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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1668/2022

ATA/894/2022 du 06.09.2022 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : CONTRAT DE TRAVAIL;CONTRAT-TYPE DE TRAVAIL;AMENDE;DROIT AU SALAIRE;SALAIRE EN NATURE;SALAIRE MINIMUM;LEX MITIOR;PROPORTIONNALITÉ;CAPACITÉ DE DISCERNEMENT;EMPLOYEUR
Normes : Cst.29.al2; CP.47; CP.98; CP.109; CP.103; CO.319; CO.322; CO.360a; LPA.61; LDét.9.al2.letf; LDét.2; CTT-EDom.1; CTT-EDom.2; CTT-EDom.10.al3; CTT-EDom.10.al7; CTT-EDom.11; LIRT.1; LIRT.34A; LIRT.34B; LIRT.35.al3; RIRT.66A
Résumé : L’autorité intimée a mené un contrôle des conditions de travail, à la suite d’une dénonciation, dans le ménage de la mère âgée de la recourante, qui a toujours déclaré, tout au long de la procédure de contrôle, être l’employeuse des cinq employées de maison concernées. L’OCIRT, juge avant le décès de la mère de la recourante, les tenaient pour co-employeuses, dans la mesure ou la recourante donnait des instructions, choisissait et recrutait les employées, mais que sa mère avait toujours admis être employeuse et que celles-ci étaient payées par ses soins. Dès lors, la recourante doit être considérée comme co-employeuse. L’autorité intimée, constatant qu’elle rétribuait ses employés domestiques en deçà des salaires minimaux prévus par le CTT-EDom, lui a demandé de payer la différence de la sous-enchère salariale et lui a infligé une amende administrative d’un montant de CHF 28'000.-. La chambre administrative a considéré que la nature contractuelle entre la recourante et ses employées était couverte par le CTT-EDom. Partant, dans la mesure où la recourante était tenue par les salaires minimaux afférents au CTT-EDom qu’elle n’avait pas respecté, une sous-enchère salariale a été constatée. La chambre administrative a toutefois réduit l’amende administrative à CHF 15'000.-, montant plus conforme au principe de la proportionnalité. Ainsi, le recours a été partiellement admis.
En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1668/2022-EXPLOI ATA/894/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 septembre 2022

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Yann Lam, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL



EN FAIT

1) Le 7 novembre 2019, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a rédigé un rapport intitulé « Contrôle CTT EDom », concernant Madame B______, qui lui avait été adressée par une œuvre d’aide aux migrants pour une question d’affiliation aux assurances sociales.

Mme B______, de nationalité espagnole, avait indiqué avoir travaillé depuis le 5 décembre 2017 auprès de Madame C______
(ci-après : Mme C______), à D______. Elle avait cependant été recrutée et engagée par la fille de cette dernière, Madame A______
(ci-après : Mme A______).

Selon ses dires, faute de contrat écrit, ses horaires avaient été convenus oralement : elle travaillait du lundi au vendredi de 17h00 à 8h00, 24h/24 un
week-end sur deux, et 24h/24 un mercredi sur deux. Ces horaires avaient changé en juillet 2019, les week-ends uniquement, où elle travaillait désormais trois fins de semaine sur quatre. Elle travaillait en alternance avec E______, qui résidait en France, et faisait les horaires de jours, de 8h00 à 17h00 et les week-ends où elle-même était en congé. Mme A______ exigeait une présence obligatoire 24h/24 auprès de sa mère âgée, raison pour laquelle elle devait travailler jour et nuit pendant les vacances de E______, parfois plusieurs semaines d’affilée. Durant les week-ends de congé, elle devait rester au domicile de son employeuse toutes les nuits, aux horaires habituels. Parfois, une autre employée originaire des Philippines travaillait sur appel les week-ends ou en l’absence de E______.

Elle avait perçu CHF 1'400.- par mois jusqu’en juin 2019 inclusivement, puis CHF 1'600.-, montants versés en espèces, contre signature d’une quittance, dont elle n’avait pas de copie. Elle était logée sur place et recevait les repas lorsqu’elle était présente, soit sept petits déjeuners, sept dîners et deux repas de midi les
week-end travaillés.

Son employeuse n’avait pas régularisé son séjour auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM). Elle n’avait pris que quatre semaines de vacances depuis 2017, soit une en été 2018 et trois semaines en décembre 2018. Elle était épuisée par ce travail et avait démissionné avec effet au 30 novembre 2019. Elle avait entamé les démarches pour retourner en Espagne.

Étaient versés au dossier des échanges WhatsApp avec Mme A______ et des photocopies de calendriers.

2) Le même jour, l’OCIRT a initié un contrôle des conditions de travail par courriers séparés adressés tant à Mme C______, à son domicile chemin______, à D______ qu’à sa fille, domiciliée quant à elle chemin______, à F______, en leur demandant de lui transmettre documents et informations concernant toute personne ayant travaillé dans leurs ménages respectifs entre le 1er janvier 2013 et le 7 novembre 2019, en particulier les copies des fiches de salaires et les attestations de salaires déclarés à l’AVS.

3) Par courriers séparés du 27 novembre 2019, Mmes A______ et C______ ont sollicité un délai pour répondre. La réponse de Mme A______ était également signée par sa mère.

4) Entre le 6 janvier et le 20 novembre 2020, divers échanges sont intervenus entre l’OCIRT et le conseil de Mme C______ dont il ressort notamment que trois employées avaient été embauchées successivement, soit outre Mme B______, Madame G______ et Madame H______.

5) L’OCIRT a rédigé un rapport le 27 février 2020 à la suite d'un entretien avec Madame E______.

Il en ressort qu’elle était aide-soignante de formation et au bénéfice d’une longue expérience dans l’accompagnement des personnes âgées. Elle était au service de Mme C______ depuis le mois de juillet 2017. Son contrat de travail prévoyait 48 heures de travail mensuel pour un revenu brut de CHF 5'216.65, y compris le salaire en nature. Elle travaillait une semaine sur deux du lundi au vendredi de 8h00 à 17h30 puis la semaine suivante du lundi au dimanche avec un jour de congé. Elle était la seule employée domestique de Mme C______. Elle n’avait jamais « croisé personne en arrivant le matin ou en quittant son travail le soir ».

En fin d’entretien, elle avait admis avoir discuté avec « Madame C______ de la convocation à cet entretien », en ajoutant qu’elle n’avait rien à cacher mais qu’elle « ne se mêlait pas des affaires des autres ».

6) Le 25 novembre 2020, un rapport a été rédigé par l’OCIRT concernant les relations de travail entre Mme H______et Mme A______.

Mme H______ avait indiqué avoir travaillé pour Mme C______ du 1er mars au 30 septembre 2020, sans contrat écrit. Ses horaires avaient été convenus oralement, à savoir du lundi au vendredi de 17h30 à 21h00, plus trois week-ends sur quatre de 8h00 à 21h00 plus un jour une semaine sur quatre de 8h00 à 21h00. Sa présence au domicile était obligatoire jusqu’à l’arrivée de Mme E______. Elle percevait CHF 1'600.- en espèces, outre un logement de fonction au domicile de son employeuse, cinq repas le matin et le soir, ainsi que trois repas par jour les week-ends travaillés. Elle avait dû quitter son logement de fonction le 14 septembre 2020, libérée de l’obligation de travailler jusqu’à la fin du préavis, une nouvelle employée philippine lui succédant.

Elle a remis à l'OCIRT divers échanges WhatsApp et courriels entre
elle-même et Mme A______.

7) Le 30 novembre 2020, l’OCIRT a résumé à l'intention de Mme C______ les éléments en sa possession concernant Mmes E______, B______, G______ et H______. Il apparaissait que le salaire minimum prévu dans le contrat-type de travail de l’économie domestique (CTT-EDom - J 1 50.03) à l’égard de Mmes B______, G______ et H______ n’avait pas été respecté. Un délai lui était imparti pour se déterminer.

8) Par courrier du 30 janvier 2021, Mme C______ a indiqué à l'OCIRT que :

- Mme E______ travaillait bien cinq jours et demi par semaine. Elle avait demandé à pouvoir habiter sur place en raison du semi-confinement durant la crise sanitaire et de son domicile habituel en France.

- Mmes B______, G______ et H______ avaient été choisies et rencontrées par ses soins et non par sa fille. Elle seule leur donnait les instructions. Sa fille se chargeait uniquement des démarches administratives et l’aidait dans l’organisation ; elle n’était pas employeuse. Jusqu’à début 2021, elle-même était d’ailleurs parfaitement autonome et ne nécessitait que très peu d’aide au quotidien.

- Mme E______ se chargeait du ménage, du linge et de la préparation des repas. Aucune de ces tâches n’était effectuée par Mmes B______, G______ et H______, qui se chargeaient de réchauffer le repas et de débarrasser. Elle-même se retirait pour la nuit vers 21h00 et aucune tâche n’était plus à effectuer à compter de ce moment par les trois précitées. Elle portait une montre-bracelet programmée qui contactait sa fille en cas d’urgence, ou à défaut, une centrale d’urgence. Hors des horaires des repas ou du coucher les week-ends, les employées étaient libres de leurs occupations. Les moments entre les divers repas pouvaient tout au plus être qualifiées d’« heures de piquet ».

Aucune employée n’avait effectué de veilles ni de travail de nuit. Elles n’étaient jamais appelées à travailler 24h/24. Les salaires versés, en nature ou en espèces, représentaient des sommes brutes oscillant mensuellement entre CHF 2'700.- et CHF 3'000.-, soit conformes au CTT-EDom.

9) Entre le 16 et le 22 février 2021, l’OCIRT a encore entendu :

- Mme I______, qui a déclaré avoir travaillé du 14 septembre 2020 au 20 février 2021. « C’était bien Mme A______ qui [s’occupait] de tout » et avec laquelle elle avait discuté de ses horaires et de son salaire. Si elle ne travaillait pas la nuit, elle devait néanmoins être présente en cas de besoin. Elle n’avait été appelée qu’une seule fois et avait dû travailler toute la nuit du 14 au 15 janvier 2021, alors que Mme C______ était malade et avait finalement dû être hospitalisée. Mme C______ ne devait jamais rester seule.

Elle était payée en espèces CHF 1'600.-. Elle avait reçu sa lettre de licenciement le 20 janvier 2021, en présence de l'avocate de Mme C______. Elle savait que d’autres compatriotes philippines avaient travaillé avant elle, notamment H______ et J______. Elle pensait être déclarée aux assurances sociales car elle recevait des documents. Elle a versé au dossier son agenda journalier, outre les pièces déjà remises, à savoir un contrat de travail, des fiches de salaire, la lettre de licenciement, le certificat de salaire, ainsi que les échanges de messages avec Mme A______.

- Madame J______, qui a déclaré avoir travaillé une semaine du 6 au 13 novembre 2019, et n’avoir aucun document écrit. Mme A______ lui avait indiqué ses horaires, soit de 17h00 à 21h00 et un week-end sur deux. Il s’agissait d’un travail « live-in » et elle devait donc rester présente toutes les nuits. Comme elle n’était restée qu’une semaine, elle avait travaillé nuit et jour pour être formée par deux autres employées, E______ et B______. Le travail consistait à s’occuper de Mme C______ et de son ménage complet, soit les repas, les traitements, vérifier son bien-être tout en s’occupant de la lessive, du repassage, du ménage des pièces de la maison, des vitres etc. Elle ne travaillait pas la nuit mais restait avec Mme C______ jusqu’à ce qu’elle s’endorme. C’était « Madame A______ qui décidait de tout ».

Cette dernière lui avait promis un salaire de CHF 1'600.- mais elle avait été payée CHF 150.- pour la semaine à plein temps. Elle était nourrie et logée, comme exigé par Mme A______. Elle avait toutefois conservé son logement. Elle mangeait sur place mais il n’y avait jamais assez des plats préparés par E______. Du jour au lendemain, Mme A______ lui avait indiqué avoir besoin de la chambre pour sa nièce. Elle ne l’avait ensuite pas rappelée pour revenir travailler. Elle ignorait si elle avait été déclarée aux assurances sociales.

- Mme H______, qui a déclaré avoir été employée du 1er mars au 30 septembre 2020, son dernier jour de travail ayant toutefois été le 14 septembre 2020. Elle n'avait jamais reçu de contrat écrit, malgré ses demandes.

Mme A______ lui avait indiqué que le poste consistait à être présente le soir et la nuit pour veiller sur sa mère. Elle était libre de rentrer chez elle la journée. Ses horaires étaient du lundi au vendredi de 17h30 à 21h00, un weekend-end sur deux de 8h00 à 12h00 et une semaine sur quatre une journée de 8h00 à 21h00. Pendant ses heures et jours de congé, E______ travaillait, afin que Mme C______ ne reste jamais seule. Elle-même s’occupait de Mme C______ le soir jusqu’à 21h00, 21h30, servait à manger, nettoyait et rangeait la vaisselle et l’aidait à se préparer pour la nuit. La journée, elle s’occupait du ménage complet de la maison (poussière, aspirateur, lessive, repassage, cuisine, nettoyage des pièces d’eau, arrosage du jardin en été pendant les absences du jardinier, etc.). Il lui était rarement arrivé de travailler la nuit, à savoir seulement lorsque Mme C______ s'était sentie mal.

Mme A______ décidait des horaires et donnait des instructions. Elle était exigeante et changeait souvent d’avis. Il était impossible de lui dire non. Cette dernière l’avait obligée à donner sa démission car elle avait refusé de faire des heures supplémentaires la journée, sans être payée. Tous les documents qu’elle avait transmis à l’OCIRT avait été préparés par Mme A______, qui les faisait signer à sa mère, laquelle ne s'occupait pourtant de rien.

Son salaire était de CHF 1'600.- incluant le week-end, bien qu'elle ait au début compris qu'il serait versé en plus. Elle avait signé des quittances dont elle ne recevait pas de copie. Elle avait reçu, de la fiduciaire, des décomptes, identiques, « en bloc » en décembre 2020. Elle avait alors été surprise de constater que CHF 990.- avaient été retirés de son salaire brut pour le logement et la nourriture, car elle avait son propre logement et ne mangeait chez Mme C______ que les matins et soirs en semaine et trois fois par jour les week-end travaillés.

Pendant le confinement, elle n’avait plus eu le droit de sortir et avait donc travaillé beaucoup plus, partageant les tâches de E______ la journée en plus de ses horaires du soir, ainsi que tous les week-ends. Ces heures n’avaient pas été compensées. Alors qu’elle avait résilié son bail au mois d’août 2020 et qu’elle s’était installée chez Mme C______, la fille de cette dernière lui avait demandé de faire des heures supplémentaires pour remplacer E______. Elle n'avait toutefois pas pu accéder à cette demande dans la mesure où elle avait un autre travail la journée. Mme A______ l’avait mal pris et lui avait demandé de démissionner. Elle devait quitter sa chambre pour le 14 septembre 2020 et avait appris « qu’une autre [employée] philippine, I______, était entrée en service le même jour ». Elle n’était pas sûre d’avoir été déclarée aux assurances sociales, malgré ses demandes. Elle connaissait comme autres employées E______ et K______, et avait entendu parler de J______ et G______. Elle était membre d’un syndicat, qui lui avait indiqué que son salaire était inférieur au minimum légal, mais elle n’avait pas fait de démarches car elle n’en avait pas les moyens.

Mme C______ était très gentille et elle avait eu de très bons rapports avec elle. Elle avait dit ignorer que sa fille ne lui avait pas fourni de contrat de travail et en être désolée. Si elle avait été au courant, elle « aurait fait en sorte que sa fille fasse les choses correctement ».

- Mme L______ a déclaré avoir travaillé comme employée de maison pendant quatre semaines, de mi-août au 13 septembre 2020. Elle devait travailler de 17h30 à 8h00 ou 8h30, pour un salaire de CHF 1'600.-.

Elle n’avait jamais reçu de contrat de travail écrit et tout avait été discuté oralement avec Mme A______, « la seule personne qui [commandait], sa mère ne pouvant rien décider concernant les employées qui s’en [occupaient] ». Elle s’était sentie trompée par les horaires de travail, car pour être formée, elle avait dû travailler jour et nuit les deux premières semaines. Elle s’occupait de la maison et de Mme C______. Elle ne travaillait pas la nuit, une fois Mme C______ couchée. Elle était nourrie et logée mais avait gardé son propre logement, dans le quartier de la gare. Souvent, la nourriture qu’elle recevait n’était pas suffisante et H______, une autre employée de maison, achetait des suppléments qu'elle partageait parfois. Elle avait eu l’autorisation de Mme C______ de quitter la maison un mercredi pour un autre emploi. Toutefois, quand sa fille l’avait appris, elle avait été très fâchée et lui avait dit de ne pas discuter de cela avec sa mère.

Elle n’avait pas été licenciée. Mme C______ était partie à la montagne et sa fille lui avait dit de prendre quelques jours de congé et qu’elle l'appellerait à son retour, ce qu'elle n'avait pas fait. Elle-même l’avait relancée en vain à plusieurs reprises. Elle pensait avoir été déclarée aux assurances sociales, car Mme A______ avait pris une photographie de son passeport. Quand elle s'était adressée à l’office cantonal des assurances sociales, elle s’était toutefois rendu compte que tel n'avait pas été le cas. Elle n’avait pas entrepris des démarches pour ne pas peiner Mme C______, qui était très gentille et très correcte. Sa fille en revanche traitait mal les employées et elle les avait menacées plusieurs fois, en leur disant « que son fils était avocat ».

Outre les employées E______ et H______, un jardinier habitait une annexe sur la propriété. H______ touchait également CHF 1'600.- net par mois.

10) Le 30 janvier 2021, Mme C______ a transmis diverses informations et documents à l’OCIRT.

Toutes les employées entendues avaient été rencontrées et choisies par ses soins. Elle leur donnait les instructions. Sa fille l’avait aidée uniquement pour l’organisation. Mme E______, à l'exclusion des autres employées, s’occupait du ménage, du linge et de la cuisine. Les employées n’avaient jamais travaillé ni veillé 24h/24, puisqu'elle-même portait une montre-bracelet pour les urgences. La liste des appels passés démontrait que seule sa fille et la centrale d’urgence avaient été appelées.

11) Par courriers séparés du 3 mars 2021, adressés à Mme A______ et à sa mère, l’OCIRT les a invitées à exercer leur droit d’être entendues au sujet du non-respect des salaires minimums prévues dans le CTT-EDom à l’égard de Mmes B______, G______, H______, J______, L______ et I______, compte tenu de leur taux d’activité et des veilles.

Après avoir résumé les informations transmises par Mme C______ concernant les tâches effectuées, les horaires, le salaire fixé, et les retenues pour salaire en nature, l’OCIRT a indiqué qu’au vu des éléments contradictoires entre les parties, il avait procédé à des mesures d’instruction complémentaires.

Mmes H______, L______ et I______ avaient ainsi été interrogées en détail sur les rapports de subordination, la durée des rapports de travail, le salaire et la durée hebdomadaire de travail. Il en ressortait qu’elles avaient été contactées, recrutées et embauchées par Mme A______, qui avait décidé de leurs horaires, de la fin des rapports de travail, des congés, des vacances, avait payé les salaires en main propres et soumis des reçus à signer. En revanche, tous les documents étaient signés par sa mère. Il estimait qu’il existait un « rapport de subordination au moins aussi important » entre les employées et sa mère qu’avec sa fille. Ces dernières étaient donc co-employeuses.

Toutes les employées, sauf Mme E______, étaient astreintes à de la veille, afin d’assurer que Mme C______ ne reste jamais seule. Bien que contestées, les heures de présence étaient en réalité exigées, puisque les employées avaient dû emménager sur place. Le fait que Mme C______ soit équipée d’un bracelet-montre n’excluait pas la veille. Seule Mme I______ avait reçu un contrat de travail écrit.

Depuis plusieurs années, mère et fille avaient employé du personnel sans déclarer les salaires aux assurances sociales. Elles n’avaient pas tenu le registre des heures de travail et des jours de repos effectifs prévu par le CTT-EDom. Elles n’avaient pas informé les employées par écrit de la durée contractuelle du travail.

Si le logement et la nourriture, trois fois par jour, étaient documentés, il était effectivement possible de déduire CHF 990.- du salaire. Or, il ressortait des témoignages que l’accord oral ne prévoyait pas de salaire en nature et que la chambre mise à disposition était uniquement destinée à de la veille, les travailleuses restant locataires d’un logement à l’extérieur. Certaines avaient déclaré que la nourriture était préparée en quantité insuffisante et que seuls les repas coïncidant avec leur horaire étaient fournis. La CTT-EDom n’était donc pas respectée de ce point de vue non plus.

12) Par courrier du 12 mars 2021, Mme A______, sous la plume de son conseil nouvellement constitué, a contesté avoir été ou être co-employeur d’aucun des employés de sa mère et a sollicité un délai pour répondre.

13) Le 9 avril 2021, Mme C______ a réitéré qu’elle était seule employeur, déterminant unilatéralement les employées avec qui elle souhaitait travailler et communiquant ses attentes et décisions. Sa fille n’était que sa porte-parole.

Elle n’avait certes pas mentionné durant l’instruction avoir employé Mmes J______ et L______ car ces dernières n’avaient effectué que quelques heures d’essai sur plusieurs jours. Toutes les employées avaient affirmé qu’elle était autonome et ne réclamait rien une fois couchée, de telle sorte qu’il ne s’agissait pas de veilles au sens du CTT-EDom. En outre, les employées étaient officiellement domiciliées chez elle. Mme I______ par exemple, était demeurée dans la maison seule sans obligation, de son propre chef, pendant une dizaine de jours à fin 2020, comme le démontrait le texte clair, en anglais, qu'elle avait signé. Tous les repas étaient fournis et cuisinés par Mme E______ et une liste de courses à compléter selon les besoins était disponible.

14) Le 30 avril 2021, Mme A______ a contesté formellement avoir la qualité de co-employeuse. Elle avait seulement assisté sa mère vu son âge avancé. On ne pouvait considérer que tous les services rendus dans un cadre d’entraide familiale permettaient de facto d’étendre la qualité d’employeur.

Elle n’avait pas de pouvoir décisionnel ou d’instruction, sa mère ayant sa pleine capacité de discernement. L’aide apportée était uniquement liée à des aspects pratiques comme se rendre à la banque, ou technologiques, car sa mère était incapable d’utiliser un portable ou internet. Cette assistance ne consistait qu’à mettre en œuvre les ordres et instructions de cette dernière, en qualité de simple intermédiaire. Elle avait certes rencontré certaines candidates afin d’épargner la fatigue des entretiens à sa mère, qui avait toujours fait le choix final. Elle avait systématiquement prélevé sur les comptes de sa mère les montants remis. Elle n'avait pas bénéficié du travail des employées de maison qui se trouvaient au service exclusif de sa mère. Il n’existait donc aucun rapport d’échange entre les prestations réciproques principales, soit le salaire et le service.

Enfin, il n’existait aucune communauté domestique entre sa mère et elle-même : elles n’habitaient pas ensemble, elle-même travaillait et était souvent absente de Genève, en déplacements professionnels. Aucune construction juridique issue du droit de la famille ou de la société simple ne permettait de la qualifier de co-employeuse.

15) Le 4 mai 2021, l’avocate de Mme C______ a informé l’OCIRT du décès de sa mandante, survenu dans la nuit du 30 avril 2021.

16) Le 30 novembre 2021, l’OCIRT a invité formellement Mme A______ à corriger les salaires des cinq employées conformément aux indications données dans des tableaux, ce avec effet rétroactif au 5 décembre 2017.

Contrairement à ses affirmations, toutes les employées avaient été recrutées et embauchées par ses soins. Elle décidait des horaires, des congés et des vacances et payait les salaires en mains propres. Sa mère se contentait de signer ou cosigner les documents. Le salaire de rattrapage dû à Mme B______ s’élevait à CHF 250'017.33, à Mme H______ à CHF 68'861.15, à Mme I______ à CHF 46'438.08, à Mme J______ à CHF 3'617.- et à Mme L______ à CHF 12'767.50, soit un total d’environ CHF 380'000.-. Un délai au 21 décembre 2021 lui était imparti pour lui transmettre les justificatifs démontrant une correction rétroactive des salaires.

17) Le 31 janvier 2022, Mme A______ a fait remarquer à l’OCIRT qu'il avait retenu le 7 novembre 2019 que Mme C______ était seule employeuse, puis en mars 2021, que mère et fille étaient co-employeuses, avant de changer une nouvelle fois de position après le décès de sa mère. Elle avait certes donné des instructions, mais au nom de sa mère, pour l’aider car elle était sa fille. Elle n'avait fait que « mettre en œuvre les ordres et les souhaits de sa mère ».

Les travailleuses avaient été rémunérées par sa mère, qui signait d’ailleurs tous les documents administratifs et avait mandaté une fiduciaire et une avocate pour gérer les aspects administratifs et juridiques. Elle ne vivait pas avec sa mère. Elle s’étonnait que la succession de sa mère n’ait pas été interpellée dans la mesure où la qualité d’employeuse de cette dernière avait été admise et qu'aucun empêchement juridique ne s’opposait à une telle interpellation.

18) Par décision du 14 avril 2022, l’OCIRT a prononcé à l’encontre de Mme A______ une amende de CHF 28'000.- en application de l’art. 9 al. 2 let. f de la loi fédérale sur les conditions minimales de travail et de salaire applicables aux travailleurs détachés en Suisse et sur les mesures d'accompagnement du 8 octobre 1999 (LDét - RS 823.20).

Au vu des déclarations de cinq des six employées, Mme A______ n’était pas une simple porte-parole ou une intermédiaire entre sa mère et celles-là.

Les salaires minimaux prévus à l’art. 10 CTT-EDom n’avaient pas été versés. Elle avait employé six personnes entre juillet 2017 et mai 2021 en les affectant à des activités soumises à cette CTT. Il n'était pas tenu compte d'autres employées qui n’avaient pas pu être entendues. Les salaires éludés s’élevaient à CHF 381'701.18.

Malgré la demande de mise en conformité du 30 novembre 2021, Mme A______ n’avait procédé à aucun rattrapage salarial, même partiel. Les salaires de Mme B______ de 2017 à 2019 n’avaient été déclarés aux assurances sociales que postérieurement au contrôle de l’office, en juin 2020. Les salaires de Mmes J______ et L______ ne l’avaient jamais été. Elle n’avait pas collaboré adéquatement à l’établissement des faits, ne répondant pas, ou seulement partiellement, à plusieurs demandes de renseignements.

Compte tenu de ces éléments, l’amende de CHF 28'000.- était justifiée, même pour de premières infractions, ce montant correspondant à la sévérité voulue par le législateur qui avait durci les sanctions à compter du 1er avril 2017.

Les frais, de CHF 410.-, étaient mis à sa charge et le dossier communiqué aux autorités concernées en application de l’art. 11 de la loi fédérale concernant des mesures en matière de lutte contre le travail au noir du 17 juin 2005 (LTN - RS 822.41).

19) Par acte du 23 mai 2022, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) à l’encontre de cette décision, concluant principalement à son annulation et à l’octroi d’une indemnité équitable.

Après être revenue en détail sur l’historique de son dossier, elle contestait être employeuse. Elle n’était pas bénéficiaire de la prestation de travail, qui était accomplie dans l’intérêt exclusif de sa mère. Le critère du recrutement retenu par l’autorité intimée n’était pas pertinent. Elle n’avait jamais voulu nouer un quelconque rapport de travail avec les employées de maison de sa mère. Ses instructions et interventions visaient uniquement à assister cette dernière, avec son consentement, pour certaines tâches de la vie quotidienne rendues difficiles en raison de l’âge. Seule une partie de l’organisation logistique lui était déléguée, ce qui ne faisait pas d’elle de facto une employeuse.

Les agendas et calendriers produits ne démontraient pas l’existence d’instructions données aux employées, puisque l’écriture figurant sur ceux-ci était celle de Mme E______, la gouvernante.

Les salaires, préparés par ses soins, étaient payés sur les fonds appartenant à sa mère, comme le démontraient les retraits systématiques sur son compte en fin de mois.

Elle n’avait pas licencié oralement les employées, puisque Mme B______ avait indiqué avoir démissionné, tout comme Mme H______. Deux quittances pour solde de tout compte figuraient au dossier.

De nombreux éléments au dossier démontraient que seule sa mère était liée par des contrats de travail, à savoir les fiches de salaires établies à son en-tête, des certificats de salaire pour l’administration fiscale, et des communications relatives au contrat de travail, signées par sa mère. Cette dernière fournissait tous les outils de travail, soit notamment un logement, à l’adresse duquel Mme I______ recevait son courrier privé, tout comme la nourriture. Elle avait payé toutes les charges sociales. Une avocate avait été mandatée par sa mère pour les questions relatives au droit du travail et avait confirmé dès le début de la procédure que sa mandante était l’unique employeur des travailleuses.

Enfin, l’OCIRT avait varié en considérant que seule sa mère était employeuse, puis qu’elles l'étaient conjointement avant de juger qu’elle seule était liée par des contrats de travail.

Subsidiairement, si la chambre de céans devait retenir qu'elle était employeuse, il était erroné de considérer que les employées devaient veiller la nuit. Au contraire, il ressortait des déclarations de Mmes H______, J______ et L______, qu’elles ne travaillaient pas la nuit, à l’exception de deux fois lors desquelles sa mère avait été malade. Mme I______ avait déclaré qu’il était arrivé une seule fois que Mme C______ se sente mal et que c’était la seule nuit où elle avait dû travailler. Il n’avait ainsi nullement été convenu que les employées veillent la nuit. Sa mère était indépendante la nuit et d’ailleurs, quand elle partait en vacances à M______, elle n’était accompagnée que de Mme E______.

Il avait en outre été constaté par huissier de justice que la configuration de la maison et de la chambre mise à disposition des employées rendaient toute veille impossible vu la distance les séparant. Ainsi les employées ne pouvaient pas entendre sa mère en cas de besoin. L’alarme de sa mère avait été déclenchée
trente-quatre fois, ce qui confirmait que le système fonctionnait et que les employées n’avaient jamais été appelées durant la nuit, à l’exception des deux citées.

À titre encore plus subsidiaire, le temps de présence obligatoire devait être distingué de la veille selon le CCT-EDom. La veille impliquait de surveiller, sans dormir, une personne durant la nuit, tandis que le temps de présence exigeait que l'employé soit joignable, avec la possibilité de dormir, ce qui n'avait pas même été le cas en l'espèce. En retenant éventuellement un temps de présence obligatoire, il n’y aurait une sous-enchère que de CHF 5'472.-.

Elle n’avait pas été interpellée s’agissant de Mme B______ et l’annonce de Mmes G______, J______ et L______ avait été faite par le conseil de sa mère, à la suite d’une interpellation de l’OCIRT du 14 février 2020, « date à laquelle [elle] n’avait derechef pas connaissance de l’existence d’un contrôle ». Tenir compte d’un manque de collaboration de sa mère pour la punir elle par une amende violait les principes fondamentaux de l’État de droit et l’interdiction de l’arbitraire. Sa faute était « quasi inexistante » et elle n’avait aucun antécédent. Il convenait ainsi de renoncer à l’amende.

20) L’OCIRT a conclu le 29 juin 2022 au rejet du recours.

Les preuves au dossier démontraient que les travailleuses estimaient être au service de Mme A______. Elle n’avait jamais précisé qu’elle aurait représenté sa mère. Elle seule les avait recrutées, leur donnait les tâches, organisait leur emploi du temps, en le modifiant selon les besoins de sa mère, versait leurs salaires et les licenciait, à l’exception de Mme B______, qui avait démissionné. Mme A______ détenait le pouvoir de subordination, ce qui démontrait la volonté des parties de conclure un contrat de travail. Ses affirmations selon lesquelles elle n’était que le porte-parole de sa mère ne pouvaient être suivies, Mmes H______ et L______ ayant indiqué avoir été réprimandées pour avoir demandé directement à Mme C______ l’autorisation de modifier leurs horaires. Les documents signés remis par les travailleuses n’étaient pas déterminants, certaines d’entre elles ayant déclaré ne pas en comprendre le contenu.

Les relevés bancaires produits tardivement au cours de la procédure de contrôle ne prouvaient rien, les montants retirés ne correspondant ni aux dates ni aux montants versés aux travailleuses.

L’art. 10 al. 1bis CTT-EDom se référait à la notion de « veille de nuit », et prévoyait pour les travailleurs les accomplissant une indemnité horaire supplémentaire de CHF 7.55 par heure entre 20 h et 7 h. En janvier 2021, un nouvel article était entré en vigueur et prévoyait que pour les mêmes heures de travail, les travailleurs percevaient 60 % du salaire minimum visé à l’al. 1 pour les veilles de nuit accomplies sans interruption, 80 % pour les veilles nécessitant une intervention et 125 % pour les nuits de veille nécessitant plus d’une intervention ou pour le travail de nuit.

Il avait retenu à juste titre que les travailleuses avaient effectué des heures de veille en sus des heures de travail actif. Le sens à donner à cet article et aux termes « veille de nuit » était donc bien celui de veille dormante ou de temps de présence obligatoire, qui se recoupait d’ailleurs avec celui du modèle de CTT proposé par le secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO), impliquant la possibilité de dormir pendant la nuit. Mme A______ avait exigé des travailleuses qu'elles dorment sur place afin d’assurer une présence obligatoire et continue. Contrairement à ses allégations, sa mère ne bénéficiait pas d’une autonomie suffisante, preuve en était que des travailleuses devaient se relayer 24h/24, ce qui ressortait de leurs déclarations concordantes, des photographies des calendriers et des relevés horaires précis tenus par Mmes H______ et I______. Même durant leurs jours de congé, les employées devaient rentrer à 17h, plus rarement à 21h, alors qu’elles louaient des logements privés. L'existence du bracelet-alarme n’excluait pas le besoin d’une veille assurée par ses employées domestiques. Le constat de l’huissier n'était pas pertinent, puisqu'il était établi qu’à deux reprises, les travailleuses avaient dû intervenir pendant la nuit.

La sanction était proportionnée, les violations du CTT-EDom portaient sur cinq ans, concernaient cinq travailleuses, pour un montant total de sous-enchère salariale de CHF 381'701.18. Mme A______ savait dès le début de l’intervention, en novembre 2019, qu’un contrôle était ouvert auprès de sa mère et d’elle-même. Sa collaboration avait été mauvaise et elle ne s’était pas mise en conformité malgré cette possibilité.

21) Dans sa réplique du 21 juillet 2022, Mme A______ a rappelé les hésitations et variations de l’OCIRT dans la détermination de la qualité d’employeur. Tous les procès-verbaux d’audition indiquaient en en-tête, que les travailleuses étaient entendues « au sujet de [leur] travail au service de [leur] ex-employeuse Madame C______ ». La qualité d’employeur était donc claire.

La stipulation pour autrui relevée par l'OCIRT n’était pas un contrat mais un mode convenu d’exécution d’une obligation, valable pour tout contrat générateur d’obligations. Tel n’était pas le cas en l’espèce. Elle était intervenue en qualité de proche-aidant. Elle avait toujours indiqué lors des entretiens qu’elle recherchait une travailleuse pour le compte de sa mère, soit comme représentante directe de
celle-ci. Il y avait toujours eu un entretien final avec sa mère, laquelle prenait la décision d’engager ou non la candidate. Les travailleuses, si par impossible la représentation n’était pas claire, devaient comprendre des circonstances qu’elles travailleraient pour Mme C______ et non pour sa fille.

Il existait un lien de subordination entre sa mère et les employées et non avec elle-même. Elle ne faisait qu’organiser, sur demande de sa mère, les aspects logistiques et la communication. Les instruments de travail au sens de l’art. 327 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) étaient fournis par sa mère, tout comme le logement de fonction. Elle n’organisait pas les plannings.

Le supplément de CHF 7.55 par heure de veille ne pouvait s’appliquer à de la veille dormante, qui n’était quoi qu’il en soit pas exigée ici non plus.

22) Sur ce, les parties ont été informées, le 22 juillet 2022, que la cause était gardée à juger.

23) Le contenu des pièces sera repris dans la partie « En droit » du présent arrêt dans la mesure nécessaire au traitement du litige.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. La prescription est une question de droit matériel qu’il y a lieu d’examiner d'office (ATF 138 II 169 consid. 3.2 ; ATA/1308/2020 du 15 décembre 2020).

b. La LDét, la LPA et la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05) ne contiennent aucune disposition réglant la question de la prescription. Il s’agit d’une lacune proprement dite, dès lors que le législateur s’est abstenu de régler un point qu’il aurait dû fixer et qu’aucune solution ne se dégage du texte ou de l’interprétation de la loi, laquelle doit être comblée par le juge (ATA/1308/2020 précité). Il y a lieu de faire application, par analogie, de l’art. 109 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), à teneur duquel la prescription de l'action pénale est de trois ans pour les contraventions, soit les infractions passibles d’une amende (art. 103 CP ; ATA/1308/2020 précité).

c. Selon l’art. 98 CP, la prescription court, alternativement, dès le jour où l'auteur a exercé son activité coupable (let. a), dès le jour du dernier acte si cette activité s'est exercée à plusieurs reprises (let. b) ou encore dès le jour où les agissements coupables ont cessé s'ils ont eu une certaine durée (let. c).

L'art. 98 let. c CP règle le début de la prescription pour les délits continus (Robert ROTH/Gilbert KOLLY, in Alain MACALUSO/Nicolas QUELOZ/ Laurent MOREILLON/Robert ROTH [éd.], Commentaire romand du code pénal I, 2ème éd., 2021, n. 28 ad. art. 98 CP). Le délit continu se caractérise par le fait que la situation illicite créée par un état de fait ou un comportement contraire au droit se poursuit. Il y a infraction continue lorsque les actes qui créent la situation illégale forment une unité avec les actes qui la perpétuent ou avec l'omission de la faire cesser, pour autant que le comportement visant au maintien de l'état de fait délictueux soit expressément ou implicitement contenu dans les éléments constitutifs de l'infraction. L'infraction est consommée dès que tous ses éléments constitutifs sont réalisés, mais n'est achevée qu'avec la cessation de l'état de fait ou du comportement contraire au droit (ATF 135 IV 6 consid. 3.2 ; 132 IV 49 consid. 3.1.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2012 du 24 janvier 2013 consid. 1.3 ; Michel DUPUIS/Laurent MOREILLON/Christophe PIGUET/Séverine BERGER/Miriam MAZOU/Virginie RODIGARI [éd.], Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., 2017, n. 8 ad. art. 98 CP). Le délit continu ne se prescrit pas tant qu'il dure (Robert ROTH/Gilbert KOLLY, op. cit., n. 29 ad. art. 98 CP).

d. En l’espèce, les contraventions reprochées à la recourante, consistant en des versements inférieurs aux salaires minimaux à cinq employées de maison de manière ininterrompue entre décembre 2017 et février 2021, doivent être considérées comme ayant cessé le 28 février 2021. C'est dès lors à partir de cette date que la prescription a commencé à courir, de sorte que celle-ci n'est pas encore acquise et la poursuite administrative n’est pas éteinte.

En outre, l’art. 9 al. 2 let. f LDét, dans sa teneur actuelle et entrée en vigueur le 1er avril 2017, prévoit comme sanction administrative le paiement d'un montant de CHF 30'000.- au plus en cas d’infraction aux dispositions relatives au salaire minimal d’un contrat-type de travail au sens du CO (art. 360a CO) par l’employeur qui engage des travailleurs en Suisse. Dans sa teneur en vigueur avant cette date, la situation était réglée à l’art. 9 al. 2 let. c aLDét : l’employeur qui avait commis de tels faits était passible d’une amende d’un montant de CHF 5'000.- au plus. Les faits qui sont concernés par la décision contestée, qui ont débuté en décembre 2017, sont donc postérieurs à l'aggravation de la sanction prévue pour ce type de comportement.

3) Le litige porte sur la question de savoir si l’amende de CHF 28'000.- infligée à la recourante pour avoir versé à cinq employées domestiques des salaires inférieurs aux salaires minimaux prévus par le CTT-EDom est conforme au droit.

4) a. La LDét règle le contrôle des employeurs qui engagent des travailleurs en Suisse et les sanctions qui leur sont applicables en cas de non-respect des dispositions relatives aux salaires minimaux prévus par les contrats-types de travail au sens de l’art. 360a CO.

b. À titre liminaire, la recourante se plaint matériellement d'une constatation inexacte des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA), en ce sens qu’elle n'aurait pas été l'employeuse, seule sa mère l'étant. La question de cette qualification influence l’issue du litige, et doit être tranchée à titre préalable.

La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA), sans être limité par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l'autorité qu'elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s'il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA). Mais ce principe n'est pas absolu, sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA).
Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 128 II 139 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_524/2017 du 26 janvier 2018 consid. 4.2 ; 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; ATA/844/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4a ; ATA/1679/2019 du 19 novembre 2019 consid. 4b et les références citées).

La constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/479/2022 du 3 mai 2022 consid. 4d ; ATA/1198/2021 du 9 novembre 2021 consid. 3b).

5) a. Selon l'art. 1 CO, le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté (al. 1). Cette manifestation peut être expresse ou tacite (al. 2).

En droit suisse des contrats, la question de savoir si les parties ont conclu un accord est soumise au principe de la priorité de la volonté subjective sur la volonté objective (ATF 144 II 93 consid. 5.2.1). Lorsque les parties se sont exprimées de manière concordante (échange de manifestations de volonté concordantes), qu’elles se sont effectivement comprises et, partant, ont voulu se lier, il y a accord de fait ; si au contraire, alors qu’elles se sont comprises, elles ne sont pas parvenues à s’entendre, ce dont elles étaient d’emblée conscientes, il y a un désaccord patent et le contrat n’est pas conclu.

Subsidiairement, si les parties se sont exprimées de manière concordante, mais que l’une d’elles, ou toutes deux n’ont pas compris la volonté interne de l’autre, ce dont elles n’étaient pas conscientes dès le début, il y a désaccord latent. Le contrat est alors conclu dans le sens objectif que l’on peut donner à leurs déclarations de volonté selon le principe de la confiance ; en pareil cas, l’accord est de droit (ou normatif) (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1). Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de rappeler dans un arrêt récent qu'il convenait en premier lieu de rechercher la réelle et commune volonté des parties, et en a rappelé les principes. En présence d'un litige sur l'interprétation d'un contrat, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la réelle et commune intention des parties (arrêt du Tribunal fédéral 4A_156/2021 du 16 juillet 2021), (interprétation subjective), sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO), le cas échéant empiriquement, sur la base d’indices (ATF 132 III 268 consid. 2.3.2 ; 129 III 664 consid. 3.1). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté – écrites ou orales –, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu’il s’agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l’époque les conceptions des contractants eux-mêmes. (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et 5.2.3 ; 132 III 268 consid. 2.3.2 ;131 III 606 consid. 4.1).

L’appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait. S’il ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties, parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes, ou s’il constate qu’une partie n’a pas compris la volonté exprimée par l’autre à l’époque de la conclusion du contrat- ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu’elle l’affirme en procédure, mais doit résulter de l’administration des preuves-, le juge doit recourir à l’interprétation normative (ou subjective), c’est-à-dire rechercher leur volonté objective en déterminant le sens que, d’après les règles de la bonne foi, chacune d’elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l’autre. On parle d’une interprétation selon le principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_156/2021 précité consid. 3.2 ;).

b. La LDét définit la notion de travailleur par renvoi aux art. 319 ss CO
(arrêt du Tribunal fédéral 2C_714/2010 du 14 décembre 2010 consid. 3.2 in fine).

c. À teneur de l'art. 319 al. 1 CO, par le contrat individuel de travail, le travailleur s'engage, pour une durée déterminée ou indéterminée, à travailler au service de l'employeur et celui-ci à payer un salaire fixé d'après le temps ou le travail fourni. Les éléments caractéristiques de ce contrat sont donc une prestation de travail, un rapport de subordination, un élément de durée et une rémunération (notamment arrêts du Tribunal fédéral 4A_53/2021 du 21 septembre 2021 consid. 5.1.3 ; 4A_64/2020 du 6 août 2020 consid. 6.1 ; 4A_10/2017 du 19 juillet 2017 consid. 3.1 ; 4A_200/2015 du 3 septembre 2015 consid. 4.2.1).

Aucun de ces critères pris isolément n'est déterminant. Le lien de subordination, qui permet de différencier en particulier le contrat de travail du contrat de mandat, constitue un critère distinctif essentiel. Le travailleur est placé dans la dépendance de l'employeur sous l'angle personnel, fonctionnel, temporel et dans une certaine mesure économique (ATF 121 I 259 consid. 3c).

Le rapport de subordination revêt une importance primordiale dans la qualification du contrat de travail. Il s'agit de l'élément caractéristique essentiel du contrat de travail. Il présuppose que le travailleur soit soumis à l'autorité de l'employeur pour l'exécution du contrat et cela au triple point de vue personnel, fonctionnel (organisation et contrôle), temporel (horaire de travail) et, dans une certaine mesure, économique (ATF 125 III 78 consid. 4 in SJ 1999 I p. 385 ; 121 I 259 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_553/2008 du 9 février 2009 consid. 4.1). La notion de rapport hiérarchique ou fonctionnel implique que le travailleur est incorporé dans l'entreprise de l'employeur et se voit attribuer une position déterminée au sein de son organisation. Du point de vue temporel, le travailleur doit en principe respecter l'horaire de travail fixé par l'employeur.

Le travailleur est assujetti à la surveillance, aux ordres et instructions de l'employeur ; il est intégré dans l'organisation de travail d'autrui et y reçoit une place déterminée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_53/2021 précité consid. 5.1.3.1 ; 4A_64/2020 précité consid. 6.3.1 ; 4A_10/2017 précité consid. 3.1).

En principe, des instructions qui ne se limitent pas à de simples directives générales sur la manière d'exécuter la tâche, mais qui influent sur l'objet et l'organisation du travail et instaurent un droit de contrôle de l'ayant droit, révèlent l'existence d'un contrat de travail plutôt que d'un mandat (arrêts 4A_53/2021 précité consid. 5.1.3.1 ; 4A_64/2020 précité consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

Les critères formels, tels l'intitulé du contrat, les déclarations des parties ou les déductions aux assurances sociales, ne sont pas déterminants pour qualifier un contrat. Il faut bien plutôt tenir compte de critères matériels relatifs à la manière dont la prestation de travail est effectivement exécutée, tels le degré de liberté dans l'organisation du travail et du temps, l'existence ou non d'une obligation de rendre compte de l'activité et/ou de suivre les instructions, ou encore l'identification de la partie qui supporte le risque économique (arrêts 4A_53/2021 précité consid. 5.1.3.2 ; 2C_714/2010 précité consid. 3.4.2).

d. Selon l'art. 321d CO, l'employeur peut établir des directives générales sur l'exécution du travail et la conduite des travailleurs dans son exploitation ou son ménage et leur donner des instructions particulières (al. 1) ; le travailleur observe selon les règles de la bonne foi les directives générales de l'employeur et les instructions particulières qui lui ont été données (al. 2). Il s'agit du corollaire de l'élément essentiel du contrat de travail, à savoir le rapport de subordination. L'employé doit suivre les directives même lorsqu'elles sont inappropriées ou inefficaces parce qu'il n'a ni l'obligation, ni le droit d'en contrôler l'opportunité Rémy WYLER/Boris HEINZER, Droit du travail, 4ème éd., 2019, p. 155). Ce pouvoir de direction est exercé par l’employeur lui-même, mais il peut être délégué en partie ou entièrement à un tiers (arrêt du Tribunal fédéral 4A_344/2015 du 10 décembre 2015 consid. 3.4).

e. Lorsqu'un représentant agit au nom d'autrui, les droits et obligations dérivant de l'acte accompli passent directement au représenté si le représentant disposait des pouvoirs suffisants à cet effet en vertu du droit public, de la loi ou de la volonté du représenté (art. 33 al. 2 CO) ou, à défaut de pouvoirs, si le représenté ratifie l'acte accompli en son nom (art. 38 CO), ou encore si le tiers de bonne foi pouvait se fier aux pouvoirs qui lui avaient été communiqués, même tacitement (art. 33 al. 3, 34 al. 3 et 37 CO ; ATF 131 III 511 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_487/2018 du 30 janvier 2019 consid. 5.2.2).

Dès lors qu'il agit avec pouvoirs, le représentant n'engage pas seulement le représenté par ses actes, mais également par ce qu'il sait ou doit savoir. Étant donné que la volonté du représentant est le « moteur de la représentation », la connaissance ou l'ignorance par manque d'attention de certains faits par le représentant sont directement attribuées au représenté (représentation de la connaissance). C'est ainsi que la question du consentement, comme condition d'existence d'un contrat, est jugée en fonction du représentant et non du représenté (Christine CHAPPUIS in Luc THÉVENOZ/Franz WERRO [éd.], Commentaire romand du code des obligations, 3ème éd., 2021, n. 21 ad art. 32 CO).

La manifestation de la volonté d'agir au nom d'autrui peut intervenir de manière expresse ou par actes concluants. La manifestation intervient par actes concluants lorsque le tiers doit déduire l'existence d'un rapport de représentation des circonstances. Aussi celui qui laisse créer l'apparence d'un pouvoir de représentation se trouve-t-il lié par les actes accomplis en son nom (ATF 131 III 511 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_58/2010 du 22 avril 2010 consid. 4.2).

6) En l'espèce, il n’est pas contesté par la recourante, ni par l’autorité intimée, que les personnes ayant travaillé au domicile de sa mère aient été liées par autant de contrats de travail, quand bien même ces derniers n’ont pas pris la forme écrite. Seule sa qualité d’employeuse est remise en cause.

La recourante retient que l’autorité intimée aurait seulement examiné le critère de la subordination pour lui attribuer, à tort, cette qualité. Elle ne peut toutefois être suivie. Si certes cet élément a principalement été analysé, l’OCIRT l’estimant prépondérant, les critères du salaire, de la prestation de travail, ainsi que des modalités de fin de contrat ont également été pris en compte. S’attacher en particulier à l’examen du lien de subordination n’est au demeurant pas contraire à la jurisprudence citée plus haut, ce lien constituant un critère caractéristique et essentiel du contrat de travail.

La recourante soutient qu’il n’y aurait aucun lien de subordination entre elle et les employées de maison.

Contrairement à ce qu’elle allègue, il ressort des témoignages des employées qu'elle les choisissait, les recrutait et les payait. Certes, sa mère était, selon ses dires, consultée et avait le dernier mot, mais ces affirmations ne sont corroborées par aucune pièce au dossier, à l’exception des documents formels signés par sa mère, pour la plupart après que le contrôle ait été initié par l'OCIRT. Les employées interrogées à ce sujet, allophones, ont au demeurant toutes déclaré qu’elles n’en comprenaient pas la teneur. En outre, la recourante ne peut être suivie lorsqu'elle allègue que la prestation de travail était effectuée en faveur de sa mère seule. En effet, cette prestation la soulageait en réalité également dans son quotidien. Cela étant, cet élément est sans portée dans l’appréciation de la faute de la recourante.

Les employées concernées ont aussi toutes déclaré que la mère de la recourante n’avait aucun pouvoir de décision et que tout passait par sa fille, ce qui est corroboré par les quelques messages via l'application WhatsApp figurant au dossier, qui concernent des changements d’horaires, refusés par la recourante. Ainsi, quand bien même il est possible que la mère de la recourante n'ait pas maîtrisé ce moyen de communication, la recourante n'a dans ses messages nullement indiqué transmettre la position de sa mère, mais bien la sienne. Par ailleurs, deux employées ont dit avoir essuyé une réprimande de la recourante quand elles se sont adressées uniquement à sa mère pour modifier ponctuellement leurs horaires. La recourante n’est ainsi pas crédible lorsqu'elle affirme qu’elle ne donnait pas d’instruction aux employées. Finalement, le fait que les outils de travail (logement, nourriture et produits d’entretien) étaient fournis par Mme C______ n’est pas déterminant, puisque la prestation consistait justement à s’occuper de cette dernière, à son domicile. Il résulte de ces éléments que la recourante a revêtu la position d'employeuse.

Néanmoins, dans la mesure où il apparaît que tous les documents d’employeur ont été signés par sa mère, dont il n'a pas été dit qu'elle n'aurait pas eu une pleine capacité de discernement, d'ailleurs présumée (ATF 134 II 235
consid. 4.3.3 ; Paul-Henri STEINAUER/Christiana FOUNTOULAKIS, Droit des personnes physiques et de la protection de l’adulte, 2014, p. 34 ) et où l'OCIRT lui-même, avant le décès de celle-ci, a retenu que les deux femmes étaient co-employeuses, soulignant « un rapport de subordination au moins aussi important » des travailleuses avec chacune d'elles, il y a lieu de retenir cette solution, qui est au plus proche de la réalité telle qu'elle ressort du dossier.

7) La recourante remet ensuite en cause le total des heures de travail retenu par l’OCIRT et de facto le montant total de salaire minimum, sur la seule problématique des nuits. Aucune veille n’était exigée des employées, qui n’étaient pas sollicitées et pouvaient dormir toute la nuit. Si une veille devait être retenue, il s'agirait uniquement d’un cas de présence obligatoire.

Le litige ne concerne que l’amende infligée à la recourante. Cela étant, le montant de l’amende tient compte des heures et du montant de salaires retenus par l’OCIRT, de telle sorte que l’analyse du montant total minimum, s’il ne lie pas la chambre de céans, conserve une pertinence dans le cadre du présent litige.

a. Selon le CTT-EDom, en vigueur dès 2016 et jusqu’à la fin des relations de travail entre les parties, sauf pour Mme I______, lorsque le travailleur accomplit des veilles de nuit, les salaires minimaux sont majorés d’une indemnité de CHF 7.55 par heure de veille, pour les heures entre 20 heures et 7 heures (art. 10 al. 1bis CTT-EDom).

b. Le travail à rémunérer, au sens de l'art. 319 CO, s'entend de toute occupation humaine qui tend, de manière planifiée, à la satisfaction d'un besoin. Il ne s'agit pas nécessairement d'un comportement actif. Lorsque le travailleur se tient prêt à fournir sa prestation, cette seule disponibilité à travailler contribue en effet à la satisfaction des besoins de l'employeur. Le service de disponibilité est une prestation de travail ; il ne se conçoit que contre rétribution (art. 320 al. 2 CO), car le travailleur ne fournit pas cette prestation de manière désintéressée, mais en vue de la prestation principale (rémunérée) (ATF 124 III 249 consid. 3b ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_96/2017 précité consid. 2.1 et 4A_334/2017 du 4 octobre 2017 consid. 2.2 et 2.3).

Par définition, le service de piquet implique une disponibilité. Il correspond au temps pendant lequel le travailleur se tient, en sus du travail habituel, prêt à intervenir, le cas échéant, pour remédier à des perturbations, porter secours en cas de situation d'urgence, effectuer des visites de contrôle ou faire face à d'autres situations particulières analogues. Lorsqu'il est assuré dans l'entreprise, le service de piquet (ou de garde) est une prestation de travail et donne lieu à rémunération ; peu importe que le travailleur ait eu ou non à intervenir concrètement, ni qu'il ait disposé de temps de repos pendant sa permanence (arrêt du Tribunal fédéral 4A_96/2017 précité consid. 2.1 et les références citées ; CAPH/89/2018 du 29 juin 2018 consid. 4.1.2).

c. En l’espèce, les parties ne s’accordent pas sur la notion de veille. Selon l’OCIRT, toutes les employées avaient l’obligation, même durant leurs jours de congé, de revenir à 17h00 voire 21h00 et de rester au domicile de la mère de la recourante durant la nuit. Deux d’entre elles ont indiqué avoir dû travailler seulement deux nuits, en raison d’un problème médical. Elles ont toutes mentionné au surplus que Mme C______ était indépendante la nuit. La recourante a expliqué quant à elle qu’il n’y avait pas de temps de veille attendu, ni même de présence obligatoire. Les deux nuits susmentionnées découlaient d’un problème de santé, ponctuel, qui avait nécessité une hospitalisation. Sa mère était indépendante la nuit, et portait une montre-bracelet qui l’appelait, de même qu'une centrale, en cas d’urgence. Elle avait d’ailleurs été utilisée à plus de trente reprises. Elle avait démontré par constat d’huissier que la configuration des lieux n’était pas adaptée à de la veille, les employées au 2ème étage ne pouvant entendre des cris depuis la chambre de sa mère, a fortiori durant des temps de sommeil.

Il ressort cependant des déclarations des employées que la recourante exigeait bel et bien leur présence à domicile, afin de pallier à d’éventuels imprévus, alors même qu’elles disposaient toutes, à l’exception de Mme I______, d’un logement externe, à leurs frais. Peu importe dès lors que résider sur place ait pu constituer un avantage pour les employées, car elles agissaient dans l'intérêt de la recourante et non à titre gracieux et désintéressé. Ceci ressort notamment du fait qu’en l’absence des employées (jours de congé ou vacances), une tierce personne assurait la présence de nuit auprès de la mère de la recourante.

Partant, la notion de veille telle que retenue par l’autorité intimée est conforme au droit et l’argumentation de la recourante à cet égard doit être écartée.

8) La recourante conteste tant le principe que le montant de l'amende administrative.

a. Sont considérés comme travailleurs de l'économie domestique, au sens du CTT-EDom, les travailleuses et travailleurs occupés dans un ménage privé (art. 1 al. 1 let. a CTT-EDom).

Selon l’art. 1 al. 2 LDét, parmi les objectifs de cette loi figure le contrôle des employeurs qui engagent des travailleurs en Suisse, et les sanctions qui leur sont applicables en cas de non-respect des dispositions relatives aux salaires minimaux prévus par les contrats-types de travail au sens de l'art. 360a CO. La recourante, au vu de ce qui précède, appartient à cette catégorie d’employeurs, est donc soumise au respect des dispositions précitées qui renvoient à celles du CTT-EDom.

Aux termes de l’art. 1 al. 2 CTT-EDom, ce dernier s’applique à tout le personnel affecté aux activités domestiques traditionnelles ou nouvelles, notamment aux maîtres d'hôtel, gouvernantes, cuisiniers, cuisinières, valets de chambre, femmes de chambre, chauffeurs, jardiniers, jardinières, ainsi qu’aux autres employés de maison affectés notamment au nettoyage, à l’entretien du linge, aux commissions, à la prise en charge d’enfants, de personnes âgées, de personnes handicapées et de malades, à l’assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées et aux malades dans la vie quotidienne.

Un contrat type de travail ne peut en principe que contenir des règles dispositives auxquelles les parties à un contrat individuel de travail peuvent déroger, le cas échéant dans le respect de la forme écrite (art. 360 al. 2 CO). L’art. 2 CTT-EDom prévoit expressément qu’il est possible de déroger à certaines dispositions pour autant que les dérogations revêtent la forme écrite et soient conformes au droit fédéral et cantonal.

b. Les salaires minimaux prévus dans le CTT-EDom ont un caractère impératif au sens de l’art. 360a CO (art. 10 al. 7 CTT-EDom). Les contrats-types édictés en application de l’art. 360a CO, relatif aux salaires minimaux, présentent un caractère impératif, de sorte qu’il ne peut être dérogé aux salaires minimaux en défaveur du travailleur (art. 360d al. 2 CO).

c. L’art. 10 CTT-Edom, dans sa teneur applicable au moment des faits, concrétise l’obligation de l’employeur de verser les salaires minimaux à ses employés pour une durée hebdomadaire de 45 heures, étant précisé qu’en cas de travail partiel, le salaire minimum est calculé prorata temporis (art. 10 al. 7 CTT-EDom). Les salaires minimaux étaient, pour un employé non qualifié avec au moins quatre ans d’expérience professionnelle utile au poste, de CHF 4'029.- (art. 10 al. 1 let. eCTT-EDom, état au 1er janvier 2017) et pour un employé non qualifié sans expérience professionnelle, de CHF 3'756.- (let. f). Ils s’élevaient, à partir du 1er janvier 2018, à CHF 4'077.- pour un employé non qualifié avec au moins quatre ans d’expérience professionnelle utile au poste et à CHF 3'801.- pour un employé non qualifié. A partir du 1er janvier 2021, ils sont de CHF 4'512.- pour les deux catégories de travailleurs, sans distinction.

Les montants ci-dessus comprennent le salaire en nature pour le logement et pour la nourriture. S’il est logé ou nourri par l’employeur, le travailleur reçoit en espèces la différence entre ces montants et la valeur du logement ou de la nourriture selon les normes AVS en vigueur, rappelées en annexe au CTT-EDom (art. 10 al. 3 CTT-EDom dans sa version au 1er janvier 2017).

Un décompte détaillé mentionnant les composantes du salaire (notamment salaire brut, heures supplémentaires), ainsi que les retenues (notamment AVS, assurances, impôt à la source) est remis chaque mois au travailleur (art. 10 al. 6 CCT-EDom).

d. La LIRT précise la mise en œuvre, dans le canton de Genève, de la LDét (art. 1 al. 2 LIRT).

En vertu de l’art. 35 al. 3 LIRT, l’OCIRT est l'autorité de contrôle compétente pour le prononcé des sanctions et mesures administratives prévues par l'art. 9 LDét. En outre, il est spécifiquement désigné pour être l’autorité compétente pour contrôler le respect des salaires minimaux prévus dans les contrats-types de travail (art. 34A LIRT) et pour prononcer les sanctions administratives qui s’imposent selon l’art. 9 LDét en cas de non-respect de ceux-ci (art. 34B al. 1 LIRT).

e. La LDét ne contient aucune précision concernant les principes afférents au prononcé d’une amende administrative et à sa quotité. Les règles générales en la matière peuvent ainsi s’appliquer, rien ne s’y opposant.

Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/508/2020 du 26 mai 2020 consid. 4b ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 160 n. 1.4.5.5 ; plus nuancé : Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 413 n. 1211).

f. En vertu de l'art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du CP s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement les juridictions pénales (notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss et 106 al. 1 et 2 CP ; ATA/422/2020 du 30 avril 2020 consid. 18c ; ATA/1370/2019 du 10 septembre 2019 consid. 3c).

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence (ATA/407/2020 du 30 avril 2020 consid. 7c ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 8ème éd., 2020, p. 343 n. 1493).

g. Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La chambre administrative ne la censure qu'en cas d'excès ou d'abus de ce dernier (ATA/526/2020 du 26 mai 2020 consid. 10b).

L'autorité prend en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises, dans le respect du principe de proportionnalité (art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; ATA/326/2020 du 7 avril 2020 consid. 8b ; ATA/1365/2017 du 9 octobre 2017 consid. 9e).

L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/280/2020 du 10 mars 2020 consid. 6b).

Enfin, selon l'art. 49 al. 1 CP, lorsque par un ou plusieurs actes, la même personne encourt plusieurs sanctions, la juridiction la condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion (arrêt du Tribunal fédéral 6B_776/2019 du 20 novembre 2019 consid. 4.1). De plus, lorsqu'une personne est sanctionnée pour des faits commis avant d'avoir été condamnée pour une autre infraction, la juridiction doit fixer la sanction de manière à ce que le contrevenant ne soit pas puni plus sévèrement que si un seul jugement avait été prononcé (art. 49 al. 2 CP ; ATA/1504/2017 du 21 novembre 2017 consid. 4d).

h. À titre exemplatif, il ressort de la jurisprudence que dans une affaire dans laquelle un employeur avait affecté pendant près d’une année son employé à des activités domestiques traditionnelles, sans respecter les salaires minimaux impératifs prévus par le CTT-EDom, impliquant un rattrapage salarial brut de CHF 19'750.-, la chambre administrative a confirmé l'amende de CHF 2'000.- infligée par l'OCIRT (ATA/1057/2017 du 4 juillet 2017). La quotité maximale fixée dans la loi à cette période était de CHF 5'000.-.

Elle a fait de même s'agissant d'une affaire de violation des salaires minimaux prévus par la convention collective cadre dans le commerce de détail dans laquelle l’OCIRT avait fixé l'amende au maximum, soit CHF 5'000.-, compte tenu de la quantité considérable de la sous-enchère salariale (CHF 329'120.60), de sa durée (plus de deux ans et demi) et du nombre de collaborateurs concernés
(septante-neuf), soit la totalité des employés soumis à la convention collective (ATA/647/2016 du 26 juillet 2016).

i. À titre comparatif, elle a, en revanche, réduit à CHF 3'500.- l'amende initialement fixée à CHF 5'000.-, pour un employeur n'ayant pas respecté les salaires minimaux impératifs prévus par le contrat-type de travail avec salaires minimaux impératifs des esthéticiennes du 18 décembre 2012 (CTT-Esthé – J 150.16), pour deux employées, pendant plusieurs mois, entraînant un rattrapage de CHF 10'175.84. Il s’agissait de la première infraction commise par l'employeur en cette matière et celui-ci avait collaboré à l'établissement des faits (ATA/126/2016 du 9 février 2016).

L'amende fixée à CHF 2'500.- a en revanche été confirmée, s'agissant également d'une violation des salaires minimaux impératifs prévus par le CTT-Esthé, sur une durée de moins d'une année et concernant un arriéré salarial évalué entre CHF 10'000.- et CHF 15'000.-, du fait qu’une seule employée était concernée et que la recourante avait déjà fait l’objet, par le passé, d’un rattrapage salarial (ATA/1447/2017 du 31 octobre 2017).

9) En l'espèce, avant de prononcer l'amende, l’OCIRT a laissé la possibilité à la recourante de se conformer au salaire minimal contenu dans le CTT-EDom. Elle ne l'a pas fait, pas plus que sa mère.

Cela étant, il sera souligné qu’il ressort du dossier que l’OCIRT, dans la demande de mise en conformité, a retenu le salaire minimum fixé dans le CTT-EDom pour un employé non qualifié avec au moins quatre ans d’expérience professionnelle utile au poste. Or, l’OCIRT à cet égard ne semble s’être appuyé que sur les témoignages des employées, qui n’ont pas démontré par pièces être au bénéfice d’une telle expérience. Une d’entre elles a d’ailleurs déclaré n’avoir que deux ans d’expérience dans les ménages privés (Mme L______), sans que cela ne modifie le salaire minimal retenu pour cette dernière. Il n’est dès lors pas possible de ce point de vue de retenir, comme l’a fait l’office intimé, une expérience professionnelle d’au moins quatre ans utile au poste d’employée exerçant une activité domestique traditionnelle, ce qui modifie d’autant le salaire minimum applicable. En outre, le tableau récapitulatif figurant en p. 11 de la demande de mise en conformité semble être entaché d’erreurs, notamment de dates et de montants, en particulier dans le cas de Mme J______, et n’est ainsi pas suffisant pour retenir un montant total éludé de CHF 380'000.- environ, qui est contesté.

Cela étant, il est clair que les manquements reprochés à la recourante et qui l'ont également été à sa mère, notamment dans les courriers identiques du 3 mars 2021, sont réalisés et constituent des fautes passibles d'une amende administrative. Celle-ci est donc fondée dans son principe.

10) a. L’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (ATA/319/2018 du 10 avril 2018 ; ATA/1239/2017 du 29 août 2017).

Pour satisfaire au principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.), il faut que la décision prononcée soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude), que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) et qu'il existe un rapport raisonnable entre le but d'intérêt public recherché par cette mesure et les intérêts privés en cause, en particulier la restriction à la liberté personnelle qui en résulte pour la personne concernée (principe de la proportionnalité au sens étroit ; ATF 136 IV 97 consid. 5.2.2).

b. En l’espèce, l’OCIRT a déterminé le montant de l’amende en fonction de l’importance de la sous-enchère salariale, du nombre d’employées et d’années concernées, du montant du rattrapage salarial exigé, et de la faible collaboration de la recourante durant la procédure.

Une faute a été indéniablement commise par la recourante, durant plusieurs années, soit de février 2017 à février 2021 et au préjudice de cinq employées. Néanmoins, contrairement à ce qu’a retenu l’office intimé, la collaboration de la recourante à l'établissement des faits doit être jugée comme moyenne et non faible. En effet, tous les documents ont été produits en temps utiles par sa mère, l’OCIRT n’exigeant pendant près d’un an aucun document de la recourante. En outre, au vu de la difficulté pour l’OCIRT de déterminer qui était employeur, de ses hésitations à cet égard, ainsi que de la position de la mère de la recourante qui a d'emblée indiqué être l'employeuse, cette collaboration moyenne de la recourante ne peut lui être totalement reprochée. En outre, il s’agit de sanctionner certes plusieurs infractions, mais pour la première fois.

Dans ces conditions, compte tenu de l’ensemble des circonstances de la cause et de la jurisprudence de la chambre administrative en la matière, l’amende administrative de CHF 28’000.- infligée à la recourante paraît nettement disproportionnée et sera ramenée à CHF 14'000.-, ce montant apparaissant plus conforme au principe de la proportionnalité.

Ainsi, le recours sera partiellement admis et la décision querellée annulée, uniquement en ce qui concerne le montant de l'amende.

11) Vu l’issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure, réduite, de CHF 500.- lui sera allouée, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui l'OCIRT (art. 87 al. 2 LPA). 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 mai 2022 par Madame A ______ contre la décision de l’office cantonal de l'inspection et des relations du travail du
14 avril 2022 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision précitée uniquement en ce qui concerne le montant de l’amende et ramène celui-ci à CHF 14’000.- ;

confirme la décision querellée pour le surplus ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Madame A______ ;

alloue à Madame A______ une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yann Lam, avocat de la recourante, à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail, ainsi qu’au secrétariat d’État à l’économie (SECO).

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mmes Lauber et McGregor, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :