté du 14 mars 2014 qui lui fixait un ultime délai au 3 avril 2014 pour transmettre les documents et informations requis.

4. Entre le 24 mars et le 26 mai 2014, Monsieur C______ a échangé avec l’OCIRT divers courriels au sujet de l'institut et plus précisément des informations ou pièces qui lui étaient encore nécessaires pour son contrôle.

À cette occasion, il a notamment indiqué, concernant l'employée Madame D______, qu'elle avait un contrat de travail établi pour quarante-deux heures hebdomadaire, réparties sur cinq jours. Cependant, il fallait encore déduire de cette durée les deux pauses quotidiennes de trente minutes, ce qui représentait en réalité une durée de travail effective de moins de quarante heures. Les horaires de travail (début, pause et fin de journée) étaient définis de manière hebdomadaire, d'un commun accord entre la responsable et l'employée.

Il a par ailleurs exposé que Mme D______ avait travaillé cent quarante-quatre heures au moins d'octobre, cent septante-six heures au mois de novembre et quatre-vingt heures au mois de décembre.

Il a enfin rappelé qu'il ne représentait plus l'entreprise, n'étant plus ni associé ni employé de celle-ci.

5. Par courrier du 30 mai 2014, l’OCIRT a écrit à Mme A______ pour lui confirmer avoir bien reçu les documents transmis par M. C______. Sur la base de ceux-ci, il constatait toutefois que l’institut ne respectait pas les salaires minimaux prévus par le CTT-Esthé à l'égard des employées suivantes : Mme E______ et Mme F______.

S'agissant de Mme E______, il était rappelé que le CTT-Esthé s’appliquait de manière impérative aux esthéticiennes exerçant dans des instituts de beauté indépendamment de la qualification et de l’expérience professionnelle. Il prévoyait un salaire minimum de CHF 3'466.- pour quarante heures de travail, applicable à chaque employée qualifiée ou non-qualifiée, bénéficiant ou non d'expérience professionnelle. Étant donné la formation « sur le tas » proposée à Mme E______ et le fait que le stage ne s'inscrivait pas dans un cadre formatif reconnu, celle-ci était visée par le champ d'application du contrat-type. Le salaire brut qui lui avait été versé entre le 1er mai et le 30 septembre 2013 s'élevait à CHF 7'623.- en lieu et place de CHF 17'503.30.

S'agissant de Mme F______, le salaire brut qui lui avait été versé entre le 1er janvier et le 31 mars 2014 s'élevait à CHF 9'919.41 en lieu et place de CHF 10'214.95.

L'OCIRT a ainsi ordonné la mise en conformité de l’entreprise vis-à-vis de ces normes. Les salaires des employées concernées devaient être corrigés avec effet rétroactif au début de l’activité de celles-ci. L’institut devait transmettre à l’OCIRT, d’ici au 30 juin 2014, les fiches de salaire du mois de juin 2014, contresignées par les employés concernés, indiquant le montant afférent au rattrapage salarial dû depuis le 1er mai 2013 ainsi que les preuves bancaires ou postales du versement.

Enfin, la société était à nouveau rendue attentive aux conséquences du paiement des rattrapages salariaux sur l'amende.

6. Le 19 juin 2014, Mme A______ a contesté la demande de mise en conformité, réitérant notamment ses propos s'agissant de la déduction des deux pauses quotidiennes de la durée hebdomadaire.

Mme F______, qui avait été employée du 1er janvier 2014 au 31 mai 2014, s’était trouvée en arrêt maladie du 10 mars au 31 mai 2014.

Alors qu’elle-même ne cherchait pas de personnel, Mme E______ avait quant à elle insisté pour être engagée comme stagiaire non rémunérée car elle ne trouvait pas d’emploi et ne pouvait financer une formation. Elle n’avait jamais travaillé dans le domaine et n’avait pas de diplôme. La place de stagiaire qui lui avait été offerte avait pour objectif de lui rendre service en tant que compatriote. Mme A______ avait tout de même décidé de rémunérer cette collaboratrice pour les « petits travaux qu’elle pouvait assumer ». Les conditions de revenus qui avaient été déterminées étaient dès lors de CHF 600.- net par mois du 1er mai au 31 juillet 2013, le revenu passant à CHF 1'000.- net du 1er août 2013 au 31 juillet 2014. Dans les faits, Mme E______ avait reçu CHF 1'000.- net en juin 2013 puis CHF 1'600.- net en juillet 2013 et CHF 1'650.- net en août 2013. Par la suite, elle avait engagé Mme E______ comme esthéticienne dès le 1er septembre 2013 lorsqu'une place s'était libérée, lui demandant en contrepartie de faire le nécessaire pour combler au plus vite ses lacunes professionnelles. Cette expérience avait été un échec, l'obligeant à se séparer de ses services à compter du 30 septembre 2013. Pour le surplus, elle n’avait pas été informée de l’entrée en vigueur du CTT-Esthé au 1er janvier 2013.

7. Par courrier du 1er juillet 2014, l’OCIRT a sollicité, afin d'envisager un nouvel examen des conditions de travail des employés, une copie des contrats de travail respectivement de stage signés avec Mme F______ et Mme E______, une copie des fiches de salaire des mois d’avril et mai de Mme F______, une copie des certificats médicaux de cette dernière, ainsi qu'une copie de sa lettre de licenciement ou de sa lettre de démission. L’institut devait encore transmettre une lettre signée de Mmes F______ et E______ mentionnant que les deux pauses quotidiennes d’un quart d’heure avaient été prises, payées et faisaient partie de l’horaire hebdomadaire convenu de quarante-deux heures.

8. Le 31 juillet 2014, Mme A______ a adressé à l’OCIRT une version électronique des contrats de travail sollicités, indiquant avoir égaré les versions signées et n'avoir pu les obtenir de ses anciennes employées.

S'agissant de l'attestation relative aux prises de pauses, ses anciennes employées ayant été licenciées, elles n'étaient pas collaboratives.

9. Par lettre recommandée du 5 août 2014, l’OCIRT a confirmé à Mme A______ que, faute de documents probants, il maintenait les rattrapages salariaux nécessaires à sa mise en conformité et lui a imparti un délai au 31 août 2014 pour lui faire parvenir la preuve du versement desdits rattrapages.

La société était à nouveau rendue attentive aux conséquences du paiement des rattrapages salariaux sur l'amende.

10. Le 7 août 2014, Mme A______ a répondu qu’elle consentait à effectuer une partie des rattrapages salariaux sollicités par l’OCIRT. Pour Mme F______, elle était prête à effectuer une compensation pour la période travaillée, soit du 1er janvier au 10 mars 2013 (sic). En revanche, elle n’entendait rien verser de plus pour la période où celle-ci avait été en arrêt-maladie puisqu'elle lui avait déjà reversé l'entier de la somme allouée par l'assurance-maladie. Pour Mme E______, elle était prête à effectuer le rattrapage pour la période de septembre 2014 pendant laquelle celle-ci avait été engagée comme esthéticienne, mais pas pour celle où celle-ci avait été engagée comme stagiaire en raison de l’inexpérience et de l’incapacité professionnelle de celle-ci.

Elle n'avait jamais eu la volonté de ne pas respecter les lois en vigueur. Elle n'avait pas été informée de l'entrée en vigueur de nouvelles dispositions relatives aux conditions de travail et avait donc utilisé un contrat de travail type antérieur à la mise en vigueur des nouvelles normes.

Elle priait l'OCIRT de bien vouloir accepter sa proposition d'arrangement afin de pouvoir clore cette affaire dans les meilleures conditions.

11. Par pli recommandé du 7 août 2014, l’OCIRT a maintenu sa demande de mise en conformité et fixé un nouveau délai au 31 août 2014 pour effectuer la totalité des rattrapages salariaux sollicités.

Il ne pouvait entrer en matière sur sa demande d'arrangement dans la mesure où il était tenu d'appliquer le principe de l'égalité de traitement par rapport aux autres entreprises.

12. Par décision du 25 novembre 2014, l’OCIRT a prononcé à l’encontre de l’institut une amende de CHF 5'000.- et a mis à sa charge un émolument de sanction de CHF 100.-.

Cette amende était fondée sur le fait que l’institut ne respectait pas les salaires minimaux prescrits par le CTT-Esthé de travail des esthéticiennes. Selon le contrôle effectué sur les mois de janvier 2013 à mars 2014, une différence de salaire en défaveur de deux de ses employées avait été relevée, soit CHF 9'880.30 pour la période allant du 1er mai au 30 septembre 2013 concernant Mme E______, et CHF 295.54 pour la période allant du 1er janvier au 31 mars 2014 concernant Mme F______. L’amende qui frappait l’institut était liée à la sous-enchère salariale pratiquée par l’entreprise qui, par rapport au salaire obligatoire, pouvait être qualifiée d’importante, ce d'autant plus qu'elle concernait deux employées.

13. Par acte posté le 22 décembre 2014, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative) contre la décision de l’OCIRT du 25 novembre 2014 précitée, concluant à son annulation partielle, concernant la période de stage de Mme E______ pour la période allant du 1er mai au 31 août 2013, ainsi qu'à la réduction de l'amende.

Dès qu’elle avait eu connaissance de l'augmentation du montant du salaire minimum à CHF 3'466.-, elle avait immédiatement modifié les conditions de travail de ses employés. Toutefois, elle n'avait pas été informée de la diminution du temps de travail hebdomadaire à quarante heures. Elle n'avait pas d'antécédents de non-respect des lois en vigueur ; ayant pris connaissance du CTT-Esthé de travail, elle avait adapté ses conditions de travail en conséquence. Jusque-là, toutes ses employées avaient été commissionnées sur leur chiffre d'affaire dès la fin de leur temps d'essai et avaient donc reçu un salaire qui dépassait les conditions du contrat-type.

Elle contestait devoir payer une rémunération correspondante à celles du CTT-Esthé pour l’activité que Mme E______ avait déployé en sa faveur entre le 1er mai et le 31 août 2013. Elle persistait dans la description des conditions dans lesquelles elle avait engagée celle-ci comme stagiaire.

Elle ne pouvait produire l’exemplaire signé du contrat de stage qu’elle avait conclu avec celle-ci, dans la mesure où elle en avait égaré la version signée et où l’intéressée avait refusé de lui fournir une copie de son exemplaire. Elle avait accepté d'engager Mme E______ le 1er septembre 2013 comme esthéticienne à 80 %, à condition qu'elle modifie son comportement (absences non justifiées, arrivées tardives, départs anticipés) et acquière rapidement les compétences encore manquantes. Pour cela, elle avait résilié son contrat de stage. Au vu du manque d'investissement personnel de Mme E______, elle avait dû mettre fin aux rapports de travail pour le 30 septembre 2013.

Le CTT-Esthé ne statuait pas sur les conditions de travail des stagiaires mais seulement sur celles des esthéticiennes. Mme E______, qui n’avait aucune formation ni de diplôme d’esthéticienne et n’avait jamais travaillé comme telle, n'était donc pas soumise aux conditions de rémunération dudit CTT-Esthé.

14. L’OCIRT a répondu le 29 janvier 2015, en concluant au rejet du recours.

La recourante tentait de faire valoir qu'elle n'avait pas été informée des dispositions légales impératives régissant son secteur d'activité. Or, le CTT-Esthé de travail des esthéticiennes avait été édicté en bonne et due forme par l'autorité cantonale compétence et avait été publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après: FAO).

Le CTT-Esthé litigieux mentionnait les esthéticiennes et/ou les prothésistes ongulaires mais ne faisait référence à aucun titre ou diplôme. Lorsque les dispositions d’un contrat-type ne détaillaient pas spécifiquement les exigences de formation ou de diplôme requises d’un travailleur pour qu’il soit soumis au contenu matériel dudit contrat-type, notamment aux conditions de salaire minimum qu’il prévoit, cela signifiait qu’il s’appliquait à toute personne exerçant une activité dans le secteur y compris les stagiaires. C'était ainsi à tort que la recourante considérait que le salaire minimum prévu par le CTT-Esthé ne s'appliquait pas à une personne engagée en qualité de stagiaire.

La recourante n’ayant pas respecté les salaires minimaux prévus par le CTT-Esthé, elle devait être sanctionnée par une amende. Le montant fixé pour celle-ci, soit CHF 5'000.- représentant le maximum prévu par la loi, était lié à l’importance de la sous-enchère salariale qui concernait deux employées, pour une différence de salaire total de CHF 10'175.84. Elle devait par ailleurs avoir un effet dissuasif et permettre l'assainissement des secteurs économiques à risques.

15. Le 13 mars 2015, les parties ont été informées que la chambre administrative avait ordonné des enquêtes et une comparution personnelle des parties. Elles étaient ainsi convoquées à une audience le 20 avril 2015.

16. Lors de l'audience de comparution personnelle et d'enquêtes du 20 avril 2015, la recourante ne s'est pas présentée et n'y a pas été représentée.

Au cours de ladite audience, l'OCIRT a indiqué qu'il existait un CFC d'esthéticienne. Toutefois, le CTT-Esthé ne se référant pas à cette notion, il devait être appliqué à toute personne prodiguant des soins esthétiques dans des instituts spécialisés. Sur la base des pièces produites par la recourante, l'OCIRT avait constaté que le salaire de Mme E______ était nettement inférieur au salaire minimum de CHF 3'466.- pour quarante heures de travail. Cette dernière avait effectué quarante-deux heures entre mai et août, puis son temps de travail était passé à trente-quatre heures au mois de septembre. Les obligations en matière de pause n'étaient pas étendues dans le CTT-Esthé.

Mme E______ a par ailleurs été entendue en qualité de témoin. Elle avait une formation d'esthéticienne dans son pays d'origine, le Maroc. Après avoir obtenu un diplôme, elle avait travaillé dans un institut de beauté pendant une année. Puis, elle s'était rendue à Genève où elle vivait depuis six ans. Elle s'était présentée auprès de l'institut avec sa lettre de motivation et son diplôme après avoir vu une annonce sur le site « petites.annonces.ch ». Une esthéticienne avec un peu d'expérience était recherchée. Mme A______ lui avait proposé un poste de stagiaire après trois jours d'essai. La rémunération était de CHF 600.- par mois. Elle avait demandé à avoir un contrat et à être déclarée. Si elle avait bien signé un contrat, elle n'était à ce jour, renseignements pris auprès des institutions concernées, toujours pas déclarée concernant les prestations de l'AVS et de la prévoyance professionnelle. Elle avait adressé de nombreuses correspondances à Mme A______ pour lui demander de régulariser sa situation.

À l'institut, elle travaillait le lundi, mercredi, vendredi et samedi de 9h00 à 19h00 et le jeudi de 9h00 à 19h30. La pause de midi n'était pas garantie, car parfois il y avait trop de rendez-vous. Le matin et l'après-midi, elle n'avait pas le droit à une pause.

Le 27 septembre 2013, elle avait résilié son contrat de travail car elle n'en pouvait plus. Après l'envoi de son congé, elle avait dû encore travailler jusqu'à fin octobre.

Elle a remis différents documents, soit ses fiches de salaire des mois de mai à septembre 2013, précisant ne pas avoir été payée en octobre 2013, un contrat de stage du 28 mai 2013, signé par les parties, deux versions d'un contrat de travail non signé pour l'activité déployée à compter du 1er septembre 2013, un courrier de licenciement adressé par l'institut le 30 juillet 2013, un courrier adressé à l'institut le 30 juillet 2013, ainsi que sa lettre de démission du 27 septembre 2013, remise en main propre à l'institut.

17. Dans ses observations du 20 mai 2015, la recourante a relevé que le CTT-Esthé prévoyait qu'étaient considérées comme des travailleuses du secteur de l'esthétique, les esthéticiennes et/ou les prothésistes ongulaires et non pas toutes les personnes travaillant dans un institut de beauté, comme soulevé par l'OCIRT.

Si Mme E______ avait mentionné avoir eu une formation et de l'expérience professionnelle au Maroc, elle ne l'en avait jamais informée et n'avait présenté aucun diplôme.

Mme E______ travaillait cinq jours par semaine pour un horaire hebdomadaire de quarante-trois heures. L'horaire indiqué par cette dernière lors de l'audience correspondait aux heures d'ouverture du commerce. Or, son horaire personnel respectait scrupuleusement un maximum de quarante-trois heures de présence. Son employée avait par ailleurs bénéficié de samedis ou de lundis de congé, et ce, sans demande de compensation horaire. Elle avait par ailleurs toujours pu prendre ses pauses, lesquelles étaient planifiées en fonction des rendez-vous et non à heures fixes.

S'agissant de Mme F______, elle avait été payée selon les règles. Seul le paiement de son dernier salaire du mois de mai 2014 avait été retardé en attendant le versement de l'assurance. Ses fiches de salaires et les relevés de compte de l'institut étaient produits pour démontrer cela.

Enfin, le CTT-Esthé s'appliquait aux esthéticiennes et aucun contrat-type n'existait pour les stagiaires. Il n'était nullement signalé qu'un stage ne pouvait être effectué que dans le cadre d'un cursus de formation reconnu. Elle estimait dès lors que seul le contrat de stage signé faisait foi et qu'elle avait entièrement honoré ses engagements sur cette base.

18. Dans ses observations du 25 juin 2015, l'OCIRT a renouvelé son argumentation relative à l'application du salaire minimum prévu par le CTT-Esthé aux stagiaires.

Il existait des incohérences s'agissant de l'engagement de Mme E______. Son contrat de stage prévoyait une durée de travail de quarante-trois heures, alors que, dans la liste du personnel fournie par l'institut, la recourante avait mentionné une durée de quarante-deux heures. De plus, il existait deux contrats distincts pour le poste de Mme E______ en qualité d'esthéticienne, lesquels avaient été produits par cette dernière lors de l'audience. Le premier mentionnait une activité à plein temps de quarante-deux heures par semaine, tandis que le second mentionnait une activité à 80 % pour trente-quatre heures par semaine.

Le rattrapage salarial exigé concernant Mme F______ résultait quant à lui du fait que le salaire minimum mensuel prévu par le CTT-Esthé, qui s'élevait à CHF 3'466.- pour quarante heures par semaine, n'avait pas été adapté à la durée hebdomadaire de son activité. Dans la mesure où elle travaillait quarante-deux heures et non quarante heures par semaine, son salaire mensuel minimum aurait dû s'élever à CHF 3'639.30. Il y avait également des irrégularités dans le versement de son salaire, dans la mesure où des cotisations sociales étaient prélevées sur les indemnités journalières maladie, devant lui être rétrocédées.

Pour le surplus, l'OCIRT a persisté dans ses conclusions.

19. Le 30 juillet 2015, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le litige concerne l'application du CTT-Esthé.

À ce stade de la procédure, la recourante conteste uniquement avoir commis une violation des salaires minimaux prescrits par le CTT-Esthé concernant Mme E______ pour la période du 1er mai au 31 août 2013 et sollicite une réduction de l'amende.

3. Dans la mesure où le CTT-Esthé a subi des modifications au 1er janvier 2016, se pose la question du droit applicable.

Conformément aux principes généraux du droit intertemporel, lorsqu'un changement de droit intervient au cours d'une procédure administrative contentieuse ou non contentieuse, la question de savoir si le cas doit être tranché sous l'angle du nouveau ou de l'ancien droit se pose. En l'absence de dispositions transitoires, s'il s'agit de tirer les conséquences juridiques d'un événement passé constituant le fondement de la naissance d'un droit ou d'une obligation, le droit applicable est celui en vigueur au moment dudit événement. Dès lors, en cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste en principe celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATA/891/2015 du 1er septembre 2015 consid. 3 ; ATA/834/2013 du 17 décembre 2013 consid. 4b ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 403 ss).

Est dans lors applicable la CCT-Esthé dans sa teneur en vigueur en 2013, année durant lesquels les faits litigieux se sont déroulés.

4. La recourante estime que dans la mesure où Mme E______ n’a aucune formation ni de diplôme d’esthéticienne et n’a jamais travaillé comme telle, elle n'était pas soumise aux conditions de rémunération du CTT-Esthé durant son stage, soit du 1er mai au 31 août 2013, ce d'autant plus que ce dernier ne traite pas spécifiquement de la question des stagiaires.

a. À teneur de l'art. 1 du CTT-Esthé, dans sa teneur au 1er janvier 2013, sont considérés comme travailleuses et travailleurs du secteur de l’esthétique, au sens du présent contrat-type, les esthéticiennes et/ou les prothésistes ongulaires exerçant dans des instituts de beauté (al. 1) ; le présent contrat-type ne s’applique pas aux travailleurs du secteur de l’esthétique soumis à une convention collective de travail (al. 3).

En vertu de l’art. 6 CTT-Esthé, le salaire minimum est de CHF 3'466.- par mois (al. 1) ; le salaire minimum prévu à l’al. 1 a un caractère impératif au sens de l’art. 360a CO pour une durée de travail hebdomadaire de quarante heures (al. 2) ; en cas de travail à temps partiel, le salaire minimum est calculé prorata temporis (al. 3) ; le caractère impératif du salaire minimum est prorogé jusqu’au 31 décembre 2015 (al. 4).

b. Comme déjà relevé tant par l'OCIRT que par la chambre de céans (ATA/1305/2015 du 8 décembre 2015, consid. 4), le CTT-Esthé ne prévoit aucune distinction selon les qualifications, formations ou l’expérience de l’employé pour ce qui est du salaire minimal, alors que, par exemple, l’art. 10 du contrat-type de travail de l’économie domestique (CTT-EDom - J 1 50.03), l’art. 9 du contrat-type de la floriculture (CTT-Flor - J 1 50.10), et l’art. 2 du contrat-type de travail pour le transport de choses pour le compte de tiers (CTT-TCCT - J 1 50.18), tous adoptés par la CRCT, font de telles distinctions.

c. L’art. 360a al. 1 CO précise que le contrat-type de travail d’une durée limitée prévoit des salaires minimaux différenciés selon les régions et, le cas échéant, selon les localités, et n’exige ainsi pas, sans toutefois l’exclure, la prise en compte des qualifications, formations et expérience. Par ailleurs, conformément à l’art. 360d al. 2 CO, il ne peut être dérogé à un contrat-type de travail au sens de l’art. 360a CO en défaveur du travailleur.

d. En l'espèce, Mme E______ a procuré des soins à la clientèle de l'institut dès son engagement et ce jusqu'à la fin de son stage survenu le 31 août 2013. Ainsi, elle a exercé une activité d'esthéticienne dans un institut de beauté, au sens de l'art. 1 al. 1 CTT-Esthé. Par ailleurs, le fait qu'elle ait travaillé dans la société au bénéfice d'un contrat de stage n'y change rien, le CTT-Esthé ne prévoyant aucun traitement différencié pour les stagiaires. De plus, la situation Mme E______ ne saurait être assimilée à celle d'une personne engagée dans le cadre du suivi d'une formation certifiante, tel un CFC, de sorte que les conséquences de cette hypothèse n'ont pas à être examinées plus longuement.

Dans ces conditions, le salaire minimum prévu par l'art. 6 al. 1 CTT-Esthé devait être respecté, nonobstant l'absence de diplôme voire d'expérience professionnelle de Mme E______.

À toutes fins utiles, il sera relevé que le texte de l'art. 6 al. 1 CTT-Esthé a été modifié au 1er janvier 2016 et prévoit dorénavant que « le salaire minimum est de CHF 3'518.- par mois, même si le travailleur n’est ni au bénéfice d’une formation professionnelle ni d'une expérience utile au poste ». Quand bien même la nouvelle teneur de cette disposition n'est pas applicable au cas d'espèce, il apparaît que la volonté claire des autorités compétentes est bien d'assurer un salaire minimum à toutes les personnes exerçant en qualité d'esthéticiennes et de prothésistes ongulaires, peu importante leur niveau de formation et leur expérience professionnelle.

Le grief de la recourante sera donc écarté.

5. a. À teneur de l’art. 15 CTT-Esthé, l’OCIRT est l’organe de surveillance (al. 1) ; il est chargé notamment de contrôler le respect des salaires minimaux, les conditions de travail des jeunes gens et des personnes en formation ainsi que la sécurité des installations (al. 2).

b. Selon l’art. 9 al. 2 let. c de la loi fédérale sur les conditions minimales de travail et de salaire applicables aux travailleurs détachés en Suisse et sur les mesures d'accompagnement du 8 octobre 1999 (LDét - RS 823.20), l’autorité cantonale visée à l’art. 7 al. 1 let. d LDét peut, en cas d’infraction aux dispositions relatives au salaire minimal d’un contrat-type de travail au sens l’art. 360a CO par l’employeur qui engage des travailleurs en Suisse, prononcer une sanction administrative prévoyant le paiement d’un montant de CHF 5'000.- au plus ; l’art. 7 de la loi fédérale sur le droit pénal administratif du 22 mars 1974 (DPA - RS 313.0) est applicable.

L’art. 9 al. 2 let. d LDét permet à ladite autorité de mettre tout ou partie des frais du contrôle à la charge de l’entreprise ou de la personne fautive.

c. La LIRT précise la mise en œuvre, dans le canton de Genève, de la LDét (art. 1 al. 2 LIRT).

En vertu de l’art. 35 LIRT, l’OCIRT est l'autorité compétente au sens de l'art. 7 al. 1 let. d LDét (al. 1) ; le prononcé des sanctions et mesures administratives prévues par l'article 9 de la LDét est du ressort de l'office (al. 3).

d. En versant à Mme E______ une rémunération inférieure aux salaires minimaux, la recourante a commis une violation du CTT-Esthé. Partant, le prononcé d'une sanction administrative par l'OCIRT est justifié.

6. S'agissant de la quotité de l'amende, la recourante conclut à la réduction de celle-ci afin qu'il soit notamment tenu compte des circonstances l'ayant conduit à se mettre en défaut avec la législation en vigueur, soit son défaut d'information.

a. La LDét ne contient aucune précision concernant les principes afférents au principe du prononcé de l’amende administrative et à sa quotité.

Cela étant, il n’y a aucun motif de s’écarter des règles générales en la matière.

b. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/1305/2015 du 8 décembre 2015 consid. 12b et les références citées).

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 2010, n. 1’179). Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende (ATA/74/2013 du 6 février 2013 et les arrêts cités). La chambre de céans ne le censure qu’en cas d’excès ou d’abus (ATA/160/2009 du 31 mars 2009). Enfin, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 d Cst. ; ATA/61/2014 du 4 février 2014 ; ATA/74/2013 précité et les arrêts cités).

L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur, et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/1305/2015 précité).

c. En l’espèce, l’OCIRT a déterminé le montant total de l’amende en fonction de l’importance de la sous-enchère et du nombre d’infractions commises, à savoir selon le nombre de collaborateurs concernés.

Une faute a été indéniablement commise par la recourante par le non-respect du salaire minimal prescrit par le CTT-Esthé. La violation du CTT-Esthé a porté sur plusieurs mois (mai à septembre 2013 pour Mme E______ et janvier à mars 2014 pour Mme F______) et a concerné deux employées, pour un montant total de CHF 10'175.84. Il s’agit en revanche de la première infraction commise par la recourante en cette matière ayant été constatée et cette dernière a collaboré à l'établissement des faits. Dans ces conditions, l’amende administrative de CHF 5'000.- infligée à la recourante paraît disproportionnée et sera ramenée à CHF 3'500.-.

À toutes fins utiles, l'argument de la recourante selon laquelle elle n'était pas au courant de l'entrée en vigueur au 1er janvier 2013 du CTT-Esthé sera écarté dans la mesure où il a été édicté en bonne et due forme par l'autorité cantonale compétence et a été publié dans la FAO du 21 décembre 2012.

7. Enfin et en tout état de cause, l’émolument de sanction de CHF 100.- entre dans le cadre de l’art. 66A let. a du règlement d'application de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 23 février 2005 (RIRT - J 1 05.01).

8. Vu ce qui précède, le recours sera admis partiellement.

Un émolument réduit de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe concernant le principe de l’amende (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée, la recourante n’y ayant pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 décembre 2014 par Madame A______, Institut de beauté B______ contre la décision de l’office cantonal de l'inspection et des relations du travail du 25 novembre 2014 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision de l’office de l’inspection et des relations du travail du 15 octobre 2014 concernant seulement le montant de l’amende ;

fixe le montant de l’amende à CHF 3'500.- ;

confirme la décision querellée pour le surplus ;

met à la charge de Madame A______, Institut de beauté B______ un émolument réduit de CHF 500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______, Institut de beauté B______, ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.

Siégeants : Mme Junod, présidente, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :